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Full text of "Revue d'histoire ecclésiastique"

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Revue d'Histoire Ecclésiastique 


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UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN 


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REVUE 
D'HSTOIRE ECCLÉSIASTIQUE 


fondée en 1900 par: : :. 
À. CAUCHIE et P. LADEÈUZE 
et publiée sous la direction de 


À. DE MEYER, R. KOERPERICH, J. LEBON 
CH TERLINDEN, É. TOBAC et L. VAN DER ESSEN 


Tome XX 


L. — ARTICLES, COMPTES RENDUS ET CHRONIQUE 


LOU VAIN 
BUREAUX DE LA REVUE 


40, RUE DE NAMUR, 40 


Tous droits de reproduction ct de traduction réservés. 


Louvain, — Imprimerie Pre=RRe SMEESTERS, rue Ste-Barbe, 18. 


1924 


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UNIVERSITÉ CATROPISCE DE LOUVAIN 


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REVUE 
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE 


_ fondée en 1900 par 
A. GAUCHIE et P. LADEUZE 
et publiée sous la direction de 


À. DE MEYER, R. KOERPERICH, J, LEBON 
CH. TERLINDEN, É. TOBAC et L. VAN DER ESSEN 


SOMMAIRE : 


J. Lebreton. Le désaccord de la foi populaire et de la théologie 
Svante dans l’Église chrétienne du me siècle (suite et fin) . 


René Draguet. Un commentaire grec arien sur Job . 


Compte chèques-postaux n° 39,421 


LOUVAIN 
BUREAUX DE LA REVUE 


40, RUE DE NAMUR, 40 
Tous droits de reproduction ct de traduction réservés. : 


Louvain, — Imprimerie Pire SMEESTERS, rue Ste-Barbe, 18. 


1924 


COMPTES 


H. Leisegang. Pneuma Hagion. Der Ur- 
Sprung des Geistbegriffs der synoptischen 
Evangelien aus der griechischen Mystik. 
(Verotfenilichungen des Forschungsinstituts 
für vergleichende Religionsgeschichte an 
der Universität nude N. 4.) (J. CoPPExSs.) 


Se. A2] 


L. Todesco. Coisé: di bia della Chiesa. 
Vol. 1 : 1 primi 300 anni. (A. DE MEYER.) 
11 


G. Ghedini. Letiere cristiaue dai papiri grect | 


del II e 1V secolo. (Supplementi au « Aegyp- 
tis », Serie divulgazione, sez. ureco-romana, 
n. à. Pubblicazioni della università cat. 
S. Cuore, sez. . filologica, vol. ne DRAGUET.) 
. + ‘78 
Dom H. Quentin. Ménote sur | létablisse- 
ment du lexte de la Vulgate, tre partie : 
Oclateuque. (Collectanea biblica latina. 
Vol. VI) (E. ToBac.). à, . s su 
D. L. Redonet. EI irabajo bänpal en las 
reglas monäsiicas. Discurso y Contestacién. 
(Real Academia de ciencias morales y poli- 
ticas.) (L. GOLDARACENA, O. M. Cap.) . 84 
A. W. Wade-Evans. Life of Saint David. 
(L. Goucaup, 0. S. B.). . . . 89 
Éginhard. Vie de Charlemagne, éditée et 
traduite par Louis Halphen. (AUGUSTIN 
FLICHE.). . . 90 
Dom Ch. Poulet, o. s. B. Guelfes et Gibelins. 
T. 1 : La lutte du Sacerdoce et de |’ Empire 
ue -1250). T. II : La diplomatie ponliticale 
à l'époque de la domination française (1266- 
1372). Home (E. DE MOREAU, S. J.) 
. «+ 91 
Amédée Boinet. La cathédrale d'Amiens. 
(Collection des petites monographies des 
grands édifices de la France.) (AUGUSTIN 
FLICHE.). . . . + 92 
Jean Vallery-Radot. La cathédrale de 
Bayeux. Sr JAUGUSTIN FLICHE.) 
5 # M 
N. Paulus. Geschichte ie Abliies im 
Mittelalter. Vol. Let IE : Vom Ursprunge bis 
zur Mite des 14. Jahrhunderts. Vol. IH : 
Geschichte des Ablasses im Ausgange des 
Miltelalters. (A. JANSSEN.) . . . . . 94 
H. Martin. La miniature française du 
Nine Siècle. (R. MAERE.). . . . , 97 
L. Brochard. Histoire de la paroisse et de 
l'église Saint-Laurent à Paris. (J. LavaL- 
LEYE) 99 


RENDUS 


H. J. Warner. The Albigensian Heresy. 


(Studies in Church History.) (E. DE MOREAU', 
Se mou . + + 401 


Dr. Alex. Birkenmajer. Vermischté Ünter- 


suchungen zur Geschichte der mittelalter- 
lichen Philosophie. (Beiträge zur Geschichte 
der Philosophie des M.-A. Hrsg. v. C1. 
Baeumker. T. NX, fusc. 5.) (R.-M. MARTIN, 
LAS LS RE 102 


Reginald Lane Poole. isiratons of the 


history of mediaeval Thought and Learning. 
2e édil. revue. (MAURICE DE WCLF.). 104 
P. Fredericq (+). Corpus documentorum 
sacralissinarum indulgentiarum neerlan- 
dicarum. Verzameling van stukken betret- 
fende de pauselijke aflaten in ue Nederlanden 
(1300-1600). (Rijks’ geschiedkundige publi- 
Caliën, uityegeven in opdracht van Z. Exc. 
den Minister van Onderwijs, Kunsten en 
Wetenschapnen. Kleine serie, n° 21.) (A. 
JANSSEN,) , . . 5 + *. 1405 
Alexandre Masseron. Les énigmes de la 
Divine Comédie. (ALPHONSE BAYOT.) 107 
Dr Georg Heidingsfelder. Alberl von Sach- 
seu. Sein Lebensyang und sein Kommentar 
zur Nikomachischen Ethik des Arisloteles. 
(Beiträge zur Gesch. der Philos. des M.-A. 
Hrsg. v. CL Baeumker. T. XXIL, fasc. 3-4.) 
. (R.-M. ManTIN, O. P.) . . 109 
Paul Kalkoff. Der Wormser Reichstag von 
1521. Biographische und quellenkritische 
Studien zur Relor ie (P, M. 
PIETTE.). , . . + fi 
Ulrich Schmidt, ©. F. M. kdspar Schatz- 
seyer, O.F.M. Scrutinium divinae scriplurae 
pro concilialione dissidentinm dogmatum 
(1522). (Corpus catholicorum. Fasc. 5.) (A. DE 
MEYER.). . ; 113 
Henri Naef. La cojuration d’Amboise et 
Genève. (P. M. PIETTE.) . . . . 114 
The Spirit of Saint Jane Frances de Chantal 
as shown by her letters, translated by the 
Sisters of the Visitation Harrow-on-the-Hill, 
with a Preface by His Eminence Cardinal 
Bourne. (J. FORGET.) . . . . + 116 
Augustin Gazier. Histoire générale du 
mouvement janséniste, depuis ses origines 
jusqu'à nos jours. (A. DE MEYER.) . . 4119 
D: Johannes B. Kissling. Der deutsche 
Protestantismus (117-1917). Eine seschicht- 
Jiche Darstellung. T. 1-1. (GEORGES Goyar.) 


* 
e . . L2 


| sésaceard de la foi populaire ot de la théologie savante 


| dans l’Église chrétienne du III° siècle. 
(Suite et fin.) 


| in. 


Chez les maitres alexandrins dont nous venons de retracer la 
‘«trine, la distinction des divers degrés de connaissance ou de 
#rection religieuse se ressent, nous l'avons vu, de l'influence de la 
{ ze. Sans duute cette influence ne va jamais jusqu’à introduire 

ts la religion de ces écrivains le déterminisme gnostique ; ils 
| “poussent de toutes leurs forces ce fatalisme qui sépare 1 humanité 
| iastes, voue quelques privilégiés à la perfection chrétienne, et 

4 bannit à tout jamais les autres. Mais, sous le bénéfice de cette 
| erve, qui est essentielle, il faut bien accorder que les maîtres de 
lément, et Clément lui-même et Origène ont reçu du gnosticisme 
aines doctrines qui ont pénétré toute leur théorie de la connais- 
ue religieuse : au-dessus de la foi vulgaire, accessible à tous les 
étiens, ils ont imaginé une connaissance religieuse qui viendrait 
fane tradition secrète, qui aurait le caractère d’une intuition immé- 
jite et qui transformerait toute la vie, pour toujours. 
| Lette conception aventureuse ne se rencontrera plus dans l'Église 
äbolique après Origène; et, de ce fait, la cause des conflits aigus 
| at e l'élite et la foule disparaîtra: mais on verra de nouveau en 
| ‘rient, comme nous en avons vu en Occident, des théologiens trop 
«ns de leurs spéculations, se laissant entrainer par elles et perdant 
| arfois le contact avec la masse des simples croyants. 
| (ette période se distinguera des précédentes en ce que ces théolo- 
“as ne seront plus isolés, mais groupés en écoles, autour de chefs 
nt ils recoivent l'impulsion et dont ils propagent la doctrine. 
\nsi vont se constituer à Alexandrie, à Césarée, à Antioche, des 
atres d’études théologiques dont nous ne trouvons point l'équiva- 
‘1, à cette époque, en Occident (1). Ces créations marquent, sans 


: On pourrait comparer l'école catéchétique de Rome, au second siècle, 
2 saint Justin, Tatien, Rhodon. Cfr HAGEMANN, Die rümische Kirche 
r:bourg, 1864), p. 104-119; mais l’ana'ogie est bien lointaine : on trouve là 
-+ succession de maîtres, mais non pas une école qui puisse être comparée 
“ne cohésion et comme influence à l’école d'Origène ou à celle de Lucien. 


6 J. LEBRETON. 


aucun doute, un progrès de la pensée chrétienne : elle s'organise à 
l'intérieur du christianisme et elle se fait plus conquérante au 
dehors. Mais ce progrès a aussi ses dangers : si l’action du maître 
n’est pas de tout point bienfaisante, — et ce fut le cas pour Origène 
et, bien plus encore, pour Lucien d’Antioche, — les dommages en 
sont bien plus sensibles, quand cette action est propagée par toute 
une école de disciples : plus l’autorité du chef est contestée, plus 
ses disciples se passionnent à la défendre, au risque parfois de 
dépasser sa pensée et de la fausser ; et puis c’ st entre eux un esprit 
de camaraderie, qui risque de faire dégénérer une école en une 
coterie, de faire, par exemple, du groupe des collucianistes cette 
équipe d’intrigants qui porte la plus grande responsabilité dans la 
première propagation de l’arianisme. Si ces dangers furent alors si 
redoutables, c'est que chez un bon nombre de ces théologiens, la 
valeur morale et religieuse n’était pas à la hauteur du talent : la 
rapide esquisse que nous allons tracer nous le fera déjà pressentir ; 
l’histoire d’Arius et de son groupe le montrerait beaucoup plus 
clairement encore. 

Les remarques que nous venons de faire n’atteignent pas les 
premiers théologiens que nous avons à mentionner ; ce sont des 
évêques admirables et des saints : saint Denys d'Alexandrie et saint 
Grégoire le Thaumaturge. Et cependant, chez l'un et chez l’autre, on 
remarque, pour les hautes spéculations, une passion qui n’était pas 
toujours sans excès ni sans danger. Dans une lettre à Philémon, 
dont Eusèbe nous a conservé un fragment (1), Denys raconte que, 
dans les premiers temps qui suivirent sa conversion, il continuait à 
lire les livres hérétiques ; un prêtre essaya de l'en détourner, lui 
représentant le danger de contagion ; « une vision envoyée de Dieu 
survint, qui me fortifia, et une parole se fit entendre à moi, qui me 
donna un ordre et me dit en termes exprès : Prends tout ce qui te 
tombera sous la main, car tu es capable de redresser et d'examiner 
chaque chose, et, pour toi, cela a été dès le commencement la cause 
de la foi. J'ai reçu cette vision comme concordant avec la parole 
apostolique qui disait aux plus puissants : Devenez des changeurs 
avisés. » On reconnaît la tradition alexandrine, non seulement dans 
cette indulgence pour les écrits hérétiques, dans la citation de ce 
logion cher à Clément et à Origène, mais aussi dans ce privilège 
accordé aux « plus puissants » : ils ne sont point des enfants dans 
le Christ, ils sont capables de surmonter les dangers, de discerner 
les erreurs. 


(x) H. E,, VII 7; éd. FELTOE, p. 52. 


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LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 7 


Plus caractéristiques encore sont les fragments qui nous sont 
parvenus de son œuvre philosophique et théologiqu:: : son Traité de 
la nature, dirigé contre Épicure ; ses deux livres de Réfutation et 
d'Apologie, où, pour défendre sa théologie de la Trinité. il com- 
mence par prouver qu’il est métaphysiquement impossible que la 
matière soit improduite (1). 

La controverse qui motiva cette Apologie ne peut être ici racontée 
en détail ; il faut cependant la rappeler brièvement, car c’est un des 
incidents les plus révélateurs de l’histoire que nous essayons de 
retracer. Pour combattre le sabellianisme, qui était très répandu 
dans la Pentapole de Libye, Denys envoie plusieurs lettres aux 
évêques de ce pays et leur expose la théologie de la Trinité ; une de 
ces lettres, adressée à Ammonius et Euphranor, fait scandale dans 
certains milieux d'Alexandrie ; elle est déférée à Rome ; le pape 
Denys juge l'affaire si grave qu'il croit devoir convoquer un concile. 
Les évèques qui y prennent part, se prononcent unanimemernit contre 
l'évêque d’Alexandrie. Cette sentence fut signifiée par l’évêque de 
Rome : dans une lettre personnelle, adressée à Denys d'Alexandrie, 
il l’invitait à s'expliquer; dans une lettre publique, destinée à 
l'Église d'Alexandrie, il ne nommaïit pas l’évêque, mais condamnait 
sa doctrine. Cette distinction des deux messages avait sans doute 
pour but de ménager l'autorité de l’évêque ; mais, en même temps, 
elle était motivée par le désir d'atteindre tous ceux qui, à Alexandrie, 
tenaient les thèses incriminées ; il suffit de relire le document 
pontifical pour s’en rendre compte : après avoir condamné le sabel- 
lianisme, Denys de Rome écrivait : 


Ensuite je dois m'adresser à ceux qui divisent, qui séparent, qui 
suppriment le dogme le plus vénérable de l'Eglisa de Dieu, la 
monarchie, en trois puissances ou hypostases séparées et en trois 
divinités. Car j'ai appris que, parmi ceux qui chez vous sont caté- 
chistes et maîtres de la doctrine divine, il en est qui introduisent cette 
opinion; qui sont, pour ainsi dire, diamétralement opposés à la pensée 
de Sabellius. Son blasphème, à lui, c’est de dire que le Fils est le Père, 
et réciproquement ; mais eux préchent, en quelque façon, trois dieux, 
divisant la sainte unité en trois hypostases étrangères, entièrement 
séparées. Car il est nécessaire que le Verbe divin soit uni au Dieu de 
l'univers ; et il faut que l’Esprit-Saint ait en Dieu son séjour et son 
babitation. Et il faut de toute façon que la sainte Trinité soit réca- 
pitulée et ramenée à un seul comme à son sommet, je veux dire le 
Dieu tout-puissant de l'univers ; car couper et diviser la monarchie en 
trois principes, c’est l’enseignement de Marcion l'insensé, c’est une 
doctrine diabolique, et non de ceux qui sont vraiment disciples du 


(1) Ap. Eus., Praepar. evang., VIL, 19 (FELTOE, p. 182-185). 


8 J. LEBRETON. 


Christ et qui se complaisent dans les enseignements du Sauveur. Car 
ceux-là connaissent bien la Trinité prêchée par l'Ecriture divine, mais 
(ils savent que) ni l'Ancien Testament ni le Nouveau ne prêchent 
trois dieux. 


L'évêque de Rome expose ensuite le dogme de la génération 
éternelle du Fils, puis il termine ainsi sa lettre : 


Il ne faut donc pas partager en trois divinités l’admirable et divine 
unité, ni abaisser par (l'idée de) production la dignité et la grandeur 
excellente du Seigneur, mais croire en Dieu le Père tout-puissant et 
au Christ Jésus son Fils et au Saint-Esprit, et (croire que) le Verbe 
est uni au Dieu de l'univers. Car il dit : Moi et mon Père nous sommes 
une seule chose ; et : Je suis dans le Père et le Père est en moi. C’est 
ainsi qu'on assure la trinité divine, et en même temps la sainte prédi- 
cation de la monarchie (1). 


Ce document est d’une importance capitale dans l’histoire du 
dogme anténicéen ; mieux qu'aucun autre peut-être il éclaire les 
relations de la théologie et de la foi, soit par les adversaires qu'il 
vise, soit par les affirmations qu'il porte. Denys de Roïine parle de 
ceux qui, à Alexandrie, sont « catéchistes et maitres de la doctrine 
divine » : manifestement il a en vue l'école catéchétique el sa tradition 
origéniste. Sans doute, au sein même de cette école, l'influence 
d’'Origène n'est pas incontestée : la réserve d'Héraklas et de Denys 
envers leur ancien maitre le montre assez; cette école d’ailleurs 
était discutée à Alexandrie : la dénonciation portée contre l'évêque 
le prouve, et Denys de Rome a soin de marquer que, parmi les 
catéchistes, quelques-uns seulement tiennent les thèses incriminées. 
Mais, encore une fois, Denys d'Alexandrie n’est pas seul ; il a autour 
de lui tout un groupe, et les idées qu'il a exposées et défendues, il 
les a empruntécs à la tradition doctrinale de cette école. Et c’est ce 
qui explique la procédure suivie : la convocation du concile romain, 
et cette lettre publique ct si grave adressée à l'Eglise d’Alexandrie. 

Les thèses que les Romiuüins imputent aux catéchistes d'Alexandrie 
se résument en un mot : le trithéisme : « ils prèchent, en quelque 
facon, trois dieux, divisant la sainte unité en trois hypostases étran- 
gères entre elles, entièrement séparées ». L'accusation est sévère ; 
elle n'est pas nouvelle ; on y a vu, non sans raison, un écho des 
dénonciations portées contre Origène et aussi des reproches faits à 
Hippolyte par Calliste (2). 


(1) Ap. ATHAXAS., de Decretis Nic. Syn., 26 (MIGNE, PG, t. XXV, c. 461- 
465 ; RouTH, Reliquiae sacrae, t. IT, p. 373-377 ; FELTOE, p. 177-182). 
(2) HAGEMANN, op. cit., p. 334-335, rappelant la condamnation d'Origène 


PR, RE “ER. A. —_— ES Lo, SR 


De mit À 
RS Re 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 9 


En face de ces thèses la position prise par Denys de Rome et son 
nelle est Ja position traditionnelle de l'Eglise de Rome : son 
rremicr souci est celui de l’uuité divine, de la « monarchie » : il 
affirme en tète de sa lettre, il y revient en conclusion. Et l’on 
remarquera aussi la forme de ce jugement : ici, comme dans les 
autres documents romains, ce qu’on trouve, c’est l'expression authen- 
tue de la foi ; point de spéculations théologiques, point de subti- 
les dialectiques, peu d'érudition scripturaire ; mais la déclaration 
aligorique de la foi professée par l’Église (1). Denys de Rome avait 


rar le svnode romain, estime que cette sentence est identique à celle qui est 
“tée 25 ans plus tard contre Denvs : « Ist nun aber die alexandrinische 
$.huic uberliaupt gemeint, so gewiss in erster Reihe Origenes, ihr glänzend- 
ser Lehrer..…. Von diesem Urtheile des Papstes Dionysius môügen wir einen 
ñuckschluss machen auf das Urtheil, das früher die rômische Synode über 
29 gesprochen hatte ». Cfr ib , p. 438 : e Der Tadel des Papstes ist allgemein 
und trifft die gesammte Katéchetenschule mit Origenes an der Spitze.» Il 
nantre aussi que le mot uzxcu0:, ici visé, avait été introduit dans la langue 
itévusique par Hippolyte, dans sa controverse avec Noët, mais était tou- 
ours resté suspect aux écrivains étrangers à cette école (p. 431-432). HARNACK 
rit de son côté, non sans mauvaise humeur : « La méchante accusation qui 
r'froche aux maitres alexandrins d'être trithéistes, ne doit-ellepas être rap- 
srochée du reproche fait à Hippolyte par Calliste d’être dithéiste. et n’a-t-on 
Fes peut-être le droit de conclure qu'Origène lui-même avait cté, à Rome, en 
butte à l'accusation de trithéisme ? » (Dogmengeschichte, t.], p. 771, n. 1.) 

it Harnack, qui a peu de sympathie pour ce genre de documents, écrit 
(Drmengeschichte, t. 1, p. 772) : « Si l’on compare cette lettre de Denys à celle 
se Léon Ier à Flavien ct à celle d'Agathon à l’empereur, on est étonné de 
reconnaitre, entre ces trois documents romains, une si étroite parenté. Leur 
lrme est entièrement identique. Sans se soucier des preuves, les trois papes 
ent eu uniquement en vue les conséquences — ou ce qu’ils prenaient pour 
lès cunséquences — des doctrines correctes. Partant de là, ils condamnent 
#3 doctrines du droite et de gauche, et établissent simplement une doctrine 
movenne, qui ne consiste qu'en mots, car elle est contradictoire. Ils la 
prouvent par le recours au symbole antique, sans même se mettre en peine 
ile pousser plus avant : un Dieu — mais Père, Fils et Saint-Esprit ; une 
rersonne — mais divinité parfaite ct humanité parfaite; une personne — 
mais deux énergies », et, cn note, il ajoute, au sujet de la conclusion de la 
tre : « On le voit, Denys met simplement en face l’une de l’autre « la 
sainte prédication de la monarchie » ct «la divine trinité » : stat pro ratione 
vo'untas ». Cette caricature des documents romains en charge les traits, 
c'est évident, mais ces traits, qu’elle charge jusqu’à les rendre difformes, 
sont des traits réels : Denvs, comme Léon, comme Agathon, n'est pas 
un théolog'en qui construit, mais un témoin qui conserve; son rôle n’est 
pas celui de l’explorateur qui recherche et qui découvre, ni même celui du 
polémiste qui argumente, c'est celui du jug” de la foi : il le garde ct ilen 
rend témoignage. Cfr l'excellent commentaire que Hagemann a donné, 
P. 432-445, de cette lettre de Denys. 


10 J. LEBRETON. 


une haute valeur personnelle : Denys d’\lexandrie en rendait 
témoignage, comme nous l'avons rappelé ci-dessus ; saint Basile 
aussi en fait un grand éloge (1); maïs ici ce n’est ni l’érudit ni le 
théologien qui parle, c'est le pape. Il ne se complait pas pour sa 
part dans les spéculations théologiques, et il se soucie peu de celles 
des autres ; on a remarqué que son argumentation ne lient pas 
compte des subtiles distinctions alexandrines sur les trois personnes 
ou sur le double état du Logos; il ne se soucie que des conclusions 
les plus apparentes, soit que les auteurs de ces doctrines les aient 
formulées eux-mêmes, soit qu’elles lui paraissent s’en dégager 
spontanément, et, parce que ces conclusions sont un danger pour la 
foi, il les rejette et, avec elles, la théologie qui les a portées (2). 

La lettre de Denys d'Alexandrie, malgré ses imprudences ou ses 
maladresses, était bien loin, à coup sûr, de l’enseignement d’Arius ; 
mais la lettre de Denys de Rome a déjà l’accent de Nicée : même 
souci de l'unité divine, même décision souveraine et catégorique 
dans la définition de la foi. Cette barrière infranchissable, contre 
laquelle soixante ans plus tard l’hérésie se brisecra, c’est elle qui 
arrête dès lors une théologie aventureuse. 

Les fragments de Denys d'Alexandrie, nous l’avons déjà remarqué, 
ont un caractère tout différent de la lettre de Denys de Rome : ce 
n'est pas un juge de la foi qu’on trouve chez lui, c’est un exégète (3) 
et surtout un métaphysicien, épris de ses belles spéculations. Il s'y 
complaît encore dans cette Apologie, tout entière destinée à mettre 
ea lumière son orthodoxie, et dont la plupart des fragments ne nous 
sont connus que par le choix pieux et très attentif qu'en a fait 
saint Athanase. Si, malgré cette sollicitude de l'écrivain lui-même et 
de son défenseur, sa pensée nous apparaît beaucoup moins ferme et 
moins exacte que celle de l’évêque de Rome, nous en conclurons que 


(x) Ép. IL, 7o (P. G., 32, 436). 

(2) HAGEMANN, p. 438; HARNACRk, p. 771 : e L'évéque de Rome ne s'est 
point soucié des spéculations alexandrines, il a laissé de côté leurs thèses 
compliquées, et s'en est tenu simplement au résultat, tel qu'il le saisissait : 
trois hypostases séparées ». DUCHESNE, Jlistoire ancienne de l’Église, t. 1, 
p. 488, parlant du système origéniste : « Le système était affaire d'école; il ne 
faisait pas partie de l'enseignement de l'Église ; on peut même dire que 
celle-ci l’ignorait. Quand des hommes de gouvernement, comme le pape 
Denys, en rencontraient des fragments isolés, ils ne se mettaient point en 
peine de les replacer dans la synthèse ct de les juger avec elle ou d’après 
elle ; ils les appréciaient à part, d'après l’enseignement commun, non de 
l'École, mais de l'Église. » Cfr FELTOE, p. 169 et n. 1. 

(3) Nous rappellerons un peu plus bas les deux livres de Denys sur les 
Promesses. 


RE EE, me — Te à _ Ce, RS. CHR mm 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTÉ. 11 


sa spéculation était pour lui un guide moins sûr que ne l'était, pour 
denys de Rome, la foi commune. 

Les imprudences de doctrine que nous avons dû relever chez 
saint Denys d’Alexandrie, nous ne les retrouvons pas chez saint 
Grégoire le Thaumaturge ; cependant ce grand missionnaire doit être 
mentionné ici, comme ua des plus chers élèves d’Origène. On sait 
æmment, tout jeune encore et se destinant à l’école de droit de 
Beyrouth, il fut conquis par le grand docteur de Césarée ; comment, 
la fin de ses études, il le remercia avec enthousiasme ; comment, 
devenu évêque, il lui resta fidèle, C’est assurément une des physio- 
souies les plus attachantes du mm siècle que celle de ce missionnaire 
gagnant à l'Évangile les tribus du Pont, les captivant également par 
sa condescendance et par ses miracles, et demeurant, parmi ce 
troupeau à peine chrétien, mal civilisé, un théologien passionné 
pour les plus hautes spéculations. 

Parmi ses œuvres les plus authentiques, d'un côté sa Lettre 
canonique, de l’autre son Symbole éclairent ces deux aspects de son 
génie. Malgré les adjurations pressantes d’Origène (1), il semble 
avoir été moins épris que son maître pour l'étude de la Bible; mais 
la philosophie, qui l'avait séduit dans sa jeunesse, resta toujours sa 
passion : son symbole en est tout plein (2), et tout autant son traité 
sur l'impassibilité de Dieu (3). 

Au second plan, derrière ces grands disciples d’Origène, on 
aperçoit toute une pléiade de lettrés ou de savants ; leurs œuvres ont 
péri; leurs noms ont été pieusement conservés par Eusèbe. C’est, par 
exemple, Anatole d'Alexandrie, mort évêque de Laodicée : « En ce 
qui concerne les connaissances, l'éducation grecque et la philoso- 


(1) Lettre à Grégoire, ch. 4 ; remarquer aussi dans le chapitre 3 les aver- 
tisscments que lui donne Origène sur les dangers que l'Égypte fit courir 
aux Israélites. Cfr KogTscHAU, Des Gregorios Thaumaturgos Dankrede 
(Fribourg, 1894), p. XVI-XVII. 

(2) Ce symbole se distingue des écrits théologiques de Denys d'Alexandrie 
par l’affirmation beaucoup plus ferme de l'unité des trois personnes ; il s’en 
rapproche par son caractère spéculatif : l'influence de la Bible y est effacée, 
celle de la métaphysique y est très apparente (cfr les remarques de HAN et 
de HarnacKk, Bibliothek der Symbole, p. 253-254) ; il faut noter de plus que 
ce symbole est exclusivement trinitaire ; il laisse de côté la christologie 
(cir KATTENBUsCH, Das apostolische Symbol, I, p. 341). 

(3) Cfr Harnacx, Dozmengeschichte, 1, p. 781. Il faudrait mentionner 
encore le petit traité intitulé Discours à Tatien sur l'âme : il n’est pas de 
saint Grégoire le Thaumaturge, il semble avoir été rédigé entre le ve et le 
vue siècle ; mais on y peut retrouver avec probabilité un fragment de saint 
Grégoire. Nous avons étudié ce traité et ses sources dans le Bulletin de Lit- 
térature ecclésiastique, 1906, p. 73-83. 


12 J. LEBRETON. 


phie, il était compté au premier rang des plus illustres de nos 
contemporains ; l’arithmélique, en effet, la géométrie, l’astronomie, 
la dialectique, la physique, la rhétorique avaient été poussées par 
lui jusqu’au plus haut point; c'est pour cela, dit-on, qu'il fut encore 
jugé digne par ses compatriotes d'établir à Alexandrie l’enseignement 
de la doctrine d’Aristote » (H. E., VII, 32, 6). Son ami et prédéces- 
seur sur le siège de Laodicée, Eusèbe, était comme lui un Alexandrin 
et comme lui un lettré. Mais cette érudition brillante était parfois 
plus séculière que cléricale : Eusèbe lui-même dit du successeur 
d’Anatole, Éticnne de Laodicée : « Ses discours, sa philosophie et 
son érudition grecque Île firent admirer de beaucoup ; maïs, pour la 
foi divine, il n’avait pas les mêmes dispositions d'esprit, ainsi que 
le fit voir la persécution qui survint ; il parut un homme dissimulé, 
peureux et lâche, plutôt qu'un vrai philosophe » (H. E., VII, 32, 22). 
L'église de Laodicée, ajoute Eusèbe, fut relevée par Théodote, habile 
médecin des corps ct aussi des âmes, et de plus, « fort exercé dans 
les connaissances divines » (+b., 23). 

Nous connaissons ainsi les quatre évêques qui se succédèrent à 
Laodicée pendant les dernières années du ni siécle et le début du 
ive : tous quatre, distingués par leur talent et leur érudition, mais 
d’une valeur morale inégale. On voit par cet exemple le soin que 
prennent Îles fidèles, du moins dans ces églises de Syrie et de 
Palestine, de mettre à leur tête des hommes instruits et diserts, 
capables de faire honneur au christianisme parmi ces populations si 
éprises de beau langage ; pour cela, ils retiennent. au besoin des 
étrangers : Eusèbe et Anatole sont Alexandrins ; ils ne font que 
passer à Laodicée, amenés là par l'affaire de Paul de Samosate : l’un 
après l’autre, ils sont retenus par la population chrétienne de la 
ville (H. E., VI, 52, 5. 21). C'est un signe que de tels hommes 
étaient alors encore peu nombreux; les différentes églises s'efforcent 
de les saisir au passage et de les fixer, comme on fera plus tard pour 
les riches patriciens, comme t‘inien on Paulin de Nole. 

Et en effet, même à cette époque, après Tertullien et Cyprien, 
après Clément et Origéne, le christianisme manque de défenseurs 
de talent ; il passe encore, aux veux des lettrés, pour la religion des 
esprits vulgaires (1). Dans les grandes églises d'Orient on trouverait 


(1) LACTANCE, Divinae Institutiones, V, x, 18-21 (éd. Brandt, p. 401-402) : 
« non credunt ergo divinis, quia fuco carent, sed ne 1llis quidem qui ca 
interpretantur, quia sunt ct ipsi aut omnino rudes aut certe parum docti. Nam 
ut planc sint cloquentes, perraro contingit : cuius rei causa in aperto est: 
cloquentia enim saeculo servit, populo s° iactare et in rcbus malis placere 
gestit.… ergo haec quasi humilia despicit, arcana tamquam contraria sibi 


LA POI POPULAIRE ET LA THÉOLUGIE SAVANTE. 13 


sans doute des théologiens de marque, plus brillants et plus influents 
que ceux de Laodicée : à Alexandrie, Théognoste et Piérius; à 
Antioche, Lucien; à Césarée, Pamphile. Mais ces esprits distingués 
sont rares, et la foule qui les entoure est inculte (1). Cinquante ans 
plus tard, le christianisme sera largement répandu dans toutes les 
casses de la société ; les théologiens, les lettrés, les savants senti- 
ront autour d’eux, au sein de l’Église, tout un public cultivé capable 
d'apprécier leurs travaux et de les suivre. À la fin du mr siècle, il 
n'en est pas encore ainsi : c'est, d’un côté, la masse des simples 
croyants ; de l’autre, une élite intellectuelle très peu nombreuse ; 
entre les deux, on ne rencontre guère cette classe moyenne que l’on 
verra plus tard, dirigeant les ignorants, comprenant et soutenant 
les savants. 

On n’est donc pas surpris de constater, entre ces deux classes 
extrémes de la société chrétienne, un manque de contact d’où 
naissent des malentendus, qui parfois vont jusqu’au désaccord, 
parfois même dégénérent en conflit. 11 sera bon, pour terminer cette 
esquisse, de signaler les principales divergences de ces deux 


groupes. 
IV. 


Ces divergences apparaissent surtout dans la conception ration- 
nelle du dogme. Les théologiens ont été d'abord des apologistes ; 
leur premier effort a donc été de rendre le dogme chrétien intelli- 
gible et sympathique aux philosophes. Même après la génération des 
apologistes, quand le travail constructif de la théologie a été entre- 
pris, à Alexandrie surtout, les premiers artisans de cette grande 
œuvre Ont élaboré des matériaux empruntés aux Grecs et ont été 
soucieux de se faire lire et comprendre par les penseurs de l'hellé- 
nisme ; c’est parmi eux, beaucoup plus que parmi les humbles 
fidèles, qu’ils pouvaient rencontrer la formation que leurs spécula- 
tions supposaient. 

Il n’est donc pas surprenant que l'effort principal de la théologie 


fugit, quippe quac publico gaudeat et multitudinem celebritatemque deside- 
ret : co fit ut sapientia et veritas idoneis praeconibus indigeat ; et si qui forte 
litteratorum se ad eam contulerunt, defensioni eius non suffecerunt. » Cfr 
BATIFFOL, La Paix constantinienne, p. 144. 

(1) On a une preuve de cet état de choses dans l'affaire de Paul de Samo- 
sate : dans l’église d’Antioche et même parmi les évêques qui vinrent aux 
deux premiers conciles réunis contre Paul, il ne se trouva personne d'assez 
habile « pour surprendre cet homme dissimuié et trompeur », jusqu’à ce 
qu’on fit intervenir le prêtre Malchion, « homme disert, qui était à Antioche 
chef d’une école de sophistes où l’on donnait l’enseignement des Grecs » 
(H. E. VII, 29, 2). Es 


14 j. LEBRETON. 


savante ait porté sur les dogmes qui intéressaient plus directement 
la philosophie : Dieu, l'âme, le monde, et qu'elle les ait le plus 
souvent considérés sous leur aspect métaphysique : Dieu, comme le 
Dieu de l'univers, son Fils, comme l’instrument de la création. Ces 
traits apparaissent clairement chez Origène : quand il énumère les 
objets essentiels de la foi chrétienne, il nomme le plus souvent 
Dieu le Père, Jésus-Christ, Fils et ministre du Père, le Saint-Esprit, 
puis l’âme humaine, libre et responsable de ses actes : ce symbole 
est développé à la première page du Periarchon (1, praef., 3-5); on 
le retrouve en plusieurs autres livres d'Origène (1). 

Peut-être y a-t-il là une tradition d'école : dans un fragment qui 
semble emprunté par Clément à un de ses maîtres, on lit : « Étant 
donné qu'il y a des objets utiles et nécessaires au salut, comme le 
Père, le Fils et le Saint-Esprit, et aussi notre âme, il faut absolument 
que la doctrine qui en traite, et qu’on appelle gnostique, soit utile 
et nécessaire » (2). 

Quoi qu’il en soit de ce rapprochement, il est sûr que, chez ces 
maîtres alexandrins, l'effort principal de la théologie ne porte plus 
sur les mêmes objets que la foi commune et vulgaire, telle que 
l’énonce le symbole baptismal ; le point de départ est le même : Dieu 
le Père, Jésus-Christ, le Saint-Esprit; mais elle prête peu d’attention 
aux autres articles du symbole, l'Église, la rémission des péchés, la 
résurrection de la chair, et elle leur substitue des dogmes que le 
symbole ne mentionnait point, sur la nature et l’origine de l’âme, le 
libre arbitre, la responsabilité humaine ; de ce fait, le christianisme, 
qui était avant tout une foi religieuse, prend parfois l’aspect d’une 
doctrine métaphysique (3). 


(x) Ainsi in Ioann., 32, 16, 187 : « Avant tout, crois qu'il n'y a qu’un Dieu.….; 
il faut encore croire que Jésus-Christ est Seigneur et adhérer à toute la vérité 
touchant sa divinité et son humanité ; il faut aussi croire au Saint-Esprit, et 
que, étant libres, nous sommes châtiés pour nos fautes et honorés pour nos 
bonnes actions ». De même, dans son commentaire sur l’épitre à Tite (PG, 
t. XIV, c. 1303-1306) : pour faire comprendre ce qu’est un hérétique, Origène 
dresse un catalogue des principales hérésies ; il vise d’abord les erreurs qui 
ont pour objet Dieu le Père, puis Jésus-Christ, puis le Saint-Esprit, et 
enfin l'âme humaine ; il ajoute, sous forme d’appendice, une profession de foi 
aux autres dogmes de l'Eglise. Cfr in Matth., comment. ser. 33 (PG, t. XIII, 
c. 1643-1644). 

(2) Eclogae propheticae, 29. Cfr sur le bloc formé par Ecl. 27-37, BoUSSET, 
Schulbetrieb, p. 188. 

(3) On peut remarquer que le symbole de saint Grégoire le Thaumaturge, 
d’une orthodoxie d'ailleurs si ferme, a pour objet unique la Trinité ; le dogme 
christologique, mentionné communément par les autres symboles, est ici 
laissé de côté. Quant à l'âme humaine, ce symbole n’en parle pas; mais on 
connaît à ce sujet les préoccupations de saint Grégoire. 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 15 


Alors même que les mêmes dogmes sont visés, ils sont éclairés d’une 
atre lumière. De part et d'autre, l'affirmation des trois personnes 
dvines est au premier plan : c'est bien le mème dogme qui est 
professé par les savants et par les simples comme l'essence même 
& la foi chrétienne ; mais les savants ct les simples ne le considèrent 
pas sous le même aspect. Pour les simples fidèles, comme jadis pour 
int Clément de Rome, le mystère de la Trinité, le Père, le Fils et 
k Saint-Esprit, c'est la foi et l’espoir des élus ; ils voient tout dans 
h perspective du salut et, au centre, la croix du Christ, sa mort 
midemptrice, sa résurrection, gage de la leur. Ils peuvent dire, 
“mme Origène le leur reproche, qu'ils ne savent que Jésus-Christ 
et Jésus-Christ crucifié. Les savants voient dans le même mystère la 
slution de toutes les énigmes du monde : comment un Dieu infini- 
ment parfait a-t-il pu créer? c’est par son Verbe. Comment ce Dieu 
invisible s’est-il fait connaitre ? encore une fois c’est par son Verbe. 
Création par le Verbe, révélation par le Verbe, ce sont à coup sùr 
des doctrines authentiquement chrétiennes ; mais, chez les écrivains 
atérieurs, elles sont considérées surtout dans leurs relations avec 
le dogme du salut : si Dieu a créé le monde, c’est pour son Eglise, 
c'est pour ses saints ; ces considérations sont ici plus effacées ; ce 
qui passe au premier plan, c’est le probléme philosophique qui 
préoccupait tous les penseurs et dont les auteurs de Plactta énumé- 
raient les solutions multiples : le monde a-t-il été produit, et com- 
ment, et par qui? 

Attirés sur le terrain des philosophes, les théologiens chrétiens 
subissent leur influence : la génération du Verbe de Dieu est décrite 
par eux en fonction du problème cosmologique : pour créer le 
monde, Dieu, qui de toute éternité contient en lui son Verbe, le 
profère à l’extérieur ; cette théorie, complaisamment et imprudem- 
ment développée par les apologistes, se retrouve encore chez Ter- 
tallien, chez Hippolyte, chez Novatien. 

Les Alexandrius affirment plus fermement l'éternité personnelle 
du Verbe ; mais, par contre, ils accentuent la conception hiérar- 
chique, subordinatienne, qui place le Fils au-dessous du Père comme 
étant, dans sa nature divine, le médiateur de son action et de notre 
prière. Origène surtout a poussé jusqu’au bout cette conception et 
jai a donné sa forme savante et technique. 

Cette conception de la hiérarchie divine, cette distinction de degrés 
inégaux au sein même de la Trinité revêt chez eux un double carac- 
ère, métaphysique et religieux ; il sera utile de la considérer 
brièvement sous ce double aspect ; on pourra ainsi mieux apprécier 
les influences subies. 


16 J. LEBRETON. 


Dans l’ordre métaphysique, c'est l’idée de la transcendance divine 
qui a infléchi la théologie alexandrine ; sensible déjà chez Clément, 
elle apparaît beaucoup plus nettement chez Origene : le même 
courant d'idée qui, quelques années plus tard, emportera Plotin (1), 
entraine déjà Origène : au Fils il attribue toutes les perfections 
coucevables, vie, vérité, sagesse, mais au Père une perfection idéale, 
supérieure à tout cela : 


In loann., 13, 3, 19 : « Le Christ est la vie ; mais celui ue est plus 
grand que le Christ est plus grand que la vie. » 1b., 2, 243, 151 : 
« Autant Dieu, le Père de la vérité, est plus grand et plus haut que 
la vérité, et, étant Père de la sagesse, supérieur à la sagesse eb au- 
dessus d'elle, autant il dépasse la lumière véritable. » Contra Cels., 6 
64 : « Ne faut-il pas dire que le Monogène et le premier-né de toute 
créature est l'essence des essences et l’idée des idées ct le principe, et 
que son Père et Dieu est au-delà. de tout cela ? » 


Ainsi le Père est transcendant par rapport à la vie, à la vérité, à 
l'essence, à la lumière; la seule appellation qui soit retenue comme 
convenant proprement au Père, c’est la bonté (2) ; mais aussi n’est- 
elle pas attribuée proprement au Fils : 


In loann., 6, 57, 295 : « Le Père est bon ; le Sauveur est l'image de 
sa bonté. » 16., 13, 2, 151-153 : « Il est l’image de sa bonté, et le 
reflet, non pas de Dieu, mais de sa gloire et de sa lumière éternelle, 
et la vapeur, non pas du Père, mais de sa puissance, et l’'épanchement 
pur de sa gloire toute-puissante et le miroir de son énergie... » 1b., 15, 
30, 234 : « La volonté, qui est en lui, est l'image de la volonté première, 
et la divinité, qui est en lui, est l’image de la divinité véritable ; et, 
étant l’image de [a bonté du Père, il dit : Pourquoi m'appelles-tu bon ? » 
1b., 28, 6, 42 : & IL devait donc prier pour la résurrection de Lazare, 
et le Père, le Dieu qui est le seul bon, prévint sa prière. » 


Et, de mème que Dieu le Père est le seul bon, il est aussi, à 
proprement parler, le seul Dieu, 6 Ü:55 (2). 


(x) Sur la transcendance de l’Un dans la philosophie de Plotin, cfr 
R. ArNou, Le désir de Dieu dans la philosophie de Plotin, surtout p. 128 sqq. 
Le parallélisme, si notable en tant de traits, de la pensée d’Origène et de 
celle de Plotin ne doit pas s'expliquer par l'intluence d'Ammonius Saccas sur 
Origène (cfr ZELLER, t. V, p 459, n. 3), mais par les traditions alcxandrines, 
telles qu'on les reconnait déjà chez Philon, et par le mouvement d'idées qui, 
au début du rie siècle, entrainait tant d’esprits vers le néo-platonisme. 

(2) Cette thèse est longuement développée, in Zoann., 2, 2, 13 sqq. Ici 
encore Origène rejoint Plotin : cfr ARNOU, p. 121,n. 2: « Origène qui parle 
du Verbe comme Plotin parle du vus ct l'appelle avr das, auTO(520t- 
sta, avrodeatco un, ùT rOT/03) aurainix, se refuse à le reconnaître 
pour avurob:cs. Le Père seul est æûrcb:5s comme il est seul 6ess (avec 


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LA FOI POPULAIRE ET LA THIOLOGIE SAVANTE. 17 


La mème conception de la transcendance divine, appliquée aux 
atégories de l’un et du multiple, fait reconnaître dans le Père seul 
l'unité absolue, dans le Fils l'origine de la multiplicité. Cette 
théorie apparait déjà chez Clément (1); elle est fréquemment reprise 
par Origène (2) : c’est un des traits qui accusent le plus manifeste- 


l'article). Le Verbe est Go: (sans article), n'étant pas le principe de la 
divinité. » 

(1) Strom. IV, 25, 156 : « Le Fils ne devient pas simplement un comme 
l'un, ni multiple comme (composé de) parties, mais un comme tout. Ainsi il 
est tout ; il est le cercle de toutes les puissances ramassées et unies en un; 
c'est pourquoi le Verbe est dit l'alpha et l'oméga, parce qu’il est le seul 
dont la fin devienne le principe et se termine de nouveau en son principe, 
sans avoir en soi aucune extension ». Ce passage est fort obscur ; ce qui du 
moins y apparait clairement, c’est que le Verbe n'est pas l'unité suprême, 
mais qu'il est à la fois un et multiple ; dans la distinction ainsi établie entre 
l'un et le Verbe, on pressent déià les thèses de Plotin sur l’Un et le voix. 
AALL {Geschichte der Logosidee, t. II, p. 408) et STABHLIN (ad h. l.) comparent 
Plotin, Enn., V, 1, 7, où la sensation est comparée à la ligne, et le vous 
au cercle ; il faut toutefois remarquer que, dans ce passage, il est question du 
> individuel, et non du ys25 universel. Il faut remarquer de plus, pour ne 
pas forcer la portée de ce texte de Clément, que les puissances ne sont pas 
personnifiées chez lui comme elles le sont chez Philon, mais sont de simples 
attributs de Dieu (cfr HEiINiIscH, Der Eïinfluss Philos auf die älteste christliche 
Exegese, p. 134-136) ; la multiplicité dont il est question ici est donc de l’ordre 
logique, et non de l’ordre physique. Sur le Logos lieu des idées d’après 
Philon, v. de somniis, I, 62, cfr LEBRETON, Les origines du dogme de la 
Trinité, p. 215. 

(2) Zn Apocal., schol. V (éd. Diobouniotis-Harnack, p. 22) : « Le Verbe est 
le cycle des puissances qui sont ramassées et unies en un. » in Ephes. (éd. 
GrecG, Journal of theol. studies, t. III, p. 402) : « À cause de sa relation aux 
LITE A le Verbe en est le plérome. » 16..p. 570 : « La panoplie de Dieu, 
c'est le Christ. > /n Ioann., 2, 2, 18 : « L'image archétype des nombreuses 
images, c'est le Verbe qui est près de Dieu. » 2, 18, 126 : « En tant qu'il est 
sagesse, il est système de Gempruara. » 5, 5: « Le Verbe de Dieu, qui est 
au principe auprès de Dieu, n’est pas mozvAoyéx ; car il n’est pas Àdyct ; 
car il n’est qu'un 0y°5, formé de beaucoup de HE chaque onu 
étant une partie du cs total.» 1, 19, 112. « Il ne faut pas s'étonner si, 
comme nous avons dit, le Sauveur, étant une multitude de biens conçus en 
lui, renferme en lui des premiers, des seconds et des troisièmes. » Cels., V, 
22 : « Les différentes paroles (du Christ), étant comme des parties dans le 
tout ou comme des espèces dans le genre, ces paroles du Verbe qui est au 
principe auprès de Dieu, du Verbe Dieu, ne passeront pas. » V, 39 : « Si nous 
disons un second Dieu, qu’ils sachent que ce que nous appelons ce second 
Dieu n'est pas autre «hose que la vertu qui renterme toutes les vertus et le 
Logos qui renferme tout logos. » VI, 64 : « Il faut voir si l’on doit dire que le 
Fils unique et le Premier-né de toute créature cest essence des essences et 
idée des idées et principe, et son Père et Dicu par-dessus tout cela » ; cfr V, 


RAVUE D'HISTOIRE BCCLÉSIASTIQUE, XX. a 


L 1 


A E 


18 J. LEBRETON. 


ment l’influence des spéculations philosophiques, un de ceux aussi 
qui marquent d’une façun ineffaçable le caractère subordinatien de 
la théologie de Clément et surtout d’Origène. 

Cette distinction du Père et du Fils à l’aide des deux catégories 
de l’un et du multiple était trop technique pour avoir, en dehors de 
l’école, une grande influence. 11 n’en va pas de mêmne de la concep- 
tion qui imagine une hiérarchie «d'êtres divins à travers lesquels 
l’âme s'élève, comme de degré en degré, pour monter jusqu’au Dieu 
suprème. Cette imagination n’est pas, comme la précédente, d'ori- 
gine métaphysique ; elle vient plutôt de la mythologie gnostique, à 
la faveur de laquelle elle s’est répandue, à Alexandrie surtout, dans 
les milieux païens, juifs et chrétiens. Elle est au centre du philo- 
nisme (1); elle est très apparente chez les maîtres de Clément (2), 
reconnaissable chez Clément lui-même et bien plus chez Origène : 
entre le Père, qui seul est vraiment bon, et les créatures, qui en 
quelque façon sont bonnes, le Sauveur est intermédiaire ; comparé 
au Pere, il est l’image de sa bonté ; comparé aux autres êtres, il est 
un exemplaire, un idéal (5). « Il l'emporte sur les trônes, sur les 
seigneuries, sur les principautés, sur les puissances... sur les saints 
anges, sur les esprits et les âmes justes. et pourtant il n’est pas 
comparable au Père » ; « sur toutes les créatures, même les plus 
grandes, le Sauveur et l’Esprit-Saint l’emportent sans comparaison 
et de beaucoup, mais le Père l'emporte autant et plus encore sur eux 
qu'eux-mêmes sur les créatures » (4). 


24 : « Le logos de tous les êtres est, d’après Celse, Dieu lui-même ; d’après 
nous, son Fils. » Periarchon, I, 2,2 : «In hac ipsa ergo sapientiae subsistentia 
quia omnis virtus ac deformatio futurae inerat creaturae, vel eorum quac 
principaliter exsistunt vel eorum quae accidunt consequenter, virtute prae- 
scientiae praeformata atque disposita : pro his ipsis, quae in ipsa sapientia 
velut descriptac ac praefiguratae fuerant, creaturis se ipsam per Salomonem 
dicit creatam esse sapientia initium viarum Dei, continens scilicet in semet- 
ipsa universae creaturae vel initia vel rationes vel species, » 

(x) Cfr Les origines du dogme de la Trinité, p. 186 sqq.; BRÉHIER, Les 
idées philosophiques et religieuses de Philon, p. 112 sqq. 

(2) Dans le groupe de fragments que Bousset attribue à Pantène, on dis- 
tingue trois degrés dans le monde céleste : anges, archanges, protoctistes; 
au-dessus d’eux, le Fils; au-dessus du Fils, le Père : Excerpa Theodoti, 10, 
11, 12, 27; liclogae, 51, 56, 57. Cfr Cozzomr, Revue de Philologie, t. XXXVII 
(1913), p. 19-46, surtout p. 19-46, surtout p. 22 sqq. Ces conceptions se 
retrouvent, plus ou moins voilées, chez Clément, dans les passages du 
VIIE Stromate ( 9 sqq. et 56 sqq.}) cités par Collump, p. 30, et aussi dans les 
Adumbrationes, par exemple in I Pet., III, 22. 

(3) 1n Matth., XV, 10 (PG, t. XIII, c. 1280-1281). 

(4) 1n Ioann., XIIL, 25, 151-153. Cfr Periarchon, 1, 2, 12, 47 (fragment cité 
par Justinien). ‘ 


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LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 19 


De la cette conséquence religieuse que le progrès de l’âme ne doit 
pas s’arrèter au Fils de Dieu, mais le dépasser pour monter au Père ; 
ls gnostiques s'étaient complus dans ces ascensions mystiques ; les 
maitres de Clément les décrivent souvent, et Clément lui-même s’y 
egare (4). Origène a son tour s’y laisse entrainer : 


Vous pourrez vous demander s'il arrivera un temps où les anges 
terront par eux-mêmes ce qui est dans le Père, et ne le regarderont 
-lus à travers un intermédiaire et un serviteur : lorsque celui qui voit 
le Fils, voit le Père qui l’a envoyé, on voit dans le Fils le Père ; mais, 
quand on verra comme le Fils voit le Père et ce qui est dans le Père, 
où aura pour ainsi dire comme le Fils la vision immediate du Père et 
Je ce qui est dans le Père, sans avoir besoin de concevoir par l’image 
æ que l'image représente. Et je pense que cela, c'est la tin, quand le 
Fils remettra la royauté à Dieu, au Père, quand Dieu sera tout en 
twus (2). 

Cette source vive, qui naît en celui qui boit de l’eau que donne 
Jésus, jaillit jusque dans la vie éternelle, et peut-être par-delà la vie 
éternelle, jusqu'au Père, qui est au-dessus de la vie éternelle ; car le 
Christ est la vice, mais celui qui est plus grand que le Christ, est plus 
grand que la vie (3). 


Cette idée ne se retrouve-t-elle pas dans le dernier mot de la 
lettre, d’ailleurs si belle, d’Origène à saint Grégoire le Thaumaturge : 
« Puisses-tu participer à l'esprit du Christ, et y participer de plus 
en plus, de façon que tu puisses dire, nun seulement : Nous sommes 
devenus participants du Christ, mais encore : Nous sommes devenus 
participants de Dieu » (4). 

V. 


Cette conception théologique retentit immédiatement sur le culte : 
œlui-la seul a droit au culte suprême qui est en effet le Dieu 
souverain. On sait comment cette conclusion a été formulée par 
Ürigène dans le Traité de la prière. Ce passage est notable à bien 
des titres; il nous intéresse particulièrement parce qu'il marque 
une réaction consciente d'Origène contre ce qu’il appelle « l’erreur 
des simples » ; lui-même, on l’a remarqué souvent, a démenti plus 
d’une fois par sa pratique religieuse la théorie qu'il érige ici; par- 
lant aux simples, priant avec eux, il s’est senti l’un d'eux et s’est 


(1) Excerpta Theodoti, 10, 11, 12; cfr Eclogae, 56. CLÉMENT, Stromata VI, 
10, 57- 

(2) 1n Zonn., XX, 7, 47 (p. 334, 22). 

(G) Z8., XIII, 3, 18-19 (p. 229,6) 

(4) Epist. ad Greg., éd. Koetschau, 4. 


D J. LEBRETON. 


associé à leur culte (1); mais, dans ce traité, il se pique de rigueur 
théologique et furimule clairement les règles de la prière correcte, 
telles que sa théologie les implique. Partant d’un texte de saint Paul 
(LE Tim... 11, 1), il distingue quatre espèces de prières : « la demande 
(déno:s) est la prière de quelqu'un à qui manque un bien, et qui 
supplie qu'on le lui donne ; l'oraison (rpos:vy) est la prière jointe 
à la louange de Lieu ou doxologie, en vue d'obtenir des biens plus 
grands et avec des sentiments plus élevés ; la supplication (érsv£15) 
est la prière adressée à Dieu avec une grande confiance ; l’action de 
grâces (euyapiorix) est la reconnaissance, jointe à la prière, pour 
les biens que l’on a recus de Dieu ». 


(1) Ces prières se rencontrent surtout dans les homélies adressées au peuple, 
par exemple in Ezech. XII, 5 (PG, t. XIII, c. 757); in Luc. XV (t. XIII, c. 1839). 
Plus notable encore est l’homélie XXVI sur saint Luc ; Origènc suppose un 
de ses auditeurs lui demanuant comment il faut aimer le Christ : « Ne diligas 
hominem ex tota anima tua... sed praeceptum iuxta eloquium Salvatoris 
nostri soli serva Deo.….. Respondcat mihi aliquis et dicat.. Volo diligere 
Christum : doce ergo me quomodo cum diligam. Si enim dilexero eum ex 
toto corde mco, et ex tota anima mea, et ex tota virtute, contra praeceptum 
facio, ut alterum absque uno Deco sic diligam. Sin autem minus eum dilexero, 
quam omnipotentem Patrem, timeo ne in Primogenitum universae creaturae 
impius et profanus inveniar Doce me, et ostende rationem, quomodo inter 
utrumque medius incedens diligere debeam Christum. Vis scire qua cari- 
tate Christus diligendus sit ? Breviter ausculta. Diliges Dominum Deum 
tuum in Christo. Putas diversam habere posse in Patre et Filio caritatem 
Simui dilige Dominum Christum., Dilige Patrem in Filio, Filium in Patre, ex 
toto corde, et ex tota anima, et ex tota virtute... » (PG, t. XIII, c. 1867). Les 
homélies sur saint Luc, de même que les homélies sur Ezéchiel, nous sont 
parvenues dans la traduction de saint Jérôme; nous n'avons pas de motif 
d'en suspecter ici l'exactitude. Dans le Contra Celsum, Origène est souvent 
aux prises avec cette objection : associer Jésus au culte suprême, c'est faire 
ce qu’on reproche au polythéisme païen, c’est abaisser la grandeur divine 
par une apothéose anologue à celles que le polythé 1 a prodiguées À cette 
accusation les réponses d'Origène sont multiples : il affirme la préexistence 
du Fils de Dieu, pour montrer qu'il n’y a pas ici apothéose, mais adoration 
d’une personne divine éternelle ; il montre que toute la grandeur du Fils lui 
vient du Père et que c'est comme telle qu’on la vénère ; enfin, et c’est le 
point vulnérable, il accentue la subordination du Fils vis-à-vis du Père. Au 
point de vue du culte, il le présente comme notre grand prêtre, présentant 
à Dieu nos prières; cette fonction dérive-t-elle de l’incarnation ? Il ne 
semble pas; elle appartient plutôt, chez Origène comme chez Philon, au 
Logos en tant que tel. Les textes principaux du Contra Celsum relatifs à 
cette question sont: V, 45 V, 11; VI, 57; VILL, x; VIL, 12; VI, 13; 
VIL, «4; VIN, 155 VII, 16; VIII, 17; VII, 26; VII, 67; VILL, 69. L'op- 
position qu'on remarque chez Origène centre la théorie et la pratique a déjà 
été remarquée par HuET, Origeniana (PG, t. XVI, c. 795); Luoofs, D 
zur Dogmengeschichte, p. 195. 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 21 


Après avoir donné quelques exemples de ces quatre espèces de 
mères, Origène accorde que la demande, la sapplication, l'action 
d& grâces peuvent s'adresser à des hommes, maïs l’oraison à Dieu 
sal : 


XV, 1. Si nous entendons ce qu'est l’oraison, peut-être verrons-nous 
ail ne faut prier ainsi aucun être produit, et pas même le Christ, 
zis seulement le Dieu de l’univers et le Père, que notre Sauveur 
umème priait, comme nous l’avons dit plus haut, et qu'il nous 
cæigne à prier. En effet, comme ses disciples lui demandaient : 
Ereigne-nous à prier, il ne leur enseigna pas à le prier lui-même, 
mis le Père, en disant : Notre Père, qui es aux cieux, etc. En effet si 
“ume je lai montré ailleurs, le Fils est distinct du Père par l'essence 
I4:x) et le suppôt (ünoxsiusvey), il faut prier ou bien le Fils et non 
k Pere, où bien tous les deux, ou bien le Père seul. Prier le Fils et 
0 le Père, tout le monde conviendra que ce serait faire une chose 
vurde et aller contre l'évidence ; si nous prions les deux, il faudra, 
has nos prières, dire au pluriel : Donnez, faites, accordez, sauvez, 
4 ainsi de suite; ce sont des formules choquantes, et que nul ne 
“arrait trouver dans l'Écriture. Il reste donc qu'il ne faut prier que 
Dieu, le Père de l'univers ; mais sans le séparer toutefois du Grand 
Prétre qui a été établi avec serment par le Père, selon qu'il est écrit : 
la juré, et il ne s'en repentira pas : Tu es prêtre pour l'éternité selon 
l'ordre de Melchiséiech. 

2. Aussi, lorsque les saints rendent grâces à Dieu dans leurs prières, 
ls le font par le Christ Jésus. Et, de même que, si l’on veut bien 
“rier, On pe doit point prier celui qui prie, mais celui à qui Notre 
“igoeur Jésus nous fait adresser nos prières, c’est-à-dire le Père, de 
“éme il ne faut pas présenter sans lui nos prières au Père. C'est ce 
que lui-même fait clairement entendre, lorsqu'il dit : En vérité, en 
rénité je vous le dis, si vous demandez quelque chose à mon Père, il 
sous le donnera en mon nom; jusqu'ici vous n'avez rien demandé en 
mon nom ; demandez, et vous recevrez, pour que votre joie soit com. 
-lète. Car il ne dit pas : Demandez-moi, ni non plus : Demandez à 
200 Pére, simplement ; mais : Si vous demandez quelque chose à 
09 Père, il vous le donnera en mon nom. Car jusqu'au jour où Jésus 
vana cet enseignement, personne n'avait demandé au Père au nom 
Ju Fils ; et ce que Jésus disait, était vrai : Jusqu'ici vous n'avez rien 
‘emandé en mon nom, et cette autre parole aussi était vraie : 
[kmandez, et vous recevrez, pour que votre joie soit complète. 

3. Mais peut-être quelqu'un, persuadé qu'il faut prier le Christ lui- 
même, mais troublé par les conséquences qu'entraîne l’adoration, 
oous objectera le texte : Que tous les anges de Dieu f'adorent, et nous 
copvenons que ce texte du Deutéronome est dit du Christ. Il faut lui 
repondre que l'Eglise elle aussi, que le prophète appelle Jérusalem, 
est représentée comme adorée par les rois et les princesses, devenus 


22 J. LEBRETON. 


ges pourvoyeurs et Ses nourrices : Voici que je lève ma main vers les 
nations, et vers les îles mon étendard ; et ils ramèneront tes fils dans 
leur sein, et ils porteront tes filles sur leurs épaules ; et des rois 
seront tes pourvoyeurs, et des princesses tes nourrices ; la face contre 
terre, ils t'adoreront, et ils lècheront la poussière de tes pieds. Et tu 
reconvaitras que je suis le Seigneur, et tu ne seras pas confondue. 

4. Et ne peut-on pas, conformément à la pensée de celui qui a dit : 
« Pourquoi m'appellestu bon ? Nul n'est bon, sinon Dieu seul, le 
Père », dire aussi : Pourquoi me pries-tu ? Tu dois prier le Père seul, 
que moi aussi je prie ; et c'est là l’enseignement que vous donnent les 
saintes Ecritures. Vous ne devez pas prier celui qui à été pour vous 
établi grand prêtre par le Père, celui que le Père a fait votre avocat ; 
mais vous devez priez par ce grand prêtre, par cet avocat, qui peut 
compatir à vos faiblesses, ayant été tenté en tout comme vous, mais, 
grâce au don que m'a fait le Père, tenté sans péché. Apprenez donc 
quel don vous avez recu de mon Père : quand vous avez été régénérés 
en moi, vous avez reçu l'esprit d'adoption, pour être appelés fils de 
Dieu et mes frères. Car vous avez lu cette parole que, par la bouche 
de David, j'ai adressée à votre sujet À mon Père : « J'annoncerai ton 
nom à mes frères ; au milieu de l'Église je te chanterai. » Il n'est pas 
raisonnable que ceux là prient leur frère, qui ont reçu la grâce d’avoir 
le même Père. Car il vous faut offrir votre prière au Père seul avec 
moi et par moi. 

X VI, 1. Ecoutons Jésus qui nous parle ainsi, et prions Dieu par lui, 
disant tous la même chose et ne nous séparant pas les uns des autres 
par la forme de notre priére. Est-ce que nous ne nous séparons pas, 
si nous prions les uns le Père, les autres le Fils ? car dans leur sim- 
plicité excessive, certains péchent par sottise, faute de considération 
et d'attention : ils prient le Fils soit. avec le Père, soit sans le Père. 
Que notre oraison s'adresse donc à lui comme à notre Dieu, notre 
supplication à lui comme à notre Père, notre demande à lui comme 
à notre Seigneur, notre action de grâces à lui comme à notre Dieu, 
Pére et Seigneur. 


Nous avons tenu à citer tout au long ce texte capital : c’est un de 
ceux où s’aceuse le plus nettement le désaccord de la théologie 
savante et de la foi populaire ; Origèue en est bien conscient et le 
marque lui-même dans les derniers mots que nous venons de tra- 
duire : emreery suxorlay 227à Tomy GxE0atÜT nr 2 de 70 afacanTros 
IL AYELSTATTUOY HUXDTOUGIS NY 5 6)9 TROVIT EU CIIEVODY Fa) ULe)s Etes HET TOU 
Rats ETE ymnts 709 n27053. On a parfois tenté de restreindre la 
portée de cette théorie d'Origène, de n’y voir qu’une justification de 
l'usage public de l'Église, adressant normalement la prière litur- 
gique au Père par le Fils (1). Cette interprétation nous paraît tout à 


(1) G. BuLe, Defensio fidei Nicaenae, sect. 2, cap. 9, $ 15, éd. Oxford, 1688, 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 23 


lait improbable : la thèse ici soutenue par Origène dépasse de 
beaucoup l’usage liturgique ; elle a la même portée que l'argument 
invoqué en sa faveur : « Il ne faut pas prier celui qui pris ». Or cet 
srgument va très loin : dans le Contra Celsum, Origène l’invoque 
“ar condanner le culte des astres (1); ici, pour réprouver les 
prières a iressées au Christ ; ce n’est pas là une rencontre fortuite ; 
dans les deux cas la préoccupation est la même : réserver au Dieu 
suverain le culte suprêine. C’est pour cela qu'Origène se fait objecter 
le texte « que tous les anges de Dieu l’adorent » (XV, 3) ; il accorde 
qu'il s’agit [à du Christ, mais il soutient que cette adoration ne doit 
pas s'entendre au sens propre. maïs au sens métaphorique, de même 
que l’adoration de l’Église ou de Jérusalem, dans le texte d’Isaïe 
qu’il cite ensuite. Et tout son effort tend à prouver que le Fils de 
Dieu rend un culte à son Père et que, par conséquent, notre adora- 
tion ne doit pas s'adresser à lui, mais, par lui, à son Père; c’est dans 
le même sens que, dans le passage du Contra Celsum que nous 


p. 200. rappelle, pour défendre Origène, le canon 23 du 3€ concile de Car- 
thage : «...ut, cum ad altare assistitur, semper ad Patrem dirigatur oratio. » 
Marax, De divinitate Christi, lib. 4, cap. 16, num. 7-8, PG, t. XVII, c. 792-795, 
1., reprend et développe cette défense ; il remarque la distinction faite par 
Orizgène entre Îcs quatre espèces de prières, ohserve qu’une seule est 
réservée au Père, et conclut : « Ex his patet nihil aliud Origeni propositum 
esse, nisi ut ea precandi ratio observetur, quae viget in Ecclesia, ut Pater 
rer Filium oretur. » La même explication est proposée par le P. Prat dans 
sn livre, d’ailleurs très distingué, Origêne (Paris, 1907), p. 60 : « Dans un 
.t'èbre passage du De Oratione, il s'efforce d'expliquer pourquoi l’une des 
qzatre espèces de prières, la Tr TOCGEUYN — il entend par là la prière solen- 
nelle, apparemment la prière liturgique — doit s'adresser au Père par le Fils 
et non pas au Père et au Fils », J'ai le regret de ne pouvair me rallier à cette 
.nterprétation, et cela pour deux raisons : rien n'indique ici une prière litur- 
£jue ; pour faire comprendre ce que sont ces quatre prières, Origène donne 
ues exemples de chacune d’elles; il cite comme exemples de 7 EU T 
la prière des trois enfants (Dan., III, 23), celle de Tobie (III, 1-2), celle 
£'Anne (I Sam , I. 10), celle d'Habacuc (TI, 1-2), celle de Jonas (IL, 2-4); ni 
ces exemples, ni le commentaire qui les accompagne n'évoque l'idée de la 
rière liturgique. De plus, et cela est plus décisif, Origène reprend plus bas 
‘XVI, x) ses quatre espèces de prières pour montrer que toutes les quatre 
duivent étre adressées au Père : « Que notre oraison s'adresse à lui comme 


à notre Dieu, notre supplication à lui comme à notre Père, notre demande à 


3 comme à notre Seigneur, notre action de grâces à lui comme à notre Dieu, 

Fire et Seigneur » : TP0GE vyous0x TOLYUY dE Dem, € Er uv 4 SVOUEY d: we 

7270!) dimusha 95e : xu0où, EUX AUUTT Dusy 95 63 Ver rai TATpi ai UN. 
‘1) C. CELs., V,11: raQiusva 0: at aùToy LAOV Hat Gehryn x2 

2TTÉ0 5 sdyeola ro Emi näct be Dix To POYOEVOb: AUTO), 2 JOUE) 

ur Jay Er TOiS EUYOUÉVOLS. Cfr De Orat., XV, 2 où LUN TU EUYSUEV 
mL ALE LIT ; 


24 J. LEBRETON. 


rappelions ci-dessus, il disait : « Nous croyons que le soleil et la 
lune et les astres prient le Dieu souverain par son Fils, et nous 
estimons, en conséquence, qu’il ne faut pas les prier, puisqu'ils 
prient. » Et ailleurs il représente en effet le Verbe de Dieu et le 
Saint-Esprit eomme rendant au ciel un culte à Dieu le Père ; ils sont, 
d’après lui, figurés allégoriquement par les deux animaux d’Habacuc 
et par les deux séraphins d’isaïe, qui chantent : : Saint, saint, saint, 
le Seigneur des armées » (1). Philon avait vu dans ces deux anges les 
puissanres suprèmes (2) ; Origène transporte cette interprétation au 
Fils et au Saint-Esprit : c’est qu’il subit, ici encore, l'influence du 
judaïsme alexandrin et se plie à sa conception des cultes intermé- 
diaires. 

En tout cela il faut reconnaitre l’influence d’une théologie savante 
faisant violence au culte chrétien pour le plier à ses lois. Il est très 
vrai que l’Église aime à présenter à Dieu le Père son culte et son 
adoration par son Fils ; elle rend ainsi hommage à la fois au Père, 
source et principe de tout bien, et au Fils, notre Sauveur ct notre 
Médiateur. Mais elle ne craint pas non plus d’oftrir au Père et au 
Fils la même prière, la même adoration, le mème culte, soit qu’elle 
unisse les deux personnes (ou les trois) dans une formule commune, 
soit qu’elle s'adresse ainsi au Fils seul dans les mêmes termes qu’elle 
emploie pour s'adresser au Père. Ces prières ou ces hymnes appa- 
raissent dès les origines de l’Église, et elles demeurent toujours en 
usage. Sans vouloir transcrire ici des textes, qui seraient trop 
nombreux (3), contentons-nous de rappeler les prières que les Actes 
apocryphes prêtent aux apôtres : dans ces compositions populaires, 
nous avons chance de rencontrer ces prières des simples qui cho- 
quaient Origènc; les Actes de Pierre sont, à ce point de vue, particu- 
lièrement intéressants : ils sont de peu antérieurs à Origène, ils ont 
été très probablement connus par lui (4) ; enfin, étant l’œuvre de 
rédacteurs catholiques et non gnostiques, ils peuvent nous faire 
connaître, sans trop de déformation, la foi chrétienne. L’apôtre, au 
moment de mourir, prie ainsi le Christ : 


(1x) Periarchon, 1, 3, 4. In Isaiam, hom. 1,2 (P. G., 13, 221). 

(2) De vita Mosis, ITI, 8. 

(3) Cfr Les origines du dogme de la Trinité, p. 328 sqq. Parmi les textes 
cités là relevons seulement ces versets de l’Apocalypse, V, 9-13 : «Il est 
digne, l’Agneau immolé, de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la 
force, l'honneur, la gloire, la louange... À celui qui est assis sur le trône et à 
l'Agneau la louange, l'honneur, la gloire, le pouvoir aux siècles des siècles. 
Et les quatre animaux disaient : Amen, et les vicillards se prosternèrent et 
adorèrent. » 

(4) Cfr Vouaux, Les Actes de Pierre (Paris, 1922), p. x16. 


RL “D 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 25 


Ju es pour moi un père, tu es pour moi une mère, tu es pour moi 
afrore, un ami, uo serviteur, un intendant ; tu es le tout, et le tout 
« en toi ; et tu es l'être, et il n’y a pas autre chose qui soit, sinon toi 
si. Vous aussi, frères, réfugiez-vous donc auprès de lui ; et, ayant 
Lis qu’en lui seul vous existez, vous obtiendrez ce dont il vous 
ae, ce que ni l'œil n’a vu, ni l'oreille n'a entendu, et ce qui n’est 
: entré dans le cœur de l’homme. Nous te demandons donc ce que 
ais promis de nous donner, Ô Jésus sans tache, nous te louons, nous 
- “Dons gräces, nous reconnaissons, en te glorifiant, — nous sommes 
re faibles, — que tu es seul Dieu, et qu'il n'y en a pas d’autres, 
jui soit la gloire, et maintenant, et dans tous les siècles. Amen ! 
Ertyre, 39, trad. Vouaux, p. 457-459). 


De nos jours des théologiens sourcilleux ont été effarouchés par 
xtte prière ; ils y ont vu du gnosticisme, du panchristisme (1). Il 
st facile d'imaginer le malaise qu’Origène devait éprouver quand il 
jit ou entendait des prières semblables ; ce qu'il pouvait dire de 
rlus indulgent, c'était de ne voir dans ces effusions qu'un « péché de 
sttise ». En somme, si l'expression était d’un exclusivisme outré et 
ssseeptible d’une interprétation fâcheuse, la foi était correcte : la 
prrre montait si ardente vers le Fils qu'on ne voyait que lui ; mais 
bientôt l'âme se reportait vers le Père, le confessait et l’adorait (2). 
Le chrétien, qui avait tout reçu de lui, aimait à lui redire : Nous 
narons pas d’autre Dieu que toi! Ce cri de reconnaissance et 
d'adoration n'était pas une négation du Père. 

Cette prière que le rédacteur des Actes prêtait à l’apôtre martyr, 
nest d’ailleurs qu’un écho des prières que tant de martyrs adres- 
aient au Christ (3), imitant en cela le premier de tous les martyrs, 
saint Étienne : « Seigneur Jésus, disait-il, reçois mon esprit!» puis, 


‘1) L'expression est de ZAHN, Geschichte des NT. Kanons, t. I], p. 839, qui 
aractérise ainsi la doctrine des Actes de Jean et, tout autant, celle des Actes 
ie Pierre. 

2} VouaAUx, 0. c., p. 64-66, a bien montré que, dans les Actes de Pierre, il n'y 
i as de modalisme ct que le Père v est distingué du Fils. De mème, dans ses 
sotes sur la prière citée ci-dessus, il a pris soin de marquer les textes du 
\. T. dont on retrouve ici l'écho : «il est évident, ajoute-t-il, que c’est là 
u' faut chercher l'origine de la pensée de notre auteur, et non pas dans 
are œuvre gnostique, ou à plus forte raison dans les paroles d'Andromaque 
: Hector ». Serait-il téméraire de reconnaitre aussi dans le mouvement et 
F{ian de cette prière l'influence des acclamations qui, à cette date, retentis- 
aient si souvent au sénat romain; ainsi en l’honneur d'Alexandre Sévère | Vie 
ä Alexandre, par Lampridius, VIT) : « In te salus, in te vita... In te omnia, 
:er te omnia. Antonine, haveas ! » 

(31 Cfr Ep. von DER GoLTz, Das Gebet in der ältesten Christenheit, p. 131. 


Leipzig, 1901. 


26 J. LEBRETON. 


tombant à genoux : « Seigneur, ne leur impute pas ce péché ! » (4) 
On remarque que ces aspirations, ces cris sont plutôt l'expression 
de la piété individuelle. tandis que la priére collective de l'Église 
s'adresse le plus souvent au Père par le Fils; il ne faut pas toutefois 
donner à cette remarque trop de rigueur : dès l'origine de l’Église, 
on trouve des doxologies et des hymnes en l’honneur du Christ 
seul (2), et aussi en l'honneur des personnes divines considérées 
comme l’objet commun d’un mème culte (3). 

Contre cette tradition la théorie d’Origène inaugure une réaction : 
«il ne faut pas prier celui qui prie » ; ce principe, si énergiquement 
défendu dans le De Oratione, fait sentir son influence dans plus 
d’un document liturgique du mm° siècle et du 1rv°. A cette époque, 
l'initiative individuelle s’exerce encore dans ce domaine ; elle n’est 
pas, sans doute, indépendante de la tradition ; mais elle peut 
l’infléchir ou la corriger (4). 


(x) Cette prière de saint Étienne mourant est rappelée par Origène lui- 
même, De orat., XIV, 6. 

(2) Ces doxologies et ces hymnes se trouvent déjà dans le N.T. (v. Origines 
du dogme de la Trinité, p. 329-332) ; elles sont en usage aussi dans l’ancienne 
Église chrétienne : Mart. Polycarpi, 21; Mart. Carpi, 41; les psaumes et 
hymnes en l'honneur du Christ servirent d’argument au début du rrre siècle 
dans la controverse contre les adoptianistes : Eus. H. E., V. 28 ; bien avant 
cette date, l’usage en est attesté par les païens : PLINE, ep. 96; cfr LUCIEN, 
Peregrinus, 13; CELSE, ap. Orig., C. Cels.. VIII, 12-14, etc. 

(3) Ces doxologies, dont les différents termes sont, non pas subordonnés 
entre eux, mais coordonnés, se rencontrent déjà dans le N. T. : « A celui 
qui est assis sur le trône et à l’Agneau la louance, l'honneur, la gloire, le 
pouvoir aux siècles des siècles » (Apoc., V, 13: cfr VII, 10). À l’époque des 
controverses ariennes, on attacha une grande importance à cette tradition ; 
saint Basile la revendique dans le De Spir itu Sancto, 29, en citant l'hymne 
du soir. vuvouuey [larcox ai inv «at &yroy mvedux (ei. Cfr Rouru, 
Reliquiae sacrae, t. III (Oxford, 1846), p. 515-520. L’ an dernier, un papyrus 
découvert à Oxyrhynchus et datant du Ille siècle nous appurtait un frag- 
ment de cette hymne, accompagné de sa notation musicale ! UUYOUYTWY 
d'rucv Taréoa x viov Y IYUY TYEJUX TAGA duvauets ET LE HYOUYTEY 
aUuNy a unV 2p4To: ætyoz. L’'acclamaticn des Puissances, qui fait écho à 
l hy mne chrétienne, est caractéristique de la liturgie alexandrine ; cfr sacra- 
mentarium Serapionis, X,2:09s Ty Enal. KT ÉXY TAUT NY CoGay 2x 2202p3v 
EL4ÈNT AY eva, ds adT ny Eye Gstas Quant: xl 2202000s a yy=h ous 
JaTouT cos y2 duvr û 2202065 vuyity G:. 

(4) L'œuvre liturgique de saint Hippolyte accuse nettement ce caractère 
individus]. On lit, par exemple, à la fin de la formule de Ja bénédiction du 
fromage (éd. Hauler, 108; Connolly, 176) : « In omni vero bencdictione 
dicatur : Tibi gloria, Patri et Filio, cum Sancto Spiritu, in sancta ecclesia et 
nunc et semper et in omnia saecula sacculorum. » Cette formule de doxo- 
logic, qu’Hippolyte emploie en effet dans les autres bénédictions et qu'il 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 27 


On doit reconnaitre, je crois, l'influence origéniste dans les textes 
iturgiques qui représentent le Christ et l’Esprit-Saint comme priant, 
a ciel, Dieu le Père : nous avons relevé cette imagination dans 
‘interprétation allégorique des deux séraphins ou des deux animaux, 
elle qu’Origène la présente (1); on la retrouve, ici ou là, dans 
yelques textes liturgiques : elle est très accusée dans une recen- 
on des Constitutions Apostaliques, représentée par le manuscrit du 
Vatican, grec 1506 : 


Elle t'adore toute la cohorte incorporelle et sainte, (il t'adore le 
“araclet), et avant tous ton saint Enfant, Jésus, le Christ, notre 
visoeur et notre Dieu, ton ange et l’archistratège de ta milice, et 
raod prêtre éternel et sans fin ; elles t’adorent les armées bien ordon- 
es des anges... (Const. Apost., virt, 12, 27) (2). 


Elle apparait encore, mais corrigée ou voilée, dans ces deux textes 
de l'anaphore de Sérapion et dans l’anaphore de la liturgie de 
saint Marc : 


trétend imposer partout, ne se rencontre, dans toute la littérature patris- 
tique, qu’à la fin du traité d'Hippolyte contre Noet (Cfr Connozzy, Texts 
æi Studies, t. VII p. 154). On remarque aussi un des traits caractéristiques 
de ia christologie d’Hippolyte dans ce fragment de son anaphore : « (quem) 
ciysti de caelo in matricem virginis, quique in utero habitus incarnatus est 
et flius tibi ostensus est ex spiritu sancto ct virgine natus » (Haulcr, p. 106). 
(Ja trouvera d’autres rapprochements de ce genre dans la dissertation de 
Dom Connolly ; ces rapprochements prouvent efficacement que cette liturgie 
remonte à saint Hippolyte, mais ils prouvent aussi qu'elle ne remonte pas 
p.us haut. 

11) Ü faut reconnaître que cette imagination d’Origène pouvait s’autoriser 
d'un texte de l'Ascension d'Isaie, IX, 40 : « Et je vis que mon Scigneur 
zdorait, ainsi que l’ange de l'Esprit, et ils louaient Dieu tous deux ensemble » 
-:ir la note de Tisscrant sur ce passage, et son introduction, p. 13-15). Dans 
1 Démonstration de saint Irénée, 10, on lit : « Ce Dicu est glorifié par son 
Verbe, qui est toujours son Fils, et par le Saint-Esprit, qui est la Sagesse du 
Père dc l'univers; et les puissances de ces deux, du Verbe et de la Sagesse, 
qu! sont appelés chérubins et séraphins, glorifient Dieu en le chantant sans 
cesse. » Ce texte d’Irénéc dépend sans doute de l’Ascension d'Isaie (cfr 
J. A. Rostxson, traduction de la Démonstration, Londres, 1920, p. 39), mais 
: la corrige et l’atténue : le culte proprement dit, les hymnes de louange, 
est attribué non au Verbe et à l'Esprit, mais à leurs puissances, les chéru- 
“ins et les séraphins. 

{2) Ce manuscrit a été étudié par C. H. Turner, Journal of Theological 
Studies, t. XV (octobre 1913), p. 53-65, et t. XV1 (octobre 1914), p. 54-62, qui y 
voit la recension primitive des Constitutions Apostoliques, dont la tendance 
aurait été nettement arienne. Le texte traduit ci-dessus est étudié p. 59. Sur 
les mots mis entre parenthèses Turner note : « The bracketed words are by 


28 J. LEBRETON. 


Que parle en nous le Seigneur Jésus et l’Esprit-Saint et qu’il te 
chante par nous. Car tu es au-dessus de toute domination, autorité, 
puissance, seigneurie, et de tout nom qui se peut nommer, non seule- 
ment dans le siècle présent, mais dans le siècle a venir. Mille milliers 
et dix mille myriades t'environnent d'anges, d'archanges, de trônes, 
de seigueuries, de dominations, de puissances ; et surtout les deux 
séraphins très honorables, aux six ailes : de deux ailes ils se voilent 
la face, de deux ailes les pieds, de deux ils volent, et il chantent ta 
sainteté. Avec eux reçois notre chant, quand nous disons : Saint, saint, 
saint, le Seigneur Sabaoth, le ciel et la terre est pleine de ta gloire. 
(Anaphore de Sérapion, éd. Funk, x1u1, 7). 

Auprès de toi sont mille milliers et dix mille myriades de saints 
anges et des armées d'archanges ; auprès de toi les deux animaux très 
vénérables, et les chérubins aux yeux nombreux et les séraphins aux 
six ailes : de deux ils se voilent la face, de deux les pieds, de deux ils 
volent, et ils crient l’un à l’autre de leurs bouches qui ne se reposent 
jamais, de théologies qui ne connaissent pas le silence, ils chantent 
l’hympe de victoire, le trisagion, ils crient, ils gloritient, ils clament 
et ils disent, à ta gloire magnifique : Saint, saint, saint, le Seigneur : 
Sabaoth, le ciel et la terre est pleine de ta gloire sainte. (Liturgie de 
saint Marc. éd. Brightman, p. 131) (1). 


Ce ne sont là, somme toute, que des textes clairsemés et dans la 
plupart d’entre eux les vestiges origénistes, reconnaissables encore, 
sont cependant à demi effacés. Mais il est un autre trait de cette 
théorie d'Origène dont la marque est beaucoup plus profonde : c’est 
l'orientation exclusive qu’elle donne à la prière chrétienne : Îl ne 
faut pas prier celui qui prie; donc le Père seul doit être prie, et il 
doit l’être par l’intercession de son Fils, notre grand prêtre. 

Cette tendance s’accuse dans les doxologies : nous avons remarqué 
ci-dessus que, dés l’origine, le type le plus fréquent de doxologie 
est celui qui glorifie le Père par le Fils; mais, nous l'avons vu 
aussi, on rencontre assez souvent à cette époque une autre forme de 
doxologie, celle qui glorifie le Père et le Fils (ou le Père, le Fils et 
l'Esprit). La spéculation subordinatienne jette sur cette seconde 
forme de doxologie la suspicion et la défaveur : quand saint Basile 
la rencontre sous la plume de Denys d'Alexandrie, il s’en étonne 
comme d’une chose invraisemblable (7222906207); et pourtant ce texte 
mème de Denys atteste l'antiquité de la formule qu'il emploie : 


the second hand over an erasure according to Funk; but I do not doubt 
that it was some close connexion in the original of the Holy Spirit with 
angelic spirits which was the motive of the erasure ». 

(1) Sur tous ces textes cfr J. À. RogiNsoN, o. c., p. 38 suq. 


LA FOI POPULAIRE El LA THÉOLOGIE SAVANTE. 29 


C'est la, dit-il, la formule et la règle que nous avons reçue des 
anciens qui nous ont précédés n (1). 

Au siècle suivant, au temps de la réaction antiarienne, la lutte des 
Zux théologies retentit aussi dans la liturgie, les Ariens cherchant 
:imposer l’usage exclusif de leur doxologie : « Gloire au Père par 
k Fils dans le Saint-Esprit », les Nicéens au contraire soutenant la 
‘siümité de leur formule : « Gloire au Père avec le Fils ct le Saint- 
Esprit», ou encore : « Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit » (2). 

On retrouvera des traces du même couflit dans d’autres documents 
liturgiques, et d’abord dans l'hymne de louange que les Latins 
appelleront le Gloria in excelsis et que les Grecs appellent l'hymne 
du matin ou la grande Doxologie. Ce texte se présente sous deux 
formes ditférentes ; l’une se lit dans le Codex Alexandrinus, à la fin 
du psautier ; l’autre, dans les Constitutions apostoliques, VII, 47 ; 
nous avons essayé de montrer ailleurs (3) que le second de ces deux 
textes est un remaniement où s’accuse la tendance subordinatienne, 
si apparente dans l’ensemble des Constitutions apostoliques et sur- 
tout dans leurs formules de prières ; on se rendra compte de ces 
retouches et de leur signification en comparant les deux traductions 
ci-dessous ; les passages retouchés sont imprimés en italiques : 


Constitutions apostoliques, 


Codex Alexandrinus VIL, 47 


Gloire à Dieu au haut des cieux, 

paix sur la terre, 

tienveillance (de Dieu) sur les 
hommes ! 

Nous te louors, nous t'exaltons, 
nous t’adorons, nous te glori- 
fions, nous te rendons grâces, 
à cause de ta grande gloire, 

Signeur Roi supracé:este, Dieu 
Pere tout-puissant ! 

Seigneur Fils unique, Jésus-Christ, 
el Saint-Esprit ! 


Gloire à Dieu au haut des cieux, 

paix sur la terre, 

bienveillance (de Dieu) sur les 
hommes ! 

Nous te louons, nous te chan- 
tons, nous t'exaltons, nous te 
glorifions, nous t’adorons. par 
le souverain Grand Prélre, loi, 
seul Dieu inenygendré, unique 
inaccessible, 

a cause de ta grande gloire, 

Seigneur Roi supracéleste, Dieu 
Père tout-puissant ! 


(x) BasiLe, de Spiritu Sancto, 29, 72 (FELTOE, Dionysius of Alexandria, 


p- 195). 


(2) Sur ce conflit il faut relire le traité de saint Basile sur le Saint-Esprit ; 
cfr TH. DE RÉGNON, Ftudes de théologie positive sur la sainte Trinite, 1, 
p. 120-125 ; Dom CaBror.,, Le Livre de la prière antique, ch. XIX, p. 267 suq.; 
CavazLERA, Le schisme d'Antioche, p. 52. 

(G)\ Recherches de science religieuse, t, XIV (1923), p. 322-320. 


30 J. LEBRETON. 


Seigneur Dieu, Agneau de Dieu, Seigacur Dieu, Père du Christ, 
Fils du Père, de l'Agneau sans lache, 
toi qui Ôtes les péchés du monde, qui ôle le péché du monde, 


aie pitié de nous ! 
toi qui ôtes les péchés du monde, 


aie pitié de nous ! reçois notre reçois notre supplication ! 
supplication ! 

toi qui es assis à la droite du loi qui es assis sur les Chérubins, 
Père, aie pitié de nous ! 

Parce que tu es seul saint, Parce que tu es seul saint, 

tu es seul Seigneur, tu es seul Seigneur, Jésus, Christ 

Jésus-Christ, du Dieu de toute la nature pr'o- 

à la gloire de Dieu le Père. duile, de notre Roi, par lequel 
Amen ! soil à loi gloire, honneur et 


adoruation ! 


Ni l’une ni l’autre de ces deux recensions n'est libre de toute glose 
théologique : dans la première, la doxologie trinitaire qui termine 
la première partie de l'hymne semble une insertion secondaire, due 
sans doute à la réaction antiarienne. lans la seconde, ces remanie- 
ments sont plus notables : ils affectent non seulement la doxologie 
finale, qui est manifestement corrompue (1), mais un fragment 
notable de la première partie, et tout l’ensemble de la seconde. On 
remarque d’abord, dans la première partie, la mention expresse de 
l’intercession du Christ comme notre Grand Prêtre ; Funk a reconnu 
là une particularité des formules liturgiques des Constitutions apos- 
toliques (2) ; si on en veut chercher l'origine, on la trouvera très 
vraisemblablement dans le texte du De Oratione d’Origène que nous 
avons commenté : « 11 ne faut prier que Dieu, le Père de l'univers; 
mais sans le séparer toutefois du Grand Prétre qui a été établi avec 
serment par le Père ». On remarque ensuite les attributs donnés à 


(1) Cette corruption cst facile à reconnaitre dans la traduction ci-dessus ; : 
nous avons suivi le texte établi par Fuak : cù pLOvos rUpuos | sos, USE 06 
Toù Vend TÂTNs yErnrñs quoews, 70Ù (Parudiws muy, du co ac 06Ex, 
Tu rat Gi5xs. Le texte est pius satisfaisant, si l'on suit le ms. Vatic. 
gr. 2089 (TURNER, JTS, XVI, 56) : au 110V9S UCIOS, 0 ÜE0: xt FaTNt Jioco 

XPIOTOù Toù Gsob Taons YEN TS GUTEWS TOD Gares uw, à où qu 
(LEUR TLUN xx oEfSas. Mais, comme nous l'avons dit plus haut, si l’on voit 
dans ce manuscrit la forme primitive des Constitutions, il faudra admettre, 
avec Turner, que cette première rédaction était d'une tendance nettement 
arienne, et les remaniements que nous signalons ci-dessus en deviennent 
encore plus probables. 

(2) Note sur VIE, 47, 2. Cfr II, 25,7; V, 6, 10; VI, 11, 10; VI, 30, 10; VII, 
38, 3: 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 31 


ba le Père : 55 zû Gyrx Oeûy ayévrnroy Eva, ärnéourey uévey. L'in- 
£ace de la spéculation thévlogique est ici manifeste : elle seule 
et expliquer l'habitude, chère au rédacteur, d'invoquer le Dieu 
«prème comme « inengendré et inaccessible » (1). 

(elle influence s’accuse davantage encore dans la seconde partie 
E l'hymne ; elle en a changé toute l'orientation, faisant d’une prière 
x“ Christ une prière à Dieu le Père. On disait : « Agneau de Dieu, 
ils du Père, toi qui tes les péchés du monde, aie pitié de nous! 
rois notre supplication !» Le rédacteur corrige : « Père du Christ, 
k l'Agneau sans tache, qui ôte le péché du monde, recois notre 
apolication ! » Puis, au lieu de : « Toi qui es assis à la droite du 
Père +, il écrit : « Toi qui es assis sur les Chérubins » (2). Enfin la 
bwlogie finale, d’abord adressée au Christ, est détournée, semble- 
til, vers Dieu le Père (3). 

On pourrait relever dans les Constitutions apostoliques bien 
datres retouches, moins considérables sans doute que celle-ci, 


Ir} Par exemple dans ceite prière de l’évêque sur les catéchumènes : VIII, 
8 LE 5 4:95 9 FAYTOADAT O0, Ô a/ÉvnTOs xx ATOITITHE, Û pôvos a rtv0s 
03, 0 GE55 AA RATS TOÙ AUTO Güu TOÙ povo Evous vics Cou, Ô Mens Tou 
HI02 TT O0 #2Ù TOY 020)y xUpLOS.…. De même dans une prière de la con- 

#cration épiscopale, VI, 5, 1: 6 y, dégrorz RUE G 6 0:05 Ô RAYTORURT Of, 

25/62 I Proc LT TE UTO5... D 1420YOS à ré: 5, 0 LOVOS Gopiss.…. 

j &: cuTEt 2602705, à ôvos 4yx00s xai aobyatros,.… 6 ATrpoiTos, 

: iGr0TOS. Parmi toutes ces épithètes, on remarquera cet attribut, cher 
i0rigene : « Dieu seul bon... » Cfr VII, 44, 2; VIIL 6, 8; VII, 12, 6-7. 

12} Dans l’article des Recherches cité plus haut, cette substitution a été 
tudiée de plus près; nous nous contentcrons ici de ces quelques remarques: 
à session À la droite du Père se rencontre très fréquemment dans la litté- 
riture chrétienne primitive ; c’est, on le sait, un des articles du symbole; la 
“sion sur les Chérubins se trouve beaucoup plus rarement et, dans les textes 
cü eile se rencontre, elle apparaît comme un attribut du Christ et non de 
Dieu le Père. Jusrin : Dial., 37, 3; 64, 45 IRÉNÉE, Adv. haer., III, 11, 8; enfo, 
ins les Constitutions elles-mêmes, VI, 30, 8-10, on peut saisir le passage de 
a première formule à la seconde : le Fils de Dicu est représenté comme 
«ségeant à la droite du trône de la majesté du Dieu tout-puissant, sur les 
chérubins >. Ici encore c'est au Fils que cette session sur les chérubins est 
stribuée ; dans la grande Doxologie, pour orienter la prière vers le Père, le 
:dacteur lui a attribué ce texte biblique ct a effacé la mention de la session 
à la droite du Père. 

13 Nous avons remarqué ci-dessus à quel point cette doxologie finale était 
zroubléc ; si l’on pouvait faire fond sur le texte suivi par Funk, on y trouve- 
ait un argument de pius pour établir la transformation ici étudiée : après 
tétte prière, qui ne s'adresse maintenant qu’à Dieu le Père, les premiers 
mots de la doxologie s’adressent au Fils, comme ils le font dans la formule 


de l’Alexandrinus. 


32 J. LEBRETON. 


mais qui accusent la même tendance : tendance subordinatienne et, 
pous préciser davantage, tendance origéniste (1). 

Ces textes, il est vrai, n’appartiennent pas à la période anténi- 
céenne, que nous étudions ici; ils l'éclairent cependant : si l'influence 


(1) Un des exemples les plus manifestes a déjà été cité dans Ics Recherches ; 
on nous permettra d’y revenir ici avec un peu plus de détail. A la fin d’une 
longue doxologie qui termine le livre VI, on lit dans la Didascalie, VI, 30, 8 : 
« … lesu Christi..… scdentis ad dexteram sedis omnipotentis Dei super 
Cherubim, qui veniet cum virtute et gloria iudicare vivos et mortuos : ipsi 
est potentia et gloria et magnitudo et regnum, Patri et Filio, qui erat et est 
et erit et nunc in gencrationes generationum et in omnia saccula saeculo- 
rum. » Cette finale est ainsi glosée et transiormée par le rédacteur des 
Constitutions : Tr... xaÜesGEvre Ex deZuwy roù Onovou Dis HEyahwobvre TOÙ 
TAVTOXOAT ropes God ëni roy xp... Gy éGracaro Srécaves à para 
es ÉOTOTA Ez CHAT This Ouyausos, XXL avaf5oro xs eurey” (00ù 

Gecopés TOUS GHpæyoUs GYEO) JuÉvous zxt TOY UIOY TOU avpuneu Ex Dettérv 
égr@ra Toù Üioù 5 Apytecix TAVT@Y Ty logo : TayuAT&Y, À Cù TÔ 
géfias nat n usyahwTuun nai % Voix T@ Tavroncarom Us rai voy nai ets 
ToÙs œiwvas" aury. On remarque d’abord comment la doxologice, adressée 
dans la Didascalie au Père et au Fils, est reinaniée par le rédacteur des C. A : 
elle s'adresse au Dicu tout-puissant par le Fils ; le passage qui précède est 
plus intéressant encore : aussitôt après avoir rappelé la session du Fils à la 
droite de Dieu, sur les Chérubins, le rédacteur a inséré le récit de la mort 
de saint Étienne et son témoignage suprême, et il l’a glosé d’une façon très 
caractéristique : le saint martyr s'écrie : « Voici que je vois les cieux 
ouverts et le Fils de l’homme debout à la droit de Dicu comme le Grand 
Prêtre de toutes les cohortes (des Ctres) raisonnables ». Cette glose accuse 
manifestement une origine origéniste : d'abord par cette mention expresse 
du Christ comme Grand Prétre, et surtout par la relation particulière qui 
est affirmée entre lui et les étre raisonnables : rien n’est plus caractéristique 
du système d'Origène que cette relation entre le Logos et les 45174. Cette 
conception se retrouve dans une autre prière des C. A., VII, 35, 10 : 
Ô Toù XHOT Où Oe65 nai Ilarne.…. du où qu xai % ERXEIOS TUITAIMOLS 
OgELDET a TALa TAGNS Lo ptñs rai XJi25 VOTERS. 

On pourrait ajouter d’autres exemples de ces retouches : V, 6, 10 : on lit 
dans la Didascalie : « Credamus in Dominum nostrum lesum Christum et in 
Deum Patrem ipsius, Dominum Deum omnipotentem, et in Spiritum eius 
Sanctum, quibus gloria et honor in saccula saeculorum,amen.» Dans les C. À. : 
TUGTEULDY TG) EVÈ AA pére cintre Dee nai marot dix 'Inooù Xpucrod Toi 
UE a hou 748 SL XX AuT pur où ro Lu xai puobarcdirou roy bd, 
6) r Ôccax 2 ES TOUS ALGVXS" CITTIPE 

V, 7,1: KRessuscitabit nos Deus omnipotens per Deum salvatorem 
nostrum, » d> ToÙ xupiou quœy Insos Xmuorco. 

VI, 19, 2 : « Cognoscentes igitur Dominum Iesum Christum et universam 
eius CIÉDEHSAUONEMS quas a principio facta est... » JP 720 Geoy dix 
"Jroov Xpiotoi HAL TNY JUUTAGAY AUTOY CLACYOLIXY ALYNEVYE YEMLEUTV. » « 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 39 


origéniste a été si puissante dans l’Église syrienne du 1v° siècle, si 
elle a exercé alors sur les compositions liturgiques une action si 
visible, elle nous apparaît comme l'épanouissement d’une action 
antérieure, qui date d’Origène lui-même et du mi° siècle, et nous 
espérons avoir montré par les écrits du grand Alexandrin et surtout 
par son Traité de la prière que c’est lui qui a donné à ce mouvement 
son impulsion et sa direction (1). 


VI, 


Au cours des discussions qui précèdent, nous avons dù constater 
que la spéculation théologique a eausé à l’Église du n° siècle bien 
des dommages : le dogme et le culte en ont souffert. 1] serait injuste 
d'oublier que ces théologiens, ces écrivains, qui sont responsables 
de ces dommages, lui ont rendu de grands services. Avant tout, 
service de protection et de défense. Nous avons vu, par l'exemple 
des chrétiens de Laodicée, l'empressement que mettaient les fidèles 
à s'assurer des évêques diseris et savants : vis à vis d’une opinion 
païenne hostile et dédaigneuse, ils voulaient se couvrir du prestige 
de leur talent et de leur science ; aussi Clément représente-t-il la 
dialectique comme une haie ou un mur qui protège la vigne du 
Cbrist : elle n’a point la prétention de rendre plus puissante la force 
et la sagesse de Dieu, mais elle brise les attaques de la sophistique 
bumaine, elle en arrête l’invasion (2). C’est ainsi qu'aux adversaires 
tirés du christianisme, Celse, Porphyre, Hiéroclès, les lettrés 
chrétiens ont répondu : Origène, Eusèbe, Macarius Magnes et bien 
d'autres. 

A l’intérieur même de l’Église, le rôle des théologiens, tant qu'il 
a été subordonné, a été souvent bienfaisant. L’eschatologie chré- 
tienne leur doit beaucoup : les rêveries millénaristes, propagées par 
Papias et les presbytres, défendues par lrénée, ont été définitivement 
dissipées par Origène et Denys. Sur ce point du moins, l’allégorisme 
alexandrin a été fécond : sans repousser l'autorité de l’Apocalypse, 
comme le faisait Caius et d’autres extrémistes, il a su reporter vers 
des promesses plus hautes, plus pures, plus spirituelles, les espé- 


(1) Pour rendre cette esquisse moins incomplète, il faudrait, après avoir 
montré l'action de la spéculation théologique sur le dogme et le culte, la 
suivre dans un troisième domaine, celui de la vie chrétienne, ascétique ou 
mystique ; ce serait un travail considérable, que nous espérons poursuivre 
ailleurs, mais dont nous ne voudrions pas charger la présente étude, déjà 
peut-être trop longue. 

(2) Strom., I, 20, 100, tr. 


REVUE D'HISTOIRE RCCLÉSIASTIQUE, XXe 3 


34 J. LEBRETON. 


rances des chrétiens ; si, en d’autres questions, la théologie alexan- 
drine a trop dédaigné la chair, trop exasperé le dualisme entre le 
corps et l'esprit, ici du moins elle a su élever l’homme au-dessus 
d’aspirations trop matérielles. 

Ces services sont incontestables ; ils sont considérables ; et pour- 
tant ils ne semblent pas compenser les dommages ; en tout cas, ils 
ne répoudent pas au travail, moins encore au mérite, des thévlogiens 
à qui ils sont dus. Si l’on considère la valeur intellectuelle, morale, 
religieuse de ces grands homumes, et que l’on mette en regard leur 
contribution efficace au progrès du dogme et du culte chrétiens, on 
est attristé de voir ces arbres magnifiques porter de si pauvres fruits. 
La raison n’en est-elle pas qu'ils n’ont pas poussé dans le sol 
chrétien des racines assez profondes ? ou, pour parler sans figure, 
que ces grands théologiens ont été, dans l’Église, trop isolés ? 

Le magistère ofticiel de l'Eglise a dù souvent les désavouer : il 
suffit de rappeler l’histoire de Tertullien, d’Origène, de saint Denys 
d'Alexandrie lui-même. Ces sentences n'ont pas créé le désaccord ; 
elles n'out fait que le constater. Si l'on recherche l'origine du mal, 
on la trouve dans cetle situation anormale de penseurs chrétiens, 
trop dépendants de l’hellénisme, trop indépendants de l’Église, de 
ses chefs et de son peuple. 

Nous ne prétendons pas ici canoniser l'opinion populaire, même 
celle des chrétiens : les simples fidèles ont besoin d’être enscignés, 
éclairés, guidés, sous le contrôle des évêques, par les théologiens. 
À toute époque on sera exposé à trouver parmi eux des illusions 
qu'il faudra dissiper, des croyances sans fondement et sans portée : 
le milléuarisme, dont nous parlions tout à l'heure, en est, pour 
l’'épuque que nous étudions, un simple manifeste. {1 faut reconnaitre, 
de plus, que les ignorants sont incapables de suivre les spéculations 
qui supposent une formation lechnique et qui, cependant, sont utiles 
et fécundes. Mais, ces réserves faites, il faut admettre aussi que les 
théologiens et les simples croyants ont besoin les uns des autres; à 
eux, comme aux riches et aux pauvres, peut s'appliquer la parabole 
d'Hermas : ici encore, c’est l'orme et la vigne, l’orme prêtant a la 
vigne son soutien, la vigne donnant à l'orme ses fruits. Ainsi le 
théologien soutient le fidele et l'élève vers Dieu, et le fidèle fait 
porter à la théologie ses fruits de piété. Et, en même temps que 
cette entr'aide, on constate comme un contrôle réciproque : le théo- 
logien juge les croyances populaires et, au besoin, les corrige, les 
purilie ; et, de sou côté, le simple fidèle met à l'épreuve les spécula- 
tions du théologien : si, dans l'explication d’un doyme fondamental 
comme celui de la Trinité, le theologien ne peut exposer sa pensée 


LA FOI POPULAIRE ET LA TBÉOLOGIE SAVANTE. 35 


sans que les fidèles en soient épouvantés, expatescunt, comme disait 
Krtullien, c'est pour lui fort mauvais signe, et il prétendra en vain 
dsqualifier leur témoignage, en alléguant que la masse des croyants 
« sont que des maladroits et des ignorants, iëmprudentes el idiolae. 
Mint Paulin de Nole dira plus tard plus justement : « De omnium 
fliam ore pendeamus, quia in omnem fidelem Spiritus Dei 
sirat. » (4) 

Nous sommes ainsi ramenés à notre point de départ, c’est à dire 
iux textes fondamentaux de saint Irénée : « La foi est une et iden- 
que ; donc elle ne sera ni augmentée par celui qui peut en parler 
lknguement, ni diminuée par celui qui ne le peut pas » ; ou encore : 
‘Il est meilleur de ne rien savoir, d'ignorer la cause de tout ce qui 
aiste, mais de croire en Dieu et de persévérer dans son amour, 
plutôt que de s’enfler par cette science et de déchoir de cet amour 
qui fait vivre; mieux vaut laisser toute autre recherche scientifique 
pour ne connaitre que Jésus-Christ Fils de Dieu, cracifié pour nous, 
plutôt que d'être entrainé dans l’impiété par les subtilités et les 
minuties des questions. » 11 me semble que la discussion qui précède 
donne à ces affirmations une nouvelle lumière. Nousc onstations que 
œux qui ont perdu de vue ces principes se sont égarés le plus 
ssuvent à poursuivre des chimères : ces allégories, qui étaient chères 
à Origène comme le patrimoine sacré des initiés, comme la clef des 
mystères célestes, qui s’en soucie aujourd'hui? Cette gnose de 
Clément, qui devait transformer dès ici-bas la vie du chrétien par- 
fait, et, au ciel, lui assurer, dans un bercail inaccessible aux 
simples fidèles, une béatitude réservée, qui songe encore à la 
poursuivre ? Et ces chimères, nous l’avons vu aussi, ne furent pas 
seulement stériles, elles furent dangereuses, elles eussent pu être 
mortelles ; et, quand on essaie aujourdhui de retracer l’histoire du 
dogme à cette époque, particulièrement l’histoire du dogme de la 
Trinité, on constate que la plante vivace de l'Evangile a dù, pour 
lever et grandir, dominer toute cette végétation parasite qui menaçait 
de l’étouffer. Les bons serviteurs de la doctrine chrétienne, ceux 
dont le travail fut vraiment fecoud, ne furent point des théologiens 
aventureux, lancés en enfants perdus loin du peuple chrétien, loin 
de ses chefs ; ce furent ces grands évêques inséparables de leur 
troupeau, partageant sa vie qu'ils aiment, partageant sa foi qu'ils 
éclairent, Irénée, Cyprien, et les grands papes du me siècle, Fabien, 
Corneille, Denys. 

On a beaucoup discuté sur les témoins anténicéens du dogme de 


(x) Epist. XXIIL, 25 (PL, LXI, c. 281). 


36 J. LEBRETON. 


la Trinité, et en effet il y a là ample matière à discussion; mais il 
semble que cette discussion s’éclaire, si on recherche ce que valent 
ces témoignages épars dans {a littérature chrétienne, quelle est leur 
origine et, par suite, leur autorité ; Mgr Duchesne a très justement 
remarqué, dans sa controverse avec M. Rambouillet, que plusieurs 
de ces « témoins » sont récusés par l'Eglise comme ayant été con- 
damnés par elle, Tatien, Tertullien, Origène ; d’autres, sans autorité 
doctrinaie, 1thénagore, Théophile, Clément, Ces observations parai- 
tront encore plus fondées, si l’on prend soin de considérer non 
seulement les jugeinents ultérieurs de l'Église, mais la situation que, 
de leur vivaut, c::s écrivains occupaient dans l'Eglise ; si l’on con- 
state que, sur celte question de la Trinité, ils étaient en désaccord 
ou en conflit avec la foi commune, leur « témoignage » perd toute 
son autorité ductrinale ; ce n’est plus qu’une opinion que lhistorien 
pourra avoir grand intérêt à connaître, maïs que le théologien 
pourra révcuser en toute liberté. L'histoire du dogme de la Trinité à 
l'époque anténicienne a done beaucoup à gaguer à cette étude de la 
thévlogie savante, de la foi commune et de leurs rapports. 

Cette étude inter sse aussi directement ;’histoi: ec de l’arianisme et 
de ses origines. Pour expliquer la genèse de cette hérésie, on insiste 
beaucuup sur la théviogie subordinatienne d’un grand nombre 
d'écrivains des trois premiers siècles, et on a raison de la faire, 
mais on ne peut se dissimuler que ce subordinatianisme est fort 
éloigné des théories d Arius ; il s'y oppose en particulier par ce trait 
essentiel, que les anténicéens, considérés dans leur ensemble, 
professent que le Fils de Dieu n'est pas une créature, mais qu’il 
est sorti de l’essence même du Père : c’est contradictoire au principe 
fondamental de l’arianisme. 

Mais si, au lieu de considérer les doctrines que tiennent ces 
théologiens, on étudie la position qu'ils occupent dans l'Église et 
particulièrement leurs relations avec les simples fidèles, on reconnaît 
là une situation anvrmale et périlleuse, et qui prépare en quelque 
façon l'attitude que prendra Arius. L'attachement au Christ et à 
l'Église de chrétiens aussi sincères que le furent Clément et Origène, 
rendit ce danger moins sensible ; l'ambition et les intrigues des 
premiers Ariens le firent éclater au grand jour. 

On vit de uouveau un prètre d'Alexandrie, chassé par son évèque 
et trouvant un refuge près de ses umis à Césarée de Palestine, et se 
donnant à eux et a toute la chretiente comme le représeutant d'un 
christianisme supéricur que des hommes vulgaires poursuivent. Et 
autour de lui toute l'ecole de Lucien d’Antioche, de ce prêtre savant 
qui, avant de terminer Sa vie par le marlyre, avait vécu à Antioche 


= QUE “RE. “ù EEE - nt a | 


ES Re mm 


LA FOI POPULAIRE ET LA THÉOLOGIE SAVANTE. 37 


palant près de trente ans (275-302) hors de l’Église, sous les 
mis épiscopats de Domnus, de Timée et de Cyrille. Les collucia- 
its, sur lesquels s’appuiera Arius. sont nommés par Philostorge : 
Exxbe de Nicomédie, Maris de Chalcédoine, Théognis de Nicomédie, 
late d’Antioche, Antoine de Tarse, Asterius de Cappadore. Ces 
kames sans doute ne ressemblent guère aux amis d’Origène, 
andre de Jérusalem, Grégoire le Thaumaturge et les autres, pas 
x qu'Arius lui-même ne ressemble à l’illustre naître. Mais on ne 
ral nier l’analogie que présente la situation ecclésiastique de ces 
“11 groupes d’hommes, isolés par leur science, par leurs traditions 
‘sole, par les suspicions qu'ils provoquent. 

Et vis-a-vis du peuple chrétien on remarque aussi, de part et 
‘utre, une attitude qui présente bien des traits communs : chez les 
us el les autres, le prestige du savoir qui les tient à distance du 
æuple; on se rappelle comment Clément et Origène ont accusé tout 
# qui séparait du simple fidèle le gnostique, le chrétien parfait ; 
Wius prétend, à son tour, faire partie de l'élite et en revendique 
pur lui et les siens les privilèges ; c'est ainsi qu'il se pose aux 
remiers vers de sa Thalie : 


Selon la foi des élus de Dieu, qui comprennent Dieu, des enfants 
saigts, orthodoxes, qui ont reçu le Saint-Es:rit de Dieu, voici ce que 
ja appris de ceux qui participent à la sagesse, des gens distingués, 
ætruits par Dieu, et habiles en toutes choses. C’est sur leurs traces 
‘ejai marché, partageant leur doctrine, moi dont on parle tant, qui 
à nt souffert pour la gloire de Dieu, qui ai reçu de Dieu la sagesse 
4 la science que je posséde. 


Mais, à côt* de ces traits communs, que de différences profondes! 
Les grands Alexandrins, Origène surtout, sont, malgré toutes les 
zaerses et toutes les persécutions, des hommes d’Église ; Arius 
un partisan. Les autres pouvaient prétendre à des révélations 
‘érieures, inais édifiées sur l'indispensable fondement de la foi 
“nmune ; Arius au contraire ne peut construire sa doctrine que 
ar les ruines de la foi traditionnelle. Aussi l’attitude du peuple 
trétien fat bien différente vis-à-vis des uns et des autres L’ensei- 
sement de Clément, d’Origène ou encore de Denys d'Alexandrie 
at provoquer de l’antipathie, de la défiance, des dénonciations ; 
“lai d'Arius souleva la révolte et, malgré toutes ses habiletés, toutes 
*#< intrigues de cour, cette révolte fut irrésistible. 


Paris. J. LEBRETON. 


- 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 


En 1897, H. Usener publiait, dans les Catenen de H. Lietzmann, 
une courte étude (1) sur un commentaire grec du livre de Job 
faussement attribué à Origène par les trois seuls mss tardifs qu’on 
en connaisse (2). Reprenant, mais sur des bases plus larges, des 
vues déjà émises par E. Bratke (3), et combattues par E. Preu- 
schen (4), il soutint qu'il avait pour auteur ce Julien, évêque mono- 
physite d’Halicarnasse, qui, réfugié en Égypte lors de la réaction 
chalcédonienne qui marqua les débuts du règne de Justin 1 (518), 
entama avec un autre proscrit, Sévère d'Antioche, une longue 
controverse sur l’incorruptibilité du corps du Christ. Quelques 
années plus tard, il en publiait des extraits dans le Rheinisches 
Museum für Philologie (5). 

Les conclusions d’Usener reçurent l’adhésion des critiques (6). Le 
philologue allemand les avait assises sur la confrontation des scolies 
conservées par les chaînes grecques sur Job sous le lemma IOT-- 


(x) H. USsExER, Julian von Halikarnass, dans H. LIETZMANN, Catenen, Mit- 
teilungen über ihre Geschichte und handschriftliche Ueberlieferung, p. 28-34. 
Fribourg-en-Brisgau, 1897. 

(2) Ce sont : le Paris. 454, écrit en Italie en 1448 par Basile; le Berol. Phill. 
1406. copié à Venise en 1542, et. d’après H. UsENER (dans H. LIETZMANN, op. 
cit. p. 29), sur le Partis. 454 ; le Vatic. 1518 (papier, relié aux armes de Paul V 
Borghèse, 1605-1621. Titre : « Origenis in librum Job plena interpretatio ex 
bibliotheca Regis Renati.»}). Ajoutons que le Paris. 269, fol. 274 ro-287 vo 
contient le premier septième de cet ouvrage (Paris. 454, fol. 2 vo äyÿpwno: 
TS... 2270 TFy Oizilay xaTaOxeury). Le Berol. Phill. 1406 ne nous étant pas 
accessible, il nous est impossible d'établir la filiation de ces quatre mss. Le 
Vatic. 1518 présente un texte du même type que celui du Parts. 454, mais très 
mal conservé. 

Dans son édition latine des œuvres d'Origène publiée à Paris en 1574, et 
réimprimée en 1604 et en 1619, G. GÉNÉBRARD a repris la traduction latine 
qu'en avait élaborée J. PerIoNIUS d’après le Partis. 454. 

H. USENER (art. cit., p. 28 et suiv.) a relevé la faiblesse de l'attestation des 
mss en faveur de l’authenticité origénienne de cet ouvrage. Remarquons en 
outre que la référence du commentaire au «martyr Lucien» d’Antioche 
(+ 312). à propos de Jub, II, 9 (Paris. 454, fol. x5ro), suffirait par elle-même à 
écarter l'hypothèse de sa composition par Origène. 

(3) Theol, Literaturblatt, 1893, n. 22 (2 juin). 

(4) Theol. Literaturzeitung, 1893, n. 14, p. 364. 

(5) T. LV (1900), p. 321-340, sous le titre Aus Julian von Halikarnass. 

(6) P. ex., G. KRüGER, art. Mfonophysiten dans la PRES, t. IX, p. 606 et suiv.; 
J. P. JuNaLas, Leontius von Byzanz (dans les Forschungen zur Christlichen 
Literatur. und Dogmengeschickte de À. EHRHARD et J. P. KirscH, VIT. Band, 
3. Hefît), p. 103, not. Paderborn, 1908. : 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. . 39 


\ANOT avec le texte du commentaire du pseudo-Origène ; on 
tmava qu’elles se confirimaient par ailleurs. En 1911, un mékhitha- 
rite de Vienne, le P. Ferhat (1). prétendit leur apporter l'appui de 
h tradition manuscrite arménienne. Plus récemment, le P. Dieu 
iubliait, d’après le Paris. 454, deux nouveaux fragments du com- 
sentaire (2), et croyait retrouver dans ce dernier les idées de Julien 
d'Halicarnasse sur l'incorruptibilité du corps du Christ exprimées 
ie une précision et une insistance suffisantes pour qu'il ne fût 
plus possible de contester la restitution proposée par H. Usener (3). 
I! nous semble toutefois qu'un examen plus approfondi du témoi- 
gage des chaines grecques sur Job et de la tradition manuscrite 
arménienne, comme aussi de la doctrine théologique du pseudo- 
Ürigéne, légitime une manière de voir sensiblement différente. 


Ï 


Nous l’avons dit, c’est la confrontation des scolies des chaines 
sur Job avec le commentaire du pseudo-Origène qui avait amené 
lsener à identifier celui-ci avec Julien d'Halicarnasse. Dans la chaîne 
publiée par P. Junius (Young) (4), on lit 18 scolies sous le lemma 
IOYAIANOY, précisé une fois, dans le prologue, en IOYAIANOY 
AAIK.: lPédition de P. Comitolus, basée sur d’autres mss, mais 
ellemëème en traduction latine seulement, en contient 35, dont 16 lui 
sont communes avec Junius (5); enfin, Mai avait publié dans le 
Spicilegium Romanum (6), sous le titre « Juliant Halicarnassensis 
fragmenta », 46 fragments qu’il disait, sans autres précisions, 
empruntés à un ms. oncial du Vatican, très ancien, de la chaine 
sur Job (7). Considérant que des 68 passages différents attestés 
par cette centaine de citations, il s'en retrouvait 51, soit 75 °/, 
dans le commentaire sur Job du pseudo-Origène, H. Usener se crut 
en droit de conclure que ce dernier n’était autre que Julien, évêque 
d'Halicarnasse (8). 

N’était-ce pas conclure trop rapidement, et n’eût-il pas mieux valu 


(1) Der Jobprolog des Julianos von Halikarnassos in einer armenischen Bear- 
Éeitung, dans l’Oriens Christianus, Neue Serie, I. Band (r911), I. Heft, p. 26 
et sUIV. 

(2) Fragments dogmatiques de Julien d’Halicarnasse, dans les Mélanges 
Charles Moeller, t. 1, p. 192 et suiv. Louvain, 1914. 

13) Jbid., p. 193. 

(4) Catena beatorum Patrum in beatum Job collectore Niceta... Londres, 1637. 

(5) Catena in beatissimum Job absolutissima.…., 2e édit. Venise, 1587. 

(6) T. X, pars Ïs, p. 206-211. 
(7 Ibid. p. 201. 
(&j Dans H. LiETZMANN, op. cit,, p. 34. 


40 | RENÉ DRAGUET. 


distinguer deux choses, à savoir l’utilisation du commentaire par le 
caténiste, et l'identification de son auteur avec Julien d’Halicarnasse ? 
C'est la méthode que nous allons suivre. 


1. UTILISATION DU COMMENTAIRE DU PSEUDO-ORIGÈNE PAR LE CATÉNISTE. 


On sait que la chaine sur Job se présente en une double recension. 
L'une à son représentant le plus ancien dans le Vatic. 749 (1), et 
n'est pas encore éditée ; l'autre, plus récente, dite de Nicétas 
d'Héraclée (2), se retrouve dans de nombreux mss, d'époque tardive 
pour la plupart; l'édition qu’en a donnée P. Junius à Londres en 
1637 a été réimprimée à Venise en 1792 par J. Marmarotourès ct 
G. Chrysophos (3). Dressant le catalogue des chaines grecques sur 
Job (4), H. Lietzmann distingue jusqu’à neuf groupes dans les mss de 
la première recension (1); il n’ose pas, écrit-il, faire une distribution 
analogue parmi les représentants de la seconde (11) (5). Soulevant en 
une phrase, dans ses Catenen (6), le problème de leurs rapports 
mutuels, il croit qu’il faut parler de source commune aux deux 
plutôt que d'utilisation de l’une par l’autre. Le P. Dieu a estimé 
cette hypothèse « assez vraisemblable » (7). 1} nous semble, au 
contraire, que des études plus poussées se prononceraient pour la 
dépendance du type II par rapport au type I, la recension de Nicétas 
se présentant en beaucoup d’endroits, au moins s’il faut en juger 
par le sort fait aux scolies de Julien (8), comme un texte élaboré, en 


(1x) Du 1xe siècle, d’après P. FRANCHI DE’ CAVALIERI, Specimina Codicum 
graecorum Vaticanorum, p. 7. Bonn, 1910. 

(2) K. KRUMBACHER (Geschichte der Byzantinischen Litteratur, p. 211. 
Munich, 1897) place son activité littéraire dans le dernier tiers du xie siècle. 

(3) Voir le titre complet de cette dernière dans E. KLOSTERMANN, Die 
Ueberlieferung der Jeremia-Homilien des Origenes (Texte u. Unters., N.F, 
I. Band-X VI, 31, p. 32, n. 2. Leipzig, 1897. Sur son caractère de simple 
réimpression de l'édition de P. Junius, cfr À. Vaccart, Un Commentu a 
Giobbe di Giuliano di Eclana, p. 127, n. Rome, 1915. 

(4) G. Karo et I. LiETZMANN, Catenarum graecarum Catalogus, dans les 
Nachrichten von der K. Gesellschaft der W'issenschaften ju Gôttingen, Phil. 
Hist. Klasse, 1902, Heft 3, p. 319-331. Nous citons ce travail sous le sigle KL. 

(5) Zbid., p. 327. 

(6) Op. cit., p 23. 

(7) Le « Commentaire de S. Jean Chrysostome sur Job », dans cette revue, 
t. XIII (x912), p. 644. 

(8) Des 71 fragments du commentaire cités par les divers mss de la 
ire recension, il en subsiste dans la Ilme (P. Junius) 14 seulement sous le 
lemma JOYATANO)’, 18 sous le 1 OATMIIIOAQPOY, 6 sous le 
L FOAYXPONIOY, 3 sous le 1. XPY YOXTOMOY, 2 sous le 1. IOY- 
ALANOY 220 TO A YXPONIOY, 1 sous le 1. JOYATANOY za OAYM- 
ITIOAUPOY, 2 sous le 1. OAYMITIOAQPOY z2t TIOAYXPONIOY, 


si A 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 41 


Late indépendance parfois, d’après le principe d’un assemblage de 
txments choisis parmi les scolies de 1, placés ensuite sous un 
kuma commun. 

&ucieux d'élargir la base de notre enquête sur la véritable iden- 
ur du pseudo-Origène, nous avons relevé les scolies attribuées à 
alien » dans 37 mss des chaines sur Job, dont 18 du type I et 19 
atpe FI. Ce sont les suivants : 


h': Fatic. 749 (s. IX), Ambros. D 73 sup. (s. IX-X), Vatic. 750 
(s. X), Paris. 454 (s. XIII), Paris. 138 (s. XVI), Vallic. 41 
(s. X). 

ls: Ven. 21 (s. X-XI), Paris. Coisl. 194 (s. XIIT). 

Pt: Ambros. À 148 inf. (s. X-X1), Paris. 162 (s. XIID), Varic. 
697 (s. MI). 

I : Fen. 538. (s. X), Angel. 113 (s. XVI), Vatic. 338 (s. XI), 
Ambros. M. 68 sup. (s. XI), Paris. 136 (s. XV). 

IF: Fatic. Pis 11 4 (s. XID (1). 

E : Laur. V 27 (s. XIV). 

I : Fatic. Pal. 250 (s. X-XI), Vatic. 1909 (s. XVI), Ambros. B 117 
sup. (s. XII), Vatic. 754 (s. XIII), Vatic. 1231 (s. XIID), 
Vatic. Ou. 24 (s. XVI), Vatic. Ou. 9 (s. XVI), Vatic. 2227 
(s. XHD, Paris. 134 (s. XIII), Paris. 135 (s. XIV), Paris. 
Coisl. 9 (s. XV), Mediol. Brera AF XIV 13 (s. XVI), Paris. 
157 (s. XVI), Ven. app. class. 1 43 (s. XVII), Laur. X 29 
(s. XIHI-XIV), Nap. 11 B 26 (s. XV-XVI), Map. Il B 27 (s. XV), 
Paris. suppl. gr. 153 (s. XI). 

Les « deux mss de la Bodléienne » sur lesquels repose l'édition 

de P, Junius sont vraisemblablement les Bodl. Bar. 176 (1562) et le 
Bsil, Bar. 495 (s. XV) (2). 


Nous avons de la sorte noté 103 scolies attribuées chacune par un 
1 plusieurs mss à un certain « Julien », IOYAIANOTY. On jugera 
aieux de l’état de la tradition manuscrite à leur endroit par le 


: sous le LL XPYSOZSTOMOT xt ITOAYXPONIOY, rx sous le 


+ MEODOAIOY ; 8 sont dépourvus de lemma ; 2 autres suivent une scolie 


ns lemma et n’en portent pas moins eux-mêmes le lemma TOY AYTOY : 
- en est 13 enfin qu’on peut dire totalement disparus. Ceux qui subsistent 
æ sont pas toujours reproduits intégralement ni textuellement ; souvent, 
is sont amalgamés avec d’autres scolies; parfois, ils ont eux-mêmes servi de 
‘se à un développement ultérieur. 

{:; U. BErTiN1 (La catena greca in Giobbe, dans Biblica, t. IV (1923), fasc. 2, 
:.140) le rattacherait à un troisième type de texte, intermédiaire entre les 
eux recensions. 

{2} Cfr Coxe, Cutalogi Codd, Ms, Bibl. Bodleianae, Pars I, Codd. graeci, 
Drford, 1853. 


42 | RENÉ DRAGUET. 


tableau suivant qui en dresse la liste. Elle indique pour chaque scolie 

4) un numéro d'ordre ; 

2) sa place éventuelle dans la liste d’Usener (cfr H. LIETZMANN, 
Catenen, op. ctt., p. 33-34); 

3) le passage de Job qu’elle commente ; 

4) la référence au ms. du meilleur type dans lequel nous l’ayons 
lue. Nous renvoyons de préférence au Vatic. 749, à son défaut 
(lacune ou erreur d'attribution), au Vatic. 750, puis au Paris. 151 
(KL : Ia’), et ainsi de suite aux mss Ven. 21, Paris. Coisl. 194 (la?), 
Ambros. À 148 inf., Paris. 162 (4b'), Angel. 113 (lc), Vatic. Pii II 
4 (19), Laur. V 27 (18), et deux fois à l'édition de Juuius (ll); 

à) s’il y a lieu, le folio du Paris. 454 où elle se retrouve. 

Vu le but que nous poursuivons, il est inutile, nous semble-t-il, 
d'ajouter à ces indications tant l’incipit et le desinit des scolies des 
chaînes que ceux des fragments qui leur correspondent dans le 
Paris. 454. 


N° p'onpne | Usexer | Sur Jos | VOIR PAR EX. LE MS. | Paris. 454 


1 Vat. 749, 4 ro 
2 Ven. 21, 125 vo 1 ro 
2b Junius, ProϾmium 
3 1,5 Vat. Pi 111,7r0 5 vo 
4 1,12 Vat. 749, 16 ro 8 vo 
5 1,15 Vat. Pii 111, 13ro 9 ro 
6 1,19 » 16 ro 10 ro 
1 I],1 Vat. 749, 22 vo Cfr 11 vo 
8 11,8 » 25 vo 12 vo 
9 11,9 » 28 ro Cfr 15r0 ss. 
10 11,10 »  28v 14 vo 
11 IIL,9 » 34 ro 18 ro 
12 V,24 o 49 vo 25 r° 
13 V,24 Angel. 113, 103 vo 
14 V,24 Paris. 151, 152r0 
13 V,25 Ambr. À 148 inf., 131 v° 
16 v,25 Vat. 749, 50 ro 25 ro 
17 VI,7 » 53 ro 26 ro 
18 VI,8 » Da VO 
19 VL,S8 Paris. 151, 155 ro 
20 VI,10 Vat. 749, 54 ro 
21 VI,25 » 97 vo 97 vo 
22 VILA , 59 ro 28 ro 
23 VII,2 » 59 ro Cfr 28 ro 
24 VIL,2 , 59 ro 
25 VIL,5 , d9 vo 28 vo 
26 IX,27 , 74ro 35 vo 
27 X,6 : 76 v° 37 r° 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 


43 


Fs'onpne Useven | Sur Jos | VoIR PAR EX. LE MS. | Paris. 454 


SRLRSISCESTR=SEÉS 


TRRISERLRRLISESAILSUESRHSESSNSE 


f 


et et et 1 
om C9 IN 


& 


ERe 


È 


EE 


X,7 
X,9 
X1,1 
X1,3 
X1,5 
X1,6 
X1,12 
X1,13 
XIL,3 
XI1,4 
XI1,8 
X11,17 
XIV, 
XIV,5 
XIV,10 
X1V,13 
XV,19 
X1V,21 
XVII, 14 
XVIIL,9 
XVIII,10 
XVIIL,16 
XVII,18 
XIX,13 
XIX,15 
XIX,16 
XIX,22 
XIX,23 
XX,93 
XX,35 
XXI,14 
XX1,26 
XX1,39 
XXIL,5 
XX1II,7 
XXIV,14 
XXV,5 
XXVI,2 
XXVL,9 
XXVII, 14 
XXVIIL,2 
XXVILE,10 
XXIX,2 
XXIX,3 
XXX, 11 
XXXL,5 
XXXL,9 
XXXI,34 


Vat. 749, 71 r° 
» 71 ro 
» 81 r° 
, 81 ro 


Ven. 21, 182 vo 
Ambr. À 148 inf., 144v0 


Vat. 749, 83 r° 
[1 83 ro 
» 86 ro 


Ambr. À 148 inf., 152 ro 
Vat. 749, 87 ro 
Vat. Piï I11,71r0 
Vat. 749, 96 ro 
Junius, 273 
Vat. 749, 97 vo 
» 98 vo 

Coisl. 194, 244 ro 
Paris. 151. 195 ro 

, 209 ro 
Ven. 21, 214 ro 
Vat. 749, 117 r° 
Coïsl. 194, 268 vo 

» 268 v° 
Vat. 749, 122 vo 
Laur. V 27, 113 vo 
Vat. 749, 123 ro 
Ambr. À 148 inf., 178 r° 
Vat. 749, 124 vo 


, 131 ro 
» 131 vo 
» 135 vo 
» 137 ro 


Paris. 151, 225 vo 
Vat. 749, 140 vo 


» 146 vo 
, 155 vo 


Paris. 151, 227 vo 
Ambr., À 148 inf.. 199 vo 
Vat. 749, 160 ro 

Paris. 135, 76 r° 

Coisl. 194, 309 ro 

Vat, 749, 167 ro 

Vat. Pii I11,1t4r° 
Ambr. \ 148 inf., 911 vo 
Junius, 465 

Paris. 151, 248 vo 

Vat. 749, 178 ro 


37 ro 
37 VO 
39 vo 
39 vo 


40 vo 
40 vo 
41 vo 


4i v° 
43 ro 
47 ro 


48 ro 
48 vo 


49 vo 
55 vo 


36 v° 


58 ro 
58 r° 


8 vo 
61 vo 
62 ro 
63 vo 
65 ro 
66 ro 
66 vo 
69 vo 
73 r° 
74v0 
75 ro 


79 vo 


84 vo 


f1 ro 
93 vo 


44 RENÉ DRAGUET. 


No D'ORDRE | UsENER | Sur Jo | VOIR PAR EX. LE MS. | Paris. 454 


76 48 XXX111.29 Vat. 749, 189 vo 101 vo 

77 50 XXXI11,29 » 4189 vo 

78 49 XXXIL,33 » 189 vo 102 ro 

79 51 XXXIV, 1 »  491r0 102 vo 

80 -. 52 XXXIV,3 » 191 ro 102 vo 

81 XXXIV,18 »  193ro 104 ro 

82 53 XXXIV,34 »  173vo 106 vo 

83 XXX1V.37 Paris. 162, 9 ro 

84 ; XXXV,3 Ven. 21, 266 vo 

85 XXXV,4 Vat. 749, 195 vo 107 vo 

86 XXXV,13 Ven. 21, 264 vo 

87 54 XXXVII,22 Vat. 749, 209 ro 118 ro 

88 55 XXXVIIL.1 »  2913ro | 

89 56 XXXVIHIL,2 »  213vo 121 ro 

90 57 XXXVII,14 »  2A17ro 128 vo 

91 59 XXXVII1,16 21770 129 vo 

92 XXXVIHL,16 s  A7r0 

93 58 XXXVIIL,17 »  217vo ü 

94 60 XXXVIIL,34 » 248 vo 132 vo 

95 XXXIX,33 Paris. 151, 280 ro 136 ro 

95 XL,10 . 282 vo 

97 6! XL,10 Vat. 749, 230 vo 137 ro 

98 62 XLH1,7 »  243r0 148 vo 

99 63 XLII,9 » 24r0 149 ro 
100 64 XLI1,17 » 248 ro 150 ro 
101 65 XLII,178 »  248ro 150 vo 
102 66 XLH1,17s Vat. 749, 248 ro 150 vo 
103 68 XL11,17c Paris. 151, 296 ro 152 ro 


On voit par l'examen de ce tableau qu'on retrouve dans le com- 
mentaire 71 des scolies lemmatées IOY ATA NOT dans les chaines (1), 
soit environ 68, 9 °/.. De son côté, l’étude comparative des diverses 
familles de mss montre que les erreurs d'attribution sont imputables 
aux déficiences coutumières à la tradition manuscrite, particulière- 
ment actives dans la transmission de textes de cette nature (2), et 


(1) Sur la teneur du lemma de la scolie 1, voir plus loin, p. 46; 7 et 23 
n'ont qu'un léger point de contact avec le texte du Paris. 454; 9 en résume 
brièvement un long passage (fol. 15 ro-16 vo); 102 est séparée de 101, dans le 
Vatic. 749, par un blanc réservé sans doute à un lemma qui aurait dû y 
trouver place. 

(2) Multiples sont les causes des erreurs d’attribution ! Au moins dans 
les mss ancicns, les lemmata étaient écrits en rouge, mais ce travail sc 
faisait en une fois, après qu’on avait écrit toute la chaîne à l’encre noire, en 
laissant en blanc les espaces requis pour les lemmata et les miniatures. Or, 
dans de nombreux cas, — à commencer par celui du Vatic. 749, — l'enlu- 
mineur et le rubricateur n'ont travaillé que dans la première partie du ms. 


a TR. EE 


CR LE 


RE er le = : 


UN COMMENTAIRE GREC ARÏIEN SUR JOB. 45 


que, plus on remonte vers les formes originales de la chaine, plus 
«actes se font les attributions à Julien ({). 

En présence de ces faits, il est légitime de conclure, première- 
ment, que le caténiste a utilisé l’œuvre du pseudo-Origène qui nous 
“ccupe, et secondement, que celle-ci circulait alors sous le nom d'un 
srlain « Julien ». Sur ces deux points, nous admettons l'exactitude 
des déductions d’Usener. 


1. L'IDENTIFICATION DU PSEUDO-ORIGÈNE AVEC JULIEN D'HALICARNASSE. 


L'identification proposée par Usener repose en fait sur une base 
bien peu large. En effet, des scolies qu’il lisait dans Junius et dans 
Comitolus, une seule, — encore est-ce celle du prologue de la chaine 
dans sa forme la plus altérée, — porte IOYAIANOY AAIK.; par 
ailleurs, le titre de la publication de Mai dépassait les faits, puisque, 
des 46 scolies ainsi empruntées au Falic. 749 (2), pas une seule n’y 


Vienne un copiste ultérieur ; rarement il aura le scrupule de laisser en blanc 
dans la copie qu’il exécute un espace qui attesterait l’absence d’un Ilemma 
dans son modèle; tout au plus fera-t-il précéder la scolie qu’il reproduit du 
259 zv75 bien connu des chaînes, indication qui, d’ailleurs, sera le plus 
souvent erronée ; dans la majorité des cas, les deux scolies seront bloquées 
sous le lemma de la première, Les copistes n'avaient au reste pas notre souci 
des attributions littéraires ; qu’au lieu d’être appuyée de l'autorité de S. Jean 
Chrysostome ou nantie de celle de Sévère d'Antioche, elle fut simplement 
rapportée à un « anonyme », la scolie perdait-elle de sa valeur d’édification ? 
Du moment que le lemma n'était pas copié en même temps que la scolie, 
que de causes d'erreur pour le travail du rubricateur ! Il est si facile, p. ex., 
qu'un lemma de l'original passe inaperçu pour ce dernier, et, de ce seul fait, 
toute la série des lemmata peut se trouver déplacée d’unc unité par rapport 
à la série des scolies. Pour des raisons analogues, des scolies peuvent dis- 
paraître entièrement. Le texte sacré s’écrivait lui aussi avant la chaîne, par 
fragments d’égalc longueur, sur feuilles détachées, souvent au milieu, vers 
je côté qui devait être central une fois celles-ci réunies en codex. Alors 
sculement commençait la transcription des scolies ; si les feuilles de la copie 
étaient d’un format plus restreint que celles de l'original, en cas d’abon- 
dance de scolies dans celui-ci, le copiste devait en laisser tomber une partie, 
sous peine de devoir encadrer le texte biblique du folio suivant de commen- 
aires qai ne le concernaient pas. 

(1) Des 65 scolics, — nous omettons la 1e et la 102€, — attribuées à « Julien » 
par le Vatic. 749, 7 seulement, — ou 0, si l'on exclut 7 et 23, — soit environ 
un huitième, ne figurent pas dans le pseudo-Origène. 

(2) C'est en cffct au Vatic. 749 qui renvoient les indications de folios qui 
précèdent les scolies publiées dans le t. X du Spic. Rom. Ainsi qu’en 
témoignent ses notes conservées dans le Vatic. 1518, Mar avait fait l’iden- 
üñcation que dec-ait plus tard proposer H. UsEner. On sait que le cardinal 
travaillait vite ; ici notamment, une vingtaine de scolics de « Julien », celles 
qui ressortent le moins du texte du Vatic. 749, lui avaient échappé. C’est le 
lemma du prologue de Junius qui l'avait, lui aussi,-mis sur une piste qu'il 


46 RENÉ DRAGUËT. 


figure sous un lemma autre que IOYAIANOY sans autre précision. 

Mais en est-elle pour celà moins justifiée ? 

C’est principalement dans le but d’étudier la teneur exacte des lem- 
mata IOYAIANOT que nous avons étendu notre enquête à 37 mss 
de groupes différents. Or, voici les faits que nous avons observés : 

4° Jamais, dans le corps des chaînes, — par opposition à leur 
prologue, — on ne relève un lemma IOYAIANOY AAIÏK., ou AAI- 
KAPNAZDOT ; toutes les scolies de « Julien » sont lemmatées 
IOYAIANOTY tout court. L’'Ambros. À 148 inf. est seul à faire 
exception : une fois, fol. 241 vo, sur Job XXX, 11, il présente une 
scolie comme de IOYAIANOY AIAKO. ANTIOX. 

2° Les prologues, au contraire, paraissent mieux informés : il y 
est question de deux Juliens. 

À côté de prologues anonymes, ou rapportés à Olympiodore et à 
Polychronius par des indications écrites en rouge dans le corps du 
texte, une première catégorie de mss, les Vatic. 749 et Paris. 151, 
par une note gauchement cunçue 752 ioulayos à a ££avopes (Paris. 
4151 : &AcéavOpeixc), placée en marge à l'encre noire, rapportent à un 
« Julien d'Alexandrie » la pièce Eixcs cùy 671 «xt Muucr: (prologue 7 
de KL, p. 320 ; notre scolie 1) (1). Dans d’autres mss, elle fait suite 
sans nouvelle attribution au prologue 6, lui-même anonyine, parfois 
aussi rapporté à Polychronius (p. ex., Paris. 151, en marge, en noir; 
les mss de Il); un autre enfin, le Ven. 558 lui met, en marge égale- 
ment, le lemma rcù icuuxvd: (sic) suivi de la mention à ovyycz 
raturée (6 ouyypaveus?). Ce prologue 7 est étranger au commentaire 
du pseudo-Origène. 

Dans d’autres mss, les prologues se sont enrichis d’une pièce qui 
nous intéresse davantage, à savoir celui du commentaire du pseudo- 
Origène, qu'ils présentent sous le lemma iouxvoù érioxénou 3e- 
xapvaoco. Îl se trouve en entier Zruxtz….. atxmy (notre scolie 24) 
dans les trois mss du type I qui l'insèrent, le Ven. 21, le Cotsl. 194 
et l’Angel. 113. Il est systématiquement abrégé Sruzive… Enayychias 
(notre scolie 2b) dans le Bodl. Laud. 20 (s. XIU; KL, 14), et dans 
l'édition de Junius, laquelle, nous l’avons dit, reproduit deux mss 
de la Bodléienne. Les 19 mss de la 11° recension que nous avons 
consultés l’omettent. Remarquons que ces mss, qui citent « Julien 


croyait bonne. Il avait annoncé son intention de publier sur la question, 
mais, suivant son habitude, il avait tu la cote des mss qu’il utilisait, celle du 
Vatic. 749 dans le Spic. Rom., t. X, Is pars, p. 201, et celle du Vatrc. 1518 
dans la Nova Patrum Bibliotheca, 1, p. 112, n. 2. Rome, 1844. j 

(1) Nous suivons la numérotation adoptée par G. KARO—Ï. LIETZMANN, op. 
cit., p. 320 et suiv., pour désigner les diverses pièces ou prologues qui com- 
posent le prologue des mss du type I, Le lecteur s’y reportera utilement, 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 47 


d'lalicarnasse » dans leur prologue, ont aussi la pièce 7, mais 
avovme et rattachée au prologue 6. 
ssayons d'interpréter ces faits. 

Le Fen. 21, le plus ancien ms. du type fa°, qui lit dans ses pro- 
ques la pièce Sxuaivs..… eixwy (KL, prol. 8°) sous le lemma complet 
2112900 ETAGÔTEU A duxxoyaT où, ne connait plus dans le corps de la 
‘sise que isu/127c0, sans autre détermination. C’est là un phénomène 
sut à fait anormal, puisque, imitant en cela les anciens témoins de la 
#aine, une fois les prologues dépassés, il répète souvent les autres 
lemmata sous leur forme complète : cevfpou nr. avricysixs, moluypoviou 
I, 2FAUEXE, nebodteu Gidn3, inAvvOU TOÙ xpvaesriuov, ete., etc. La chose 
ae s'explique que si, à l'origine, la tradition qu'il représente ne 
œwmporlait pas le prologue 8° sous un lemma aussi déterminé, et 
mine, vu que cette pièce et son lemma iou/exvct En. xAwapvacoi 
apparaissent dans la tradition manuscrite indissolublement liés, il 
devient très vraisemblable qu'ils n’y figuraient ni l’un ni l’autre. 

D'autre part, le Vatic. 749, le ms. le plus ancien du type la' et 
le plus ancien absolument parlant, ainsi que les mss de son type 
n'ont, ni le lemma icu/uaxvod ën. à txagyaoù, ni le prologue 8° Mais 
elte sbsence n'a-t-elle pas pour cause une omission ? Et ne peut-on 
penser que le Ven. 21 (s. X-X1) serre de plus près que le Vatic. 749 
l forme originale de la chaine, et que c’est ce dernier ou un de ses 
ascendants qui, lisant le prologue 8° dans son archétype, identique, 
sous ce rapport au moins, à celui du Ven. 21, l'aurait délibérément 
omis ? Tout d’abord, cette hypothèse laisserait inexpliquée l’absence 
tale de lemmata complets de Julien d'Halicarnasse dans le corps 
de la chaîne du Ven. 21. Deuxièmement, fait capital, le texte de 
æ ms. est sensiblement moins près de l'original que celui du 
Vatic. 749 : ce dernier, qui présente pourtant des lacunes d’étendue 
appréciable (1), a conservé sous leur véritable leinma 58 fragments 
du pseudo-Origène, alors que le Ven. 21 n’en a gardé que 24, et le 
Coisl. 194, 57, soit respectivement 2,8 °/, et 3,6 °/, de moins que 
k Fatic. 749. Enfin, pourquoi celui-ci aurail-il négligé le prologue 
# s'il l’avait trouvé dans sa tradition? Le Bodl. Laud, 20 et les 
ass utilisés par P. Junius l’ont abrégé, mais non pas supprimé. 
D'ailleurs encore, au moins pour ce qui concerne les prologues, 
l'évolution de la tradition manuscrite ne s’est pas opérée dans le 
sens de suppressions, mais d’additions ; on s’en rendra compte en 
comparant les prologues des deux recensions. — Il faut dès lors 


{1) Le Vatic. 749 présente notamment des lacunes aux endroits où 
devraient se trouver les fragments 45, 46, 74 que le Paris. 151, du même 
iwpe, a conservés sous le lemma qui leur convient. 


48 RENÉ DRAGUET. 


admettre que, pas plus que la tradition représentée par le Ven. 21, 
celle qu'’atteste le Vatic. 749 ne lisait le prologue 8°, et que, à 
l’origine (1), elle ignorait elle aussi toute détermination ultérieure 
sur l'identité du « Julien » qu’elle citait. 


Nous sommes ainsi amené à admettre que les prologues 77 9: 
ac ira... XaTEAOYITATO (KL, 8*), et le suivant, Zxuzrive (KL, 8°), sont 
une addition de l’archétype de la famille la? (à supposer que celui-ci 
soit autre que le Ven. 21 lui-même). Mais cette famille 1a* n’a pas 
les prologues 1-4, si bien qu'on pourrait partir de là pour retracer 
comme suit l'histoire des prologues de la chaine sur Job. 

À un fonds de prologues déjà existant dans leur archétype (KL, 
5-8), les deux familles la! et la’ auraient fait chacune des additions, 
le groupe Ia! le faisant précéder des pièces 1-4, le groupe la* au con- 
traire le faisant suivre des deux pièces ci-dessus mentionnées (8%, 8°). 
Ce serait là comme un troisième stade dans la compilation du prologue. 

Le Bodl. Laud. 20 (KI, 1) en illustrerait un quatrième. Au lieu 
de joindre au premier fonds (5-8) les pièces 1-4 ou les pièces 85, 8°, 
il y ajoute 1-4 et 82, 8°, de façon toutefois à placer 1-4 à la suite de 
8°, et à en introduire deux autres, 8 et 4. 

Quant au premier stade, il serait caractérisé par l'absence totale 
de prologues. On constale en effet que des mss très anciens en sont 
absolument dépourvus, p. ex., — nous prenons soin de laisser de 
côlé ceux qui sont mutilés au début, — le Vatic. 750 (s. X), 
lAmbros. À 148 inf. (s. X-XI), le Bodl. Laud. 30 A (s. XIT), le 
Paris. 162 (s. XIIT), le Vatic. 697 (s. XHI) (2). 

Le schéma suivant suggèrera mieux ce que l'exposé a peut-être de 
compliqué : 


[. Pas de prologues. : : . Vatic. 750, elc. 
il. 5+6+7+8 non représenté par mss connus, 
mais supposé par le suivant, IX. 
NT 1+2+3+4+5+6+7+8. . Vatic. 749, Paris. 151. 
D+T6+7+8+8 . +8 Ven. 21, Coisl. 194. 
IV. D+6+7+8+8-F+-8 +8 +1+2+3+4+4 


Bodl. Laud. 20. 


(1) Nous disons « à l’origine », car la note marginale qui attribue à Julien 
le prologue 7 est manifestement postérieure. Aussi bien, s’il en était autre- 
ment, n’est<e pas à Julien d'Halicarnasse, mais à Julien d’Alcxandrie qu'il 
faudrait, d’après la plus ancienne tradition, identifier le « Julien » des chaînes. 

(2) Peut-être aussi accordera-t-on quelque valeur à l'observation suivante. 
Si l'introduction des prologues était contemporaine de la compilation de la 
chaîne, y trouverait-on, pour présenter au lecteur un auteur cité pour la 
première fois, des indications aussi vagues que cÜT& ToAUYPONÔS gro Ev 


+— D nn RER Re ER ER EE EEE En RER 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB, 49 


Mais si l’introduction des prologues n’est pas contemporaine de 
la compilation de la chaîne, et si, en particulier, l'addition de la pièce 
Sruxiye (8°) avec son lemma ioulavoÿ En. &ltxapvasco par le seul 
groupe la’ et le Bodl. Laud. 20 apparait, en toute hypothèse, comme 
un phénomène de seconde date, si par ailleurs nous nous rappelons 
que les prologues, — par opposition au corps de la chaîne, — sont 
les seuls à déterminer le lemma iovAtavoÿ en ioutævod En. xlixapvæcov, 
sous aurons une nouvelle raison de penser que le caténiste ne con- 
naissait le pseudo-Origène que sous le nom de « Julien », sans plus. 


L'introduction de la pièce Zmuaive s’expliquerait sans difficulté. 
C'est le désir d'enrichir les prologues qui aura poussé le copiste du 
Ven. 241 à adjoindre à ceux que son modèle possédait (5-7) Ja préface 
entière du commentaire du pseudo-Origène, toujours en faveur à 
son époque (1), et dont il retrouvait d’ailleurs de nombreux extraits 
dans la chaîne. 

Mais comment fut-il amené à l'y introduire sous le lemma cuves 
eTaGROU œAxagyaooï ? Ce n'est pas, sans doute, pour avoir trouvé 
cette précision dans le ms. auquel il l’empruntait, puisqu’au xv°s. 
le commentaire se rencontre anonyme (2), et qu’au moment où le 
catéaiste primitif en transcrit les fragments de IOYATANOY, il 
circule déjà sous le nom de « Julien », sans autre précision. 

Pensera-t-on à un lemma IOYAIANOY AA. interprété différem- 
ment par deux traditions en IOYAIANOY AAIK. et IOYAIANOY 
AAEZ. ? Ou bien encore à un lemma iou/txvo aÀsË[avopetas] (cfr Paris. 
151 et Vatic. 547) qui, se trouvant dans l’archétype des familles 
la' et 1a°, aurait inspiré le Ven. 21 ? Tout cela est fort peu vraisem- 
blable. Les lemmata sont écrits de façon complète dans les mss 
anciens ; d’ailleurs, qui dira si la note marginale du Vatic. 749 lui- 
même n’est pas postérieure à l’introduction du prologue 8° et de son 
lemma dans le type [a* ? 

L'explication la plus vraisemblable serait peut-être celle d’une 
conjesture arbitraire de la part du copiste. En adjoignant aux 
prologues déjà existants dans la tradition qu’il reproduisait celui du 


rois ais Toy 16{5 (Vatic. 749, 210), alors que bientôt après, dans le corps de 
la chaîne, on spécifiera que ce Polychronius est l’évêque d’Apamée ? Le 
compilateur introduit maladroitement un nouveau fragment dans le prologue, 
comme il le ferait pour une scolie d’un auteur déjà cité qu’il insèrerait dans 
le corps de la chaîne. 

(x) On le copie encore aux xve et xvie siècles. 

(2) H. USEXNER a attiré l’attention sur le caractère secondaire de la mention 
OPITENOYZ en tête du ms. de Paris (dans H. LIETZMANN, Catenen, p. 29 
et suiv.). 

REVUE D'HISTOIRR ÉCCLÉSIASTIQUE, XXe 4 


Î 


4 


50 RENÉ DRAGUET. 


commentaire qui nous occupe, — encore attribué à « Julien » ou 
déjà anonyme (1), — il aura voulu déterminer davantage une attri- 
bution aussi peu précise, et aura écrit iculayou er. &htxapvaaoi. 
Peut-être aura-t-il suffi pour lui inspirer cette identification hasar- 
deuse de voir, souvent cité dans la chaîne, le nom du grand 
adversaire de Julien d’Halicarnasse, Sévère, patriarche d’Antioche (2)! 

Ceux qui auront pris quelque contact avec les mss des chaînes et 
auront ainsi pu saisir sur le vif les habitudes littéraires de leurs 
copistes ne seront pas les derniers, pensons-nous, à reconnaître le 
bien-fonde de l’explication que nous suggérons. Il n’en fallait pas 
tant aux copistes pour inventer un lemma ou « compléter » 
une indication déjà existante. Le IOYAIANOY des chaînes se 
voit simplifier en IUYAIOY, ZEBHPOTY devient ZEBHPIANOY 
bientôt complété lui-même en ZEBHP. EII. T'ABAA. Une étude 
complète de la tradition manuscrite, basée sur une édition critique 
de la 1° recension, nous édifierait sans doute beaucoup sur ce que, 
en plus d’un cas, peuvent avoir de différent les deux Cyrilles des 
chaînes (Alexandrie et Jérusalem), les trois Grégoires (le Thauma- 
turge, de Nysse, de Nazianze), les deux Denys (d'Alexandrie, 
l’Arévpagite), Olympiodore et Olympiadès, — Théodore d’Héraclée, 
Théodore de Mopsueste, Théodoret, Théodote et Théodotion, — 
Thévophylacte, Théophile et Théophile d'Alexandrie ! 

Mais citons quelques faits précis. A l’origine, le prologue du Vatic. 
749 ne rapportait à Polychrouius que la seule pièce à, par une 
indication en rouge, à sa place dans le texte. Plus tard, un copiste 
trouva opportun de mettre à son compte également la suivante, n° 6, 
par la note marginale roù noAvypoyiou, de même qu'il précisait 
l'origine du prologue 7 par la note ro iculuuvès 6 ahiéavopos (sic). 
D’anonyme, la pièce 6 fut ainsi rapportée à Polychronius, à cause de 
sa proximité avec la cinquième, déjà attribuée à l’évêque d’Apamée. 

L’'Ambros. À 148 inf. donne régulièrement les fragments du com- 
mentaire du pseudo-Origène sous le lemma iou)1:105. Brusquement, 
au fol. 211 v°, apparaît une variante : iouluxycd duaxx5. ayrioy. Quelle 


(r) Dans la seconde hypothèse, tout au moins ne pouvait-il échapper à qui 
connaissait le commentaire du pseudo-Origène que c'était celui-ci que la 
chaine citait sous le lemma IOY AIA NOT. 

(2) Ennemi sans doute des querelles dogmatiques, le caténiste était allé 
puiser la parole d’édification qu'il cherchait aussi bien chez Apollinaire de 
Laodicée que chez S. Athanase ou $S. Grégoire de Nysse, aussi bien dans les 
écrits de S. Cyrille et de Sévère d'Antioche que dans ceux de Théodore de 
Mopsueste. Le copiste postérieur n'était-il pas fondé à penser qu'il n'avait 
pas davantage éprouvé de répugnance à citer Julien d'Halicarnasse à côté 
du mème Sévère d'Antioche ? 


EP EC 
+ So nn... 4 


US 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 5l 


pat en être la raison ? Deux folios auparavant, le copiste a transcrit 
ue scolie de « Sévère, évêque d’Antioche, x Ts mpôs iouhavoy ETuo- 
-75» ! On voit ce qui s’est passé : ce Julien diacre est devenu diacre 
d'Antioche, le Julien de la chaine est devenu Julien diacre, et le 
œpiste fera part de sa trouvaille en tête de la prochaine scolie de 
Julien ». Notons que l’Ambros. À 148 inf. est un ms du x°-xr° 5.! 

Veat-on un dernier exemple qui fasse apparaître le caractère 
purement hypothétique, — nous aillions dire fantaisiste, — de ces 
dentifications risquées par les copistes ? On lit dans l’édition de 
Janius trois scolies attribuées à « Denys » : p. 212, AIONYZIOTY : 
E::...; p. 390, AIONYZIOT : 6 pèy 6:56... p. 430, AIONYZ2IOY 
AAEZ=. : Mia y2p... Le Paris. suppl. gr. 453 les met toutes trois au 
æmpte de Denys d'Alexandrie, Auov. ae. (fol. 441 r°, fol. 255 vo, 
fol.282r°). Mais le Ven. app. CI. I 43 avance une autre identification: 
le premier lemma est déjà (A)ivua. alec., le second est devenu 
(Akorws. &it., et le troisième (A)oyus. älxapyacéws, en sorte que le 
rhéteur du temps d’Auguste, — à moins que ce ne soit le musicien 
de l’époque d’Hadrien, — se voit promu par l'esprit inventif du 
copiste à la dignité de commentateur de Job ! 


On admettra ou non les vues que nous suggérons sur l’histoire 
des prologues de la chaine sur Job et sur la manière dont a pu 
s’'introduire la mention iovhtævou ër. &lixapvxso en tête de la pièce 
2ruatve, — nous sommes des premiers à ne pas leur accorder plus 
de valeur qu’elles n'en peuvent avoir, en l’absence d’une étude 
d'ensemble et d'une édition critique des deux recensions de la 
chaine ; — il est pensons-nous, une chose difficilement contestable, 
Etant donné le silence universel des chaînes elles-mêmes sur toute 
précision ultérieure du lemma iouAtzvc, vu le caractère tardif des 
prologues, etenfin, les habitudes littéraires peu scrupuleuses de leurs 
copistes, la présence du seul lemma ioulaxvoë en. &lxxpvacod dans le 
seul prologue de quelques mss d’un lype moins pur n'a pas l'autorité 
qu'il faudrait pour justifier l’identification du pseude-Origène, cité 
dans la chaîne sous le nom de « Julien », avec Julien évêque d’Hali- 
carnasse. 

Or, quel autre fait produirait-on qui la puisse justifier ? 


Il 


Cet autre fait, la tradition manuscrite arménienne ne le four- 
nirait-elle pas ? | 
Le P. Ferhat publiait, en 1911, dans l’Oriens Christianus (1) 


(2) drt. cit. 


52 | RENÉ DRAGUET. 


d'après deux mss de la bibliothèque des Mékhitharistes de Vienne, 
les Codd. 55 (s. XIV) et 71 (s. XIV-XV), une version arménienne 
fortement remaniée du prologue du commentaire qui nous occupe. 
Il en relevait en même temps la présence dans le Cod. arm. 15 
(s. XII) de Munich. 

Anonyme dans le Cod. 71 de Vienne, elle est attribuée par le 
Cod. 55 de la même bibliothèque à « Julien d'Alexandrie » ; en 
revanche, le ms. de Munich la présente comme étant de « Julien, 
évèque d’Halicarnasse ». Les œuvres de celui-ci ayant été traduites 
* en armenien, paraît-il, dès le vi° s., il n’était pas invraisemblable 
de supposer que son commentaire sur Job avait été compris dans 
“ cette version. Aussi, expliquant la présence de la mention « Julien 
d'Alexandrie » dans un des témoins par le séjour de Julien d’Hali- 
carnasse en Égypte après 548, le P. Ferhat vit-il dans le témoignage 
de la tradition manuscrite arménienne une confirmation apportée 
a la restitution littéraire proposée par Usener. Deux sources indé- 
pendantes, les mss grecs el les mss arméniens, s’accordaient pour 
attribuer le prologue du pseudo-Origène à Julien d’Halicarnasse ; le 
doute n'était plus possible : l’auteur du commentaire sur Job 
n’était autre que lui. | 

Qu'en est-il ? 

La publication, en 1914, du premier volume du catalogue des 
mss arméniens de la Bibliothèque des Mékhitharistes de Venise (1) 
a permis de constater la présence de la pièce publiée par le 
P. Ferhat dans 10 nouveaux mss de la Bible arménienne, et, chaque 
fois, sous le nom de « Julien, évêque d’Halicarnasse ». Ce sont les 
Codd. 1 (SaArGHISSIAN, op. cut., col. 8), 3 (ce. 31), 6 (e. 65), 7 (ce. 79), 
8 (c. 89), 9 (c. 98), 12 (ec. 121), 14 (c. 435), 16 (c. 145), 24 (c. 174) ; 
le plus ancien est de 4319, le plus récent est de la fin du xvir* s. 

Dans le Cod. arm. 13 de Munich, qui a rassemblé des morceaux 
de nature diverse (2), la pièce se trouve isolée. Dans les Codd. 55 
et 74 de Vienne, — tous des mss de la Bible, — elle précède immé- 
diatement le texte de Job, et est précédée elle-même d'une autre, de 
facon à former avec elle une sorte de préface au texte sacré. Elles 
se présentent donc dans l’ordre suivant : 

4° PRAErATIO Jos : Hominem hunc quidam juxta genealogiam 
quintum dicunt ab Abraham... Dei benignitas computacit (3). 

2° JULIANI EPISCOPI HALICARNASSENSIS : Significal scriptura beatum 


(£) B. SARGHISSIAN, Grand Catalogue des mss arméniens de la Bibliothèque 
des PP. Mékhitharistes de S. Lazare (les mss de la Bible). Venise, 1914. 

(2) Cfr G. KALEMBIAR, Catalog der armenischen HSS in der K. Hof- und 
Staatsbibliothek zu München. Vienne, 1892. 

(3) Cette pièce est reprise dans l'édition de Zohrab. 


RE 


 ——— 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 53 : 


J&... mali fuerunt. Terru autem Ausilis... quaerebat socium pugnae. 

Toutes deux ont été traduites du grec, mais d’après quel texte? 

Le P. Ferhat ne s’est posé la question que pour la première 
rartie de la seconde ; en effet, il ne parle pas de la première, et il 
d«lare avoir laissé délibérément de côté la finale de la seconde 
[rrra.…. pugnae, parce qu’elle n'avait rien à voir, ni avec le pro- 
“ue du pseudo-Origène, ni avec son commentaire (1). C’est pour 
äoir ainsi séparé le texte Significat.… fuerunt du bloc dont il fait 
a#rtie que le P. Ferhat a été induit à penser que le prologue 
imèénien quil publiait était une version indépendante de la 
tradition grecque des chaînes sur Job. . . 

ll n'en est rien en effet. Les deux pièces, y compris la finale de 
h &conde, sont une version faite sur an ms. de la chaine sur Job, 
as. du type 12°, à un moment, par conséquent, où la pièce Smuxive 
1.ait déja pénétré dans les prologues sous le lemma icu/tavod Emo. 
42552959. Le parallèle suivant, établi entre les prologues du 
lea. 21 et les deux pièces arméniennes (d’après le ms. 1 des Mékhi- 
tharistes de Venise), en esquissera rapidement la preuve (2). 


Ven. gr. 21. Cod. Arm. Mekh. Ven. 1. 
5. 124 r° : IIOAYXPONIOY... : Pas utilisé. 


H êv sais. 


6.424r° : TIIOGESIS is roy 301 v°, c. 1,1. 49 : PRAKFATIO 


og : si3 Try drobequ... Toy JOBI : Hominem hunc qui- 
1,002 GNTAYTES ER ThGe.. YEVER- dam secundum genealogiam 
I5yix5 TÉUTTOY Eivat ÀsyoUONs quintum dicunt ab Abraham... 
x7ûy ano "Afpaau…. 

1.194 r9 : eiz0s oùv 67e xx Mou- 3092 r° 1, 45 : Sctendum et rite 
ES putari Moysen… 


8, 425 V° : yon TATU TOME 302 r° 1, 27 : Nosse oportel… 


LYXTAITELT. 


xt, 425 vo : Try 0: augiridx 302 r° 4, 45 : Terra autem 
J'OCAY Ausilis…. 

&, 1935 v° : IOYAIANO!Y EI. 302 r° 2, 14 : IULIANI, EPIS- 
AAIKAPNASOY. Zyuziva n COPI HALICARNASSENSIS. 
SOS Significat scriplura… 

127 r° : In Job, 1, 1 : Début de 302 v° 1, 3: Terra aulem Ausi- 
la chaîne : % ywoa n avoirs tis terra erat Esau ; ab Esau 
ox vy TOÙ Hoi‘ àno yap enim Ausilis vocala est … 
Hyz5 adotris ExhrOn… socium pugnae. 

Liber Jobi. 


% 


(1 1) Àrt. c., p. 28. 
(2) Dans l'impossibilité où nous sommes de produire ici le texte arménien 


b4 RENÉ ,DRAGUET. 


« 


La version arménienne suit pas à pas les prologues grecs, en les 
abrégeant, maïs sans rien leur ajouter. S'il restait un doute sur sa 
provenance, la finale de la seconde pièce le ferait disparaître : on 
s'explique qu'elle n’ait de fait rien à voir avec le commentaire du 
pseudo-Origène, puisqu'elle n'est autre que le début de la chaîne 
dans sa première recension. 

Si la pièce Enuaivea et son lemma ont été repris aux prologues 
grecs par le traducteur arménien, la tradition manuscrite armé- 
nienne n'a pas de valeur par elle-même, et nous n'avons rien à 
changer à la conclusion que nous formulions en terminant l’examen 
du témoignage des mss grecs (1). 

Les arguments d'ordre externe sont impuissants à soutenir le 
bien-fondé de l'identification du pseudo-Origène avec Julien d’Hali- 
carnasse. L'examen du commentaire lui-même sera-t-il plus décisif ? 


ul 


Une référence explicite à Lucien d'Antioche (2), une discussion 
sur les croyances astrologiques au cours de laquelle l’auteur semble 
viser un adversaire déterminé et utilise un florilège poétique (3), la 
juxtaposition fréquente de son exégèse à celle d’une école désignée 
par l’appellation oi Zupor (4), un texte de Job très proche de celui 
de A (5), seraient-ce là les seules indications que nous fournisse 
l'analyse de l’œuvre du pseudo-Origène pour identifier son auteur ? 
Ce ne serait guère, en vérité! Heureusement sa doctrine théologique 
est assez précise, si pas pour nous mettre sur la voie d’une identif- 


en regard du texte grec, nous devons nous contenter de noter, en face de 
l'incipit des pièces grecques, celui du texte arménien qui les utilise, en tra- 
duction latine. Nous sommes heureux d'exprimer ici notre reconnaissance 
aux PP. Mékhitharistes de Venise, qui ont facilité nos recherches dans leurs 
mss et nous ont très aimablement permis d’en photographier les pièces qui 
nous intéressaient. 

(x) Dès lors, on s'explique aussi l'attribution du prologue arménien à 
Julien d'Alexandrie par le ms. 55 de Vienne. Attesterait-elle un état de la 
tradition grecque où le lemma Toù iouluavos 0 a hé avO nos aurait glissé de 
la pièce eix2s ouy (7) au prologue Smuaiyer (8c) ? De même, le fait que le 
prologue arménien n'utilise pas le prologue 5 (lequel forme un tout à lui 
seul, sans connexion organique avec les pièces 4 et 6), n’indiquerait-il pas 
que le bloc des prologues 5-8 est déjà lui-mème un agglomérat ? 

(2) Fol. 15 ro. Sauf indication contraire, c'est le Paris. 454 que nous citons. 

(3) H. UsExER, Aus Julian von Halikarnass, art. c., a publié tout ce passage 
(sur Job, XXXVIIT, 7, fo 127 vo-126 vo) ct l’a étudié de très près. 

(4) Fol. 38 ro, 55 ro, 74 ro, 75 r°, 77 ro, 89 vo, 92 vo, III vo. 

(5) Cfr L. Dieu, Le texte de Job du Codex Alexandrinus et ses principaux 
témoins, dans le Muséon, nouv, sér., vol. XIII (1912), nos 3-4, p. 225. 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 55 


ation individuelle, au moins pour Dons fournir de précieux points 
deomparaison. 

Mélé aux luttes christologiques qui déchiraient l'Orient depuis 
is quarts de siècle, chef d’une secte qui avait fait scission au sein 
da monophysisme sévérien (1), Julien d’Halicarnasse, auteur du 
«nmentaire que nous étudions, n’eût pu que bien difficilement ne 
sstrahir son appartenance à un milieu théologique aussi caractérisé 
ge le sien ! Or, le pseudo-Origène anathématise sans doute au pas- 
se quelques hérétiques, mais ce ne sont que les Manichéens et les 
\alentiniens, accusés de nier la résurrection des corps ou la bonté 
de la nature corporelle (2). 11 n’esquisse pas la moindre allusion, au 
œurs d'an ouvrage pourtant bien Jong, à l'épineuse question des 
deux natures ; il ne dit rien qui fasse soupçonner que le problème 
cbristologique tel qu’on le discute aux v° et vi° siècles soit déjà posé. 

Ilest pourtant préoccupé de questions dogmatiques, mais elles 
ont un objet tout différent, à savoir les relations qui, dans la Trinité, 
situent le Fils Monogène par rapport au Père tout-puissant. Exami- 
nons sa doctrine dans le détail (3). 

L'auteur connait trois étres dans la sphère divine : le Dieu tout 
paissant, 5 6:65 Ô ravroxpiruo, le Dieu Monogène, 5 uovoyevrs ess, 
et le Saint-Esprit, ro rusèux ro &ov. Le Dieu tout-puissant est le 
Pére du Fils, vioù narro. 

Commentant Job, I, 6 : xat idcù n200v oi &yychcr Trou Deco RapagThyat 
LnTIG) TOÙ kunion, il observe que l'Écriture distingue deux rcécuwra, 
5: et xucuos, distinction justifiée par ceci que 6 6:55 a produit les 
étres par le zegus, et que ce dernier, à son tour, a reçu de à Ge66 (4). 


(1) Voir quelques mots sur la polémique de Sévère contre Julien d'Hali- 
carnasse dans J. LeBON, Le monophysisme sévérien, p. 173 et suiv. Louvain, 
1409. 

(2 Fol. 17 vo, 28 vo, 31 vo, 48 ro. 

(3: Nous renvoyons surtout aux fragments publiés par le P. Dieu, Frag- 
ments dogmatiques de Julien d’Halicarnasse, art. c., p. 193-195. Is sont trois, 
sir Job, XX XVII, 22b-23, XXXVIUI, 16-17, et XXX VIII, 28 b-29, que nous 
désignons comme suit : Dieu, I, II, HI. 

(4) Fol. 7r0 (cfr Vatic. 1518, p. 14) : ’Ere axetyo TAQATTONTÉOU rt duo 

TOGTNDY 6 50: umuoyeuer xat Det xaœi xupiou" Gecd uEy où eigt 
cufyxara (Paris. 454 : rotiuares) oi &yychor, pilou dE 0) rapioräor 
id. : rageoraot) * xairor rai 050 dia xupiau (id. : yÙ) nemoinxsv nai à 
epucs (id. : 42) Tapa Geoù eblriqe * mévra yäp por, qnai, racidoûn rapà 

C9 72? TpO3 cv. Avec le Vatic. 1518, nous lisons, non pas xpisTou et XPIGTOS; 
Mais zup(oU et XUPLOS, leçon que justifie le contexte ; la confusion aura été 
lavorisée par la mise en rapport du texte de Job avec la parole du Christ en 
S. Marrateu, XI, 27. 


56 RENÉ DRAGUET. 


C’est pour lui un témoignage de l'existence de deux êtres distincts, 
6 0e05 © Tavroxparuwp, vioù rarrp, et le Dieu Monogène, à movoyeune Oeds, 
6 xal vios. Un troisième, le Saint-Esprit, parait avoir beaucoup moins 
d'importance ; il est mentionné une fois comme promis aux Apôtres 
par le Monogène (fol. 119r°) ; ailleurs, on fait remarquer qu'il ne 
peut être question de lui en Job, XXXIII, 4 : rusüux Geioy ro roñoay 
pe, mvon dE mavrompäropos ñ OuDaTxoudé ue, parce que, à la différence 
du Père et du Monogène, il n’est pas intervenu dans la production 
des êtres (1). 

Le Père, 6 85, vioù rarro, est présenté comme le Tout-puissant qui 
n'a ni son semblable, ni son pareil, tant sous le rapport de l'être 
que sous celui de la puissance ; il est absolument hors pair en 
nature, en puissance, en sagesse. Il est en effet le seul non devenu, 
ayenros, et le seul sans commencement, ävapyos (2). C'est de lui que 


, 


(x) Fol.98 vo: où ro &yioy muedua Âéyer &s EvOuGxY ci LEVOGOYIX THY 
copiay (le ms répète rñy Cogay) TuEpvor * CU ya Onpuoupyds Ô TaTY.D * Ets 
yap 00, Ë où Ta Tavra * mai Ets #UL0S inGOS YHITTOS, 00 où Ta 
ravra (1 Cor., VIIL 6), &}}2 raoa roù Oeoû, onotv, yépuopa (Vatic. 1518. 
p. 253 + roù O:cÙ) éxaorw Oidora map’ où yàap TÔ etvar rexrrusla * aoù 
xp proiy, ÉdTiy n copix rai ooù Ecru n œuveats. La leçon où yap 

nu1GUCyOc 0 TATrp ne va pas : c’est sur le fait que le Saint-Esprit n’est pas 
démiurge que l’auteur veut insister ; d'ailleurs, le Père, 5 Üeos, est appelé 
« démiurge » en plus d’un endroit (p. ex. fo 125r0, fo 147 vo : qù 0e Geoc 
œimyos, Üluaros, TAYTOZOGT DD, Onpuovoyds Tov GAwy xai months). 
Le changement de 76 mva en 6 nnp n’est pas impossible, car les mss offrent 
un texte très mauvais, distant d’ailleurs de l’orig'nal d’une dizaine de siècles. 
1 est peut-être plus naturel de supposer que le texte primitif, disposé par 
colonnes dans un ms. oncial, étant 


OYTAPAHMIOY PI OC 
EICI'APOCOITH P 
de façon À lire la citation de x Cor., VIII, 6 conforme au texte biblique, le 
0 ratrp lu par le copiste après la première ligne, aura été déplacé. Il 
faudrait alors lire comme suit : où To &yiov Tbux Àfye... * où ya0 
Onpuouryôs * ets 72xp 6:05... ce qui supprime la difhculté. 

(2) Du, 1: 'O ravroxpärop oùx Éywy Toy poucupevey oùdE Toy Ecicou- 
DEyoy adT@ To Elvat TO OUvacÜau, TO HEv Elvar ÔTL AYEVNTOs, TA Où 
Ouvéuer re vic Tai ; fo 33 ro : oÙDx ÀE 63 CODE TOY ÉVTOY GUyxOIVETOU 
ŒUTG GU4 Els GOUIAV, OUR ES Duvxtuy, Cfr aussi fo 112 r0 : zœt Tptv UTC- 
GTAGETA, ELYEY TV TOY YLYOUEVOY YYWTIY, YYOO: Évapyos Gy ka 0e: 
AJEVNTOS..... AUTOS VAL, YPO (Ov (ms : ws) Ha oUoix ayémros, EË 
GOYRS Boule à un évra els +0 AOET TapryayEv. C'est parce que l’auteur 
réserve au Père la prérogative d'être dE TS que nous devons traduire 
dy26723 par « Sans commencement », et non pas seulement par «sans prin- 
cipe ». 


D mm. ER ep nquqen. # ee QE Se Qt QC UC ed tr 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 57 


bol c qui est tient son être : à Toy 0Awy atrtos. Il est le seul tout- 
pusant, le seul inaccessible, zrpoouro:, le seul qui soit supérieur à 
bike cause et à tout devenir, räons œirias xai yevéceus xpeirrev ; le 
«a immuable, le seul non soumis à l’altération, #rpsnros avahhotwros 
bec, 1, HD. 

dans la sphère divine, mais sur un plan nettement inférieur à 
sui qu'occupe le Dieu tout-puissant, se meut le À5yo:. L'auteur 
sxüve à le définir. Ce n’est pas une « parole » fugitive ; c’est une 
ralité permanente et subsistante, et le nom qu'il porte ne doit pas 
»15 le faire assimiler au verbe de l’homme, réalité accidentelle et 
transitoire : oùrs 9€ Àdycs ©: qu. Lui aussi est appelé Gecs, mais 
tst dans un sens tout autre que 6 6:55, le Dieu tout-puissant ; en 
#4, il n’est pas sans commencement, on le remarque explicitement : 
2: 85: 53 &vapyos : il est seulement avant toute chose : 6 ëv apyà 
520 70 Trävruy ; d'ailleurs et surtout, il n’est pas ayémmros. Sans 
ute, il a sur la totalité des autres êtres la prérogative de ne pas 
voir son devenir à l’intervention d’un autre démiurge que le Tout- 
sussant, d’être devenu sans aucun intermédiaire ; il n’en rentre pas 
ins dans la catégorie des êtres qui sont devenus : À6yœ © 
2LTITEUT QD: 7EVOLLE VOS. 

lhférieur sous le rapport de l'être au Père auquel il se réfère 
oume un effet à sa cause, il l’est tout autant sous celui de son 
sde d'action. S'il est intervenu comme intermédiaire dans la pro- 
section du reste des êtres (1), c’est seulement comme un ouvrier qui, 
travaillant sous le contrôle immédiat d’un maître, se borne à en 
récuter les ordres. Il n’a pas eu en commun avec le Père l'initiative 
4 le commandement, l'xuüeyr(a ; ils étaient deux à agir, mais un seul 
ommandait, môves rporaëxs (2). C'est un 6:65, un être divin de 
<cond rang, serviteur et ministre du premier, 0:95 &An0vo: celui-ci, 
dns le gouvernement du monde, TrPOS TAVTA YTNLETNTALEVOS Gens 6 
27,3 9205 5 rai vios (3). Le Tout-puissant, unique non devenu, 
*t trop au dessus des êtres devenus pour se manifester au monde ; 


ii) Dœv, I: OÙrs oùv dos tic To GÂwy aries n 6 TavToxpaTOp, oÙùTe 
LES LETUNS TS ToUT@Y VEVET EN: À 0 uovoyevns Ü:0s 0 eV 1940 UP 
5705 TATOY, ÔL CÙ Ta TAVTA. | 

23 Sur Job, IX, 8 (fo 34 ro): 6 raviaus T0y oucavoy povos rai TEpITaTy 
Ti Dalaoons 06 Eni Édaquus nenuerarnsz dry (Vatic. 1518, p. 82 : 
ny) 67e à œuros (fouhrsu rù Ensiyou Toy cûpavèy Eravuge * uôvas 0 
EATAE) ue ETÉ TOY Ths Evenyeias 10y0v, QIX Ent Toy Th: aivrins 
Z10LAU0Y, GS LV Yap HÔVOS ROOGTAËNS, OÙ OE UÔVOs We EVEPYKTAS KA 
7725. Le ms. porte un point après édaqous et après auTOs. 

(3) Fol. 151 r°. 


58 RENÉ DRAGUET. 


aussi, s’il est écrit : eérev à xûpeos T@ iwfB, qu'on se garde bien de 
confondre : le xüps n’est pas ici l’invisible &yircs, mais le seul 
Monogène, organe exclusif des révélations divines (4). 

N’eussions-nous que ces textes, nous ne pourrions déja plus 
ranger le pseudo-Origène parmi les partisans de la doctrine définie à 
Nicée. {1 situe son Logos bien trop au dessous de à 6:05, et son 
langage est trop nettement subordinatien ! Sans doute, il ne fait 
pas difficulté à appeler le Logos 0e5< et xuptos, mais, nous l’avons dit 
plus haut, il a soin de restreindre le sens de ces termes par des 
correctifs non équivoques. Ils indiquent d’ailleurs si peu en celui 
qui en est qualifié une communauté d’ousix, de réalité, avec le Père, 
qu’il peut écrire que l’homme a été établi xp; et 0e de ce 
monde (2). Mais nous avons dans son œuvre quelque chose de plus 
explicite, s’il est possible, nous voulons dire une attaque de front 
contre l’homoousios nicéen. 

On sait que le concile de Nicée, en définissant la consubstan- 
tialité du Fils avec le Père « … Suooustcy té maroi », avait affirmé, non 
pas seulement l'identité spécifique de la substance du Fils par 
rapport à celle du Père, mais surtout leur identité numérique, et 
dès lors, en déclarant le Fils yewmévzx Ex roù narpo:, il entendait 
assigner à la génération en Dieu un terme qui dépasse de loin 
celui qu'atteint la génération humaine, laquelle n’aboutit qu’à deux 
êtres d'essence identique. 

Le pseudo-Origène est en réaction ouverte contre cette doctrine. 
- Assurément, lui aussi, il déclarera le Dieu Monogène Fils, vice, et 
engendré, ef, et il appellera le Dieu tout-puissant Père, vioc 
raïro, et engendrant, 6 Üsce yew@y (Dieu, IT), mais il n’admet pas 
pour autant l’homoousie du Père et du Fils ; il ne reprend ces termes 
que parce qu’ils sont scripturaires. Sa thèse est formelle : il n’y a 
rien qu'on puisse dire éuxoouguy au Père ou même simplement 
ôuoucuTioy (3). 

Sans s’attarder à prouver longuement qu’il n’existe rien d’ouoruoror 


(1) Sur Job, XL, x, fo 136 ro : Gray &xcUons « Eire Ô HUDIOS », xai « EX 
TD VEÉGOUS », To [10907/<vñ uOYOy at EE UT OÙ A DEGITmy y TAOt 
TITEUE * .... ELVEVA Jen ÔTI TAYTAYOÙ D HUPICS TUis a/0ponots dix Tod 
povoysvods ovou rpopE:yeror. C'est lui qui s'est montré à Abraham ct qui 
a combattu contre Jacob ; c'est lui qui est apparu à Moïse pour lui donner 
la Loi, qui s'est manifesté à Josué avant le siège de Jéricho, etc. Voir aussi 
fol. 118 vo. 

(2) Fol. 135 vo. 

(3) Dœu, I: OÙre oûy ucouausy 7e £Ë aûreb, ctonTat ya dt AgÜacros, 
or Ouougioy (ms : éuooucioy, corrigé avec raison par le P. Dieu en 
éporovToy), aGUyxpITOS yap EGTL. 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. | 59 


=» sar2t, à deux reprises, il consacre tout son effort à montrer 
l'impossibilité de la doctrine de l’énocuorcs:. 

Il est dit en Job, XXXVIII, 28b : « Qui engendre les gouttes de 
se, et du sein de qui sort la glace ? Le givre, qui donc l’en- 
gendre dans le ciel ? » Lisez donc ceci, s’écrie-t-il, aux homoou- 
siastes ! Si ici, le texte, en parlant de « sein » et d’ « enfantement », 
s borne à signifier la puissance et la volonté de Dieu, prenons 
garde, lorsque nous entendons appliquer ces mêmes termes au cas 
da Fils, d'imaginer une corruption et une per4doo1s. Pensons bien 
putit à un exercice particulier de la puissance de Dieu, à une 
genération pure, produite par la volonté et la puissance de l’engen- 
drant, et non pas à une communication d'ousia dans laquelle Dieu 
aurait nécessairement été passif. En effet, le Monogène n'a pas été 
engendré comme les corps, par division et séparation d'avec une 
aotre substance (1). 

Le pseudo-Origène ne cache pas la raison d’une opposition si 
catégorique à la doctrine de l’homoousie du Père et du Fils. Si le 
Fils est cuscuatos T@ narpi, il a reçu cn propre quelque chose de 
l'ousia, de la réalité substantielle du Père ; dès lors, ce dernier 
s'est divisé lui-même pour donner au Fils quelque chose de son 
être ; ce qui revient à admettre que l’ousia divine, pourtant impas- 
sible, immuable, inaltérable et incorruptible, est sujette à la passion, 
au changement et à la corruption. Il se serait produit ce qu’il appelle 
une u:720%Gt;, — une commupication qui aboutit à la possession 
commune d’une mème réalité, — et, dès lors, une corruption de 
la substance divine ; il y aurait eu en elle une division, et dès lors, 
un changement et une altération (2). 

Comment donc définir la génération du Monogène ? C’est une 
génération propre à Dieu seul, sans aucune ressemblance avec 
lle des hommes, génération dans laquelle l’engendrant a donné 
l'ètre sans donner de sa substance, et par laquelle l’engendré est 


Ga) Dieu, I : "Aysyvwob Tabra œuy yprast autos Tpos TOUS Ouoou- 
TATT AS DOTEP AP EVTAUOX YAGTPOS HÉUVNTAL Kal TOXETOU, CHAXIVET A 
Œ nr Too Deon Elcuoix nai Dilnois, obre xxv Emi Toù vio Tas puyac 
FT AS MAUVE, OÙ Ghopay xai peradoaty, àA Efouaiay voisouEy xœi 
Jr xafapsy, oulros vai Quyaust ToÙ quaxvros yevouivry, ‘où 
VETSUT Ia eural * DTE YXp WG TX COUATA VEVÉVNTAL APAIPÉGEL HXi 
DLULETEL 7 Hs OUGIAS, OÙcy @s ŒUrà xai Eoa.… 

(2) Pol, 32 ro : Oncu yap diaipenis, vai Toomm ral àlowas…. Mer 
Vus yap näca usradoots. Dieu, 1: ‘Ent À rô APÜ&RTOV, OÙTE TLOTN 
de Gexigeors oùr' àdoiwaus, oùre mpofoln core uerafioin éruvonbnvat 

WaTau, 


$ 
60 RENÉ DRAGUET. 


devenu la Vie même, sans que celle-ci fût une participation d’une 
vie déjà existante (1). Admettre une génération qui aboutirait à 
l’'homoousie du Père et du Fils équivaudrait à admettre que Dieu, 
6 6:0:, s’est servi de sa propre substance comme d'une réalité à 
transformer, alors que, sans avoir besoin de rien, pas même de 
lui-même, sans subir de passion ou de division dans sa substance, 
il a posé l'être du Fils par sa seule volonté et puissance (2), sans 
aucun intermédiaire (3). Poser l'être du Monogène dans l’ordre 
des choses existantes par seule volonté et puissance et sans se 
donner lei-même en participation (où m:rtdwzey), c'est là, au sens 
du pseudo-Origène, toute la signification du z:w34v divin dont parle 
l'Écriture. Loin d'aboutir à une identité numérique de substance, 
Ja génération en Dieu n'atteint mème pas à l'identité spécifique ; le 
Monogène n’est, par rapport au Père, ni évocusios, ni Sucuouotos. 

Qu'est-il donc ? Vaguement semblable, 6Guows sans doute, car 
l’auteur, concluant ses remarques sur Job, XXX VII, 22 revient à son 
texte en ces termes : « et nous ne trouverons personne qui soit 
Guors Soit à lui, soit à sa force. Remarquons qu'il ne parle ni des 
êtres invisibles, ni des puissances supracosmiques, mais qu'il base 
la louange qu’il adresse à Dieu sur le relief qu’il prend par rapport 
aux êtres visibles (4) ». La portée de la remarque se restreint 
évidemment au dernier membre de phrase «y sbprooue éuotoy aotc ; 
l'auteur ne veut pas, semble-t-il, nier la présence, parmi les puis- 
sances supracosmiques, d'êtres qui ont: une certaine ressemblance 
avec l'ayémros. Sans doute y place-t-il au premier rang le Dieu 
Monogène. 


On aura aisément reconnu dans ces textes le fonds de doctrines 
chères à l’arianisme de toute nuance, et il n'est pas besoin pour 
asseoir cette affirmation, d’une longue confrontation des formules 
du pseudo-Origène avec les textes reconnus comme spécifiquement 
ariens. 


(x) Drœu, I: Oxo xai N “/Év RTS Geonperhs, oux Anwroudrs * TE 
de 2. Didmxs 70 stat, AAD où pirédmeesy, Ô Te evvrets jé/07ey 
œUT 27), 24.2" où LTÉE  } x (5€ 7. 

(2) Dreu, UT, alinéa 3. 

(3) Dieu, T'? Apec: anegureures yeydusves. Dieu, III : 5 Os. 
éZouTix yEyvà AUEGTEUT D. 

(4) Fol. 118 : Oùre cv SUOGUGUy TU EE AT 6Ù Cr Ta 30 TL XyÜacros, 
OÙTE épotouTtoy, OU AGIT OS 780 TTL, ai so, EUGATOUEY &À0 UZ SD 
auTé) Kai TÔ (CHU AUTOÙ * PIMUOYEUT EU GE Ére cùx a9p4T 0 &Y O0 TOY 
DrEp407 itoy duauesuy umusyus, GlX Ex TOY GoxTY Thy dcEcècyiar 
Trotéirat (fol. 118 ro-vo), 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 61 


Arias lui aussi admettait trois êtres divins, mais bien éloignés les 
uns des autres dans l’ordre de la substance et de l’activité (1). Très 
effacé, le Saint-Esprit n'avait dans sa théorie aucune part à la création 
du monde : l’unique &yéwrTos, — terme chez lui synonyme d’ayevr- 
72, — avait produit, en vue de l’œuvre créatrice, avant tous les 
êtres et pour servir d’instrument de leur production, le Verbe ou 
Dieu Monogène (2). Cnmplètement étranger à l’ousia de l’ayéwmros 
et produit par sa seule volonté (3), le Verbe se trouvait qualifié 
d'rSu00; XATX TAVTA Ths TO TATOOS OUOIAS Ka idôrrros (4); créature 
au méme titre que les autres, il n’avait sur elles que le privilège 
d'avoir été produit directement auzgirevro; par l'ayéwmros (5), avant 
elles et en dehors du temps qui les régit, æypôvos, Tpo atwvey, neo 
725v0y (6). 

La raison qui empéche les Ariens que combat S. Athanase de 
recevoir l’homoousios est celle-là mème à laquelle le pseudo-Origène 
sest montré si sensible : si le Père a donné au Fils de sa propre 
substance, il y a eu division de l’ousia divine, l’ayemmnros a été l’objet 
d'une passion (7). Des deux côtés aussi, même souci de s’en tenir 
aux formules scripturaires pour exprimer la doctrine, et d’actepter 
a ce titre des expressions comme ui yewmnels Üno Toù narpos (8), 
quitte à bien montrer par le commentaire qu'elles reçoivent qu’on 
est loin de les entendre dans le sens nicéen. 

Nous pouvons mème poursuivre le parallèle sur un point de 
détail. Entre autres textes scripturaires, les Ariens faisaient appel à 
Job, XXXVIIT, 28 pour critiquer le concept de génération en Dieu. 
Écrivant à Paulin de Tyr, Eusèbe de Nicomédie lui fait remarquer 
que ce n’est pas le seul Logos que l'Écriture dise engendré par 
Dieu ; elle applique le terme à bien d’autres choses, dont la nature 
est pourtant dissemblable en tous points de celle de l’ayéwrroc. En 
disant, p. ex., que Dieu a engendré des hommes qui l'ont ensuite 
méprisé et abandonné (fsaïe, 1, 3; Deut., XXII, 48), ou encore qu'il 


(1) Thalie, dans S. ATHANASE, De Synodis, 15 (PG, XXVI, 708, A). 

(2) Jbid., dans S. ATHANASE, Orationes contra Arianos, 1, 5 (PG, XXVI, 
21, À). 

(3) Zbid., dans S. ATHANASE, De Synodis, 15 (PG, XXVI, 708, A). 

(4) S. ATHANASE, Orationes contra Arianos, I, 6 (PG, XXVI, 24, A). 

(5) S. ATHANASE, De decretis Nicaenae sy nodi, 7 (PG, XXV, 436, B); la 
méme idée se retrouve chez Eunomius: cfr S. GRÉGOIRE DE NyssE, Contra 
Eunomium, lib. IV (PG, XLV, 661, A). 

(6) Lettre des Ariens à Alexandre, dans S. ATHANASE, De Synodis, 16 (PG, 
XXVI, 709). 

(7) S. ATHANASE, Orationes contra Arianos, I, 15 (PG, XX VI, 44, A); Lettre 
des Ariens à Alexandre, loc. cit., 709, C. 

(8) 1bid., loc. cit., 709, B. 


6è RENÉ DRAGUET. 


engendre les gouttes de rosée (Job, XXX VIII, 28), signifie-t-elle que 
leur nature dérive de celle de Dieu et en est une participation ? 
Nullement, mais seulement que tous les êtres devenus sont un eflet 
de la volonté de l'unique àzéwmto: (1). En ces temps où, comme le 
lierre aux murailles, la controverse dogmatique s'accrochait tenace- 
ment au texte biblique pour se faire de ses moindres expressions des 
bases d’argumentation facilement estimées inébranlables, une objec- 
tion tirée de Job, XXXVIII, 28 contre l'interprétation nicéenne du 
7evvreis scripturaire appliqué au Logos ne pouvait manquer de faire 
impression ! Nous en avons un écho lointain, mais encore très net, 
dans la 423° homélie et VIe discours catéchétique de Sévère d'’An- 
tioche. Amené, à propos du récit évangélique de la Transfiguration, 
à exposer et à défendre la doctrine de la consubstantialité du Fils 
avec le Père, et passant à la discussion des arguments scripturaires 
avancés par les Ariens, il écrit : « Mais quelqu'un dira : voici qu’on 
peut entendre Dieu disant en Job : ri cru dsrov TaTD 3; Tls dE ETLY 
6 reroxbs Bwlous dpicou ; Er yagrcos 0 rivos Exropeuerat à xpUoTa}ÀOS ; 
rayyny À Ev oùpay® rés réroxey (Job, XXXVII, 28-29). Allons-nous 
donc appeler la pluie consubstantielle à Dieu, à cause des mots 
TaTYP, TEToxw3 et Ex YaGTPOs exnopeuer at ? Ce serait abusif (2) ! » 
Le patriarche s’efforce alors de faire échec à cette observation par 
diverses raisons, dont la meilleure est assurément qu'il faut traiter 
avec bienveillance le texte biblique, et le comprendre d’après 
l’analogie de la foi. Il conclut (3) en invitant ses auditeurs à voir ici 
un cas typique de la « sottise des disciples d’Arius », qui, d’ailleurs, 
ont osé se référer à un autre texte biblique (4) pour affirmer que le 
Logos était, au même titre que la sauterelle, une diværus de Dieu. 
Or, on s'en souvient, c’est dans les mêmes termes que le pseudo- 
Origène utilise le même texte de Job contre la doctrine nicéenne de 
l’'homooustos (5). 


(x) Dans THÉODORET, Historia Ecclesiastica, 1, 6 (ed. L. PARMENTIER, Die 
Griechischen Schriftsteller der ersten 3 Jahrhunderte, Theodorets Kirchenge- 
schichte, p. 27. Leipzig, 1911). Dans cette lettre, vraie petite somme de 
théologie arienne, il est peu de points qui ne trouvent leur parallèle dans les 
textes dogmatiques du pseudo-Origène. 

(2) Vatic. syriacus, 143 fol. 148 vo B et suiv. 

(3) fbid., fol. 149 ro À, 150 ro B. 

(4) JoëËc, LE, 25. Sur l'emploi de ce texte par les Ariens, voir S. ATHANASE, 
Orationes contra Arianos, I, 5 (PG, XXVI, 21, C); II, 37 (tbid., 225, C). 

(5) Pour la théorie de la présence exclusive du Logos dans les théophanies 
de l'Ancien Testament, que le pscudo-Origène met si fort en relief (voir plus 
haut, p. 58, n. 1), on aura un parallèle dans les anathèmes 15 et 16 du 
premier synode de Sirmium de 351 (dans A. HAHN, Bibliothek der Symbole 
nd Glaubensregeln der alten Kirche, p. 198. Breslau, 1897). 


UN COMMENTAÏRE GREC ARIEN SUR JOB. 63 


On estimera, pensons-nous, qu’il n’est pas possible de reporter 
jusqu’au temps des luttes christologiques la composition de l'ouvrage 
que nous venons d'étudier. La question à l’ordre du jour dans le 
uilieu de l’auteur, c’est la question trinitaire, et encore, la seule 
question de la consubstantialité du Fils avec le Père; l’attention ne 
parait pas attirée sur celle du Saint-Esprit avec les deux autres 
prépa. Bien que le grand coup ait été porté à l’arianisme dès la fin 
dire siècle, et que, « battu en brèche par la science des docteurs 
mme par les édits impériaux », il disparut bientôt de l'Orient (1), 
i ne faudrait pas repousser a priori l'hypothèse de la composition du 
«wmentaire du pseudo-Origène au v° ou au début du vi° siècle, dans 
l'un quelconque des rares cercles qui continuaient à rester fidèles à 
a doctrine d'’Arius. Mais croirat-on qu'un auteur de la fin du 
“siècle p. ex., préoccupé de questions dogmatiques comme celui 
que nous étudions, aurait pu écrire un aussi volumineux ouvrage (2) 
sans laisser percer, — alors qu'il en avait de multiples occasions, 
favorisées encore par la méthode lâche du commentaire, — qu’il 
écrivait au moment où tout l'Orient était enflammé par les luttes 
christologiques ? Ce n’est guère vraisemblable ! Et cette considération 
a d'autant plus de valeur que nous avons pris soin de faire intervenir, 
dans les pages qui précèdent, fous les textes susceptibles de jeter 
quelque lumière sur les idées de l’auteur en matière doctrinale. 

L'auteur qui rejette l'émooucuos et l'ouououoies té marpt est-il un 
boméen, comme le texte cité plus haut semble l’insinuer ? La preuve 
en serait faite qu’elle ne nous avancerait guère pour préciser 
exactement la date à laquelle il écrivait, car, si l’homéisme connut 
des moments de plus grande faveur, il est sûr qu’il aura été 
représenté à chaque période des luttes ariennes. Bornons-nous à dire 
que le pseudo-Origène a écrit « aux temps des Ariens », comme on 
dira au début da vi° siècle (3). La façon dont est conçue la référence 
au « martyr Lucien » n’inviterait-elle pas à penser que l’auteur n’a 
pas écrit avant 340-350 (4) ? On ne voit par ailleurs aucune raison 


(1) X. Le BACHELET, Arianisme, dans le Dictionnaire de Théologie catho- 


ligue, t. II, col. 1848. 
(2) Dans le Paris. 454, ie commentaire s'étend sur 153 folios de deux fois 


_ #6 lignes chacun; dans le Vatic. 1518, il occupe 390 pages de 24 lignes. 


(3) P. ex., Sévère d’Antioche dans ses lettres, Cîr E. W. Brooks, Thesixth 
book of the select letters of Severus, Patriarch of Antioch, p. 9, 303, 321, 326 du 
texte. Londres, 1902-1904. 

(4) Fol. x5ro : *Hxouoa dE xæi éTépay Évvotay Tapà ayioy à&vOL@y Tip} 
TRs JUVAIAOG TOÙ re lf3 fy Épaonoy Elvat ToÙ GUAOYPAGTOU LALTUPOS 
losuxxcd, y où dixœuov Expiva Àrôn rapadoüvar. "Edeyoy oùv &s (ms : 0ç) 


64 RENÉ DRAGUET. 


de différer la composition de son ouvrage jusqu'à une date qui 
dépasserait de beaucoup l’an 400. 

De l'unique point de vue de la critique interne, une chose au 
moins est certaine : le pseudo-Origène n'est pas Julien d’Halicar- 
nasse. Celui-ci était un fervent monophysite, mais il n’avait rien de 
l’arianisme. On a mis en question qu'il ait admis la consubstantialité 
du Christ avec nous, on n’a jamais soutenu qu’il ait nié celle du 
Verbe avec le Père. Faut-il quand même citer le début de son ana- 
thème premier ? Son témoignage est formel : eï ri5 un éuohoysi ô7e 
à 0e06 dos, à r@ narpi SuoobTies, canrwleis xat evayhownisxs 2x0, 
ducuuios Ruiy EV RAT xx ÉyIpO TS LOT Xl Apruariqer …. TodTor 
avabeuariee ñ ayix … ExxAroia (1). 

Le P. Dieu s’est par conséquent mépris en croyant retrouver dans 
les fragments dogmatiques du pseudo-Origène la doctrine particulière 
à Julien d’Halicarnasse sur l’incorruptibilité du corps du Christ (2). 
Il y est certes question d’incorruptibilité, mais c’est de l’incorrup- 
tibilité de l’ousia du Père mise en avant pour le rejet, dans les 
problèmes trinitaires, de l’homoousios nicéen. 

Pareillement, les « homoousiastes » attaqués par le pseudo-Origène 
sont bien « ceux qui affirment la consubstantialité du Père ct du 
Fils niée par Arius », et non pas « ceux qui disent que le Fils nous 
est consubstantiel » (3). On en aura été convaincu, pensons-nous, à 
la seule lecture du fragment cité plus haut. D'ailleurs, dans les 
deux sens du mot, Julien d’Halicarnasse est un « homoousiaste ». 

Pour rendre compte de tous ces textes dogmatiques qui, attribués 
a un monophysite du vi* siècle comme l'était Julien d’Halicarnasse, 
deviennent fort surprenants, le P. Dieu a supposé que celui-ci, 
adversaire de la consubstantialité du Christ avec nous, et entendant 
ses adversaires dire que le Verbe est engendré w: 7x Touxta … 
DeaoËG Et This OÙGias, Se méprend sür la communication des idiomes, 
et considère comme appliqués au Verbe comme Dieu des énoncés 


Ô Pi Écryouuevos EdOacxey @3 0 rod 0:65 dyOpmnss imf5.…. Ce n'est 
pas dans les codices des œuvres de Lucien que l’auteur a lu l'explication 
qu’il introduit de la sorte; il la tient de ia tradition orale (xoucx), de ses 
maîtres peut-être. Ces « ao vives » qu'il a entendus auraient eux- 
mêmes été les auditeurs de Lucien CALET ET) que la notice se compren- 
drait parfaitement. 

(1) Rétroversion d’après le Vatic. syriacus 140, fol. 100 ro À = Brit. Mus. 
Add. 12158, fol. x12r0 B. 

(2) Art. cit. 

(3) Le P. Dieu exprime l’avis contraire, art. cit, p. 196. 


UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB. 65 


qune lui conviennent que selon la nature humaine qu’il a assumée (1). 
otre exposé l’aura suffisamment montré, il est inutile de discuter 
œtle ingénieuse hypothèse ; le fondement en est d’ailleurs controuvé ; 
ea effet, Julien d'Halicarnasse admet tout autant la consubstantialité 
da Christ avec nous que sa consubstantialité avec le Père. Nous 
espérons le montrer bientôt, en publiant, avec les textes de Julien qui 
ont subsisté en traduction syriaque, une étude sur sa christologie. 

Au cours de ses discussions avec Sévère d’Antioche en Égypte 
vers 520, Julien d’Halicarnasse avait parlé de « commentaires » que 
li-même aurait écrits sur le livre de la Genèse. Sévère relève la 
chose dans sa réfutation des anathèmes de Julien et atteste, chose 
qu'il dit confirmée par le témoignage de gens compétents, qu’à.sa 
wnnaissance, avant sa controverse avec lui, Julien n’a écrit en sa 
rie que « des explications sur quelques chapitres d’Évagrius » (2). 
À ce moment, Julien est un vieillard (3), et une lettre de Sévère, 
rite un peu plus tard, en parle comme d’un mort (4). 

Quoi qu’il en soit de ce commentaire sur la Genèse, on renoncera, 
pensons-nous, à continuer d'attribuer à Julien d’Halicarnasse le 
commentaire sur Job du pseudo-Origène. Loin de conférer quelque 
valeur au faible argument fourni par le prologue des chaînes sur 
Job en faveur de la restitution proposée par Usener, l’examen de 
l'ouvrage lui-même s’est révélé décisif contre lui. Le pseudo-Origène 
est un arien, du 1v° siècle sans doute, et les fragments dogmatiques 
de son œuvre exégétique doivent prendre place à côté des textes, 
trop rares assurément, qui renseignent directement l'historien des 
doctrines sur la théologie arienne (5). 


Louvain. RENÉ DRAGUET, 


(1) P. Dieu, art. cit., p. 196. 

(2) Brit. Mus. Add. 12158, fol. 111 r° B-vo A. 

(3) 1bid., fol. 111 vo A. 

(4) E. W. Brooks, op. cit., p. 393 du texte (la 21e lettre du ÎVe livre, datée 
par Brooks de 521-527). 

(s) Signalant dans son ouvrage La littérature grecque (4e édit., p. 287. 
Paris, 1901), la traduction latine du commentaire élaborée par J. Peronius, 
P. BATIFPOL a reconnu les tendances arianisantes de son auteur. Sans faire 
allusion à l'identification proposée par H. USsENER, dans les Catenen de 
H. LierzuANN, quelques années auparavant, il se borne à en parler comme 
d'un « commentaire sur Job, en grec, dont l’auteur, anticonsubstantialiste 
déclaré, semble se rattacher à l’école de Lucien ». 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 5 


FAUT-IL ADMETTRE UNE VISITE ET UNE LETTRE DES PAUL 
AUX CORINTHIENS ENTRE LES DEUX ÉPITRES CANONIQUES ? 


La seconde épître aux Corinthiens nous fournit des renseignements 
précieux sur l’évangile de Paul, sur son fondement, son but et son 
efficacité morale. D'autre part, il n’y en a pas de plus personaelle ; 
il o'y en a pas qui mette mieux en lumière les multiples aspects de la 
riche individualité de l’apôtre, son ardente charité et ses violentes 
colères, son constant inté. êt pour toutes les choses de la terre et en 
même temps sa parfaite initiation aux mystères de la vie supérieure. 
Paul et sa religion ne font qu'un : il vit en elle, elle vit en lui. 

L'analyse de l’épitre révèle assez facitement ses intentions. La 
première partie est apologétique et regarde le passé : dans les sept 
premiers chabitres, l’apôtre raconte sa vie et répond aux accusations 
d’inconstance, de fausseté et d’arrogance que des esprits malveillants 
ont répandues contre lui. La seconde partie est parénétique et con- 
cerue le temps présent : dans les chapitres huit et neuf, Paul recom- 
mande les collectes en faveur de la communauté de Jérusalem. Entin, 
la dernière partie est polémique et prépare l'avenir : Paul attaque 
directement ses adversaires et les menace des graves châtiments que 
son autorité apostolique lui donne le droit de leur infliger. 

Les difficultés ne commencent vraiment que lorsque l’on veut décrire 
daos le détail la situation de l'église de Corinthe entre les deux épîtres 
canoniques, et préciser les évéuements qui ont motivé la seconde. Il 
s’agit en particulier de savoir si pendant ce laps de temps, il ne faut 
pas placer une courte visite de Paul aux Corinthiens, et en vutre une 
lettre perdue. La question a son importance au point de vue historique, 
pour la connaissance des troubles de Corinthe, et au point de vue 
exégétique, pour l'intelligence de la seconde épitre ; mais elle est une 
des plus ardues qu'ait à résoudre la critique littéraire du Nouveau 
Testament. Elle a suscité d'innombrables essais de solution, et est 
encore aujourd’Aui un objet d'étude, sans qu'il en résulte d’ailleurs le 
moindre risque pour l'authenticité 1e la seconde aux Corinthiens. 

Nous voudrivus, Sans entrer dans le dédale des explications pro- 
posées, sans parler des critiques qui se contentent du voyage inter- 
médiaire ou de la lettre perdue, ou qui croient pouvoir retrouver 
celle-ci dans la seconde aux Corinthiens, examiner brièvement les 
arguments apportés dans le débat par les partisans des deux inter- 
médiaires. Notre tâche sera grandement facilitée par l'excellente 
monographie du D" Golla qui à ramené notre attention sur ce sujet 
très ancien mais toujours nouveau (1). 

Proposée d'abord par Weizsäcker, l’hypo'hèse d'une visite et d’uve 
lettre intermédiaires est admise, avec des modalités diverses, par un 


(1) Dr Ep. GoLLa, Zwischenreise und Ziwischenbrief. (Biblische Studien. 
Band XX, Heft 4.) Fribourg, Herder, 1922. xn1-110 p. Fr. 7,50. 


Re << 


S. PAUL ET LES CORINTHIENS. 6? 


gd nombre d’auteurs dont voici les principaux : Pfleiderer, Jülicher, 
it, Clemen, Bachmann, Feine, Bousset, Lietzmann, Schlatter, 
&r'ier, Steiomann, Robr, Meinertz. Elle fut combattue par Bauer, 
Wess, Zahn, Heiorici, Weber, Bisping, Belser, Gutjahr, Maier, 
Nckenberger. Le D' Golla arrive lui-même à la conclusion que ni 
te visite ni cette lettre ne s'imposent. 

Pour l'intelligence de ce qui suit, il ne sera pas inutile de remonter 
qu'a la première épiître aux Corinthiens et de se rendre compte de 
1stuation qui la provoqua et des résultats qu'elle obtint. 

Ares les troubles qui accompagnérent sa fondation et qui forcèrent 
à Paul à quitter la ville, l’église de Corinthe paraît avoir joui de la 
ärextérieure ; au moins, nous ne trouvons plus de trace de persécu- 
tons que les chrétiens auraient eu à subir à cause de la foi nouvelle. 
Ue cité opulente, adonnée au commerce et au plaisir, s'intéresse peu 
x choses de la religion et tolère plus facilement les sectes. Le pro- 
nasul Gallion se montrait indifférent vis-à-vis des disputes juives et 
‘s controverses légales. Entin, la conversion de personnages impor- 
ats, com e Crispus, Sosthènes, Eraste, Cajus, la famille de Chloes, 
oiférait à la communauté naissante un certain prestige et la couvrait 
jar le fait même d’une protection efficace. Mais la situation intérieure 
“ l'église était loin de répondre à la considération dont..elle jouissait 
ü dehors. Les factions la déchiraient, les mœurs païennes revivaient, 
k: judaïsants mipaient l'autorité du fondateur, des abus s'étaient 
ttroluits dans la célébration de la cène et dans l'exercice des 
rismes, des doutes s'intiltraient touchant le sort des défunts et la 
*urrection des morts. S. Paul fut instruit de cette situation de diffé- 
“otes manières. Les relations étaient faciles et fréquentes entre 
corinthe et Éphèse où l'apôtre séjournait alors. Apollo et les gens de 
2 Chloes purent le renseigner non seulement sur l'existence des 
“eries, mais aussi sur les autres abus. Toujours est-il que Paul 
<rivit aux tidèles de Corinthe une première lettre qui ne nous a pas 
*é conservée, et où il leur disait, entre autres choses, de fuir la société 
xs fornicateurs (I Cor. v, 9). Il leur envoya aussi son disciple 
Timothée avec la mission de porter remède aux maux dont souffrait 
lise (1 Cor. 1v, 17 ; xvi, 10). Bientôt, la présence à Eplèse de trois 
“légués de Corinthe, Stephaous, Fortunatus et Achaïcus permit 
aiore à Paul de se documenter plus complètement. Ces chrétiens 
‘ent probablement aussi les porteurs de cette lettre perdue où les 
titles de Corinthe demandaient à l'apôtre certaines précisions au 
jet de la fréquentation des paiens (I Cor. v, 9), du mariage (vu, 1), 
k la virginité (vir, 25), de l'usage des idolothytes (vir1, 1), des cha- 
smes (x11, 1) et des collectes (x vi, 1). 

Muni de ces renseignements, pressé de ces questions, ému d’ailleurs 
de la gravité de la situation, Paul crut ne pas devoir attendre l'arrivée 
de Timothée à Corinthe, et écrivit immédiatement uotre première 
êttre canonique. Comment cette épitre parvint-elle à destination ? 


68 MÉLANGES. 


Les trois délégués de l’église en furent-ils les porteurs ? S. Paul ne 
les retint-il pas plutôt auprès de lui jusqu'au retour de Timothée, 
afin de pouvoir leur communiquer des décisions pratiques ? Il semble 
bien, en tout cas, que l’apôtre fut mis au courant par ‘Timothée des 
résultats obtenus par la première aux Corinthiens. On a nié, il est 
vrai, que Timothée, parti avant l'envoi de la premivre lettre mais 
devant arriver après elle, ait poussé son voyage jusqu’à Corinthe et 
par conséquent ait pu renseigner Paul sur les effets qu'elle produisit. 
Les Actes des Apôtres ne parlent que d’un voyage de Timothée et 
d'Eraste en Macédoine (x1x, 22); Paul ne fait aucune allusion aux nou- 
velles apportées par Timothée ; même, il semble douter que Timothée 
arrive jusqu'à Corinthe : "Ex d: £20n Tiucbsos… (1 Cor. xvt, 10). Il est 
certain cependant que Paul envoya son disciple jusqu’à Corinthe 
(1 Cor. 1v, 17), qu'il donna des instructions sur la manière de le rece. 
voir (Xvi1, 10), eutin qu'il se l'associa dans l'inscription de la seconde aux 
Coriathiens (1, 1), laissant ainsi suflisamment enteudre que ‘Timotuée 
était au coucant de la situation de l'église. Celle-ci avait eucore ses 
taches et ses ombres. Malgré les sévères avertissements de l’apôtre, 
certains continuaient à lui résister et à combattre sun autorité. D'ail- 
leurs, plusieurs des abus déjà dénoncés réapparaissent encore dans la 
seconde lettre : Nolite jugum ducere cum infidelibus (II Cor. vi, 14). 

C'est au reçu de ces nouvelles que l'apôtre, d'après de nombreux 
critiques, aurait cru nécessaire de gagner immédiatement Corinthe par 
la voie maritime. Cette courte visite elle-même n'aurait pu rétablir 
l’ordre : les menaces restaient vaines et les exuortations sans fruit. Les 
meneurs pensérent un moment l'enporter ; Paul se vit même publique- 
ment insulte et dut regagner précipitamment Ephèse... Voici les argu- 
ments qu'un apporte pour établir ce voyage intermédiaire entre les 
deux épitres : 

Déjà avant la première aux Corinthiens, Paul avait manifesté le 
désir de les visiter. Dans celle-ci, il leur fait part de son intention de 
passer l'hiver chez eux en venant de Macédoine, et non plus de les voir 
en passant comme il le leur avait dit autrefois, peut-être dans la lettre 
perdue : où Léo yàp dus dort ëv Rapédw ideiy (1 Cor. xvi1, 7, cir XVI, 
3-0 ; 1V, 18-19 ; x1, 31). Avant la secouue lettre, il dut modifier quelque 
peu ses projets de voyage, et se proposa alors de les voir deux fois 
avant de gagner la Judée, en allaut en Macédoine et en en revenant 
(II Cor. 1, 15-16). Ce second projet non plus n'avait pu étre exécuté 
jusqu'ici, au moins totalement. De là, les accusations de légèreté et 
d’inconstance formulces à l'adresse de Paul par ses adversaires. 
L'apôtre y répond dans la seconde aux Corinthiens. S'il n’est plus 
revenu à Corinthe, c’est par méuagement pour eux : "Ey dE uxprupx 
rüy Yeby Eruka douar Ent Thv Eury VUyhv, ÔTL GEUVGUEVOS Uudy oUxETL 1, AÜcy 
ets Kocboy (11 Cor. 1, 23) J'ai résolu en moi-méme ceci, leur écrit-il 
eucure, de De pas veuir vers vous une secuude fois dans la tristesse : 
érpiva de épaur® Todre, Tô un nav Ev mn npos ua E/Beiy (II Cor. 11, 


ere 
RER à SU RE cm, ES 


8. PAUL ET LES CORINTHIENS. 69 


D. 1 faut très probablement rattacher m&luv à év Aümn, de sorte que le 
es n'est pas : Je n’ai pas voulu que ma seconde visite chez vous se fit 
äns la tristesse, mais bien : J'ai décidé de ne pas vous visiter une fois 
4 :lus dans l’affliction. Il y eut donc déjà un voyage à Corinthe qui se 
it iaos l’affliction. Cela ne peut être dit purement et simplement du 
«jour d'évangélisation, qui, d'une manière générale, à en juger par le 
rit des Actes, fut heureux et consolant ; en tout cas, les causes de 
sesse ne vinrent pas à S. Paul du côté des tidèles de Corinthe. Il 
‘agit donc d’une visite à placer entre le séjour de fondation et la 
=ode épître. Mais on ne peut la situer avant la première lettre. 
‘emment aurait-on pu alors répandre le bruit que Paul remettait 
krjours son voyage à Corinthe parce qu’il n’osait plus y revenir 
(Cor. 1v, 18) ? Et surtout, comment expliquer que la première lettre, 
“crie d’allusions à la tournée d'évangélisation, ne fasse pas la 
“indre mention d’une seconde commoralio corinthiaca. Il ne reste 
koc plus qu’à intercaler ce voyage entre les deux lettres canoniques. 

Cet argument serait cependant insuffisant s'il n’était corroboré par 
‘autres indices. Mais, dans II Cor. x11, 20-21, Paul exprime la crainte 
ua son arrivée il ne trouve pas les Corinthiens tels qu’il les veut, et 
ne lui-même soit trouvé différent de ce qu'ils désirent ; il redoute que 
h visite qu’il leur fera ne soit pour lui une nouvelle humiliation : 
5 734% 2406705 uov Tatewon Le 6 Üeds pou TPS vus (x, 21). Ici 
cure il faut joindre r4xÀw à raravoon. S. Paul fit donc déjà un 
usage à Corinthe qui fut pour lui une humiliation, de même qu'il fut 
cie atliction. Pour les raisons exposées plus haut, ce voyage doit être 
:l*é entre les deux lettres. Il ne peut être question de la première 
tsite de Paul à Corinthe, ni d’un court séjour avant la première lettre. 

Dans II Cor. x11, 14 et x111, 2, S. Paul déclare que la visite qu'il se 
“pose de faire aux Coriuthiens est la troisième qu’il leur rend. Voici 
ju pour la troisième fois je vais aller chez vous et je ne vous serai pas, 
:charge : "9cù roiroy rodro Erotuos Eye £)eiy npos dus (x11, 14). C’est 
à troisième fois que je vais chez vous : Tpéroy roïro Écyouaœr nos duäs 
“ui. 2). Il n’est guère possible d'entendre ces paroles d’un simple 
irojet de voyage et de traduire : « voici la troisième fois que je me 
ropose d’aller chez vous » et « à la troisième fois je viendrai certaine- 
ment chez vous ». Non, il faut admettre deux voyages à Corinthe avant 
æluj qui est annoncé. Entre le premier voyage d'évangélisation et le 
‘rosième qui est décidé dans cette lettre, — ces deux visites sont men- 
‘onées dans les Actes aux chapitres X VIII et XX —, il faut en placer 
63 autre, celui dort parle II Cor. 11, et x11, 21, qui paraït avoir eu le 
äaractére pénible d'une visite de correction, et au surplus, ne paraît 
as avoir eu d'heureuses conséquences. Ce voyage s’intercale au mieux 
tre les deux épitres canoniques. 

Eotin, cette conclusion est confirmée par II Cor. x111, 2 : J'ai déjà 
dit et je déclare d'avance, en ce moment où je suis éloigné de vous, 
“mme lors de ma seconde visite, à ceux qui ont péché dans le passé 


70 MÉLANGES. 


et à tous les autres, qu'à ma prochaine visite je ne les ménagerai pas : 
Tposipmxa xai Rpo}Ëye, &s Tapoy TO deurency al any vor. ITpceionxa 
se rapporte à @s Tapiy 70 deurévoy et rpokyw à arc» vuy : la déclara- 
tion présente se fait par lettre, Paul étant éloigné d'eux ; la déclaration 
antérieure se fit de vive voix, Paul étant parmi eux pour la seconde fois. 
On ne comprendrait pas que cette ‘seconde présence parmi eux fut une 
présence fictive, Paul s'étant transporté au milieu d'eux en esprit en 
écrivant la première aux Corinthiens, car à ce compte, il ne leur dirait 
pas en leur écrivant maintenant : any voy. Cette seconde visite au 
cours de laquelle Paul a menacé les pécheurs est évidemment la même 
que celle dont parlent tous les textes déjà cités, 11, 1 ; XI1, 14 ; XII, 21 ; 
x1n1, 1, c'est celle que Paul appelle une visite y Àvm, où Dieu l’humilia. 

En plaçant ce voyage entre les deux épîtres, on est logiquement 
amené à y situer aussi une lettre perdue. Il en est fait mention en 
plusieurs endroits de la seconde aux Corinthiens. 

II Cor. 1, 23-11, 9, Paul parle de cette visite promise et non rendue 
dont il s’est dispensé par ménagement pour eux, pour ne pas les voir 
une fois encore dans la tristesse. Il remplaça ce voyage par une lettre 
véhémente où il prenait les Corinthiens sévèrement à partie : «Et je 
vous écrivis cela, afin de n’être pas affligé en allant chez vous par ceux 
qui devaient ne me causer que de Ja joie. C’est en effect dans un grand 
trouble et une grande angoisse de cœur que je vous écrivis et au milieu 
d’abondantes larmes, non pas pour vous afifliger, mais pour vous faire 
connaître l'affection profonde que je vous porte... Je vous avais écrit 
pour voir, en vous mettant à l'épreuve, si vous étiez obéissants en 
toutes choses. » 

S. Paul revient encore à cette lettre au chapitre vir, 8, 12 : « Si je 
vous ai attristés par ma lettre, je ne le regrette pas, et si je l'ai 
regretté — car je vois que cette lettre vous a momentanément con- 
tristés — je me réjouis maintenant, non pas que vous ayez été 
attristés, mais que votre tristesse vous ait portés au repentir.… Si je 
vous ai écrit, ce n’était ni à cause de l’offenseur, ni a cause de l'offensé, 
mais afin de donner à votre attachement pour nous l’occasion de se 
manifester devant Dieu ». 

Cette lettre douloureuse, composée dans l'angoisse et les larmes, 
pour éprouver les Corinthiens, suivit de peu ce séjour pénible et 
humiliant dont nous avous parlé. Elle tenait lieu d’une nouvelle visite 
que Paul redoutait. On pourrait difficilement la reconnaître dans notre 
première épitre canonique : celle-ci ne remplace pas un voyage, ne fut 
pas motivée par une injure faite à S. Paul, ne peut être dite composée 
dans l’angoisse et les larmes. Eile est grave et pressante, sans doute, 
mais Paul l'écrivit d’une main calme et d'un esprit tranquille. Il serait 
vain aussi de vouloir retrouver cette lettre terrible, ainsi qu'on l’a 
appelée, dans certains chapitres de notre seconde aux Corinthiens. 
Elle fut écrite entre les deux épitres, peu après le voyage intermé- 
diaire, mais ne nous est pas parvenue, 


OO OO  ÉÉÉÉRNÉÉÉÉNNÉNÉÉÉÉNÉ 


S. PAUL ET LES CORINTHIENS. 71 


S. Paul attendait avec anxiété des nouvelles de ce message qu'il 
irait confié à Tite. Quittant Éphèse, il se rendit à Troas avec l'espoir 
dr rencontrer son fidèle disciple. Ne l'y trouvant pas, il poussa jus- 
qu'en Macédoine et eut entiu la consolation de le revoir. Les nouvelles 
-tiient meilleures : Tite fit part à l’apôtre des sentiments des Corin- 
tliens à son égard. La lettre les avait affligés, sans doute, mais d’une 
añiction salutaire, d'une tristesse selon Dieu qui ramenait la crainte 
& le repentir et l'attachement à Paul (II Cor. 11, 12-13; vir, 5-11). 
L'orfenseur était désavoué par le plus grand nombre des chrétiens qui 
svatraient ainsi finalement n'être impliqués en rien dans cette affaire. 
La lettre intermédiaire avait donc atteint son but. Bien des choses 
cependant restaient encore à régler. Une fraction au moins de la com- 
zunaute n’était pas fermement revenue à Paul, et tous ses adversaires 
n'avaient pas désarmé. C'est ce que montre abondamment la seconde 
énitre aux Corinthiens. 

L'histoire des relations de Paul, avec l’église de Corinthe pendant 
le laps de temps qui s'écoule entre les deux lettres est bien décrite par 
A. Sabatier à la suite de Weiszäicker : « Timothée, envoyé à Corinthe 
rur réduire les récalcitrants, avait piteusement échoué. Paul s’y 
rend alors dans l'espoir de rétablir l’ordre, mais lui aussi éprouve un 
échec ; Sa parole est impuissante ; ses ennemis triomphent. Il est 
publiquement insulté et doit regagner Ephèse, l’âme accablée d’une 
tristesse apostolique où la colère se mêle aux regrets. D’'Ephèse, il 
repread la lutte, il adresse aux Corinthiens une lettre terrible dont, 
un moment, il regretta les termes excessifs, et il envoie Tite dont 
l'esprit conciliant et la grande autorité personnelle pouvaient amener 
un revirement. La lettre de Paul, appuyée de la parole de Tite, pro- 
voqua chez les Corinthiens un réveil touchant d'affection et de recon- 
naissance. La majorité de l’église, dans une assemblée solennelle, 
condamna l’homme qui avait insulté l’apôtre et décida de lui envoyer 
rar écrit et par l'intermédiaire de Tite, des excuses et des témoignages 
on équivoques de regrets pour le passé, d'affection chaleureuse pour 
le présent, de confiance pour l’avenir » (L’Apôtre Paul, p. 172-173). 

Il y a une part de conjecture dans cette reconstitution historique. 
Mais, s’il est permis de dire avec le D" Golla que ni la visite ni la 
lettre ne sont suffisamment démontrées, et que tous les indices relevés 
sont susceptibles d’une autre interprétation, il n’en reste pas moins 
vrai qu'ils font une grande impression par leur nombre ct par leur 
cou-ordance, et qu’il ser. it exagéré de reproduire à leur adresse le 
jugement radical émis naguère : « Sur ce voyage de Paul à Corinthe, 
on a bâti un petit roman dont les détails varient selon Le goût et l’ima- 
givation des critiques... Ces ingénieuses fantaisies ne vaudraient pas 
la reine qu'on les mentionne sans la notoriété des noms dont elles se 
couvrent ». E. Tosac. 


COMPTES RENDUS. 


H. LEISEGANG. Pneuma Hagion. Der Ursprung des Geistbegriffs der 
synoptischen Evangelien aus der griechischen Mystik. (Verôffent- 
lichungen des Forschungsinstituts für vergleichende Religionsge- 
schichte an der Universität Leipzig. N. 4.) Leipzig, Hinrichs, 
1922, In-8, vi-150 p. Fr. 11,50. 


Le titre de cet ouvrage en indique exactement le contenu. L'auteur, 
qui a publié en 1919 une importante monographie sur le concept 
« d'esprit » dans les écrits de langue grecque de l’époque hellénique, 
cherche maintenant à déterminer la signification du même terme dans 
les évangiles synoptiques et tâche de prouver qu'elle dérive de cette 
mystique grecque, qu’il a précédemment étudiée. | 

En lisant les synoptiques, M. Leisegang a rencontré le terme 
«esprit » en six endroits différents, à savoir : dans les récits de la con- 
ception et de la naissance virginales de Jésus, dans la description du 
baptême de Jésus, dans la prédication de saint Jean-Baptiste touchant 
le futur ministère de Jésus Messie, dans les disputes des Pharisiens 
avec Jésus au sujet de la délivrance des possédés, dans les promesses 
de Jésus à ses apôtres, enfin, dans la première des huit béatitudes rap- 
portées par saint Matthieu. 

Le Saint-Esprit apparaît pour la première fois dans les évangiles 
pour annoncer et opérer la conception virginale de Jésus. En exégète 
indépendant, M. Leisegang ne croit pas à la réalité de ce fait suruaturel, 
qu'il traite de mythe habilement rédigé et cru naïvement par les pre- 
mières communautés chrétiennes. 

Les critiques rationalistes ont voulu rapprocher l'évangile de 
l'enfance des mythes de toutes les religions, des spéculations de toutes 
les théosophies. M. Leisegang estime ces rapprochements manqués. Il 
veut, pour sa part, limiter le terrain des recherches et des compa- 
raisons aux seuls documents émanant des milieux helléniques, mais 
il croit y avoir trouvé les éléments, qui expliquent l'élaboration de ces 
prétendus récits mythiques des évangiles. A l’en croire, à l’époque du 
Christ, le thème d’une conception virginale était fort répandu dans le 
monde grec et romain : dans les croyances du vulgaire, les récits de 
la mythologie, l’enseignement de la mystique et les spéculations de la 
théosophie. 

M. Leisegang rappelle la crédulité des masses populaires grecques, 
leur foi naïve à des grossesses surnaturelles, résultant prétendûment 
de rapports sexuels entre vierges et mauvais esprits. 

Plus importante est aux veux de l’auteur l'expérience mystique. 
Sans compter les accointances profondes, qui semblent exister entre 


ae CASSER EEE RE = ESP RRREne 
Re 0e, à “ne. 
qe PA 


H. LEISEGANCG : PNEUMA HAGION. 73 


l'sinct sexuel et les expériences mystiques, — l'auteur fait appel au 
lime et au SCDS soi-disant primitif du mot « pneuma-esprit » 
_ilest intéressant de noter que dans les milieux grecs le prophétisme 
it naissance parmi les femmes, les ménades de Dionysos. Éprouvant 
lps leurs états exstatiques des émotions violentes, elles les rappro- 
“rent spontanément des douleurs et des commotions physiologiques 
» l'enfantement et elles conçurent leur union avec la divinité 
some un mariage et la réception du pneuma prophétique comme une 
:“odation mystique. L'expérience religieuse alimenta les mythes : 
-jxei à leur tour avivèrent le sentiment religieux; qui bientôt 8e 
mijuisit dans les mystères païens en rites d'hiérogamie. L'auteur cite 
%K textes, concernant la pythie de Delphes, les sybilles, les femmes 
rnphetes des gnostiques et des mandéens, les initiées des mystères. 

Cependant, continue M. Leisegang, s'il est vrai que les femmes- pro- 
etes conçoivent par l'esprit, le fruit de ces conceptions n'est pas un 
#fint mais un oracle divin. Il manque donc un élément essentiel 
our qu'il y ait parallélisme avec les récits de l'évangile de l'enfance. 
WU. Leisezang croit que d'autres sources suppléent à l'insuffisance de 
ælles qu'il à jusqu'à présent étudiées et songe particulièrement aux 
“cits de la mythologie ainsi qu'aux spéculations de la théosophie. 

Parmi les thèmes mythologiques, qui doivent compter, l'auteur 
siynale le récit de la conception virginale de Dionysos (Zeus et Sémélé), 
& celui de la conception de Branchos (Helios- Apollon et Smikros). 
Quant aux spéculations mystiques, c’est le juif Philon d'Alexandrie, 
qui fournit la large part des prétendues analogies avec le thème de la 
narration évangélique. L'auteur insiste Sur la croyance du philosophe 
…lexandrin à la naissance surnaturelle des patriarches, 8es allégories 
au sujet de la parthénogénèse des vertus, 8es spéculations touchant les 
générations divines : Le Dieu suprême fécondant l'idée abstraite de la 
virginité (Dieu suprême, Sagesse, Logos), le fruit de cette union 
fécondant à sou tour les âmes qui sont vierges. 

De l'avis de M. Leisegang, CES croyances multiples et hétérogènes, 
tantôt allégoriques tantôt absurdes ou immorales, auraient inspiré les 
écrivains sacrés et suffraient à rendre compte de l'élaboration de la 
croyance chrétienne à la conception virginale de Jésus. S. Matthieu 
e serait arrêté aux croyances vulgaires et admettrait la possibilité 
de rapports sexuels entre vierges et purs esprits. S. Luc aurait dépassé 
le niveau de la crédulité populaire en expliquant la conception de Jésus 
au moyen du thème de la mystique et de la mythologie de Dionysos : 
c'est-à-dire au moyen de l'esprit prophétique communiqué aux femmes- 
prophètes, les rendant enceintes et mères d'un enfant divin, d'un fils 
de Dieu. Enfin $. Jean aurait essayé de combiner les données de la 
tradition et les spéculations de la mystique de Philon. Chez luiilny 
a plus de « pneumä propbeticon » mais le « logos » philonien. Cepen- 
dant au lieu de prècher le Logos comme le principe de la naissance 
surnaturelle de Jésus, il à enseigné par une étrange confusion et une 


74 COMPTES RENDUS. 


fausse interprétation de la mystique de Philon que le Logos lui-même 
s’est incarné (chapitre premier). 

Le récit du baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain est, comme 
l'évangile de l'enfance, un tableau mythique. Ce mythe nous a été con- 
servé sous des formes diverses, qu’on peut ramener à six types prin- 
cipaux : les récits des quatre synoptiques, celui de l’évangile aux 
Hébreux et celui de l’évangile des Ebionites. Le thème fondamental a 
été Le mieux compris par ce dernier évangile. Il exprime la réalité de la 
nouvelle naissance surnaturelle et mystique de Jésus et des chrétiens. 
Celle-ci est l’œuvre d’un Père divin (Zeus, Helios, le charpentier 
suprême) et d’une mère céleste (Hera, Ourania, la « Source », la 
colombe, l'esprit, Myria, Maria) : le fruit de leur union est l'être 
spirituel, qui est descendu des cieux et est venu habiter en Jésus. 

Ce thème d’une renaissance mystique et d’une triade divine est 
d'inspiration hellénique et il a été parfaitement conservé dans les deux 
évangiles apocryphes mentionnés et dauos les écrits gnostiques. Saint 
Marc et saint Matthieu répugnent à l’insérer dans leur évangile, tandis 
que saint Luc, le plus hellénisant des synoptiques, à été beaucoup plus 
accueillant, toutefois sans avoir accepté le mythe dans son intégralité 
(chapitre troisième). 

Le Saint-Esprit apparaît encore dans la prédication de saint Jean 
Baptiste. D'après saint Matthieu et saint Luc le précursear aurait 
annoncé le baptême messianique par le feu et le Saint-Esprit. 

M. Leisegang, qui s'appuie sur l'ignorance des joannites d'Ephèse 
pour nier l’historicité de cette notice évangélique, croit contraire- 
ment à l'avis de plusieurs exégètes, qu’elle ne contient aucune allu- 
sion au jugement dernier, que les deux qualificatifs du baptême sont 
synonymes, en d’autres termes, que saint Jean annonce le baptême 
par le feu, qui est le Saint-Esprit. 

Encore une fois l’auteur renvoie ses lecteurs à plusieurs soi-disant 
analogies : les documents tigurés ct littéraires de la mystique 
grecque, par exemple les Bacchantes de Dionysos, la prétendue 
liturgie de Mithra, les conceptions de Philon d'Alexandrie, les mys- 
tères de Jamblique. Tous ces documents prouveraient que, dans les 
milieux grecs, l'esprit et le feu étaient étroitement associés et que 
l'association de ces deux termes a influencé les traditions chré- 
tiennes. Cependant le thème de l’esprit-feu appartiendrait à la 
mystique vulgaire. Les penseurs et les mystiques raffinés comme 
l'auteur du quatrième évangile auraient préféré assucier la lumière 
et le Saint Esprit (chapitre deuxième). 

Dans le chapitre quatrième, M. Leisegang cherche à déterminer 
le sens et le teneur primitive des paroles attribuées à Jésus touchant 
le blasphème contre le Saint-Esprit ainsi que leur parenté avec les 
conceptions grecques. 

Après avoir insisté à la suite de saint Augustin sur la difficulté 
du passage, l’auteur institue la comparaison des synoptiques, dis- 


H. LEISEGANG : PNEUMA HAGION. 79 


tue deux traditions dans la transmission orale du logion, et 
æc-lut avec W. Bousset à la priorité d'âge du texte conservé par 
‘angile de saint Marc. Cependant, même sous la forme transmise 
par la deuxième évangile, la parole du Seigneur aurait déjà été 
s'erée et cette altération trouverait son expression précisément dans 
L mention du Saint-Esprit. 

M. Leisegang observe que tous les milieux juifs, aussi bien ceux de 
h dispersion que ceux de la Palestine, attribuaient l'efficacité d’un 
anrcisme à l’invocation du nom de Jahweh et qu’ils considéraient tous 
“mme blasphème suprême l'outrage de ce nora très saint. Par contre, 
d19s les milieux grecs la vertu du nom divin faisait place à celle de 
l'esprit et les croyances du peuple y rapportaient la réussite des exor- 
cismes à la puissance de l'esprit. | 

L'auteur dégage de ces prémisses la conclusion qui suit : dans sa 
forme originelle, le logion parlait d’un blasphème contre le nom de 
Jahweh. Sous l'influence des croyances helléniques et de l’expérience 
chrétienne, le nom de Dieu fut remplacé par l'esprit, la force mys- 
térieuse qui enthousiasmait les diverses communautés chrétiennes. La 
rarole de Jésus ainsi remaniée fut conservée par saint Marc et saint 
Marthieu dans son contexte primitif ; elle fut transportée par saint Luc 
en dehors de ce contexte et rapprochée d'une série de paroles qui 
toutes se rapportaient à l'esprit (chapitre quatrième). 

Le Saint-Esprit apparaît une dernière fois dans la Pentecôte chré- 
tienne, qui est par excellence la manifestation de l'esprit et qui révèle 
sa présence par l'enthousiasme glossolalique de la communauté. 

D’après M. Leisegang, la glossolalie est décrite dans les Actes des 
anôtres comme la prophétie des temps nouveaux, qui consiste à parler 
des langues étrangères et dont la fonction providentielle est de coopérer 
à la diffusion de l’évangile parmi les gentils. Tout autre serait le 
tableau de cette manifestation de l'esprit si l’on prend comme point de 
départ le chapitre quatorzième de la première épitre aux Corinthiens. 
Cette lettre enseignerait la distinction adéquate entre le charisme de 
la glossolalie et celui de la prophétie, subordonnerait le don des langues 
à celui de prophétie, et donnerait comme raison de cette infériorité 
l'absence dans les vociférations des glossolales de tout son intelligible, 
voire même articulé. 

Il va sans dire que M. Leisegang retrouve les traits historiques de la 
glossolalie dans les épîtres de saint Paul. Le rédacteur des Actes aurait 
empruoté à des légendes talmudiques le miracle des langues étrangères, 
et l'aurait rapproché par une combinaison factice du baptême de 
l'esprit. 

Or, encore une fois, la glossolalie sous son aspect historique netrouve, 
d'après M. Leisegang, aucun parallèle dans les documents de provenance 
juive mais elle est parfaitement réalisée, quant à ses trois notes dis- 
tinctives, par les fidèles inspirés de la mystique païenne, où le feu et 
le souffle accompagnaient la venue de l'esprit, 


76 COMPTES RENDUS. 


Il reste à signaler la mention de l'esprit dans la première des huit 
béatitudes de saint Matthieu et la suppression de ce terme dans le texte 
parallèle hellénisant de saint Luc. D'après M. Leisegang cette omission 
de l'esprit constitue en l'occurrence elle aussi uue preuve de l’infiltra- 
tion hellénique dans le troisième évangile. Le texte de saint Matthieu 
est primitif et signifie : bienheureux ceux qui se sont détachés des 
richesses par l'indifférence du cœur ou de l'esprit. Saint Luc, au con- 
traire, prise la pauvreté réelle et il enseigne la béatitude de ceux qui 
vivent dans la misère ou ont volontairement embrassé la pauvreté. Dès 
lors le texte de saint Luc exigeait la suppression du terme « esprit ». 
M. Leisegang rappelle que les disciples de Cratès et de Diogène étaient 
à cette époque les amants de Dame Pauvreté, et que par conséquent la 
béatitude, sous la forme que lui a donnée saint Luc, est un écho de 
l’enseignement des philosophes cyniques et stoïciens. 

En résumé, tous les passages des évangiles, parlant de l'esprit, en 
dehors de la première béatitude de saint Matthieu, qui manifestement 
contient un hébraïsme, sont étrangers aux croyances juives mais rap- 
pellent les conceptions grecques de l’époque hellénique, où l'esprit, 
souffle et substance ignée, est à la fois principe de conception virginale, 
de renaissance mystique, d'exorcisme magique, et d'enthousiasme 
glossolalique. Le parallélisme entre les données des évangiles et celles 
des écrits grecs contemporains est tellement apparent et constant qu'il 
y a dépendance mutuelle ou plutôt dérivation d’une source commune : 
la religiosité et surtout la mystique grecque de l’époque hellénique. 

En résumant les différents chapitres de l’ouvrage de M. Leisegang, 
nous nous sommes efforcés de saisir exactement et de reproduire 
fidélement la pensée de l’auteur, sans porter un jugement sur les 
conclusions de son étude. Il ne nous est d’ailleurs pas possible d’entre- 
prendre ici la critique de chacune de ses aflirmations. Nous nous 
contenterons d’anprécier d'une façon générale la méthode mise en 
œuvre et les hypothèses soutenues dans cette monographie. 

Sans doute faut-il reconnaître au travail de M. Leisegang une vaste 
érudition et une originale synthèse. L'auteur a compulsé tous les 
travaux qui pouvaient le renseigner et il a tenté une solution nouvelle 
du problème qu'il abordait, à la lumière des seuls textes de la mystique 
grecque paienne. M. Leisegang a bien fait de limiter ses recherches 
aux sources juives et grecques. De cette façon il a ramené le débat sur 
son véritable terrain et il a écarté d’un geste résolu tous les rapproche- 
ments superficiels autrefois tentés par les certains spécialistes en 
histoire comparée des religions. 

Mais par ailleurs son ouvrage souffre d’un vice de méthode radical 
et les hypothèses qu'il prétend établir ne nous semblent d'aucune facon 
prouvées. Le vice de méthode que nous regrettons est l'acte de foi 
rationaliste — s'il est permis de s'exprimer ainsi — à l'hypothèse de 
l'évolutionnisme religieux et par conséquent à l'hypothèse des sources 
purement naturelles de la religion chrétienne. Prendre ce postulat de 


L. TODESCO : CORSO DI STORIA DELLA CHIESA. 71 


h critique indépendante comme point de départ de ses recherches, c'est 
"juger la solution du problème, c’est s'exposer à violenter les textes 
au on doit interpréter. 

Quant aux rapprochements tentés, M. Leisegang lui-même doit en 
convenir, la terminologie des évangiles se rapproche plus des livres de 
l'Ancien Testament que des documents grecs et la doctrine chrétienne 
touchant le Saint Esprit s’en distingue par son originalité. 

Cependant l’auteur croit écarter l’objection en affirmant qu'on a 
versé dans les vieilles outres des formules juives un vin nouveau: le 
rio de la mystique grecque, auquel l'expérience chrétienne a donné un 
zût nouveau. Avouons que pour le cas présent c’est étrangement 
déraisonner. Nous croyons au contraire que les divergences qui dis- 
tinzguent les données chrétiennes des croyances gréco-romaines ne 
reuvent être négligées et que les rapprochements entre l'Ancien et le 
Nouveau Testament constituent une preuve de la révélation surna- 
urelle et progressive d’ûün même Esprit. 

Reconnaissons les mérites de l’érudit, corrigeons les conclusions de 
l'historien et regrettons que l’auteur, qui s’était révélé philologue dis- 
tingué, se soit aventuré sur le terrain de l’exégèse avec autant d’assu- 


rance que de légèreté. J. CoPPENS. 


L. Topesco. Corso di storia della Chiesa. Vol. I : 1 primi 500 anni. 
Turin et Rome, P. Marietti, 1922. 1n-8, vin-388 p. L. 15. 


Le D" L. Todesco, professeur au séminaire de Padoue, se propose de 
publier un cours complet d'histoire ecclésiastique en cinq volumes : 
le premier, paru en 1922, retrace la fondation de l’Église et sa diffusion 
jusqu'à l’époque de Constantin ; les deux suivants comprendront l’his- 
toire de l'Eglise au moyen âge ; le quatrième sera consacré à la 
Renaissance et à la Réforme ; entin le cinquième traitera de l'Eglise à 
l'époque moderne et contemporaine. 

Dans l'introduction au premier volume (p. 45), M. Todesco critique 
fortement les divisions uniformes des matières que les auteurs récents 
adoptent généralement pour chaque période de l’histoire : diffusion du 
christianisme, rapports entre l'Église et l'État, écrivains ecclésias- 
tiques, hérésies, discipline, etc. Appliquées invariablement à toutes les 
périodes de l’histoire ecclésiastique, elles empêcheraient de voir les 
différences souvent profondes qui caractérisent les situations succes- 
sives de l’Eglise. Elles auraient, en outre, l'inconvénient de trop mor- 
celer ce qui était uni dans la réalité, p. ex., les faits et gestes d’un 
même homme, et de ne présenter ainsi que des tableaux incomplets et 
sans vie des événements du passé. 

Ces objections de M. T. ne sont pas sans fondement ; en particulier, 
l'histoire des trois premiers siècles de l'Église pe se prête pas facile- 
ment aux divisions indiquées. Mais on aurait tort, à notre avis, de trop 


18 COMPTES RENDUS. 


insister sur ces objections sans considérer les nombreux avantages que 
présentent des divisions logiques pour mieux grouper et pour exposer 
plus clairement les idées et les faits, rangés habituellement sous Îles 
différentes rubriques de l'histoire spéciale. 

Quoi qu'il en soit, M. T. divise son premier volume en deux parties : 
la première nous fait connaître, d’après l'ordre strictement chronolo- 
gique, la fondation de l'Eglise et sa premiére diffusion, les persécutions 
qu’elle à subies et les hérésies qu’elle a combattues ; la seconde 
(p. 243 svv.) examine, d'aprés un ordre plutôt logique, les problèmes 
touchant la hiérarchie, les pères et les écrivains ecclésiastiques, le 
culte et la discipline, les basiliques, les esclaves. 

M. T. s'attarde longuement (p. 1-103) à décrire le milieu dans lequel 
le christianisme a apparu, ainsi que l'activité des apôtres SS. Pierre et 
Paul. Il veut apprendre à ses lecteurs les différentes explications de 
l’origine du christianisme et de la fondation de l'Eglise. Cette partie 
de l’ouvrage est forcément polémique ; mais on reconnaîtra volontiers 
que l’auteur expose loyalement les théories des religionnistes et des 
protestants. L'histoire des persécutions et des hérésies est reprise aux 
principaux ouvrages qui ont été publiés sur la matière. De même, dans 
la seconde partie, on trouvera, d’après les meilleurs historiens, un 
exposé des problèmes indiqués. D'aucuns estimeront cependant que le 
chapitre consacré aux « Pères » (p. 272 svv.) n'est pas à sa place dans 
ce premier volume. 

La documentation de l’auteur est très sobre, mais substantielle. Pour 
certaines questions toutefois, des monographies très importantes ne 
sont pas citées. L’exposé est clair, vif et agréable. Des discussions 
plutôt longues qui encombrent le récit, auraient pu être imprimées en 
petits caractères. L'aspect du livre y aurait gagné. À png Meyer. 


G. GHeDini. Lettere cristiane dai papiri greci del III e IV secolo. 
(Supplementi ad « Aegyptus o, serie divulgazione, sez. greco- 
romana, n. 3. Pubblicazioni della università catt. S. Cuore, 
sez. filologica, vol. I.) Milan, Via S. Agnese, 4, 1923. In-12, 
xxvu1-876 p. L. 18. 


Rechercher parmi les nombreux papyrus égyptiens publiés à ce jour 
les premières lettres privées échangées entre chrétiens, les réunir en 
volume et en présenter une traduction appuyée et éclairée par des 
notes historiques et philoloziques, tel est le but qu'a poursuivi M. G. 
en publiant l’ouvrage que nous sommes heureux de présenter aux 
lecteurs de la Revue d'histoire ecciésiustique. 

Une préfuce précise l'objet et les limites du recueil ; elle est suivie 
de trois index : lettres recueillies, papyrus utilisés (d'après la collec- 
tion à laquelle ils sont empruntés), ouvrages cités (1x-xxvir1). Une 


Re ne 


EE  l 
+ TS 


G. GHEDINI : LETTERE CRISTIANE DAI PAPIRI GRECI. 79 


istcduction soigneusement écrite précise quelques notions d'histoire 
l‘traire et met en ordre, sous diverses rubriques, les renseignements 
bWurns par ces textes sur les phénomènes littéraires particuliers 
quil: présentent, et sur le milieu social d’où ils émanent. Un 
irmer paragraphe rappelle au lecteur l'existence, dans la xoœm 
“sos, de deux courants, le langage littéraire et le langage de la 
«aversation, et rattache à ce dernier la langue de ces premières 
kttres chrétiennes (p. 1-43). Le corps de l'ouvrage réunit 44 documents 
Jotjets et de provenance divers, échelonnés entre la tin du deuxième 
ile et le début du quatrième, et trahissant, à des degrés différents, 
ce origine chrétienne (p. 44-286). Viennent ensuite dés observations 
rammaticales sur leur langue (287-327). L'ouvrage se termine par 
maitre nouveaut index, des noms (de mois, géographiques, divins, de 
“rwnnes), des mots, des citations bibliques, des matières principales 
tuchées par les documents publiés ou traitées par l’auteur dans le 
œurs du volume (331-376). M. G. n’a rien négligé. 

Disons un mot des parties centrales de l’ouvrage. En tête de chaque 
dcument, M. G. place des indications sommaires qui en fixent la 
rrorvenance et la date et signalent, en même temps que les collections 
äans lesquelles il se trouve déjà publié, les travaux ou notices dont il 
à pu étre l’objet ; elles sont suivies d’une courte introduction sur son 
“optenu, son style, son caractère chrétien, ses auteur et destinataire. 
Puis vient le texte avec un apparat critique ; en principe, il est repro- 
duit dans sa teneur originale, sauf les restitutions nécessaires ; l’apparat 
‘ritique redresse les graphies défectueuses, ou encore, avertit des 
kgeres corrections déjà effectuées dans le texte. Suit, en troisième 
Leu, une traduction italienne de la pièce. Enfin, on trouve, ligne 
rar ligne, des notes historiques et un commentaire philologique très 
burni, où les phénomènes attestés sont mis en rapport avec les faits 
amilaires observés dans d’autres pièces du recueil, dans d’autres 
-apyrus ou dans les textes classiques. M. G. n’a pas craint les nom- 
reux détails et les références multiples ; il a consacré à la rédac- 
‘on de ce commentaire un temps et des recherches qu'il est sans 
doute seul à savoir, mais ce n’est pas non plus la partie de son travail 
‘ue le lecteur appréciera le moins. 

Les observations grammaticales seront particulièrement remarquées 
des philologues. Suivant les divisions systématiques de la grammaire, 
M. G. y a classé avec un vrai luxe de détails, exemples et références, 
ous les phénomènes phonétiques (p. 289-305), morphologiques (p. 306- 
3%) et syntaxiques (p. 310-327) rencontrés dans les 44 documents 
publiés. Il y a dans ces trente pages toute une grammaire de la xoun 
‘ulgaire ! 

[ nous a suffi de détailler le riche contenu du petit volume de M. G. 
our en faire apparaître tout le mérite. Avec le charme d'un ouvrage 
ecrit « con amore », les Lellere cristiane ont l'avantage d’avoir été 
rassemblées par un philologue d’une compétence avertie et dont le 


80 COMPTES RENDUS. 


patient effort a atteint, pensons-nous, toute la précision scientifique 
souhaitable. Elles distancent aisément des recueils analogues, très 
appréciés pourtant, tels que les Selections from the greek papyri de 
G. Milligan (Cambridge, 1912); on en sera persuadé en comparant 
dans les deux ouvrages le commentaire philologique consacré à une 
même pièce, p. ex., le pap. Oxyr. 939 (Milligan, p. 128-130 ; Ghedini, 
p. 229-234). M. G. a empruté les documents qu'il publie à une époque, 
un pays et un milieu social bien attachants ! Aussi ne sont ce pas 
seulement ceux qui s’adonnent aux études techniques du grec post- 
classique qui lui seront reconnaissants d'avoir ainsi réuni un ensemble 
de textes d'une consultation aisée et si instructive ; tous ceux qui 
prêtent intérêt à l’histoire de l'ancienne littérature chrétienne lui 
sauront gré d’avoir rassemblé et mis dans tout le relief désirable ces 
lettres que les petites gens de l'Egypte des r11° et rv° siècles, chrétiens 
des temps lointains des persécutions, s'écrivaient sur des sujets bien 
familiers sans doute, mais dans le rayonnement spirituel de cette 
Alexandrie que des textes du début du vi* siècle se plaisent à appeler 
« la grande ville qui aime le Christ, la maison des doctrines de la 
piété et de la pureté des enseignements divins! » R_ DRaAGUER, 


Dom H. QuEnTIN. Mémoire sur l’élablissement du texte de la Vulgate. 
4e partie : Octateuque. (Collectanea biblica latina. Vol. VI.) Rome, 
Desclée, et Paris, Gabalda, 4922. xvi-520 p. F. 50. 


Le VI° volume des Collectanea biblica latina est constitué par un 
mémoire important, dédié au Souverain Pontife Pie XI, sur l’établisse- 
ment du texte de la Vulgate. Dom Quentin, bénédictin de Solesmes et 
membre de la commission pontiticale pour la révision de la Vulgate, y 
condense les résultats de quinze années de labeur. C’est un ouvrage 
admirable de patience dans les recherches ct de clarté dans l'exposition, 
magnifiquement imprimé, malgré la permanence d'erreurs typogra- 
phiques assez nombreuses, et surtout superbement illustré. On y 
trouvera une collection de reproductions de manuscrits, le plus souvent 
inédites, et qui forment une véritable petite paléographie de la Vulgate. 
Une bonne table analytique des matières et des conclusions nettement 
formulées facilitent, après la lecture, le coup d'œil synthétique et 
récapitulatif qu'on doit nécessairement jeter sur l’ensemble de l'œuvre 
si l’on veut garder le souvenir exact de sa structure. 

Ce premier volume n’étudie l'établissement du texte de la Vulgate 
que pour l'Octateuque ; un autre sera consacré au classement des 
manuscrits pour le reste de l’Ancien Testament. La division adoptée, 
dit Dom Quentin, est non seulement une commodité, elle apparaît 
comme une nécessité si l’on a présente à l'esprit la physionomie parti- 
culière de la traduction de l'Ancien Testament par S. Jérôme. Celle-ci 


E. QUENTIN : MÉMOIRE S. L'ÉTABLISSEM. DU TEXTE DE LA VULGATE. 8l 


wanque d'unité. Les livres se suivaient sans ordre au gré des circon- 
sances ou des demandes d'amis. Le Pentateuque, les livres de Josué, 
es Juges et de Ruth furent les derniers traduits entre 398 et 405. Il 
en est résulté que ceux qui voulurent, aux siècles suivants, former des 
Bitles complètes avec les livres de la version hiéronymienne, durent 
en recueillir de divers côtés les éléments épars et s'adresser pour cela 
à des traditions différentes. De là, de sensibles variantes dans les rap- 
ports des exemplaires de la Vulgate entre eux, et cette conséquence 
qu'an classement des manuscrits obtenu pour un groupe de livres, en 
tue de l’établissement et de l’histoire. du texte, ne vaut pas HRONEEUÉe 
ment pour un autre groupe. 

L'auteur n’a pas étudié uniformément tout l'Octateuque. Pour pouvoir 
s'appuyer sur des observations minutieuses et poussées à fond, il a 
choisi huit chapitres, un pour chaque livre, de préférence au commen- 
œment des livres, afin de pouvoir les trouver plus facilement dans les 
mss, sauf pour la Genèse dont le début est souvent mutilé dans les mss 
bibliques (Genèse, xvur1; Exode, 11; Lévitique, v ; Nombres, vi; 
Deutéronome, 11; Josué, 11; Juges, 11; Ruth, 11). Ces huit chapitres 
furent collationnés sur 70 mss et 49 éditions, en prenant pour texte la 
Vulgate clémentine, et la première partie du mémoire fournit à leur 
sujet un important matériel de variantes destiné à faire connaître la 
tradition manuscrite et imprimée de l'Octateuque, car les résultats 
cbtenus par cette série de sondages entrepris de distance en distance 
vaudront pour l’ensemble du groupe. Il aurait valu mieux, nous 
semble-t-il, rapprocher cette première partie de la troisième où l'on 
procède au classement des manuscrits utilisés. 

En effet, la seconde partie est d’un caractère plus général : elle décrit 
les différentes étapes parcourues par la critique d'édition relativement 
à la Vulgate et expose son état actuel. Forcément moins originale, 
elle contient cependant beaucoup de détails nouveaux, et est en tout 
cas, pour les profanes de la critique textuelle, la plus instructive et la 
plus intéressante : c’est un chapitre important de l’histoire de Ja 
Vulgate. Nous apprenons que les éditions imprimées de 1450 à 1511 ne 
sont d'aucune utilité pour la critique du texte. Elles dépendent à peu 
près toutes de la Bible de 42 lignes qui reproduit Le texte très répandu 
et sans valeur de l’université de Paris. Les Bibles imprimées de 1511 à 
159 restent encore souvent dans la même tradition, ou bien ne citent 
pas leurs manuscrits, ou bien s'appuient sur un matériel que nous 
possédons encore aujourd'hui. Nous disposons encore aussi des mss 
utilisés par les commissions romaines qui, à la suite du concile de 
Trente, préparèrent les éditions officielles de l'Eglise. Mais si elles ne 
peuvent servir à l'établissement du texte de la Vulgate, les éditions 
imprimées sont très importantes pour l’histoire du texte, car elles 
forment le pont qui relie la sixtine et la clémentine aux mss du xin® 
et du xiv° siècle. 


XEVUE D'HISTOIRE BCCLÉSIASTIQUE, XXe 6 


89 COMPTES HENDUS. 


L'histoire de la sixtine et de la clémentine a soulevé des questions 
passionnantes et suscité d'âpres querelles. Ayant suivi jadis ces contro- 
verses d'assez près, nous étions curieux de connaître le jugement de 
l’auteur sur l'édition de Sixte-Quint et sur l'attitude de Bellarmin dans 
sa préface à la Bible clémentine. « Sixte V se piquait d’être un grand 
éditeur de textes. Il avait commencé, étant simple Frère Mineur, une 
édition des œuvres de saint Ambroise qu'il continua lorsqu'il fut devenu 
cardinal et dont le sixième et dernier volume in-folio ne parut qu'après 
son élévation au Souverain l’ontificat. C'est malheureusement la plus 
mauvaise des é1iitions existantes, un chef-d'œuvre de l’Ars crilica qui, 
aux leçons des manuscrits, substitue les conjectures les muins fondées. 

Un trait caractéristique du tempérament autoritaire de Sixte V est 
la mesure qu’il prit des qu’il fut pape pour rendre obligatoires les 
citatious de son saiut Ambroise » (p. 181). 

« Si le pape Sixte V avait accepté la très considérable série de 
corrections proposées par la commission du cardinal Carafa, il aurai 
publié une édition satisfaisante de la Vulgate » (p. 190). 

«Ce texte (préface de l'édition clémentine) a fait couler des flots 
d'encre et les adversaires de Bellarmin n’ont pas assez de mots pour 
blâmer ce qu'ils appellent son insincérité. Il est certain, il faut le 
reconnaître, que toutes les apparences portent à croire que nous 
sommes ici en présence d’un expédient imaginé pro dignitate Sedis 
Apostolicae servanda, comme écrit Rocca. Néanmoins il reste une faible 
possibilité pour que Sixte V qui, on le sait, travailla jusqu'au dernier 
jour de sa vie à purger sa Bible des fautes d'impression qu’elle con- 
tenait, ait laissé échapper quelque parole recueillie par ses familiers, 
dont était Angelo Rocca, et donnant à penser qu'il avait en vue une 
1éédition. Quoi qu’il en soit il a fallu toute l’âäpreté des discussions 
soulevées autour de la cause de béatitication de Bellarmin, pour donner 
à ce point de l’histoire de la Vulgate l'importance qu'il a prise et 
conservée jusqu'à nos jours, comme il a fallu l’ardeur des luttes reli. 
gieuses pour faire voir dans la bulle Aeternus ille de Sixte V autre chose 
qu’une déclaration d'authenticité du texte au sens strictement cano- 
nique du mot » (p. 200-201). 

Où en est actuetlement la critique du texte de la Vulgate ? 

« En résumé, nous sommes, gràce aux recherches de Samuel Berger, 
très largement renseignés sur 1: matériel manuscrit de la Vulgate 
pour les livres de l’Octateuque, mais la critique du texte est encore, 
suivant l’expression de M. White, dans l'enfance : certains groupes de 
manuscrits apparaissent, mais les rapports de ces groupes entre eux 
restent obscurs Ce sera notre tâche u’essayer un classement d'ensemble 
d’où l’on puisse tirer des règles générales pour l'établissement du 
texte » (p. 208). 

La troisième partie du mémoire est consacrée à la description, à 
l'étude et au classement des 70 mss collationnés dans la premitre 
partie. Vu la nature spéciale des mss bibliques, l’auteur a cru néces- 


H. QUENTIN : MÉMOIRE S. L'ÉTABLISSEM. DU TEXTE DE LA VULGATE. 83 


aire de leur appliquer une nouvelle méthode de classement. On 
remarque, en effet, dans les manuscrits bibliques, contrairement à ce 
qui se passe pour les martyrologes du moyen âge, à côté du soin avec 
lequel on y transcrit le moindre iota, le zèle pieux avec lequel on les 
corrige pour les ramener aux exemplaires les plus anciens. Une 
fariante s’introduit-elle, tôt ou tard, elle est éliminée. Une omission 
æ produit-elle, rapidement elle est comblée. Il en résulte qu'il ne faut 
as chercher à les classer sur des observations à très longue portée, 
mais plutôt sur des caractéristiques de diffusion restreinte dans le 
ups et dans l’espace. Il est plus conforme à la nature des documents 
étudiés de partir de quelque point de la tradition et d'aller pas à pas, 
d'anneau en anneau, jusqu'à ce que dans tous les sens on ait reconstitué 
chaîne entière. C'est pourquoi l’on adopte la comparaison des mss 
par groupes de trois, en examinant les différentes éventualités qui 
reuvent se produire, et en tirant les conclusions voulues sur les rela- 
tions entre les mss, entre les groupes, avec l'archétype. La méthode 
est appliquée d’abord, à titre d'essai, à un exemple théorique composé 
par l’auteur, puis aux variantes des huit chapitres de l’Octateuque. 
Mais quelles sont les variantes aptes à procurer un classement des mss? 
Ce ne sont pas, au jugement de l’auteur, les particularités notables, les 
lacunes ou les interpolations importantes, les variantes d’un intérêt 
dogmatique, moral ou historique, mais les particularités sans éclat, 
les variantes humbles, tout en étant réelles, qui n'avaient pas d'intérêt 
pour le copiste et qu’il reproduisait sans y prendre garde. Ce ne sont 
pas non plus les variantes à témoin unique qui peuvent servir à mani- 
fester le caractère particulariste d’un manuscrit, mais qui sont inutiles 
pour le classement. Ce ne sont pas même, à titre principal, les 
variantes à témoins rares, précieuses cependant pour un premier 
groupement, ce sont avant tout les variantes à témoins multiples sur 
lesquelles les mss se divisent réellement. Passées à ce crible, les 
variantes relevées dans la première partie pour les huit chapitres 
étudiés, se réduisent au chiffre de 91. À l'aide de cet instrument de 
classement, Dom Quentin peut aboutir, pour les mss de l’'Octateuque, 
aux conclusion suivantes : Tous nos manuscrits de la Vulgate peuvent 
& ranger en trois familles, les alcuiniens, les thévodulfiens et les 
espagnols. En tête de ces trois familles, se trouvent trois manuscrits 
privilégiés, l’Amiatinus, l'Oltobonianus et le Turonensis, dérivant à leur 
tour d'un même archétype qui n'est pas encore l'original hiéronymien. 

Dans l'établissement du texte, il faut abandonner le point de vue des 
anciens éditeurs, qui pour le choix des leçons, s'appuyaient sur les 
concordances avec le grec et l’hébreu ; la Vulgate ne peut être recon- 
située que par le jeu des accords des manuscrits latins entre eux. On 
adoptera pour l'archétype les leçons fournies par les trois manuscrits 
nommés plus bàäut ou par deux d’entre eux. L'examen d'un grand 
2ombre de cas a prouvé que les leçons résultant de l'application de ce 
canon fondamental sont intrinséquement les meilleures. 


81 COMPTES RENDUS. 


Enfin, Dom Quentin donne en terminant une édition spécimen du 
deuxième chapitre de l’Exode, faite d'après sa méthode et selon ses 
principes, et munie d'un triple apparat critique. Le premier est avant 
tout positif, il indique les variantes des trois principaux manuscrits, 
et rend raison du texte adopté. Il devra surtout servir aux théologiens. 
Le second, plutôt à l'usage des spécialistes, rédigé le plus souvent en 
style négatif, fournit un relevé aussi complet que pussible des variantes 
des autres manuscrits et permet ainsi l’histoire du texte, en faisant 
connaître la série de ses déformations et leurs sources. Le troisième 
apparat indique les divisions dont le texte a été l’objet au cours des 
âges, depuis les cola et les commata jusqu'aux chapitres. 

Nous avons résumé, aussi fidèlement que nous avons pu, cet intéres- 
sant mémoire, mais uous n'avons pas assez mauié la critique d'édition 
pour formuler un jugement personnel compétent sur la méthode et les 
conclusions de l'auteur. 1l prévoit qu'elles seront critiquées ; aussi 
tient-il à marquer qu'elles ne représentent que ses idées et n'engageut 
ea rien la responsabilité de la commission puntficale. Il voudrait, avec 
raison, que l'édition de la Vulgate fût d’une limpidité parfaite ; que l'on 
sût toujours pourquoi telle ou telle leçon a été choisie; que ce choix 
fût en outre soumis à des canons bien déterminés et connus de tous; 
que le texte obtenu, enfin, fût vraiment le résultat du matériel existant. 
Dans ce but, il propose une méthode qui part de collations minutieuses 
pour aboutir à une règle de fer. Il reconnait qu'il engage la critique du 
texte sacré dans une voie étroite, mais sûre, et éclairée par des prin- 
cipes qui doivent satisfaire les juges les plus exigeants. Nous gardons 
cependant l'impression que La méthode adoptée est trop mécanique et 
trop simpliste, et un de ces juges exigeants, Dom Donatien De Bruyne, 
a formuié récemment à sou sujet ues réserves assez graves (Revue 
bénédictine, mai 1923, p. [72]176). Il croit que la base de 91 variantes 
est trop étroite pour classer tous les manuscrits de l'Octateuque ; il 
n’est pas convaincu que tous ces mss appartiennent aux trois familles 
indiquées, que celles-ci dérivent des trois manuscrits privilégiés, que 
ces derniers enfin ont été copiés directement sur l’archétype. I con- 
state aussi que la règle de fer aboutit dans certains cas à une mauvaise 
leçon et qu'il y a de bounes variantes à glauer parmi celles qui doivent 
être reléguées dans le second apparat critique dont l'édition serait 


HUE: É. ToBac. 


D. L. REbONET. El trabajo manual en las reglas monästicas. Dis- 
curso y Contestacion. (Real Academia de ciencias morales ÿ poli- 
ticas.) Madrid, Fortanet, Calie de Libertad, 1919. In-4, 200 p. 
Pés. 2, 

L'émivent auteur de la Historia juridica det cultivo y de la industria 
ganaera en Espana (2 vol. Madrid, 1911 et 1918) et de la Policia rural 


L. REDONET : EL TRABAJO MANUAL EN LAS REGLAS MONASTICAS. 85 


é Espana (ébid., 1916) a eu la bonne idée de choisir comme thème de 
liwrtation pour son admission à l'Académie des sciences morales et 
mlitiques le travail manuel chez les moines : il faut le féliciter de ce 
chvix: aussi, grâce à cette étude patiemment élaborée d’après la 
lecture attentive des règles monastiques de tous les temps, nous pos- 
&lons maintenant dans un ouvrage d'ensemble presque tout ce qui a 
éé prescrit là-dessus par les fondateurs et réformateurs des ordres 
zonastiques. 

L'ouvrage de M. Redonet comprend six Does 1° Le travail chez les 
inachorètes et les premiers moines (p. 28-36) ; 2 les règles orientales 
 $. Antoine, d’Isaïe, de Macaire, etc., de S. Pacôme et de S. Basile 
2..3+09) ; 3° les règles d'Occident hormis celle de S. Benoît, et d’abord 
ælles écrites pour les femmes (p. 65-88); 4° [a grande règle de S. Benoît 
p. M 1060) ; 5° les réformes de S. Benoît d’'Aniane, de Cluny, de la Char- 
‘euse, de Citeaux et de la Trappe (p. 106-134) ; 6° ces réformes en 
Esragne (p. 134148). Nous trouvons ensuite les notes bibliographiques 
auxquelles de nombreux renvois sunt faits dans le texte (p. 153-186) et 
le discours par lequel M. A. Bonilla a répondu à M. Redonet, lors de 
la séance de l’Académie (189-199). 

En parcourant toutes ces règles et les constitutions qui les ont 
asivies, nous constatons que presque toujours le travail manuel a eu 
ose place d'honneur chez les moines. Imposé d'abord par le Créateur, 
eanobli par l’exemple de Jésus-Christ et de S. Paul, il fut considéré par 
tus comine le meilleur et même parfois comme le seul moyen efficace 
Je préservation contre l'oisiveté et les vices de la chair; en même temps 
on y voyait le moyen naturel de se procurer le nécessaire pour la vie 
et de pouvoir exercer la charité et l'hospitalité envers les pauvres. 
Ces principes admis par tous et maintenus pendant les premiers 
si-cles dans toute leur vigueur, furent adoucis dans la pratique par la 
reiorme de Cluny ; mais ils reprirent le dessus surtout par la réforme 
je Citeaux : l’on se souviendra des grandes discussions de S. Bernard 
avec Pierre le Vénérable à propos de cette question ; elles connurent 
19 renouveau encore au xv11° siècle avec l'abbé de Rancé, fondateur 
Je la Trappe, qui défendit contre Mabillon la supériorité du travail 
ces mains sur l'étude, et communiqua son esprit à sa réforme. Mais 
revenons à notre étude. Le travail des mains était une occupation prin- 
cipale et un devoir pour tous, excepté pour l’abbé ; seul S. Augustin 
en dispense ceux qui, venant du grand monde, n'ont jamais été 
bibitués à travailler : même les hôtes dès le troisième jour, dit la 
Regula Magistri, devaient rejoindre leurs confrères au travail, et si 
des prêtres ne voulaient pas s’astreindre à travailler comme les 
autres moines, ils devaient être expulsés : seuls les malades en étaient 
exempts. S. Benoît tint aussi fort au travail : remarquons d’abord que 
lhabit qu’il donne à ses fils, est un habit « propter opera », comme le 
dit fort bien M. Redonet, un habit en vuc du travail. Il n’a pas de 
reine à dispenser de chanter l'office au monastère ceux qui se trouvent 


86 COMPTES RENDUS. 


un peu loin dans le travail des champs ; ils devront prier sur place : 
l’on s'étonne un peu que dans sa distribution de la journée il ne dit pas 
un mot de la messe ; et les moines faibles « imbecilles » ne seront pas 
plus libres que les autres de s'adonner à la lecture, mais l'abbé leur 
confiera les travaux les plus faciles. Nous savons avec quel rigorisme 
S. Columban interprétait la régle de S. Benoît et la propagea en Gaule : 
il voulait que le moine, après avoir accompli sa tâche de chaque 
jour, «se couchât le soir fatigué pour se lever le matin avant d’être 
entièrement reposé ». S. Isidore, à qui le monachisme espagnol est 
grandement redevable de ses progrès, écrivait sa règle dans le même 
esprit, quoiqu'il semble ne pas permettre aux moines de travailler loin 
du monastère : il établit en effet la clôture rigoureuse et, pour le travail 
des champs, il ordoune de le faire par des « servi », par des laïques qui 
seront attachés au monastère. Cette grande prescription de toutes 
les règles primitives n'avait point comme but principal d'enrichir le 
monastère, mais de savctifier les moines; c’est pourquoi l’on insiste 
toujours sur les conditions dans lesquelles elle doit s’observer. A cette 
tin, d’après les règles, le travail doit être commencé par obéissance, 
poursuivi avec humilité, sanctifié par le silence et surnaturalisé par 
la prière presque continuelle. Quelle en était la durée ? Le règle de 
S. Macaire ordonne de travailler de tierce à none ; Horsisius, successeur 
de S. Pacôme, assigne les mêmes heures, ce qui nous autorise à penser 
que c'était le temps prescrit par celui-ci, quoique nous sachions, comme 
le dit Mgr Ladeuze dans sa belle Etude sur le Cenobitisme Pakômien 
(p. 298), que le saint ne voulait le travail que pour l'entretien de ses 
moines et comme moyen de sanctification, et qu'il était bien loin des 
préoccupations temporelles qui, cinq ans après sa mort, compromirent 
sérieusement son œuvre. D'après S. Benoît, le travail durait de prime 
à dix heures et de none aux vêpres en été; de tierce à none pendant 
l'hiver ; et jusqu'à la dixième heure (4 heures) en carême. S. Isidore 
et S. Fructuose de Braga donnent tous deux les mêmes heures : en été 
de prime à tierce et de none aux vépres, de sexte à none lecture : 
de tierce à none le reste de l’année, et de prime à tierce lecture. 
L'auteur ne nous dit pas les heures fixées par S. Basile ; il nous dit 
bien que des constitutions des moines Basiliens espagnols du xvri° siécle 
exigeaient le travail deux fois par semaine, mais nous sommes loin ici 
de l’esprit primitif de S. Basile. On sait aussi que Rancé, si pénétré 
de la dignité et de la nécessité du travail, ne lui assigne que trois heures 
par jour. 

Quels étaient les travaux prescrits et que faisait-on des produits 
qui n'étaient pas nécessaires au monastère ? Les premiers moines et 
même les Pakômiens, du vivant au moins de S. Pacôme (LADEUZE, 
l. c.), ne s'occupaient guére qu’à tresser des nattes et à faire des cor- 
beilles : le produit était vendu à Alexandrie, d'où l’on rapportait les 
denrées nécessaires au monastère. S. Basile avait des préférences pour 
l’agriculture, quoiqu'il n’aimât pas de faire travailler ses moines hors 


L. REDONET : EL TRABAJO MANUAL EN LAS REGLAS MONASTICAS. 87 


de l'enceinte du monastère ; les produits seraient échangés autant que 
-kible contre les produits différents des autres monastères basiliens. 
Pur les moines de $S. Benoît le travail était de deux espèces : celui 
des champs et celui des ateliers. On sait le développement qu'atteignit 
l'agriculture sous l'influence de leur exemple et de leur direction; les 
travaux d'atelier furent aussi très remarquables : C’est dommage que 
l'auteur n'a pas étudié ce point, ni l'importance qu'acquirent dans Îles 
nonastères les arts libéraux. D’après S. Benoît, la vente des prodaits 
ju monastère devait être confiée à des sujets choisis avec discernement 
ts faire sans trop marchandier et à bas prix. La Regida B. Petri de 
Hineslis, c. XIXX, que M. Redonet ignore sans doute, prescrit de . 
eboisir un séculier pour exercer ce commerce ; il est appelé « nego- 
tator Ecclesiae », et doit être d’une foi et d’une probite reconnues (1). 
l'autres règles veulent qu’on choisisse deux des meilleurs moines qui, 
avec des domestiques, seront chargés des ventes et des achats néces- 
aires pour les monastères. 

L'organisation que nous trouvons est très simple : d'abord l’abbé 
qui tient la haute direction de tout; ensuite le « praepositus » ou 
le cellérier qui surveille de près la marche économique et dirige 
l'activité de la communauté ; les hebdomadaires ou semainiers qui 
tiennent par semaines ou bien la surveillance et la direction des 
groupements particuliers ou bien quelques offices de la communauté. 

Les doyens « decani » aînés jouent aussi un grand rôle chez les 
œaédictins. Chaque semaine et parfois même chaque soir, les chefs 
divent rendre compte du travail fait. Les lois interdisant les alié- 
nations des champs ou la vente des choses précieuses liaient complète- 
ment l'autorité et la liberté des abbés, qui ne pouvaient pas le faire 
sans le consentement de la communauté. 

Je ne m'arrête pas à décrire les réformes de $. Benoît d’Aniane, de 
Cluay, de la Chartreuse, de Cîteaux et de la Trappe ; l’auteur a oublié 
de nous parler de celle de S. Romuald, très intéressante pourtant, 
car il déclare dans sa réforme que le travail des moines n’est plus com- 
jatible avec l'importance des offices divins et des autres exercices (2). 
Toutes ces réformes nous sont bien connues par l’histoire : envisagées 
au point de vue qui nous occupe, celle de Cluny se sépara presque 
complètement du plan tracé par S. Benoît, en délaissant le travail 
des mains ; celle de Cîteaux, au contraire, en fut l’accomplissement le 
plus scrupuleux, et l’on sait qu’elle se répandit beaucoup dans tout 
l'Occident : le dernier essai fait par l'abbé de Rancé ne peut nulle- 


(1) Cfr Levasseur, Le travail des moines dans les monastères, dans « Séances 
tt travaux de l'Académie des Sciences morales et politiques ». Paris, 1900. 
P. 45. 

i2) Cfr Levasseur, l. c., p. 468 : « Cum occupationes monachorum nostris 
bisce temporibus muito plures existant quam unquam fuerint, tum circa 
divina officia tum circa alia, difficile visum est patribus posse ad unguem 
monachos hoc cap. regulæ servare, etc. (Constit. congr. Camald,. ca. a. 1023.) 


88 COMPTES RENDUS, 


ment atteindre cette importance, puisque il dut se contenter d'assigner 
trois heures de travail par jour ; aussi ce fut plutôt le chemin de la 
pénitence que celui du travail que prit cette réforme. Avant de finir 
cette analyse de l'ouvrage de M. R., ajoutons un mot sur les monas- 
tères de femmes : l’auteur nous renseigne sur l’esprit de travail qui 
régnait aussi chez elles. S, Jérôme, en effet, leur avait, à différentes 
reprises, commandé de s’adonner au travail des mains ; S. Césaire, 
S. Aurelien et d’autres, qui écrivirent des règles pour elles, s’inspi- 
rèrent du même esprit; la Regula cujusdam Patris (vni° siècle ?) 
leur prescrit sept heures de travail manuel. Il est particulièrement 
intéressant de constater une exception à cette loi dans la règle écrite 
par S. Léandre, frère aîné deS. Isidore, pour sa sœur et son monastère : 
au chap. VI, il lui dit d'employer tout son temps à la prière et à la 
lecture : « Dividantur tibi tempora et officia ut postquam legeris ores, 
postquam oraveris legas.… etc. Quoi si aliquid manibus operandum 
est, alia tibi legat » (1). L'on verra ici la part si secondaire qu’on 
accorde au travail des mains : M. KR. ne cite pas cette règle. 

Telles sont les principales données que l’auteur de ce livre a puisées 
presque exclusivement dans les règles. L’on attendrait sans doute de 
lui des détails intéressants pour l’histoire du monachisme en Espagne 
ou des faits qui nous parleraient de l’accomplissement ou de la trans- 
gression de la loi du travail des mains. 

Mais ce sont là malheureusement deux grandes lacunes qui se 
remarquent dans cette étude. Les détails qui intéressent particuliére- 
ment l'histoire du monachisme espagnol sont assez rares ; et on n’a 
pas voulu sans doute confirmer par l’histoire le second point que je 
signale ; l’on n’y trouvera pas même la description d'une abbaye qui 
se soit signalée par le travail, par ses possessions, par ses ateliers, ses 
richesses, etc. En somme c'est un travail qui ne veut sortir du cadre 
théorique des regles et de leur interprétation et qui touche à peine 
à la règle vécue, à l’histoire des faits, si ce n’est dans les grandes 
réformes que nous connaissons. 

En outre les tendances contraires, autres que celles de Cluny, et la 
part qu'on faisait de plus en plus grande aux études, ne sont pas 
étudiées : cependant elles se manifestérent de bonne heure un peu 
partout. En Orient, subsista longtemps la classe de moines-ermites ; 
en Occident, S. Augustin écrivit son De opere monachorum contre ceux 
qui voulaient vivre «le la charité des fidèles sans travailler. S. Isidore 
ordonna de distribuer chaque matin des manuscrits pour la lecture et 
l'étude et, comme dit M. Pourrat (2), dans sa pensée le monastère 
devait être l'asile de la science; Cassiodore en Italie, Bède en Angle- 
terre, Alcuin en France, ne sont pas des noms isolés, mais ils sont 
plutôt les représentants des grands mouvements pour l'étude. M. R. 


(1) PL, t. LXXII, p. 883-884. 
(2) La spiritualité chrétienne. Des origines au moyen âge, xer vol., p. 414. 


A. W. WADE-EVANS : LIFE OF SAINT DAVID. 89 


na pas tenu compte non plus d'une transformation radicale que 
sutirent les monastères au cours du moyen âge. Aux premiers siècles 
tons étaient égaux dans les monastères ; mais dès le xi1° siècle les 
moises ou religieux lettrés et les frères convers ou religieux illettrés, 
qui avaient été jusque-là soumis à une règle à peu près uniforme, 
cistituërept deux ordres distincts ; aux premiers, les exercices pieux 
e les études libérales ; aux seconds, les occupations pénibles des 
‘amps et des ateliers (1). 

Eotio je dois signaler un point qui aurait dû être étudié : la part que 
jrenaient dans les travaux des :hamps des monastères les tenanciers, 
ies vblati, les convers qui demeuraient dans le monde, des villages 
entiers qui se vouaient aux monastères et travaillaient pour les moines. 

Malgré ces lacunes. le travail de M. Redonet est fort estimable et il 
‘nt avouer que la patience ne lui a pas manqué pour les investigations 
de longue haleine ; aussi je le prierais volontiers, pour le bien des 
éudes historiques en Espagne, de ne pas abandonner ces recherches et 
# les éclairer et confirmer par des études sur l’histoire du monachisme 
eo notre pays, histoire qui est encore à faire en grande partie. 


E. GOLDARACENA, O. M. Cap. 


_ 


A. W. Wanz-Evans. Life of Saint David. Londres, SPCK, 1923, 
xx-124 p. Prix : 75. 6 d. 


Ce volume est Le quatrième paru de la série des Lives of Celtic Saints, 
cinquiéme subdivision de la collection : Translations of Christian litera- 
bre. C'est, en effet, une traduction anglaise de la vie latine de S. David 
de Menevia (vi° siécle) par Ricemarch ou Rhygyvarch (+ 1099), que 
nous donne ici M. À. W. Wade-Evans. La traduction occupe seulement 
+ pages du volume. Le reste comprend : 1° une copieuse introduction 
(p. VI-XX), 2° la traduction de treize textes hagiographiques, la plupart 
irlandais, susceptibles d'éclairer la biographie de S. David (p. 34-56), 
: des notes abondantes (p. 57-118), qui témoignent d'une connaissance 
consommée des sources latines et galloises. Celles qui traitent de la 
twpony mie sont particuliérement instructives. 

M. Wade-Evans aura certainement remarqué l'étroite ressemblance 
Jue présente le curieux morceau qui porte, dans Migne (PL, t. LIX, 
P. 3#6-51%#), le titre d'Ordo monasticus de Kil-lios, avec un passage du. 
texte de la Vie de S. David (p. 12 à 15 de la présente traduction). II 
eit été intéressant de rechercher lequel des deux textes est l'original. 
Traluction et annotation sont excellentes. Qu'il nous soit permis 
toutefois de regretter que la documentation soit exclusivement « insu- 
laire ». L'auteur ne cite aucun travail publié hors des Iles Britan- 
niques. Pourtant à propos de l'obscure mention des Annales Cambriae : 


(1) Cfr LEVASSEUR, L. c. 


90 | COMPTES RENDUS. 


David episcopus moni iudeorum, dont il parle à la page 78, il semble 
que l'explication proposée, il y a quelques années, dans une commu- 
nication de M. J. Loth à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 
(Moniu Desorum — buisson des Desi) (voir Acad. des Ins. et B.-L., 
Comptes rendus, 1919, p. 332) eût mérité d’être indiquée et discutée. 


L. Goucaun, 0. S. B. 


ÉcinnarD. Vie de Charlemagne, éditée et traduite par Louis 
Halphen. Paris, Champion, 1923. In-3, xxin-128 p. Fr. 7,50. 


Ce volume est le premier d’une collection qui, si l’on en juge par le 
but qu'elle poursuit et par les collaborateurs qu'elle réunit, semble 
appelée à un bel avenir. Sous le titre Les classiques. de l'histoire de 
France au moyen äge, M. Louis Halphen, professeur à la Faculté des 
Lettres de Bordeaux, se propose, avec le concours de plusieurs érudits, 
de publier les principaux textes latins ou français, susceptibles de 
faire comprendre l’histoire médiévale. On ne saurait mieux préciser 
le but poursuivi qu’en citant les quelques lignes de l’avant-propos, 
placé en tête de l'édition de la Vita Karoli : « Les principes généraux 
dont nous nous sommes inspiré et dont s’inspireront dans les prochains 
volumes les collaborateurs qui ont bien voulu nous promettre leur 
concours sont les suivants : donner un texte établi avec critique, 
mais sans vaines surcharges, c’est-à-dire un texte établi d'aprés quel- 
ques manuscrits types (à l'exclusion de ceux qui n’en sont que des 
copies directes ou dont les leçons n'offrent qu'un intérêt de pure 
curiosité) et accompagné d’un relevé des seules variantes utiles pour 
éviter l'arbitraire ; — donner en même temps que le texte authentique 
une traduction fidèle ou qu’on voudrait du moins telle, chaque fois que 
ce texte est en latin, en provençal ou en un français trop délicat à 
interpréter pour le commun des lecteurs ; — joindre au texte enfin des 
notes aussi sobres que possible, mais n’oubliant aucun des éclaircisse- 
ments qu’on est en droit d'attendre d'un éditeur consciencieux et 
fournissant toujours le moyen de distinguer avec netteté ce qui dans 
l’œuvre publiée est original et ce qui n’est que copie ou contrefaçon 
d'œuvres antérieures. Nos introductions seront brèves. Nous ferons en 
sorte qu'on y trouve tout ca qui est nécessaire à l'intelligence des 
textes reproduits, mais rien de plus. » Voilà un programme qu'on ne 
peut qu'approuver et qu’approuveront sans aucun doute tous ceux 
auxquels est destinée la collection : érudits, professeurs, étudiants et 
aussi amateurs éclairés, soucieux de se familiariser avec les événements 
par le contact direct avec Les sources. 

L'édition de la Vie de Charlemagne est la première application de ce 
programme à la fois souple et précis. Elle débute par une brève intro- 
duction où sont condensées quelques indications essentielles sur l’auteur 
et son rôle à la cour de Charlemagne, puis de Louis Le Pieux, sur la 


RDS à . Er Es RS * ER ACER RS © RER 


CH. POULET. O. S. B. : GUELFES ET GIBELINS. 91 


dte de composition de l’œuvre (entre 830 et 836), sur la valeur du 
témoignage d’Éginbard, sur les sources dont il s’est servi et la manière 
dont il les a utilisées, entin sur les manuscrits et sur les éditions 
uterieures. Nous ne reviendrons pas ici sur les différents problèmes 
sgulevés par la Vita Karoli et sur les solutions proposées, M. Halphen 
sant contenté de résumer les pages qu’il leur a consacrées dans ses 
Études critiques sur l’histoire de Charlemagne, dont nous avons rendu 
“upte aux lecteurs de cette revue. | 

Quant à l’édition proprement dite de l’œuvre d'Eginhard, elle répond 
-leisement au but assigné à la collection. Le texte est bien établi et 
‘æules les variantes essenticlles sont indiquées. La traduction, autant 
que possible calquée sur le latin, vise moins à l’élégance qu’à la 
pveision. Les notes sont sobres et s’attachent surtout à déterminer les 
‘urces auxquelles Eginhard a puisé. Elles confirment la thèse précé- 
dmment exposée par M. Halphen, à savoir que la Vie de Charlemagne 
v'est pas une œuvre originale : les faits sont le plus souvent empruntés 
aux Annales royales et les détails sur l’empereur, son caractère, sa vie 
snvée et sa famille aux Vies des douze Césars de Suétone. Les rappro- 
‘kements auxquels se livre M. Halpben sur ce dernier point ne 
manquent pas d’être piquants et achèvent d'enlever toute autorité au 
témoignage d’Eginhard, dont la naïve duplicité est maintenant dépistée. 

Le volume se termine par un index alphabétique qui en rend lutili- 
&tion très aisée. 


AUGUSTIN FLICHE. 
=: 


Dom Cu. Pouzer, O.S. B. Guelfes et Gibelins. T. 1: La lutte du 
Sacerdoce et de l’Empire (1452-1250). T. II : La diplomatie 
pontificale à l’époque de la domination française (1266-1372). 
(Lovanium.) Bruxelles-Paris, Vromant, 14922. In-12, 246 et 236 p. 
F. 14. 


La collection Lovanium, dans laquelle paraissent ces deux volumes, 
na pas pour but de mettre au jour des travaux spéciaux. Aussi, s’adres- 
sot à un public qui aime à avoir de bonnes «clartés de tout », elle 
aborde des sujets d'intérêt général et tâche de retenir l'attention par 
la manière dont ils sont exposés. 

Le R. P. Poulet s’est conformé à ce programme. Son travail pré- 
sente une histoire de la politique italienne des papes pendant plus 
de deux siècles. Matière importante, traitée avec compétence, d'une 
fçon précise, mais sans s'attarder aux détails d’érudition; et dans 
une langue ferme, qui n’est pas dépourvue d'élégance. 

On pourrait résumer cet ouvrage en disant qu’il s’attache aux divers 
sens de ces mots : Guelfes el Gibelins. Pendant la lutte du sacerdoce et 
de l'Empire, ceux-ci s'appliquent aux adversaires et aux partisans de la 
politique italienne des Hohenstaufen. Mais s’il écarte le grand péril 
Saufen, le guelfisme ne réalise en ‘rien l'unité de la Péninsule. Au 


92 COMPTES RENDUS. 


contraire. À côté des rivalités extérieures des cités, voici maintenant 
les querelles intestines, la question sociale et les luttes de classes. 
On s'appelle alors guelfes et gibelins en Italie pour marquer qu’on 
s'oppose de maison à maison, même d'individu à individu. L’attache- 
ment au pape ou à l’empereur n’a ordinairement plus rien à faire 
dans ces appellations. Pourtant il survit un guelfisme de grande enver- 
gure : c’est celui de la dynastie angevine qui a sauvé la papauté des 
Staufen, mais en même temps constitue pour elle un danger sérieux, car 
les ambitions de Charles d'Anjou visent Rome comme Constantinople. 
On caractérise aussi de guelfe la politique de domination universelle de 
la France depuis Philippe le Bel. Entin, à partir de la même époque, il 
est question du guelfisme pontifical qui donne au pape le pouvoir sur 
tous les royaumes. Le gibelinisme, au contraire, au x1v° siècle, nous 
apparait sous la forme d'un patriotisme italien qui appelle au secours 
les empereurs. Dante en est le plus éloquent interprète. Le frémisse- 
ment d'indignation avec lequel il parle de l'attentat d'Anagni nous dit 
assez son respect pour le pouvoir spirituel du pape. Cependant il rêve 
d’une monarchie, universelle aussi, mais au profit de l’empereur. Il y 
voit le salut de l'Italie et le moyen de l’arracher aux factions qui la 
déchirent. 

Dans cette histoire de deux siècles, Dom Poulet nous montre les 
évolutions de la politique pontificale, surtout chez Alexandre III, 
Grégoire IX, Innocent IV, Urbain IV, Grégoire X, Martin IV, Hono- 
rius IV et Bomface VIII. 

Le second volume me parait supérieur au premier. Daus celui-ci la 
physionomie du conflit est-elle exposée d’une facon tout à fait conforme 
à la réalité si complexe ? Je n'oserais l’affirmer. L'étude des écrits 
polémiques de l'époque n’a peut-être pas été poussée assez loin. 


É. De MoREAU, S. J. 


AMÉDÉE BoinEr. La cathédrale d'Amiens. (Collection des petites 
monographies des grands édifices de la France.) Paris, H. Laurens, 
s. d. In-12, 128 p., 43 gravures et 3 plans. 

JEAN VaLLery-Raport. La cathédrale de Bayeux. (Mème collection.) 
Paris, H. Laurens, s. d. In-12, 420 p. 51 gravures, et 4 plan. 


« La cathédrale d'Amiens, écrit M. Boinet au début de son excellente 
monographie, est sans conteste l'édifice où l'architecture gothique est 
parvenue à son plus complet épanouissement et a montré au plus haut 
point à quel degré de grandeur et de puissance elle pouvait atteindre. » 
Nulle part, en effet, la voñte sur croisée d'ogives n'a été utilisée avec 
plus de sûreté et de maîtrise que dans cette spacieuse basilique, la 
plus vaste des églises françaises, qui projette sa voûte à 42"50 de 
hauteur et laisse passer par ses larges verrières des flots de lumière, 
sans que jamais la solidité ait été sacritiée à cet éclairage intense. 


— RE ER un RE 2 A dd 0 tj |" à EE 


Ci — 


J. VALLERY-RADOT : LA CATHÉDRALE DE BAYEUX. 03 


Mis si le problème de la construction a été résolu ici avec une parfaite 
ékgance, ce n’est pas seulement par la hardiesse de ses lignes archi- 
tturales que Notre-Dame d'Amiens l'emporte sur les autres cathé- 
drales gothiques : elle marque aussi le terme de toute une évolution 
sulrturale. La décoration du grand portail (commencé vers 1225 et 
uus rapidement terminé) est la plus vaste synthèse iconographique 
qait conçue le moyen âge, tandis que la technique atteint un degré 
k rerfection qui n’a jamais été dépassé ; le « beau Dieu » est justement 
+lbre ; « les statues et bas-relicfs qui se groupent autour de lui valent 
“aiement par leur idéalisme discret, leur expression toute surnaturelle 
où l'émotion religieuse s'allie au sentiment le plus délicat. » Pour 
butes ces raisons on ne peut que remercier M. Boinet d’avoir, dans un 
klicieux petit volume, fort heureusement coordonné, en y ajoutant de 
très judicieuses réflexions personnelles, les résultats des travaux de ses 
levanciers, notamment des deux gros volumes de M. Georges Durand. 
description archéologique de Notre-Dame d'Amiens, très agréable 
à lire, vaut par une observation précise et minutieuse en même temps 
que par une rigoureuse méthode dans l'exposition. Aucun détail de 
‘architecture, de l'ornementation, du mobilier n’a échappé au regard 
averti de ce savant archéologue, auquel on doit savoir gré aussi d’avoir 
fort bien mis en lumière l'influence exercée par la cathédrale d'Amiens 
aur les édifices postérieurs. Une trés bonne notice historique figure en 
tte du volume et aide à la solution des problèmes archéologiques 
examinés par la suite. 

La chronologie de la cathédrale d'Amiens est relativement aisée à 
établir. On ne saurait en dire autant de la cathédrale de Bayeux, 
décrite par M. Vallery-Radot dans la même collection des Petites 
monographies des grands édifices de la France. Incendié une première 
fois au x1° siècle, cet édifice fut reconstruit par les évêques Hugues IT 
mort en 1019) et Eudes de Conteville, solennellement dédié le 
1 juillet 1077, de nouveau incendié en 1105 lors du siège de la ville 
jar Henri Beauclerc, encore reconstruit au xri° siècle et encore 
incendié en 1160. Dans quelle mesure ces divers sinistres ont-ils 
éprouvé chacune des cathédrales successives ? Y a:t il eu consomption 
totale ou partielle? Autant de problèmes dont le laconisme des chroni- 
queurs rend la solution ardue. Peut-être pourrait-on reprocher à 
M. Vallery-Radot de ne pas faire à ce sujet toutes les réserves néces- 
aires. Pour lui, lors de l'incendie de 1105, le transept, les tours de 
äçade et la crypte ont été épargnés par les flammes et sont autant de 
témoins de la cathédrale primitive. Cette hypothèse paraît très fragile, 
étant donné les mentions relevées dans les textes : le chanoine Serlon, 
moin oculaire, affirme en effet — M. Vallery-Radot le reconnait — 
que l'église fut entièrement détruite en 1105. On ne voit aucune raison 
de lui préférer, comme le fait l’auteur, la version de l'historien anglais, 
Guillaume de Malmesbury, souvent bien mal informé des choses du 
continent et dont l'expression obscure Detrimenta ecclesiae rex mirifice 


91 COMPTES RENDUS. 


resarcivit n’a peut-être pas le sens précis de restauration que lui 
attribue M. Vallery-Radot. Il semble donc qu'il y aurait lieu, aussi 
bien pour l'incendie de 1160 que pour celui de 1165, de reprendre et de 
critiquer à nouveau les textes qui ont trait à l’un et à l’autre ; nous 
espérons que ce sera {à l’un des objets essentiels du travail plus impor- 
tant sur la cathédrale de Bayeux qu'annonce M. Vallery-Radot. Cette 
réserve faite et quelle que soit la date des différentes parties qui 
composent l'église, nous ne saurions assez recommander à tous ceux 
qui visiteront la cathédrale de Bayeux de lire et d’'emporter avec eux 
ce petit volume où ils trouveront, comme dans le précédent, une 
description archéologique très sûre, qui les initiera aux moiadres 
détails de la construction aussi bien que de l’ornementation si caracté- 
ristique d’une des plus intéressantes parmi les églises de Normandie. 


AUGUSTIN FLICHE. 


N. PauLus. Geschichte des Ablasses im Mittelalter. Vol. I et II : Vom 
Ursprunge bis zur Mitte des 14. Jahrhunderts. Vol. II : Geschichte 
des Ablasses im Ausgange des Mittelalters. Paderborn, F.Schôüningh, 
1922 et 1993. In-8, xu-3992, 17-364 et xu1-558 p. 


La question de l’origine et du développement de la pratique et de la 
doctrine des indulgences reste à l’ordre du jour. Depuis la Réforme, 
dont elles furent l'occasion sans en être vraiment la cause, de nom- 
breux livres ont envisagé le problème sous ses aspects les plus 
divers. Catholiques et protestants ont rivalisé de zèle et d'activité. 
Néanmoins on put écrire encore en 1906, dans la Theologisch-praktische 
Quartalschrift de Tubiogue (t. LXXX VIII, p. 463), qu'une monographie 
vraiment solide et scientifique sur un point de si grande importance 
manquait toujours. De récentes controverses, où nous trouvons mêlés 
‘ les noms de Lea, Brieger, Gottlob, Koeniger, Hilgers, Paulus, etc., 
sont encore venus agiter la question, non sans apporter quelque lumière 
dans cette matière si obscure. N’empêche qu'en 1914 le P. J. Hilgers, 
le continuateur bien connu de l’œuvre de Beringer, osa encore écrire, 
dans son ouvrage Die katholische Lehre von den Ablässe und deren 
geschichiliche Entwicklung (Paderborn, Schüningh, p. V), que les 
recherches étaient loin d'en être arrivées au point de permettre 
d'écrire entin l’histoire des indulgences. 

Cette monographie si nécessaire, cette histoire des indulgences tant 
désirée, nous la possédons enfin dans le livre de Mgr Paulus. 

Cet ouvrage est, sans conteste, le plus important qui depuis Amort 
ait paru sur l'origine, le développement et la nature des indulgences. 
Pierre par pierre, étage par étage, pourrions-nous dire, nous avons vu 
sortir de terre et s'élever dans les airs ce vaste et solide éditice d'éru- 
dition et de science. Depuis de nombreuses années Mgr Paulus s'est 
attelé à La dure besogne de faire le jour dans cette question obscure, 


RENRES. —" - — NE EE 


N. PAULUS : GESCHICHTE DES ABLASSES IM MITTELALTER. 9 


de Jéchevêtrer les fils si embrouillés de ce tissu d’obscurités et de 
préjugés ; il n’a pas reculé devant la rude tâche de consulter et de 
œmçiler un nombre incalculable de vieux manuscrits et de folios 
mosiéreux, afin de nous fournir les renseignements qu'eux seuls 
étaient en état de nous donner. De nombreux articles de sa main 
avaient déjà paru dans différentes revues, telles que Zeitschrift fur 
&ttlische Theulogie, Der Katholik, Theologie uni Glaube, Historisches 
lirbuch, Historisch-polilische Blälter, ete. La plupart de ces articles 
an été signalés de leur temps dans la bibliographie de cette Revue ; 
x regretté M. De Jongh, dans une série d’études fort goûtées, publiées 
has la Fie Diocésaine de Malines (1912, t. VI), sous le titre : Les 
grandes lignes de l'histoire des indulgences, avait vulgarisé les travaux 
& Mgr Paulus. | 

Tous ceux qui s'intéressent quelque peu à l'histoire des indulgences 
aient donc eu maintes occasions de se rendre compte des positions 
«æs par le savant auteur. Et néanmoins le livre de celui-ci, annoncé 
puis des années mais toujours différé à cause des malheureuses cir- 
sstances dans lesquelles se débat l'Allemagne, était attendu avec 
ue véritable impatience par les spécialistes. D'abord, il est beaucoup 
plus pratique d'avoir tous les renseignements réunis et classés systé- 
maitiquement dans un ouvrage, que d’avoir à les chercher dispersés 
jélemêle dans différentes revues que l’on n’a pas toujours sous la main. 
Rien que sous ce rapport la publication de Mgr Paulus est appelée à 
roire un réel service. Ensuite, il était à prévoir que l’auteur, pendant 
ls nombreuses années qu'il a consacrées à l'étude du problème, n'a 
as été sans apprendre quelque chose de neuf, sans découvrir des points 
de vue qu’il n’avait pas aperçus d’abord, sans mieux saisir la portée de 
ærtains textes ou de certains faits par la confrontation avec d’autres, 
inconnus auparavant ; en un mot, dn pouvait s'attendre à voir l'auteur 
méciser, déterminer, modifier même certaines conclusions. C’est ce 
qui est arrivé de fait. 

Analyser, même succinctement, cet ouvrage, nous mènerait trop loin. 
Do ne résume pas en quelques lignes un ouvrage de plus de 1300 pages 
“un texte serré et condensé ! Contentons-nous de traduire les en-têtes 
des principaux chapitres. Dans le premier volume l'auteur étudie 
l'origive des indulgences ; les absolutions en usage à la période médié- 
viile, qu'on a souvent prises pour des indulgences ; la formule : 
in remissionem peccalorum injungimus ; les plus anciennes indulgences 
attachées aux aumônes, aux visites d’églises, aux croisades; la doctrine 
“es premiers scolastiques; la signification et la portée des indul- 
gences les plus anciennes ; la doctrine des grands scolastiques et des 
principaux canonistes et théologiens du x111° et du x1v° siècles. Dans 
le second volume nous voyons traités successivement les indulgences 
fârales pour aumônes et visites d'églises de 1215 à 1350 ; des indul- 
gences pour la croisade et des indulgences épiscopales entre les mêmes 
dates ; de la façon dont il faut comprendre certaines concessions ; de 


96 : COMPTES RENDUS, 


l'indulgence du jubilé ; des indulgences plénières accordées sur les 
soi-disant confessionalia ; de l’indulgence a culpa et poena ; des origines 
des indulgences à gagner à l'article de la mort; des indulgences pour 
les défunts ; de la doctrine du trésor de l'Eglise ; de l'essence et de l’efti- 
cacité des indulgences ; des principales conditions requises pour gagner 
une iodulgence ; des principales œuvres à accomplir; des questeurs ; 
de quelques indulgences célèbres mais inauthentiques; des adversaires 
des indulgences ; de leur influence et de leurs effets tant au point de 
vue culturel qu’au point de vue religieux et moral. Le troisième volume 
traite à peu près des mêmes matières, mais envisage les situations 
telles qu'elles se présentaient à une époque postérieure, à la tin du 
moyen âge notamment. 

Rien que l'énumération de ces titres des principaux chapitres 
moutrent la grande variété des questions traitées par l’auteur. Aucun 
des aspects de l’histoire des indulgences n’a échappé à l'attention du 
savant historien. Et tout cela est traité de main de maître et dénote 
une connaissance complète des sources : documents pontificaux et 
épiscopaux, registres et regestes, traités théologiques et canoniques, 
ouvrages de liturgie et de polémique, chroniques, sermons, etc. ; 
certains chapitres constituent de véritables collections de sources. Ce 
vaste matériel est mis en œuvre avec un sens critique des plus fins et 
des plus exercés. 

Nous devons ajouter cependant que l'ouvrage de Mgr Paulus n’a pas 
été sans nous causer une certaine déception ; tous ceux qui avaient 
suivi, avec un intérêt toujours croissant, la série des publications 
antérieures de l’auteur, s'attendaient à ce que, dans ce livre promis et 
attendu depuis si longtemps, le savant historien des indulgences allait 
nous donner une synthèse magistrale de ses longues recherches et 
de ses travaux antérieurs. Or, sous ce rapport, nous devons l'avouer, 
l'ouvrage ue réalise pas l'espoir qu’on se croyait autorisé d'en avoir. 
L'auteur s'est trop contenté de juxtaposer certains articles parus aupa- 
ravapt, sans souci aucun de connexion logique entre les différents 
chapitres ni d'ordre systématique. De |à un sentiment de décousu, je 
dirais d’inachevé, que laisse la lecture. Si l'auteur avait donné une 
plus grande part à la synthèse, son ouvrage aurait incontestablement 
gagné beaucoup en valeur. Quels beaux chapitres à faire, p. ex., sur le 
développement ou l’évolution des différents points de doctrine! Tous 
les éléments sont là, il n'y avait qu'à grouper systématiquement les 
données sur chaque point en particulier. Et que l'auteur sait faire de : 
pareilles synthèses, il le prouve p. ex. par les chapitres consacrés au | 
développement de la doctrine sur l'indulgence applicable aux défunts : 
et sur le trésor de l'Eglise. Comme on regrette de ne pas trouver le 
même travail de synthèse pour chacune des questions dogmatiques qui 
se pose à propos des indulgences. C'est un travail à faire et nous oson3 
espérer que l’infatigable travailleur qu'est Mgr Paulus nous le fournira 


encore. 


H. MARTIN : LA MINIATURE FRANÇAISE AU XIII° SIÈCLE. 97 


Si nous disons que cette critique n’enlève rien à la haute valeur de 
Jïavrage, nous n'entendons pas répéter simplement par là un lieu 
commun ; non, nous n’hésitons pas à affirmer que l'ouvrage de Mgr 
Paulus est une œuvre de toute première valeur, une contribution de 
tout premier ordre à l’histoire du dogme et de la pratique chrétienne, 
une œuvre dont la théologie catholique et l’histoire auront lieu d'être 
fcres. Il est et restera longtemps encore l'ouvrage le plus important 
ar la matière, un livre absolument indispensable à tous ceux qui 
voudront désormais aborder l'étude de cette institution ; personne, en 
roulant parler des indulgences, ne pourra ignorer cet ouvrage ni s’en 


PÉSÈE A. JANSSEN. 


H. ManTiN. La miniature française du XILIe siècle. Paris et Bru- 
xelles, Van Oest, 1923. In-fol., 420 p. 100 planches en noir et 
4 en couleur. F. 250. , 


! y a deux ans, la librairie Van Oest publiait un important ouvrage 
sur La miniature flamande, avec commentaire autorisé de M, le comte 
Durrieu (voir RHE, 1921, t. XVII, p. 697). Elle nous donne aujourd’hui 
uo pendant et prologue nécessaire à ce travail, et de nouveau c'est ie 
spécialiste le plus versé en la matière, M. Henry Martin, qui a arrêté 
le choix des miniatures reproduites, et qui a rédigé le texte qui les fait 
valoir. 

Son exposé est un modèle de clarté et de saine érudition; les notices 
sor les manuscrits, dont proviennent les miniatures, sont concises et 
ne négligent rien d’essentiel ; les 134 reproductions en noir, reprises 
presque exclusivement à des manuscrits conservés en France, donne- 
rvot satisfaction aux plus difficiles, tant pour le choix que pour l'exé, 
cution. 

La miniature française du x111° au xv° siècle est beaucoup moins 
conoue que la miniature flamande de la fin du moyen âge, dont elle est 
la devancière. Rien de plus intéressant que de suivre M. H. Martin 
dans un exposé historique, où il se montre d'autant meilleur guide 
qu'il s'agit d’un coin de l’histoire de l’art qu'il a contribué beaucoup à 
défricher. 

La période la plus brillante de la miniature française et parisienne 
ne correspond pas exactement au xiv° siècle. Il faut chercher ses 
débuts déjà sous le règne de Philippe Auguste, lorsque les enlumineurs 
laïcs, succédant aux artistes des monastères, cherchent à mettre dans 
a miniature plus de vie et de variété. Ces nouveaux venus se proposent 
un idéal nouveau, surtout depuis saint Louis, lorsque la littérature 
profane se développe et qu’elle aussi demande ses beaux volumes 
illustrés. Souvent la miniature du x1n° siècle présente une ressem- 
blance frappante avec les vitraux, les scènes sont fréquemment inscrites 


RSVUB D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 7 


98 COMPTES RENDUS. 


dans des cercles, tracés au compas, elles se détachent sur des fonds 
d’or qui n’ont jamais été ni plus brillants, ni plus à la mode (1). Parmi 
les artistes, M. Martin, qui connaît les noms, les adresses et les prix, a 
spécialement mis en relief le miniaturiste Honoré. Celui-ci s'était 
initié au métier sous saint Louis, mais son atelier existait encore en 
1318. Avec lui la grisaille, qui triomphera au xiv° siècle, gagne du 
terrain sur la miniature en couleur, le dessin, qui d’abord se présentait 
comme un vitrail, est maintenant inscrit dans un édifice, les ors sont 
damassés d'arabesques et la bordure, rare avant le x1° siècle, plus 
épanouie au x111°, devient depuis Honoré l'élément le plus caractéris- 
tique de la miniature. . | 

Tandis que certains artistes ne paraissent pas s'inquiéter de ces 
tendances nouvelles vers un art brillant et délicat, d'autres, dont le 
plus notoire est Jean Pucelle, le mènent à son complet développement. 
Honoré avait décoré le Bréviaire de Philippe le Bel (avant 1296), Jean 
Pucelle travaiila notamment pour Charles IV (entre 1325 et 1328). Ses 
bordures avec insectes, animaux et motifs fantaisistes sont particu- 
lièrement remarquables.. A la fin du siècle, Jacquemart de Hesdin en 
dépendra eucore, et ses motifs persisteront en détiuitive aussi long- 
temps que la miniature elle-mème. 

Intéressant et très neuf est le chapitre que M. Martin consacre à la 
miniature sous Jean [I (1350-1361) et Charles V (1361-1380). Le maître 
principal de cette époque eSt jusqu'à présent anonyme. C’est l’auteur 
des miniatures de la Bible de Jean de Sy, demeurées inachevées après 
la bataille de Poitiers (1356). Les efforts pour attribuer ce chef-a'œuvre 
à un artiste connu paraissent vaius jusqu'à présent. 

M. Martin propose le nom de « maïtre aux boqueteaux » à cause des 
petits buuquets d'arbres ou des arbres isvlés, de forme très spéciale, 
qui se retrouvent dans la Bible et daus plusieurs œuvres apparentées. 
Durant une trentaine d'années ces arbres sont caractéristiques pour 
les miniaturistes du roi ou pour l'atelier d'un peintre à sun service. 
C'est chez le « maître aux boqueteaux » que se rencontre une première 
fois un effort, encore naif, pour rendre le paysage. 

Le premier enlumineur de manuscrits que les documents nous 
signalent comme peintre, est ce Jean de Bandol ou Jean de Bruges qui 
travailla pour la tenture de l’Apocalypse à Angers et auquel nous devons 
la miniature-purtrait (1371), représentant Charles V assis, conservée 
à La Haye. A Beauneveu, peintre, sculpteur et architecte (+ 1403), on 
pe peut guère attribuer avec certitude d’autres miniatures que les 
prophètes et apôtres du Psautier du duc de Berry. Muis à côté de ces 
maitres, qui appartiennent plutôt aux arts majeurs, un vrai miniatu- 
riste est Jacquemart de Hesdin. Son œuvre, très parisienne, est, à 


(1) M. MARTIN s’attarde peu dans son ouvrage à l'interprétation des scènes. 
Il revient sur l’iconographie d'une miniature donnant le tableau généalogique 
de la Vierge, dans une note récente sur La parenté de Notre-Dame. (Bulletin 
monwmental, 1923, t. LXXXI, p. 162-170.) 


L. BROCHARD : LA PAROISSE ET L'ÉGLISE SAINT-LAURENT. 99 


soquante ans de distance, le dernier épanouissement de celle de Jean 
Pacelle, et ses riches bordures donnent aux manuscrits un air de fête 
inégalé. Comme ses contemporains il affectionne la peinture en 
amaieu. Il travailla à Bourges de 1384 à 1398, puis encore deux ans 
lus tard, et semble encore être en vie en 1413, 

À ce moment le goût des beaux livres se répand davantage, et 
l'école franco-flamande manifeste un effort nouveau pour l’interpré- 
tion de la nature et du paysage. Les frères Limbourg, dont le vrai 
20m est peut-être Malouel, sont les plus doués de ces novateurs, en 
attendant que les grands p-intres, les Van Eyck, Jean Fouquet, 
exercent à leur tour leur influence sur la miniature. M. Martin 
examine quelles œuvres peuvent être attribuées aux Limbourg. Mais 
il Se termine sa tâche, et il préfère surprendre durant le xv° siècle 
es derniers tenants de l’art de Jean Pucelle et du « maître aux 
boquetaux ». C’est l’occasion d'accorder une mention aux femmes- 
enlumipeurs et en particulier à Anastaise, cet artiste qui travailla 
pour Christine de Pisan et enlumina peut-être pour cette femme de 
lettres l'exemplaire de ses poésies, qu’elle otfrit (1408 à 1413) à Isabeau 
de Bavière. Dans le beau Térence des ducs, de la première décade da 
1v* siècle, les théories anciennes sont partiellement abandonnées. Ils 
æ retrouvent parfois très tard dans les livres liturgiques, qui con- 
tinuent longtemps à être exécutés par des clercs ou des moines, et 
sotamment dans les « pages » de missel. Celles-ci représentent sur 
ue face le Calvaire et sur l’autre, en regard, un Dieu le Père en 
majesté. Le missel des évéques de Paris, achevé après 1439, est l’un des 
derniers à dépendre de la miniature du x1v° siècle avec ses couleurs 
brillantes et ses bordures caractéristiques. 

Il faudra recourir à l'ouvrage de M. Martin pour savoir jusqu’à 
quel point les détails de ces bordures et des encadrements peuvent 
étre utiles pour connaître l'origine des miniatures. On y trouvera 
aussi des détails substantiels et parfois nouveaux sur les principaux 
2iniaturistes français du x1v° siècle, et un aperçu documenté sur les 
meilleurs manuscrits à miniatures de cette époque. R. MAERE. 


L. Brocaarv. Histoire de la paroisse et de l’église Saint-Laurent à 
Paris. Paris, Champion, 14923. In-8, xu-404 p., 47 phototypies 
hors-texte et 14 gravures ou plans dans le texte. Fr. 40. 


Avant de faire connaître au lecteur le contenu de l'ouvrage que nous 
lai présentons, il convient de téliciter l'abbé Brochard d'avoir fait 
revivre, en une monographie fouillée, l’histoire d'une paroisse pari- 
sienne. Comme le dit fort bien le chanoine Pisani dans la préface : 
«L'Église de Paris attend encore son historien » (p. v). On ne par- 
viendra à élaborer une synthèse que lorsqu’ un nombre suffisant de 
monographies à caractère scientifique aura paru sur ce sujet. Ce opel 


100 COMPTES RENDUS. 


se réalise pour le moment : Notre-Dame-des-Victoires, Saint-Eustache 
Saint-Louis-en-Ile, Saint-Ambroise, Saint-Thomas d’Aquin ont leur 
historien ; une étude sur Saint-Laurent vient donc fort à propos 
completer cette liste. 

L'auteur à suivi le plan actuellement admis pour traiter pareille 
matière : il s'occupe d’abord de l’histoire générale de la paroisse 
(ch. I-1V) : les origines, la seigneurie de Saint-Laurent, les curés depuis 
1216 jusqu'au xvuu® siècle; histoire peu saillante, d'intérêt local. 
Avant de passer à la relation des péripéties de la paruisse sous la 
Révoluton, l’auteur aborde ce que nous pourrions appeler l'histoire 
spéciale. : 

La fabrique (ch. V) : sa constitution, ses luttes contre les confréries, 
sa compétence, sa gestion financière. 

Le territoire historique de la paroisse (ch. VI), chapitre dans lequel 
on peut trouver des statistiques sur le nomore des paroissiens. 

Le « quarré » de Saint-Laurent (ch. VIi), c'est-à-dire la portion de 
terrain occupée par l'égiise, le presbytère, la maison curiale, le cime- 
tière. 

Le chapitre VIII est consacré à l’église en tant que monument. 
L'abbé Brochard traite ce sujet surtout en historien, en ce sens qu’il 
se base toujours sur des documents historiques pour dater telle partie 
de l’église, tel meuble ; 1l semble n’attacher aucune importance au 
caractère archéologique quoi qu'il en dise : « Pour l’'histurique que nous 
teutons, nous interrogerons la pierre elle-même, quelques témoignages 
traditionneilement renouvelés dont nous essaierous de discuter la 
valeur et heureusement d'assez nombreux documents d'archives » 
(p. 140). Lette metuude exclusive daus le cuvix des sources est blämable. 
Notons quelques dates : le cuœur et le deambulatuire sont construits 
en 1429, les voûtes et la tour en 1055-Y ; l’église est restaurée ct agrandie 
entre 1802 et 1865. De belles reproductivns illustrent ce chapitre ; 
déplorons l'absence d'un plan terrier, le plan de 1814 publié à la 
p. 190 est insuftisant. 

Le cuapitre IX retrace l'historique des 19 confréries, le dixième 
parle des toudations, le suivant du clergé et du ministère paroissial, 

L'auteur consacre ses trois derniers chapitres (XII-XIV) à l'histoire 
de la paroisse sous la Révolution. Cette partie est fort bien traitée, 
elle renferme une série de détails typiques, les sources ayant d’ailleurs 
été abondantes en cet endroit. L'abbé Brochard fait suivre son ouvrage 
d'un nombre assez imposant de documents et d'appendices et d’un index 
des noms propres. 

Bornons-nous à quelques réflexions d'ordre général : l’auteur se base 
toujours sur des documents d'archives, il semble très familiarisé avec 
ce genre de sources; mais pourquoi ne pas en donner une liste complète 
en tête du volume ? Les détails pour l’histoire de la paroisse au moyen 
âge sont peu uombreux par suite du manque de documents, l'auteur ne 
s'est pas fait faute de tirer tout ce qu'il a pu des sources qu'il avait à 


M. J. WARNER : THE ALBIGENSIAN HERESY. 101 


a disposition. Une note sur la liturgie à Saint-Laurent n'aurait pas été 
superflue à notre avis. C'est la vie paroissiale sous l’époque révolution- 
saire qui offre le plus d'attrait, car il faut le reconnaître — et cela ne 
diminue en rien le mérite de l’abbé Brochard — l'histoire de Saint- 
Laurent n'offre guère pour le reste qu’un intérêt purement local. Nous 
suscrivons pleinement à l'appréciation que donne le chanoine Pisani 
à la p. vizi de sa préface : « Servi par une solide culture générale et 
rar l'expérience que procure la fréquentation des sources, il (l’auteur) 
a réuni les éléments d'un volume qui tiendra une place des plus 


bosorables parmi les monographies paroissiales. » J. LAVALLEYE. 


H. J. Warner. The Albigensian Heresy. (Studies in Church History.) 
Londres, Society for promoting Christian Knowledge, 1922. 
In-12, 92 p. Prix : 35. 6 d. 


Fixer en moins de cent pages les caractéristiques d’une hérésie aussi 
complexe que celle des Albigeois pouvait paraître téméraire. Le Rev. 
Warner n’a cependant pas trop mal. réussi dans cette tâche. Son petit 
livre est de ceux qu’on lit avec intérêt et où l’on apprend quelque 
chose. 

Cinq chapitres sur l'origine, le terrain, la semence, le système et les 
rites el cérémonies du catharisme, précédés d'une courte iatroduction 
et suivis d’une conclusion également brève : voilà tout l'ouvrage. La 
division de chaque chapitre en paragraphes en facilite encore la 
lecture. 

S'il paraît résumer exactement les doctrines et les pratiques des 
cathares, on reprochera, je pense, à l’auteur quelques inexactitudes et 
surtout une puissance d’affirmation, un manque de nuances, qui 
mettent bien vite en détiance le lecteur quelque peu averti. 

Et d’abord, quoi qu’en pense le Rev. Warner (p. 12), les saints Cyrille 
et Méthode n'ont rien eu à voir à la conversion des Bulgares et c'est 
pour les Moraves, chez lesquels ils ont travaillé, que furent composées 
les traductions de la Bible et les œuvres liturgiques en slavon. 

Elle est bien ténébreuse l’origine de cette hérésie, ou plutôt de ces 
hérésies, mal dénommées par la ville d'Albi, puisqu'elles n’y sont point 
nées et que la cité la plus atteinte était plutôt Toulouse, Tolosa, tota 
dolosa, comme disait Pierre de Vaux-Cernay. Les historiens ont tourné 
et retourné en tous les sens certe question. Avec l’auteur, il sera permis 
de rejeter purement et simplement l'hypothèse qui les fait descendre de 
Priscillien et des Donatistes. Avec lui encore, on pourra se rallier à la 
théorie qui leur donne pour ancêtres les Pauliciens. Mais toute déri- 
vation vis-a-vis du Manichéisme est-elle, par le fait même, exclue, 
comme on nous le déclare catégoriquement, et pourrait-on prouver 
cette accusation, répétée avec complaisance, que l'Église catholique, 


‘7 Cents re LE 1 2 


10 COMPTES RENDUS. 


pour les rendre odieux, a, sans raison, rapproché les cathares des 
vieux manichéens ? En général, les érudits le plus au fait de cette 
époque reconnaissent dans la doctrine paulicienne une double in- 
fluence, celle, prépondérante, je le veux bien, des Marcionites, et 
celle des Manichéens. 

Au sujet des Bogomiles, le Rev. Warner eût pu marquer plus nette- 
ment qu'ils descendent vraisemblablement des Pauliciens (p. 14). C'est 
bien à tort qu'il croit que le réalisme, par opposition au nominalisme, 
est un dogme de la doctrine catholique (p. 20). Comment peut-il tran- 
cher avec tant d'assurance la question encore si controversée de 
l'origine du rit gallican et écrire : « The gallican liturgy was Eastern 
(Ephesian) not Western »? (p. 20). Deux pages consacrées aux « élé- 
ments d'ordre moral et spirituel » qui favorisèrent l’albigéisme nous 
tracent un portrait abominablement noir des mœurs du clergé et un 
tableau idyllique des mœurs des Catlhares. Mais en voilà assez. 

Un des chapitres les plus intéressants et qui a dû demander à 
l'auteur le plus de recherches, est le troisième : The Seed. Certains 
documents du catharisme viennent témoigner, avec plus ou moins 
d’abondance et de précision, sur les doctrines et les pratiques de ces 
sectes. J'ai dit : certains. Car des auteurs de sommes contre les 
cathares, comme l'allemand Ecbert de Schoenaugen, le français 
Étienne de Bourbon, les italiens Bonaccorsi et Moneta ne sont pas 
interrogés, tandis que d'autres tels qu’Alain de Lille le sont. 

Dans une seconde édition, l’auteur n'aura pas de peine à corriger 
les erreurs et à mettre au point des affirmations trop radicales de son 
exposé. Sa brochure, conçue telle qu'elle l’est, avec ses qualités 
d'ordre, de critique, etc., pourra rendre des services même aux his- 


toriens de profession. E. DE MoREAU, S. J 
se , e (] 


Dr. ALEX. BIRKENMAJER. Vermischte Untersuchungen zur Geschichte 
der mittelalterlichen Philosophie. (Beiträge zur Geschichte der 
Philosophie des M-A. hrsg.v. CI. Baeumker. T. XX, fasc. à.) 
Munster, Aschendorff, 14922. In-8, vri-246 p. 


Ce volume se compose de cinq études dont les sujets se rapportent à 
une période allant du treizième au quinzième siècle. Les trois premières 
intéressent l'histoire littéraire des Frères-Prêcheurs, la quatrième celle 
des Cisterciens, la cinquième a trait à une polémique menée autour 
d’use version latine de l'Ethique d’Aristote. L'auteur les a écrites en 
marge d’autres recherches, d’une nature fort différente. Ce qui n'em- 
pêche qu'il se soit acquitté de sa tâche avec le plus grand soin et en 
témoignant des qualités d'un professionnel dans la matière. Il a prouvé, 
une fois de plus, que l'étude des mathématiques sympathise parfaite- 
ment avec celle de [a philosophie. Toutefois son attention ne s'est pas 
portée sur des problèmes de doctrine ; elle s’est entièrement concentrée 
sur des questions d'ordre littéraire et critique. 


A. BIRKENMAJER : VERMISCHTE UNTERSUCHUNGEN 19 


Voici les titres de ces cinq études. 1. Lettre de la Faculté des Arts de 
Paris lors du décès de saint Thomas d'Aquin. 2. Lettre de l'archevêque 
de Cantorbéry, Robert Kilwardby, à son confrère Pierre de Conflans, 
arhevéque de Corinthe, et le traité De unitale formae de Gilles de 
Lessines. 3. Trois nouveaux mss des œuvres de Thierry de Fribourg. 
4 Un mémoire justificatif de Jean de Mirecourt. 5. La polémique 
d'ilonso de Cartagène avec Leonardo Bruni Aretino. 

Les deux premières études viennent tout à fait à l'heure, maintenant 
qe, en ce sixième centenaire de la canonisation de saint Thomas, les 
wix de l'Eglise et de l'Ecole célèbrent partout la gloire du triomphe 
dxtrinal de l’immortel Docteur dominicain. La lettre de la Faculté des 
Arts de Paris a été éditée plus d'une fois, mais ces éditions présentaient 
ue forte lacune et un passage d'uñe leçon très peu satisfaisante, 
aparemment fautive. M. B. en a retrouvé le texte authentique, qui 
“rmet de combler la lacune ct de restituer le texte original du pas- 
age fautif. Cette leçon correcte amène l’auteur à formuler une conclu- 
sion qui projette un jour nouveau sur l’activité de Guillaume de 
Moerbeke. Les trois écrits que saint Thomas avait promis d'envoyer 
à la Faculté des Arts : Commentum Simplicis super Librum de celo et 
mundo, Erposicio Timei Platonis, (Liber) de aquarum conductibus el 
ingeniis, sont tous les trois des traductions, faites par le célèbre hel- 
laiste dominicain. Cette étude de M. B. sur la lettre de la Faculté des 
Arts, qui exprime la désolation des maîtres de Paris causée par la 
mort de saint Thomas, a reçu un complément : l'édition d'une élégie, 
Pianctus post mortem Thomae de Aquino, et d'une épitaphe versifiée, 
dont l’auteur, vraisemblablement un dominicain, s’est inspiré de la 
lettre susmentionnée. 

L'on croyait posséder dans l'édition du KR. P. Ehrle, le texte intégral 
de la réplique adressée par Kilwardby à Pierre de Conflans et motivant 
la fameuse condamnation de certaines doctrines de saint Thomas, 
IR mars 1277. C'était une erreur, qu’un nouvel examen du cod. 1536 de 
Vienne a révélée à M. B. Ce ms., en effet, renferme en plus des six 
ärticles de la lettre connus jusqu’à ce jour, un septième d’une capitale 
importance, puisqu'il expose la thèse tant incriminée : posicio de uni- 
tie formarum. Cette découverte a eu cet autre résultat de fournir la 
rreuve que Gilles de Lessines, dans son traité de unitale formae où il 
rreo:l résolument la défense de saint Thomas, n’a pas emprunté ses 
citations à un autre écrit antérieur de Kilwardby — idée suggérée par 
M. De Wulf — mais à la lettre même de l'archevêque à P. de Conflans. 
Apres la description du ms. de Vienne, M. B. donne les variantes qui 
le distioguent du texte édité par le R. P. Ehrle, l'élition du septième 
article récemment découvert, et, en annexe, une esquisse biographique 
le Pierre de Conflans dont la plupart des éléments étaient inconnus. 
Ces pages sont le complément indispensable des travaux du R. P. Ebrle 
et de M. De Wuif. 

Les trois mss des œuvres de maître Thierry de Fribourg, nouvelle- 


104 COMPTES RENDUS. 


ment mis à jour par l’auteur, sont : cod. Maihingen, IT, 1, Q.6; cod. 
Basil. (Bâle), T. III, 18; cod. Vindob. Dominic. (Vienne, couvent des 
Dominicains), 108. M. B. analyse et décrit le contenu de ces codices et 
détermine l'apport nouveau qu’ils fournissent à l’étude de l’œuvre phi- 
losophique et théologique de Thierry de Fribourg. 

Jean de Mirecourt, plus souvent cité sous le couvert de l'anonymat : 
monachus cisterciensis, fut lecteur des Sentences à Paris au collège 
Saint-Bernard (1346-1317 ou 1347-1348). II méla à son enseignement 
des propositions d'une orthodoxie douteuse et subit une condamnation 
de la part de la faculté de théologie, en 1347. Il chercha à défendre sa 
doctrine dans un mémoire : « Declaratio », adressé à Pastor de Serres- 
cuderio, archevêque d'Embrun, de passage en France comme légat du 
pape. M. B. explique la genèse de cet écrit, le distingue d’un autre 
mémoire justificatif déjà connu du P. Denifle, en publie le texte, après 
avoir analysé et décrit trois mss qui le renferment et dont celui de 
Cracovie, n. 1184, mérite surtout de retenir l'attention. 

Vers 1418, l’humaniste Leonardo Bruni, auteur d’une version latine 
de l’Ethique d'Aristote, écrivit du point de vue philologique une 
critique acerbe de la version latine élaborée au moyen âge. Alonso 
Garcia de Cartagena, appelé aussi Alphonsus à S. Maria, chanoine de 
Burgos, se fit vers 1430 Le défenseur de l’ancienne version. La polémique 
menée par ces deux auteurs et le texte des principaux documents qui 
lui servent d'appui, font l’objet de la cinquième étude. 

Une trentaine de pages, les dernières du volume, renferment des 
potes complémentaires et des corrections dont la multiplicité s'explique 
par le fait que l'ouvrage, terminé en 1918, ne put être confié à l’impri- 
meur que quatre années plus tard. 

Les historiens de la philosophie du M-A accueilleront avec bonheur 
ces mélanges. Ceux-ci s'imposent à leur attention par les conclusions 
toutes neuves dont le développement constitue le fond de l'ouvrage, 
et le grand nombre et la valeur des notes bibliographiques et critiques 
disseminées au cours de l'exposé. Il n’est pas un manuel d'histoire de 
la philosophie ou de littérature latine qui n'ait besoin d'être ou com- 
plété ou retouché suivant les résultats auxquels ont abouti les recherches 
critiques du D" Birkenmajer. R. M. Marin, O. P. 


REGINALD LANE POOLE. Illustrations of the history of mediaeval 
Thought and Learning. 2 édit. revue. Londres, Society for Prom. 
Christ. Knowledge, 1920. In-8, 527 p. Prix : 11 s. 6 d. 


Ce livre est en réalité la réimpression, avec quelques modifications 
et quelques ajoutes, de l’ouvrage que l’auteur a publié, sous le même 
titre en 1884, et c'est faire un éloge peu banal de dire que, tel qu'il 
est, le travail de M. Poole conserve son actualité. Les chapitres sur 
J. Scot (II), Abélard (V), Gilbert de la Porrée (VI) constituent des 


P. FREDERICQ : CORPUS DOCUMENTORUM. 16 


ttleaux vivants qui comptent parmi les meilleurs que nous con- 
aissons sur la matière, et on en peut dire autant de la vie de Jean de 
Glisbury, qui attend toujours qu’on écrive sa biographie définitive. 
L'auteur est surtout attentif aux développements de la pensée reli- 
grue, ce qui est son droit, mais ce point de vue, auquel il est 
exclusivement attaché, l'empêche à maint endroit de saisir la portée 
fhiisophique des idées dont il fait l’histoire. Nous avons été surpris 
d voir que M. Poole s'évertue — comme plus d’un historien — à 
diculper Jean Scot Erigène de tout soupçon de panthéisme, voir 
rême de monisme (p. 63 et suiv.). Il est bien vrai que J. Scot, après 
avoir posé le principe qu'il n'existe qu’une seule substance, dont le 
onde des réalités finies n’est qu'un prolongement, proteste de son 
orthodoxie, professe le créatianisme et prétend fonder la pluralité et 
: distinction des êtres qui sont des devenirs divins. Mais l'intention 
de Scot — qui à n’en pas douter est excellente — est chose différente 
Je sa doctrine. Les intentions d'un homme ne changent pas sa doc- 
trive, laquelle demeure ce qu’elle est. Scot est acculé, par la logique 
nterne de ses principes, au monisme intégral. Lui-même s’en rend 
compte, car il emploie des expressions telles que celles-ci : aliud (Deus) 
io se creat. L'être fini est aliud — soit — mais in se, en Dieu, qui se 
retiète dans le multiple comme le rayon solaire dans les couleurs 
variées dont se pare la plume de paon (p. 58). 

Nous voudrions présenter une critique de la méthode dont s’est 
ærvie M. Poole. Ne convenait-il pas de tenir compte de certains 
travaux importants et récents, tout en restant fidèle au plan primitif 
du livre. P. ex., peut-on encore parler du nominalisme d’Abélard, 
aprés les travaux de Geyer dont la primeur date de 1919. Fallait-il 
resroduire in-extenso des notes vieillies, quitte à les contredire (p. ex. 
be. 8, n. 7) ? Il cest vrai que le lecteur averti sautera aisément au- 
dessus de ces artifices d'impression et que ceux-ci ne l’empêcheront 
pas de suivre le développement des idées maïtresses. 


Maurice DE WuLr. 


P. FREDERIC (+). Corpus documentorum sacralissimarum indulgen- 
harum neerlandicarum. Verzameling van stukken betreffende de 
pauselijke aflaten in de Nederlanden (1300-1600). (Rijks’ geschied- 
kundige publicatiën, uitgegeven in opdracht van Z. Exc. den 
Minister van Onderwijs, Kunsten en Wetenschappen. Kleine 
serie, n° 24.) La Haye, M. Nijhoff, 1922. In-8, x1v-694 p. 


Ce recueil a lui-même son histoire. 

Depuis de nombreuses années le professeur de Gand, Paul Frédericd, 
s'est occupé à rassembler toutes espèces de documents relatifs à 
l'histoire des indulgences dans les Pays-Bas. En 1899 il publia dans le 
Pulletin de l'Académie Royale de Belgique un mémoire intitulé : La 


106 COMPTES RENDUS. 


question des indulgences dans les Pays-Bas au commencement du 
XVIe siècle. Différents archivistes ayant signalé l'existence de col- 
lections importantes à Utrecht, Liége et Malines, l'auteur publia 
successivement : en 1899, Le compie des indulgences en 1488 et en 
4517-1549 dans le diocèse d’Utrecht ; en 1903, Les comptes des indul- 
gences dans les Pays-Bas. Deuxième série : Les comptes des indulgences 
papales, émises au profit de la cathédrale Saint-Lambert à Liége (1443- 
4436); en 1909, Rekeningen en andere stukken van den pausetijken 
aflaathandel te Mechelen in ‘t midden der 15° ceuw (1443-1472). Ces 
quatre séries de documents, bien qu’incomplètes chacune prise sépa- 
rément, se complétaient mutuellement. Ces publications avaient été 
préparées dans le cours pratique d'histoire nationale à l'université de 
Gand. Ce sont encore les étudiants du même cours pratique qui se 
mirent à recueillir les documents, pontificaux ou autres, ayant rapport 
à ce que l’auteur se plaît à appeler « le commerce des indulgences ». 
De nombreuses pièces furent ainsi réunies, mais d’autres occupations 
empéchèérent l’auteur de les publier tout de suite. 

L'invasion de la Belgique par les armées allemandes, la transfor- 
mation des bâtiments universitaires en casernes, la dispersion des 
étudiants et leur rappel sous les drapeaux, le congé forcé des professeurs, 
procurèrent à M. Frédericq un otium cum dignilale qu'il mit à profit 
pour classer les nombreux documents qu'il était parvenu à se procurer. 
Le travail était prêt à la fin de 1915 et l’auteur cherchait les moyens 
de faire passer en Hollande, où ils devaient être imprimés, ses précieux 

manuscrits. Un événement imprévu l'en empêcha : le 18 mars 1916 il 
fut arrété et transporté en Allemagne comme prisonnier ; il y resta 
jusqu'à la fin des hostilités. Dés le commencement de 1919 l'auteur 
expédia le manuscrit à l’imprimeur. Hélas, il ne verrait pas l'impression 
de son travail ! Il mourut le 30 mars 1920. La commission chargée des 
publications concernant l'histoire du royaume des Pays-Bas se chargea 
d'achever l'édition. 

Voilà, en quelques mots, l’histoire de ce recueil. 

Il comprend 441 pièces des plus diverses : les bulles pontificales 
concernant les jubilés successifs, des brefs, des extraits de mémoires, 
chroniques et annales du temps, lettres, prescriptions ecclésiastiques 
et civiles, lettres d’indulgences, comptes, quittances, placards, extraits 
des œuvres de théologiens ou d'autres écrivains (p. ex. de Wessel 
Gansfort, d'Érasme, de Luther, du jugement. de Kalteisen sur les thèses 
défeadues par le carme Bernard et le frère-mineur Remi (1), etc.), en 


(1) L'auteur signale l'existence de deux manuscrits du mémoire de 
Kalteisen, l’un à Utrecht, l'autre à Groningue Depuis longtemps on connaît 
l'existence d’autres manuscrits de ce mémoire, notamment à Wolfenbüttel 
ct à la bibliothèque de l’université de Munich; les parties essentielles de 
l'écrit ont été éditées par Mgr PauLus : Fine ungedruckte Ablassschrift des 
Dominikaners Heinrich Kalteisen, dans Zeitschrift für katholische Theologie, 
1903, t. XXVII, p. 368. Il eut été intéressant de collationner le texte des 


se EE" - on EEE ES —— 


A. MASSERON : LES ENIGMES DE LA DIVINE COMÉDIE. 107 


un mot toutes sortes de documents se rapportant de près ou de loin 
à l'histoire des indulgences dans les anciens Pays-Bas aux x1v°, xv° et 
xvi* siècles. De ces documents les uns avaient déjà été publiés, les 
autres ne l'étaient pas encore ; l’auteur a toujours soin de marquer la 
rrovenance des pièces, l'endroit où on peut les trouver, la source d'où 
elles ont été tirées, etc. Le recueil est, naturellement, loin d'être 
complet ; il ne saurait d’ailleurs pas l'être. Mais tel qu'il est là, il est 
anpelé à rendre de grands services à celui qui voudrait s'occuper de 
l'aistoire des indulgences dans notre pays (1). On sera cependant sur 
# gardes en le consultant : les chiffres sont parfois mal indiqués 
‘aute d’impression ou inattention de l’auteur ?) ; il est clair, p. ex. 
que p. 18 c’est Urbain VI qu'il faut lire et non pas Urbain IT; il est 
évident que p. 260 il est question de Sixte IV et pas de Sixte IX (!); 
le mémoire de Kalteisen, p. 62 sv., ne date pas de 1447 mais de 1448; 
l'acte du cardinal Nicolas de Cuse, p. 200, ne date évidemment pas 
de 1492, puisque le cardinal est mort en 1464 et que d’ailleurs le 
t1te reproduit par Frédericq donne comme date 1452. Souvent l’erreur 
saute tout de suite aux yeux du lecteur attentif; d’autres fois on 
ourrait s’y laisser tromper. Une liste des noms de lieux, composée 
rar P. H. van Hinsbergen, employé aux archives d'Utrecht, facilitera 
les recherches pour tel ou tel endroit en particulier. 


A. JANSSEN. 


ALEXANDRE MASssERON. Les énigmes de la Divine Comédie. Paris, 
Librairie de l’Art catholique, [1922]. In-8, 293 p. Fr. 12. 


Le sixième centenaire de la mort de Dante a fourni à un groupe 
d'intellectuels français l’occasion de quelques publications remar- 
quables, somptueusement éditées par la Librairie de l'Art catholique, à 
Paris, et dignes, par leur inspiration et leur contenu, de la meilleure 


äSérents manuscrits, d'autant plus que le texte donné par Frédericq ne con- 
corde pas toujours avec les extraits donnés par Mgr Paulus. — L'auteur 
“mble ignorer également un autre écrit de Kalteisen, notamment Questiones 
de indulgenciis, 6 p., conservé en manuscrit à la bibliothèque de l’université 
de Bonn et publié à Delft en 1508. Le nom de Kalteisen y devient Caligis. Il 
est signalé par Nynorr, Nederlandsche Bibliographie van 1500 tot 1540. La 
Have, r9r9, no 1047. Cfr N. PauLus, Geschichte des Ablasses im Mittelalter, 
t I, p. 41. 

(1) Ce recueil ne rendra cependant pas superflue la consultation des articles 
du P. ALBErs : Het Jubilé in de middeleeuwen, bijzonder met betrekking tot 
ée Nederlanden, dans Studien, 1900, n. s. t. LIV, p. 1 sv. L'auteur aurait bien 
Souvent pu v renvoyer. La consultation de l’ouvrage cité de Mgr PauLus 
ptrmettra également de combler bien des lacunes, Récemment encore le 
P. Meyer publia quelques lettres d’indulgences (Zwolsche Aflaatbrieven. 
Arñhem, 1921) dont quelques-unes figurent déjà dans le recueil de Frédericqs 
tandis que d’autres ne s’v trouvent pas. 


108 COMPTES RENDUS. 


critique dantesque. Le Bulletin du Jubilé a paru en cinq fascicules in<4, 
avec des articles originaux de Mgr Batiffol, du R. P. Mandonnet, de 
MM. Henry Cochin, Pératé, P. de Nolhac, Jordan, etc. Récemment, 
est sortie, par les soins de M. Pératé, une traduction nouvelle de la 
Divine Comédie, dont on dit grand bien. Aujourd’hui, nous tenons à 
signaler, dans la même série, le livre utile et plein d'intérêt de 
M. Masseron. 

Malgré les sollicitations dont elle a été l’objet depuis six siècles, 
l'œuvre maîtresse de l’Alighieri, composition puissante mais hautaine, 
obscure autant que profonde, n’a pas encore livré tous ses secrets. 
Après des tâtonnements sans nombre, ses interprètes continuent à se 
heurter contre une foule de problèmes, dont l’herméneutique la plus 
subtile ne peut avoir raison. Parmi ces énigmes, M. Masseron a choisi 
celles qui touchent de plus près à l'essence de l’œuvre. Il les a classées 
selon qu’elles relèvent du sens littéral, de l’allégorie, de l'architecture 
morale des régions d’outre-tombe, ou encore de l'élément prophétique. 
Sur chacun de ces problèmes, il a rassemblé une ample information, 
s'adressant à ce qu’il y a de plus autorisé dans le monde des spécialistes 
italiens et anglais. Exposer, confronter, évaluer les solutions propo- 
sées, voilà de quoi dresser une petite somme de la science dantesque, 
en ses chapitres les plus déroutants, puisque soumis à d'interminables 
controverses. Et tel est bien le livre que nous apporte M. Masseron. 
Guide précieux, qui va mener le lecteur novice à travers les dédales 
infinis de la dantologie. Guide sûr, car, outre que l’auteur s’est rendu 
maître des questions qu’il aborde, une sagesse sereine lui permettra de 
garder sa claire vue sous l’avalanche des hypothèses aventureuses et 
des explications contradictoires. Avec cela, un grain d'humour dans 
l'exposé ; des airs de scepticisme narquois, mais sous lesquels perce 
une admiration émue pour le divin poète, en même temps qu’une juste 
estime pour ses laborieux’ commentateurs. Cet ensemble de qualités 
diverses donne au volume une saveur exquise: L'ouvrage est une 
nouveauté pour le public de langue francaise, auquel il apporte une 
part de l'initiation indispensable, en vue d'une lecture quelque peu 
sérieuse de la Comédie. Comme synthèse, dans ce qui touche à cette 
portion éminemment délicate de la littérature dantesque, il n'a même 
son équivalent en aucune langue. 

Livre peu original, dira-t-on, si l’on prétend que l'auteur devait 
ajouter ses propres conjectures à celles qu’il passe en revue. Livre, 
dirai-je, dont le mérite est de ne point chercher l'originalité. Au cours 
de cet examen critique d'une production singulièrement ondoyante, il 
arrive du reste à l’auteur, lorsqu'il croit mieux servir la vérité, de 
passer du doute méthodique à l’aflirmative et de prendre résolument 
position dans le débat. C’est le cas, notamment, lorsqu'il étudie le 
symbolisme des trois fauves du prologue. Au risque d'affiger les esprits 
amoureux des ordonnances symétriques et des systèmes d'interprétation 
organiques et cohérents — ceux-là qui ont accueilli avec faveur les 


G. HEIDINGSFELDER : ALBERT VON SACHSEN. 109 


travaux de Flamini, et j'en suis — M. Masseron, reprenant la thèse 
talitionnelle, s’attache à montrer que les trois bêtes du début de la 
Comédie sont la luxure, l’orgueil et la cupidité, plutôt que les trois 
mauvaises dispositions de l’âme, base de l’éthique aristotélicienne, qui 
ont inspiré le plan de l'Enfer. Je dois reconnaître que son argumen- 
&wivn, prudente et avertie, est de celles qui donnent à réfléchir. 

Qu'on ne dise pas non plus que ce livre, où sont dressés tant de 
sroces-verbaux de carence et où s'affiche tant de métiance systématique, 
ærait décevant, et décevant, avec lui, tout le travail de l’exégèse 
Jantesque. La lumière reste à faire et, peut-être, ne se fera jamais, sur 
des points de détail. Dans ses grandes lignes, l'interprétation symbo- 
hque de la Divine Comédie est aujourd’hui fixée. M. Masseron apprendra 
a œux qui l’ignoreraient — encore que, peut-être, il n'insiste pas 
suffisamment là-dessus — l'essentiel de ce qu’on pense aujourd’hui à ce 
ajet : le prestigieux chef-d'œuvre du poête florentin, c’est, en même 
temps qu’une autobiographie morale, le poëme de la Rédemption, 
âvec, comme protagonistes, Dante, représentant l’humanité en quête 
du salut, Virgile, image de la raison parvenue à son plus haut degré 
de rectitude, et Béatrice, symbole de la Vérité surnaturelle, confiée 
sar Dieu à son Eglise pour acheminer l’homme vers ses fins dernières. 


ALPHONSE BAYOT. 


D GeorG HEIDINGSFELDER. Albert von Sachsen. Sein Lebensgang und 
sein Kommentar zur Nikomachischen Ethik des Aristoteles. (Bei- 
trâge zur Gesch. der Philos. des M.-A. Hrsg. v. CI. Baeumker. 
T. XXE, fasc. 3-4.) Munster, Aschendorff. 1924, In-8, xvi-152 p. 


Albert de Saxe (1316-1390) est un philosophe de la troisième période 
de la scolastique, de la décadence. Il se posait à son sujet des problèmes 
qui concernent tant sa personne et sa carrière que son œuvre philo- 
sophique. C'est la raison de la division de cet ouvrage en deux parties : 
partie biographique, partie doctrinale. 

Le terrain sur lequel s’engageait l’auteur n’est pas de ceux qui sont 
demeurés tout à fait inexplorés. C’est ce dont nous prévient trés 
brièvement la préface, où il est fait part des résultats auxquels avaient 
abouti les recherches de P. Duhem (+ 1915), M. Jullien et A. Dyroff. 

ll manque une Introduction, dans laquelle auraient pu avantageuse- 
ment trouver place des questions de méthode, l’énumération et la 
description des sources principales, leur classification, les règles 
suivies par l'auteur dans leur emploi, la raison de préférer telle source 
à telle autre, plus ancienne. 

Dans la première partie qui retrace les grandes lignes du curri- 
culum vitae du philosophe saxon, l’auteur s’est surtout appliqué à 
identifier la personne d'Albert de Saxe. Sa conclusion est contraire 

à celle qu'avait présentée Duhem, et confirme les vues de Jullien et de 


110 COMPTES RENDUS. 


Dyroff : les trois noms, Albert de Helmstede, Albert de Saxe, Albert 
de Ricmestorp désignent un seul et même personnage, qui fut maître 
ès arts à Paris, recteur de l’université, nouvellement fondée, de 
Vienne et évêque d’'Halberstadt. A la suite de P. Duhem, M.-H. écarte, 
comme indémontrable, l'hypothèse qu’Albert fut maître en théologie. 
Comme l'ont fait précédemment Quétif, Duhem et Jullien, il maintient 
qu'Albert de Saxe était prêtre séculier et ne fut jamais incorporé à un 
ordre religieux. Très brèves sont les pages où M. H. nous parle de 
l'activité professorale du philosophe, soit à Paris, soit à Vienne ; il 
s'est plu à mettre davantage en relief son rôle d'administrateur. Le 
dernier chapitre de cette section biographique renferme un essai de 
classification des œuvres d'Albert (manuscrits et éditions) rangées en 
écrits 1) sur la logique, 2) sur les sciences naturelles, 3) et 4) sur des 
questions de psychologie et de morale. À une ou deux exceptions 
près (cfr Philosophisches Jahrbuch, t. XXXV (1922), p. 87), ce relevé 
est exact. 

La deuxième partie de l'ouvrage se borne à l’examen du commen- 
taire inédit d'Albert de Saxe sur l'Éthique d'Aristote. Elle s'ouvre 
par un très suggestif aperçu sur l'étude consacrée, à cette époque de 
décadence de la scolastique, à l'éthique. Elle se subdivise très nette- 
ment en deux sections : partie critique, analyse doctrinale. 

Dans la première, après avoir fait la description et le classement 
en groupes des manuscrits, l’auteur étudie la méthode et la technique 
de cet ouvrage du Stagyrite. Ces pages sont les meilleures du livre. 
Albert commente Aristote d'après la version gréco-latine qui a vu le 
jour vers le milieu du xin° siècle et dont très probablement Robert 
Grossetête est l’auteur. La méthode suivie par Albert est remarquable 
par son attachement très étroit — sauf dans ia façon de diviser — au 
texte d’Aristote. Il se borne au procédé d'exposition (glose), saus 
insérer dans le commentaire la discussion de questions, plus ou moins 
bien rattachées au texte. Il s'inspire de sources autorisées. Saint 
Thomas a eu sa confiance plus souvent qu’il ne l'exprime. Cependant 
— conclusion la plus importante de cette section — son commentaire 
p'est rien de plus qu'un plagiat de l’œuvre d'un auteur qui le précède 
d'une dizaine d'années, le commentaire de Walter Burleigh, imprimé 
à Venise en 1481 et plusieurs fois depuis. 

Cette conclusion pèse très lourdement sur le jugement qu'il s'agit 
de formuler touchant la valeur de cette œuvre d’Albert de Saxe. 
Celle-ci n’accuse aucun progrès. Plus loin, M. H. nous dit qu'il faut 
apprécier ce commentaire surtout comme manuel scolaire et recon- 
paître que les genérations suivantes ne l'ont pas relégué complètement 
dans l'oubli. Dans la partie consacrée à l’analyse doctrinale, M. H. 
a arrêté son attention à cette question spéciale : Albert est-il déter- 
ministe ? Contrairement à M. Dyroit, il couclut pour la négative. Cet 
examen du point de vue doctrinal confirme la dépendance d'Albert 
de Walter de Burleigh. 


P. KALKOFF : DER WORMSER REICHSTAG VON 1521. 11i 


I n'y à donc pas lieu de vanter Albert de Saxe comme « un des 
docteurs les plus puissants et les plus originaux, qui, au xiv° siècle, 
aient illustré la scolastique ». Peut être que l'examen des autres 
sgsrages du philosophe permettra de maintenir cette appréciation 
Sateuse de Duhem. L'étude de M. Heidingsfelder a ouvert la voie 
à œt examen ultérieur. Elle présente — avec, en plus, quelques con- 
elusions nouvelles — une bonne synthèse des résultats obtenus précé- 


demment. R.-M. MARTIN, O. P. 


Paz Kazrorr. Der Wormser Reichstag von 1521. Biographische 
und quellenkritische Studien zur Reformationsgeschichte. Munich 
et Berlin, Oldenbourg, 1922. In-8, x-436 p. Fr. 34,40. 


Dans le compte rendu qu'il consacra au livre de M. Kalkhoff, 
Alkander gegen Luther (RHE, t. IX, p. 789) M. De Jongh disait, il y a 
quinze ans : « Les événements pour lesquels il n’y avait pas de 
dcuments nouveaux à communiquer, ne sont pas étudiés ex professo : 
ainsi, par exemple, la diète de Worms n’a pas de chapitre spécial. » 
Cette contrée réservée alors est explorée aujourd'hui dans ses moindres 
recoins. Dès l'entrée en matière nous sommes renseignés sur l'impor- 
tance qu’elle revêt aux yeux de l’auteur. « La diète de Worms de 1521 
est un des principaux tournants de l'histoire allemande. » Elle met fin 
aux assemblées de l’empire consacrées à la réorganisation de celui-ci 
et au cours desquelles, depuis la diète de Worms, en 1495, les lois de 
l'empire, tombées en désuétude, furent renouvelées et renforcées en 
faveur du pouvoir central. Toutefois on ne réussit pas à tenir en échec 
k prépondérance que s’arrogeaient les princes électeurs, ni à conjurer 
k ruine de l’autorité impériale et partant ce fut l'effondrement rapide 
du gouvernement central. Néanmoins les décisions prises à Worms 
ncergant le tribunal suprême, les tinances et la guerre restérent en 
vigueur : c’est tout. Ce n’était pas brillant, « mais ce détail permet de 
‘“woner une réponse satisfaisante à la question : «comment alors « ce 
cber saint empire romain » a-t-il pu tenir ensemble pendant des siècles 
épcore ? » 

Les états achetèrent à Charles-Quint cette résignation d’une bonne 
art de son autorité impériale en s'engageant à lui prêter main forte 
entre le roi de France, François I. Sorti vainqueur de cette lutte, 
l'empereur semblait de taille à restaurer plus forte que jamais l'unité 
de la religion et de l'empire. C'était un faux mirage et les années qui 
suivirent marquèrent le triomphe des principes décentralisateurs, 
afirmés malgré tout à Worms, et firent éclater à tous les yeux combien, 
en réalité, avait été vaine la tentative, faite à la diète de Worms, 
pour supprimer la liberté religieuse. Malgré les apparences contraires 
et la publication de l'édit condamnant Luther, — et c'est ii la nouveauté 
de l'étude — M. Kalkoff veut faire voir à Worms, en 1521, l'entrée en 


112 COMPTES RENDUS. 


activité du territorialisme tant politique que religieux. La paix 
d’Augsbourg comme plus tard celles d'Osnabruck et de Munster, ne 
pourront qu'enregistrer la solution qui l’emporta à la diète de Worms 
en dépit de toutes les intrigues et malgré les déclarations les plus 
formelles de l’édit impérial frappant Luther et ses partisans. 

Les princes ont affirmé leur autonomie et refusé de subordonner leur 
foi aux décrets impériaux ou au vote de la majorité. En la personne 
du prince électeur Frédéric le Sage, le territorialisme religieux trouva 
un champion qui fit échec à l'autorité du pape et de l'empereur. 

Cette manière de voir aussi nouvelle qu’elle est importante est, nous 
assure-t-on, le résultat auquel a conduit l'étude minutieuse du milieu 
où s’est élaboré l’édit de Worms. Ce résultat va être mis en évidence 
dans l'exposé par l'entrée en scène des personnages qui ont joué un 
rôle à la diète. Ce rôle, les sources elles-mêmes nous le font voir aux 
tournants des négociations. Le travail comprend neuf chapitres qui 
s'appellent les uns les autres. Après avoir reconstitué la physionomie 
générale de la diète, la première où paraissait Charles-Quint, le nouvel 
empereur, pour recevoir d’abord l'hommage et les suppliques de ses 
vassaux et sujets, l’auteur passe en revue les diverses sections de 
l’illustre assemblée. Au second chapitre commencent les essais mono- 
graphiques décrivant les personnages princiers ralliés au parti du pape 
et parmi lesquels se trouve longuement dépeint le prince-évêque de 
Liége, le cardinal Erard de La Marck qui, on le sait, joua un rôle de 
premier plan dans les négociations. Très saillante aussi la silhouette 
du légat pontifical Aléandre, étudié dans un volume paru précédemment. 
Il est entouré de collaborateurs appartenant aux diverses régions de 
l'empire. 

Il ne peut entrer dans le cadre d'un simple compte rendu de sigoaler 
le relief avec lequel se détache du fond de ce vaste tableau chacun des 
personnages successivement évoqués avec cette familiarité inimitable 
qu'a donnée à l’auteur un long commerce avec les sources où ils se 
survivent. Nous nous en voudrions de défraîchir, par des aperçus 
fatalement trop sommaires, le drame historique où il convoque Luther 
après avoir rappelé les antécédents de sa comparution. Deux person- 
nages dominent l'exposé des six derniers chapitres : le réformateur et 
son protecteur Frédéric le Sage. Comme toutes les tragédies bien 
menées où le héros semble avoir succombé victime des intrigues et de 
la méchanceté humaines, le livre se termine par une sorte d'apothéose 
en l'honneur de Frédéric le Sage, qui eut une si large part dans [a 
réussite de la réforme luthérienne. L'auteur fait volontiers sienne 
l’assertion de Troeltsch : « Sans Frédéric le Sage l’œuvre de Luther 
n'eût pas été viable. » 

La méthode suivie dans tout le volume trahit la même maîtrise des 
sources et des régles de la critique historique. Le ton généralement 
très calme suggère l’idée d’une profonde sincérité dans l'attachement à 
l'œuvre que Worms mit en péril mais que sauva Frédéric le Sage, ce 


RE — Ro SRE een 


t, SCHMIDT : K. SCHATZGEYER, SCRUTINIUM DIVINAE SCRIPTURAE. 113 


prince qui fut « sinon le plus grand, du moins le plus excellent et le 
plus tidèle des héros du peuple allemand ! » Et sur cet épiphonème se 
elèt l'exposé de M. Kalkoff. 

Tous ceux qui désirent utiliser son beau travail seront reconnaissants 
à l'auteur d’avoir ajouté 10 pages contenant, par ordre alphabétique, 
le som des personnages étudiés et toutes les références désirables. Sans 
être aussi indispensable, une liste bibliographique des ouvrages cités 
au cours du travail ne manquerait pas d'utilité non plus. L'auteur l'a 
aps doute omise à raison du rôle prépondérant accordé aux sources. 
Cependant, dans un livre aussi bourré de notes, où l’on recourt 
volontiers aux abréviations, il arrive que des références restent 
incomplètes et partant difficiles à identifier. Voyez par exemple, p. 78 
et 2; il y est question de H. De Jongh, avec indication de pages, 
mais sans titre de l'ouvrage en vue. Mais ne parlons pas en plein midi 
des taches du soleil et félicitons cordialement M. Kalkoff. 


P. M. PIETTE. 


ULaica ScuminrT, O. F. M. Kaspar Schatzgeyer, O. F. M., Scrutinium 
divinae scriplurae pro conciliatione dissidentium dogmatum (1522). 
(Corpus catholicorum. Fasc. 5.) Munster-en-W., Asschendorff, 
4922. In-8, xxiv-180 p. Gz. Mk. 6,50. 


Le Père Caspar Schatzgeyer (1463-1527), des frères-mineurs de 
l'observance de la province de Haute-Germanie, a joué un rôle assez 
considérable dans le gouvernement de son ordre et dans les contro- 
verses suscitées par le luthéranisme naissant. De 1518 à 1527, il 
composa et publia une vingtaine d'ouvrages, dont quelques-uns ont été 
assez remarqués à cette époque. Son Scrutinium divinae scripiurae, 
publié par le D' W. Schmidt dans le Corpus catholicorum, passe pour le 
plus important et le plus caractéristique de ses travaux théologiques. 
Il parut, pour la première fois, en 1522, à Bâle, à Cologne et à Augs- 
bourg ; il fut réédité à Tubingue en 1527 et, avec toutes les autres 
œuvres du même auteur, à Ingolstadt en 1543. 

L'ouvrage comporte dix chapitres, dans lesquels le P. Schatzgeyer 
passe en revue les différentes objections, formulces par Luther contre 
les principaux dogmes de la foi catholique : la grâce et le libre arbitre, 
la foi et Les œuvres, la nécessité des bonnes œuvres, la pénitence évan- 
gélique, l’acte méritoire, le sacritice du N. T., le sacerdoce évangélique 
ou universel, la communion sous les deux espèces, le baptème et la 
liberté chrétienne, les vœux monastiques. 

Comme le fait remarquer le P. Schmidt, Schatzgeyer se rattache 
étroitement à la philosophie de Duns Scot. En outre, on constate chez 
lui le souci constant d'appuyer ses affirmations sur l'Écriture Sainte. 
D'autre part, on ne trouve guère dans cet ouvrage une compréhension 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 8 


lid : COMPTES RENDUS. 


très nette de l'erreur fondamentale de Luther, notamment de la théorie 
du libre examen et du rejet de l'autorité de l'Eglise, règle de foi. 

Le Scrutinium du P. Schatzzseyer a obtenu un certain succès, comme 
le prouvent les éditions successives qui en ont été données. Cependant, 
son iofluence n’a pas été fort grande et il est bientôt tombé dans l'oubli. 
Môme les polémistes catholiques ne lui ont accordé qu'une attention 
secundaire dans leurs œuvres. 

Le P. U. Schmidt a noté, au bas des pages, les variantes que présente 
le texte des différentes éditions ; il a composé plusieurs tables qui 
facilit: nt la consultation du volume ; enfin, il à fait précéder le texte 
d’une introduction, incomplète et trop sobre, où il relève « les carac- 
téristiques » du Scrulinium et où il énumère ses différentes éditions. 
Il oublie de nous y donner, entre autres, quelques renseignements sur 
la vie de Schatzgeyer, sur les sources de son ouvrage et sur l'influence 
que celui-ci à exercée dans la controverse luthérienne. 


A. DE M&YER. 


Henri Nazr. La conjuration d'Amboise et Genète. Genève et Paris, 
Champion, 1922. In-8, 406 p. 


Le coup de main tenté à Amboise par La Renaudie, en mars 1560, 
échoua piteusement. Personne, même parmi ceux que le meurtre ou 
la prise en otaze du roi François 11 eût mis le plus en fête, ne voulut 
en porter la responsabilité. Le seul qui eût été à même de révéler à 
l’histoire tous les secrets de la coujuration, parce qu'il en était l'acteur 
principal, La Renaudie lui-même, disparut dans le drame, foudroyé 
d'uue balle au frout. Et tandis que l’on découpait en morceaux son 
cadavre cloué au pilori d'Amboise, ailleurs on déchirait les documents 
témoignant de relations compromettantes avec le chef des conspirateurs. 
Les Guisards accusèrent volontiers les réformés d'avoir seuls tenté ce 
coup de force et dénoncérent l’œuvre de la Genève de Calvin et de 
Bèze. Ceux-ci s'eu lavèrent les mains le mieux qu’ils le purent cet 
essayèrent de réduire, sinon d'effacer, la tache de sang qui toujours 
réapparaît. 

Une nouvelle fois M. Naef instruit le fameux procès dans l'ouvrage 
présent : La conjuration d'Amboise et Genève. Reconnaissonsle de 
suite : son étude fait honneur à la fois au sens critique du juge 
d'instruction et au talent de l'écrivain qui se rencontrent en lui. 
L’exposése déroule de la façon la plus naturelle du monde. L'événement 
que constitue la conjuration et le tumulte d'Amboise est replacé dans 
le milieu historique qui l'explique : l'état de malaise profond dont 
souffrait la France en 1559. Une seconde partie expose l'accusation qui 
pesa aussitôt sur Genève et ses prédicants. La ville-église se mit sur la 
défensive de toutes les façons. Tout l'intérêt se concentre sur cette 
derniere partie du 1écit, qui est d’ailleurs la plus développée et la 


‘AMBOÏSE ET GENÈVE. 115 


H. NAEF : LA CONJURATION D 
mieux étudiée. On y voit tour à tour Calvin, Bèze et les pasteurs se 
détattre contre différentes accusations. Pour le procès de Calvin 
beaucoup de lettres, antérieures à l'échec de la conjuration, out dis- 
paru. Entre autres : « On suit que la plupart des lettres üe Calvin à * 
Morel sont perdues en sorte que nous ne connaissons pas la réponse 
qu'il ft aux instances de ses disciples parisiens » (p. 79). L'auteur en 
arpelle surtout aux déclarations que tit le père du protestantisme 
français au lendemain de la mort de La Renaudie. « Des documents 
étudiés il résulte que le patriarche fut mis au courant des projets de 
œnjuration et s’il ne s’y opposa pas avec vigueur c’est parce que au fond 
de son âme veillait l'espoir d’un succès imprévu ; parce qu'il connaissait 
op Les justes raisons du complot pour trouver criminels des projets 
juil désapprouvait pourtant. » (p. 163) C'est bien là ce que disait déjà 
Bossuet dans l’Hisloire des variations (Œuvres Vol. XIV, p.427) : « On 
nous allègue Calvin qui après que l’entreprise eut manqué, a écrit deux 
lettres où il témoigne qu'il ne l'avait jamais approuvée. Mais lorsqu'on 
est averti d’un complot de cette nature, en est-on quitte pour le blâmer 
sans se mettre autrement en peine d'empêcher le progrès d’un crime 
si noir ? Si Bèze eùt cru que Calvin eût autant détesté cette entreprise 
qu'elle méritait de l’être, l’aurait-il approuvée lui-même et nous aurait- 
il vanté l’approbation « des plus doctes théologiens » du parti f Qui ne 
voit donc que Calvin agit ici trop mollement, et ne se mit guère en 
reine qu’on hasardât la conjuration, pourvu qu’il pût s’en disculper en 
cas que le succès en fût mauvais? Il n’est pas ici question d’éluder un 
fait constant, en discourant sur l’incertitude des histoires et sur les 
partialités des historiens, ces lieux communs ne sont bons que pour 
èblouir. » 

La culpabilité de M. de Bèze ne fait pas de doute et l’auteur, qui 
plaide coupable, recourt aux circonstances atténuantes. Le procès 
Morely-Bordon, les déciarations de Calvin et de Bèze ne changent ni 
se diminuent la responsabilité encourue par la réforme dans cette 
echauffourée qui fut le prélude des guerres de religion. Le beau zèle 
que l’on déploya aprés coup à se désolidariser de cette entreprise 
avortée, montre à lui seul combien l'on sentait ardue la tâche quand on 
cherchait à s'imposer à soi-même et puis aux autres la conviction de 
son innocence. | 

La conclusion de l’auteur met en lumière la profonde moditication 
qui se constate au sein de la réforme française à la suite de la journée 
d' Amboise. « Pour la première fois, le gouvernement royal découvre 
dans les protestants, non seulement un ramassis de mécréants et de 
désorganisateurs, encouragés par quelques grands seigneurs ambitieux 
ou jaloux, mais un parti militaire authentique avec lequel il prend 
rudement contact... C'est la fin des exécutious judiciaires des proces 
en hérésie, c’est la fin des büchers. Ce n’est point celle de la vivlence, 
mais lorsque la violence éclatera de nouveau ce sera sous une forme 
nouvelle aussi : la guerre et les massacres. Les Eglises ne furent plus 


116 COMPTES RENDUS. 


ces assemblées de saints prêts à chaque instant au martyre; elles 
devinrent des centres où les théologiens, juristes et capitaines débat- 
taient avec âpreté la légitimité de la défense par les armes. » 

126 pages d’annexes ne sont pas la part la moins utile du travail : 
c'est uu ensemble bien assorti de documents que l’on est heureux de 
trouver rassemblés ici. 

« Sans nous prêter à ces desirs apologétiques assez mesquins, disait 
M. Henri Naef en commençant son livre, nous avons uu intérêt philo- 
sophique à être renseignés sur l'aventure de La Renaudie. » Ceux qui 
voudront prendre connaissance de tout l'ouvrage, conviendront 
volontiers avec nous que l’auteur a bien réalisé son programme ct par 
son exposé méthodique, et par les anvexes et — last not least — par les 
excellentes tables bibliographique et onomastique des travaux et des 
personnuzes étudiés. P. M. PIETTE. 


The Spirit of Saint Jane Frances de Chantal as shown by her letters, 
translated by the Sisters of the Visitation Harrow-on-the-Hill, with 
a Preface by His Eminence Cardinal Bourne. Londres, Longmans, 
Green and C°, 1922. {n-8, xvi1-466 p. Prix : 21 s. 


« L'esprit de Sainte Jeanne-Françoise de Chantal », ces 250 lettres 
permettent vraiment, grâce à un choix judicieux, de le connaitre sous 
ses divers aspects ; elles nous le manifestent à la fois comme foyer 
d'union avec Dieu, et comme principe directeur d'une action 
constammezut poursuivie sous le regard de Dieu et rapportant tout à sa 
gloire. Mais elles font plus : elles nous livrent, pour ainsi dire, un 
irayment considérable de la biographie de cette femme remarquable, 
en nous mettant sous les yeux les détails de son zèle éclairé et de son 
infatigable activité durant une période de vivgt-sept ans. Elles vont, 
en effet, abstraction faite de vingt-cinq, qui sont sans date, de 1614 à 
1641 ; et l'on a été bien inspiré de les ranger, dans ce volume, suivant 
leur ordre chronologique. La derniére est une lettre circulaire, qu’à la 
veille de sa mort, le 12 décembre 1611, la bicnheureuse fondatrice, 
soucieuse jusqu'au bout du bien commun, dicta pour recommander à 
tous les monastères de la Visitation la tidélité à la régle et une appli- 
cation de tous les instants à avancer dans les voies de la perfection. 
La plupart sont adressées à des supérieures de couvents ; elles ont trait 
tantôt à des points de direction spirituelle, tantôt, et plus fréquemment 
peut-être, à des questions de gouvernement et d'administration monas- 
tiques. Quelques-unes ont pour destinataires saint François de Sales et 
d'autres évêques ou personnages influents, de qui certaines com- 
munautés de Visitandives dépendaieut plus ou moins. L'ensemble vaut, 
pour la connaissauce des origines de la Visitation, et aussi un peu 
pour la connaissance du monde ecclésiastique et religieux de l’époque, 
ce que vaudraient des mémoires ; ou, plutôt, il vaut beaucoup mieux, 


THE SPIRIT OF S. JANE DE CHANTAL. 117 


parce que, à la différence des mémoires, cette correspondance a été 
rédigée uniquement en vue d’un résultat à obtenir immédiatement, 
pour des personnes qui pouvaient se renseigner par ailleurs sur la 
vérité des faits, sans préoccupation d'une postérité devant laquelle les 
ménorialistes sont trop enclins à poser et à laquelle manqueront 
sauvent les moyens de contrôle. 

En nous donnant ce recueil, les Visitandines d'Harrow-onthe-Hill 
pe se sont pas bornées à rendre très fidèlement en leur langue le texte 
original ; elles ont, avec intiniment de raison, ajouté, par-ci, par-là, 
quelques notes sobres et concises, pour éclairer des passages ou des 
allusions qui sans cela eussent été difficilement intelligibles ou même 
&raient restés lettre morte pour la généralité des lecteurs. Elles 
avouent du reste que, dans la publication de ce volume et le choix des 
fièces qui le composent, elles ont été guidées secondairement par le 
désir de redresser plusieurs appréciations émises dans un ouvrage 
récent et à l'examen desquelles elles consacrent deux courts Appendices. 

Une femme de talent, Miss Sanders, a publié en 1918 un livreintitulé : 
Sainte Chantal; a study in vocation. Elle y porte un jugement peu 
équitable sur la situation générale de l'Ordre de la Visitation au 
moment de la mort de sainte Chantal et en particulier sur le caractère 
et les actes de la Mère de Blonay, une des premières supérieures de la 
maison de Lyon; et de trois lettres, adressées, croit-elle, à Angélique 
Aroauld, elle tire cette conclusion : « L'’unique personne vers qui la 
äinte se tournait dans ses crises de découragement intérieur était 
Anselique de Port-Royal. » Un simple coup d'œil sur quelques-unes des 
lettres ici réunies permet de faire ample justice des deux premières 
appréciations, et tout lecteur non prévenu se demandera avec 
étonnement comment des erreurs si manifestes ont été possibles. Il en 
est de même du troisième point, pour ce qui concerne le prétendu 
exclusivisme de notre sainte dans ses épanchements confidentiels : nous 
la voyons ici revenir à plusieurs repr.ses sur les grandes peines 
intérieures de ses dernières années et s’en ouvrir, avec une humble 
simplicité et une parfaite candeur, au moins à quatre religieuses de 
son ordre. Il est donc absolument certain et surabondamment prouvé 
par la correspondance de sainte Chantal qu’elle eut d’autres confidents 
ou confidlentes de ses épreuves spirituelles que la Mère Angélique. 
Mais la Mère Angélique a-t-elle jamais été, elle aussi, honorée de ces 
confidences ? C’est ce qui resterait à établir et ce qui, jusqu’à preuve 
réremptoire du contraire, a contre soi toutes les vraisemblances. Les 
tros lettres dont Miss Sanders fait état ont été puvliées dans les Epitres 
épirituelles de la Mère de Blonay, avec cette suscription : «& A une 
grande servante de Dieu. » Qui est cette « grande servante de Dieu » ? 
Impossible de le dire avec quelque certitude. Miss Sanders pense que 
cest la Mère Angélique ; et, si nous voulons l’en croire, elle n’est 
arrivée à cette persuasion « qu’au prix de plusieurs années’ d'étude des 
personnes et des lettres en question ». Mais à l'appui de son sentiment 


118 COMPTES RENDUS. 


elle n’apporte aucun argument sérieux. Force nous est donc de le 
considérer comme de nulle valeur. 

Après cela, j'avouerai bien franchement ne pas voir soit l'utilité, 
soit la possibilité de mettre en doute, ainsi qu’on semble le faire en un 
endroit du premier Appendice, l'authenticité des trois lettres dont il 
s'agit. On les rapproche de neuf autres lettres jadis colportées par les 
Jansénistes, comme écrites par sainte Chantal à la Mère Angélique, et 
qui sont non seulement semblables, mais identiques, pour une partie 
de leur contenu, aux trois premières; de part et d'autre, en effet, nous 
trouvons de longs alinéas, sinon des pages entières, où nous ne relevons 
ni la différence d’une ligne, ni la différence d’un mot. Partant du fait 
de cette étrange coincidence, on nous dit textuellement : « Ou bien les 
lettres apocryphes qu’on donnait comme écrites par sainte Jeanne- 
Françoise à l’abbesse sont particllement ou totalement œuvre de 
faussaires, ou bien les lettres « à une grande servante de Dieu » n’ont 
pas été adressées à l’abbesse. » Le dilemme est en soi très juste et très 
fondé; mais qu’en tirer d’utile pour le cas présent ? Rien, nous semble- 
t-il, puisque le premier membre de la proposition disjonctive est 
aujourd’hui admis par tout le monde. L’Appendice, dans la même 
page, rend fort bien raison de cette unanimité : « Les lettres ont fait 
leur apparition en 1615, deux ans après la condamnation du jansénisme 
et après la mort de l’abbé de Saint-Cyran, et personne n'a jamais vu 
l'original d'aucune. Elles furent publiées par Robert Arnauld d'Andilly, 
ami et disciple de Saint-Cyran et frère de la Mère Angélique. Mais à 
peine eurent-elles vu le jour que leur authenticité fut contestée de 
toutes parts. Sommé de produire les originaux, d'Andilly promit de le 
faire, et il ne le fit point. Lui mort, ses héritiers coupèrent court aux 
réclamations en déclarant que les manuscrits étaient perdus. » Bref, 
les neuf lettres de 1645 sont manifestement inauthentiques, et de 
la comparaison avec elles il ne peut résulter aucun préjudice pour les 
trois lettres & à une grande servante de Dieu ». Aussi-bien, quant à 
celles ci, il nous suffit de constater qu'aucun motif sérieux n'existe d'en 
revendiquer l'honneur ou le bénétice pour la Mère Angélique et, par 
ricochet, pour le parti janséniste. 

Le second Appendice nous met sous les yeux quelques extraits 
probants des deux groupes de lettres trop étroitement apparentés pour 
que l’un des deux ne soit pas un décalque maladroit, destiné à faire 
des dupes. IT contient en outre, d'après une Histoire non publiée de la 
fondation du premier Monastère de la Visitation de Paris, des détails 
tres intéressants et très précis sur les inimaginables péripéties de la 
résistance des religieuses de Port-Royal à la Mère Louise-Marie de 
Fontaine, qu’on leur avait donnée comme supérieure, Ces indications 
contirment, en les complétant, celles du Père Rapin sur le même sujet. 


J, FORGET. 


A. GAZIER : HISTOIRE GÉNÉRALE DU MOUVEMENT JANSÉNISTE. 119 


AceusTin Gazier. Histoire générale du mouvement janséniste, depuis 
ses origines jusqu’à nos jours. Paris, E. Champion, 1922. 2 vol. 
in-42, x-342 et 376 p. Fr. 30. 


M. Gazier est le premier historien qui se soit efforcé de nous donner 
une histoire complète du jansénisme « depuis ses origines jusqu'à nos 
jours ». En outre, dans cet ouvrage, il veut s'attacher, plus que les 
historiens précédents, à mettre en lumière les doctrines du jansénisme 
ou, ce qu’il appelle lui-même, « l'esprit port-royaliste ou janséniste ». 

L'ouvrage complet comprend vingt neuf chapitres, dont les douze 
premiers sont consacrés à l’histoire du jansénisme jusqu’à la destruc- 
tion du monastère de Port-Royal en 1709, les onze suivants, aux 
controverses suscitées en grande partie par la bulle Unigenitus, les six 
derniers, aux vicissitudes qu'ont éprouvées les jansénistes depuis la 
Révolution française. 

Les douze premiers chapitres présentent relativement beaucoup 
moins d'intérêt que les suivants. Nous possédons, en effet, pour cette 
periode, l'admirable Port-Royal de Sainte-Beuve et une foule de 
mémoires, de relations et d'histoires jansénistes, dont M. Gazièr se 
contente de reprendre les affirmations. Ainsi, pour M. Gazier, comme 
pour les historiens jansénistes du xv11° siècle, le jansénisme se rattache 
directement à l’augustinisme orthodoxe ; ses trois chefs, Jansénius, 
Naint-Cyran et Arnauld, ne ressemblent en rien à des hérésiarques, 
ruisqu'ils ont été, pendant toute leur vie, animés du zèle le plus pur 
pour l'Eglise et l’orthodoxie ; enfin, la vraie hérésie en matière de la 
grâce et de la prédestination c’est le molinisme, répandu par les 
jésuites, qui a été justement réprouvé par les grandes écoles de théo- 
logie, par les dominicains, voire même par le Saint-Siège. De même, 
pour l'affaire des cinq propositions comme pour l’histoire du formulaire 
et de la paix de Clément IX, on ne retrouve, chez M. Gazier, qu’un 
resumé du Journal de Saint-Amour et des relations jansénistes. 

L'histoire de la bulle Unigenitus est, jusqu'à présent, fort mal connue. 
M. Gazier a le mérite de la reconstituer, au moins dans ses grandes 
lignes, encore qu'il le fasse dans un esprit franchement apologétique 
et janséniste. On ne peut guère nous demander de résumer ici les 
vives polémiques et les nombreux incidents auxquels cette fameuse 
bulle a donné lieu. Ils remplissent, en effet, presque toute l’histoire de 
l'Eglise en France pendant le xviri° siècle, et intéressent toutes les 
classes de la société : les membres du gouvernement et des parlements, 
les papes, les évêques, les curés et les religieux, les philosophes et les 
littérateurs, même le peuple : tous ont été engagés dans le débat et 
amenés à prendre position dans la question janséniste. 

Pendant la Révolution française et le règne de Napoléon, les jansé- 
nistes de France n'eurent pas spécialement à souffrir des changements 
de régime politique. Mais leur nombre et leur influence allaient en 
diminuant. Bientôt ils ne formaient plus qu'un petit groupe, dont le 


120 COMPTES RENDUS. 


centre restait Paris. À partir de 1830, l’histoire du mouvement jansé- 
niste ne touche plus à l'histoire générale. On lira cependant avec 
intérêt les anecdotes rapportées par M. Gazier, dont plusieurs font 
mieux connaître certains personnages historiques du xix° siècle. 

M. Gazier a reproduit, en appendice, 1) les « propositions erronées 
extraites du livre de Molina et condamnées par la bulle inédite de 
Paul V en 1007»; 2) « l'édition janséniste de la bulle Unigenitus 
(1741) » ; 3) « la bulle Unigenitus et le pape Clément XI d'après les 
archives du Vatican ». 

Comme il a déjà été dit, l'ouvrage de M. Gazier a été composé dans un 
but ouvertement apologétique. « Le jansénisme n’est qu'un fantôme »; 
«il n’y a jamais eu de véritables jansénistesy : telle est la profession 
de foi que l’auteur adresse, au début, à ses lecteurs et qu’il essaie de 
justifier au cours de tout son livre. Cette tendance apologétique que 
l’on saisit presqu’à chaque page, diminue singulièrement la valeur 
de cette histoire du jansénisme. Et si on lui reconnaïtra uue grande 
richesse d'information, on n’accordera, en général, qu’un faible crédit 
aux interprétations et aux jugements qu'elle donne des faits et des 
hommes. 

De plus, on regrettera que, dans une histoire générale du jansé- 
nisme, M. Gazier n'ait pas donné une place plus grande aux contro- 
verses suscitées aux Pays-Bas et en Italie. Les quelques pages qui leur 
sont consacrées, sont manifestement insuflisantes pour donner une idée 
du mouvement janséniste dans ces pays. Même des événements de 
première importance, comme p. ex. la célébration du concile de Pistoie, 
y sont passés sous silence. 

Enfin, à mon avis, M. Gazier ne nous donne guère, ce qu’il nous 
avait promis, une histoire des doctrines jansénistes. Ses idées sur la 
vérité du jansénisme et sur la parfaite orthodoxie de ses défenseurs 
l'ont empêché de voir l'évolution doctrinale des controverses provoquée 
par les condamnations successives de Rome. Sous ce rapport encore, 
on pourra relever chez M. Gazicr de graves lacunes. Ainsi, pour ne 
citer qu'un exemple, aucune relation n’est Ctablie par lui entre l'Augus- 
tinus et la doctrine de Baius. 

En somme, l'ouvrage de M. Gazier présente de très graves défauts et 
de lacunes regrettables et il est loin de nous présenter une histoire 
impartiale et générale du mouvement janséniste. D'autre part, on y 
apprendra de nombreux détails inédits, notamment sur l’histoire reli- 
gieuse du Xvir1° et du x1x° siecle. A. DE MEYER. 


Dr JoRANNES B. KissLiNG. Der deutsche Protestantismus (1817-1917). 
Eine geschichtliche Darstellung. T. 1-11. Munster, Aschendorff, 
1948. x1-422 ct x1-440 pages. 


Ce fut une excellente idée qu'eut avant la grande guerre M. le docteur 
Kissling, de retracer dans le détail, en vue du centenaire de Luther, 


J. B. KISSLING : DER DEUTSCHE PROTESTANTISMUS. 121 


qui tombait en 1917, cent ans d'histoire du protestantisme allemand : 
les deux volumes que nous avons sous les yeux, parus durant la der- 
nière année de la guerre, méritent d'être considérés comme une excel- 
lente synthèse du sujet. Au début, nous assistons à l’audacieuse 
entreprise d’un roi de Prusse, il y a un siècle, pour supprimer les 
diverrences dogmatiques entre luthériens et calvinistes, et construire, 
tant bien que mal, une Église évangélique prussienne dont l'État sera 
le cadre ; d’un bout à l’autre de l'ouvrage, nous sommes témoins des 
itempérances d’une pensée théologique mal contenue par le principe 
du libre examen, mais défendue par l'Etat — par l'Etat seul — contre 
œærtains vertiges ; et lorsque le livre se clot, nous sommes à la veille 
du jour — fut-il prévu par M. Kissling ? — où toutes les armatures 
d'Etat qui enserraient, partout en Allemagne, l'établissement protes- 
tant, vont succomber. 

L'ouvrage manque de conclusion, car ce n’est point réellement con- 
clure, que de citer, en terminant, certaine brochure publiée en 1917 par 
un orthodoxe d’Altona, et où se lisent des phrases comme celles-ci : 
«Le protestantisme n’a aucune raison de fêter des jubilés, mais bien 
plutôt de faire pénitence, dans un sac et dans la cendre. Le mouvement 
de réformation qui eut son point de départ en 1517 a expulsé un diable, 
mais en à introduit sept, plus acharnés ; la réformation peut à juste 
titre étre nommée une déformation, parce que ses bonnes intentions se 
sont pour la plupart dévoyées ; une réforme de la vieille Eglise était 
en ce temps-là nécessaire, mais celle qui est survenue est manquée. La 
seule puissance d’idées qui en Allemagne ait de l'influence sur la vie 
populaire est aujourd’hui l’Église romaine, parce qu’elle est catholique. » 

Voilà les citations par lesquelles s’achèvent les deux volumes de 
M. Kissliog ; elles sont comme le point final après lequel il pose la 
plume. 

Comment lui reprocherais-je cette maigreur de conclusions, qui 
l'amène, à l'issue d’un travail aussi fouillé, à reproduire tout uniment 
les thèses un peu sommaires d’un écrit de polémique ? M. Kissling, au 
moment où il publia ce livre, avait probablement le pressentiment 
qu'une période nouvelle allait s’ouvrir pour les Eglises protestantes ; 
les craquements mêmes qui commençaient à se faire entendre dans 
l'Etat présageaient à ces Eglises un changement de destinée. Mais 
pouvait-on lui demander d'arrêter sa pensée sur l’imminence de cer- 
taines catastrophes politiques, évidemment douloureuses pour lui? 
L'ouvrage de M. le docteur Kissling tourne court, parce que soudaine- 
ment, au moment où il achève son avant-dernière page, les charpentes 

ficielles où s’encastrait le protestantisme s’effondrent. 

Son œuvre a l’insigne mérite de ne laisser dans l’ombre aucune des 
activités du protestantisme : de période en période, l’auteur en décrit 
l'activité sociale, non moins que l’activité théologique. Sans cesse il 
s'appuie sur les textes ; les monographies de tous les personnages qui 
se sont fait un nom dans les Églises allemandes du dix-neuvième siècle 


122 COMPTES RENDUS. 


lui sont familières. On a plaisir, aussi, à le voir, lorsqu'il le peut, con- 
sulter certaines enquêtes sociales pour y puiser des détails sur l'état 
moral et religieux des populations. Il donne des précisions sur l'effort 
missionnaire du protestantisme allemand; peut-être est-il permis de 
les trouver un peu rapides, et consistant surtout en des chiffres. Mais 
dans un livre où l’auteur se préoccupe sans cesse de montrer les évo- 
lutions d'idées qui se produisent au sein de la Réforme, on aimerait 
rencontrer quelques pages sur les progrès qu'a faits, au dix-neuvième 
siècle, l’idée même de mission chez les païens ; car, dans ce domaine 
aussi, l’on vit se dessiner certains courants d'idées qui paraîtront sin- 
gulièrement neufs si nous nous rappelons les véhémentes hostilités 
auxquelles se heurtèrent, dans l'Allemagne du xvn* siècle, quelques 
âmes d’apôtres, éprises du salut des sauvages. 

Pour chaque époque, M. Kissling consacre un chapitre aux mouve- 
ments de conversion qui amenèrent des Âmes protestantes à l'Eglise 
romaine ou des âmes catholiques à la Réforme : mais dans le récit de 
la période qui s'écoule entre les années 1890 et 1917, ce chapitre fait 
défaut. 

Enfa les pages très brèves sur les travaux consacrés à Luther 
auraient pu, nous semble-t-il, prendre plus d’ampleur : il y aurait eu 
une étude à faire sur l'effort constant de l'empire bismarckien pour 
« nationaliser » de plus en plus la personnalité de Luther ; mais on se 
rendra compte aisément que les circonstances parmi lesquelles M. le 
docteur Kissling a mené son livre à bonne fin lui rendaient difficiles 
certaines constatations. 

Et d'avoir, parmi de pareilles circonstances, suivi avec tant de pré- 
cision et tant de sérénité scientifique les vicissitudes du protestantisme 
allemand, c'est ce dont on doit faire honneur à M. Kissling, et lui dire 


merci. GEORGES GOYAU. 


+. © 


CHRONIQUE (1). 


Allemagne. — G. ScHREIBER, Die Not der deutschen Wissenschaft und der 
gastigen Arbeiter (Leipzig, Quelle et Meyer, 1923. 149 p.) montre qu’en 
Allemagne, comme dans les autres pays à change déprécié et plus que partout 
ailleurs, la situation économique pèse sur les travailleurs intellectuels, 
entrave les recherches scientifiques, empêche les publications importantes 
qui ne peuvent compter sur des achete1rs étrangers et amène la disparition 
de nombreuses revues, presque toutes étant obligées de réduire leur étendue. 


Très souvent les publications faites en collaboration manquent d'unité et 
renferment des partics de valeur fort inégale. On retrouve ces défauts dans 
le grand travail édité par l'historien berlinois E. Marcxs et le professeur de 
Munich K. À. v. MueLer : Meister der Politik. Eine weltgeschichtliche Reihe 
yon Bildnissen. T. I-III. (Berlin et Stuttgart, Deutsche Verlagsanstalt, 1922- 
1923. In-4.) A côté d'excellentes biographies, qui sont l’œuvre de spécialistes et 
lc fruit de longues années d’études, telles que celles signées par E. Schwartz 
Hampe, Marcks, etc., ces volumes en contiennent d'autres de moindre 
importance. De plus, tous les collaborateurs n’ont pas la même idée de la 
politique ni la même notion du grand homme politique. Plusieurs biographies 
pe sont autre chose qu’une page d’histoire générale. Et que viennent faire 
Calvin et Ignace de Loyola au milieu de Othon le Grand, Grégoire VII, 
Innocent III, Charles IV, Séliman, Charles-Quint ? Seraient-ils tous politi- 
ciens et au même titre ? 

Nombre de ces études intéressent l'histoire ecclésiastique, comme l’in- 
diquent les noms que nous venons de citer et auxquels on pourrait en ajouter 
d’autres ; malheureusement, ce ne sont pas toujours les meilleures. Ainsi. si 
E. Schwartz nous fait bien connaître Constantin, J. Haller donne des 
appréciations inexactes de Grégoire VII et Innocent III; E. Gothein n’a pas 
suffisamment tenu compte des recherches de Bôhmer en écrivant sur 
$. Ignace; la biographie de Léon XIII par W. Goetz ne donne pas un portrait 
fdèle de ce pape. 


— M. G. Suezer, président de la cour de cassation à Zurich, est un chaud 
partisan du spiritisme. Il admet, sur la foi des expériences spirites, l'existence 
des âmes désincarnées, des purs esprits, voire même celle des kobolds. En 
otre, il croit non seulement que les âmes désincarnées et les esprits peuvent 
entrer en relations avec les vivants, — ce à quoi il trouve profit, — mais 
exore qu’ils peuvent les affliger et 1cs posséder. M. Sulzer s’attache à 
Prouver ses croyances en discutant avec le Dr Henneberg six cas de maladie 


(1) Le Comité de Rédaction sera reconnaissant aux Sociétés savantes, aux 
Auteurs et aux Libraires qui voudront bien lui adresser (rue de Namur, 40, 
Lotvaix) Les nouvelles, les articles et les ouvrages qui peuvent être annoncés 
“lement soit dans la CHRONIQUE, soit dans la BIBLIOGRAPHIE de lg REVUE 
D'HISTOIRE KCCLÉSIASTIQUE. 


124 CHRONIQUE. 


mentale, qui relèveraient tous de la présence d’un esprit et qu’il propose 
d'appeler « dementia, paranoïa spiritistica ». Après avoir indiqué les causes 
et les caractères de la possession, il étudie, à la lumière de ces données, 
les narrations des évangiles qui ont trait aux possédés (Die Besessenheits- 
heilungen Jesu. Leipzig, Oswald Mutze, 1921. 52 p.) et il conclut que tous 
les caractères de la possession, signalés par le spiritisme moderne, y sont 
réalisés. L'auteur se déclare heureux d’avoir établi de cette façon la réalité 
de l’objet des croyances de Jésus et des évangélistes, et d’avoir contribué à 
prouver l’historicité du surnaturel dans la vie du Christ. La brochure n’a 
guère de valeur scientifique. On peut la lire à titre de curiosité. 
J. CoPPENs. 


— W. Larrezp, en étudiant l'inscription de Delphes, arrive à la 
conclusion que S. Paul aurait séjourné à Corinthe de l'automne 51 au prin- 
temps 53 (Neue kirchliche Zeitschrift, 1923, t. XXXIV, p. 638-647). 


Le Privatdozent Dr Max RAUER consacre une étude aux « faibles », dont 
il est question dans les épîtres de S. Paul Ad Cor. et Ad Rom. : Die 
Schwichen in Korinth und Rom (Biblische Studien, t. XXI, fasc. 2-3. Fribourg, 
Herder, 1923. 192 p.). Rauer admet que, dans les deux lettres, ces faibles sont 
des chrétiens venus de la gentilité. Ceux de Corinthe, par suite de l’horreur 
qu'ils avaient pour le culte idolâtrique, considéraient encore les idolothytes 
comme essenticllement viciés par l’action du démon. Ceux de Rome avaient 
conservé de l'ancien culte des mystères une fausse estime de certaines 
abstinences, qu'ils croyaient être particulièrement méritoires et efficaces et 
qu'ils désiraient conserver. GR. 


— Dans les Sitzungsberichte d. preuss. Ak. d. Wiss. de Berlin (x92x, 
p. 989-1017) E. SECKEL communique la reconstitution qu'il a faite du texte 
de l'inscription CILVIIL25045, retrouvée à Carthage en 1900. De cette inscrip- 
tion, coupéc verticalement, la partie centrale a disparu, laissant le texte de 
chaque ligne interrompu. Seckel a réussi à combler cette lacune considérable 
(le texte reconstitué forme à peu près le tiers de l’inscription) et à déterminer 
le contenu, la date et la patrie du monument. Il y voit notamment un décret 
contre les « bigames » (veufs remariés), porté par la communauté montaniste 
de Carthage à la fin du 11e siècle. Le texte reconstitué par Seckel est aussi 
reproduit dans la Zeitschrift für Kirchengeschichte, 1923, nouv. sér., t. V, 
P. 43. A. D. M. 


— Dans un article : Zu den am Rhein, in Trier und in Vermand gefundenen 
altchristlichen Bronzereliefs (Byzantinisch-neugriechische Jahrbücher, 1923, 
t. IV, p. 84-92), E. BECKER étudie les appliques en bronze de l’époque romaine 
trouvées dans les pays indiqués. Par le style aussi bien que par les motifs, 
elles ne rappellent pas seulement les sculptures des anciens sarcophages 
chrétiens dont elles dépendent, mais elles sont aussi étroitement apparentées 
aux objets du culte de Mithra retrouvés dans ces mêmes pays. Elles témoignent 
ainsi de l’existence simultanée des deux religions dans ces régions ; mais de 
plus, comme on a trouvé des objets analogues en Pannonie, il paraît vraisem- 
blable qu'ils ont été apportés et répandus par les légionnaires romains qui 
changeaient fréquemment de cantonnement. L'auteur espère tirer des con- 
clusions intéressantes d’une étude comparative des trouvaiiles faites sur les 
bords du Rhin et sur les bords du Danube, 


ALLEMAGNE. 125 


Dans les By7.-neugriech. Jahrb., 1923, t. IV, p. 107-128, Nikos A. Bees 
publie un article sur les Darstellungen altheidnischer Denker und Autoren in 
der Kirchenmalerei der Griechen. Il commence par relever les deux courants 
d'idées qui existaient dans |’ Église grecque : si la doctrine officielle et 
plus encore la liturgie étaient hostiles aux grands penseurs de l'antiquité, 
ceux-ci comptaient par contre des admirateurs sincères chez les principaux 
représentants de cette Église. Partant de cette constatation, il étudie d’abord 
le manuel de peinture du Mont Athos et montre ensuite que de fait on trouve 
dins des églises, tant au Mont Athos qu’en Grèce et en Asie Mincure, à côté 
d'icones, des représentations de Platon (parfois avec nimbe), d’Aristote, de 
Socrate, de Philon, etc. Toutes ces images datent, il est vrai, de la domination 
ttrque et se trouvent en général dans le narthex de l'église, qui servait aussi 
d'école. En finissant, l’auteur fait remarquer que parcilles représentations 
sont très rares en Occident. Il aurait cependant pu en trouver encore quel- 
ques exemples dans F. X. KRaAUS, Geschichte der christlichen Kunst, t. IL 
p. 403 et dans E. Mae, L'art religieux du XIIIC siecle en France, 3° édit., 
P. 387-389. 


Dans la Zeitschrift für Missionswissenschaft, 1923, t. XIII, p. 135-152< 
E. FLaskamp étudie la conversion de la Hesse par S. Boniface. La fondation 
du monastère de Fritzlar, que l’on plaçait jusqu'ici dans les années 732-735, 
en se basant sur la vie de S. Boniface, aurait eu lieu, d’après lui, pendant les 
premiers temps du ministère du saint en Hesse. en automne 723. 


G. Lüers, Marienverehrung mittelalterlicher Nonnen (Aus der Welt 
Christlicher Frümmigkeit. T. VI.) Munich, E. Reinhardt, 1923. vix1-64 p. Après 
une introduction sur les fondements théologiques du culte de la Vierge, 
l'auteur montre la dévotion à Maric en honneur d'abord chez les religieuses 
du haut moyen âge, Hrosvith de Gandersheim, Herrad de Landsperg et Uta 
de Ratisbonne, ensuite chez les grandes mystiques allemandes depuis Hilde- 
garde de Bingen jusqu'aux deux Ebnérin. Gr. 


— Encore une petite énigme qui disparaît de l’histoire de l’ancienne 
littérature chrétienne par le hasard d’une heureuse découverte! L'édition 
des œuvres de saint Léon le Grand, donnée par les Ballerini, donne les 
lettres 34 et 35 comme adressées à Julien, évêque de Cos. On se demandait, 
sans pouvoir répondre d’une manière satisfaisante, comment le Pape avait 
adressé le même jour deux lettres de même contenu au même personnage. 
Un manuscrit de Munich (lat. 14540, s. viui), qui présente les lettres de saint 
Léon dans une recension datant, semble-t-il, des environs de 550, désigne 
comme destinataire de la seconde de ces lettres, Juvénal, évêque de 
Jérusalem. C’est la perspicacité de A. JüLICHER qui a distingué et relevé la 
valeur de ce détail, en recensant (Theologische Literaturzeitung, 1923, 
t XLVIII, c. 419) l'ouvrage de E. H. BLAKENEY : The Tome of Leothe Great 
(Londres, 1923). Le manuscrit de Munich renferme peut-être encore d’autres 
données critiques intéressantes ; on comprend que A. Jülicher en souhaite 
une prompte exploration par un savant aussi compétent que C. H. Turner, 
qui l’avait rendu accessible à M. Blakeney. 


Dans une note de la Theologische Literaturzeitung (1923, t. XLVII, 
col 431-432), G. KRüGER signale et commente brièvement une découverte 
qui rappelle absolument celle, faite il y a quelque trente ans, de l’Apologie 


136 CHRONIQUÉ. 
‘ 

d'Aristide dans le roman de Barlaam et Joasaph. Sous le titre À New Chris- 
tian Apology, J. Renpez Harris communique, dans le Bulletin of the John 
Rylands Library, Manchester (1923, t. VIL, p. 355-383) qu’il a retrouvé, dans 
les Actes du martyre de sainte Catherine du Sinaï, une apologie chrétienne 
aussi ancienne que celle d'Aristide. Il s’agit d’une réfutation de la croyance 
aux faux dieux, dans laquelle sont insérés des emprunts aux auteurs paiens, 
et qui se termine par une profession de foi chrétienne. J. Rendel Harris va 
même jusqu’à compter sérieusement avec la possibilité de rentrer ainsi en 
possession de l’apologie de Quadratus, dont on sait qu'Eusèbe de Césarée a 
conservé le seul fragment connu. G. Krüger ne croit pas pouvoir le suivre 
jusqu’à ce point, mais il n’en reconnaît pas moins la valeur de la thèse 
principale concernant l'insertion d’une ancienne apologie du christianisme 
dans les Actes de sainte Catherine. Cette découverte sera saluée avec une 
heureuse surprise par tous les amis de l’ancienne littérature chrétienne. 


Voulant étudier certains points de la théologie de saint Maxime le 
Confesseur, M. W. Soppa n'a pas tardé à remarquer que la critique n'avait 
pas encore assuré des bases documentaires assez fermes aux recherches doc- 
trinales. Dès le principe, son attention a été frappée du peu de garanties 
d'authenticité que présente une collection considérable de diversa capita 
attribuée par certains manuscrits et par les éditions au théologien byzantin. 
Les premiers doutes se sont confirmés et des constatations ultérieures ont 
convaincu M. Soppa de l’'inauthenticité de cet ouvrage. C’est à établir cette 
thèse qu’il a consacré sa dissertation doctorale : Die Diversa capita unter den 
Schrifien des heiligen Maximus Confessor in deutscher Bearbeitung und 
quellenkritischer Beleuchtung (Dresde, 1922. In-8, 132 p.). Dans la plus grande 
partie de sa publication, l’auteur s’est employé à mettre en lumière le sens, 
souvent assez obscur, des capita ; à cette fin, il a donné un exposé fidèle et 
clair de leur contenu plutôt qu’une traduction littérale du texte grec. Autant 
qu'il l'a pu, c’est-à-dire pour 451 chapitres sur 500, il a indiqué les références 
à d’autres écrits, attribués aussi à Maxime, et avec lesquels on constate 
une ressemblance qui va jusqu’à la concordance verbale et démontre un 
rapport de parenté littéraire indéniable. Or, parnu ces textes parallèles, on 
trouve les scolies aux Questiones ad Thalassium. L'authenticité de ces 
scolies n’est guère appuyée par la tradition manuscrite ; elle se heurtc au 
silence de Photius et à des dithcultés internes, qui paraissent très graves à 
M. Soppa ; aussi n’hésite-t-il pas à la nier catégoriquement. La composition 
des scolies étant renvoyée au milieu du xie siècle, la composition des diversa 
capita, qui en dépend, ne peut plus étre rapportée à saint Maxime (580-662). 
Ce n'est pas à dire que tous les capita doivent être considérés comme apo- 
cryphes, car beaucoup sont empruntés à des ouvrages qui se réclament 
encore légitimement du Confesseur. Mais la compilation comme telle ne peut 
plus figurer parmi ses œuvres. On peut conjecturer avec vraisemblance 
qu'elle a été composée, au xric siècle, par un certain moiae Antoine dont la 
Melissa présente de grandes analogies avec les diversa capita, et dont le nom 
est substitué à celui de saint Maxime dans un grand nombre de manuscrits. 
Il est à souhaiter que les circonstances permettent à M. Soppa de combler 
les lacunes, qu’il reconnaît lui-même, et les imperfections de ses informations 
touchant la tradition manuscrite. Dant l’état actuel des choses, les spécia- 
listes préfèreront sans doute réserver leur jugement définitif; mais il reste 
au moins À l'auteur le mérite d'avoir posé une question intéressante et 


Re ne re RER GS 


ALLEMAGNE. 12? 


d’avoir, pour la résoudre, réuni des éléments de valeur et proposé une hypo- 
thèse qui est digne d'attention. C’en serait assez pour le féliciter et l’encou- 
rager à pousser plus avant les études nécessaires pour mettre en pleine 
lumière la valeur théologique de saint Maxime et l'influence de sa science 
sur ses contemporains et ses successeurs. 


On sait l'essor pris, en ces derniers temps, par les études d'histoire de 
la liturgie, ct les efforts faits pour donner des bases et une orientation 
ngourcusement scientifiques aux recherches et aux travaux dans ce domaine. 
C'est la tâche que s'est assignée le Verein zur Pflege der Liturgiewissenschaft, 
dont le siège est à l’abbaye bénédictine de Maria Laach; il la poursuit avec 
un zèle aussi louable qu’éclairé en publiant un Jahrbuch für Liturgiewissen- 
schaft et deux collections très méritantes, dont nous avons déjà parlé, les 
Liturgiegeschichtliche Forschungen et les Liturgiegeschichtliche Quellen. Dans 
cette dernière série, dont il partage la direction avec notre collaborateur 
dom C. Mohlberg, le Dr A. RuEcxer, professeur à l’université de Munster, 
vient de faire paraître un quatrième fascicule : Die syrische Jakobosanaphora 
sach der Rezension Ja‘q6b(h) von Edessa, mit dem griechischen Paralleltext 
(Munster, Aschendorff, 1923. In-8, xxxr1-88 p.). Il a voulu par là mettre entre 
les mains des travailleurs la forme syriaque de cette partie d'une très 
ancienne liturgie de la messe. Les circonstances difficiles de l’heure présente 
n'ont pas permis de pousser jusqu’au bout l’examen des manuscrits, ni donc 
de donner une édition critique et définitive, mais seulement de faire un pas 
déjà très notable dans cette voie. Le texte reproduit est celui du plus ancien 
manuscrit complet de l’anaphore attribuée au frère du Seigneur, c’est-à-dire, 
celui du Brit. Mus. Addit. 14493 (s. x). L’apparat critique cst, comme le dit. 
l'éditeur, tout à la fois négatif, en ce sens qu’il note les variantes des autres 
manuscrits qui ont pu être collationnés, et positif parce qu’il fait intervenir 
jes éléments et citations empruntés aux commentateurs. Dans de doctes 
prolégomènes, M. Rücker étudie et expose l’histoire de la transmission du 
texte, les rapports des témoins, par l'examen des manuscrits, des autres 
versions, des commentaires et des éditions antérieures. Le texte grec 
n'intervient ici qu’en ordre secondaire, pour permettre la comparaison avec 
le texte syriaque ; aussi est-ce un texte éclectique, remanié, déchargé des 
éléments qui manquent en syriaque et, par contre, enrichi de reconstitutions 
conjecturales ou d’une traduction allemande pour ce que le syriaque offre en 
pius. Trois appendices donnent des textes complémentaires, entre autres 
(App. II) le texte complet des prières dont les manuscrits syriaques se 
contentent de noter les premiers mots parce que les officiants devaient les 
connaître de mémoire. Nous devons une mention spéciale aux deux lexiques, 
svriaque et grec, qui terminent le fascicule ; ils notent avec références les 
mots et expressions caractéristiques qui se rencontrent dans les textes. La 
confection de tels lexiques est une heureuse et très utile habitude des publi- 
cations scientifiques modernes ; elle rend les plus précieux services à tous 
ceux qui sont amenés à s’occuper des traductions syriaques d'œuvres grecques 
en leur permettant des études comparatives qui résolvent, à l’occasion, de 
véritables énigmes. On regrettera que l'éditeur n'ait pas fait figurer dans ces 
lexiques les éléments des deux derniers appendices et les noms propres. Cette 
publication, dont nous félicitons très sincèrement M. Rücker, ne peut que 
tonfirmer le renom scientifique et augmenter la valeur de la savante collec- 
ton dans laquelle elle a paru et où elle tiendra une place marquante. Puissent 


LD 


128 CHRONIQUE. 


les études liturgiques être poursuivies dans cette voie et avec cette méthode ; 
c’est ainsi qu’elles seront sérieuses et fécondes. J. Leson. 


— Dans le Neues Archiy (19233. t. XLV, p. 102-112), P. KEHR rappelle 
l’histoire de la Bibliothieca Rossiana (voir RHE, 1922, t. XVIII, p. 428) et 
extrait de son catalogue la liste des mss à consulter par les éditeurs des 
Monumenta Germaniae historica. Il examine en particulier deux mss de 
Casamari d'où il tire deux textes publiés en annexes : 1) un privilège accordé 
par Innocent III à S. Domenico, près de Sora (28 juin 1206), et 2) un diplôme 
adressé par l’empereur Frédéric IT à l’abbaye de Casamari (juillet 1222). 


L'article du P. Vox, Aus der mittelalterlichen Klosterbibliothek von 
St Jakob in Luttich (Benediktinische Monatschrift, 1923, t. V, p. 328-337) donne 
des détails intéressants sur le contenu et l’organisation de cette bibliothèque 
et sur la manière dont elle s'enrichissait. Gr. 


— G. WENTZ, qui, en 1922, publia une étude sur l’histoire économique du 
couvent des Augustins de Diesdorf en Brandcbourg, poursuit ses études dans 
l’article : Gewerbe und Kloster (Forschungen j;ur brandeburgischen und preus- 
sischen Geschichte, t. XXXVI, p. 1-13). Des comptes des xive et xve siècles il 
ressort que le couvent n’entretenait pas d'artisans chez lui, mais recourait à 
ceux de la localité pour les travaux ordinaires, à ceux des villes pour les 
travaux plus artistiques. Les salaires qu'il payait étaient très élevés ; mais le 
payement se faisait en grande partie en matières premières. Cette constata- 
tion faite dans une étude locale semble avoir une portée plus générale et 
pourrait sans doutc se vérifier dans d'autres endroits. 


Dans son article Die Papstbiographien des Johannes Porta de Annoniaco 
(Neues Archiv, 1923, t. XLV, p. 112-119), R. SALOMON reprend l'hypothèse 
émise par M. G. Mollat, d’après laquelle Johannes Porta serait l’auteur de la 
Vita ILs de Clément VI. En se basant sur les ressemblances de style qui 
existent entre cette Vita et le Liber de Coronatione Karoli VI, M. Salomon 
croit pouvoir attribuer avec certitude la Vita à Johannes Porta. Celui-ci serait 
aussi l’auteur de la Vita Ils de Benoît XII. 


— Dans la Zeitschrift für Bücherfreunde (E. Seemann, Leipzig, 1923. Nouv. 
sér., t. XV, p. 60-63) le Dr O. LeuzE publie une intéressante notice : Die 
Bibliothek der Nikolauskirche in Isny. La bibliothèque de cette église évan- 
gélique date de la fin du xve siècle ; à la suite de la fondation d’une prébende 
pour prédicateur, elle s'accrut par des donations de chapelains et par des 
legs de bourgeois enrichis à la suite de voyages en Italie et en France. À la 
fin du xviie siècle, la collection (qui ne s’augmenta plus guère depuis) com- 
prenait 2.500 ouvrages, dont 80 mss ; ceux-ci, pour la plupart du 
xve siècle, contiennent des sermonnaires, des traités théologiques, etc. Le 
catalogue des incunables a été pu*hlié en 1916 par le même Dr O. Leuze. Il 
comprend 170 numéros. H. Neris. 


— F. ENGEeL-Janost : So;ialprobleme der Renaissance (Oesterreichische 
Rundschau, 1923, t, XIX, p. 831-840) fait connaître l'attitude prise à cette 
époque par l'Église et les théories développées par les écrivains catholiques 
à l'égard de la recherche sans mesure de la richesse. Une défense des gains 
exagérés et le rappel de l'idéal spiritualiste pourraient, d’après l’auteur, avoir 
les mêmes résultats à notre époque. Son exposé est attachant, malgré son 
optimisme, 


ALLEMAGNE: 129 


La librairie Heinsius de Leipzig vient de publier, en 1923, let. XVIII 
(198 p.) de la collection : Briefe Martin Luthers, commencée par Enders et 
Kawerau. Ce tome, préparé par feu FLEMMING et achevé par O. ALBRECHT, 
contient des compléments aux volumes précédents. Gr. 


— Malgré les travaux des biographes antérieurs, la vie et les entreprises 
apostoliques de saint Clément Hofbauer n'avaient pas encore été mises dans 
leur plein jour. Les documents rassemblés par le P. A. INNERKkOFLER, C.SS.R., 
dans son livre, Der Heilige Klemens Maria Hofbauer, dont la deuxième édi- 
tion parut en 1913 à Ratisbonne, projetèrent une lumière nouvelle sur la 
figure du saint rédemptoriste. Plus largement muni encore, grâce à ses 
propres découvertes, le P. J. HorEer, C. SS. R., publie une biographie 
détaillée, mais sans longueurs, et fidèle : Der heilige Klemens Maria Hofbauer. 
Ein Lebensbild. (2e et 3° édit. Fribourg-en-B., Herder, 1923. In-8, x1x-457 p. 
Fr. 7,50). Attrayant récit d’une existence remarquablement féconde ; non seule- 
ment Hofbauer a réalisé cette gageure de propager sa congrégation au plus 
fort des guerres de la Révolution et de l’Empire, de l'implanter au centre 
mème du joséphisme, mais il a contribué efficacement au renouveau catho- 
lique en Autriche et en Allemagne, par son influence sur un groupe de jeunes 
gens de l’université de Vienne qu'il animait de son esprit. C’est spécialement 
sur cette partie de son action que l’auteur apporte des précisions nouvelles, 
utiles à l’histoire de l’Église contemporaine. P. DEBONGNIE. 


— L'article d'O. GRUENDLER zur Franz von Baader (dans Hochland, 1923-24, 
t. XXI, fasc. 2) constitue une importante contribution à l'histoire de la philo- 
sophie allemande au commencement du xixe siècle. Il contient une notice 
biographique de von Baader et expose les rapports de sa philosophie avec 
l’ontologisme. Gr. 


— ]. Kizi, S. J., Der grosse Schwarzrock, P. Peter Johannes De Smet, S. J. 
(Jesuiten Lebensbilder grosser Gottesstreiter, hrsg. v. K. Kempf, S. J.) 
Fribourg-en-Br., Heracr, 1922. In-12, 245 p. 

En septembre dernier, la ville de Termonde célébrait le cinquantième 
anniversaire de la mort d’un de ses plus glorieux enfants, missionnaire 
pendant près de 25 ans (1840-1873) chez les Peaux-Rouges, Mais il ne faudrait 
pas croire que le P. De Smet soit seulement une gloire locale. Godetroid 
Kurth disait de lui que la Belgique n’avait pas produit de plus grand homme 
au xIxe siècle et la République américaine a placé la statue de cet étranger, 
de ce prêtre catholique, au capitole de Washington. 

La première biographie un peu développée du P, De Smet n’a pas vu le 
jour depuis longtemps, et malgré son intérêt et le talent indiscutable de son 
auteur, le R. P. Laveille, elle n’a encore atteint en 1922 que son neuvième 
mille. Le P. Kinzig, dans ce nouveau livre, n’a guère utilisé de documents 
inconnus de son prédécesseur, dont il se plait à reconnaitre les mérites ; mais 
il suit de plus près les récits de voyages du missionnaire déjà publiés autrelois; 
il laisse plus à l’arrière-plan les collaborateurs du P. De Smet; son récit est 
tout aussi attachant, peut-être plus attachant que celui du P. Laveille; car 
on y trouve des épisodes typiques et des traits caractéristiques de l’apôtre 
dans un relief plus saisissant. 

Faut-il le dire? Bien peu de sujets étaient aussi propres à inspircer,.à 
enthousiasmer un auteur que cette carrière, riche en péripéties, d’un mission- 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 9 


130 CHRONIQUE. 


naire qui a couvert 348.000 kilomètres, c’est-à-dire à peu près neuf fois le 
tour du globe ; qui allait seul à la recherche des tribus errantes, les fixait, les 
évangélisait, les convertissait et obtenait d’elles des prodiges de foi dignes 
des premiers siècles du christianisme ; qui, sur la demande d'hommes d'Etat 
américains, s’appliquait à pacifier les révoltés ; qui revenait périodiquement 
en Europe afin d'intéresser l'ancien monde à son œuvre et d'obtenir de lui 
prières, aumônes et missionnaires ! Et plus encore que cette existence de 
combat pour le Bien, n'était-elle pas de nature à séduire, cette figure ardente, 
désintéressée, et ne cherchant que la gloire de Dieu ? Puisse ce livre, qui est 
une grande leçon d'énergie et de zèle, trouver de nombreux lecteurs ! 
E. DE Moreau, S. J. 


— M. L. ScHMiTz-K ALLENBERG a publié une seconde édition du t. III de la 
Hierarchia catholica medii et recentioris aevi de VAN Gui (+) et C. EuBeL (+). 
(Munster, 1923. In-4). Ce tome III comprend la liste des dignitaires ecclé- 
siastiques du xvie siècle (depuis 1503). 


— La nouvelle édition, en deux volumes, de RANKE, Die rômischen Päpste 
in den letzten vier Jahrhunderten, publiée par la firme Duncker et Humbilot 
de Munich, reprend simplement, sans les notes, le texte de l’édition de 1878. 
La même firme republiera sous peu la Deutsche Geschichte im Zeitalter der 
Reformation, du même historien. | 


— À l’occasion du jubilé des Deutschen Caritasverbandes (1897-1922), cette 
puissante association a publié une histoire générale de la charité, Geschichte 
der Caritas, qui a pour auteur le Prof. D: Wizx. Liese (Fribourg-en-Br., 
Caritasverlag, 1922. 2 vol. in-8, virr-394 et vI1-293 p.). Même après les remar- 
quables travaux de Lallemand, la publication du Caritasverband pourra rendre 
de grands services. Le plan de l'ouvrage est bien conçu et méthodiquement 
suivi. Après avoir défini ce qu’il entend par le mot Caritas, l’auteur expose 
dans son livre premier l’histoire générale de la charité en la divisant en deux 
périodes : celle pendant laquelle l'assistance appartient à l'Église seule et 
celle où, à partir de la fin du xive siècle, l’on voit apparaître une assistance 
laïque indépendante. Les chapitres consacrés à l’influence de la Réforme 
sur la charité ct à la renaissance de la charité catholique avec S. Charles 
Borromée et S. Vincent de Paul sont particulièrement intéressants. Ce 
premier livre se termine par un exposé de l’organisation de la charité en 
Allemagne au xixt siècle, et par l'étude des théories modernes, ce qui permet 
de faire connaître les origines et les grandes lignes d’organisation et d'activité 
du Caritasverband. Le second livre (t. II) est plus spécialement consacré à 
l’histoire des ministres de l’action charitable (communautés hospitalières, 
congrégations des frères et sœurs de la Miséricorde, etc.) et aux diverses 
formes de la charité (soins de l'enfance, des pauvres, des malades, œuvres de 
relèvement moral). Un coup d'œil sur l’histoire de la charité dans les pays 
autres que l'Allemagne et sur l'activité de la bienfaisance religieuse des 
non-catholiques termine l'ouvrage. 

La documentation est fort riche, l'index bibliographique à la fin de 
l’ouvrage renseigne plus de douze cents titres de livres; de plus, en tête de 
chaque paragraphe, se trouve une bibliographie spéciale à l’objet traité. 
D'excellentes tables des noms de personnes et de localités facilitent les 
recherches dans cet ouvrage qui, si les circonstances avaient permis à l’auteur 


ALLEMAGNE. 131 


de donner plus de développement à la partie réservée aux pays autres que 
l'Allemagne, aurait constitué une véritable encyclopédie de la charité. 
CH. TERLINDEN. 


— Le prof. L. BERGSTRAESSER, connu par ses études sur l’histoire des 
partis politiques en Allemagne, vient de publier, dans la collection Der 
Deutsche Staatsgedanke, deux volumes intitulés : Politischer Katholizismus. 
Dokumente seiner Entwicklung (Munich, Drei Masken Verlag, 1921-1923. 314 
et 396 p.). Après une brève mais utile introduction sur l’activité politique du 
catholicisme en Allemagne pendant le xrxe et le xxe siècle, il y donne une série 
de documents choisis avec discernement et soigneusement annotés : discours 
parlementaires, brochures de propagande, pétitions, programmes électoraux, 
articles de journaux, etc. Le premier volume est consacré aux événements 
des années 1814 à 1866 et contient des extraits de Gürres, Droste-Vischering, 
Düllinger, Radowitz, Reichensperger, Buss, Jarcke, Ketteler. Le second 
concerne le kulturkampf et les questions connexes, l'attitude du parti du 
Centre daas les différents problèmes politiques qui se sont posés dans la suite, 
enfin les grandes luttes autour du caractère confessionnel du Centre qui nous 
amènent jusqu'aux premières années de la guerre ; on y trouve des écrits de 
Windthorst, de Schorlemer-Alst et des députés contemporains du Centre. 
Cette publication de textes contribuera à faire connaître l’histoire de l'Église 
en Allemagne pendant le dernier siècle et se prêterait bien à des exercices 
critiques sur cette période dans les séminaires historiques. 


Dans les Biblische Studien, t. XXI, fasc. 1, L. RICHEN étudie les visions 
de Terre Sainte de la religieuse Anne Catherine Emmerich. Une comparaison 
approfondie de ces visions avec les conditions géographiques, météorologiques 
et ethniques de la Palestine et les récits du N. T. l'amène à en rejeter l’exac- 
titude. Contrairement à l’opinion communément reçue, R. est d’avis que 
Brentano a fidèlement rendu les descriptions que Catherine Emmerich lui a 
faites de ses visions. 


La librairie « Theatiner Verlag > de Munich commence une nouvelle 
collection intitulée Katholische Romantik. En publiant de larges extraits des 
écrits des derniers romantiques catholiques d'Allemagne, on espère mettre 
en lumière la richesse d'idées, trop peu connue, de ces auteurs et montrer 
les rapports intimes qui existaient entre le romantisme et le catholicisme. Le 
premier volume est dû à Rup. KoLeEr et paraît avec une préface de E. Przy. 
wara. Il est consacré à l’illustre converti Adam Müller. C’est dans ses écrits 
surtout que sont exposées les théories politiques des romantiques, qui eurent 
une grande influence avant la révolution de 1848. 


Le prof. C. STANGE donne une intéressante étude sur la méthode suivie 
jusqu’à ce jour par les historiens des religions (dans la nouvelle revue Zeit: 
schrift fur sy stematische Theologie, 1923, p. 301-363). On s'en tiendrait encore 
aux grandes lignes de l’évolution fixées par Schleiermacher dans la formule 
arbitraire : fétichisme, polythéisme, monothéisme. D'autre part, on n’aurait 
pas remarqué une autre idée du même auteur, c’est-à-dire que chaque 
religion devrait son origine À une expérience religieuse particulière et qu’elle 
serait par conséquent inséparable de la personnalité de son fondateur. Les 
historiens des religions devraient en tenir compte, parce qu’elle permet de 
«isir les différences essentielles qui existent entre les religions. 


.132 CHRONIQUE. 


La librairie F, Schôaingh de Paderborn a commencé récemment une 
nouvelle collection intitulée Dokumente der Religion. On y publiera en 
traduction allemande les plus belles pages qu'on trouve dans les différentes 
littératures religieuses. Les six premiers fascicules donnent, entre autres, 
l'Enchiridion de S. Augustin, la règle de S. Benoit, etc. ; signalons aussi les 
formules d'initiation religieuse secrète en usage dans une tribu de primitifs 
austraiiens publiées par W. Schmidt, S. V. D. Gr. 


— M. P. KEHR, directeur des Monumenta Germaniae historica, donne, dans 
le Neues Archiv (1923, t. XLV, p. 1-13 et 138), un aperçu sur la situation 
actuelie de la commission d'édition et sur les travaux en cours de publication. 
A part la série des in-folio, publiée chez Hiersemann à Leipzig, l'édition des 
MGH ct du Veues Archiy a été confiée à la firme Weidmann de Berlin. Dans 
la section Scriplores, on compte achever, malgré les difficultés qu'on ren- 
contre, le t. XXX de la séric in-folio. Les Annales de Salzbourg, récemment 
découvertes, sont très importantes pour l’histoire de l’All.magne. Elles vont 
jusqu'à l’année 955 (cfr H. BRESSLAU, Abhand. d. preuss. Ak. der Wiss. zu 
Berlin, 1923, n° 2). On travaille activement à la série in-4 des Scriptores. 

Dans le but de distinguer les nouvelles éditions critiques des éditions à 
l'usage des étudiants, on a commencé une Nova series in-8 des Scriptores 
rerum Germanicarum. Sont sous presse : la chronique de Côme de Prague, 
celle de Jean de Winterthur, celle de Matthias de Neuenburg. Sont prêtes pour 
l'impression : les œuvres de Nicolas de Butrinto ct de Tolomée de Lucques; 
la Vita Karoli IV est en préparation. Dans les Deutsche Chroniken a paru 
(t. IV, pars II) : Die Kreux fahrt Lu lwigs des Frommen von Thüringen, édité 
par H. NAUMANN. 

Dans la section Leges, KRUScCH prépare l'édition de la Lex Salica ; le même 
savant et HEYMANN ont déjà poussé très loin l'étude sur la tradition manu- 
scrite de la Lex Baïuvariorum ; pour l'édition du texte de cette loi, ils 
s'entendront avec v. SCHWIND, dont l'avis, comme on le sait, diffère notable- 
ment du leur. À cause des circonstances politiques, les travaux sur les 
Tractatus imperii et sur les Placita ont dû être interrompus, l’accès des 
archives des pays étrangers étant trop difficile. Enfin on prépare aussi pour 
les MGH une édition de Sachsenspiegel. 

La direction de la section Diplomata Karolinorum, laissée vacante par la 
mort de M. angl, a été reprise par P. Kehr. L'étude des diplômes de Louis 
le Pieux sera continuéc, malgré les difhcultés actuelles. Paraïitront sous peu 
dans les Diplomala saec. XI, ceux de Henri III, jusqu’au couronnement. 

Dans la section in-4 des Æpistolae paraïitra sous peu le t. VI : lettres 
d’Adrien I. La publication du Registrum Gregorii VII par E. CasPaR (dans 
les Ep.stolae selectae) est complète depuis l'apparition du t. IT. Dans la même 
série, on publiera aussi la correspondance de Fromund de Tegernsee. 

Enfin Kehr constate que la série des Poetae latini aevi Karolini est achevée 
grâce au volume IV de K, STRECKER, qui contient les suppléments. 


— La réunion générale de la Gôrresgesellschaft, tenue à Munster-en-W. 
du 24 au 26 septembre 1923, a été particulièrement importante tant à cause 
de l'intérét que lui ont montré les autorités civiles qu'à cause des 
décisions qui y ont été prises. En vuc de permettre la continuation de 
leurs grandes publications, telles les documents du concile de Trente, les 
travaux de leur institut historique de Rome, la nouvelle édition du Staats- 


ALLEMAGNE. 133 


léxikon, les membres de la Gôrresgesellschaft y ont fait un appel pressant à la: 
générosité des catholiques des pays à change élevé ; ils ont augmenté leur 
propre cotisation annuelle (3 ct x Mk. or) et demandé un subside au gouver- 
nement allemand. Ils ont rendu hommage à la libéralité du Pape Pie XI, qui 
les a largement soutenus. D’autre part, ils ont aussi émis le vœu de voir 
s'étendre les travaux des sections de pédagogie, de l’art, des sciences 
naturelles. Le R. P. KzeiNTJEs, S. J., de Hollande, a particulièrement 
insisté sur la fondation d’une « unio catholica historica », d'où pourrait sortir 
une eunio scientifica catholica », groupant tous les savants catholiques- 
Enfin, le Prof. H. Günter a été élu secrétaire pour la période 1923-1928, en 
remplacement du Prof. Beyerle, trop absorbé par son mandat politique. 
L'appel de la Gôrresgesellschaft trouvera, nous n’en doutons pas, de l’écho 
chez les catholiques qui apprécient hautement Ics services rendus à la 
&ience par cette société. Gr. 


— La commission historique attachée à l’Académie des sciences de Bavière 
a tenu, en octobre 1923, sa réunion annuelle, Ont été élus président, 
M. E. Marcxs de Berlin, et secrétaire suppléant, H. OxcKkEN de Munich. 
Après avoir pris connaissance de la détresse financière dans laquelle se 
trouve actuellement la commission, ses membres décidèrent de prendre des 
mesures pour sauver à tout prix cette grande institution, qui, depuis sa 
fondation par Maximilien II de Bavière, a rendu tant de services par ses 
publications : Aligemeine deutsche Biographie, Jahrbücher der deutschen 
Geschichte, Die deutschen Städtechroniken, Die deutschen Reichstagsakten. El'e 
a fait paraître en 1922-1923 : À. SCHULTE, Geschichte der grossen Ravensburger 
Hadelsgesellschaft 1380-1580 en 3 tomes, et plusieurs volumes de sources, se 
rapportant À l’histoire d'Allemagne au xixe siècle. 


— La Sächsische Kommission für Geschichte, de Leipzig, a tenu le 
25 avril 1922 sa vingt-cinquième réunion annuelle sous la présidence du 
Dr Bühme. Elle compte publier prochainement le tome second de la Biblio- 
graphie der sächsischen Geschichte par le Dr BEMMANN, de Dresde, les 
Aktern zur Geschichte der Bauernkrieges in Deutschland par le Dr MERx (+), 
{ intéressants pour l’histoire économique du xvie siècle, et le tome Ier des 
Stindeakten de 1485 à 1539 par le Dr GôrLirz. Sont en préparation le 
Registrum marchionum Misnensium de 1378 par le Dr BESCHORNER, de Dres- 
de, les Hauptwerke der sächsischen Malerei und Bildnerei par le Dr FLecu- 
a et les Sächsischen Kirchenvisitationsakten par le Dr G. MüLLer, de 
Leipzig. H. N. 


— La librairie Günther Koch de Munich annonce la publication prochaine 
d'un ouvrage en deux volumes du P. Jos. BRAUN : Geschichte des christlichen 
Altars. Cet ouvrage, illustré de 900 reproductions, fera connaître toute 
l'évolution de l’autel, de son décor et de ses accessoires. 


Le t. IV des Jahresberichte der deutschen Geschichte (Breslau, Prie- 
batsch, 1923. 147 p.) publiés par V. Lozwe et O. LERCHE, fait connaître les 
publications historiques de 1921. Comme les volumes précédents de cette 
mème collection, il remplace, dans l'intention des éditeurs, les Jahresberichte 
der Geschichtswissenschaft, qui ont cessé de paraître pendant la guerre. 


L'institut catholique de philosophie, fondé à Cologne en 1923 sous le 
Ÿ nom de Albertus Magnus Akademie, publie un recueil de travaux (Verüfent- 


134 CHRONIQUE. 


Ychungen des Kath. Inst. f. Philosophie Alb.-M. Ak. zu Kôin) dont jusqu'ici 
trois fascicules ont paru. Les deux premiers contiennent, outre un mémoire 
sur l'érection et le but du nouvel institut, une série de conférences et 
d'articles du premier recteur, le Prof, Dr W. SwirTaLski, sur différents 
problèmes de critériologie. Le 3me. dû à M. J. GeYsEeR, porte comme titre : 
Augustin und die phänomenologische Religionsphilosophie der Gegenwart, mit 
besonderer Berücksichtigung Max Schelers (Munster, Aschendorff, 1923. 
XI1-244 P.). | Gr. 


— La firme A. Tôpelmann, de Giessen, se propose de publier une deuxième 
édition, entièrement remaniée, du Handwôrterbuch zum Neuen Testament de 
E. Preuschen. Cette mise au point d’un ouvrage bien connu et justement 
apprécié est l’œuvre du professeur W. BAUER, de Goettingue. Des conditions 
avantageuses sont offertes aux souscripteurs, à qui ilest fait appel, la publi- 
cation envisagée dépendant de leur nombre. 


— Le Dr LeiseGANG, privat-dozent, à Markrandstädt-lez-Leipzig (Marien- 
str., 28), a composé un index lexicographique des œuvres de Philon. Les 
conditions économiques actuelles ne permettent pas l’impression de ce 
travail, qui peut cependant rendre de grands services. L'auteur se met 
volonticrs à la disposition des spécialistes pour leur communiquer des 
extraits de son œuvre manuscrite touchant l’emploi ct le sens de certains 
termes dans les écrits de Philon, ainsi qu'il le déclare dans les Sifzungsbe- 
richte de l’Académie des Sciences de Berlin (25 janvier 1923). 


— Malgré les difficultés du moment, certaines revues spéciales continuent 
à paraître. C’est ainsi que grâce à l’appui des Badois établis aux États-Unis 
d'Amérique et de la Notgemeinschaft, la Zeitschrift für die Geschichte des 
Oberrheins, de Karlsruhe, sera publiée régulièrement. D'autre part, l'Oriens 
christianus, édité à Leipzig chez Harrassowitz par le Dr ANTON BAUMSTARK, a 
donné pour les années 1920 et 1921 un tome double (x-x1 de la nouv. sér.). 
Comme par le passé, ce périodique si important pour nos études se dis- 
tingue par une belle tenue scientifique, et comprend des articles de fond, des 
documents, des comptes rendus critiques et surtout des notices bibliogra- 
phiques fouillées rédigées par M. Baumstark lui-même. Enfin, l’Académie de 
Berlin (Sect. Philos. et hist.) a accordé les sommes de 200.000 M. (or) à la 
Commission des études orientales, de 60.000 M. en vue de l'édition de textes 
égyptiens et de 150.000 M. pour l’édition des inscriptions grecques. 


La faculté de philosophie de l’université de Munich a mis au concours 
(prix. 200.000 M.) la question : Geschichte des Buchdrucks in München von 
den ersten Anfängen bis zum Ende des 30 jähr. Krieges. 


L'Académie de Prusse vient d’hériter l’exemplaire annoté par le pro- 
fesseur Anton Dillmann : Lexicon linguae Aethiopicae cum indice latino 
(Leipzig, 1865). H. N. 


— Les archives de la famille Schnorr von Carolsfeld, très importantes pour 
l'histoire de l’art moderne, ont été léguées à la Landesbibliothek de Dresde. 


Le Prof Dr R. SomMMERr a fait, à l'université de Giessen, une fondation 
en vuc de promouvoir les études de généalogie. L'administration en est 
çonfiée au Dr G. Lehnert, directeur des Hessische Biographien. 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 135 


Nominations. — Le Dr O. RIEDNER a été nommé directeur général des 
archives de l'État en Bavière en remplacement de v. Jochner, décédé. 

Le Dr W. MocreNBERG a été nommé directeur général des archives de 
l'Etat, à Magdebourg. 

Se sont fait agréger : à Leipzig, le Dr J. KuExx (histoire du moyen âge et 
des temps modernes); à Koenigsberg, le Dr H. CLasen (histoire de l’art 
moderne, en particulier l’histoire de l’architecture religieuse); à Darm- 
stadt, le Dr E. RosensrTocx (histoire sociale) ; à Wurzbourg, le Dr J. LorrTz 
(histoire ecclésiastique); à Leipzig, le Dr A. Rumpr (archéologie). 

M. F. RôriG, professeur extraordinaire des sciences auxiliaires de l’histoire 
à Leipzig, a été nommé professeur ordinaire à Kiel. 

M. W. EBERT, directeur du séminaire évangélique à Breslau, a été nommé 
professeur titulaire d'histoire ecclésiastique à Erlangen. 

M.G. MExTr2, professeur d'histoire, a été nommé professeur titulaire à Iéna. 

Gr. 


— Décès. — Le Dr Fr. VoLMER, professeur de philologie classique à 
Munich, y est décédé en octobre 1923 à l’âge de 56 ans. Il fut le premier 
directeur du Thesaurus linguae latinae, publié par les académies de Berlin, 
de Gocttingue, de Leipzig, de Munich et de Vienne. 

Le Dr EBERHARD GOTHEIN, professeur d'histoire économique à Heidelberg, 
bien connu pour sa vie de S. Ignace de Loyola. A l’occasion de son 6ne anni- 
versaire, ses élèves lui avaient offert, peu avant sa mort survenue en 
novembre dernier, un recueil de mélanges. GR. 

M. Orro KiIPPENBERG, mort à Warnemünde, bibliothécaire en chef de 
l'université de Leipzig. 

A Iléna, âgé de 44 ans, M. PAUL EHRHARDT, connu par ses études de 
philosophie religieuse et directeur de la revue mensuelle : Deutscher Pfeiler. 

H. N. 


Angleterre-Écosse-Irlande. — Le travail de Marius BESsiÈRE sur La 
tradition manuscrite de la correspondance de S. Basile, qui a été publié dans le 
Journal of theological studies (t. XXI-XXIII), vient d’être tiré à part par la 
Clarendon Press (1923, viti-1x82 pages ; prix : 12 s. 6 d.). Cette étude, précédée 
d’une introduction de M. C. H. TURNER, est pourvue d'un index alphabétique 
des lettres. 


«Le but de l’auteur de ce volume », lit-on dans la préface du Saint 
Columba du Rev.T.H. WaLker (Paisley, À. Gardner, 1923. 120 pages), a «été 
de donner un exposé populaire de la vie de S. Columba [d'Tona], de l’époque 
où il a vécu et de l’influence qu’il a exercée sur l’histoire d'Écosse. » Ce 
livre est parfaitement négligeable pour ceux qui se piquent d'étudier scienti- 
fiquement l’histoire ecclésiastique. 


Un guide de premicr ordre pour l'étude de l’art anglo-saxon et des anti- 
quités germaniques nous est offert dans le nouveau Guide to the Anglo-Saxon 
and foreign Teutonic Antiquities in the department of British and Mediaeval 
antiquities [of the British Museum] (Londres, 1923. x11-179 p.), que l’on doit à 
M. ReGiNaALD A. SuiTH, B A., F.S. A., conservateur de ce département. Le 
volume, bien illustré, est en vente au British Museum au prix de 25, 6 d, 


136 - CHRONIQUE. 


L'étude des chartes anglo-saxonnes du Berkshire, du Hampshire et du 
Wiltshire, poursuivie pendant plusieurs années, a permis à M. G. B. GrunDy 
d'établir la signification d'un grand nombre des termes obscurs qui s’y ren- 
contrent : On the meaning of certain terms in the Anglo-Saxon charters 
(Essays and studies by members of the English Association, Oxford, 1922, 
t. VIII, p. 37-60). 


Le Dr H. J. W. Tir ryarD, professeur à l’université de Birmingham, a 
traduit en anglais les pièces de Roswitha : The Plays of Roswitha (The Faith 
Press, 1923. XIX-123 p.). ° | 


Sur les premiers lapidaires chrétiens et leurs modèles, ainsi que sur le 
poème de Marbode, évêque en Rennes (+ 1123), et sur ses imitateurs, on con- 
sultera avec fruit l’ouvrage de M. Joan Evans, Magical jewels of the Middle 
Ages and the Renaissance particularly in England (Oxford, Clarendon Press, 
1922. 264 p.). 


Le Dr R. L. Pooe, comblant une lacune de la biographie de Jean de 
Salisbury, étudie son séjour à la cour pontificale et établit que l’opinion qui 
le fait entrer au service de l’archevéque de Cantorbéry Théobalde vers 1148, 
n'est pas fondée : John of Salisbury at the papal court (English historical review, 
1923,t. XXXVIIL p. 321-330). 


Le Dr WaLTER W. SEToN a de fortes raisons de penser qu’il a découvert 
un résumé inédit en 66 chapitres des 224 chapitres de la seconde Vie de 
S. François d'Assise par Thomas de Celano dans le Ms. F. 15 de la biblio- 
thèque capitulaire de Worcester (fol. 128-145). Le manuscrit de Worcester 
(fol. 128-145) paraît être plus ancien que les deux manuscrits de la Vita 
secunda connus jusqu'ici : À Franciscan find in a Benedictine Library (Lau- 
date, the quarterly magazine of the Benedictine Community of Pershore 
abbey, 1923, t. I. p. 116-120). 


M. RogiN FLOWER rapproche trois textes, un gallois, un irlandais et un 
anglais, d’un texte latin, dont ils paraissent dépendre, et qu’on a attribué à 
Albert le Grand (+ 1280). Ce sont les neuf réponses qu’aurait faites Notre- 
Scigneur à une pieusc personne « desideranti et quarrenti quid sibi prae 
omnibus placeret in hac vita ». Cette étude, intitulée The nine answers, a paru 
dans une nouvelle publication philologique périodique éditée par l'université 
du pays de Galles, The Bulletin of the Board of Celtic studies (I, 1922, p. 133- 
139). Le quatrième fascicule, paru en juin 1923, complète le premier volume. 
Prix du fascicule : 75. 6 d. 


Après avoir donné, dans un précédent ouvrage (Scottish annals from 
English chroniclers, Londres, 1908), la traduction anglaise de tous les 
passages des chroniques anglaises antérieures à l’an 1291 relatifs à l’histoire 
d'Écosse de l'an 500 à 1286, M. ALAN ORR ANDERSON a ensuite publié un 
recueil bien autrement important, qui constitue un excellent instrument de 
travail pour tous ceux qui auront à s'orienter dans le dédale des sources de 
l'histoire d'Écosse, pays où le genre fabuleux a été cultivé avec une 
incroyable persistance de génération en génération. ÆEarly sources of 
Scottish history. À. D. $oo to 1286 (Edimbourg, Oliver et Body, 1922. 2 vol., 
cLvitt-604 p. et 805 p. Prix : 70 s.), tel est le titre de ce nouveau recueil qui 
renferme la traduction anglaise de toutes les autres chroniques ou textes 


ANGLETERRE ÉCOSSE-IRLANDE. | 137 
quelconques antérieurs à 1291, rédigés en latin ou en langues vulgaires et se 
rapportant à l'histoire d'Écosse de 500 à 1286. Dans sa préface, l'auteur 
fait connaître son dessein : « Ce livre, dit-il, est destiné à servir de guide, 
il n'a pas la prétention de dispenser de consulter les sources. Sur bien des 
points on ne se fiera pas à une traduction, et on devra recourir à l'original 
et au contexte. Notre but a été de fournir une première interprétation des 
sources originales. Ce recueil sera un livre de référence particulièrement 
utile à ceux qui ignorent les langues étrangères (notamment pour les textes 
scandinaves) et à ceux qui travaillent loin des grandes bibliothèques. » Un 
commentaire et des notes nous renseignent sur les textes colligés et tra- 
duits, et 80 pages de notes bibliographiques en indiquent les diverses éditions. 


Le petit livre de M. JoHAN VIsING, professeur de langues romanes à 
l'université de Gôteborg (Suède), Anglo-Norman language and literature 
(Londres, Oxford University press, 1923. 111 pages), sera un guide commode 
pour les travailleurs qui auront des recherches à faire dans la littérature 
anglo-normande, laquelle comprend, on le sait, un grand nombre d'ouvrages 
ecclésiastiques. Dans la seconde partie, l’auteur a dressé le catalogue 
détaillé de cette littérature du xrie au xtve siècle, dans laquelle se rencontrent 
des traductions et commentaires de la Bible, des Vies des Saints, des ser- 
mons, des traités théologiques et enfin des drames chrétiens (miracles et 
mystères). La part prise par les gens d'Église dans la diffusion de la langue 
et de la littérature anglo-normandes est bien caractérisée (p. 8-18); mais 
l'expression « Augustinian monks ». qui revient à plusieurs reprises sous la 
plume du docte auteur (p. 9, 11), n'est pas heureuse. 


L'ouvrage auque! M. WazTer CLirrorp MELLER a donné pour titre 
The Boy Bishop and other essays on forgotten customs and beliefs of the past 
(Londres, Bell, 1923. 157 p.) comprend une série d’essais sur l’Enfant-évêque, 
le Saint Graal, les traditions de Glastoabury, le toucher du roi, les origines 
de la fleur de lys, etc., qui s’adressent plutôt au grand public. 


Signalons, dans un livre intéressant et bien illustré, du Dr GEORGE 
C. WiLLIAMSON, Curious survivals, habits and customs of the past that still 
live in the present (Londres, 1923. x11-256 p.), le ch. XI sur les évêques et le 
clergé et le chap. XII sur les cérémonies ecclésiastiques et la survivance des 
vieux usages religieux. 


M. MAURICE FROST a publié dans Theology (1923, t. 1923, t. VI, p. 285) 
le texte de la prière Anima Christi d'après le Ms. Harl. 2253 du British 
Museum (fol. 54%), écrit entre 1314 et 1320. 


L'original de l’Amendement de la vie de Richard Rolle de Hampole est 
le texte latin. En 1914, Miss Comper en a publié une traduction ancienne en 
dialecte de Lincoln, exécutée par Misyn (1434) (voir RHE, 1923, t. XIX, 
p. 111). Le Rev. H. L. HusBaRp traduit cette traduction en anglais moderne 
(The amending of life, Londres, Watkins, 1922. Prix : 25.6 d.). Les notes 
de son cru sont tout-à-fait médiocres. 


À quelques semaines d'intervalle, il a paru une traduction française du 
livre du mystique anglais Walter Hilton (+ 1396), The scale of perfection, due 
à deux bénédictins de Solesmes, Dom M. Noctinger et Dom E. Bouvet 
(Scala perfectionis, Tours, Mame, 1923, 2 vol.) et une nouvelle édition du 


138 | CHRONIQUE. 


texte anglais préparée par Miss EVELYN UNDERHILL : The scale of perfection, 
(Londres, John M. Watkins, 1923. Lxv1-464 p. Prix : 7 s. 6 d.). Dans une 
introduction très soignée, Miss E. U. nous dit le peu que l’on sait de la vie 
du chanoine régulier de Thurgarton, puis elle nous renseigne sur ses 
œuvres, dont beaucoup sont encore inédites, et enfin elle caractérise 
l'ouvrage qu’elle réédite. Comme tous les écrivains mystiques, Walter Hilton 
a été un grand emprunteur. Il doit surtout beaucoup à S. Augustin, à 
S. Grégoire le Grand et à Denys l'Aréopagite. Il est familiarisé avec la 
théologie scolastique et avec les idées mystiques de S. Bernard, de S. Bona- 
venture et surtout de Richard de Saint-Victor. Il est saturé de la Bible et 
spécialement des psaumes. Les parallèles signalés par l'éditeur entre la 
doctrine de Walter Hilton et celle de Ruysbroeck et quelques traits de 
Jacopone de Todi s'expliquent par une dépendance de sources communes, 
particulièrement de S. Augustin. Dans l'histoire du mysticisme anglais, 
Hilton se présente, sinon comme un disciple de Richard Rolle de Hampole, 
qui l’a précédé d’une quarantaine d'années, du moins comme se rattachant 
étroitement à ce maître, qu'il a beaucoup étudié. Rolle, plus imaginatif, 
écrit en poète sous l'impulsion du sentiment ; Hilton fait plus de place au 
raisonnement. La Scale of perfection a été très luc en Angleterre aux xtve, 
xve et xvie siècles. Les traducteurs français avaient fait observer que ce 
livre paraît avoir été très prisé par les chartreux (I, p. 53). C’est, en effet, 
ce que confirme la provenance de deux au moins des manuscrits employés 
par Miss U. L'un d'eux appartint à la chartreuse de Sheen, près de Londres, 
et l'autre (Br. M. Hari. 6579, sur parchemin, début du xve siècle) à la 
chartreuse de Londres. C’est de ce manuscrit que l'éditeur a fait la base de 
son texte. On a conservé, autant que possible, au texte de Walter Hilton 
son cachet archaïque ; on a dû cependant remplacer certains termes main- 
tenant complètement inusités (une quarantaine environ) par des équivalents 
modernes. 


The Prymer, livre de dévotion publié par la maison Burns, Oates et 
Washbourne (Londres, 1923), débute par une introduction historique de 
20 pages (p. VII-XXvIII) dans laquelle le R P. H. THURSTON, S$. ]., traite des 
heures canoniales, de l'office de la Sainte Vierge, de l'office des morts, du 
nom du prymer et des dernières éditions de ce livre de prières, qui corres- 
pond à peu près aux livres d'heures du continent. 


L'édition des lettres d'Érasme suit son cours. Le premier volume donné 
en 1906 par M. P.S. ALLEN, Opus epistolarum Erasmi Rotorodami, contenait 
les lettres écrites de 1484 à 1514 (voir RHE, 1907, t. VILLE, p. 416-417). Trois 
volumes ont été publiés ensuite : le t. IT (1514-1517) en 1910, le t. III (1517- 
1519) en 1913, le t. IV (1519-1521) en 1922. 


Sir E. A. Wazcis BUuDGe, l'éditeur des manuscrits éthiopiens de Lady 
Meux, nous donne une traduction anglaise de 110 miracles de la Sainte Vierge 
tirés de divers manuscrits éthiopiens des xve, xvie et xvire siècles, principale- 
ment de ceux du British Museum : One hundred and ten miracles of Our Lady 
Mary (Londres, The Medici Society, 1923. LVI11-359 p.). L'ouvrage comprend 
64 belles planches consistant en reproductions de miniatures dont ces textes 
sont ornés. Le traducteur n’a pas négligé d’indiquer les sources occidentales 
de ceux de ces miracles, — c'est le plus grand nombre, — qui proviennent 
de l'Occident, 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 139 


Nous avons annoncé la publication du premier fascicule du recueil de 
paléographie que publie le Prof. W. M. Linpsay (voir RHE, 1923, t. XIX, 
p. 112-113). Un second fascicule de la Palaeographia latina a paru à l'automne 
de 1923; en voici le contenu : ro Collectanea varia (p. 5-55) par le Prof: 
W. M. Linpsay (Explicit et Finit ; la correction des manuscrits ; signes usités 
pour la commodité de la lecture ; les scribes et leurs habitudes ; l'I long; la 
transmission des textes), 20 Ein Basler Fragment des Nordfranzôsischen az- 
Typus (p. 56-60) par le Prof. PAuL LEHMANN. 39 Berne 207 (p. 61-66) par le 
Prof. W. M. Laxpsay, 40 The Lyÿons scriptorium (p. 66-73) par S. TArFEL (la 
bibliothèque de la cathédrale, la bibliothèque de l’Ile Barbe), 5° Bibliographie 
der lateinischen Buchschrift bis 1050 (1911-1922) (p. 74-96) par WILHELM 
WeixBERGER. Le fascicule contient trois planches. Prix :5s. 


The Library (Transactions of the Bibliographical Society) a inauguré une 
nouvelle série (la quatrième) avec le no de juin 1920. Parmi les nombreux 
articles intéressants de cette publication, signalons les suivants de dates 
récentes : 10 The royal Mss. at the British Museum, par M. R. JAMES (4e sér.. 
t. [, 1921, p. 193-200) à propos du catalogue de ces manuscrits récemment 
publié par le British Museum (voir RHE, 1922, XVIII, p. 590; XIX, 1923, 
P. 113); 20 un rapport sur la Worcester cathedral Library du chanoine 
J. M. Wizson (4e sér., t. Il, 1922, p. 257-265); 30 Chronograms, par 
W. H. Wire (4e sér., t. IV, 1923, p. 59-74) sur le procédé bien connu qui 
consiste à indiquer des dates dans les textes au moyen de capitales plus 
grandes que les autres. Exemple : GUsTAVUs ADoLPHUs GLorlose PUGNANS 
MorITUR = 1632. 


La Historical association (voir RHE, 1923, t. XIX, p. 452-453) a publié en 
1923 : 10 son Annual Bulletin of historical literature, relevé des publications 
historiques de 1922 dù à un groupe de collaborateurs : M. L. W. LAISTNER, 
Miss ALICE GARDNER, Prof. F. M. Powicke, Miss E. E. PoweR, J. E. NEALE, 
Prof. F. C. MonraGue, H. W. V. TEMPERLEY, Miss L. M. PENSoON, PF. J. C. 
HEARNSHAW ; 2e À short bibliography of architecture, par ARTHUR STRATTON, 
F. S. À. (14 pages; prix: 1 s. 1 d.); 3° Bibliography of Church history par 
époques, par J. P. WuHiTNey (43 pages). 


La Revue a signalé la fondation de l’I#stitute of historical Research de 
Londres (RHE, 1921, t. XVII, p. 678; 1922, t. XVIII, p. 168-169), dont 
l'organisation paraît actuellement complète et dont l'équipement se poursuit 
dans les meilleures conditions, ainsi qu'on en peut juger par le First annual 
Report (1921-1922). Ce rapport renseigne pleinement sur l'activité d’une 
institution qui est appelée à exercer une grande influence sur les travaux de 
recherche historique dans les pays anglo-saxons. Le Bulletin of the institute 
of historical research, dont le premier fascicule a paru en juin 1923, fait 
également bien augurer de l’avenir dela nouvelle fondation. C’est le périodique 
qu'il faudra consulter pour se tenir au courant des publications d’inventaires 
d'archives ou de catalogues de manuscrits, comme aussi pour suivre les 
migrations de ces derniers. Le Bulletin se propose de donner d’utiles addenda 
et corrigenda aux grands ouvrages de référence, tels que le Dictionary of 
National Biography, le New English Dictionary, l'Encyclopaedia britannica. 
Très instructif est le Report on editing historical documents, que contient le 
présent fascicule (p. 6-25). Le bulletin doit paraitre trois fois l’an, en juin, 
novembre et février. Prix du numéro ; 25. Prix de l’abonnement annuel ; 58, 


140 CHRONIQUE. 


" L'histoire des comtés d'Angleterre (Victoria history of the Counties of 
England), arrêtée par la guerre, reprend sous la direction de M. WizLiAM 
PAGE. L. Goucaus», O. S. B. 


— Le décret ordonnant la confection des Inventaires des œuvres d’art de 
l'Angleterre date du 28 octobre 1908. À ce moment des entreprises analogues 
étaient déjà commencées en plusieurs autres pays : en Allemagne, en 
Autriche, en France, aux Pays-Bas, tandis qu’en Belgique on s'en était 
tenu à quelques essais régionaux. Aujourd’hui il existe en Angicterre des 
volumes d'inventaires pour le Hertsfordshire, le Buckingamshire et Essex. 
Le troisième volume pour le comté d’Essex vient de paraître {An inventory 
of historical Monuments in Essex. Londres, 274 p., illustrations, frontispice 
et carte. Prix : 2 L., 1 sh. ; publication de la Royal Commission on historical 
monuments. England.) On estime, qu’à l'allure actuelle, il faudra soixante- 
dix ans pour mener la publication à sa fin. 


Durant l'été dernier des peintures murales qui comptent parmi les plus 
belles de l’Angleterre ont été découvertes au Kings College, fondé à Eton 
en 1440. En vérité elles n'étaient pas totalement inconnues. On savait 
qu'entre les annécs 1479 et 1488 la chapelle du collège avait été ornée de 
peintures représentant les miracles de Notre Dame, les comptes mention- 
nent même, pour l’année 1486-1487, le nom de l’auteur, William Baker. 
Mais les sujets offusquaient les regards des anglicans. En 1560, sous la reine 
Élisabeth, les peintures furent passées à la chaux et, lorsqu'elles apparurent 
à nouveau en 1847, on ne toléra pas davantage ces témoignages de croyances 
du moyen âge. Cette fois on les dissimula derrière des boiseries des stalles 
et on détruisit les éléments qui dépassaient les boiseries. Toutefois, au 
préalable, R. H. Essex avait exécuté un dessin, conservé aujourd’hui dans la 
bibliothèque du collège. Les boiseries ont maintenant été enlevées et les 
peintures sont réapparues dans un surprenant état de fraîcheur. Les couleurs 
sont posées directement sur la pierre; ce semble être une préparation 
peu connue à la cire qui leur vaut leur excellente conservation. Les sujets 
représentés, miracles de la Vierge, se retrouvent ailleurs dans la peinture 
murale anglaise, notamment à la Lady Chapel de la cathédrale de Winches- 
ter. L'œuvre trahit diverses influences étrangères. surtout des influences 
flamandes. M. CH. HoLMESs lui consacre une courte étude dans le Burlington 
Magazine (1923, t. XLIII, p. 229 238 et 3 pl.). La découverte a d’autant plus 
attiré l’attention qu’elle fait connaître un « primitif » anglais de talent, Wil- 
liam Baker, et que l’histoire de l’art national, surtout du moyen âge, attire 
pour le moment l'attention en Angleterre. Dans cet ordre il faut signaler 
les numéros récents du Burlington Magazine avec les articles de M. Mir- 
CHELL sur l’art anglo-saxon {Flotsam of anglo-saxon art) et celui de M. Cox- 
way intitulé British primitives. Il faut signaler aussi une exposition récente 
de primitifs anglais, à l’Académie royale des arts à Londres (xrie au 
xvie siècle). Elle a réuni 137 pièces : panneaux peints, broderies, sculp- 
tures, etc. R. MAERE. 


— Le congrès des catholiques anglais, tenu à Londres en septembre 1923, 
a longuement discuté la question de la réunion des Églises. Il aurait reconnu 
l'accord fondamental qui existe entre la doctrine de l’Église catholique et celle 
de } Église anglicane et de l’Église épiscopalienne américaine, au moins pour 
çe qui regarde les dogmes les plus importants (cfr S. P. DeLany, The anglo- 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-tRLANDE, li 


ctholic congress, dans The american Church monthly, 1923, t. XIV, p. 13-31). 
Le Rev. S. H. Scorr, Anglo-catholicism and reunion (Londres, Scott, 1923. 
47 p.) vient de contester l'existence de cette identité substantielle des doc- 
trines. Il en appelle, pour prouver sa thèse, au dernier livre de l’évêque Gore 
(Belief in Christ) qui, sur la christologie, admet des théories formellement 
répudiées par le catholicisme. De plus, la reconnaissance de la validité des 
ordinations anglicanes par les Églises orthodoxes ne démontrerait pas, 
d'après Scott, l'identité des doctrines fondamentales des deux Églises. Celle-ci 
reste à prouver par la comparaison des croyances actuelles de l'Eglise angli- 
cane et de celles des Pères et des conciles œcuméniques. A. PALMIERI. 


— Cours et conférences. — Le 17 octobre, l’auteur de cette chronique a 
donné une conférence sur The practice of phlebotomy in Monasteries à la 
Royal Society of Medicine de Londres Cette conférence sera publiée pro- 
chainement en français dans la Revue Mabillon. 


Durant le terme qui a commencé le 3 octobre 1923, le Dr ERNEST BARKER, 
le Professeur Box et M. Enwyn BEVAN ont donné, au King's College de 
Londres, une série de leçons publiques sur The conflict of Religions in the 
Roman Empire. 


Nominations. — Le Rev. WALTer HowaARD FRERE, savant liturgiste, de 
la Communauté de la Résurrection de Mirfield, a été choisi pour occuper le 
siège épiscopal anglican de Truro (Cornwall). 

Le conseil de l’université de Manchester a nommé le Rev. Jon Nico 
FarquHAR, M. A. D. Litt. Oxon., à la chaire de religion comparée de cette 
université. 

M. A. F. ScxocriELp, M. A., a été nommé bibliothécaire de l’université 
de Cambridge comme successeur de feu Francis Jenkinson. 


Décès. — Le 11 septembre 1923, Dom CozumBa EbMonps, prieur de 
l'abbaye de Fort-Augustus (Écosse), âgé de 63 ans. Né à Oxford, converti du 
protestantisme, il a publié The early Scottish Church, its doctrine and 
discipline (Londres, 1906). 

Le 21 septembre, F  J. H. JENKINSON, bibliothécaire de l’université de 
Cambridge. Il était né le 20 août 1853. Il fut nommé curateur de la Cam- 
bridge Antiquarian Society en 1882. Il livra aux éditeurs du Breviarium ad 
usum insignis Ecclesiae Sarum (1882-1886), en les complétant, les notes de 
Henry Bradshaw (+ 1886) dont il avait été l'élève, et il aida Mommsen à 
préparer son édition de Nennius pour les Monumenta Germaniae historica. 
L'édition des Collected papers de Bradshaw (1889) fut préparée par ses soins, 
ainsi que celle d’une autre publication posthume du même érudit, The early 
collection of canons known as the Hibernensis (1893). Jenkinson fut élu prési- 
dent de l’Antiquarian Society en 1893, et, à l’occasion du troisième centenaire 
de la bibliothèque Bodléienne, en 1902, l’université d'Oxford lui décerna le 
titre de docteur ès lettres honoris causa. Ce savant n’a pas beaucoup publié; 
il travaillait volontiers pour les autres, et il avait coutume de dire à ses 
amis : « Je n’ai jamais le désir d'écrire, j'ai toujours celui de m'instruire. » 
Î a cependant donné une remarquable édition des Hisperica famina (1908), 
ouvrage dont la Revue a signalé l’apparition (1909, t. X, p. 869). 

Le 25 septembre, Lord Jon MorzeY, homme politique et littérateur, né à 
Blackburn (Lancashire) en 1838, auteur d’une Life of W. E. Gladstone, 1903 
(Voir RHE, 1903, t. V, p. 413-420). L. Goucaup, O.S,B, 


142 CHRONIQUE. 


Autriche. — Les musées de Vienne sont l’objet d’une réorganisation com- 
plète, sous l’habile direction du Prof. H. Tietze. Un groupement nouveau 
s’imposait, à la suite des événements qui ont fait passer dans le domaine de 
l'Etat les collections impériales. Le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque 
de la Cour a été joint à l’Albertina et forme aujourd’hui la plus belle collec- 
tion d'estampes du monde, après celles du Cabinet des Estampes de Paris 
et du Print-room du British Museum. 

D'autre part, les plus belles œuvres du xvirie siècle ont été réunies dans un 
musée spécial, le nouveau « Barock museum » installé au palais du Bel- 
védère inférieur. On y peut admirer, dans des locaux d'une adaptation 
idéale : palais construit par Lucas von Hildebrand pour le prince Eugène, 
les chefs-d'œuvre de l’époque la plus brillante de l’art autrichien (1700-1750). 

La galerie de peinture moderne (xixe siècle) sera installée dans le Bel- 
védère supérieur, tandis que toutes les œuvres antérieures au xvine siècle 
seront réunies au Kunsthistorisches Museum (Burgring). R. M. 


Belgique. — M. Van Steenkiste a préparé lui-même les cinq premières 
éditions de son commentaire des Actes des Apôtres. La sixième, considérable- 
ment remaniée, parut en 19x10 par les soins de M.CAMERLYNCK qui vient encore 
de publier la septième en collaboration avec M. VAN DER HEEREN, son succes- 
seur à la chaire d'Écriture sainte du grand séminaire de Bruges (Commentarius 
in Actus Apostolorum. Bruges, C. Beyaert, 1923. In-8, 422 p.). A divers points 
de vue, la nouvelle édition est en progrès sur la précédente : pour la netteté 
de l'impression, la beauté des caractères, la qualité du papier, l’art de con- 
denser une matière plus abondante en un nombre de pages légèrement 
inférieur à celui de la 6e édition. Ce n'est donc pas le cas de dire : omne decus 
ejus ab intus ! Cependant le fond lui-même a subi d'heureuses modifications. 
Il ne suffit pas de remarquer qu’on a tenu compte des travaux importants 
parus sur les Actes des Apôtres depuis 1910, mais les chapitres sur l’auteur, 
la date de composition et la chronologie des Actes ont été refondus à la suite 
du décret de la Commission biblique et des publications nombreuses suscitées 
par l'inscription de Delphes. Toutefois, l'innovation la plus .marquante 
consiste dans l’addition des variantes les plus importantes du texte grec, et 
dans la juxtaposition au texte de la Vulgate d’une paraphrase, véritable 
commentaire à l'usage des gens pressés qui n’ont pas le loisir de parcourir 
les notes explicatives. Celles-ci se déroulent sobrement au bas des pages cn 
dessous du texte et de la paraphrase et sont interrompucs parfois par des 
excursus plus étendus et pleins de richesses de bon aloi. Nous souhaitons 
plein succès à ce beau commentaire d’un exposé si clair, d’une doctrine si 
sûre et d’une si abondante érudition. 


Le Cours de Religion publié par M. l'abbé Fr. VERHELST chez 
À. Dewit à Bruxelles est très estimé en Belgique et sa renommée a même 
rapidement franchi nos frontières. Les revues théologiques françaises en ont 
rendu compte en termes vraiment élogieux. Après l’Apologétique (In-12 de 
Xv-378 p. 2° éd. 1921. F. 7,50), la Dogmatique (in-12 de 640 p. 1918. F. 15), 
la Morale (in-12 de 314 p. 1920. F. 7,50), l’auteur vient de faire paraitre, 
pour couronner son œuvre, un volume sur Les Sacrements (in-12 de 264 p. 
1923. F. 7,50). Ajoutons que dans l’entre-temps ont paru un Précis d’apolo- 
gétique (in-12 de 144 p. 1917. F. 2,75), un Précis de dogmatique (in-12 de 238 p. 


BELGIQUE. | _ 143 


1923. F. 6) et une étude apologétique sur La divinité de Jésus-Christ (in-18 
de 158 p. x9x9. F. 2,50). 

Ces ouvrages sont destinés principalement à l’enseignement secondaire et 
aux chrétiens cultivés qui veulent se rendre compte de leurs raisons de 
croire et approfondir leur religion, mais leur utilité s’étendra bien au-delà. 
Les prêtres eux-mêmes, à leur sortie du séminaire, ou plus tard, dans les 
rares loisirs du ministère, y trouveront une occasion agréable et fructueuse 
de récapituler ou de rafraichir leurs connaissances apologétiques et théolo- 
giques. Ces volumes, en effet, d’une doctrine très dense et très sûre, d’un 
style sobre, d’un exposé facile et clair, marquent un progrès considérable 
sur les traités similaires. Les points de foi sont nettement formulés et aussi 
settement distingués des opinions théologiques. Les preuves positives, 
scripturaires ou traditionnelles, ont un relief qu’elles n'avaient pas aupa- 
ravant, et c'est à ce titre principalement que nous signalons ce Cuurs de 
Religion dans une revue d'histoire ecclésiastique. L'auteur est bien au cou- 
rant de l’état des questions et des controverses les plus récentes, et, sans se 
perdre dans le dédale d’une bibliographie aride qui ne serait nullement de 
mise ici et n'est d’ailleurs à sa place nulle part, il parvient à les synthétiser 
avec une véritable maîtrise, marque d'un esprit judicieux et précis. Nous 
avons éprouvé, pour notre part, une réelle jouissance à parcourir cette série 
de petits volumes qui remplaceront souvent toute une bibliothèque, 


E. ToBac. 


— Notre savant collaborateur Mgr AuausTs PELZER, Scriptor de la 
Bibliothèque vaticane, vient de faire une découverte importante qu’il 
communique dans les Annales de l’Institut supérieur de philosophie de Louvain 
(1923, p. 451-492), sous le titre : Le premier livre des Reportata Parisiensia de 
Jean Duns Scot (Louvain, 1, rue des Flamands, 1923. In-8, 48 p.). Comme on 
le sait, les Reportata Parisiensia du Docteur subtil ont été imprimés d’abord 
à Paris, grâce à Jean Mair, en 1517 et 1518, ensuite à Lyon, en 1639, par Luc 
Wadding. Cette dernière édition, notablement différente de celle de Jean 
Mair, a été universellement employée depuis près de trois siècles. Or, 
l'examen des mss que vient de faire Mgr Pelzer, prouve qu’en ce qui concerne 
le Ier livre « les Reportata Parisiensia de l'édition de Wadding sont simplement 
une reconstitution arbitraire, basée sur l’Abrégé de Guillaume Alnwick, de 
la Réportation authentiquée par le Docteur subtil, et sur la mauvaise Répor- 
tation éditée par Jean Mair ». D'autre part, il reste au moins trois exemplaires 
mss de la Réportation du Ier livre, authentiquée par l'examen qu’en a fait 
Duns Scot lui-même. Ces mss, analysés par Mgr Pelzer, serviront de base à 
la nouvelle édition de la Réportation du Ier livre, qui paraîtra incessamment. 


À. D. M. 


— Après 30 années, voici achevée la publication des Ordonnances des Pays- 
Bas. Règne de Charles V, en six gros in-fol. Le dernier ou 6e de la collection, 
paru récemment (Bruxelles, J. Goemaere, 1922. In-fol. 510 p.) par les soins 
de feu M. J. LAMBERE, président honoraire de la Cour de Cassation, com- 
prend le texte intégral des ordonnances de janv. 1550 à oct. 1555. Nous 
possédons donc toute l’œuvre législative de Charles-Quint en Belgique ; 
mais le mot ordonnance doit s'entendre au sens large : instructions explica- 
tives, arrêts du Conseil privé, octrois commerciaux, édits, règlements, 
voire tarif de tonlieu. L’historien de l'Église aura À glaner dans le volume aux 


144 cHRONIQUÉ. 


. mots : hérésies, blasphèmes, clergé, nouveaux chrétiens, religion, nonces, etc. 
Quelques références bibliographiques manquent de précision (v. p. 63, 110, 
118, 228, 296). H. N. 


— Le nom de Léonard Lessius est bien connu de tous ceux qui s'occupent 
de sciences ecclésiastiques. Auteur de plusieurs traités de théologie dogma- 
tique, de morale et d'ascétisme, Lessius a exercé de son vivant une influence 
considérable et, de nos jours encore, ses opinions ont une grande autorité dans 
les milieux théologiques. A l'occasion du troisième centenaire de sa mort, 
quelques revues lui ont consacré, en 1923, des articles qui ont été signalés 
dans n°tre bibliographie. À cette même occasion le KR. P. K. Van Suez, S. J., 
a fait paraître un ouvrage assez étendu, où il a condensé le résultat de ses 
patientes recherches sur la vie et les œuvres du grand théologien (Leonardus 
Lessius. Wetteren, J. De Meester, 1923. viti-336 p.). La famille de celui-ci 
ainsi que ses supérieurs ont pieusement conservé de lui de nombreux souve- 
nirs, ce qui a permis au R. P. Van Sull de nous retracer une biographie 
détaillé de Lessius et de nous faire connaître successivement sa jeunesse, ses 
années d’études, ses débuts dans la Compagnie de Jésus et dans l’enseigne- 
ment, ses démêélés avec l’université de Louvain, les succès vraiment remar- 
quables qu'il obtint comme prêtre, comme professeur et comme écrivain, 
enfin sa mort et la réputation de sainteté qu'il laissa. 

L'ouvrage du R. P. Van Sull poursuit sans doute un but d’édification. Mais 
il rendra aussi de réels services aux historiens de l'Église par les nombreux 
détails qu’il leur apprendra sur la vie d’un des plus influents théologiens de 
la Compagnie de Jésus. A. D. M. 


— La Société d’études religieuses, dans un but de diffusion doctrinale, 
publie périodiquement des brochures à bon marché, mais de tenue fort 
remarquable, si l’on en juge par celles que Dom H. Dumaine vient de faire 
paraître sur Le Dimanche Chrétien, ses origines, ses principaux caractères» 
(Bruxelles, Soc. d’études religieuses, Action catholique, s. d. [1922]. In-12). 
C’est en effet un travail approfondi, à la fois théologique et historique. sur 
l'institution fondamentale du culte chrétien. À feuillcter ces 125 pages 
d'impression serrée mais très nette, à lire le prix de l'abonnement annuel : 
10 fr. les 24 brochures de quinzaine, on se voit reporté aux années d'avant- 
guerre. La Société s’honore du patronage des cardinaux Mercier et Dubois. 

P. DEBONGNIE. 


— La Revue d'histoire ecclésiastique a annoncé déjà la fondation de l Œuvre 
nationale pour la reproduction des manuscrits à miniatures (t. XVIII, 1922, 
p. 602). Aujourd’hui cette société cst en pleine activité. Elle a publié un 
premier volume, qui est un petit chef-d'œuvre de reproduction d'après la 
photographie dés quatre couleurs : Les heures de Notre Dame, dites de 
Hennessy (Bruxelles, 1923. In-8, 56 pl. en couleurs ct or, 14 pi. en photo- 
typogravure, grandeur de l'original, 112 p.). La rédaction du texte ne pouvait 
être mieux confiée qu'à M. Jos. DESTRÉE, qui a commenté autrefois Îles 
reproductions monochromes consacrées au précieux manuscrit. Le texte 
nouveau est complètement remanié et fournit des renscignements inédits 
sur les productions de l'atelier de Simon Bening. L’exécution des planches 
est due à la maison Jean Malvaux, l'impression par la maison J. E. Goossens 
s'est faite sous la direction de M. H. Grégoire. 

D'autres publications se préparent. M. FIERENS-GEVAERT commentera le 


BELGIQUE. 145 


Livre d'Heures du duc de Berry, dont les miniatures sont attribuées à 
Jacquemart de Hesdin. M. C. Gaspar, de la Bibliothèque royale, prépare 
l'édition des Chroniques du Hainaut, avec ses miniatures de Guillaume Vrelant. 
Après cela viendra le tour d’autres manuscrits célèbres, peut-être en premier 
lieu du Livre d'Heures de Philippe le Bon, conservé à La Haye. 


M. Ep. MICHEL, auquel nous devions déjà Hôtels de ville et beffrois de 
Beigique, vient de faire paraitre à la librairie Van Oest un nouveau volume, 
intitulé : Abbayes et Monastères de Belgique. Leur importance et leur rôle dans 
le développement du pays. (Bruxelles, 1923. In-12, 270 p. et 48 pl.). Après un 
aperçu général et substantiel, dont le sous-titre indique suffisamment la 
nature, l’auteur passe en revue, province par province, un grand nombre 
d'abbayes, les unes encore existantes dans leur ensemble, les autres 
remarquables par la beauté de leurs ruines où par la grandeur de leurs 
souvenirs. Pour chaque monastère la notice comprend quelques renscigne- 
ments pratiques, de courtes notions sur l’état actuel et sur l’histoire, et une 
excellente bibliographie sommaire. On pourrait sans doute signaler quelques 
lacunes dans la liste des maisons décrites : ainsi la Chartreuse et l'abbaye 
Ste Gertrude à Louvain, pour ne pas signaler d’autres omissions, méritaient 
d'ètre mentionnées. Mais, tel qu’il est, ce modeste ouvrage contient de 
nombreux et précieux renseignements. Non seulement le touriste, mais 
l’archéologue et l’historien consulteront volontiers son illustration bien 
choisie, ses notes rapides et surtout sa bibliographie détaillée ct con- 
sciencieuse. R. M. 


— Les Verzamelde opstellen uitgegeven door den geschied- en oudheidskun- 
dige studiekring te Hasselt ter eere van den E. H. Pol. Daniéls (Hasselt, 1923. 
In-8, 158 et photogr.) contiennent, outre une bio-bibliographie du distingué 
et savant drchiviste de Hasselt, M. Pol. Daniëéls (par M. SENGENS), de 
nombreux articles intéressant l'histoire et l'archéologie religieuses du 
Limbourg. Parmi ceux-ci signalons : P. DaniËLs, Le château de Curange; 
Lettre d'indulgence délivrée en 1363 en faveur de l’abbaye d'Herkenrode. 
Le bénitier de l'église d’Heur-le-Tixhe et Jean Fréderix, curé de Hasselt : 
SmoLpERrs, la nouvelle église de Donk ; PAQuayY, Liste des curés primaires de 
Hasselt ; C. VAN DER STRAETEN, Origine de la chantrerie en l’église primaire 
de Hasselt ; CognEN, L'église abbatiale de Postel. 


— Le Spicilegium Sacrum Lovaniense, dont les deux premiers fascicules ont 
déjà été analysés dans la RHE (t. XIX, p. 206), vient de faire paraître quatre 
nouveaux fascicules : celui de M. CHossaT, qui donne une solution originale 
et inattendue au problème de l'authenticité de la Sumima Sententiarum ; celui 
de M. Barpy sur Paul de Samosate, qui étudie de façon «exhaustive » et à 
l'aide de quelques nouveaux fragments, la carrière et la doctrine d’un per- 
sonnage longtemps célèbre ; celui de MM. DE BAcKkER, POUkENS, LEBACQZ ct 
DE GHELLINCK, qui fournit les résultats d’une vaste enquête lexicographique 
sur l'emploi du mot sacramentum pendant toute la période anténicéenne; 
enfin, celui de M. FLicHe sur l’élaboration des idées grégoriennes à la fin du 
xe siècle et pendant les trois premiers quarts du xit siècle. 


— C'est avec plaisir que nous annonçons à tous ceux qui s'intéressent aux 
, études théologiques la publication d'une nouvelle revue trimestrielle Ephe= 


REVUB D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 19 


146 CHRONIQUE. 


merides Theologicie Lovanienses, éditée sous la direction de MM. J. BiTTRe- 
MIEUX, J. DE BECKER, J. FoRGET, A. JANSSEN, C. Van CROMBRUGGHE et 
A. Van Hove, professeurs à la Faculté de théologie de l’université de Louvain. 
Elle sera consacrée à l’étude des questions relevant de la théologie dogma- 
tique (générale et spéciale), de la théologie morale et du droit canon. Elle ne 
s’occupera pas ex professo d'histoire ecclésiastique ou de critique biblique. 

Chaque numéro de la revue (in-8 de 128 p. environ) comprendra des 
articles de fond, des notes ou mélanges, des comptes rendus, une biblio- 
graphie aussi complète que possible, systématique ct critique, des ouvrages 
et des articles parus dans différentes revues, enfin, s'il y a lieu, une chronique. 
Le prospectus donne de plus amples détails sur la façon dont seront 
traitées les différentes matières. La liste des collaborateurs, où l’on trouve 
des noms avantageusement connus dans le monde théologique, permet d’en 
attendre des contributions de réelle valeur. Le prix de l’abonnement est de 
25 francs pour la Bcigique, de 30 francs pour les autres pays. M. l'abbé 
A. Janssen (19, rue des Récollets, Louvain), est chargé du secrétariat de la 
Revue et M. Bcyaert (6, rue Notre-Dame, Bruges) de l’édition. 

Nous souhaitons à la nouvelle revue grand succès et nous espérons qu’elle 
contribuera puissamment à donner un nouvel essor aux études théologiques 
en notre pays et à l'étranger. 


Égypte. — ConsTanTIN KaLLinikos (protopresbyter}), ‘O ALIGTIRUr0G 
Va0s noi TO TEAGUUEVA Ey aur@. Alexandrie, 1923. 750 p. Ce grand ouvrage 
comprend deux parties : la première traite du développement historique de 
l’architecture chrétienne en Orient, de l’ornementation et du mobilier des 
églises ; la seconde, de la liturgie et des sacrements. Exposé clair et 
méthodique qui rendra service à ceux qui s'occupent soit d'archéologie 
chrétienne, soit de liturgie orthodoxe. 


M. J. PaokyLipes, directeur de l’'Exz. Doucs, annonce la publication 
prochaine d’un gros ouvrage de 800 p., comprenant l'histoire complète de la 
laure de Saint-Sabas le sanctifié ((O ‘Hszxcuivos). A. PALMIERI. 


Espagne. — M. B. SancHEz ALONSo : Fuentes de la historia espanola 
(Ensayo de bibliografia sistematica de las monografias impresas que illustran 
Ja historia politica nacional de España excluidas sus relaciones con América). 
Con prélogo de D. R. Altamira. Madrid, Centro de estudios histéricos, 
Moreto, 1, 1919. In-4, xx1-448 p. Pés. 20. Ce répertoire comble, au moins en 
partie, une lacune fort regrettée par les historiens. Il comprend uniquement, 
comme le sous-titre l'indique, les ouvrages se repportant à l’histoire poli- 
tique d'Espagne. Les ouvrages concernant soit les sciences auxiliaires, soit 
l'histoire spéciale (constitutionnelle, religieuse, économique, sociale, etc.) et 
locale n’y ont pas trouvé place et seront signalés dans un volume suivant. De 
plus, l’auteur se propose (p. xvit) de dresser, dans un tome séparé, la liste 
des sources et des travaux relatifs aux rapports de l'Espagne avec l'Amérique, 

Les ouvrages sont rangés, d’après l’ordre chronologique, sous sept 
rubriques : 1) période préromaine (p. 1-10); 2) période romaine (205 av. 
J. C.-414 après J]. C.) (p. 11-13) ; 3) période wisigothique (414-711) (p. 23-103); 
- 4) période arabe-chrétienne (711-1516) (p. 23-103); 5) période de la Maison 
d'Autriche (1516-1700) (p. 104-218); 6) période des Bourbons (1700-1808) 


ESPAGNE. 147 


(p. 219-254) : ?) l'Espagne au xixe siècle (p. 255-370). Pour chaque période, 
l'auteur signale d’abord les sources, puis les principaux travaux (les 
ouvrages de vulgarisation et les manuels d’histoire en usage dans l'enseigne- 
ments primaire et secondaire étant exclus), les traductions qui en ont été 
donnécs et les comptes rendus qui en ont paru dans différentes revues 
espagnoles et étrangères. Il énumère ainsi 6783 titres. Sans doute, pour ce 
qui concerne les sources, l'ouvrage de M. Sanchez Alonso est encore fort 
incomplet. Mais on ne peut oublier qu’en Espagne l'élaboration des cata- 
logues des bibliothèques et le travail d'inventorisation des archives sont neu 
avancés. Trois index, donnés à la fin du volume, en facilitent l'usage : 
1} able onomastique des auteurs et des traducteurs cités, suivie de la liste 
des pseudonymes dont les vrais noms n’ont pas encore été trouvés jusqu’à 
présent (p. 371-419) ; 2) table alphabétique des matières ; 3) table alphabétique 
des ouvrages et des sigles. Ce répertoire de M. Sanchez Alonso, faut-il le 
dire, rendra de grands services aux historiens. Souhaitons qu'il puisse être 
complété à bref délai. 


On sait que M. P. Torres LANzaAs, directeur du Centro de estudios ame- 
ricanistas de Sevilla, a entrepris la publication d’un inventaire du riche dépôt 
d'archives qui lui a été confié (cfr RHE, 1922, t. XVIII, p. 605-606). Son 
Catälogo de Legajos del archivio general de Indias. Seccién tercera ; Casa de 
contrataciôn de Indias (Séville, Zarzuela-Alvarez, Quintero 72, 1922. In-4, 
256 p.) constitue le quatrième et dernier volume de la section indiquée et le 
huitième de la Biblioteca colonial americana. Les documents, inventoriés 
dans ce volume, se rapportent principalement à l'intervention de la « Casa 
de contrataciôn de Indias » de Séville dans les missions militaires, commer- 
ciales, religieuses qui allaient et revenaient entre l'Espagne et l'Amérique, 
de 1573 à 1786. Les documents signalés p. 222-223 concernent exclusivement 
les missions des franciscains, des jésuites et d’autres religieux. 


Dans la même collection, Biblioteca colonigl americana, le R. P. J. Zarco 
Cueva, O.S. À. a fait paraître, d’après le ms de l’Escurial ij-k-15, un docu- 
ment du xvic siècle, intéressant l’histoire de la colonisation américaine : 
Libro intitulado : Coloquios de la Verdad : Trata de las causas e inconve- 
nientes que impiden la doctrina y conversiôn de los Indias de los Reinos del 
Peré y de los danos é malas é agravios que padecen ; por Pedro de Quiroga 
(Séville, Zarzuela-Alvarez, 1922. In-4, 130 p.). L'auteur, qui se cache sous le 
pseudonyme de Quiroga, est resté inconnu jusqu’à présent. On peut déduire 
de ses propres affirmations qu'il était prêtre et qu’il avait séjourné comme 
missionnaire pendant quelques années en Amérique. Partisan des idées de 
Las Casas, il attaque violemment Sepülveda. Dans une introduction (p. 5- 
36), le KR. P. Zarco décrit la situation du Pérou au xvie siècle ; il montre 
ainsi combien peu de confiance mérite cette littérature polémique répandue 
par les admirateurs et les adversaires de Las Casas. 


R. P. GorpiLLo, S. ]. La Asuncion de Maria en la Iglesia espanola 
(Siglos VII-XI). Madrid, Editorial La Estrella del Mar, 1922. xvi-272 p. 
Dans cet ouvrage, le R. P. Gordillo cherche à résoudre différents problèmes 
qui se posent, pour l'Église d'Espagne, touchant l’origine de la croyance en 
l'Assomption de la Sainte-Vierge. Dans ce but, il examine d’abord les nom- 
breux documents de la liturgie mozarabe (hymnes, prières, messes, calen- 


. driers), qui accordent déjà une place importante à la fête de l’Assomption.et 


148 CHRONIQUE. 


en parlent avec une précision théologique remarquable. Les origines de la 
liturgie mozarabe restent assez obscures ; en particulier, ses rapports avec 
la liturgie gallicane sont encore mal connus. Cependant, pour ce qui con- 
cerne la fête de l’Assomption, le R. P. Gordillo admet que la liturgie moza- 
rabe ne dépend pas de la liturgie gallicane. En effet, contrairement à cette 
dernière, la liturgie mozarabe accorde une place toute spéciale à S. Jean 
l'Évangéliste et elle fixe la date de la fête, non en janvier, mais le 15 août. 
La première mention de l’Assomption se retrouve dans l’antiphonaire de la 
cathédrale de Léon, que dom Férotin ct Mgr Duchesne attribuent au com- 
mencement du vinie siècle. Le Liber comitis de S. Millän, un peu postérieur 
à cet antiphonaire, contient, dans quelques feuillets ajoutés à la fin du livre, 
des extraits de l’Écriture appliqués à l’Assomption et une note du copiste 
d’après laquelle la fête aurait été introduite à San Millän au temps de l'abbé 
Émile, vers 706. Le P. Gordillo en conclut que la fête était célébrée en 
Espagne au commencement du vite siècle. Il va même plus loin et prétend 
établir que la messe de cette fête a été composée par S. Ildephonse. Cette 
dernière affirmation n’est, évidemment, qu’une simple conjecture. Je crois 
même que la première conclusion de l'auteur ne sera pas admise sans 
réserve. L’annexe du Liber comitis, sur laquelle elle s'appuie en partie, est 
d'une datc trop incertaine pour qu’elle puisse fournir une preuve solide. Et 
le R. P. n’a guère démontré que le passage de l’antiphonaire de Léon, sur 
lequel se base aussi sa conclusion, n’est pas une simple interpolation. En outre, 
en maintenant sa thèse, il peut difficilement expliquer le silence de S. Isidore 
” touchant cette fête, dans son De ortu et obitu Patrum. 

Quoi qu'il en soit, après avoir étudié ces documents liturgiques, le R. P. 
examine les récits que nous ont laissés de leur voyage en Terre-Sainte les 
nombreux pèlerins de cette époque. Ces relations ne renferment aucun 
témoignage explicite sur notre question. Enfin, le R. P. cherche à s'appuyer 
sur le fait que différentes églises ont été dédiées autrefois à l’Assomption. 
Mais ici encore, il ne trouve guère de preuve convaincante. Le célèbre bas- 
relief de Saragosse, du ive siècle, qui représenterait, d’après quelques 
_ auteurs, l’Assomption de la Sainte-Vierge (cfr Dict. d'arch. chrét. et de lit., 
t. 1, c. 2990-2992), est resté, dans tous les cas, un témoignage isolé, dont le 
sens a été rapidement perdu. En annexe (p. 211-269), le R. P. publie des 
extraits des principaux documents liturgiques, cités dans son ouvrage. 

En somme, le KR. P. a soulevé une question très intéressante ; pour la 
. résoudre, il a interrogé tous les documents ; quant à ses conclusions, quel- 
ques-uncs au moins paraîtront bien risquées et appellent des réserves. 


Le congrès hispano-portugais pour le progrès des sciences s'est tenu 
à Salamanque du 24 au 29 juin 1923. À la section d'histoire, quelques 
travaux ont été présentés : M. QuEiroz VELLOSo, professeur à l’université 
de Lisbonne, donna un rapport sur l’O arquivo general de Simancas et son 
importance pour l’histoire du Portugal. — Mgr FERREIRA a lu un mémoire 
sur l’histoire d'Oporto depuis le vie siècle. — Le R. P. Gascon, S. J. fit 
connaître les ditiérents répertoires des écrivains de la compagnie de Jésus. 
— M. LoPrez MARTINEZ, professeur à Séville, exposa les relations entre 
l'Espagne et le Portugal dans la seconde moitié du xvrre siècle. 
Pour la première lois, ce congrès a admis une section de théologie. 
Plusieurs communications y ont été faites qui intéressent autant l'historien 
de l'Eglise que le théologien : P. GoYEna, S. J., L'école de Roger Bacon et 


ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. 149 


la théologie espagnole ; Munecas, S. J., Les Albigeois à Léon ; Bover, S. J., 
La médiation de Marie dans la tradition patristique ; BELTRAN De HEeRRDIA, 
0. P., Les dominicains espagnols et l’enseignement universitaire; GALDOZ, S. J, 
Les études bibliques en Espagne avant le concile de Trente : Mgr FERREIRA, 
Les origines liturgiques de l'Église de Braga ; PrADo, O.S. B., La liturgie 
sisigothique du baptéme et de la PRE des églises ; Le chant dans 
l'acienne Église espagnole. 

Les théologiens, réunis à ce congrès, ont ne aussi des changements 
àapporter au programme de l’enseignement théologique. Mais ces proposi- 
tions ont le grand tort d’être trop vagues et il est à craindre qu'on n’en 
tienne aucun compte. 


La liste des ouvrages reçus par l’Académie, qui paraît périodiquement 
dans le Boletin de la Real Academia de historia, sera désormais rédigée 
d'après un ordre systématique. 


La nouvelle collection, entreprise par M. BeNjamIN Marcos sous le 
titre : Biblioteca filoséfica. Los grandes filésofos espanoles (25, Paseo de Reco- 
letos, Madrid), est destinée À faire connaître les principaux écrivains et 
philosophes d'Espagne. Chaque volume comprendra la biographie sommaire 
d'un auteur, la liste de ses œuvres, l'exposé de sa doctrine, quelquefois des 
extraits de ses écrits. 


Décès. — Le KR. P. Pascuaz SAuRA Lenoz, O. F. M., ancien directeur 
de la Revista franciscana, auteur de la Vida de Sor Teresa Arguyol, fundatore 
de las Clarisas de la Providencia, et de nombreux articles parus dans l’Archivo- 
Ibero-Americano. I] enseigna, depuis 1919, l’histoire des missions à Rome, 
et collabora à l’achèvement du Bullarium franciscanum. 

L. GOLDARACENA. 


États-Unis d'Amérique. — Comme on le sait, l'Église épiscopalienne 
travaille activement à se rapprocher des Églises d'Orient. Dans ce but, le 
Dr Frank Gavin, professeur d’exégèse du N. T. au séminaire de Nashotah 
(Wisconsin), vient de publier un ouvrage sur l'état actuel de la théologie 
orthodoxe : Some aspects of contemperary greck orthodo.r thought (Milwaukee, 
1923. In-8, xxxX1V-430 p.). Laissant de côté la théologie russe, il expose la 
doctrine de l'Église orthodoxe grecque, principalement d’après Androutsos, 
Rhosis, Dyovouniotis et Mesoloras. Dans les prolégomènes, l’auteur reprend 
et discute les données et les conclusions que nous avons recueillies dans 
notre Theologica dogmatica orthodoxa. Suit un exposé précis et savant, en 
plusieurs chapitres, de la doctrine théologique grecque sur Dieu, le péché, la 
justification, le salut éternel, le rédempteur, la grâce, l'Église, les sacrements, 
le jugement dernier, la résurrection. En général, M. Gavin se montre favo- 
rable aux doctrines de l'Église grecque. Il rejette l'opinion que nous avons 
émise touchant l'absence de progrès dogmatique « secundum quid » dans la 
théologie des Églises d'Orient. Nous ne pouvons accepter toutes les affirma- 
tions de l’auteur, mais nous lui reconnaissons volontiers une vaste érudition 
et une grande pénétration dans l'intelligence et l’exposé des doctrines. Son 
ouvrage, qu’on pourrait appeler un traité éclectique de théologie orthodoxe, 
est fort remarquable et il est à souhaiter qu’il trouve bientôt son pendant 
dans la littérature catholique. A. PALNMIERI, 


150 CHRONIQUE. 


— En publiant son beau volume : The national Pastorals of the American 
Hierarchy (1792-1919) (Washington, 1923. In-8, x111-358 p.), le professeur 
Dr P. Guizpay n'a pas seulement servi les intérêts de la vie religieuse dans 
sa patrie, mais aussi ceux de l'histoire ecclésiastique. Ces lettres pastorales, 
au nombre de treize, sont, ainsi que l’observe justement leur éditeur, comme 
des miroirs qui reflètent la vie intime de l'Église durant les cent-trente ans 
écoulés depuis l'établissement de la hiérarchie catholique aux États-Unis. 
Dispersés, ces documents risquent de se perdre malgré leur importance : le 
présent volume les sauvera tout à la fois de la destruction et de l'oubli. Les 
textes sont précédés de brèves introductions, qui mettent le lecteur au 
courant des circonstances qui en expliquent l'origine et la teneur. M. Guilday 
a étendu à toutes les pièces la division systématique en paragraphes avec 
titres particuliers, dont certaines lettres fournissaient le modèle ; l’utilité 
pratique de la collection n'a fait qu'y gagner. Grâce à l’index détaillé et très 
heureusement conçu qui le termine, ce volume renseignera rapidement, et 
par des sources autorisées, tous ceux qui lui demanderont les éléments de 
l'histoire religieuse des États-Unis durant la dernière période, et des direc- 
tives et des solutions pour bien des difficultés et des problèmes de l’heure 
présente. J. Leson. 


— Nous signalons ici deux recueils d'études se rapportant à l’histoire du 
christianisme et à l'exposé de sa doctrine et de sa mission : le premier, The 
return of Christendom (New-York, Macmillan, 1922. [n-8, xx-252 p.) contient 
neuf articles, précédés de deux préfaces, composées par les évêques anglicans 
Brent et Gore; ces articles dénoncent les maux de la société moderne et 
proposent un plan de réforme sociale, basée sur les principes chrétiens. Le 
second : Anglican Essais (New-York, Macmillan, 1923. In-8, x-337 p.) est une 
réponse indirecte du parti « modéré » de l'Église anglicane au congrès « anglo- 


catholique ». Quelques études de ce recueil sont purement polémiques. 
A. P. 


France. — Nous devons encore signaler à nos lecteurs les principales 
études que renferme le tome V (fasc, 45-50. Paris, Letouzey et Ané, 1922) du 
Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, publié sous la direction du 
Rme po F. CasroL et du R. P. Dom H. LeczercQ. Sur la ville d'Envermeu 
(c. 68-107), le R. P. H. LecLERcQ donne une étude historique et archéologique 
des plus intéressantes. Située dans la vallée de l'Eaulne, une des plus riches 
au point de vue archéologique, Envermeu nous a conservé de nombreux 
vestiges de l’époque franque : des fosses, des vases, des haches, des clefs en 
fer, des couteaux et des flèches, etc. Par la description détaillée de ces 
vestiges, le R. P. reconstitue une image de la civilisation franque. — La ville 
d'Éphèse (c. x18-r42) était, à l'époque néotestamentairce, la métropole de la 
province romaine d'Asie et un des centres religieux les plus célèbres. De 
plus, elle a joué un rôle considérable dans la diffusion du christianisme ; 
S. Paul etS,. Jean y firent, l’un et l’autre, un séjour prolongé. Le R. P. H. Le- 
CLERCQ en donne une description remarquable et retrace, dans des couleurs 
vivantes, l’activité qu'y ont exercée Paul, Luc et Jean. Il fait connaître ses 
principales églises, où l'art byzantin offre des éléments asiatiques combinés 
avec des éléments romains sous l'influence grecque. — Touchant l’Épiclèse 
(c. 142-184), le Rme pom CABROL a réuni les principaux témoins patristiques 
et les différentes formules qu'on rencontre dans les liturgies orientales, 


FRANCE. 151 


grecque, gallicane et romaine. L’explication de l’épiclèse soulève, comme on 
sait, certaines difficultés théologiques. On trouvera ici les solutions qui ont 
été proposées par les théologiens. Enfin, le Rme P. retrace à grands traits 
l’évolution de l’épiclèse et développe les textes de l’Écriture sur lesquels elle 
s'appuie. — L'étude du R. P. H. LECLERCQ sur l'Épiscopat (c. 202-238) con- 
stitue une excellente synthèse des nombreux ouvrages qui ont été écrits sur 
l'origine et le premier développement de cette institution jusqu’à la fin du 
ve siècle. Elle comporte d'abord la discussion du sens exact des mots 
EntTXONOS et mpeofBirepos dans les écrits du N.T.; puis l'exposé de la doc- 
trine de S. Ignace d’Antioche ; enfin la critique des témoignages postérieurs 
attestant le développement de l’épiscopat. — Dans son article sur les Épiîtres 
(c. 245-344) dans l'Église occidentale, le R. P. G. Gopu aborde un sujet 
encore peu étudié. L'usage de lire et de commenter l'Écriture Sainte dans 
les assemblées des fidèles remonte aux premiers siècles de l'Église. Mais il 
ne s’agit pas encore à cette époque de péricopes déterminées, attribuées à des 
dates fixes de l’année ecclésiastique. Les premières tentatives de fixation de 
péricopes apparaissent en Gaule vers le milieu et à la fin du ve siècle. Au 
début, cette détermination ne se fit que pour certaines fêtes; mais, dans la 
suite, elle fut étendue aux dimanches et à toutes les fêtes de l’année ecclé- 
siastique. Elle se produisit vers la même époque, mais d’une manière indé- 
pendante, dans différentes Églises. Ainsi nous avons plusieurs systèmes ou 
séries de péricopes que le R. P. fait connaître par une description minutieuse 
et par des tableaux comparatifs : les systèmes mozarabe, carolingien, 
ambrosien, romain. Quant à expliquer la formation de ces systèmes, c’est là 
un problème très obscur. En effet, si l’on peut rendre compte du choix de 
certaines péricopes, qui se présentent d’ailleurs dans toutes les séries aux 
mémes jours, pour les autres, on en est réduit aux conjectures. — Au mot 
Êre (c. 350-384), le R. P. H. LecLERCQ donne des notions sur les ères les plus 
fréquemment employées dans les documents chrétiens. Nous les énumérons 
ici : l'ère Alexandrine mineure, l’ère césarienne d’Antioche, l'ère de Bostra, 
l'ère de l'Eglise byzantine, l'ère chrétienne, l’ère de Dioclétien, l’ère d'Es- 
pagne, l’ère de Gaza, l'ère de Maurétanie, l'ère des Séleucides. — L'article 
Espagne (c. 407-523), du même KR. P. H. LECLERCQ, est très intéressant tant 
au point de vue historique qu’au point de vue archéologique. Avec finesse et 
pénétration, le KR. P. y discute d’abord les textes relatifs aux origines du 
christianisme en Espagne. Ensuite il fait connaître le développement qu'y 
prit l'Église de la fin du rie siècle jusqu’au commencement de la période 
wisigothique. En ce qui concerne les monuments de l'Espagne chrétienne, 
ils sont peu nombreux et de médiocre importance. « Les conditions dans 
lesquelles l’Église catholique végéta sous les rois ariens ne permettaient pas 
d'imposantes et solides constructions ». De plus « les rares spécimens qui 
nous ont été conservés prêtent parfois à des hésitations qui autoriseraient à 
les rajeunir notablement ». Tel est le cas pour San Juan Bautista de Banos 
et pour plusieurs autres églises et oratoires que les archéologues espagnols 
attribuent trop facilement à l’époque wisigothique. Dans la description de 
ces monuments, l’auteur fait preuve d’une critique judicieuse, et montre ce 
qu'il y a d’arbitraire et d’erroné dans les opinions qu'il combat. Les monu- 
ments épigraphiques à date certaine ne paraissent que fort tard en Espagne 
(fin du 1ve siècle). On en possède entre cinq et six cents, dont un assez grand 
nombre ne sont connus que par des copies manuscrites, Plusieurs d’entre eux 


152 CHRONIQUE. 


nous ont conservé des listes de reliques’ d’autres le nom de certains évêques 
ou prêtres ; d’autres encore des usages rituels. Enfin, l'Espagne ne possède 
qu’un nombre assez restreint de sarcophages chrétiens ornés de bas-reliefs ; 
trois d'entre eux seulement portent des inscriptions. Le R. P. en décrit une 
trentaine, des plus caractéristiques ; à son avis, ils proviennent presque tous 
de l’étranger. — La Peregrinatio Sylviae ou Etheriae, retrouvée fragmen- 
tairement à la fin du xixe siècle, a donné lieu à d’intéressantes études 
d'histoire littéraire. On sait que c’est dom M. Férotin qui, le premier, a 
déterminé l’auteur de cet écrit. Au mot ÆEtheria (c. 552-584), le même 
R. P. FÉROTIN et dom H. LECLERCQ nous font connaître l’histoire de ces 
études ainsi que les circonstances de composition de la Peregrinatio. — Au 
mot Éthiopie (c. 584-624), dom H. LecLercQ discute les textes relatifs à 
l’'évangélisation des différentes peuplades de ce pays. Il soutient que le 
Christianisme n’y fut introduit qu’au rve siècle. Il dépeint l’activité de S. Fru- 
mence et de Théophile de Dibons et passe en revue les premières conversions 
opérées chez les Blemmves, les Nobades, les Alodes et les Homérites. — Le 
martyre et la sépulture de S. Etienne soulèvent des questions de critique, 
sur la solution desquelles les auteurs ne s'entendent pas. Dans son étude sur 
S. Étienne (c. 624-671), le R. P. H. LECLERCQ expose clairement l'état de ces 
questions controversées et examine méthodiquement les arguments invoqués 
de part et d’autre. Pour ce qui concerne les rapports qui existent entre la 
basilique Saint-Étienne et le lieu de lapidation, l’auteur, adoptant les con- 
clusions du P. Lagrange à ce sujet, écrit : « À l’époque des croisades, le 
culte de S. Étienne se concentrait au lieu que l’on croyait être celui de la 
lapidation, celui-là même où s'était fixée la tradition du milieu du ve siècle. » 
La tradition postérieure en faveur du martyrium de Cedron doit être rejetée. 
— L'Espagne honore deux saintes portant le même nom Eulalie, celle de 
Merida et celle de Barcelone. Reprenant les arguments et les conclusions du 
P. Moretus, le R. P. H. LECLERCQ (c. 705-732) prouve l'existence de S. Eulalie 
de Merida, et rejette celle de S. Eulalie de Barcelone. Celle-ci n’est qu’un 
dédoublement de la première. — Le même auteur, dom H. LECLERCQ, 
consacre un bel article à Eusébe de Césarée (c. 747-775), où il fait connaître la 
vie ct l’étonnante activité de ce grand historien, ainsi que les services 
immenses qu’il a rendus à l’histoire de l'Église. — Au mot Évangéliaire 
(c. 775-845), le KR. P. H. LEcLERCQ donne un essai de classification de quel- 
ques évangéliaires. 168 évangéliaires, appartenant à presque tous Îles pays 
d'Occident, y sont décrits et classés. — L'étude du KR. P G. Gopu sur les 
Évangiles (c. 852-923) est à rapprocher de celle qu'il a donnée plus haut sur 
les épîtres. En effet, pour l’emploi des évangiles on constate la même 
évolution que pour l'usage des épitres : pour l’un comme pour l’autre, on se 
heurte aux mêmes difficultés quand on cherche à déterminer les règles qui ont 
présidé à la fixation des péricopes Les séries d’évangiles, analysées par le 
R. P., appartiennent à plusieurs pays : l'Espagne, la France, l'Italie septen- 
trionale (Milan) et méridionale (Rome-Naples). Comme pour les séries 
d’épîtres, l’auteur étudie ici plus en détail le système romain. Il complète, 
sous ce rapport, les conclusions de l'ouvrage d’E. Ranke, qui reste toujours 
le meilleur sur le sujet. — Adam et Live ont été souvent représentés sur des 
fresques ou autres monuments chrétiens. Le R. P. H. LEcLERCQ nous donne, 
au mot Eve (c. 923-938) un bon chapitre de l'histoire de l'iconographie en 
décrivant 111 monuments et documents des plus caractéristiques sur lesquels 
figurent les premiers parents de l'humanité. — Touchant l’Expansion du 


FRANCE. 153 


christianisme (c. 978-1014), le R. P. H. LECLERCQ fait d’abord connaître, par 
l'analyse des sources, la diffusion du christianisme depuis ses débuts jusqu’à 
la paix de Constantin. La période apostolique, mieux connue que les deux : 
siècies suivants, occupe, dans cet exposé, plus de place. Puis, le R. P. traite 
de la pénétration sociale du christianisme : celui-ci ne s’adressi: pas unique- 
ment aux pauvres, et de bonne heure il compta des adeptes assez nombreux 
dans les hautes classes de la société. Suit, enfin, la liste des localités dans 
lesquelles, d’après les documents, le christianisme a été prêché pendant ces 
trois premiers siècles. — L'article Expositio missae (c. 1014-1027) de dom 
A. WILMART traite un sujet encore peu connu. Il ne s'agit pas ici des com- 
mentaires liturgiques ou symboliques de la messe, tels que le moyen âge nous 
en a légué beaucoup; l'Expositio missae appartient à une catégorie d'ouvrages 
bien déterminés ; c’est un commentaire des parties invariables de la messe 
qui vise l'instruction des ecclésiastiques. L'auteur énumère les principales 
Expositiones missae et en indique les différentes éditions. — Au mot Faillis 
(c. 1067-1080) dom H. LecLERCQ expose l’histoire des lapsi et le confit qu'eût 
à leur sujet S. Cyprien avec l’évêque de Rome. — Le même auteur met en 
lumière l’influence exercée par le christianisme sur la réorganisation de la 
Famille (c. 1082-1102). Il y insiste sur l’enseignement de la Didascalie et sur 
l'évolution de la législation canonique en matière familiale. Plusieurs monu- 
ments relatifs à la famille, sont cités et décrits dans cet article. —.On sait 
que, pour fixer les dates, les chrétiens ont fait couramment usage des Fastes 
consulaires (c. 1133-1212) jusqu’au milieu du vie siècle. Le R. P. H. LECLERCQ 
explique la règle suivie pour la datation consulaire, et apporte de nombreux 
témoignages épigraphiques. Cet article, comme celui mentionné plus haut 
sur l'ère, constitue une importante contribution à la chronologie. — Les Faux 
(c. 1213-1246) ne manquent pas dans la littérature chrétienne. L'article du 
KR. P. H. LECLERQ fait connaître les principaux d’entre eux : faux actes des 
martyrs, fausses lettres, fausses vies de saints, fausses décrétales, fausses 
liturgies, etc. — Sur la passion et le cimetière de Ste Félicité (c. 1259-1298) le 
R. P. H. LecLeRrcQ donne une contribution très importante, tant au point de 
vue hagiographique qu’au point de vue archéologique. — Au mot Femmes 
{c. 1300-1353) le même auteur fait connaître la condition sociale et juridique 
de la femme chez les Hébreux, en Égypte, en Grèce et à Rome; il montre 
’influence que le christianisme a exercée sur la condition sociale de la 
femme ; il expose le sens des paroles de l’Apôtre : e taceant mulieres in 
Ecclesia », et la législation canonique du mariage en vue de la protection de 
la femme ; enfin il retrace les différentes opinions des philosophes sur l’exis- 
tence de l’âme des femmes. — Le Rme dom CaBroL et le R. P. H. LECLERCQ 
consacrent une notice nécrologique et bibliographique à dom Férotin (c. 1382- 
1398», mort en 1914, qui fut l’un de leurs plus savants et dévoués collabora- 
teurs. — À propos des Fêtes chrétiennes (c. 1403-1452), le Rme dom CABRoL 
décrit l’origine des dimanches, des grandes fêtes du Christ, des fêtes de la 
Sainte Vierge. des saints et des apôtres. Il donne aussi l’histoire du calen- 
drier, en marquant la multiplication et la diminution des fêtes. 

A côté des articles, dont l'analyse précède, le t. V du Dictionnaire d'archéo- 
lygie contient encore de nombreuses études moins étendues, mais qui ne 
méritent pas moins de retenir l’attention des historiens et des archéologues. 
Comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises dans cette Revue, le 
Dictionnaire du Rme dom Cabrol et du KR. P. dom Leclercq donne sur l’art 
Chrétien et la liturgie un ensemble d’études de la plus haute valeur, 


154 CHRONIQUE. 


Les historiens de l'Église et plus particulièrement les historiens du 
dogme trouveront dans les fasc. LIII-LV du Dictionnaire de théologie catho- 
lique (Paris, Letouzey et Ané, 1922) quelques articles très importants. Sur 
l’Immavulée Conception (c. 845-1218), les RR. PP. M. Jucte et X. Le BACHELET 
cxposent longuement tout ce qui a été écrit sur ce dogme tant en Orient 
qu’en Occident. Des centaines d'écrivains y sont passés en revue et leurs 
doctrines développées et critiquées. — Les aperçus historiques de M. Ér. 
ManGin sur les Zmmunités ecclésiastiques (c. 1218-1262) rendront services aux 
canonistes. — Touchant le rite de l’Imposition des mains (c. 1302-1425), son 
origine, son usage et son efficacité, le R. P. GALTIER, S. J., donne une 
savante et consciencieuse dissertation. On connaît la place importante 
qu'occupe l'imposition des mains, comme rite de bénédiction, dans les 
usages juives. On se rappelle aussi que, d’après les évangiles, le Christ 
recourut fréquemment à l’imposition des mains dans les bénédictions et dans 
les guérisons. Enfin ce rite revient dans l’administration de plusieurs sacre- 
ments. Le R. P. classe les différents faits et expose les explications théolo- 
giques qui en ont été proposées. Peut-être aurait-il pu donner aussi quelques 
renseignements sur ce rite, tel qu'il se présente dans d’autres religions. — 
L'article Incarnation, de M. A. MicHEeL, est un exposé dogmatique des 
questions relatives à la personne du Christ. Il est suivi de nombreux renvois 
aux écrits des Pères et des théologiens. — Les Indépendants (c. 1557-1570) 
constituent depuis 1640 une secte dans l’Église d'Angleterre. M. HumBerrT en 
expose l’origine ct le développement jusqu’à nos jours. — M. Ér. MANGIN, 
Indulgences (c. 1594-1636) : contient une esquisse de l’histoire des indulgences. 
— Le KR. P. E. Duszancuy donne sur l'Infaillibilité pontificale les principaux 
témoignages patristiques. 


— M. CHARLES F. JEAN se propose de grouper un certain nombre de 
faits, d'idées, de documents, qui aident à faire revivre le milieu biblique 
avant Jésus-Christ. L'ouvrage comprendra trois volumes. Dans le premier, 
on raconte l'histoire et l’on décrit la civilisation des peuples du milieu 
biblique. Le second sera pour unc large part consacré à la littérature de ces 
peuples, surtout des Égyptiens et des Assyro-Babyloniens. Enfin, le troisième 
volume traitera de l’histoire des idées religieuses et morales dans Île milieu 
biblique. 

Le premier volume a paru (Le milieu biblique avant Jésus-Christ. I. Histoire 
et civilisation. Paris, Paul Geuthner. 1922, In-8, xx1-339 p. Fr. 20). Le sujet 
qu'il développene se rattache que très indirectement à l'histoire ecclésiastique. 
Nous nous contenterons d’en indiquer le plan, réservant aux autres volumes 
un compte rendu plus développé, s'ils se rapprochent davantage du pro- 
gramme de la Revue. L'histoire du milieu biblique est partagée en trois 
périodes : des temps préhistoriques aux grandes migrations maritimes; des 
grandes migrations maritimes à Cyrus; de Cyrus à Jésus-Christ. Une place 
de choix est réservée aux Grecs et aux Romains, dont le caractère se dessine 
et s'accentue au cours des siècles étudiés, et qui furent appelés à exercer une 
si grande influence sur les idées bibliques. E. Togac. 


— L'étude littéraire du Nouveau Testament passe par les mêmes phases 
que celle de l'Ancien. Après l’examen des livres et la recherche des sources 
vient l'histoire de ces documents fondamentaux et des traditions qu'ils 
représentent. En ce qui concerne la littérature évangélique, par exemple, on 


FRANCE. 155 . 


s’attache surtout, depuis quelques années, à dégager les lois qui ont présidé 
à la formation et au développement de la tradition, à en distinguer les 
différents types, récits, thèmes, paradigmes ou paroles qui sont plus au moins 
confondus et combinés dans nos évangiles actuels. C’est dans cette direction 
que nous engagent les récents travaux de Dibelius, de Schmidt, de Bultmann. 
Ces recherches aboutiront-elles à des résultats sérieux ? Ne sont-elles pas 
trop souvent privées de points d'appui solides ? L'avenir nous l’apprendra. 

Tout en signalant ce mouvement dans sa préface et dans son exposé du 
problème synoptique, ce n’est pas encore une histoire de la tradition 
chrétienne, mais une introduction aux évangiles synoptiques, d’après les 
cadres ordinaires, que vient de composer M. GoauEL, comme premier volume 
de son Introduction au Nouveau Testament (Les Évangiles synoptiques. Paris, 
Leroux, 1923. In-8, 532 p. Fr. 10.) 

D étudie dans un premier chapitre le sens du mot Évangile dans le Nouveau 
Testament, en dehors de la littérature évangélique, puis dans S. Marc et 
S. Matthieu. Jésus n’a jamais employé lui-même le terme araméen corres- 
pondant à Évangile, celui-ci signifiant partout la prédication apostolique 
ayant pour objet le Christ. Si l’on a recueilli les traditions touchant la vie et 
l'enseignement de Jésus, ce n'était pas dans un but historique, mais parce 
que l’on voyait, dans ces événements, une règle de conduite et le fondement 
du salut à venir. On ne visait donc pas à conserver une image cohérente de 
la vie de Jésus. Mais pourquoi n’aurait-on pu aussi, par piété, par respect 
pour la mémoire du héros, voulu sauver de l'oubli la relation de sa vie? Ce 
premier chapitre touche donc aussi au problème de la formation de la tra- 
dition synoptique. 

Le second chapitre retrace d'une façon très claire et très méthodique 
l'histoire du problème synoptique. Le résultat de près d’un siècle d’exégèse 
a été d'établir d'une manière à peu près décisive, d’après M. Goguel, la thèse 
de la priorité de Marc, laquelle conduit naturellement à la théorie des deux 
sources. La tâche actuelle de la critique doit être de préciser cette théorie 
et d'autre part d’expliquer dans la mesure du possible, la formation des 
documents qui sont à la base de la littérature évangélique actuelle. 

M. Goguel admet également la théorie des deux sources. On dirait même 
qu’il s’efforce de la déduire des témoignages de l'antiquité. Son examen de 
la tradition, dans ce Ille chapitre, nous a paru superficiel et dominé par 
beaucoup de scepticisme. Le IVe chapitre étudie le contenu des Évangiles, 
le Ve leur parenté littéraire et la priorité de Marc, et le VIe est consacré aux 
Logia. Ce recueil de paroles de Jésus, constitué d’abord en araméen pour les 
besoins de la prédication, puis traduit en grec, fut dans une faible mesure 
utilisé par Marc, puis continua à se développer, dans des milieux divers, 
tantôt par l'adjonction des mêmes morceaux différenciés dans la forme, 
tantôt de morceaux entièrement distincts. Les évangiles de Matthieu 
et de Luc permettraient encore d’apercevoir ces deux branches divergentes. 

Les trois derniers chapitres examinent, pour chacun des évangiles synop- 
tiques, les questions littéraires ordinaires, la tradition, le plan, le but, les 
idées théologiques, le style, la langue, les sources, le lieu et la date de com- 
position, etc. L’évangile de Marc est une compilation faite à Rome après 70, 
de diverses traditions dont les principales sont le souvenir de la prédication 
de Pierre et le recueil des Logia. Elle paraît être l’œuvre d’un palestinien 
d'origine qui pourrait être Jean Marc. L'Évangile de Matthieu, écrit entre 
80 et 90, à l’aide de Marc, des Logia, et d’autres sources secondaires, n'a 


156 CHRONIQUE. 


pas l’apôtre Matthieu pour auteur. On est impuissant à résoudre la question 
du lieu d’origine. L'évangile de Luc paraît avoir été composé entre 75 et 85. 
On n’en connaît pas le lieu de composition. Il n'est pas l’œuvre de Luc, mais 
il lui a été attribué parce que celui qui l’a rédigé s’est servi, dans le livre 
des Actes, second tome de son ouvrage, d’une œuvre de Luc. Il ne paraît 
pas avoir de relation directe avec Matthieu, mais s’est servi comme lui de 
Marc et des Logia à côté d’autres traditions secondaires. 

L’Introduction de M. Goguel est claire, méthodique, admirablement 
documentée, contenant une multitude de remarques très sensées. Elle paraît 
plus synthétique que celle de M. Jacquier avec laquelle on la comparera 
souvent et non sans fruit. Elle ne fournit pas beaucoup d'aperçus nouveaux 
aux professionnels, mais c'est un excellent manuel raisonnant et systéma- 
tisant les idées, une sorte de philosophie de l'histoire du problème synop- 
tique. Après avoir étudié nous-même pendant trois ans S. Marc et ses 
parallèles synoptiques, nous l'avons lue avec un vif intérêt, par manière de 
récapitulation, tout en refusant souvent notre adhésion à des thèses chères à 
l’auteur. É. Tosac. 


— M. l'abbé J. Vrreau étudie en quelques pages le rôle de S. Jean dans la 
Passion et dans les événements postérieurs (Une énigme historique. Le rôle 
de S. Jean. Auxerre, Imprimerie moderne, 1923. In-8, 11 p.). Ce rôle soulève 
des questions auxquelles notre ignorance actuelle ne peut donner de réponse. 
On les énumère dans l’ordre chronologique et d’après le 4e Évangile. S. Jean 
a ses entrées chez le grand prêtre Caïphe, chez Pilate ; il semble jouir d’une : 
protection spéciale de la part des autorités ; il est dans l’intimité spéciale de 
Jésus et apparaît comme le suivant de Pierre, non seulement dans le 4° Évan- 
gile mais aussi dans le 3e, dans les Actes, dans S. Paul. Il semble, dit M. Viteau, 
qu’un mystère planc sur la personne de S. Jean. Y aurait-il dans la vie de 
l'Apôtre des raisons historiques à la situation toute spéciale qu'il occupe ? 

Dans une seconde plaquette (Le Jour de la Pâque dans S. Jean. Le Puy, 
Imprimerie Peyriller, 1923. In-8, 7 p.) M. ViTEAU examine une autre énigme : 
lorsque l'on essaie de classer les événements de la passion dans S. Jean, on 
échoue devant des indications divergentes de temps. D'après XIII, 1-4, 27-29; 
XVIII, 38-40, 31; XIX, 41-42 ct XX, 1, Jésus est mort le jour même de la 
Pâque ; au contraire, d’après XVIII, 28 et XIX, 13-16, il serait mort la veille 
de la Pâque. Les deux groupes de textes semblent bien se contredire et l'on 
ne trouve aucun moyen de les concilier. On remarque cependant que les 
textes du second groupe se présentent mal; on pourrait les enlever sans 
aucun inconvenient pour les phrases ni pour la narration. En tout cas cette 
question doit être résolue avant de pouvoir entreprendre un travail scien- 
tifique sur le jour de la Pâque dans S. Jean. 


La publication de la seconde édition du Guide de Terre Sainte par le 
P. BARNABÉ MEISTERMANN (Paris, Picard, 1923. xxxv-748 p. Fr. 25.) fut 
retardée par la guerre. Ce contre-temps eut ses avantages, vu les changements 
nombreux et importants que la conquête de la Palestine et de la Syrie ont 
réalisés dans ces pays. Il permit à l’auteur de corriger et de compléter son 
guide en l’adaptant aux itinéraires nouveaux. Ïl va sans dire que les chapitres 
sur le gouvernement et l’organisation administrative du pays ont dû être 
remplacés. On résume p. xxx1-xxx1H1 la nouvelle constitution dans les pays 
arabes. Le lecteur trouvera dans cet excellent guide, après les renscignements 


FRANCE. 15? 


généraux, un précis d'histoire de la Palestine, et un exposé succinct sur les 
populations, races et religions de la Terre Sainte, vingt-huit excursions ou 
voyages, une carte générale de la Palestine, de nombreuses cartes spéciales, 
des plans de villes et de monuments qui illustrent le texte et en facilitent 
l'intelligence. | 

Dans cette édition, comme dans la précédente, la description des lieux 
mémorables est souvent suivie d’une brève dissertation où l’auteur expose et 
défend son point de vue ou sa thèse Rappelons que ce Guide n'est pas un 
manuel de touriste, mais veut être le vade mecum du pèlerin qui, tout en 
exigeant des renseignements exacts, désire aussi alimenter sa foi et sa piété. 
On ne s'étonnera donc pas de rencontrer, parmi les suppléments, des extraits 
de l'Ancien et du Nouveau Testament, ct un exercice du Chemin de la Croix. 
Cette seconde édition trouvera certainement, dans le monde des pèlerins, un 
accueil aussi bienveillant que la première. E. ToBac. 


— Les RR. PP. Dom M. NoETiNGER et Dom E. Bouver viennent de publier 
une traduction française de la Scala perfectionis de Wailter Hilton, le grand 
mystique anglais du xive siècle (Tours, A. Mame et fils, 1923. 2 vol. In-r6, 
335 et 372 p. Fr. 15.). Ils la font précéder d'une introduction historique et 
l'accompagnent de notes bibliographiques intéressantes et utiles. Les mots 
inscrits en vedette du titre : « Mystiques anglais » annoncent, semble-t-il, une 
collection destinée à être continuée ; cependant ni l'introduction ni la notice 
de l'éditeur ne renseignent le lecteur sur ce sujet. P. DEBONGNIE. 


— Les Dominicains de la province de France ont publié un beau volume 
de Mélanges thomistes, à l'occasion du sixième centenaire de la canonisation 
de S. Thomas d'Aquin (18 juillet 1323) (Le Saulchoir, Kain, 1923. In-8, 
412 p.). À côté de plusieurs articles consacrés à l’exposé de la doctrine de 
S. Thomas (p. 153-360), on y trouve des études critiques intéressant plus 
directement l'historien. Nous en donnons ici une brève analyse : R. P. MaAN- 
DONNET, La canonisation de S. Thomas d'Aquin (p. 1-48). Dans cet article, le 
savant directeur de la Bibliothèque thomiste raconte, d’après les sources, les 
miracles opérés par l’intercession du saint après sa mort, le sort que subit 
son corps dont on se disputait les membres, les différentes phases du procès 
de la canonisation. — R P. Desrrez, Les disputes quodlibétiques de S. Thomas, 
d'apres la tradition manuscrite (p. 49-198). L'auteur y donne l'inventaire 
et le classement des mss (119) contenant des questions quodiibétiques de 
S. Thomas; il détermine les additions à la collection primitive dont il 
s'eflorce de fixer la composition et le mode de formation. Cette collection, 
d’après l’auteur, ne comprenait au début que onze guodlibeta ; le quodlibet de 
Peckham, le douzième quodlibet, la question sur le travail manuel, la question 
sur l'entrée des enfants en religion étant des additions postérieures, faites à 
Paris. — Sous le titre : Le commentaire de S. Thomas sur les quatre évangiles 
d'après le catalogue officiel (p. 109-122), le KR. P. SYNAVE prétend démontrer 
qu'il n°y a pas de commentaire selon le sens littéral sur les quatre évangiles. 
« Il n'existe, dit-il, qu’une réportation, imparfaite à certains égards, sur 
l'évangile de S. Matthieu, et une réportation, celle-là hors de pair, sur 
l’évangile de S. Jean. » — Le R. P. CHEnNU, Contribution à l’histoire du traité 
de la foi (p. 123-140) : donne un commentaire historique de la Somme 
théologique Ils 1lse, q. x, a. 2 : intéressante reconstitution de la genèse de la 
doctrine théologique touchant l'immutabilité substantielle de l’objet de la foi, 


158 | CHRONIQUE. 


— L. MisserEY, Contribution à l’histoire du vœu solennel (p. 141-151) : examine 
les différentes opinions qui ont été émises au sujet du vœu solennel, depuis 
le xrre siècle jusqu’à S. Thomas. — KR. P. THÉRY, Essai sur David de Dinant 
d’après Albert le Grand et S. Thomas (p. 361-408). David de Dinant, condamné 
en 1210 par des évêques de France réunis à Paris et, en 1215, par le légat 
pontifical à l’université de Paris, est resté un personnage très obscur. Le 
KR. P. Théry essaie de compléter les données biographiques qu'on possède à 
son sujet, de reconstituer la liste de ses œuvres et les principaux points de sa 
doctrine, 

Ces courtes analyses permettront aux lecteurs de notre Revue de se 
faire une idée de l’importance de ces Mélanges Thomistes, particulièrement 
pour l’histoire des œuvres et de la doctrine de S. Thomas. En publiant ce 
volume, le PP. Dominicains de la province de France ont rendu un hommage 
magnifique à la mémoire de leur grand docteur et ils se sont acquis un 
nouveau titre à la reconnaissance des historiens et des philosophes, qui 
apprécient si hautement leurs savantes et pénétrantes publications. 

À. D. M. 


— M. Henry Vicnaup a eu l'excellente idée de réunir en un petit volume 
intitulé Le vrai Christophe Colomb et la légende (Paris, Picard, 1921. In-8, 
230 p. Fr. 6) la substance des résultats obtenus par la critique moderne sur 
Colomb et sur son œuvre, tels qu'il les avait exposés dans ses trois gros 
volumes d'Études critiques, publiés de 1905 à xgur. Il les a complétés par les 
conclusions tirées tant de ses nouvelles études que des critiques sérieuses, 
soulevées par scs travaux antérieurs, et des documents découverts depuis. Ce 
livre est un modèle de critique historique et si, parlois, l'argumentation nuit 
quelque peu à l’esprit de synthèse, on peut dire cependant que la personnalité 
de Colomb nous est présentée sous son vrai jour. L'auteur étudie son héros 
sans parti pris et s’il lui enlève l’auréole de sainteté dont certains préten- 
daient le nimber, il n'en montre pas moins qu'au point de vue de la vérité 
historique, le vrai Colomb, avec toutes les faiblesses inhérentes à notre 
nature, est plus grand que celui de la légende. CH. TERLINDEN. 


— Dans une plaquette intitulée : Pascal et saint Ignace (Paris, E. Champion, 
1923. In-8, 58 p.), M. ERNEST Jovy établit quelques parallèles entre certaines 
« Pensées » et des passages des « Exercices ». Il veut, par là, simplement 
soulever le problème de l'influence de S. Ignace sur l'esprit de Pascal; 
lui-même (p. 56-57) ne {ormule à ce sujet aucune conclusion. 

À première vue, ces parallèles sont assez frappants; à notre avis, ils ne 
constituent cependant pas une preuve suffisante de la dépendance des Pensées 
par rapport aux Æxercices. En effet, plusieurs d’entre eux rappellent trop 
soit des paroles de l’Ecriture, soit celles d'auteurs mystiques bien connus, 
pour qu’on s'arrête, dans l’étude des sources, à S. Ignace. De plus, Pascal a 
si profondément médité ses « Pensées » et nous y a révélé des émotions 
religieuses si intimes, qu’il n’est plus possible, pour ainsi dire, de décomposer 
son ouvrage et d’en rattacher les morceaux à des auteurs antérieurs. D'autre 
part, on concèdera à M. Jovy que Pascal a eu probablement sous la main, 
voire même qu'il aura médité les Exercices ; car les solitaires de Port-Royal 
avaient de la littérature ascétique et spirituelle des Jésuites une connaissance 
plus étendue que ne le suppose l’auteur. .. A.D.M. 


FRANCE. 15€ 


— Le Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIII° siècles 
de M. MarceL Marion, professeur au Collège de France (Paris, Picard, 1923. 
108, 1x-564 p. Fr. 35), rendra de grands services aux chercheurs s'intéressant 
à l'histoire ecclésiastique comme à ceux qui s'intéressent à l’histoire politique 
des deux derniers siècles de la monarchie française. M. Marion a parfaite- 
ment compris que l’union intime existant à cette époque entre l'Eglise et 
l'État donnait une importance aussi grande aux institutions religieuses qu'aux 
institutions civiles. Plusieurs articles constituent de véritables monographies 
permettant d'acquérir une connaissance complète, à tous les points de vue, 
des objets les plus importants. C’est ainsi que, sous le vocable bénéfices 
ecclésiastiques, nous trouvons, après la définition, l'examen des diverses 
variétés de bénéfices et l'exposé des divers modes de collation : par lc roi, ou 
plutôt par le ministre chargé de la « fameuse feuille des bénéfices », par le 
patron, par les officiers du parlement, par le bénéficier lui-même, par le pape, 
enfin par l'élection dans quelques rares abbayes, qui avaient conservé ce 
privilège, et dans la plupart des prieurés. Toutes les manœuvres et les abus 
auxquels donnaient lieu « la course aux bénéfices » sont exposés d’une façon 
objective. — De même au mot Clergé, M. Marion nous donne une excellente 
vue d’ensemble sur la composition du clergé, sur sa hiérarchie, sur sa 
division depuis 1507 en clergé de France et clergé étranger, sur ses revenus, 
sur sa part contributive aux dépenses de l'État, sur l’organisation et les 
attributions de ses assemblées et de ses agents-généraux, sur les privilèges, 
la situation, l'influence et les honneurs dont les ecclésiastiques jouissaient 
dans l’État. Signalons encore l'importance des articles relatifs aux mots : 
appel comme d'abus, commende, dime, diocèse (où l’auteur nous donne la liste 
des dix-huit archevéchés et cent vingt-et-un évêchés souvent dressée d’une 
façon fort inexacte, par M. CHÉRUEL notamment), enseignement, justice 
ecclésiastique, libertés de l'Église gallicane, portion congrue, sacre, Sorbonne, 
Universités, ctc. Le Dictionnaire nous documente aussi d’une façon fort utile 
sur des institutions de moindre importance et nous fait comprendre des 
termes peu usités ou à sens spécial. Dans cette catégorie rangeons les mots : 
banquiers expéditionnaires en cours de Rome, bureaux diocésains, commission 
des réguliers, confidence, course ambitieuse, dévolut, économats, mandat apos- 
tolique, titre clérical, union de bénéfices, etc. 

Le livre de M. Marion servira également à l'étude des idées, doctrines, 
schismes et hérésies. En effet, l’auteur ne s’est pas limité aux institutions au 
sens strict du terme, non seulement il fait figurer dans son Dictionnaire les 
ordres religieux, qui sont encore des institutions, bien que d’une nature un peu 
spéciale (l’article consacré aux Jésuites mérite spécialement l'attention), mais 
il parle également des grands mouvements religieux : de la Compagnie du 
Saint-Sacrement, du Jansénisme, dont il fait un cxposé doctrinal et historique 
clair et complet (une notice spéciale traite du refus des sacrements aux 
Jansénistes), du Protestantisme (avec des articles spéciaux sur les assemblées 
du Désert et sur les Dragonnades), du Quiétisme, etc. Des notices sur les Juifs, 
sur la Franc-maçonnerie et sur la Sorcellerie méritent aussi de retenir 
l'attention. 

M. Marion se montre dans tout son travail fort objectif. Non seulement 
dans ses exposés il ne se laisse guider par aucune idée préconçue (nous le 
constatons notamment dans son article relatif aux dragonnades, où il montre 
. la modération des évêques et leur peu d'enthousiasme pour les conversions 


160 CHRONIQUE. 


obtenues par la force), mais, même dans les indications bibliographiques 
mises au bas des principaux articles, il prend soin de mentionner des ouvrages 
en contradiction avec ses appréciations, afin de permettre au lecteur de se 
faire une opinion en toute connaissance de cause. 


Il est extrémement utile pour développer le goût des études historiques 
parmi la jeunesse des écoles de mettre à sa disposition des textes d’une 
lecture à la fois instructive et agréable, tenant le milieu entre les documents 
essentiels sur lesquels ont travaillé les historiens et les « à côté » de la 
« petite histoire ». C'est ce qu'ont fort bien compris MM. GuÉnIiN et Nouaiz- 
LAC en publiant, sous lc titre L'ancien régime et la Révolution, 1715-1$00 (Paris, 
Plon, 5e édition, 1921. In-8, 1v-436 p.), des lectures historiques exposant l’histoire 
d’après les témoignages des contemporains. Ils ont pris soin de choisir les 
témoins parmi les personnages les plus représentatifs des opinions opposées 
et dans les commentaires introductifs des textes ainsi que dans les notes, 
réduites au minimum, ils restent objectifs. C’est ainsi que (p. 40-41) pour la 
suppression de la Compagnie de Jésus en 1764, avant méme de citer le 
témoignage de Choiscul, ils reproduisent l'opinion du président Hénault qui 
regrette l’enseignement des Jésuites et fait la balance du bien et du mal qu’on 
pense de la Compagnie. De même (p. 212) dans le commentaire qui précède 
lès témoignages relatifs aux effcts de la Constitution civile du clergé, les 
éditeurs montrent l’imprudence commise par l’Assemblée en imposant aux 
prêtres le serment de fidélité à la Constitution. Les extraits relatifs à la guerre 
religieuse (p. 233-236) sont également bien choisis et l’émouvant récit de la 
mort du curé de Vaiges, extrait des Mémoires du général Tercier, est particu- 
lièrement caractéristique de la barbarie de la persécution. MM. GUuÉxIN et 
NouaizLac ont eu l’excellente idée de donner comme conclusion à leur 
recueil une vuc d’ensemble sur l’ancien régime et la Révolution, fort habile- 

‘ ment tirée de divers passages du livre de SoreL, L'Europe et la Révolution 
française. CH. TERLINDEN. 


— La magnifique publication La Picardie historique et monumentale, com- 
mencée en 1893, en était arrivée à son cinquième volume lorsque la guerre 
éclata. Le dernier fascicule du tome V, avec la description du canton 
d’Acheux, put encore être publié en 1914, mais ensuite ce fut la destruction 
des monuments qui restaient à décrire et, le 20 avril 1917, la mort de 
M. E. Soyez, le généreux Mécène qui soutenait de scs deniers la grande 
entreprise de la Société des antiquaires de Picardie. 

En mourant M. Soyez laissa des fonds pour la continuation de l’œuvre, et 
des archéologues de première valcur, MM. A. Perrault-Dabot, G. Durand, 
C. Enlart, Ph. Des Forts, R. Rodière et L. Regnier, se remirent à la besogne. 

Ils nous donnent aujourd’hui le premier fascicule d’un sixième tome 
(Amiens, Yvert et Tillier, et Paris, A. Picard, 1923. In-4, 1v-104 p., fig. et 
planches). Il concerne l'arrondissement de Pé:onne, qui souffrit à un haut 
degré des horreurs de la guerre. Aussi les descriptions des monuments sont- 
elles rédigées en grande partie d’après des notes prises avant les dévastations 
et les destructions. Le premier fascicule du volume comprend la description 
de la ville et du canton de Péronne et du canton de Roisel. M. G. Durand 
appelle l'attention sur une série d’églises romanes à trois nefs non voûtées, 
avec arcades sur piliers carrés aux impostes généralement chanfreinées et 

. dont le type se retrouve à l’est : dans les régions de Reims, de la haute Marne 


FRANCE. 161 


de la Moselle et du Rhin. M. C. Enlart donne la monographie de l’église de 
St-Jean-Baptiste à Péronne, un bel édifice de style flamboyant, avec trois nefs 
d'égale hauteur, richement voûtées. Elle est ruinée aujourd’hui et sa restau- 
ration, décidée en principe, est retardée par le manque de ressources. Les 
planches et les figures dans le texte, qui accompagnent les notices, ont été 
exécutées avec le plus grand soin par la maison Lévy de Paris. 


Parmi les belles publications parues en France en ces dernières années 
il faut citer : Les accroissements des musées francais. Le musée du Louvre 
depuis 1914. Recueil annuel (in-fol.) édité sous la direction de M. H. RIVIÈRE. 
C'est une des entreprises remarquables de la maison d'édition Demotte 
(Paris et New-York), dont le chef, antiquaire de renom, est mort l’automne 
dernier victime d’un regrettable accident de chasse. Les deux premiers 
volumes, parus en 1919 et 1920, sont consacrés:aux acquisitions, dons et legs 
des années 1914-1919 et comprennent, avec une introduction de M.L. Barthou, 
membre du conseil des musées, cent magnifiques planches, dont quelques- 
unes en couleurs, et des notes explicatives rédigées par les meilleurs spécia- 
listes. Le troisième volume, paru en 1921, comprend cinquante planches 
avec reproductions des principaux objets et œuvres d'art, entrés au musée 
durant l’année 1920. Comme le dit M. L. Barthou, les acquisitions du Louvre 
depuis 1914 constitueraient à elles seules un musée important. L'art religieux 
y est représenté par des pièces de grande valeur. 


L’Exposition de l'art belge à Paris a réuni durant l’été dernier quelques 
uns des plus grands chefs-d'œuvre de l'école flamande du xve et du 
xvre siècle, quelques bons tableaux de Rubens et de son école, et un certain 
nombre d’œuvres de valeur de l’école belge du xtxe siècle. 

Des historiens belges en ont fixé le souvenir dans deux revues françaises : 
M. FIBRENS-GEVAERT décrit avant tout (Gazefte des Beaux-Arts, 1923, 
se sér.,t. VII, p. 317-342, pl. et fig.) les tableaux anciens exposés à Paris, 
tandis que M. E. VERLANT s'occupe presqu’exclusivement des œuvres de 
l'école belge du xixe siècle, dans un article de la Revue de l'art ancien et 
moderne (1923, t. XLIV, p. 3-40 et fig.). Ce sujet est repris plus au long, dans 
la même revue, par M. Sanpær PIERRON (La peinture belge depuis le milieu 
du XIXe siècle, p. 184-1096 ; 251-266 ; 342-356 et fig.). 

D'autre part, la Revue de l’art ancien et moderne a eu l’ingénieuse idée 
de demander à des spécialistes si l'Exposition de primitifs flamands à Paris 
avait eu des résultats appréciables pour l’histoire de l’art. MM. S. Reinach, 
E. Verlant, Hubin de Loo, J. de Figueiredo, le comte P. Durrieu, L. Mae- 
terlinck, A. de la Borde, L. Gillet, Fierens-Gevaert, F. de Mély, ont 
envoyé des réponses qui ne manquent pas d'intérêt. Il en résulte, semble- 
til, que la juxtaposition des chefs-d’œuvre réunis au « Jeu de Paume » n’a 
guère avancé la solution des problèmes qui se posent encore à propos des 
primitifs flamands. Les réponses de la plupart des érudits consultés s’en 
üennent à une prudente réserve (voir volume cité, p. 81-100 ; 174-178 ; 287- 
36) mais il est intéressant de connaitre leur opinion sur quelques questions 
bien précises qui restent pendantes. Cette opinion n’a guère été influencée 
par l'exposition, mais grâce à elle le public a pris intérêt à la connaître. 

R. M. 


REVUB D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. _A 


A ——— 
[1 


162 CHRONIQUE. 


— Le Dr CoLomBE continue la publication de ses études sur le palais des 
papes, à Avignon. Dans la brochure intitulée Au palais des papes d'Avignon. 
Recherches critiques et archéologiques. X XIII. Le bücher. La roue qui monte le 
bois (Paris, E. Champion, 1923. In-8, 23 p.), il pose certaines conclusions 
intéressantes : le bûcher était un bâtiment dit de Trouilhas à l’époque de 
Jean XXII et de Benoît XII, sis dans la région de Trouilhas ; lorsque la tour 
actuelle de Trouilhas eut été achevée, le bois fut entassé dans les caves et 
dans les écuries avoisinantes, vers 1346; après l’incendic de juillet 1354 il y 
demeura; néanmoins le magasin principal se trouvait hors de la tour et bors 
de l'enceinte du palais, contre les écuries, adossé au rocher, au pied des 
escaliers de Sainte-Anne ; une roue montait le bois jusqu'aux cuisines papales. 
Le mot palafrenaria qui se rencontre souvent dans les livres de comptes de 
la Chambre Apostolique désigne les écuries pontificales, le grenier à foin, le 
magasin pour la paille, la sellerie et peut-être l'habitation du surveillant. Il y 
avait deux « palafreneries » vers 1348, l’une sise près la porte Aurose, l’autre 
dite de Trouilhas, parce qu'elle était adossée à la tour du même nom, et 
située comme le bûcher hors de l'enceinte même du palais. A son étude 
instructive, M. Colombe a joint un plan qui permet de reconstituer approxi- 
mativement le plan des lieux. G. MoLLart. 


— La Bibliographie lorraine (rer juillet 1913-37 décembre 1919) (Nancy-Paris- 
Strasbourg, Berger-Levrault, 1921. In-8, 394 p. Fr. 15), dressée par les pro- 
fesseurs de la Faculté des lettres de l'université de Nancy, contient une 
analyse critique de toutes les publications, parues de 1913 À 1919, qui se 
rapportent à l’histoire de la Lorraine. Les études d'histoire religieuse n’y 
sont pas groupées sous une rubrique spéciale. Mais on les retrouvera facile- 
ment en consultant soit la table détaillée des matières, soit l'index alpha- 
bétique des noms d’auteurs, de personnes et de lieux. A. D. M. 


— M. CH. APPUHN a consacré, dans la nouvelle Revue d'histoire de la 
guerre mondiale (Paris, 1923, t. Ï, p. 1-22) sous le titre : Le gouvernement 
allemand et la paix. L'offre de médiation pontificale (1917), un article tres 
documenté sur les efforts faits par le pape Benoît XV, de juin à août 1917, 
pour arriver à une « paix honorable » entre les belligérants. Il examine les 
tentatives faites par le nonce de Munich, Mgr Pacelli, auprès de Guillaume II, 
Bethmann-Hollweg et le chancelier Michaëlis. Les offres de l’Allemagne 
paraissaient aux yeux des pays de l’Entente si vagues et si équivoques, que 
la paix ne put se conclure et que le plan de Benoît XV échoua aux premiers 
Jours d'automne 1917. 


On doit aux deux écrivains M. GEOFFROY DE GRANDMAISON et M. FRax- 
çots VEUILLOT un livre particulièrement émouvant : L'aumônerie militaire 
pendant la guerre. 1914-1918. (Paris, Bloud et Gay, 1923. In-8, x1x-333 p.). 
C’est moins le récit d'actes de dévouement religieux ou de bravoure 
guerrière qu’une vaste collection d'extraits de correspondance et de citations 
à l’ordre du jour. La publication constitue ainsi une source de renseigne- 
ments précis, sûrs et hautement éloquents provenant du Bureau de l’Aumô- 
nerie volontaire. La vie de quatre années de guerre est exposée dans deux 
chapitres : « L'action des aumôniers » et « L'enquête des aumôniers ». On 
y assiste tour à tour au départ des aumôniers, à la vie qu’ils mènent au 
front et à leur activité (action des aumôniers sur les prètres soldats, aumô- 


FRANCE: | 163 


niers bénévoles, action de ceux-ci) dans les ambulances, auprès des troupes 
indigènes (difficultés administratives, affaires des Annamitces), en Orient, 
enfin dans les missions extraordinaires (camps d'Allemagne, internés de 
Suisse, chez les alliés). Le chapitre : « Les Morts » est à la fois un mar- 
tyrologe et un livre d’or. La troisième partie : « Enquête » est plutôt d'ordre 
administratif; à noter cependant les chap. IV et V : « Le moral et la vie 
religieuse » ct « les conversions du soldat français ». I] va sans dire que le 
clergé régulier figure dans ce livre au méme titre que le clergé séculier. 
* H. Neuis. 


— Ce que furent les années d’enfance et de jeunesse de Mgr Duchesne, et 
de quelle manière s’écoulaient ses vacances en son pays de Saint-Servan, 
coin de terre bretonne qui lui demeura toujours cher, et auquel il a voulu que 
sa dépouille mortelle fût confiée, c’est ce que M. ÉTIENNE Duponr, ami et 
admirateur du savant historien, a bien voulu nous dire dans une brochure 
d'une information très sûre et d’une présentation littéraire très soignée, 
comme tout ce qui sort de cette plume distinguée : Mgr Duchesne chez lui, 
en Bretagne, 1843-1922 (Rennes, Librairie moderne, 1923. 61 pages et 2 gra- 
vures). Sur la nécrologie et la bibliographie de Mgr Duchesne, voir RHE, 
1922, t. XVI, p. 418-419 et 595 ; 1923, t. XIX, p. 616-617.  L. Goucaur. 


— Académie des inscriptions et belles-lettres. — Le 3 août, le P. JEAN 
DESTREz indique la manière dont fonctionna la petia dans les manuscrits du 
moyen âge. Plusieurs moines écrivaient sous la dictée d'un seul lecteur qui 
se servait d’un texte dûment corrigé. Ce système, en vigueur dans les abbayes 
du haut moyen âge, permettait la multiplication rapide des manuscrits et une 
reproduction aussi exacte que possible du texte primitif. Vers le milieu du 
xu1e siècle, il fut abandonné. Les copistes ne sont plus des moines, mais des 
séculiers qui vivent dans les milieux universitaires et qui travaillent indivi- 
duellement. À l'université de Paris on inaugura un régime qu’adoptèrent les 
autres universités. Une commission universitaire corrigea soigneusement la 
première copie officielle d’un texte à reproduire. Cette copie était faite sur 
des cahiers de quatre feuillets indépendants les uns des autres, Chaque 
cahier se composait d’une peau de mouton pliée en quatre, dite petia. L'habi- 
tude se prit d'appliquer ce mot au cahier même de quatre feuillets. 

Le 10 août, M. Seymour DE Ricci annonce qu'un collectionneur de Philas 
delphie a acheté récemment, en Angleterre, le célèbre calice de Suger qui 
faisait partie jadis du trésor de Saint-Denis, passa dans la suite au cabinet des 
médailles et y fut volé en 1804. — M. SALoMoN REINACH lit la première partie 
d’un travail consacré au texte latin du procès de Jeanne d'Arc. 

Le 17 août, M. REINAcCH achève la lecture de son travail. 

Le 24 août, le même indique l’usage d’après lequel les œuvres d’art flamand 
du xve siècle détruites à la suite d’incendies ou de naufrages étaicnt recon- 
stituées. C’est ainsi qu’1l donne comme exemple une descente de croix, neut 
panneaux et une tapisserie qui LEPPOOSENTel un panneau perdu de KRogier 
van der Weyden. 

Le 31 août, M. ANroINE l'HOMAS parle d’un passage de l’ancien poème 
provençal sur Sainte-Foy d'Agen, découvert en 1902 par M. J. Leite de Vas- 
concellos. Un texte inédit du xrre siècle extrait du cartulaire de l’abbaye de 


164 CHRONIQUE. 


Bonlieu (Creuse), lui permet de confirmer l'hypothèse qu'il avait proposée 
au sujet du mot maz7, en 1903. Ce mot est le nominatif singulier de maçon 
pris au sens figuré de machinateur. 

Le 5 octobre, M. LAUER fait observer que les réformes relatives à la littéra- 
ture liturgique vers la fin du vrrre siècle occasionnèrent une réforme de 
l'écriture latine. Les nombreux manuscrits qui datent de cette époque furent 
écrits d’après les signes d'abréviation et le système de ligatures spéciaux à 
l'écriture anglo-saxonne, — M. CH. ViROLLEAU parle des travaux exécutés en 
Syrie par le service des antiquités du haut-commissariat de France. Il signale, 
en particulier, la découverte de quatre églises ou chapelles du moyen âge, 
sises dans la région de Tripoli. Celle d'Amioun est décorée de peintures d’une 
‘grande fraicheur et celle de Deddé a une abside ornée de scènes tirées de 
l'Évangile. Ces diverses fresques sont, avec celles d’Abou-Gosh en Palestine, 
les seules retrouvées jusqu'ici dans l'étendue de l’ancien royaume latin de 
Jérusalem. 


Académie des sciences morales et politiques. — Le 13 octobre, M. Lacour- 
GAYET rappelle que Jean Casimir, roi de Pologne, reçut de Louis XIV, après 
son abdication, huit abbayes en commende, parmi lesquelles se trouvait 
celle de Saint-Germain-des-Prés. L'ex-roi tint à ce que, après son décès, son 
cœur fut déposé dans l'église de la célèbre abbaye, Gaspard Maroy édifia le 
mausolée. 


Société nationale des antiquaires de France. — Le 24 octobre, M. De MÉLY 
étudie les comptes de la cathédrale de Meaux et confirme les conclusions de 
M. Deshoulières relatives aux époques diverses auxquelles elle fut construite. 
Il donne en outre les noms des architectes et Ics dates des travaux. — 
M. ENLART établit que différents chandeliers de fer du moyen âge, conservés 
à Jérusalem ct à Chypre, sont d'origine catalane. 

Le 14 novembre, M. DE LoisnE parle de la découverte faite, en 1913, d'un 
cimetière gallo-romain à Grenay (Pas-de-Calais), — M. Mayeux montre 
quelques photographies de certaines parties de l’église de Collonges (Corrèzes 
nouvellement mises au jour. 

Le 5 décembre, M. BRANCHEREAU parle des fouilles exécutées dan) 
l'église Saint-Benoiît-sur-Loire au cours desquelles ont été découvertes des 
tombes. Îl exhibe un tronçon de chancel de l’époque carolingienne. 


M. le chanoine Sicarp a fondé à l'Institut catholique de Paris un prix 
biennal de 3.000 francs, qui sera décerné à un ouvrage de philosophie reli- 
gieuse, d'écriture sainte ou d'histoire ecclésiastique, et pouvant servir à 

’apologétique chrétienne. 


Une fresque, datée de 1574 et représentant une scène pastorale, a été 
découverte dans une maison en ruines de Pérouges (Ain). 


Un Institut français a été fondé à Varsovie sur le modèle des écoles 
françaises d'Athènes ct de Rome. Il dépendra de l’université de Paris. 


À Lyon s'est constitué une Société des amis de la bibliothèque qui a 
entrepris de faire connaitre les richesses qu'elle contient en manuscrits, 
hvres rarcs, dessins originaux. Elle publiera des fascicules sous le titre de 
Documents paléographiques, typographiques, iconographiques. 


FRANCE: 165 


On annoncé l'ouverture d'une école d'archéologie de l'Afrique du Nord, 
due à l'initiative du comte Byron Kuhn de Prorok. Cette école grouperait, 
sous l'égide française, les érudits des États-Unis, de Grande Bretagne, de 
Scandinavie, de France, qui s'intéressent à l’ancien passé archéologique et 
artistique de l’Afrique du Nord, 


La librairie Letouzey a inauguré une collection de monographies : Les 
grands pèlerinages de France. destinées au grand public. Chaque volume 
contient l’histoire du pèlerinage, son rayonnement en France et à l'étranger, 
et une bibliographie succincte (Prix : 4 fr.). Cinq volumes ont paru : Notre- 
Dame de la Salette, Notre-Dame de Sion en Lorraine, Notre-Dame de Rocama- 
dour, Notre-Dame des Dunes à Dunkerque, Saint-Denis. 


Au musée Calvet, en Avignon, a été inaugurée une salle entièrement 
consacrée à des peintures du xvirie siècle. 


La revue La France franciscaine se transforme en une Revue d'histoire 
franciscaine trimestrielle (un an : 30 fr.; union postale : 35 fr. Paris, Picard, 
82, rue Bonaparte). Elle se propose de suivre un programme d’érudition pure 
et concernera l’histoire des trois ordres de saint François non plus seulement 
en France, mais partout où ceux-ci essaimèrent. La revue publiera comme 
annexes des mémoires ou des documents d’une trop grande ampleur. 


Nominations. — M. bg PorTo-RicHe, administrateur de la bibliothèque 
Mazarine, est chargé du département de la bibliothèque nationale qui est 
constitué par la Mazarine. 

M. Louis BATIFFOL, conservateur-adjoint à la bibliothèque de l’Arsenal, a 
été élevé au rang d'administrateur. 

MM. Tessier, archiviste paléographe, et MÉDAULE, agrégé d'histoire, ont 
été nommés membres de l'école française de Rome pour l’année 1923-1924. 

M. COURTEAULT a été nommé conservateur de troisième classe aux 
Archives nationales, en remplacement de M. H. Stein, admis à la retraite. 

M. VizLEPELET, archiviste principal, est nommé conservateur-adjoint, 

M. PAUPHILEr a été nommé professeur de langue et de littérature françaises 
du moyen âge à la faculté des lettres de Lyon. 

M. BRUNEAU a été nommé professeur d'histoire des parlers lorrains à la 
faculté des lettres de Nancy. 

M. PuiLipPoT a été nommé professeur de langue et de littérature françaises 
à la faculté des lettres de Rennes. 

M. TOURNEUR-AUMONT a été nommé professeur d'histoire à la faculté des 
lettres de Poitiers. 

M. Piesre RoLanNp-MARCEL a été nommé administrateur général de la 
bibliothèque nationale, à Paris, pour la réorganisation des bibliothèques, en 
remplacement de M. Homolle, admis à la retraite. 

M. CANTINELLI, conservateur de la bibliothèque municipale de Lyon, a été 
nommé administrateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris. 

M. Mazon, professeur à la faculté des lettres de Strasbourg, a eté nommé 
professeur titulaire de la chaire de langue et littérature slaves au Collège de 
France. 

M. Le Bras, agrégé près de la faculté de droit de Strasbourg, a été nommé 
professeur de droit romain à la même faculté, 


Re — 


166 CHRONIQUE. 


Ont été élus membres correspondants de l'académie des inscriptions et 
beiles lettres MM. PERDRIZET, professeur à l’université de Strasbourg, 
Bourciez, professeur à l'université de Bordeaux, et Lacau, directeur du 
service des antiquités égyptiennes. 

MM. ELie BERGER et EUGÈNE LELONG, professeurs à l’école des Chartes, 
ont été admis à la retraite. M, Lyon, recteur de l’académie de Lille, a été 
également mis en retraite, 

M. CaMilze DaviLLé a été nommé archiviste du Jura. 

M. ALaïo DE BoüaARD, archiviste aux Archives Nationales, a été nommé 
professeur titulaire au Collège de France d'une chaire de phonétique. 

M. BERNARD DE FRANCQUEVILLE a été nommé protesseur de droit inter- 
national à l’Institut catholique de Paris. 

M. AIMÉ PuEcx, professeur de langue grecque à la Sorbonne, a été élu 
membre de l'Académic des Inscriptions et belles-lettres. 

M. Émice MaLe, dont la Revue d'histoire ecclésiastique a fait connaître 
récemment le dernier ouvrage, succède à Mgr Duchesne comme directeur de 
l'École française de Rome. NE en 1862, il est professeur d'histoire de l'art à 
la Sorbonne et membre de l’Académie des Inscriptions depuis 1908. 


— Décès. — M. Juzes MarTHorez, archiviste paléographe, auteur d'une 
thèse sur Guillaume aux Blanches-Mfains, évéque de Chartres (Paris, 1912) et 
d’un grand ouvrage, inachevé, dont deux tomes seulement ont paru : Histoire 
de la formation de la nation française (Paris, 1919-1921). 

Dom PauL CaGix, bibliothécaire de l'abbaye de Solesmes, qui publia toute 
une série d'ouvrages fort importants sur la liturgie et le plain-chant, tels que 
le tome V de la Paléographie musicale (Paris, 1896); L'Eucharistia, canon 
primitif de la messe, ou formulaire essentiel et premier de toutes les liturgies 
(Paris, 1912); 7e Deum ou Illatio ? Contribution à l'histoire de l'euchologie 
latine à propos des origines du Te Deum (Paris, 1906). 

M. LÉONCE PINGAUD, professeur honoraire à l’université de Besançon, 
correspondant de l'académie des sciences morales et politiques, auteur de 
divers travaux concernant l’époque napoléonienne. 

M. ANDRE WaALrz, bibliothécaire de la bibliothèque de Colmar. 

MM. A. Boucuié-LECcLERCQ et ALFRED CROISET, professeurs honoraires à 
la faculté des lettres de Paris, qui laissent une œuvre considérable relative- 
ment à l'histoire grecque. | 

M. le chanoine EUGÈNE GRISELLE, ancien professeur à l'institut catholique 
de Lille, ex-jésuite, excellent érudit, qui écrivit un grand nombre d’ouvrages ; 
À propos du monument Bossuet. Les principaux portraits de Bossuet (Paris, 1898) : 
Quelques manuscrits autographes de saint François de Sales (Lille, 1899) ; De 
munere pastorali quod concionando adimplevit tempore praesertim Meldensis 
episcopatus Jacobus Benignus Bossuet (Paris, 1901); Bourdaloue, histoire 
critique de sa prédication d'après les notes de ses auditeurs et les témoignages 
contemporains (Paris, 1901-1906, 3 vol.); La venérable mère Marie de l'Incarna- 
tion. Supplément à sa correspondance (Paris, 1909) ; Bossuet et Fénelon; édition 
de leur correspondance (Paris, 1910) ; Fénelon ; études historiques (Paris, 1911); 
Profils de jésuites du XVIIe siecle. I. Le P. Coton, le P. Arnoux, le P. Suffren 
et Louis XIII (1615-1620). II. Le P. Adam et les protestants (1608-1684) (Paris, 
1911); Louis XIII et Richelieu, lettres et pièces diplomatiques (Paris, 1911); 
Avant et apres la révocation de l'édit de Nantes, chronique des événements 
relatifs au protestantisme de 16$2 à 168% (Paris, 1912). - 


FRANCE. 167 


M. Maurice VERNES, directeur-adjoint à l’école pratique des hautes- 
études, connu pour ses nombreux ouvrages d’exégèse. C'était un disciple 
attardé de Renan. On lui doit en partie la fondation de la Revue de l’histoire . 
des religions. Signalons en particulier : Mélanges de critique religieuse (Paris, 
1880) ; Précis d'histoire juive depuis les origines jusqu'à l’époque persane (Paris, 
1889) ; Les résultats de l'exégèse biblique (Paris, 1890); Du prétendu polythéisme 
des hébreux (Paris, 1892, 2 vol.); Essais bibliques (Paris, 1892); Histoire 
sociale des religions. I. Les religions occidentales dans leurs rapports avec le 
progrès politique et social, judaïsme, christianisme, religion gréco-romaine, 
islam, catholicisme. protestantisme (Paris, 1911); Des emprunts de la bible 
hébraïque au grec et au latin (Paris, 1914). 

M. GusTAve ALLAIS, professeur de littérature française à l’université de 
Rennes. 

M. L. P. M. LÉGER, membre de l'académie des inscriptions et belles-lettres, 
professeur de langue et de littérature slaves au collège de France. 

M. E. Droz, professeur honoraire à la faculté de icttres de Besançon, 
auteur d’une Étude sur le scepticisme de Pascal considéré dans le livre des 
Perisées (Paris, 1886). 

M. le chanoine ULysse CHEVALIER, membre de l'académie des inscriptions 
et belles-lettres. C'était un érudit de rare valeur, ayant de vastes connais. 
sances. Son œuvre a consisté À restaurer parmi le clergé la culture scienti- 
fique. Il voulut d'abord lui fournir des instruments de travail. Cette idée il la 
réalisa par la publication du Répertoire des sources historiques du moyen âge : 
Bio-bibliographie et Topo-bibliographie (Paris, 1894-1907. 4 vol. in-4). Ce fut 
lui qui provoqua en France la renaissance des études liturgiques. La biblio- 
thèque liturgique, qu’il inaugura en 1890, comprend actuellement vingt 
volumes, dont six consacrés au Repertorium hymnologicum, catalogue des 
chants, hymnes, proses, séquences, tropes en usage dans l’Église latine depuis les 
origines jusqu'à nos jours. La consultation des Archives Vaticanes avait 
permis au regretté et savant chanoine Albanès de songer à reviser la Gallia 
Christiana Son travail de dépouillement n’était pas encore achevé, quand la 
mort le frappa. Ulysse Chevalier reprit l'œuvre interrompue, la développa ct 
publia sept volumes sous le titre de Gallia Christiana novissima (Montbéliard- 
Valence, 1899-1910). A cet ouvrage s’adjoignirent d’autres publications de 
textes : une collection de cartulaires dauphinois (9 tomes, 1869-1891) et une 
collection de Documents historiques inédits sur le Dauphiné (11 livraisons, 
1869-1922). 

Ulysse Chevalier ne fut pas qu’un bibliographe et qu’un érudit de 
première marque. C'était aussi un historien. Deux de ses livres lui ont valu 
des attaques, mais ont consacré sa renommée : Étude critique sur l’origine du 
Saint-Suaire de Lirey-Chambéry (Paris, 1900) et Notre-Dame de Lorette, étude 
historique sur l'authenticité de la Santa Casa (Paris, 1906). Son étude sur 
L'abjuration de Jeanne d'Arc au cimetière de Saint-Ouen (Paris, 1902) hâta, 
sans nul doute, la décision de la congrégation des rites en faveur de la 
béatification de la vaillante lorraine. Malgré son labeur acharné, Ulysse 
Chevalier trouva encore le temps de professer un cours d'histoire à l'institut 
catholique de Lyon. La science française perd en lui un de ses plus dignes 
représentants. 

Le R. P. EscHBACH, ancien supérieur du séminaire français à Rome, qui 
combattit la thèse soutenue par Ulysse Chevalier sur Lorette, dans un livre 


Le | 


168 CHRONIQUE. 


intitulé : La vérité sur le fait de Lorette. Exposé historique et critique (Paris, 


1909). 


M. De FLeury, archiviste paléographe, auteur de Notes additionnelles et 
rectificatives au Gallia christiana (Angoulême, s. d.). 

M. ERNEST BABELON. ancien conservateur du département des médailles 
à la bibliothèque nationale et membre de l'académie des inscriptions et 
bellcs-lettres, dont les travaux nombreux sur la numismatique font autorité. 

M. BLocx, professeur d'histoire à la faculté des lettres de Paris. 

G. MoLLart. 

— M. EUGÈNE LEerÈvRE-PoNTaALIs, né à Paris en 1862, est mort en sa 

propriété de Vieux-Moulin (Oise) le 31 octobre dernier. Il y a quelques mois 
à peine il abandonnait la direction du Bulletin monumental qu'il avait 
recueillie en 1900, en succédant au comte de Marcy comme directeur 
de la Société française d'archéologie. 1 comptait se consacrer dorénavant à 
l'organisation et à la publication des Congrès annuels de cette société, 
devenue sous son impulsion, avec 2000 membres environ, l'une des plus 
puissantes et des plus sérieuses sociétés scientifiques de la France. Depuis 
1911, il occupait à l'École des Chartes la chaire où avaient professé suc- 
cessivement les maîtres de l'archéologie médiévale Quicherat et Robert de 
Lasteyrie. Il y a formé des élèves qui sauront conserver au Bulletin monu- 
mental et aux Comptes rendus des Congrès d'archéologie française le carac- 
tère de haute discipline scientifique qu’il leur avait imprimé. 
Sa parole, un peu sèche peut-être, étonnait par la sûreté de son analyse et 
l'étendue de ses connaissances, dans le domaine bien délimité de l’archéo- 
logie française. Îl en est de même des nombreux articles sortis de sa plume. 
Son ouvrage principal : L'architecture religieuse dans l'ancien diocèse de Sois- 
sons aux XIe et XITC siècles (Paris, 1894) avait été présenté comme thèse en 
1885 et lui mérita le prix Fould de l'Académie des inscriptions et belles- 
lettres. La Bibliographie des sociétés savantes qu'il avait commencée avec 
de Lasteyrie est continuée aujourd’hui par M. Vidier. R. M. 


Grèce. — M. B. ANTontapos, professeur à l’école théologique de Chalcis, 
s’est proposé d'écrire à l’usage des étudiants en théologie un précis d'intro- 
duction aux Saintes Écritures : Egcheiridion hieras hermeneutikes (Constan- 
tinople, 1921. 142 p). Après avoir donné les définitions de l’exégèse et de 
l’'herméneutique, il explique l'utilité et la dignité de ces deux disciplines (2-7), 
en indique les sources et les instruments de travail (p. 7-48), puis en esquisse 
lMhistoire. L'aperçu historique, une vue d'ensemble sur les méthodes et les 
travaux des grandes écoles d'exégèse biblique, introduit au chapitre premier, 
où l’auteur traite des sens multiples du texte sacré (p. 49-72). Le chapitre 
deuxième expose la méthode, dont il convient de se servir pour dégager sans 
erreur et avec le plus de précision la doctrine des livres inspirés; enfin un 
troisième chapitre signale les règles qui doivent présider à l'exposition de la 
doctrine sacrée : versions, paraphrases, annotations, homélies, scolies, gloses, 
chaînes bibliques, questions choisies, traités et commentaires. 

Le traité est écrit dans une langue grecque claire et distinguée, dont l’intel- 
ligence est accessible sans grands efforts à tous ceux qui connaissent le grec 
classique. Sans doute il ne nous apprend rien de neuf, Mais sa lecture 
s'impose à qui veut se rendre compte des études qu'entreprend le clergé 


. GRÉCE. 169 


orthodoxe, et de l'esprit qui règne dans ces milieux théologiques. On sera 
agréablement surpris de constater que malgré le schismeé, tant de fois sécu” 
lire, l'Église grecque connaît encore et cite les Pères latins et qu'elle fait 
preuve d’un réel bon vouloir de se mettre au courant des travaux des exégètes 
catholiques. L'auteur cite, par exemple, plusieurs fois le dictionnaire biblique 
de Vigouroux, mais il ignore encore les représentants et les travaux les plus 
récents de l'exégèse catholique, tels le Cursus Scripturae et les Études 
Bibliques. J. CoPPexs. 


— Nicozas SartPoLos, ZUornua Toù uvraypuatixoÙ Juxatou rne ‘E})& doc, 
É) TUYADITEL TO0S Ta TÜY ÉÉVOY xparwy. Athènes, 1923. 360 p. Dans cet 
ouvrage de droit, l'historien trouvera de nombreux renseignements sur les 
relations entre l'Église et l'Etat, la notion de « l’autocéphalie », l’organisation 
actuelle de l'Église grecque, le titre de « religion dominante » ("Enrparoïox 
Orrsxsia) qu'on lui accorde, et qui a été si âprement discuté dans ces 
derniers temps. 


Le célèbre SP. LAMBRos a laissé de nombreux manuscrits dans lesquels 
il avait compuisé des notes et des documents, trouvés au cours de ses 
inngues recherches. Ces mss vont être, en partie, publiés. Le premier volume, 
qui vient de paraître ([lxhaoloyelx xa [le/onowraiax4. Athènes, 1923), 
contient des études et des documents du plus haut intérêt. Ainsi, nous y 
trouvons d'abord le texte d’une lettre, adressée au concile de Florence, 
d’après le cod. pal. 226 de la Bibliothèque vaticine. Cette adresse avait déjà 
été publiée en latin par Mansi, Cecconi et Haller. D'après I. Voghiatzides, 
elle a été composée par le métropolite Isidore, à l'occasion du concile de 
Bäle (1434). Puis, l'éditeur nous donne plusieurs écrits de Marc d’Éphèse, 
parmi lesquels une lettre adressée au patriarche de Constantinople (in- 
authentique d’après Diamantopoulos), des homélies, une prière au Basileus, 
etc. Suivent une réédition de l'épitaphe de Marc d'Éphèse par Théodore 
Agallianos, une lettre à Syropoulos, etc. 


Le nouveau métropolite d'Athènes, Chrysostome Papadopoulos, travaille 
activement au relèvement intellectuel de son clergé. Grâce à ses encourage- 
ments, GRÉGOIRE PAPAMIKHAIL, professeur à l’université d'Athènes, a pu 
entreprendre la publication d’une revue trimestrielle, Oeoloytax, consacrée 
à la théologie et à l’histoire religieuse. Les deux premières livraisons 
contiennent des études de valeur : K. I. Dyovounioris fait connaître (p. 18- 
40) Théodore Zygomalas, un des champions les plus ardents de l'union de 
l'Eglise grecque avec le protestantisme, au xvie siècle. Cette biographie 
critique est basée sur une abondante information, qui permettrait d'étendre 
les recherches sur les influences du protestantisme en Orient. — D. S. BaLa- 
sos donne un premier article sur Alexandre Lykourgos (1817-1875), un des 
meilleurs orateurs sacrés de la Grèce nouvelle. — A. N. DIAMANTOPOULOS 
s'eorce de démontrer, au point de vue historique, que les décrets du con- 
cile de Florence n’autorisent pas le Saint-Siège à étendre sa juridiction aux 
Eglises d'Orient. — Enfin, dans d’autres études, on trouve des renseigne- 
ments sur des orateurs sacrés de la Grèce, la doctrine de la transsubstantia- 
tion chez les Anglicans, l'évêché de Rhéon et de Prastos, l’école théologique 
grecque d'Athènes, 


]70 CHRONIQUE. 


"ExxArota est le titre d’une nouvelle revue grecque, fondée par le 
métropolite d'Athènes CHrysasroms. La première livraison a paru le rer juin 
1923. Elle est l'organe officiel de l'Église du royaume hellénique, de même 
que la Vérité Ecclésiastique est l’organe officiel du patriarcat de Constan- 
tinople. En dehors des documents officiels, elle publie une chronique abon- 
dante des Églises orthodoxes, et des études sur le mouvement religieux au 
sein de l’hellénisme. A. PALMIERI. 


— Concours et prix. — Le Dr T. Ch. Kandiloros, écrivain et historien 
bien connu, a fondé, en juin 1920, un prix annuel de 4.000 drachmes, pour 
favoriser les travaux historiques en Grèce et les recherches touchant le passé 
grec depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Les questions À 
traiter sont déterminées périodiquement par l’université d'Athènes, et les 
étrangers sont également admis à concourir. Pour 1920-1921, le sujet assigné 
était : l'idée de la communauté des nations chez les Grecs; le prix a été 
décerné au professeur S. KouGEAs, qui représenta l’université d'Athènes au 
récent congrès international d'histoire à Bruxelles. 


Nomination. — Le Dr G. A. GorTiriou a été nommé par le gouvernement 
grec directeur du Musée byzantin à Athènes. 


Italie. —Mor Sinorozt DI GIUNTA écrit, pour les séminaires jtaliens, une 
Storia letteraria della Chiesa (Turin-Rome, Marietti). Un premier volume, 
Dalle origini della Chiesa all Editto di Milano, a paru en 1920 ; le deuxième, Da 
Costantino a S, Gregorio Magno (a. 604), porte la date de 1922. Le troisième 
parcourra l'époque qui s'étend Dalla caduta di Gierusalemme in mano dei Per- 
sani alla quinta crociata (a. 614-a. 1220) ; le quatrième enfin sera réservé aux 
auteurs de la seconde moitié du moyen âge : Da S. Francesco di Assisi al 
concilio di Trento (a. 1534). S’affranchissant des méthodes scientifiques, mais 
s'inspirant de bons auteurs, de la Patrologie de O. Bardenhewer en particu- 
lier, Mgr S. di G. fait rentrer dans des cadres très larges les renseignements 
d'ordre divers qu’il a rassemblés, au profit des jeunes lévites, sur les écrivains 
ecclésiastiques. Il passe dans l’ouvrage ainsi conçu un souffle de piété et 
d'édification qui lui sera, s’il en est besoin, une recommandation de plus 
auprès des lecteurs auxquels il est destiné, R. DRAGUET. 


— Enrico FoscHiani publie, sous le titre Exit edictum a Caesare Augusto 
(Luc, Il). Padoue, 1923. In-12, 119 p., la dissertation qu’il présenta pour 
conquérir la licence à l’Institut biblique de Rome. Le travail se ressent un peu 
des raisons particulières qui l'ont déterminé. L'auteur passe en revue les 
objections que l’on présente contre la véracité de ce texte et les solutions que 
l’on donne; il marque des préférences pour celle qui voit en Quirinus, au 
moment de la naissance du Sauveur et du recensement ordonné par Auguste, 
un chef militaire en Syrie, non un véritable proconsul; si l'évangéliste lui 
donne ce titre, il le fait à cause de la notoriété que Quirinus acquit en Pales- 
tine, ayant mis à exécution un autre recensement en l’an 759 de Rome. 
L'auteur n'apporte aucune donnée nouvelle sur la question, si ce n’est une 
connaissance exacte des sources ct des conclusions qu'on en a déduites 
jusqu’à présent; cc n’est pas peu de choses pour une question si discutée. 

P. PASCHINI, 


ITALIE. 171 


— Dans son article J! privilegio paolino dal principo del secolo XI agli albori 
del XV (Extrait des Studi Sassaresi, 2e sér., 2e vol. Sassari, G. Gallizzi, 1922. 
1n-8,93 p.), le R. P.A.C. JzemMoLo nous livre la première partie de son intéressante 
étude sur le privilège paulinien. Après une interprétation succincte mais très 
claire du ch. VII de la Ï3 ad Cor., il nous expose la doctrine des Pères du 
ve siècle et prouve que S. Ambroise voyait déjà dans la séparation dont 
parle S. Paul une vraie dissolution du lien matrimonial. Toutefois, c'est 
l'Ambrosiaster qui, le premier, reconnaît aux époux ainsi séparés la faculté 
de contracter un nouveau mariage. Cette institution de droit canonique, — vu 
son importance de jour en jour moins grande, — ne subit aucune notable 
évolution durant les siècles ultérieurs. Enfin, au xrie siècle, Gratien et 
P. Lombard donnèrent au privilège de S. Paul sa physionomic définitive; 
leur doctrine fut confirmée par Innocent III. Les décrétistes et les décrétalistes 
élucidèrent certains points restés indécis, À savoir. : quand et comment 
s’opérait la dissolution et quels effets celle-ci entraînait pour l'époux resté 
infidèle. Quant au vrai fondement juridique de ce privilège, on ne l'avait pas 
encore découvert au début du xve siècle. Plusieurs autres questions connues 
sont traitées au cours de cette savante dissertation, qui ne manqueront pas 
d’intéresser les lecteurs attentifs. Signalons, par exemple, l’exposé de diverses 
interprétations données à l’obscur v. 14 de la Is ad Cor. G. KETTEL. 


— Dans la Cüiviltà cattolica, 1923, t. Ï, p. 385-400, notons un article du 
R. P. PELSTER, La giovinezza di S. Tommaso d’Aquino, étude critique sur 
les sources. L'auteur cherche à déterminer tout d’abord l’année précise de la 
naissance du saint; étant donné qu'il mourût âgé de 48 ans environ, il dut 
naitre entre la fin de l’année 1225 et le commencement de l’année 1227, et 
selon toute probabilité au château familial, à Roccasecca. Il porte le nom 
d’Aquino parce que sa famille était ordinairement désignée sous ce nom, 
probablement à cause des biens qu’elle possédait dans la ville d'Aquin. Dans 
un second article, le même auteur, sous le titre La famiglia di S. Tommaso 
d'Aguino (Ibid., 1923, t. Il, p. 401-410), fait mention de la mère du saint dont 
on ne connaît que le prénom, Théodora, et croit qu’il faut distinguer son père, 
Landolfo di Aimone, d’un autre Landolfo, cité déjà en 1196 : je n’oserais 
affirmer que cette distinction soit fondée. 


Dans l'Archivio Veneto-Tridentino, 1923, t. III, p. 169 sv., notons un 
article de A. SERENA, Fra gli eretici trevigiani. I] y est question d’un notaire, 
Albert de Guinicono, poursuivi comme hérétique patarin qui fut condamné 
après sa mort, en 1297, et dont le cadavre fut brûlé et les biens confisqués; d’un 
procès intenté par l’inquisiteur de Trévise contre Lorenzo da Crema, noble, 
notaire à Trévise en 1557-1558 ; procès interrompu par suite de la mort du 
suspect en 1558. 


Signalons enfin une étude de MaR14A BENEDETTI, Un segretario di Cristoforo 
Madruzzo : Nicolo Secco. Originaire de Brescia, Secco, qui avait été compagnon 
d'étude de Madruzzo, devint son secrétaire et confident en 1541 et, en 1545, 
obtint la charge de capitaine de justice à Milan. Envoyé en mission diplo- 
matique en Turquie, il n’assista pas avec son maître à la première période du 
concile de Trente ; mais il l’'accompagna lorsqu'il fut nommé gouverneur de 
Milan, Secco se retira à la campagne lorsque Madruzzo quitta Milan en 1557; 


172 CHRONIQUE. 


mais il le rejoignit à Rome en 1560 avec l'intention d’embrasser l’état 
ecclésiastique ; l’année de sa mort reste inconnue; elle doit être placée cer-. 
tainement avant 1575. 


En 1923, P. F. Ke a repris la publication de l'‘Jtalia Pontificia. Le 
t. VII, Venetia et Histria, est divisé en deux parties. La première seulea paru 
et comprend les regestes des actes pontificaux émanés en faveur des églises 
ct monastères du patriarcat d’Aquilée dans les diocèses d'Aquilée, Concordia, 
Ceneda, Belluno, Feltre, Trévise, Vicence, Padoue, Vérone, Mantoue ; en 
tout 734 documents, dont 366 seulement se trouvent mentionnés dans les 
registres de Jaffé, 470 sont conservés entièrement; 142, en autographes ; 
26 sont des faux. Dans la seconde partie seront recueillis les actes concer- 
nant l’Istrie et le patriarcat de Grado. 


L'article Dante e la S. Congregazione dell" Indice (Civ. catt., 1923, p. 345- 
351), s'occupe de la condamnation du traité De Monarchia faite par le car- 
dinal del Poggetto au xive siècle, qui fut insérée dans l’Index imprimé à 
Venise en 1554, d’où elle passa dans celui de Pie IV de 1564. D’autre part, il 
n'est pas exact, comme on l’a affirmé il y a peu de temps, que l’on ait songé 
vers 1860 à mettre la Divine Comédie à l’Index. 


Le KR. P. Domenico DA ISNELLo, capucin, publie une étude sur Z! convento 
della Concezione de’ padri cappucini in Piazza Barberini di Roma. Viterbe, 
1923. In-8, 300 p. Le couvent, fondé par le pape Urbain VIII et par son frère le 
cardinal Antoine Barberini, accueillit en 1631 les capucins qui, depuis 1536, 
occupaient à St-Bonaventure {actuellement S Croce de’ Lucchesi) une 
propriété qui leur avait été donnée par les Colonna. Vie tranquille et bien- 
faisante que celle des pères de la province romaine dans ce couvent jusqu’au 
moment de l'invasion napoléonienne et ensuite jusqu’à la confiscation de l’édi- 
fice et des dépendances par le gouvernement italien après 1870. C'est durant 
cette dernière période que se sont produits des événements assez intéressants 
pour la vie de l’ordre. 


M. D'ANGELO, 1! cardinale Girolamo Casanate (1620-1700) (Rome, 1923. 
In-8): Le cardinal est connu dans l'histoire de Rome du xvire siècle à 
cause de la célèbre bibliothèque, riche en livres et en manuscrits, qu’il 
forma avec soin et qu'il légua cn mourant au couvent des Dominicains de 
la Minerve; elle est maintenant devenue bibliothèque d'État, Né à Naples 
d’une famille originaire d’Espagne, il revétit l’habit dominicain ; en 1645 
il entra à la cour d’Innocent X, prit place dans la prélature et occupa 
des charges élevées dans le gouvernement temporel de l'Église. L'auteur ne 
donne pas la raison de ce changement. Casanate passa ensuite au poste délicat 
d’inquisiteur de Malte; en 1667 il est gouverneur du conclave qui élit 
Clément IX ; celui-ci le nomme assesseur du Saint-Office. En 1673 il est créé 
cardinal et ensuite, en 1693, devient bibliothécaire de la Vaticane. Il prit une 
part active à toutes les discussions théologiques et politiques qui agitèrent la 
curie romaine à cette époque. Et pourtant cet homme célèbre par sa doctrine, 
sa scicnce et son érudition, qui fut en relations épistolaires avec Noris, 
Mabillon, Baluze, ne laissa aucun écrit. L'auteur, en appendice, nous donne 
quelques lettres importantes. Cette monographie n’est certes pas parfaite (il y 
manque même une table des matières), mais si elle dénote de l’inexpérience, 


ITALIE. 153. 


elle groupe toutefois un bon nombre de notices et d'observations qui ne seront 
pas inutiles à ceux qui s'intéressent à l’histoire ecclésiastique du xvire siècle. 


La collection : Monograñe del collegio Alberoni (collège florissant de 
Plaisance, fondé autrefois par le célèbre cardinal Alberoni et confié aux 
Lazaristes italiens), commencée il y a peu de temps, publie un second volume : 
À. ARATA, 11 processo del Cardinale Alberoni (Plaisance, 1923. 253 p. avec 
documents). L'auteur s'appuie exclusivement sur les archives du Vatican, où 
se trouvent conservées les pièces du procès et les carte Albani qui s'en 
occupent. Il n’aurait cependant pas été inutile d'examiner les dépêches 
qu'envoyaient de Rome les différents ambassadeurs et celles du nonce en 
France, qui certes devait informer la cour pontificale des répercussions que 
le procès avait à Paris. L’exposé y aurait gagné en clarté et cet événement 
sensationnel eut été traité plus complètement. Bien que Arata ne se montre 
pas défavorable au cardinal dans ses appréciations, il doit admettre que 
Aiberoni fut homme peu scrupuleux, d’une mentalité politique assez 
étrange, et porté vers l'intrigue; mais, d'autre part, la conduite de 
Philippe V suffit à disqualifier un homme. Ce roi, en effet, ne se contenta 
pas de charger le tout-puissant ministre de fautes qui n'étaient pas exclusive- 
ment les siennes, mais le poursuivit avec acharnement, même après l'avoir 
expulsé d'Espagne. Il tira profit également des relations tendues qui existaient 
entre Alberoni et le pape Clément XI. La situation politique de Clément XI, 
comme prince temporel, le liait à l’Autriche, sur la coopération de 
laquelle la Curie romaine devait compter pour vaincre et chasser les Turcs 
de l’Europe : Alberoni, au contraire, n'avait d'autre but que celui d’humilier 
l'Autriche, de l'amoindrir et de lui rendre définitivement impossible toute 
ingérence dans les affaires d'Italie. Il joignait à ce but celui d'augmenter la 
fortune des Farnèse, qui le traitèrent ensuite d’une manière indigne. Clé- 
ment XI, prévenu contre Alberoni, se laissa entraîner à instruire contre 
lui un procès canonique, que l’auteur appelle à bon droit une manœuvre poli- 
tique, et qui ne tenait pas compte des intérêts plus généraux de la justice ni 
de l’opportunité. L'auteur a raison de relever que lc point de départ du procès 
fut erroné : on ne put rien prouver de certain ni de grave dans le 
procès de Plaisance contre la moralité privée du cardinal ni contre sa 
conduite sacerdotale; d'autre part, le pape ne pouvait être juge de sa 
conduite politique comme premier ministre et de sa gestion des affaires 
administratives à la cour d'Espagne. La mort de Clément XI vint mettre fin à 
une situation embarrassante pour le Saint-Siège et dangereuse pour Alberoni, 
qui devait vivre caché pour échapper à la prison préventive. Innocent XIII 
mit fin à tout par une sentence qui déclarait que Alberoni n'avait pas mérité 
de perdre sa dignité cardinalice; que les fautes de moindre importance 
n'étaient pas prouvées; que le procès devait être considéré comme non 
avenu pour ce qui concerne l'honorabilité de l’accusé. C’est de cette façon 
que se termina ce procès sensationnel contre un homme qui avait voulu 
guider d’une main vigoureuse les destinées de l'Espagne et qui, À cause de ce 
procès, est encore défavorablement jugé par les historiens. 


Mgr G. Prerro Sinopozi D1 GiuNTA, 1! cardinale Mariano Rampolla 
del Tindaro. Rome, 1923. In-8. Il est certes prématuré de publier 
une biographie complète çt impartiale du cardinal Rampolla, qui eut 


174 CHRONIQUE. 


une part si grande dans la mise en œuvre de la politique de Léon XIII et 
que Benoît XV appelait père vénéré et maître inoubliable. L'auteur se 
contente de recueillir des renseignements sur la vie privée de Ram- 
polla, de rapporter des anecdotes que le temps aurait fait oublier ; pour 
ce qui concerne la carrière publique il s'en rapporte à ce que lui fournissent 
les documents imprimés. Aussi a-t-il pu parler avec intérêt de l'homme privé 
mais d’une manière inadéquate du diplomate et du secrétaire d’État. 


L'article Pio VI fedifrago o il generale Bonaparte (Civ. catt., 1923,t. I, 
p. 491-500; t. II, p. 32-43) établit que ce ne fut pas le pape qui agit avec 
duplicité au cours de ses pourparlers avec Bonaparte, commencés à l’occasion 
de l'armistice de Bologne (23 juin 1796) et qui aboutirent au traité de Tolen- 
tino (19 février 1797). C’est le directoire français qui rompit le compromis de 
Bologne et poussa Bonaparte à envahir le territoire pontifical ; il y recueillit 
plus d'or que de gloire. Cet article fut écrit à l’occasion de la reprise, dans le 
journal la T'ribuna (10 janvier 1923), de l’accusation de l’historien Coletta. 


Pour commémorer le premier centenaire de la mort de Pie VII, la Civ. 
catt. publie une étude intitulée : Pio VII (1800-1823), I giorni e le glorie di 
Roma. Il governo della Chiesa cattolica (1923, t. III, p. 289-303 ; 395-409; 
498-505) afin de mettre mieux en lumière certaines circonstances moins bien 
connues de la vie de Pic VII. Le conclave de Venise (1800) et l'élection de 
Pie VII; le rétablissement de la compagnie de Jésus; la reprise des relations 
avec l'Angleterre; la restitution des objets d'art enlevés par la France; les 
concordats conclus avec la France et le Piémont et Naples; des précisions 
sur la restauration de l'administration intérieure, l’un des derniers mérites 
du cardinal Consalvi. 


” G. Ceci, Cimeli Bobbiensi (Civ. catt., 1923, t. II, p. 504-514 ; t. IL, p. 37- 
45; 124-136; 335-344) L'auteur examine différents objets retrouvés le 17 fé- 
vrier 1910 dans la crypte de S. Columban à Bobbio, où ils avaient été déposés: 
on ne sait exactement à quelle époque, mais certainement pas avant le 
pontificat d'Alexandre VI. ]1 s’agit d'ampoules analogues à celles, si célèbres, 
du trésor de Monza, ornées de dessins, de scènes bibliques et d'inscriptions 
grecques que l’auteur étudie ; il donne également des reproductions de 
certains objets, en particulier de ceux qui représentent des sujets neufs pour 
l’iconographie chrétienne. Il est à supposer que Attala, successeur de 
Columban, est centré en possession de ces ampoules qui contenaient des huiles 
des sanctuaircs de Terre Sainte, par l’intermédiaire de la cour lombarde avec 
laquelle il était en bonnes relations. On trouva en même temps les eulogies 
de S. Élisabeth, de S. Simon stylite le jeune, trois sceaux dont un portant 
le nom de Jean diacre et enfin un précieux Agnus Dei d'Alexandre VI. 


Dans le t. XX VIII (1922) du Nuovo bulletino di archeologia cristiana, paru 
au cours de l’année 1923, plusieurs courtes études méritent d’être signalées. 
O. Maruccui, Gli ultimi scavi nella basilica di S. Sebastiano e la memoria 
sepolcrale degli apostoli Pietro e Paolo, complète les articles publiés antérieu- 
rement (voir RHE, 1923, t. XIX, p. 317 sv.) sur le même sujet. Il conclut : « les 
tombes primitives des deux apôtres furent au Vatican et sur la voie Ostienne», 
tandis que « leur déposition sur la voie Appienne est postérieure » et peut étre 
fixée, grâce à des indices sûrs, à l’année 258. L'auteur se demande à nouveau 


ITALIE. 175 


en quel endroit précis de la localité ad catacumbas furent déposées temporaire- 
ment les dépouilles des apôtres ? Selon toute probabilité, « dans l’hypogée 
couvert de graffiti qui invoquent les apôtres »., L'endroit exact ne peut toute- 
fois étre fixé avec certitude jusqu'à présent. Marucchi reparle également du 
rite du refrigerium et du monument de la Platonia où fut déposé le corps de 
S. Quirin, ramené d'Illyrie. Sur le refrigerium le regretté P. F. Grossi- 
Goxpt donne quelques précisions dans un article intitulé : Un graffito greco 
nella triclia di S. Sebastiano sull’ Appia (ibid., p. 27 svv.). 

A. Monaci, dans une notice : Per la data del martirio diS. Agnese (ibid., 
p- 33 sv.), contrairement à l'opinion de plusieurs qui fixent le martyre au 
temps de Dioclétien ou à celui de Dèce, établit, avec preuves, qu'il doit être 
porté au temps de Dèce (250-251). 

VALENTINO Carocci traite Di alcune iscrizioni dell’ Italia meridionale, 
importantes parce que les documents épigraphiques sont rares pour ces 
régions. Il est question de trois inscriptions grecques trouvées dans la ville 
de Santa Severina en Calabre. Nous savons que cette ville, appelée dans 
l'antiquité Siberena, prit le nom de S. Severina, au plus tard au rxe siècle, 

.lorsqu’elle devint siège d’un archevêché. Mais on ne possédait aucun docu- 
ment ou mémoire à ce suiet. S. Severina est explicitement citée dans la 
première des inscriptions qui date probablement du x° siècle ; les deux autres 
font mention d’un Ambroise, évêque de S. Severina aux environs de l’an 1036, 
inconnu jusqu’à nos jours. Une de ces dernières inscriptions mentionne 
également sainte Severina, mais il est impossible de déterminer si elle fut 
martyre de la Calabre ou si son culte fut introduit dans l’ancienne Siberena. 

Sous le titre général Studi sopra alcune basiliche cristiane di Roma, la revue 
donne trois brèves études posthumes de S. PESARINI (5bid., p. 71 sv.). La 
première sur La cripta sepolcrale di S. Pancrazio e la sua basilica sulla via Aure- 
la. Cette basilique qui subsiste encore, a été reconstruite par Honorius (625- 
638) à l'emplacement d’un autre édifice élevé au commencement du vie siècle 
par le pape Symmaque. Fait important à noter, d'après l'inscription dédica. 
toire, « le corps du martyr reposait dans une salle souterraine assez vaste — 
aula — et y était placé non d’une manière régulière mais en biais. Ceci 
démontre que la tombe était encore conservée dans son état primitif, et que 
la salle — aula — dont il est question, était l’hypogée construit pour l’abriter. 
Les tombes des saints Marcellin et Pierre se trouvaient dans la même 
position par rapport à la salle qui les contenait, Ces basiliques souterraines, 
sous l’action du temps et pour différents motifs, menaçaient ruine ; on eut 
recours alors soit au transport des corps dans des oratoires ou églises 
édifiées à la surface du sol, soit à la construction de nouvelles basiliques dont 
les substructions enchâssaient le monument préexistant comme cela se fit 
pour St-Laurent par le pape Pélage, pour Ste-Agnès par Honorius Ier et à une 
époque inconnue pour les saints Nérée, Achillée et Pétronille sur la via 
Ardeatina. Honorius dut faire quelque chose d’équivalent pour St-Valentin 
sur la via Flaminia et pour St-Pancrace. Pour ce dernier cas il changea de 
place la tombe en la mettant sous l’autel. Ces différentes constatations per- 
mettent à l'auteur de fixer les modifications successives des basiliques 
construites sur l'emplacement de cimetières. Première période : enscvelisse- 
ment du martyr dans les cubicula ou galeries des cimetières. Seconde période 
(premiers temps après la paix religieuse) : élargissement des hypogées sans 
toucher aux tombes; construction de nouveaux et plus larges escaliers et 


— 


176 CHRONIQUE. 


d’ambulacres pour en faciliter l'accès. Troisième période : construction de 
basiliques à la surface du sol, ou bien profondes excavations pour construire 
ces églises sur l'emplacement même de la tombe du martyr, sans la changer 
de place. Ces conclusions me semblent dignes d’être notées. 

La seconde étude a pour objet Le confessioni aperte nelle basiliche romane. 
Les cryptes des basiliques de St-Pierre et de St-Paul étaient formées par des 
galeries souterraines qui, partant d’un point de l’abside, conduisaient aux 
tombeaux des apôtres. Cette disposition fut imitée dans d’autres églises de 
Rome, puis à St-Apollinaire à Ravenne, dans la cathédrale de Lucques (en 
780), à St-Maurice en Valteline et resta en usage à Rome jusqu’au xvie siècle. 
Fontana le premier, en modifiant sous Sixte V l'emplacement de l'oratoire 
de la crèche à Ste-Marie-Majeure, construisit une crypte non fermée, accessible 
directement de l’église elle-même par un escalier, s'inspirant peut-être de ce 
qui existait dans la basilique de St-Sébastien sur la via Appia, devant la tombe 
du martyr. L'exemple de Fontana fut suivi, mais dans des proportions plus 
amples, dans la basilique de St-Paul vers 1600, puis à St-Pierre entre 1605 et 
1620, d’après les dessins de Maderna. 

La dernière étude a rapport à L'antico altare maggiore di Santa Prassede, 
L'auteur s’occupe de quatre plaques de marbre en forme d’arc, qui existent 
encorc et ont été étudiées par Rohault de Fleury ; avec les quatre colonnes 
de porphyre qui ornent le baldaquin actuel du maître autel, elles devaient 
constituer le couronnement de l’ancien maître autel : les colonnes, estime 
l’auteur, devaient être dressées sur les quatre angles de l'autel, de façon à 
.ce que celui-ci servit en quelque sorte de base au petit édifice, forme connue 
de l'antiquité chrétienne. La disposition dut être modifiée par S. Charles 
Borromée, titulaire de la basilique, et ensuite radicalement transformée par 
Ludovic Pic de la Mirandole, vers 1730. 

Parmi les notices variées qui sont signalées à la fin du volume, notons celles 
qui ont rapport aux fouilles dans la basilique de St-Sébastien, au cimetière 
des Giordani, découvert sur la via Salaria nuova, et cn particulier la décou- 
verte d’une ancienne tombe chrétienne sur le territoire de Velletri, près de 
la via Ostia, à cinq kilomètres de la ville. Deux pierres nous donnent les 
dates de 381 et 385, et une troisième le nom de Faltonia Hilarites, qyae hoc 
coemeterium a sola sua pecunia fecit et huihic (sic) religiont donavit. Les données 
paléographiques permettent de dater cette dernière inscription de la fin du 
Ille où du commencement du 1ve siècle. ‘Foutefois, observe G. Maxcini, ce 
cimetière, bien que se trouvant sur le territoire de Velletri, ne devait pas 
servir à la communauté chrétienne de Velletri, mais à une mansio des 
environs que l'on ne peut préciser davantage. 


ll existait jusqu’à présent en Italie deux institutions distinctes ayant pour 
but de publier les sources historiques; institutions méritantes, mais qui 
avaient le tort de ne pas s'entendre pour répartir entre elles les textes à 
éditer. L'une est l’{stituto storico italiano, fondé et présidé par P. Boselli, qui 
publie un Bollettino de recherches historiques et a fait paraitre plusieurs 
volumes de sources. L'autre est le comité pour la réimpression de la collec- 
tion de Muratori : Rerum Italicarum Scriptores, présidé et dirigé par le prof. 
V. Fiorini, Ce comité réussit, malgré de nombreuses difficultés, à publier 
200 fascicules des Scriptores. On n’y trouve pas seulement les textes édités 
- par Muratori, avec index, notes, prélaces critiques, mais d'autres textes 


POLOGNE. 177 


que Muratori avait ignorés. A côté de Scriptores, ce comité publiait 
l'Archivio Muratoriano, dont deux volumes ont paru. Des conflits 
surgirent à différentes reprises entre les deux institutions. Le 12 juin dernier 
un accord est intervenu pour fixer le rôle de chacun des organismes; le 
Bolletino paraîtra sous le titre d’Archivio Muratoriano ; les deux publications 
périodiques sont ainsi fusionnées. P. PASCHINI. 


— A l’occasion de la trentième année d’enseignement de M. A. Venturi, 
directeur de la revue L’Arte, un ouvrage de luxe sur Le Corrège doit paraître 
en 1923. Ce sera un volume in-folio de 200 pages de texte et 200 planches. Le 
prix de souscription est fixé à 1.000 lire, soit 14 livres sterling. R. M. 


— Décès. — En septembre dernier, au cours d’une ascension sur les glaciers 
de l'Ortler, le professeur WLADIMIR ZABUGHIN mourut tragiquement à la 
suite d’une chute. Né à Kiew, il avait fait ses études de philosophie et 
lettres à l’université de Pétrograd. Encore jeune il vint à Rome, qu'il ne 
quitta plus et conquit le titre de libero docente à l'université de l'État. Durant 
plusieurs années il donna avec succès des cours sur la littérature humaniste, 
branche dans laquelle il était devenu maître. Érudit minutieux, il laisse 
plusieurs travaux de choix qui continueront à être consultés par les inté- 
ressés, une étude sur Ginnio Pomponio Leto, une autre sur l’iconographie 
de Dante. L’an dernier. il publia un travail sur Virgile et la Renaissance 
italienne. Il collaborait également à la revue Roma e l’Oriente, publiée par les 
moines grecs de Grottaferrata, D’un autre genre, mais non moins intéressant, 
est le livre qu'il publia il y a deux ans, après un séjour prolongé en Russie 
révolutionnaire : Il gigante folle. 

En 1923 mourut également, très âgé, GIAN FRANCESCO GAMURIRINI, qui 
publia, en 1887 S. Hilarii Tractatus de mysteriis et hymni et S. Sy-lviae 
Aquitaniae peregrinatio ad loca sancta. 

Durant la nuit du 30-31 mars mourut à l’université Grégorienne, où il 
enseignait, le P. Grossi-Gonpt, S. J. Archéologue de valeur, il collabora au 
dictionnaire épigraphique de De Ruggero, écrivit deux volumes sur la Villa 
dei Quintili a Mondragone et Il Tusculane e l’età classica. I] s’occupa d’archéo- 
logie chrétienne et publia entre autres choses : Principii e problemi di critica 
kagiographica (1919); un Trattato di epigrafia cristiana (1921) ; I monumenti 
cristiani iconografici ed architettonici dei sei primi secoli, et assura pour cette 
branche sa collaboration à la Civiltà Cattolica et au Nuovo bulletino di archeo- 
logia cristiana. | | P. PASCHINI. 


Palestine. — Le patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, DAMIEN, vient 
de publier un ouvrage historique ayant pour but de prouver les droits de la 
communauté grecque orthodoxe sur les Lieux Saints : ‘Ynéuymua nepi Toy 
ORaULAT OV TO EÀÀNUXOÙ érBoddE cu TaTpiapyetou ‘lecocokuuwv. Jérusa- 
lem, 1923. Le but politique et intéressé que poursuit l’auteur, explique le 
caractère plus ou moins tendancieux de son étude. A. PALMIERI. 


Pays-Bas. — Le P. G. Gorris, S. J., de Maestricht, vient de ruiner une 
légende qui a eu longtemps cours dans les livres de science et les manucls 
scolaires : De vermeende vrijmaking der lijfeigenen door den paus om wille 


178 CHRONIQUE. 


van den kruistocht (dans Historisch Tijdschrift, t. 1, 1922, p. 379-306 ; t. ÎI, 
1923, P. 9-26) en montrant que les papes n’ont jamais décrété au moyen âge 
qu’un serf devenait libre par le fait de participer aux croisades. L'origine de 
cette erreur remontc à 1740, et est due à une interprétation abusive de textes 
cités par le juriste allemand J. H. Boehmer dans ses Exercitationes al 
Pandecta. On en tirait cette conclusion : on n’empêcha pas les serfs de se 
rendre en Terre Sainte soit par esprit religieux, soit par crainte d'être con- 
damné par l'Église (Urbain Il). L'opinion fut dans la suite exagérée et amplifiée 
en Allemagne par Maier, Heeren, Regenbogen mais surtout par Weber, 
pour être répandue au xixe siècle par des historiens français, hollandais 
et belges. L'auteur suit pas à pas, dans tous Îles livres d’histoire parus 
pendant ces deux derniers siècles, la déformation de textes mal compris 
de Guillaume de Tyr et d’Orderic Vital; sa démonstration est convain- 
cante ; mais fallait-il suivre l'erreur jusque dans les moindres manuels de 
seconde main ? 


Le récent ouvrage de M. Eu. Rocxe, docteur ès lettres : La censure en 
Hollande pendant la domination française (Q juillet 1810-16 nov. 1813). (La Haye, 
D. Daamen ; Paris, L. Asnette, 1923. In-8, 265 p.) étudie un sujet, en majeure 
partie neuf, à l’aide de documents administratifs provenant des Archives 
Nationales de Paris (Série F) et des archives hollandaises. La censure fut, 
sous l'Empire, un puissant instrument politique ; celle des livres s'exerçait 
à la direction de l'imprimerie et de la librairie, dont de Portalis et de Pom- 
mereul furent les directeurs bien connus. En Hollande, le contrôle officiel 
s'étendait à la triple manifestation de l'opinion publique : le livre, le journal 
et le théâtre. Les livres religieux furent naturellement l'objet d'une sur- 
veillance particulière et on y supprimait toute allusion au régime napoléonicn; 
tels furent les livres de dévotion, les catéchismes de l’Empire, les « opus- 
cules fanatiques » ; non seulement lcs écrits des pasteurs protestants furent 
étroitement cxaminés par la police, mais les pamphlets du curé Stevens 
sévèrement recherchés. La tête de ce dernier est mise à prix en l’an xutt par 
le ministre Fouché. Quant aux livres licencieux ou aux pièces anticléricales, 
on vise à en faire disparaître la circulation ou à les rayer du répertoire 
théâtral. La chaire chrétienne est également l’objet d’une étroite surveil- 
lance, bien que les milieux officiels n'aient guère d'estime pour le talent 
oratoire des pasteurs protestants (v. l’appréciation sur van der Palm, p. 103). 
Quelques pièces en annexe montrent sur le vif le travail de la censure 
(v. l'examen du Woord van Troost en Kracht, de 1811, du pasteur F. van 
Teutem, p. 246). H. Nezis. 


Pays Scandinaves. — Il n'est pas trop tard pour signaler l'étude 
de M. H. CoRNELL, sur l'art religieux du moyen âge dans la région nord de 
la Suède, appelée Norrland (Norrlands Kyrkliga Konst under Medeitiden. 
Upsala, 1918. xu1-271 p., xvi1 pl. et 206 fig.). Cette région est peu peuplée; 
il n’est donc pas étonnant que ses é;lises, dont quelques-unes remontent au 
xute siècle, soient très simples : nef unique sans contreforts, souvent avec 
tour basse en bois, construite à côté de l’église. Elles sont parfois ornées de 
peintures murales, dont les plus anciennes datent de 1273 environ, d’autres 
ornent les voûtes, à nervures compliquées du xvie siècle. Les fonts baptis- 
maux du xsie et du xrie siècle ne sont pas rares. lis affectent généralement 


TURQUIE. | 179 


la forme d’un calice avec nœud. A Aln6 et à Lockne ils sont en bois, 
couverts d’une sculpture d’enlacements et d'animaux fantastiques. 

Parmi les sculptures en bois il faut signaler la Vierge ouvrante du type de 
la Trinité, conservée à Ofvertorneë. Les retables dépendent les uns de 
l'Allemagne du nord (Lübeck), l’un ou l’autre de l’Allemagne du Sud (Rie- 
menschneider). Trois sont importés d'Anvers et un de Bruxelles. D'autres 
sont de provenance suédoise {xvre siècle). M. Cornell étudie aussi les tissus 
(tantôt suédois, tantôt allemands, tantôt italiens), les broderies, les orfèvre- 
ries : il signale notamment quelques petites châsses limousines et un autel 
portatif d’origine colonaise. R. MaABRE. 


Pologne. — La direction de la revue ruthène Bogoslovia a commencé la 
publication d’un recueil de travaux, dont le premier fascicule donne la 
dissertation du Dr JoserH SLtpyt : De amore mutuo et reflexo in processione 
Spiritus Sancti explicanda. Léopol, 1923. In-8, 29 p. On y trouve un exposé de 
la doctrine des grands scolastiques sur la procession du Saint-Esprit. 


Des catholiques polonais, résidant aux États-Unis, se sont séparés autre- 
fois de l'Église romaine et ont fondé une Église nationale Celle-ci compte 
environ 70 paroisses, établies dans plusieurs États (Pennsylv., New-York, 
Connect., Massach., Rhode Island, New-Jersey, Maryland, Ill, Chicago, 
Wisc., etc.). Depuis le rétablissement de la Pologne, ils y ont entrepris une 
propagande active, dont le centre est Krakéw-Debniki. Le Dr Hoour, évêque 
et chef de la secte, vient de retracer l’histoire de ce mouvement : Nasza 
wiza [Notre foi]. Cracovie, 1923. Sous la direction de ANTONI PTASZEK, 
parait aussi une revue hebdomadaire Polska odrodzona, qui est consacrée à 
la polémique contre les catholiques. A. PALMIERI. 


Tchéco-Slovaquie. — Le R. P. AuGUsTIN NEUMANN, O.S. A., de l’abbaye 
de Brunn (Brno) en Moravie, s'applique à nous donner une idée complète de 
là situation religieuse de son pays à l’époque du hussitisme. En 1920, il fit 
paraitre une étude sur les biens ecclésiastiques au xve siècle /Cirkeyni jmeni 
a doby husitske, Olomouc). En 1923, il publia une histoire de la réforme 
liturgique en Bohême à la même époque (Z dejin bokosluzeb o dobe husitske. 
(S.d.] 298-x1t-11 p.). Ce dernier ouvrage contient de nombreux renseignements 
sur la liturgie slave en Bohême, sur l’art religieux, sur la vie intellec- 
tuelle dans Jes monastères. Pour les faits qu’il rapporte de Jean Huss 
et du hussitisme, ils’en tient aux ouvrages de Scdlak et de Nejediy et 
Urbanek. Il est fort regrettable que l’auteur n’ait pas connu les deux ouvrages 
importants sur la liturgie et la doctrine hussites : celui de J.S. Palmov, pro- 
fesseur à l'Académie ecclésiastique de Pétrograd, Le mouvement hussite : la 
question du calice dans le mouvement hussite. Pétrograd, 188r ; celui de Viat- 
cheslav Koranda, sur L'utraquisme hussite dans la seconde moitié du XVe siècle 
(Pétrograd, 1905). À. PALMIERI. 


Turquie. — [loaxruxx nai ancpaoes roù ev Kovoravrivourol ravop- 
Ki Tuaûpiou. Ce volume contient les actes du concile « panorthodoxe » 


180 CHRONIQUE. 


qui a été célébré à C. du 10 mai au 8 juin 1933. Toutes les Églises orthodoxes 
grecques y étaient représentées. Des questions très importantes y ont été 
débattues, entre autres : l'adoption du calendrier grégorien, le second 
mariage des prêtres veufs, le mariage des évêques, etc. On sait qu’à la suite 
de ce concile, le calendrier grégorien a été introduit dans l'Eglise grecque. 
Ces mêmes actes ont aussi été publiés comme supplément à la revue 
"’Exxinote. A: PALMIERI, 


HE 6 1% 
ET RÉ | 
L', vtr aibib | | JUN 1 4 1924 


Publication trimestrielle 


VIKGT-CINQUIÈME ANNÉE. — T.XX,F. À. AYRIL 49924 


UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN 


OR VUE 
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE 


fondée en 1900 par 


| A. CAUCHIE et P. LADEUZE 


| | | et publiée sous la direction de 


A. DE MEYER, R. KOERPERICH, J. LEBON 
CH. TERLINDEN, É. TOBAC et L. VAN DER ESSEN 


| SOMMAIRE 
| J. Lebon. La position de saint Cyrille de Jérusalem dans les ue 
| provuquées par l’arianisine (à suivre) . . . 181 
| L. Gougaud, O. S. B. La prière dite de Charlemagne et les ri ces 
apoeryphes apparentées. . Bee, ee où a SU 
| Mélanges : É. Tobac. OL: 9: caro. à 239 
É. Tobac. Note sur la doctrine du Christ, Nouvel br 243 
Comptes rendus (Voir la table complète au verso). . . . : 248 
Chronique: à } 4 2-4 4 2.4 ra Se ne 5 à: 7209 
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . (65 
Compte chèques-postaux n° 39,421 
LOU VAIN 
_ BUREAUX DE LA REVUE 
40, RUE DE NAHUR, 40 
Tous droits de repro.luction et de traduction réservés. 
| Louvain, — Imprimerie Pierre SMEESTERS, rue Ste-Barbe, 18. 
| Fe 
| Voir AVIS IMPORTANT au verso. 


AVIS IMPORTANT 


Le Comité de la Revue d’histoire ecclésiastique prie MM. les Sous- 
cripteurs qui n’ont pas encore payé leur abonnement pour 1924, de 
bien vouloir lui en faire parvenir le montant avant le 1° juillet. 
(Compte Chèques-Postaux de la Revue, n° 39,421.) En cas de non- 
paiement à cette date, le Comité devra suspendre l’envoi de la Revue. 


COMPTES RENDUS 


B. J. Kidd, D. D. A History of the Church to 
A. D. 461. (P. G. CHAUVIN, 0. S B.). 248 
J. Boutet. Saint Cyprien, évèque de Carthage 
et martyr (210-258). I. (La vie chrétienne 
à l'école des Saints Pères.)(J. FLAMION.) 251 
A. Moulard. Saint Jean Chrisostome, le 
défenseur du mariaye et l'apôtre de la vir- 
ginité. (4. FORGET.) . . . . . . . 253 
P. Theoph. Harapin, 0. F. M. Primatus 
Pontiticis Romani in Concilio Chalcedonensi 
et Ecclesiae dissidentes. (Collectanea philo- 
sophico-theologiea, cura professorum Gol- 
lexii internationalis S. Antonii de Urbe 
edita. Vol. 1.) (J. FORGET.). . 257 
F. J. Foakes Jackson. An introduction to 
the history of christianity A. D. 590-1314. 
(L. VAN DER ESSEN.). . . . ., 200 
J. Armitage Robinson. The times of Saint 
Dunstan. (L. Gorcaub, 0. S. B.). . . 263 
À. Adam. Guillaume de Saint-Thierry, sa 
vie el ses œuvres. (Thèse de doctorat pré- 
sentée à la Faculté de théologie de Lyon.) 
(P. DERONGNIE, C. SS. R.). 264 
Marc. Chossat, S. J. La Somme des Sen- 
tences, uvre de Hugues de Mortayne vers 
1152. Avec préface et introduction par 4, de 
Ghellinck, S. 3. (Spicilesium sacrum Lo- 
vaniense. Etudes et documents. Fase. 5) 
(E, DE MOREAU, NS. J.) . 200 
P. de Corswarem. De lilursische bocken 
der kolleuiale kerk van Tonyeren voor het 
concile van Trente. (Koninklike Vlaamsche 
Akademie Van taal- en letterkunde. Fase. 1.) 
(P, DE PUNIET.) . . . 267 
P. Aug. Daniels, 0.S.HB. Eine lateinische 
Rechtfertyunussehrift des Meister Eckhart. 
(Beilräse zur Geschichte der Philosophie des 


Mitielallers, hrsg. v. Cl. Baeumker. 
T. XXJIL, fase. 5.) (R.-M. MARTIN, O0. P.) 269 
G. J. Hoogewerff. De oniwikkeling der ita- 
liaansche Renaissance. (R. MAERE.). 271 
Leighton Pullan. Religion since the Refor- 
mation. (R. KREMER, C. SS.R.) . . . 273 
R. P. Joseph Thermss, S. J. Le bienheu- 
reux Robert Bellarmin (1542-1621) (Collec- 
tion : Les Suints.) (A. PASTURE.). , 276 
R P. Henri Fouqueray, S. J. Histoire de 
la Compagnie de Jésus en France des ori- 
gines à la suppression (1528-1762). Tome IT : 
Époque de progrès (1605-1023). (A. PASTURE.) 
RE 
Dom H. Leclercq. Histoire de la Réyence 
pendant la minorité de Louis XV. (CH. TER- 
LENDEN ‘hs 2 8 ee & À 2H2 
Bertrard van der Schelden, 0. M. Cap. La 
Franc-maçonnerie belse sous le réyime 
autrichien (1721-1794). Etude historique et 
critique. (Recueil des travaux publiés par 
les membres des Conférences d'histoire et 
de philologie, 2e sér., 1er fase.) (A. VAN HOVE.) 
D ar et UC En er x COSU 
The life of Cornelia Conne!lv, Foundress of 
he Society of the Holy child Jesus (1809- 
1879), by a member of the Sociely, with à 
Preface bv cardinal Gasquet. (P. G. CHAU- 
VINSOE SD) es à SE 2 D pars 009 
M. Monabam. Life and Lellers of Janet Ers- 
kine Stuart. Superior General of the Society 
ot the Sacred Heart (1857-1994), With an 
introduction by cardinal Bourne. (P. G. 
CHAPVINS OL SR 2 ce 4, à ee 230 
Mgr Laveille. Thérèse Durnerin fondatrice 
de la Société des Amis des Pauvres (1R48s- 
1905). (J. FORGET.) . 203 


RERO < EEE EEE À ORNE 
RE 5 


La position de saint Cyrille de Jérusalem 
dans les luttes provoquées par l’arianisme. 


Aux temps anciens, on passait aisément pour homme de foi 
suspecte. Cependant, qu’un Docteur de l'Église ait nettement accusé 
d'héresie un autre Docteur, et que sa voix ne soit pas restée sans 
écho, ni son témoignage isolé, c’est là un fait qui ne parait pas 
banal. 11 s’est produit au 1v° siècle, l'accusé étant saint Cyrille de 
Jérusalem, et l’accusateur n'étant autre que saint Jérôme, qui écrit 
sans sourciller, dans sa Chronique, à l’année 14° de Constance : 
tÂL Maximus post Macarium hisrosolymarum episcopus moritur. 
post quem ecclesiam arriani inuadunt, 14 est, cyrillus, eutychius, 
rursum cyrillus, [h]irenaeus, tertio cyrillus, hilarius, quarto cyril- 
lus (1). » Au même endroit, saint Jérôme ajoute, touchant l’évêque 
Cyrille, quelques détails aussi peu honorables pour l'intéressé que 
celui qui vient d’être rappelé; nous les examinerons dans un instant. 
I! faut bien constater que l’évèque de Jérusalem n’a pas commencé 
par avoir unc bonne presse dans l’antiquité chrétienne, Déja saint 
Épiphane. dans son Panarion, le montre engagé dans des relations 
singulières. L’armée des Ariens, dit l'ardent hérésiologue, s'était, à 
la suite de dissentiments nés entre ses chefs, divisée en trois corps. 
À la tête de l’une de ces fractivus ariennes se trouvaient, entre 
autres, Basile d'Ancyre et Georges de Laodicée, et l’évèque de Jéru- 
salem se trouvait rallié à ces personnages, dont les convictions 
hérétiques viennent d'être notées : « sivar dE Toy Kupuicy äux Baot- 
lei = l'xxrn... rai L'iopyie r@ Axodixstxs (2). » Plusieurs historiens 
de la même époque formulent ou insinuent une pensée semblable, 
L'est, tout d'abord, Rufin qui, dans son {listoire ecclésiastique, 
présente saint Cyrille comme inconstant et versatile dans sa foi et 
Surlout dans sa communion : « Hierusolymis vero Cyrillus post 
Maximum sacerdotio confusa iam ordinatione suscepto uliquando 
th fide, saepius in communione variabat (3). » En notant sa présence, 


(1) S. JÉRÔME, Chronique, édit. R. Hem, Die Chronik des Hieronymus. 
Leipzig, 1913. P. 1, p. 237 (Eusebius Werke, t. Vil, dans Die griechischen 
Christlichen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte, t. XIX). On trouve ce 
même témoignage dans PL, XX VII, 684. 

(2) S. EPIPHANE, Panarion, haeres. LXXIII, 27 (PG, XLII, 456, B-C). 

(3) Rurin, Hist. eccles., X, 24, édit. T. MoMMsEen, Die lateinische Ueber« 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 13 


185 j. LEBON. 


en 381, au premier concile æœcuménique de Constantinople, Socrate 
signale l’évêque de Jérusalem comme alors converti à la doctrine du 
consubstantiel : « x 95 ‘Isporodüur Kupuhes, rôre Ex peraucheixs TGr 
éucouaiw mpogkeiueyos (1). » À la même occasion, Sozomène dit, avec 
plus de précision, que c'était des idées de Macédonius que Cyrille 
avait été partisan auparavant et que ce repentir l’avait ramené : 
« xœi Küpuhlos Ô Tepcachipuy, usrauerets rôre, ôT roôrepey Ta Maxxs- 
dovicu Egpive (2). » L'expression employée par Sozomène : « 7& 
Maxsdoviou Egpéve », peut encore trahir l'écho d'une accusation 
d’arianisme ; on sait, en effet, qu’à la dernière période de la contro- 
verse arienne, les termes macédoniens, pneumalomaques, semiariens 
étaient parfois synonymes, dans le langage courant, et désignaient 
les mêmes hérétiques (5). D'ailleurs, Sozomène lui-même confirme 
cette interprétation ; dans un autre passage, il dit que c'était 
d’homoïousianisime que saint Cyrille avait été soupçonné : « .… npiv 
ÉY OTSVOUX 1... Kipuhics.…., rois ucouatey TG Flarot roy Yioy eioryou- 
pévors énGueyos (4). » Ces témoignages obligent à reconnaître que, dès 
le dernier quart du 1v° siècle, et du vivant même du saint évêque, 
une opinion très répandue avait soupçonné l'orthodoxie de saint 
Cyrille, à cause de certaines accointances avec des personnages dont 
la foi, pour le moins, n’était pas franchementnicéenne. 

Toutefois, il n'est que juste de noter égalemégt/les protestations 
et les tentatives de réaction contre cette opinion. Réunis à Constan- 
tinople, en 382, les évêques orientaux écrivent au pape Damase et 
aux Occidentaux que Cyrille a lutté beaucoup, à diverses reprises, 
contre les Ariens : « :ôy aidscmmmrarey nai Oecquéoraroy Kepilor… 
ThEiTTa mp0; Tous Âveuavous Ey Ouavéocs xpivors abiraavra. » C'est 
Théodoret qui a conservé ce certificat élogieux (5) ; instruit peut-être 
par ses propres malheurs, l’évêque de Cyr se montre sympathique à 


setyung des Rufinus. Leipzig, 1908. (E. ScHwarrz, Eusebius Werke, t. Il, 
part. 2, dans Die griechische christliche Schrifisteller.…., t. IX, 2). Dans PL 
(XXI, 495, B) ce texte est donné à Hist. eccles., I, 23. 

(x) SOCRATE, Hist. eccles., V, 8 (édit. R. Hussey, Socratis scholastici eccle- 
siastica historia, Oxford, 1853, t. II, p. 584 ; PG, LX VII, 576, C). 

(2) SozoMÈNE, Hist. eccles., VII, 7 (édit. R. Hussey, Sozomenti ecclesiastica 
historia, Oxford, 1860, t. IE, p. 693; PG, LXVII, 1429, C). 

(3) Cfr J. TixERoNT, Histoire des dogmes, 2° édit., t. II (Paris, 1909), p. 51 
et 58. 

(4) SOZOMÈNE, Hist. eccles., IV, 25 (édit. R. Hussey, t. I, p. 412; PG, 
LXVII, 1196, B). 

(5) THÉODORET, Hist. eccles., V, 9 (édit. L. PARMENTIER, T'heodoret. Kir- 
chengeschichte. Leipzig. 1911, p. 294, dans Die griechischen christlichen 
Schriftsteller.…, t. XIX ; PG, LXXXII, 1217, C). 


) \ : 
8, CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 183 


celui dont il relate les ennuis et les persécutions et n'hésite pas à 
l'appeler un défenseur courageux des dogines apostoliques : « Ku- 
puios…. T@y anocrolx@v doyuéroy nocbvuows Ünsouayéwv (1). » Dans 
un des florilèges de son Eranistes, il range l’évêque de Jérusalem 
parmi « les saints qui ont brillé autrefois dans les Églises », et il 
recourt à son autorité pour établir et confirmer la vraie doctrine (2). 
Dès la première moitié du v° siècle, la mémoire de saint Cyrille 
parait rébhabilitée ; au cours des controverses christologiques et dans 
la suite, les florilèges dogmatiques utiliseront ses écrits, sans qu’il 
soit formulé d’objection ou de doute au sujet de son orthodoxie (3). 

Mais, pour l’historien, la question n’est pas résolue par la simple 
production de cette double série de témoignages ; elle reste ouverte 
et se pose même plus impérieuse, et peut-être plus intéressante, par 
le fait du désaccord des témoins anciens. On n’a pas manqué de 
l’examiner, de l’étudier soigneusement, ni même d'y faire, entre 
autres, la réponse que nous croyons juste et vraie. Cependant, 
il y a lieu d’essayer de mettre cette réponse en meilleure lumière, 
si l’on en juge par la persistance du désaccord entre les auteurs 
modernes. | 

Tandis que les historiens catholiques croient pouvoir dissiper, en 
les expliquant, les accusations portées contre saint Cyrille et mettre 
à couvert son orthodoxie réelle, les autres sont encore divisés dans 
leurs appréciations des faits et des textes et dans les jugements 
qu'ils portent sur la doctrine de l’évêque de Jérusalem. 1 nous 
suffira de citer en preuve deux noms et deux avis, de grande autorité 
dans ce camp. Harnack écrit que, dans le fait, saint Cyrille est ortho- 
doxe, c’est-à-dire, nicéen de doctrine, et que seul le terme éuosuato;s 


(1) THÉODORET, Hist. eccles., II, 22 (édit. L. PARMENTIER, p. 157; PG, 
LXXXII, 1064, D). 

(2) THÉoDoReT, Eranistes, dial. II (PG, LXXXIII, 204, Cj:« Kupi sou 
ETLTKÔTOU ‘Lpcoo) uw », Cette citation, comme toutes celles qui com- 
posent ce florilège, répond à la parole de l'adversaire (#bid., 169, À) : 
C'Eyo Tois Ev Tais Erxinaiois nähai duxdauhaoy axchoubc ayons. 
Asia Totyuy Exsivous... ». On peut même remonter plus haut en admet- 
tant que cette citation est une de celles que Théodoret a empruntées au 
recueil d'autorités patristiques composé, en 431, par l’épiscopat d’Antioche 
pour combattre la théologie de saint Cyrille d'Alcxandrie, comme l’a 
démontré L. SaLTer (Les sources de l''Ecansri; de Théodoret, dans la 
Revue d’histuire ecclésiastique, 1905, t. VI, p. 513 et suiv.). 

(3) On trouvera des indications à ce sujet dans l’ouvrage de TH. SCHER- 
MANN, Die Geschichte der dogmatischen Florilegien. Leipzig, 1905 (T'exte und 
Untersuchungen.., t. XXVIII, 1); voir les références à la table, à l’art, 
Kyrillos von Jérusalem. 


184 J. LEBON. : 


manque dans ses Catéchèses (1). Au contraire, R. Seeberg fait de ces 
mêmes Catéchèses un monument de la doctrine des tiomoïousiens et 
affirme que, autant leur auteur reconnaît clairement la divinité 
véritable du Fils, autant il est éloigné de l’éuoouaros de Nicée (2). Il 
s’agit de s'entendre sur les points à concéder et sur les positions à 
maintenir pour représenter fidèlement la réalité historique qui est 
souvent, comme dans le cas présent, quelque peu compliquée et 
nuancéc. À cet effet, il faut retourner aux sources historiques et 
doctrinales. 

Pour les sources historiques, point n’est besoin, semble-t-il, de les 
présenter spécialement et en détail; ce sont, outre les œuvres des 
historiens ou écrivains déjà cités, des documents de nature diverse, 
qui seront allésués et appréciés quand il faudra rappeler ou établir 
les faits. Les sources doctrinales sont tout particulièrement les écrits 
mêmes de saint Cyrille (5). À ce Père, comme à tant d’autres, on n’a 
pas manqué d’attribuer autrefois unc série d'œuvres, qui ne peuvent 
pas légitimement se réclamer de sun nom. Il reste encore plusieurs 
écrits de ce genre dans l'édition des Mauristes, que la Patrologie 
grecque a reproduite, mais leur caractère apocryphe est actuellement 
reconnu. Comme œuvres certainement authentiques (4), la critique 
moderne retient une fomélie sur le paralytique dont la guérison est 
ra-ontée en Jou., V, 2-16, une Lettre à l'empereur Constance sur 


(x) À. HaRNaACK, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. II, 4° édit. (Tubingue, 
1909), p. 249, n. 3 : « Die Katechese Cyrill's zeigen den Standpunkt der 
orientalischen äussersten Rechten ; … nur das éucouctes fehlt, in der Sache 
ist Cyrill orthodox. » 

(2) R. SEEBERG, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. II, 2e édit. (Leipzig, 
1910), P. 94-95. 

(3) La Patrologie grecque (t. XXXIII) a reproduit (Paris, 1857) l'édition 
des Mauristes, préparée par A. Touttée ct publiée par Pr. Maran (Paris, 
1720). L'édition de W. K. ReiscHL et J. RüuPr (Munich, 1848-1860. 2 vol.) 
offre des améliorations du paint de vue critique ; c’est elle que nous citerons 
en ordre principal, tout en ajoutant chaque fois, pour la facilité de la con- 
sultation, le renvoi à la Patrologie grecque. L'édition de PH. ALEXANDRIDES, 
avec notes de D. KLEopHas (Jérusalem, 1867-1€68. 2 vol.) nous est demeurée 
totalement inaccessible. 

(4) Cfr l’article consacré à S. Cyrille de Jérusalem par O. BARDENHEVWER, 

dans sa magistrale Geschichte der altkirchlichen Literatur, t. III (Fribourg-en- 
Br., 1912), p. 273-281. Voir aussi les travaux de J. Maper, Der heilige 
Cyrillus, Bischof von Jerusalem, in seinem Leben und seinen Schriften nach 
den Quellen dargestellt, Einsiedeln, 1891, et de T. P. THEMELIS, Kuc4os 6 
LE ECOTO À uuwy 5 Kazryrrrs, Jérusalem, 1920, ainsi que les articles de 
‘T. FôRrSTER, dans la Realencyclopädie für protestantische Theologie und 
Kirche, 3° édit., t. IV (Leipzig, 1898), p. 381-384, et du P. Le BACHELET, dans 
le Dictionnaire de théologie catholique, t. IIT (Paris, 1908), c. 2527-2577. 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 185 


l'apparition d’une croix lumineuse à Jérusalem, en 351, et enfin les 
Catéchèses, conférences ou instructions familières faites par Cyrille, 
— déjà évêque selon certains, encore simple prêtre selon d’autres, — 
au temps de Pâques d’une année qui est probablement 348, devant 
des auditeurs qui étaient à la veille d'être baptisés ou qui venaient 
de recevoir le baptéme. Une instruction préparatoire, ou Procaté- 
chèse, est suivie de dix-huit conférences (Catecheses 1lluminandorum) 
qui expliquent, point par point, aux candidats au baptème, le sym- 
bole de foi de l’Église de Jérusalem, et de cinq autres (Catecheses 
myslagogicae), qui initient les néophytes aux mystères ou sacre- 
ments chrétiens. Contentons-nous ici de noter encore, à propos de 
ces instructions, que leur authenticité a été, depuis longtemps et 
victorieusement, défendue contre les attaques de certains critiques 
du xvne siècle et est, à présent, établie et reçue. Nous parlons ainsi 
de toutes les Catéchéses ; nous pensons, en effet, qu'il n’y a pas de 
raison suffisante d’attribuer, comme on l’a encore voulu faire 
récemment (1), les cinq Catéchèses mystagogiques à l'évêque Jean de 
Jérusalem (586-417). Ce point de critique est, d’ailleurs, iei tout 
à fait secondaire et peut être négligé, car notre étude et ses conclu- 
sions ne s’appuieront que sur les Catecheses illuminandorum. Celles- 
ci offrent à notre étude doctrinale une base ample et sûre. L’homélie 
sur le paralytique ne fournit que quelques indications dont nous 
pourrions tirer parti. De la lettre à l'empereur Constance, que nous 
croyons authentique, il sera encore question plus loin à propos de 
l'emploi du terme éuscvuotos (2). 


(x) TH. SCHERMANN, dans Theologische Revue, 1911, t. X, c. 577. Voir, 
en sens contraire, $S. SALAVILLE, Une question de crilique littéraire. Les 
« Catéchèses mystagogiques » de S. Cyrille de Jérusalem, dans les Échos 
d'Orient, 1915, t. XVII, p. 531-537. , 

(2) Reste la question de l’authenticité de quelques fragments d’homélies, 
sur laquelle la critique ne paraît pas encore définitivement fixée. Cfr O. Bar- 
DENHEVWER, d. C., p. 281. Ces fragments étant purement christologiques, nous 
n'avons aucun intérêt à nous en occuper spécialement ici. Mais c’est l’occa- 
sion de noter quelques détails de critique externe, qui nous semblent 
démontrer le caractère apocrvphe de ces fragments, déjà très suspects à 
cause de leur christologic trop avancée, dans sa terminologie, pour le 
Ive siècle, Des trois fragments déjà publiés par dom Touttée (édit. REIScHL 
et Rupp. t. If, p. 442; PG, XXXIII, 1181), les deux premiers (donnés aussi 
par la Doctrina Patrum, Edit. F. Diekamp, Munster, 1907, p 92-93) se ren- 
contrent également, dans la tradition manuscrite, réunis en un seul et 
attribués à saint Cyrille d'Alexandrie (PH. En. Pusex, S. P. N. Cyrilli 
archiepiscopi Alexandrini, in D. Ioannis evangelium. Oxford, 1872, t. IL, 
P. 474, n. xv); le troisième n’a pour lui que le témoignage, très précaire en 
matière positive, de Léonce de Byzance et semble bien devoir aussi être 


186 J. LEBON. 


\ 


Nous pouvons maintenant en venir à la question que nous nous 
sommes proposé d'examiner, et nous demander : Que faut-il penser 
des accusations portées contre l’orthodoxie de saint Cyrille de 


abandonné. Un quatrième fragment cst fourni par la Doctrina Patrum (édit. 
F. DiEkAMP. p. 20, n. xxx); il est donné comme se rapportant à la parole 
du Christ : J0£xoûvy ue, dans Jou., xvut, 5. Tous ces fragments pourraient 
bien être redevables de leur origine et de l'attribution sous laquelle ils 
apparaissent dans la tradition manuscrite et littéraire, à la même fraude 
intéressée. Au début du vie siècle, au fort des luttes christologiques, 
Sévère d’Antioche connaissait déjà et démasquait l’abus que les diophysites 
faisaient de prétendus témoignages de saint Cyrille de Jérusalem. Dans son 
grand ouvrage, encore inédit, contre le grammairien Jean de Césarée 
(Contra Grammaticum, 1. III, chap. 38; d’après le ms. syriaque du British 
Museum Addit. 12157, 1° 188, r), Sévère explique le sens et la portée véri- 
tables d’un passage christologique de la xrve Catéchèse (PG, XXXUI, 468, A); 
il remarque que le Grammairien, qui reprenait ses citations chez d’autres 
sans aller lui-même aux sources, n’en a donné que la fin; puis, il ajoute ces 
détails, que nous reproduisons en traduisant aussi littéralement que possible 
le texte syriaque, qui est lui-même une version très littérale de l'original 
grec : « His autem commiscuit aliam citationem, tanquam eiusdem auctoris 
in oratione, cui titulus : sis T6 * É/G) TOÔ; TOY TaTÉUX TOpEVOUA * Kai Ô TL 
y airiontTe Ey T@ Ovouari pou, Toro rarGu, Îva JobacËr à RaThp Ev To 
viw. Ego vero, cum multum laborassem et quaesivissem illam orationem, 
non potui hucusque illam invenire : placct enim mihi non ex fragmentis, sed 
ex orationibus integris investigare veritatem. Attamen, quia invenerunt isti 
impii in illa citatione my To TpCGHREU GuvATEuxy, quasi qui doctrinam 
Nestorii expiscati sint, exsultant. » Sévère dit encore que toutes ces cita- 
tions tronquées ou altérées, qu'il a dû critiquer dans l'œuvre du Grammai- 
rien, avaient déjà été produites auparavant, dans les disputes contre lui, par 
les diophysites de Constantinople. Il déclare même posséder un Àcycs 
adressé autrefois par certains diophysites à l’empereur Marcien, et auquel 
sont jointes ces citations patristiques. Le fait que Sévère, qui était un érudit 
et un chercheur infatigable, n'ait pas réussi à découvrir cette prétendue 
homélie de saint Cyrille, et les circonstances dans lesquelles on en avait 
produit des fragments, rendent extrémement vraisemblable et probable le 
caractère apocryphe et frauduleux de la pièce. Or, on remarquera qu'il faut 
très probablement considérer comme tirés de cette homélie le troisième et 
le quatrième des fragments mentionnés plus haut : le troisième, car le 
thème scripturaire de l'homélie cité dans le Iemma introductif de la citation. 
faite par Léonce de Byzance peut tout aussi bien être JoH., x1v, 12 (comme 
il l'est d’après Sévère), que Jo., xvi, 28, comme l’indiquait dom Touttée; 
le quatrième, car on y trouve l'expression caractéristique Tny TO TPOGUTOU 
guvaquay (DiEkAMP, l. t.), que, d'après Sévère, les diophysites se réjouis- 
saient de rencontrer dans la citation qu'ils empruntaient à l’homélie en 
question. Nous croyons donc que tous ces fragments sont apocryphes ; il ne 
reste plus de base à la conjecture qu’ils suggéraient à dom Toutté : non ille- 
gitima suspicio oritur, fuisse olim integrum Cyrilli in loannis Evangelium 
homiliarum opus (dans PG, XXII, 125, À). 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 187 


Jérusalem et des accointances qu'on lui a imputées avec l’arianisme 
ou avec certaines tendances arianisantes ? 


* 
# + ’ 


En parlant, comme nous l'avons entendu, des variations de saint 
Cyrille aliquando in fide... saepius in communione, Rulin appelle 
l'attention sur une distinction qui est ici d'importance primordiale. 
La nécessité d’en tenir compte pour discerner, dans le cas présent, 
la vérité de l’exagération et de l’erreur, apparaît par la considération 
d’un des caractères propres aux luttes ariennes et antiariennes. 

Contre Arius et les partisans de son erreur, le concile de Nicée 
avait proclamé la consubstantialité du Père et du Fils. Cette définition 
avait, comme le dit énergiquement saint Athanase (1), buriné la foi 
sur une colonne dressée contre toute hérésie. Les quelques opposants 
irréductibles avaient été, comme l’hérésiarque, envoyés en exil, et 
l'empereur Constantin pouvait caresser l’espoir d’avoir rétabli l’unité 
et fait la pacification religieuse. Espoir trompeur et qui devait être 
bientôt et lamentablement déçu ! Dès le lendemain du concile peut- 
on dire, la réaction se mit à l’œuvre. Circonvenant habilement 
l’empereur, elle obtint déjà vers la fin de 328 qu’Eusèbe de Nico- 
médie et Théognis de Nicée fussent reinis en possession de leurs 
sièges épiscopaux. Cet Eusèbe prit la tête du mouvement antinicéen, 
et jusqu’à sa mort il en fut l’âme. L'heure était peu propice à des 
attaques ouvertes contre le synode et la définition de Nicée. On 
adopta un plan plus habile et plus sûr ; on s’employa principalement 
a réhabiliter Arius et ses partisans et à perdre les chefs du parti 
orthodoxe. Parmi ces derniers, on visa surtout Euslathe d’Antioche, 
Marcel d'Ancyre, et le nouvel évêque d'Alexandrie, saint Athanase. 
Successivement, Eustathe fut déposé dans un synode tenu à Antioche 
mème, en 350, Athanase fut condamné au synode de Tyr, en 535, et 
exilé, et Marcel eut le même sort quelques mois plus tard. 

Nous nous contentons de rappeler brièvement ces faits (2) pour 
en relever une conséquence notable, 

Quels que fussent les motifs allégués par leurs auteurs pour 
expliquer et justifier ces condamnations, ils ne trompaient per- 
sonne dans le camp nicéen. On savait et l’on croyait fermement 


(1) S ATHANASE, Epist. ad Afros, 11 (PG, XX VI, 1048, A) :« aTnAoypa- 
la XATA TAONG RIDETEONS ». 

(2} On trouvera un exposé plus circonstancié de la réaction antinicéenne, 
par exemple dans H. M. GWwaATKIN, Studies of Arianism, 2e édit. (Cambridge, 
1900). p. 56 et suiv.; L. DucHEsNE, Histoire ancienne de l'Église, t. IL 
(2e édit., Paris, 1907), p. 158 et suiv, 


183 J. LEBON. 


que toutes ces sentences, et les mesures de rigueur qui les suivaient, 
étaient inspirées par l’attachement à une doctrine mauvaise, opposée 
à la profession de foi du grand concile. Dès lors, les condamnés 
acquéraient l’auréole de victimes et de martyrs de la foi, — la méri- 
tassent-ils, comme saint Athanase, ou n’y eussent-ils d’ailleurs que 
des titres douteux, comme Marcel d’Ancyre, qui gâtait sa cause par 
ses singularités de doctrine et de langage et créa encore bien des 
ennuis à ceux qui, pendant longtemps, s’obstinèrent à demeurer ses 
défenseurs. À la question fondamentale et primitive de la foi et de 
la définition de Nicée vinrent se mêler et presque se substituer Îles 
questions secondaires, mais si irritantes et si funcstes, de personnes : 
toat autant, et bientôt plus encore et, en tout cas, plus ouvertement 
et avec plus d’acharnement, que pour ou contre l’évoovarx nicéen, on 
fut pour ou contre Athanase, pour ou contre Marcel. Aux yeux des 
Orientaux en général, ces évêques étaient condamnés, déposés ; peu 
-importait qu’ils fussent reçus par les évêques d'Occident, justifiés à 
Rome ; rien ne pouvait les réhabiliter, les rétablir aussi longtemps 
qu'un concile oriental n'avait pas défait ce qu'un concile oriental 
avait fait à leur sujet. En outre, Marcel passait pour hérétique ; 
on lui imputait un sabellianisme, dont ses locutions obscures et 
équivoques ne donnaient que trop l'impression, et que beaucoup 
craignaient méme et soupeonnaient caché sous le terme éussvctos, de 
mémoire suspecte, consacré par Île concile de Nicée. 

Ainsi se faisait-il que des hommes, des évêques qui n’admettaient 
pas les thèses d’Arius, se rattachaient cependant au groupe dont les 
chefs, comme Eusèbe de Nicomédie, étaient réellement ariens. Beau- 
coup, parmi eux, professaient, au fond, des opinions plus modérées, 
quand ils avaient d'ailleurs des idées claires et précises touchant 
les questions théologiques; car celles-ci se chargaient déjà de sub- 
tilités dialectiques et, — ce n’est faire injure à personne que de Île 
croire et de le dire, — tous étaient loin de s’y mouvoir avec la même 
aisance et avec une égale compétence, Du point de vue doctrinal, le 
groupe des Eusébiens n’offrait pas le spectacle d’une parfaite homo- 
généité ; il présentail, au contraire, l’aspect de nuances très variées, 
allant de l’arianisme équivalent chez certains à l’orthodaxie équiva- 
lente chez d’autres, en passant par tous les degrés intermédiaires. 
I y avait, sans doute, dans tous ces esprits orientaux, un certain 
fonds de principes, de tendances, sinon de doctrines proprement 
dites, patrimoine commun qui explique leur opposition constante et 
unanime à l'écouaic: nicéen, qu'ils combattaient ouvertement ou sur 
lequel ils gardaient un silence significatif. Mais l’utilisation de ce 
fonds, si l’on peut ainsi parler, ne se faisait pas d'une manière 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 189 


uniforme, et les éléments personnels que les hommes de doctrine 
y ajoutaient, créaient entre eux, pour le redire encore, des diver- 
gences considérables. 

Beaucoup plus que pour énoncer nettement une doctrine théolo- 
gique précise et unique, on s’entendait, dans le camp de l’opposition, 
pour exclure de la communion ecclésiastique les Occidentaux et les 
Orientaux nicéens. Bref, surtout entre les années 340 et 350, c’est- 
a-dire à la période qui nous intéresse tout particulièrement, parce 
que c’est d'elle que datent les sources principales de l’exposé de la 
doctrine de saint Cyrille, les Antinicéens ou Eusébiens forment un 
parti plutôt qu’une secte, un parti ecclésiastique plutôt qu’une con- 
fession de foi ou même qu’une école théologique (1). 

Ces considérations, dont on percevra immédiatement la nécessité, 
nous ramènent à la distinction «in fide... in communione », que 
Rufin applique à la position gardée par saint Cyrille dans les agita- 
tions de son temps. La question que nous nous sommes posée à ce 
même sujet est susceptible de deux interprétations : elle peut viser 
les partis et les doctrines. Dans le premier sens, elle s'explique 
comme suit : Dans les luttes qui suivirent le concile de Nicée, et 
au cours desquelles les controverses doctrinales se compliquèrent 
par le mélange de questions personnelles, politiques et autres, saint 
Cyrille de Jérusalem se range-t-il dans le groupe d’évêques dont le 
chef reconnu et vénéré est saint Athanase, qui soutiennent longtemps 
Marcel d’Ancyre, acceptent résolûment les termes de la définition de 
Nicée et en font la marque authentique et nécessaire de l’orthodoxie, 
— ou bien appartient-il au groupe de ceux qui combattent saint 
Athanase et Marcel d’Ancyre, ou hésitent à épouser leur cause, qui 
rejettent ou passent sous silence l'ôuocusto: nicéen, tout en s’écartant 
aussi de l’arianisme franc et brutal ? C’est là un premier sens de la 
question susdite. Il en est un autre, que voici : Quoi qu’il en soit de 
ses attaches extérieures, par les liens de la communion ecclésias- 
tique, et quoi qu'il en soit de son altitude à l’égard du terme 
uarus, saint Cyrille s'est-il opposé à la consubstantialité véritable 
et parfaite du Père et du Fils ou s’en est-il écarté, — ou bien, le 
terme mis à part, a-t-il tenu et proposé sous d’autres formules une 
doctrine réellement équivalente ? Cette distinction éclaire et précise 
le problème et permet, croyons-nous, d’en donner une solution qui, 
en tenant un juste compte de tous les éléments, correspondra 


(1) On voudra bien remarquer que ce jugement ne porte que sur l’ensemble 
de l'opposition antinicéenne ; nous n'entendons pas nier par là qu'elle ne 
renfermät dans son sein des groupes particuliers d’une homogénéité doç- 
trinale plus parfaite. Jl y avait encore des Collucianistes ! 


190 J. LEBON. 


fidèlement à la vérité historique. Nous l’adopterons en examinant 
successivement la position historique et la position doctrinale de 
saint Cyrille dans les luttes ici envisagées. 


[. — LA POSITION HISTORIQUE DE SAINT CYRILLE DE JÉRUSALEM, 


Il faut reconnaître loyalement que saint Cyrille fut tout d’abord 
dans le parti antinicéen et qu’il y demeura longtemps. C’est là un 
fait qui s'établit clairement par un examen même rapide des prin- 
cipaux événements de sa carrière épiscopale (1). 

Né vers 313, à Jérusalem ou dans les environs, et peut-être moine 
dans sa jeunesse, Cyrille devint évêque de la ville sainte en 348. 
Sur ses promotions successives aux divers ordres, saint Jérôme 
prétend nous renseigner, dans la notice de sa Chronique, dont nous 
avons lu précédemment la première phrase et à laquelle nous nous 
sommes promis de revenir. D’après lui, Cyrille aurait reçu l’ordina- 
tion sacerdotale des mains de Maxime Il, évêque de Jérusalem. En 
lui supposant alors l’âge canonique, on fixera cette ordination à 
l’année 343. À la mort de l’évêque, dit encore saint Jérôme, Acace 
de Césarée et les autres ariens promirent l'épiscopat à Cyrille, s'il 
voulait renoncer à la prêtrise reçue de Maxime ; celui-ci, en ellet, 
leur était odieux parce quil avait fait sa paix avec saint Athanase. 
Cédant à ces sollicitations, Cyrille se contenta de servir dans l’église 
comme diacre : d’où l’on conclut que le diaconat lui avait été conféré 
non par Maxime, mais par son prédécesseur Macaire. Entretemps, 
l’évèque de Jérusalem était Héraclius, que Maxime mourant s'était 
donné comme successeur, Mais Cyrille intriguait et, avec l'appui de 
ses protecteurs ariens, il s’adjugea l’épiscopat et réduisit Héraclius 
au rang de simple prètre (2). 


(1) Les auteurs catholiques eux-mêmes n'hésitent pas à faire cette con- 
statation et ne songent pas à s’en émouvoir. ]. TIXERONT (/. c., p. 50) dit que 
saint Cyrille de Jérusalem appartint longtemps au groupe des évêques, formé 
autour de Basile d'Ancyre (oi ne pt Baotacv), « à qui l’on donna, et à qui 
convient proprement le nom de semi-ariens (ruexperr). » Le P. Le BacHe- 
LET (l. c., c. 2532) détaille ainsi les changements de saint Cyrille : « Qu'il ait 
varié du sa communion, c'est un fait vrai en ce sens que nous le voyons en 
rapports d’abord avec les eusébiens, puis avec les homéousiens et les 
mélétiens, enfin avec les nicéens. » L. DUCHESNE (/. c., p. 282) dit du groupe 
des évêques orientaux que c'était un « groupe fort nuancé, dans lequel se 
rencontraient, avec Ursace et Valens, des personnes comme Basile d'Ancyre 
et Cyrille de Jérusalem, d'idées beaucoup moins avancées. » 

(2) S. JÉRÔME, Chronique (édit. R. Heu, p. 237; PL, XXVII, 684) : 
« quorum cyrillus, cum a Maximo fuisset presbyter ordinatus ct post mortem 
cius ita ei ab Acacio episcopo caesariensi et ceteris arrianis episcopatus pro- 


_ $S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'’ARIANISME. 191 


Il est à peine besoin de faire remarquer que certains détails de 
cette notice sont, à tout le moins, très peu vraisemblables et 
s'écartent des renseignements fournis par les autres historiens. 
Sans mettre en doute la bonne foi de saint Jérôme, on peut, avec 
son plus récent biographe, expliquer ce jugement sévère, comme 
tant d’autres qui se rencontrent sous sa plume, par son tempérament 
fougueux et tout d’une pièce et par l’influence de sympathies qu'il 
nourrissait et que saint Cyrille n'avait pas partagées (1). Le jugement 
suivant nous semble bien remettre au point ce que les paroles de 
saint Jérôme ont d’excessif : « Prévenu sans doute contre saint 
Cyrille, protégé des homéousiens et ami de Mélèce d'’Antioche, le 
fougueux partisan de l'éuocuoto: et de Paulin aura trop facilement 
accueilli les bruits défavorables que les adversaires de Jérusalem 
faisaient courir sur son compte dans le milieu constantinopolitain 
où Jérôme composa sa Chronique, vers l’an 380 (2). » 

Toutefois, en lisant les autres témoignages, on ne peut se défendre 
de l’impression que certaines influences de nature à éveiller des 
Soupcons, ont concouru pour une part à porter Cyrille à l’épiscopat. 
La formule qu’emploie Rufin : sacerdotio confusa iam ordinatione 
suscepto, le laisse vaguement entendre (3). Et pourquoi, demande- 
rons-nous, les évèques réunis à Constantinople, en 382, éprouvent- 
ils le besoin de faire savoir au pape Damase, non seulement que 
l'évêque de Jérusalem est «le très révérend et très cher à Dieu 
Cyrille », mais encore d’ajouter à cet éloge la remarque qu'il « a été 
autrefois consacré canoniquement par les évêques de la province et 
qu’il a lutté beaucoup, à diverses reprises, contre les Ariens (4) » ? 


mitteretur, si ordinationem Maximi repudiasset, diaconus in ecclesia minis- 
travit. Ob quam impietatem sacerdotii mercede pensatus Heraclium, quem 
moriens Maximus in suum locum substituerat, varia fraude sollicitans de 
episcopo in preshyterum regradavit. » | 

(1) F. CAVALLERA, Saint Jérôme, sa vie et son œuvre, première partie, t. Ï 
(Louvain, 1922 ; dans le Spicilegium Sacrum Lovaniense, fasc. 1), p. 66 : « Le 
plus grave reproche que l'on puisse lui faire (à saint Jérôme, dans sa 
Chronique), c'est d’avoir, sincèrement d'ailleurs, fort mal jugé certains de 
ses contemporains. Jérôme n'était pas un homme à qui il fallait demander 
de l’impartialité. Si sincères que soient ses protestations qu’il ne craint que 
Dieu et ne redoute pas de dire la vérité, il n’est pas à l’abri du parti-pris, au 
contraire. Amis ou ennemis sont traités avec la même vigueur de sentiment : 
il est tout à l’éloge ou au blâme. Ainsi, rien ne montre mieux à quel point 
il est attaché au parti paulinien que le jugement injuste sur saint Mélèce et 
la manière dont son rival Paulin est loué... Saint Cyrille de Jérusalem et 
Pierre d'Alexandrie ne sont pas mieux servis. » 

(2) X. M. Le BacHELer, /. c.. col. 2529. 

(3) Rurin, L. c., supra, p. 181. | 

(4) Dans Tuéoporer, Hist. eccles., V, 9 (édit. L. PARMENTIER, p. 294; PG, 


192 J. LEBON. 


Il semble évident que ces paroles trahissent l'intention de réagir 
contre des soupçons ou des accusations d’attaches ariennes, qui 
doivent leur origine aux circonstances de la promotion de Cyrille à 
l'épiscopat. Socrate et Sozomène font intervenir dans cette élection 
le métropolitain Acace de Césarée et un évêque du voisinage, Patro- 
phile de Scythopolis ; c’est très naturel, mais ces deux personnages, 
on le sait, n'étaient nullement des Nicéens. Ces historiens ajoutent 
même que Maxime fut déposé et chassé (1). Il est impossible de 
contrôler l’exaclitude de ce dernier détail, rapporté tardivement, et 
qui ne paraît pas pouvoir affronter l'affirmation des évêques de 382. 
L'ensemble des témoignages et leur examen critique nous engagent 
à nous rallier encore au jugement que le P. Le Bachelet a formulé 
avec une modération prudente et éclairée : « Ces bruits défavorables 
ont pu naître d’une circonstance qui, sans être strictement démontrée, 
paraît hautement probable. Acace resté de fait évêque de Césarée, 
malgré la sentence de déposition prononcée contre lui au concile de 
Sardique, et comine tel métropolitain de Palestine, aurait concouru 
avec ses amis à l'élection et à la consécration de Cyrille, son condis- 
ciple peut-être. Il serait même possible que Maxime mourant eût 
désigné Héraclius pour son successeur, acte sans valeur canonique 
qui aurait pu ne pas recevoir l’approbation des avants-droit. Le fait, 
travesti ensuite par les adversaires de Cyrille, serait devenu le récit 
calomnieux dont saint Jérôme fut l'écho (2). » 

À quelques proportions qu’on la réduise, l'intervention d’Acace et 
de Patrophile en faveur de l'élévation de Cyrille au siège de 
Jérusalem n’est pas de nature à nous faire reconnaitre en lui, à ce 
moment, un nicéen fervent et avéré, au contraire. Rien non plus, au 
début, ne nous le montre en cominunion avec saint Athanase. Sans 
doute, l’illustre proscrit, au retour de son deuxième exil, en 346, 
avait été bien accueilli par Maxime de Jérusalem et seize évêques 
rassemblés autour de lui ; mais alors Cyrille n'était pas encore le 
chef de cette église. Il n’acceptait sûrement pas l'orthodoxie de 
Marcel d’Ancyre ; personne ne se trompera sur l'identification de la 
« nouvelle tête du dragon récemment poussée dans la région de 


LXXXLU, 1217, C): « T3 0€ JE PXTO0S ATATÈY Toy EXX ANT LV TRS Ev “ece- 
soupe roy aides xTOY al Gogésraroy Küpihkoy ERÉTXOmCY Eva 
propiie UE, AAYGNAGS TE TX02 TOY TS MED ACE X£1LOTO orbévra Tralau 
Xai TATTA TU0S TOUS "Acetavols à éy duxtiocts yocvots AÜ/roavra. » 

(1) SOCRATE. Hist. eccles., IT, 38 (édit. R. HusseY, t. I, p. 327; PG, LXVII, 
324, B); SozoMÈne, AHist. eccles., IV, 20 (édit. KR. Hussey, t. I, p. 384; PG, 
LXVII, 1173, A). 

(2) X. M. Le BacueLer, L, c., col. 2529. 


ee 


— 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 193 


Galatie », dont il parle en faisant une opposition vigoureuse à ce qui 
constitue les doctrines spécifiques du Galate (1). Quant au terme 
sazvgtos, dont les Nicéens faisaient alors la tessère de l’orthodoxie, 
le mieux que l’on puisse dire de l'attitude de l’auteur des Catéchèses 
à son égard, c’est qu'il ne l’attaque ni ne le rejette nulle part ouver- 
tement. Mais il le passe complètement sous silence (2), et une 
omission si totale de ce terme, et l'emploi d’autres expressions pour 
le remplacer, sont, à ce moment, assez claires et assez significatives 
pour marquer indubitablement le parti auquel vont les sympathies 
d'un auteur. Peut-être même n’est-il pas impossible de découvrir, 
dans un passage de la 45° Catéchèse, une condamnation quelque peu 
voilée, mais réelle, du chef de sabellianisme, de tous ceux qui 


(1) Catech. XV. 27 (édit. Rerscxz et Rupp, t. Il, p. 194 ; PG, XXXII, 909, A): 
« TS DCRXONTÉ: écriy d)Ân xEpaÂT TPOGGATUS TEOÙ TNY L'xhatiay ava- 
œwÆtgz. » Jamais Cyrille ne prononce le nom de Marcel d’Ancyre, mais 
l’hérésiarque récent de Galatie, à ce moment, ne peut être un autre per- 
sonnage. Cette identification se confirme par les doctrines attribuées ici à 
cet adversaire et qui sont les deux points caractéristiques toujours relevés 
dans les reproches adressés à Marcel, à savoir, la fin de la royauté du Christ 
après la consommation du monde présent (ETOAUNTE TLS Asye 0 OTt UET a TO 
T£AOS TOÙ 2x0 u0U Ô APIOTOS cu [Sagueua), et la rentrée du Verbe dans 
l'unité de la monade, cette dernière doctrine étant exprimée par Cyrille 
dans la forme que lui donnèrent habituellement les premiers adversaires de 
Marcel : le Verbe, sorti du Père, est comme réabsorbé et va cn quelque 
sorte se dissoudre et se perdre de nouveau en lui (xxi EréAunoey eineiy ôrt 
à dyos Ex Tarpos E6=0w cûros els Tatépa raby avahubeis obxére cri). 

(2) À la fin de la Lettre à Constance (édit. Reisca et Rupp, t. II, p. 440; 
PG, XXXIL, 1176, A), on trouve actuellement une mention de la &yix xœt 
Sucousucs "Tpuxs. D'aucuns ont tiré de ces mots une objection contre 
l'authenticité de la lettre ; d’autres en ont conclu que Cyrille s'était entre- 
temps réconcilié avec le terme saillant du symbole de Nicée. Ainsi O. BaRr- 
DENHEWER (l. c., p. 281) écrit : « Da die handschriftlichen Zeugen, soviel 
bekannt, kein Schwanken zeigen, wird nur die Annahme gestattet sein, dass 
Cyrillus sich inzwischen mit dem Stichworte des Nicänums ausgcsôhnt 
hatte. » On se rangera difficilement à cet avis. La tradition manuscrite est 
encore loin d'être complètement explorée ; telle qu'on la connaît actuelle- 
ment, elle pourrait dépendre tout entière d’un archétype falsifié en ce point. 
Ce n'est pas là une conjecture gratuite et arbitraire. Rien n’est plus aisé 
qu'une interpolation de ce genre dans une finale doxologique. Au contraire, la 
réconciliation de saint Cyrille à cette date (la lettre est de 351) avec le terme 
uoouaics serait extrêmement étonnante, et plus étonnant encore serait 
l'emploi que Cyrille ferait de ce terme dans une lettre adressée à l’arien 
Constance, à qui il devait être odieux. Nous pensons donc, avec J. MADER 
(. c., p. 60) qu’il faut rejeter l'authenticité de cette mention de l’éucoucios, 
tout en retenant celle de la lettre, garantie par le témoignage de SOoZOMÈXE, 
Hist. eccles., 1V, 5 (édit. R. Hussey, t. I, p. 320-321 ; PG, LXVIL, 1117, C}, 


194 J. LEBON. 


s’opposaient aux évêques eusébiens et défendaient contre eux Marcel 
d’Ancyre et l'éucevoc: ; c'était l'avis de dom Touttée, et c"t avis ne 
manque pas totalement d'appui dans le texte (1). 

La conclusion s'impose : au début de son épiscopat, à l’époque 
pour laquelle son activité littéraire nous est connue, saint Cyrille 
n’était pas dans le parti nicéen. Nous pouvons dire que toutes les 
marques qui distinguent les évêques du parti antinicéen se ren- 
contrent chez lui. Observons d’ailleurs que cette constatation ne 
préjuge rien quant à la nature de sa doctrine théologique, à laquelle 
nous reviendrons plus loin. 


* 
y y 


La suite de son épiscopat va-telle peut-être infirmer cette conclu- 
sion ? Bientôt les rapports entre lui et Acace de Césarée se tendent ; 
la lutte s'engage et aboutit à une sentence de déposition portée 
contre l'évêque de Jérusalem par Acace et une assemblée conciliaire, 
en 357-358. Cyrille interjecte appel de cette sentence, mais entre- 
temps, il est forcé de prendre le chemin de l'exil et il se retire à 
Antioche, puis à Tarse. Cette lutte que les historiens présentent 
comme un conflit de juridiction entre le métropolitain et l’évèque de 
Jérusalem (2), résultait-elle également de divergences d'ordre doc- 
trinal ? Sozomène dit qu'ils s’accusaient mutuellement de ne pas 
penser sainement au sujet de Dieu ; il ajoute que tous deux étaient 
déjà suspects auparavant, l’un (Acace) pour enseigner l'erreur 
d’Arius, l’autre (Cyrille) pour s'être rattaché aux auteurs de l'ho- 
moïousianisme (3). 

Ce témoignage ne nous présente pas encore Cyrille comme nicéen. 
Sozomène anticipe un peu les faits en rapportant qu'il était déjà 
suspect pour s'être rallié aux chefs de l’homoïousianisme ; en effet, 
ce n’est probablement que pendant son séjour à Tarse et par l’entre- 
mise de Silvain, évêque de cette ville, qu’il entra en relations avec 
le créateur et avec les chefs du parti homoïousien, Basile d’Ancyre, 
Georges de Laodicée et Eustathe de Sébaste. 11 fut avec eux et dans 


(1) Catech. XV, 9 (édit. Reiscuz et Rupp, t. IT, p. 164 et suiv.; PG, XXXII, 
88r. B). Voir le jugement de dom Touttée dans PG, XXXIII, 43, C. 

(2) SozomÈne, Hist. eccles., IV, 25 (édit. R. Hussey, t. K, p. 411 et suiv.: 
PG. LXVIL 1196 et suiv.); THéoporeTt, Hist. eccles., Il, 22 (al. 27) (édit. 
L. PARMENTIER, p. 157 ; PG, LXXXIL, 1064, D). 

(3) SU POMENE: | APTE ARC RS GT AOUS Défahor, C2 074 opte rent 0eoù 
ue * 4ai y30 Xai TO EV UROVOIX ÉXATEUOS VV, Ô pv Ta Acelou 

oyHar ser * Kéguos dE, Tois Sucrosugicy Tù ÎLor où Toy Y'ioy cionyouué- 


vols ÉTOUEVOS. 


Cu 


8. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 195 


leur communion, en 359, au concile de Séleucie (1); et il est impor- 
tant de remarquer que ces évêques venaient de se constituer alors 
en parti distinct et de faire profession ouverte d’homoïousianisme” 
en publiant la lettre synodale du concile qu'ils avaient tenu à Ancyre, 
en 558. Grâce à leur appui, Cyrille fut justifié et se vit rendre son 
siège épiscopal ; ce retour de fortune fut d'ailleurs de cuurte durée 
car l’année suivante, Acace prit sa revanche au synode de Constan- 
tinople, en le faisant de nouveau déposer, avec tous les évêques 
homoïousiens. | 

La mort de Constance (3 novembre 561) et l'avènement de l’empe- 
reur Julien permirent à saint Cyrille de rentrer dans son évéché, 
dans le courant de l’année 362. Mais il n’était pas au bout de ses 
tribulations ; il fut de nouveau chassé par les Ariens et vécut encore 
en exil, on ne sait où, de 367 à 378, c’est-à-dire jusqu'à la mort de 
Valens, qui avait de nouveau banni les évêques exilés sous Constance 
et rentrés dans leurs églises grâce aux mesures prises par Julien. 

De telles infortunes, et les vexations incessantes subies de la part 
des Eusébiens, n'étaient pas faites pour ancrer fortement dans le 
parti antinicéen celui qui en était l'objet; quelques événements, sur 
lesquels il faut revenir pour y insister, aideront peut-être à com- 
prendre comment il s’en détacha peu à peu, par une évolution 
graduelle qui l’amena à la communion franche et publique avec les 
Nicéeps. Au concile de Séleucie, en 359, un champion de l’orthodoxie 
nicéenne, saint Hilaire de Poitiers, n’avait pas hésité à communiquer 
avec les évêques du parti homoïvusien, Au même moment, saint 
Athbanase leur faisait aussi des avances ; dans son De synodts, 
l'évêque d’Alexandrie inanifestait une grande largeur de vues et 
sonnait en quelque sorte le rappel pour tous les hommes de bonne 
volonté. Il faut entendre ses paroles, empreintes d’un désir d’entente, 
d'une bienveillance et d’une sincérité qui devaient faire une profonde 
impression sur ceux qu'il proclamait n’être pas loin de la profession 
intégrale de la vérité : « Pour ceux qui reçoivent toutes les autres 
décisions du synode de Nicée, et qui n’ont des scrupules qu’au sujet 
du seul ézcovouos, il ne faut pas les traiter en ennemis. Nous, en 
effet, nous ne les attaquons pas comme des Ariomanites, ni comme 
des adversaires des Pères, mais nous discutons avec eux comme des 
frères avec des frères qui pensent comme nous et ne diffèrent que 
touchant un mot. Car en confessant que le Fils est de la substance 


(x) THÉoDORET, Hist. eccles., Il, 22 (édit. L. PARMENTIER. P. 158 ; PG, 
LXXXII, 1065, A): « ETEÔn dE nd Ets TV Zehevra, à EXOLYGDVEL LEV 
tot: auçgi Tv Bacileoy xat Evarabioy rat Zufavoy, xai roi dornoïis é 
KüpuAds Toù œuvedpiou. » 


196 | . LEBON. 


du Père et non d’une autre hypostase (xai yàp épohoyouvres Ex TRS 
OUG IA: TOÙ [arpos, xai Ur, ££ Frépas UneoT aq Eu 70 Yico), qu'il n’est ni 
créature, ni œuvre (2riouax 7: ur sivat, 792 roimux avrcy), mais rejeton 
authentique et naturel, éternellement coexistant au Père, Verbe et 
Sagesse (yro10v 2at qUGE VEUX aids TE AUTO CUYEÏYAL TO Harpe 
AGyoy éyra xai Ziay), ils ne sont pas éloignés de recevoir aussi le 
terme même d'éuocuouss (où paxpay soi an0:EaqÜa xai riv Toù éprou- 
cicu JE). Tel est Basile d’Ancyre qui a écrit sur la foi (rowdrcs dE 
core BactAcos à 4m2 ‘A: Propxs, ypabes Tépi riorews) (1). » 

Dans ce parti homoïousien ou semi-arien, où saint Hilaire et saint 
Athanase se plaisaient à découvrir, chez beaucoup, une orthodoxie 
équivalente, saint Cyrille de Jérusalem n'était certes pas, — nous le 
verrons en examinant la doctrine des Catéchèses, — le moins rap- 
proché des Nicéens. Vers le méme temps, des évèques homoïousiens, 
en assez grand nombre, se prononcèrent contre la divinité du Saint- 
Esprit, et la doctrine pneumatomaque devint commune parmi ceux 
qui s’obstinèrent dans le semi-arianisme (2). 

Sur ce point encore, la pensée de saint Cyrille avait toujours été 
orthodoxe. Toutes ces causes, on ne peut en douter, joiutes à ses 
épreuves dans le parti antinicéen, le poussaient à faire le pas décisif 
et à entrer résolûment dans la communion des défenseurs du grand 
synode. Les dispositions modérées et conciliantes du synode 
d'Alexandrie (562) contribuërent sans doute à le décider. . 

La réconciliation se fit-elle par un acte formel et précis ? Nous en 
ignorons les circonstances, l’histoire ne nous ayant conservé aucun 
détail du dernier exil de l’évêque de Jérusalem (567-378). Mais 
cette réconciliation est un fait accompli au temps du deuxième con- 
cile œcuménique (Constantinople, 581). L'historien Sozomène rap- 
porte (5) que cette assemblée comprenait deux groupes d’ évêques : : 
environ 450 professaient l'homoousie de la Trinité (ou Abcy cuy, Ex 
LEY TOY GUCOUTICY TF9 Tpi202 dc x yT uv, aug EAATOY ai TevrracyTa) et 
36 se rattachaient à l’hérésie macédonienne (r@y 0: 270 r%s Maxz- 
dovicu xivécews Ë£ xxi ruäncyra). Les chefs étaient respectivement, 
pour ceux-ci (yoïvyre d: rcurwv), c'est-à-dire pour les Macédoniens, 
Eleusios de Gyzique et Marcien de Lampsaque, et pour les autres 
(r@Y d: &2)w), c'est-à-dire pour les orthodoxes, Timothée d’Alexan- 
drie, Mélèce d'Antioche et Cyrille de Jérusalem. C’est ici que Sozo- 
mène introduit la mention du repentir qui avait ramené Cyrille des 


(t) S. ATHANASE, Epist. de sy-nodis, 41 (PG, XXVI, 765, À). 

(2) Cfr J. TiXERONT, L. c., p. 58. 

(3) SozoMÈNE, ist. eccles., VII, 7 (édit. R. Hussey, t. IL, p. 693; PG, 
LXVU, 1429, B-C). 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 197 


idées de Macédonius (... xai Kuün/dos d “Teposohtpuor, ueraueAnbeis 
rôre, 0x noôrepoy Ta Maxtdoviou ëgpéva). Comme nous l'avons déja dit, 
il semble certain que cette formule de Sozomène signifie simplement 
que saint Cyrille avait appartenu précédemment au parti semi-arien. 
En effet, il est bien difficile d'admettre qu'il ait jamais partagé 
l'erreur pneumatomaque, lui qui, dès avant 350, dans ses Catéchèses, 
professait déjà, comme nous le montrerons, la divinité proprement 
dite du Saint-Esprit. 

Ainsi s’acheva (1), dans la profession publique de l’orthodoxie 
nicéenne et dans la communion officielle de la grande Église, la 
carrière, longue et mouvementée, de celui à qui ce n'est pas faire 
injure de reconnaitre que les circonstances le placèrent d’abord et 
le retinrent longtemps dans le parti antinicéen. Il apparait successi- 
vement, à la lumière des documents historiques, parmi les Eusébiens, 
parmi les Homoïousiens ou Semi-ariens (nous ne disons pas : les 
Macédoniens) et enfin parmi les Nicéens. Si l'on veut ne pas appuyer 
outre mesure sur l’adverbe, la seconde partie de l’appréciation de 
Rufin est juste : « .. saepius in communione variabat ». (jue penser 
de la première : « aliquando tn fide (variabat) » ? Ce second point est 
beaucoup plus important que le premier, qui n’offre, comme on l’aura 
remarqué qu’un intérèt purement historique ; il nous reste à l’exa- 
miner en étudiant la doctrine théologique que saint Cyrille exposa, 
alors qu’il appartenait sûrement encore au parti antinicéen, dans les 
Catéchèses qu’il prononça à la veille ou au début de son épiscopat. 


Il. — LA POSITION DOCTRINALE DE SAINT CYRILLE DE JÉRUSALEM. 


Au concile de Constantinople, en 381, saint Cyrille, rallié à la 
grande Église et l’un des chefs du groupe orthodoxe, professe 
évidemment, dans son intégrité et dans sa formule officielle, la foi 
nicéenne ; il confesse la consubstantialité ou homoousie véritable et 
parfaite du Père, du Fils et du Saint-Esprit. A cette occasion, Sozo- 
mène distingue nettement, quant à ce point, les orthodoxes et les 
Macédoniens : les premiers, remarque-t-il, proclament l’homoousie 
de la Trinité (ëx pév r@v duocurioy nv Tuuida doËafévrw») et louent la 
formule de Nicée (of dn mavres émarvérau ruyyavoures This ëv Ninaix 


(1) S. JÉRÔME (De viris inlustr., cap. CXII; édit. E. RicHARDSoN, Hiero- 
nymus. Liber de viris inlustribus, p. 50. Leipzig, 1896, dans les T'exte und 
Untersuchungen..., t. XIV, 1; PL, XXIIL, 706-707) écrit : « Cyrillus, Hiero- 
solymae episcopus, saepe pulsus ecclesia et receptus ad extremum, sub 
Theodosio principe octo annis inconcussum cpiscopatum tenuit. » On en 
conclut que saint Cyrille mourut en 387. 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 13 


198 J. LEBON4 


BsBouwbeions ypxgñs) ; les autres refusent catégoriquement de recoti- 
se que le Fils est consubstantiel au Père (unnore ouoouaioy Tœ 

Hazoi ro Yièy doraïu avagavoër airsvres), et ce refus, peut-on dire, 
s'étend à plus forte raison à la consubstantialité du Saint-Esprit (1). 

S'il fallait en croire Rulin, dont nous avons rapporté le 
témoignage, saint Cyrille n’en serait venu à cette position doctrinale 
qu’au prix d’un changement dans sa foi. Les événements historiques, 
nous l'avons vu, montrent l'évêque de Jérusalem soumis à une 
évolution qui, lentement et progressivement, le détache des anti- 
nicéens et l'amène dans les rangs du parti nicéen. Fut-il jamais 
hétérodoxe? Dans l’affirmative, l’hétérodoxie de sa pensée théolo- 
gique n’a dù se marquer à aucun moment plus nettement qu'au 
point de départ d'ua changement dans lequel rien ne nous révèle ni 
ne nous autorise à soupçonner de brusques retours. C'est à ce point 
de départ que les Catéchèses nous reportent. Lorsqu'il les prononce, 
Cyrille ne trouve ni dans la communion ecclésiastique, qui le rattache 
aux Eusébiens, ni dans la situation politique de l'Orient, où l’arien 
Constance règne en maitre, nulle raison d'atténuer son opposition 
éventuelle à la doctrine nicéenne, ou d’en voiler l'expression, au 
contraire. Si l’on remarque encure que, tout en évitant la polémique 
directe, il y traite longuement les questions autour desquelles les 
controverses s’agitaient en ce temps, on sera assuré que les Catéchèses 
sont des sources de tout point excellentes pour le travail de 
recherches et de comparaison que nous entreprenons. 

I] nous serait agréable, et il serait certes utile, d'exposer dans 
tous ses détails, telle qu’une analyse minutieuse la dégage des 
Catéchèses, la théologie trinitaire de saint Cyrille. En dehors des 
points alors si vivement discutés, on y rencontre bon nombre 
d’aperçus intéressants, qui permettent d'observer à quel degré cette 
doctrine pénétrait non seulement les esprits, mais encore toute: la 
vie chrétienne. Malheureusement, ce tableau déborderait les limites 
qui nous sont assignées ici. D’autre part, on ne nous pardonnerait 
pas de n'offrir qu'une synthèse générale, procédant par de simples 
affirmations, sans allégation continuelle de références et de preuves 
enmpruntées aux textes. Dans ces conditions, il est préférable, 
croyons-nous, de nous arrêter à l’examen approfondi de quelques 
chefs spéciaux, mais essentiels, de doctrine ; cette méthode nous 
mettra à même de déterminer en connaissance de cause ce qui écarte 
ou rapproche la foi et la pensée théologique de notre auteur de 
l’arianisme, soit franc soit mitigé, ou de l’orthodoxie nicéenne. 


(1) Sozomèxe, Hist. eccles., VII, 7 (édit. R. Hussey, t. LU, p. 694; PG, 
LXVILI 1429, B-D). 


$. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME: 199 


Ces points essentiels, sur lesquels notre attention aura à se fixer, 
peuvent être résumés dans une brève caractéristique des deux posi- 
tions doctrinales en présence. L’arianisine, fondamentalement, 
faisait du Verbe une créature du Père consideré comme l’unique 
zimros, le seul vrai Dieu ; le Verbe, pour lui, était la première des 
œuvres du Père, l'intermédiaire librement produit par lui pour les 
nécessités de la création ; ce Verbe était susceptible de changement 
et de progrès, et finalement élevé à une sorte de filiation, de dignité 
divine, quoique restant toujours subordonné au seul Dieu véritable 
et infiniment distant de l'égalité avec lui et de la perfection de sa 
substance, Toute atténuation de ces thèses, par exemple par l'affir- 
mation de la similitude, de la similitude parfaite et en toutes choses 
entre le Père et le Fils, marque un abandon partiel de la doctrine 
arienne, une déviation qui, nous pouvons le dire, demeure illogique 


aussi longtemps qu’elle s’obstine à rejeter l'unité numérique de 
substance divine (1). Lorsque, dans ce camp, on s’occupa du Saint- 


(1) On voudra bien observer qu'il ne s’agit plus désormais pour nous de 
parti, mais de doctrine. L'orthodoxie doctrinale n’admet ni les à peu près, 
ni les nuances, et nous ne serions pas fondés à l’attribuer au saint Cyrille 
des Catéchèses si nous n’aboutissions qu'à faire voir qu’il s’y révèle comme 
très modéré, comme le plus modéré des Eusébiens, dont les grandes et 
profondes divergences doctrinales sont bien connues. D'autre part, il est 
également très important de remarquer que, quelque considérable que soit 
le rôle joué, dans ces luttes, par les formules dogmatiques, dont on alla 
méme jusqu’à tirer les noms de diverses sectes, certaines d’entre elles 
doiveat être, dans les cas particuliers, soigneusement vérifiées quant à leur 
contenu et quant au sens que leur prêtent non seulement ceux qui les 
emploient, mais aussi ceux qui les combattent. Îl en va ainsi tout spéciale- 
ment du terme ÔpLoouT 105. H ne semble pas que tout le monde, même parmi 
les Nicéens, ait cru, À cette époque, que le concile de Nicée avait canonisé 
ce terme et fait de son emploi une condition indispensable d’orthodoxie, ni 
qu’il avait par le fait même condamné et interdit toute autre expression du 
rapport substantiel du Fils au Père. Sinon, comment expliquer que saint 
Athanase, dans certains de ses écrits, n’en fasse qu’un usage extrêmement 
restreint et n’hésite pas à employer des expressions qui avaient cours chez 
les antinicéens ? Parmi ces derniers, nous savons qu'il en était qui donnaient 
comme raison de leur opposition à l'éuocuT io; l'aspect sabellien que ce terme 
revétait nécessairement à leurs yeux. Aussi avons-nous cru préférable de 
considérer avant tout l'attitude des personnages à l'égard de ce terme 
comme un critère qui distingue les partis. Du point de vue doctrinal, la 
portée de cette attitude nous paraît être la suivante : quiconque emploie ce 
terme et, à plus forte raison, le justifie et le défend, manifeste par là-mème 
une orthodoxie réelle et formelle de doctrine; quiconque le passe sous 
silence, ou même le combat, perd sans doute l'orthodoxie formelle, mais 
non pas nécessairement l’orthodoxie réclle et équivalente qu'il sera peut-être 
possible de retrouver en scrutant, par delà les formules, le fond de sa docs 


200 | à . Î. LEBON: 


Esprit, on en fit de mème une créature, la créature du Verbe ou 
Fils (1). A l'opposé de ces théories, plus dialectiques que chrétiennes 
ou même simplement religieuses, l’orthodoxie nicéenne proclamait 
que le Verbe est véritablement le Fils de Dieu, engendré de sa 
substance, réellement et parfaitement égal et, par l'unité et la com- 
nune possession de la nature divine, consubstantiel au Père. Dans 
la question touchant le Saint-Esprit, la position prise et gardée par 
les Nicéens était la même : la divinite proprement dite, l’égalité 
absolue et la consubstantialité avec le Père et le Fils étaient 
reconnues et attribuées à la troisième personne de la Trinité. 


trine. Ajoutons cependant que la lutte directe et ouverte contre ce terme est 
difficilement conciliable avec l’orthodoxie équivalente de pensée, dont nous 
venons de parler ; les faits ne fournissent pas d'exemples d'une telle associa- 
tion. Ces remarques expliqueront le soin, en apparence peut-être parfois 
excessif, que nous prendrons de pénétrer toujours jusqu'à la pensée de 
saint Cyrille et de u’établir nos comparaisons que sur les doctrines, et non 
sur les formules. 

(1) Comme l'écrit J. TIxERONT (Histoire des dogmes, 2e édit., t. Il, p. 28), 
d'après Arius « .… le Saint-Esprit est infiniment éloigné, séparé des deux 
autres personnes : il leur est étranger par l'essence : il ne possède ni même 
substance, ni même gloire ». Ce jugement s'appuie sur des preuves tirées 
des textes. On n’en peut pas dire autant, croyons-nous, des affirmations par 
lesquelles le même auteur poursuit son exposé : « Arius en faisait probable- 
ment unc créature du Fils. Ce point de sa doctrine resta toutetois dans 
l'ombre jusqu'au moment où il fut mis en évidence par l'hérésie macé- 
donienne. » D'une telle doctrine chez Arius 1l faut simplement avouer que 
nous ne savons rien. Les déductions par lesquelles TH. SCHERMANN (Die 
Gottheit des heïligen Geistes nach den griechischen Vätern des vierten Jahr- 
hunderts, p. 45, dans les Strassburger theologische Studien, t. IV, fasc. 4-5. 
Fribourg-en-Br., 1901) a voulu la retrouver chez l’hérésiarque ne valent pas 
un texte ciair et ne sont pas convaincantes ; on ne peut pas prouver que, 
dans le fait, Arius ait envisagé ce point, même si l’on remarque qu’il devait 
être conduit à cette opinion par la logique de son système. D'ailleurs, les 
appels à l'autorité de saint ATHANASE (Contra Arian., I, 8; PG, XXVI, 28, 
A et Epist, I ad Serap., 2; ibid., 532, B) ne prouvent pas davantage- ce qu’il 
faudrait établir; car Athanase, lui aussi, raisonne et ne cite pas. Dans le 
second passage, 1l parle des Ariens et non d'Arius; dans le premier, il est 
bien question d’Arius en personne, mais c’est Athanase et non Arius qui 
appelle le Fils ré roùre (ro Ilæuux) zoprycüvrx Ayo. D'autre part, on 
n’a pas attendu l’hérésie macédonienne, dans le camp aricn, pour faire de 
l'Esprit une créature du Fils. Déjà avant la définition de Nicée, EUSÈBE DE 
CÈÉSARÉE (Praepar. evang., XI, 20, 1: PG, XXI, got, BJ avait appelé l'Esprit la 
TOUTN Ouvapus, la première des substances intelligentes qui ont leur être par 
le Fils (cüaaxy 7e npmTny péy Toy Oux rod vis ouaracüy vosp@y). On 
pourrait, semble-t-il, retrouver la méme doctrine chez le disciple et succes- 
seur d'Eusèbe, Acace de Césarée, et chez Patrophile de Scythopolis. Cfr 

" ATHANASE, Epist. IV ad Serap., 1, 7 (PG, XXVI, 637, B ; 648, B). 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 201 


Nul ne contestera, croyons-nous, l'exactitude de cet exposé 
concis. Nous allons donc étudier en ces points saillants et carac- 
téristiques l’enseignement théologique de saint Cyrille pour le con- 
fronter avec ces doctrines. Le jugement que nous. cherchons 
découlera naturellement de cet examen comparatif (1). | 


* 
+» + 


Le premier point de doctrine auquel notre attention doit s'arrêter, 
c'est l’origine de celui que saint Cyrille reconnaît comme le second 
de la sainte et adorable Trinité (2). À la suite des Écritures, la foi 
chrétienne trouve cette origine nettement marquée dans les noms de 
Péreet de Fils, dont elle cherche la raison et reporte la signification 
dans la vie intime et éternelle de Dieu. Avec sa théorie du Verbe 
créature, du Verbe produit pour servir d’instrument et d'inter- 
médiaire au Dieu transcendant, à l'unique &£rmtos, dans la création 
des autres êtres tirés du néant, l’arianisme ne pouvait pas entendre 
dans leur sens propre et dans leur pleine vérité les noms susdits. 
Force lui était bien de les employer parfois, sous la contrainte des 
Écritures et de l'enseignement traditionnel : mais il en restreignait 
le plus possible l'usage, les remplaçant par les termes de sy£wnres 
et de 25,0; et, quand il en faisait mention, ce n’était que pour 
exprimer une génération métaphorique et une relation accidentelle (3). 


(1) Pour simplifier, autant que possible, les nombreuses références aux 
textes de saint Cyrille, nous y indiquerons désormais par le sigle R l'édition 
de Rerscu et Ruprp, signalée plus haut, et par le sigle M le tome XXXIII de 
la Patrologie grecque de Migne. Les indications numériques qui ne sont pas 
précédées d’un de ces sigles, renvoient aux Catéchéses (chiffres romains) et à 
leurs paragraphes (chiffres arabes). 

(21 Le but que nous poursuivons dans cette étude, ne demande pas que 
nous établissions que saint Cyrille confesse l’unité rigoureuse de Dieu et la 
trinité véritable d’êtres numériquement distincts, que nous appelons les 
Personnes divines. Pour ce qui concerne, en particulier, la distinction réelle 
entre la personne du Père et celle du Fils, son enseignement est clair et 
formel ; personne n’a jamais songé à le soupçonner même de sabellianisme, 
qu'il rejette et condamne d’ailleurs explicitement. N’exposant pas ici toute 
l théologie de notre auteur, nous croyons inutile de nous attarder sur ce 
point. 

(3) On pourrait apporter en preuve beaucoup de textes ; nous n’en rappel- 
lerons ici que l’un ou l’autre. ArIus avait écrit, dans sa Thalie (d'après 
ATHANASE, Orat. contra Arian. » L 5; PG, XXVI, 21, A): « OÙ aet © D:0s 


- 


Tao y 7 GA y ÔTE 6 D pôvos v aai or Tarhp Kv * Larscoy dE 
ETE /OYE TXTT0. » EUSÈRE DE NicoMÉDIE, dans sa lettre à Paulin de Tyr 
(dans THéovorer, Hist. ec:l., I, 4; édit. L. PARMENTIER, p. 29; PG, LXXXII, 
916, A) rappelait que |’ Écriture donne comme engendrés par Dieu, évidem- 


202 J. LEBON. 


Qu'en pense saint Cyrille ? Sans doute, il revendique aussi exclu- 
sivement pour le premier de la Trinité la perfection de GyEVVNT OS (4), 
mais il n’en fait ni sa caractéristique ni son nom propres (2). Il 
faut reconnaître Dieu comme Père, car cela appartient à la vraie foi. 
Dieu est toujours Père ; il ne l’est pas devenu à un moment du 
temps (3). La raison formelle de cette perfection en Dieu et de ce 
titre qui lui est donné, réside dans la nature de la relation qui rat- 
tache les deux premières personnes ; ces deux noms de Père et de 
Fils, comme les êtres qu'ils désignent, sont corrélatifs, s'appellent 
mutuellement et nécessairement : entre eux, nul intermédiaire (4). 


ment au sens métaphorique, d’autres êtres que le Fils. Remarquons cepen- 
dant que des Eusébiens comme Acace de Césarée ct Eusèbe d’Emèse 
admettent pour le Fils une génération proprement dite du Père ; c’est un 
premier pas vers l’orthodoxie. 

G) Par exemple. IV, 4 (R, IL, 92; M, 457, B): « 6 eds ele éart LL0vOs, 
G'YEVVNT OS. e oÙy ÙDp ET Tépov YEYEVVNUEVOS » 5 VI, 13 (R, I, 172; M, 537, A) 
ce sont les hérétiques qui ont osé dire deux dieux, et deux sources du bien 
et du mal, € AA TAUTAS GYEVVT GUS »; XI, 13 @, I, 306; M, 708, A) : 
« GÙTE Oo à PTE, OÙTE duo UoYoyE ri * a) ets EcTt ITarrp GHÉVINTOS, 
(ayEmmres yé0 EaTiy à natTépa pr Éyoy).» — On sait la difficulté qui résulte, 
pour l'interprétation des textes théologiques de cette époque, du mélange et 
de la confusion fréquente des termes &yENVNT OS et àyEMTOs. On peut lire, à 
ce sujet, les études de P. STiEGELE, Der Agennesiebegriff in der griechischen 
Theologie des vierten Jahrhunderts (Freiburger theologische Studien, fasc. 12), 
Fribourg-en-Br., 1913. et de L. PresriGe, ’Ayév{yInres and yev[”]nr5e, 
and kindred words, in Eusebius and the early Arians, dans Journal of theolo- 
gical Studies, 1923, t. XX1V, p. 486-496. Pour saint Cyrille de Jérusalem, 
l’agennésie semble bien être toujours l'innascibilité; les variantes des 
graphies s'expliquent peut-être aussi par le fait que les Catéchèses ont été 
publiées. sans révision, dans le texte tachygraphié par un auditeur. Cfr 
P. STIEGELE, Op. cif., P. 109-110. 

(2) La notion de la première personne est appelée To TATEUXOY aéioux. 
Voir les textes de la note suivante. Cyrille dit que c’est de cette perfection 
qu'elle est glorifiée par dessus tout : VII, 5 (R, I, 212; M, 609, B) : « route 
uàhcy % Toi: lounoic afmuxct aeuvuviusyos ». 

(3) VIT, x (R, I, 208 ; M, 606, NÉE Z: surmusÔn ris abrfoocs TICTENS 
xaTa0=EmuEx, TD TÉS LOYXUYXS GEMUATL TO TATOUASY CUVINTONTES, KA 
TICTEUGYTES El: Eva Oeny Naréca » : ; VIL 5 (R, I, 212: M, 609, B) : « où 
x 00v0L 5 T0 Ta T0 styat XTNTAUEVOS, Er ac ITx7 np TO [L6VOYEVOUS TUy{AVY. 
Où Ye rats 1)ÿ TpÔ : TO CU, TATRO VE D UGTEGOY JET rafiouhsuTauEves * 
CAVE 22 TAGS UTOTTOTENS ZA TG RATNE icbiseus, is YESVOY 7 TE 
Za C0 RAYTO)Y TOY AYNY, TO RATE aéloua Eye 9 es. 

(4) VIL, 4 (R, I, 212: M, 608-609) : « To 729 TOÙ Merpss bus Ua TO 
TK CYaUXTIZE TOC GT UATI, GE ty né Et at Toy V'isy * Go: GECLCE 
Vidy vus Ovousouz, eus evôrge nai Toy [aréca. Ei y5p rar xp, TAYTOS 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 203 


La relation qui justifie ces deux noins est fondée sur l'origine de la 
deuxième personne ; celle-ci n’est pas àyiumrcs, mais elle est du 
Pére, et elle est du Père par génération (1). 

Cette génération est inscrutable et incompréhensible ; le Père est 
seul à en connaître le mode. Aucune créature, si élevée soit-elle en 
perfection et en dignité, ne connaît ce rs éyémmos ; la créature 
ignore même le comment de sa propre origine ; ni le ciel, ni les 
anges ne pénètrent celle du Fils. C’est d’ailleurs une audace into- 
lérable de vouloir scruter ce que le Saint-Esprit, qui scrute seul les 
profondeurs de Dieu, n’a pas exprimé dans les saintes Écritures, 
quand on ne parvient pas même à comprendre tout ce qu’il y a dit ; 
qu'il nous suflise, conclut Cyrille après ces remarques si sensées, 
de savoir que Dieu a engendré un seul Fils. Pour lui, il ne promet 
pas d'expliquer comment s’est faite cette génération ; il se conten- 
tera de procéder par voie d'exclusion et d’écarter les notions qui ne 
lui conviennent pas (2). Dans ses explications, en effet, il reste 
fidèle à la règle qu’il s’est tracée, se contentant de soustraire la 
génération du Fils à toute imperfection, pour dissiper toute équivoque 
et toute erreur à ce sujet. Toutefois, nonobstant leur caractère avant 
tout négatif, ces développements ne laissent pas de nous fournir 
d'utiles éléments de comparaison, comme on va le remarquer sans 
tarder. 

Tout d’abord, cette génération ne doit pas être conçue comme se 
faisant à la facon des générations matérielles ; elle est spirituelle, 
comme Dieu lui-même. Elle a lieu également sans aucune altération 


O7: RATE ViOU * Ha EÙ VIOS, TAVTUS ÔT TaTp0c vios... ioù yxD xœi TATPOS 
codEy GTI METRE Tv ÉvTE@Y. » 

(x) XI, 13 (R, I, 306; M, 708, A): « E5 Evos püvou Ilarpos, ets povoysunc 
Yi5s. » Ibid., et passim, c'est continuellement que le Père est appelé 6 yev- 
maas et le Fils 5 yembeis ou ex [Tarpos ysyewmuévos. Il est inutile de mul- 
tiplier ici les références et de s'arrêter à montrer que ces termes doivent 
bien s'entendre d'une génération. 

_(e) XI, 4 (R, I, 294 ; M, 693, C): « uicy aet yernlirra àTepispyagTo ai 
axarairnre Th yevyñoet ». Cfr XI, 10-12 (R. I, 302-306; M, 701-705), par 
exemple, 12(R, I, 304; M, 705, B): « té écriy Érepoy ywvozov Ta (340n roù 
Gec5, ei un uôvoy 70 [ludux 70 &yuov, To Aalaay tas Oiias yoapss ; 
A2" 629 aùro ro Ilysoux T0 &t0Y, REDI Th Ex Ixrpos Toù Yioù yevr- 
Gin Ey Tais YOXais El 2 hnTev. Ti roivuy rohunpæyuoveïs, & und: Tô 
eux T0 &yuoy Éyparhey ëvy Tais yoaqais ; ‘O ra yeyoxupiva un YO - 
29, TA UN yiypauuéva Tolvroaypoveis ; … AÜtapees muiy sidéva, ÔTe 

553 Eyivmge) Y'iôy Eva pôvoy. » Et 11 (R, I, 302; M, 704, A): « où Y20 TÜ, 

ROS E/ÉVUNTEY, Eirsiy Etayye2ousbx, aAÂX 70, ouy crus, duafieGaiouus0x. à 


204 J. LEBON. 


dans celui qui engendre (1). Ce point est important à noter, car ou 
sait que les Ariens et les arianisants, hantés ‘par le spectre de la 
génération humaine, ne pouvaient concevoir aucune génération 
réelle sans altération de l’engendrant et, de ce chef, se croyaient 
obligés de rejeter de la vie divine toute génération proprement dite. 
Cyrille qui, comme nous allons l'entendre, affirmait si clairement 
une génération naturelle et véritable, devait insister sur l'absence 
de toute altération. Il y revient à de nombreuses reprises, allant 
jusqu'à déclarer qu'il a conscience de répéter souvent la même 
chose, mais que cela lui parait nécessaire pour la fermeté de la foi 
de ses auditeurs (2). Parlant, en un endroit (3), de la manière dont 
Dieu est le Père du Monogène, il se plait à énumérer une série de 
modes d’altération ou d’imperfection, pour les rejeter tous : l'altéra- 
tion en général (zxt où na rare ysvousyos), l'union avec un autre 
principe (oùx £x cuur/ce7s), le processus aveugle (où xar” éyvotar) (4), 
l'écoulement ou émanation (ox aroocsisxc), l'amoindrissement (cv 
pstmbet:), le changement (oùz &))cufer:) ; il conclut par l'affirmation 
de la perfection absolue de l’engendrant et de l’engendré ([arxc 
rélas, Télsoy Vis yesvro as) (5). 

Cette génération doit être soigneusement distinguée des généra- 
tions métaphoriques, qui n’aboutissent qu'à des paternités et filia- 
tions improprement dites. Il ne faut pas la concevoir, par exemple, 
comme la relation qui permet de dire que le maître engendre ses 
disciples ct en vertu de laquelle celui qui n’est pas fils par nature, 
devient fils par la doctrine (6). Dieu n’est pas de la même manière 
Père du Fils et Père des créatures (7). Sans doute, dans un sens 


(x) XI, 7 (R, I, 298 ; M, 700, A): 4 AUS x 02 Osny 072xy axoTnes ur. 
XATATEONS Es TOUATA, Ur & GOx0TrY . Ur 3503, x UT AGE ons. 
Joux 6 Gs5£, FHEVUATIAN N D LTES » 1bid.,5 (R, I, 206 ; M. 697, À) : 
« [zoux à 6:05. O neux m9, nrsvuxr gi HUE US ATOUXTOS. M 

(2) XI,13 (R, I, 36: M, 708, A): oùTz 9 peniTas Efrutnn Tt, OÙTE 
het TT Jen: * ot0æx No Tara eionkws, GX TohdInS 
TaÜra Spnrat TO Ts VU aTpahEXS, 9 

(3) VIL, 5 (R, I, 212: M, 609, B). 

(4) Cette « ignorance » est celle de l’homme, qui engendre sans savoir qui 
il va engendrer et sans engendrer qui il voudrait. Ainsi l’entend Cyrille, XI, 
8 (R, I, 300 ; M, 700, B). , 

(5) Voir encore, par exemple, XI, 18 (R, I, 312; M, 713, B). 

(6) XI, 9 (R, L, 300; M, 700-70r) : Le Père engendre le Fils « c5y ms 
OPEL LT eo ou 33... 9e UEy y30 Ô UK xaTù QUI Vos Gy, dx 
Thc palmreixs vins tyévsro.. ». Cfr VIL 9 (R, I, 218; M, 616, A-B). 

(7) XL, 19 (R, I, 312; 713, B): 4 a2A vx ur vouiTrs ÔTL OUOlWS TU 
VicÙ nai Toy xriouarwy ecrit Ilar%p... » 


S. CYRILLE DK JÉRUSALEM ET L'’ARIANISME. 205 


impropre et par une sorte d'abus du terme, Dieu est le Père de 
beaucoup d’êtres : mais en réalité et en vérité, il n’est le Père que 
du seul et unique Fils monogène, notre Seigneur Jésus-Christ, pour 
qui le nom de Fils n’a rien d’abusif (1). 

C'est à la réalité et à la vérité de cette génération et de la relation 
qui en découle, que Cyrille revient continuellement ; il y insiste, 
comme rendant exactement sa pensée; sa formule préférée est quo 
ru ahrbstx, soit qu'il en associe lès deux termes, soit qu'il les emploie 
isolément, sous diverses formes : œuos, quarts, xara quo, [uiss] 
cms, el aÂrbeix, 2r0os, àdrirs où à&rñuuos [uics] (2). La généra- 
üon du Fils est ainsi caractérisée pour l’opposer surtout à une 
génération improprement dite, qui se fait par adoption et est fondée 
sur la grâce : Héou, xara Oicuy, xara Oioù you xat DEceu, ainsi qu'on 
la trouve chez les hommes élevés à la dignité de fils de Dieu. 
Cyrille établit et répète souvent cette distinction (3), et c’est là un 


(1) VI, 5 (R, 1,212; M, 609, A) : « éore Toivuy 0 0:05, moÂAGY UEy xaTaæ- 
LTD: HATYO * EVOS Ôë uévou qÜoe xal œhnisix Tob uovoyevcds You, 
ri 0 ur Irocd Xpuoroë, Ilazño. » XI, 4 (R, I, 294; M, 693, C) : 
Vis dE mac dde, un xarayonorm@s dnous uôvoy * aXdà vi 
dbz, vi œuauxbr, duapyus * cbx Ex Jouheixs sl: nocxcnny vicbeaias 
Tiliyra, &)a Viny ei Jennvre... » Ibid, 2 (R, I, 290; M, 692, B): 
€ Yisy D ray axsvwy, un vouions Oerov, 233 œuouoy Yidy…. » 

(2) On trouvera, dans les textes que nous citons, assez d'exemples de ces 
locutions pour nous dispenser de donner ici des références spéciales. Mais 
où remarquera que nous traduisons l'expression que xai &drbeix par 
‘en réalité et vérité >. Nous n'entendons par là ni blâmer, ni rejeter l'usage 
Qui emprunte au terme « nature » la traduction de gUTts et de ses dérivés; 
Qous ne faisons aucune difficulté à reconnaître et à confesser que cette géné- 
ration est « naturelle », que le Fils est fils naturel de Dieu, etc., ainsi que 
s'exprime la théologie. Mais, en traduisant comme nous le faisons, nous 
trovons serrer de plus près la pensée de saint Cyrille, qui va directement et 
toncrétement à ce qu’il y a de réel dans l'être, sans donner autant d’atten- 
Uon que la nôtre aux notes spécifiques de cette réalité. Si nous en avions le 
temps, nous pourrions montrer que Cyrille emploie les termes œuots et 
“7597acts et leurs dérivés, dans une parfaite synonymie, pour marquer 
simplement la réalité concrète. Tout ce que le concile de Nicée a voulu 
gnifier en disant êx r%s ovotos Toù [laro6:, c'est que le Fils est engendré 
de l'étre même, de la réalité même du Père ; Cyrille évite l'emploi du terme 
S%ix, auquel les Antinicéens reprochèrent si vivement et si obstinément de 
n'être pas scripturaire, mais il en a tout le sens avec quo, œuTtxus, etc., 
que 2rGetx, &nP®z, etc., ne font que renforcer. 

(3) Par exemple, VII, 7-10 (R, I, 216-220 ; M, 613-617), craignant que l'on 
ne tire de JoH., XX, 17 que le Christ n’a pas une dignité différente de celle 
des justes (zooms drxxiois (TÔT LUOY Elvat TOY Xpuoroy), Cyrille s'applique 
àmontrer que le nom de Père y est employé dans des sens divers (70 piy 


206 J. LEBON. 


nouvel élément de différence entre sa doctrine et celle des Ariens (1). 

Cette différence s’accuse encore, d’une manière sensible et remar- 
quable, dans la détermination du moment de la génération, et dans 
les conditions de durée assignées à l’existence du Fils. Nous consta- 
tons tout d’abord que saint Cyrille rejette implicitement et explicite- 
ment les formules ariennes, qui tendaient à montrer le Fils comme 
tiré du néant et à lui fixer un commencement d'existence. Le Père n’a 
pas amené le Fils du néant à l'être, ni celui qui n’était pas (fils) à la 
filiation adoptive (2). Parmi les gens qui ont fait défection de la 
vraie foi, il y a ceux qui « osent dire que le Christ a été amené du 
non-être à l'être » (3). C’est la formule arienne qui est visée ; elle 
est explicitement condamnée ailleurs : « Ne disons pas la (parole) : 
Il y eut un moment où le Fils n’était pas (4). » Notre auteur ne se 
contente pas, comme plusieurs dans son parti, d'affirmations équi- 
voques touchant l'existence et la génération du Fils « dès le prin- 
cipe » ou « avant les temps et les siècles » ; il y méle ou y ajoute 
d’autres déclarations catégoriques : le Fils est toujours engendré, 
éternellement engendré ; le Fils est éternel (5). 


To RaTpôs Éy EGTUw dvoua, RotxiAn ÔE THs ÉVEPYEXS N dévaqus). Le Christ 
n’a pas dit: « Je monte vers notre Père »;ila distingué, et « ET TPGTOY 
T0 dxsicy, mo TOY [arépa Lou, ÊTEp Fv xaT QUO * ET ÉTAYAYUY, ka 
raTÉpa Up, ÔTEO "y xara DEguy n. Cyrille montre, par Isaie, LXIV, 8, 
(CÔTE UN xxTaà quo, AAXZ ar 0:60 ySpuw xai Biou, naTipa ra bcopusy » ; 

il répète la distinction en notant encore la différence de la paternité de Dieu 
à l'égard du Christ ct à l’égard des hommes : « 7@y pEy avOpTy, xaÜcs 
ELONTaL, HATAYONOT IX ETTI RATIO * Xpuoroù Ô: LLOYCU XaTà ŒUGIY ETTI 
ee G Peos, où aura Gegiy ». Voir encore X{, 9 (R, I, 300; M, 70t, A); 

X, 4 (R, 1, 264; M, 665, À) : « uids xaAcirau * où Üeruxs mpoaybkis, æ}À& 
PUauxS VErvnbEts ». 

(1) Qu'il nous suffise de renvoyer à un passage d'EUSÈBE DE NICOMÉDIE 
qui, dans une lettre à Paulin de Tyr (dans THÉODORET, Hist. eccles,, 1,5; 
édit. L. PARMENTIER, p. 29; PG, LXXXII, 916, A), fait valoir contre l'inter- 
prétation au sens propre du terme « engendré ( JEVVNTOS £) » appliqué au Fils, 
” divers textes dans lesquels l'Écriture fait « engendrer » par Dieu d'autres 
êtres. 

(2) XI, 14 (R, I, 308 ; M, 708, B) : « Kai bei Eonra rohigxts, OUX EX 
Toù pñ Ovros els TO Etvxr TOY Vioy Taprya/ey, OUDE TOY un OvTa Ets vibes iay 

fyxyEv. » 

(3) XV, 9 (R, IL, 164-165; M, 881, B) : « Nüy 0: Ecru ñ aTrogTaTix. 
Aéornqay 122 oi d/0purot Ts 000%: rirrems. Kai ci piv.…. oi dE Toy 
Xpuroy EË où OyTUY Ei3 TO Etvxt MALEVE A Ta LEE Too. » 

(4) XI, 17 (R, L, 310; M, 712, B): « prre Aéyouzsy TO, y NOTE, ÔTE Oux 
rv Ô Yioc. » 

(5) Il faut, en ce point, se tenir en re contre les gloses dont le texte de 


B] 


RASE AE SEE a ne, RE RE ve 4 à 
RERREER à SRE 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 207 


La génération du Fils, d’après notre auteur, est donc bien éter- 
nelle en ce sens que non seulement elle précède les temps et les 
siècles, qui mesurent la durée des créatures, mais s'est faite de 
toute éternité. On pourrait se demander s’il y a plus et si la pensée 
de saint Cyrille va jusqu’à une génération éternelle en ce sens 
qu'elle est toujours en acte durant toute l'éternité. 

Il n'est pas inutile peut-être de dire un mot de cette question, 
puisqu'on a prétendu qu'il faut y répondre négativement. On a écrit, 
en effet (1), que Cyrille n’a pas l’idée d'une génération éternelle telle 
qu'elle se rencontre chez Origène, Alexandre d'Alexandrie, Atbanase, 
mais qu'il conçoit plutôt cette génération comme un acte une fois 
posé. On en appelle à Cat. XI, 14, où il est dit que le Père a 
engendré le Fils éternellement, et beaucoup plus rapidement que 
nous ne pouvons le dire ou le concevoir (2). Toutefois, il faut 
remarquer que ce que Cyrille veut enseigner en parlant ainsi, c’est 


M est parfois chargé ; l’épuration est faite dans le texte plus critique de KR. 
Comme il peut y avoir intérêt à attirer l'attention sur ces gloses, nous les 
reproduisons dans nos citations mais nous les plaçons entre crochets, pour 
les rendre inoffensives. Il reste d’ailleurs assez d'éléments authentiques pour 
appuyer nos affirmations. — IV, 7 (R, I, 96 ; M, 461, B) : « roy ox Ev XPOvOLs 
T0 elvat ATNOAUEVOY, GAÂX TOO TAVTOY TOY aicyoy dilws xai &xaTa}PT- 
Tus Ex TOÙ rarTLos yeyevmuévor.…. [éoTe dE yevynbeis Ex Tarpos &ei] » ; 
VI, 5 (R, I, 212; M, 69, A-B), l'éternité de la génération du Fils est 
affirmée équivalemment dans celle de la paternité du Père : € où xPOVOI TO 
FaTho var XTNOAUEVOS, AA À ai TaTNp ToÙ povoryevous Tuyyavwy. Ou 70 
dat @Y ME TOUTOU, TATNP YÉVOVE, ae ueraBouAeusauevos * &Ala 
TL RAON; UTOOTAGEUWS kai TOO RAGNs aICÜGENS, TPO YPOVOY TE xai 
T2 OV TOY aivov, TO RarTpuxoy aEicpux Ever 0 0605... » ; XI, 4 (R, 1, 294; 
M, 696, A) : « vios [roù [larpss] #5 apyñs eyewrfn, [ünepave naons apyñs 
rai aiovoy Tuyyävov],..… [aidios EË aidiou Tlarcde] » ; XI,5 (R, I, 2%; 
M, 696-697) : « … uios 0 Decu npo mére T@y aimvwy [avapyws]... Toüro 
dE 5 Eye, tits EE yevvribeis En Ilarpés… *AÂÂX TO piv xaTa Toy Aaf3d, 
vai yo drofaherou... To dE xara Thy Beornra, ocre ypow Uunofiai- 
Jszat TE Ton®... » Ensuite, sur Psalm. II, 7 : « Ego hodie genuï te », 
Cyrille remarque : « rù ë cuepoy, où nodoqarov, &ÂX' àfduor * rè onpepor 
200, TO TAVTOY TOY aiwvoy » ; XI, 13 (R, I, 306; M, 708, A): « ets 
EcTiy viDs, &idius EX TaTDôs yEVEVNUÉVOS * CÙ ypôvots yeyEevmuévos, &ÀAX 
RL) aiwywy yves. » 

(1) J. GuuuEerus, Die homôusianische Partei bis zum Tode des Konstantius 
(Leipzig, 1900), p. 23 ; R. SEZBERG, L. C., p. 94-05. 

(2) R, I, 306-308 ; M, 708, B. Voici le passage dans son contexte : « ‘O yp 
aanns 0:05 où yeyva Vevd%, nat elonrai, oudE œxebzpuevos, barepoy éyév- 
26€ * QX Gidims Eyévmge, ati nov uälloy TAyetoy TOY MUETÉOOY 
pruaruwy Tr vonuare, Ééyévvroer. "Husis pv ap, Ev ypévors Dahobvres 


? + 


Yu avalicaouey * Emi de Ts lag Juvauews, dypovos À JEVNa. » 


4 


208 J. LEBON. 


que la génération divine ne requiert pas de temps pour se faire, 
mais existe et est parfaite, c’est-à-dire posant là son terme, instan- 
tanément. Dieu, vient-il de dire, n’a pas commencé par délibérer et 
se demander si et comment il engendrerait, pour n’engendrer qu’en- 
suite ; il a engendré éternellement (417 aidtws ÉVÉVMNOE) et donc cette 
génération n’a eu ni commencement dans le temps, ni durée tempo- 
relle. C’est cette dernière idée qu'il exprime en ajoutant que la 
génération divine l’emporte de beaucoup en rapidité sur nos paroles 
et nos pensées (zxi moÂù uälhoy Tayeoy TOY AUETELOY CrATOY % von- 
péroy éyemmaey). On le voit bien par la suite du texte, que l’on peut 
ainsi expliquer : pour nous, nos paroles sont accommodées à notre 
être, dont la durée est le temps : nous parlons donc de toutes les 
choses comme si elles étaient dans le temps et de la sorte, quand 
nous parlons de la génération divine, nous lui consacrons du temps, 
nous y dépensons du temps; mais il faut corriger cette erreur quand 
il s’agit de la puissance divine, quand c'est le Dieu tout-puissant 
qui agit, qui engendre ; il ne faut pas le ramener à notre mesure, 
mais au contraire reconnaitre qu'alors la génération ne requiert pas 
de temps qu’elle est atemporelle (ent di =%c Osixs Duvaueuxs, dy pOYCs N 
7Eevrots). La phrase roy uäÂÂoy Taser Toy RULETÉCOY CNUATOY Ÿ VOr- 
LAT OV ÉTEINT EY ne signifie pas autre chose que cet #ypovos ; elle ne 
marque donc pas formellement que, pour saint Cyrille, la génération 
du Fils se fait par un acte une fois posé, à un moment, si l’on peut 
ainsi dire, de l’éternité, à l'exclusion d’un acte durant éternellement. 
Le plus que l’on puisse dire, c’est que notre auteur ne s’est pas posé 
la question de la durée, éternelle ou non, de l’acte de la génération 
du Fils; il n’a pas, que nous sachions, rejeté la durée éternelle (1). 

On sait encore que les Ariens et arianisants reprochaient à la 
formule nicéenne £x =%5 ouatas où Ila:c6; de faire de la génération 
un acte forcé du Père, et qu’ils rapportaient au bon plaisir du Père 
la production du Fils, comme celle des créatures (fouhñoa xai 
Gers). Leur subtilité voulait tirer parti ds l’équivoque de la dis- 
tinction : nécessaire ou libre, appliquée insidieusement à cette 
matière (2). Saint Cyrille ne traite nulle part explicitement ce point. 


(x) Nous ne voulons pas insister sur les passages cités supra, p. 206, n. 5, où 
il est dit que le Père se trouve toujours Père du Monogène (ae TaTNp TOÙ 
poyoyevous Tuyyävov), que le Fils est toujours engendré (£cT! 0: yewvrbets 
et, viôv et yivyrbivræ) ; le sens formel de &zf y est dirigé contre l'opinion 
qui placerait cette génération à un moment du temps et limiterait ainsi par 
le commencement la paternité et la filiation. 

(2) Il suffit de rappeler les développements et réfutations que consacre à 
cette thèse arienne saint ATHANASE, Orat. contra Arian., III, 59-67 (PG, 


XAVI, 445-465). 


$. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 20 


Tout autant que la formule nicéenne : Ex Ts ouotac, il omet complète- 
ment la formule arienne Boudñoe xai Gexroe. Cependant par le fait 
qu’il insiste sur le caractère naturel de la génération (cuow&s, euouu, 
x27a va), il a tout le contenu de la thèse orthodoxe, qui rattache 
l'origine du Fils à l’être même du Père et non pas seulement à son 
bon plaisir ou vouloir (1). 

Touchant l’origine du Fils, l'opposition est radicale entre l’ensei- 
gnement des Ariens et celui des Nicéeris. Ce que nous avons constaté 
jusqu'ici nous a montré, quant à ce point capital, chez saint Cyrille 
de Jérusalem, une doctrine tout à fait orthodoxe, malgré l’omission 
de la formule £x +%3 ouotas où Ilxrpés. Le Père, seul &yinros, cst 
le principe du Fils pcvyevrs par une génération proprement dite, 
totalement différente de la génération humaïne et impénétrable à 
l'esprit de l’homme, exempte de toute altération et passibilité, abou- 
tissant à une filiation qui n’est pas seulement métaphorique ou 
adoptive, mais bien réelle. Des déclarations semblables à celles que 
nous venons de rappeler pourraient aussi se rencontrer chez d’autres 
personnages du parti antinicéen à ce moment (2). Mais il y a plus 
encore chez saint Cyrille : il y a, dans les Catéchèses, l'affirmation 
catégorique et explicite que la génération se fait quouxos, quoer, xara 
ur, que le Fils est tel quo xai &An6s!x, qu'il est œouxns Yios ; il y 
a l'affirmation explicite de l’éternité de cette génération. Ces affir- 
mations formelles, nous ne les avons pas rencontrées antérieurement 
dans le parti antinicéen, ni dans ses professions de foi, ni chez ses 
représentants de nuance modérée comme Eusèbe d’Emèse. Et cela, 
on en conviendra, rapproche intimement Cyrille de la doctrine 


(1) Étant ce qu'il est, le Père ne peut pas ne pas engendrer le Fils; il ya 
en cela, si l’on veut, une sorte de nécessité, dont on ne peut pas faire une 
contrainte, une violence imposée au Père malgré ou contre sa volonté, car 
ce qu’il fait en vertu de son être même, c’est-à-dire, engendrer le Fils, le 
Père le veut pleinement et parfaitement en s'aimant et se voulant lui-même 
tel qu’il est. Cyrille connaît bien, et applique à d’autres matières, l’oppo- 
sition entre la nécessité de nature et la spontanéité ou le choix de libre 
volonté (voir, par exemple, IV, 21 et VII, 13, dans KR, I, 112 et 222; M, 48x 
et 620, la distinction et l’opposition entre xaT& qua, PTE, EX ŒUIEUS 
[= érava vrss] et 2ATa FLOXIDEOUY, Ex TOOMPÈTEUS, auretouciuws). Si, 
comme nous l’avons constaté, il s’abstient complètement de rapporter 
l'origine du Fils à la volonté du Père (Bouarou 2 dezrse), les circon- 
stances autorisent à conclure de ce silence prudent qu’il ne partage pas 
l'opinion des Antinicéens en ce point. Malgré le caractère populaire de ses 
instructions, il aurait bien fait mention de cette doctrine et de cette formule 
si elles avaient répondu à son sentiment. 

(2) Nous visons Acace de Césarée, à ce moment, et Eusèbe d'Emèse, dont 
ce n’est pas ici le lieu de retracer la doctrine. 


210 J. LEBON. 


exprimée par la formule nicéenne ëx +%5 oaias rod [larpss. Disons-le 
clairement : c’est la même doctrine de part et d'autre. Ce jugement 
se confirme par le fait que Cyrille, à l'encontre des Ariens et ariani- 
sants de l'époque, ne subordonne l'existence du Fils ni à la volonté 
du Père, ni aux nécessités de la création, maïs proclame qu'il est 
engendré œuowws et &ï)iws par le Père. (A suivre.) 


Louvain. J. LEBON. 


Fe + En Ge GE NE 
nn. ie EN tr. APE AE 


LA PRIÈRE DITÉ DE CHARLEMAGNE 
ET LES PIÈCES APOCRYPHES APPARENTÉES. 


Il y a des siècles que la soi-disant prière de Charlemagne circule 
dans l’Europe entière, et il est probable qu'elle continuera de jouir 
longtemps encore, parmi les simples, d’une faveur tout à fait 
imméritée. Le pape Léon III aurait envoyé cette merveilleuse for- 
mule à Charlemagne afin que celui-ci s’en servit comme d’un porte- 
bonheur dans les batailles. Une protection infaillible contre les 
risques de guerre et les accidents du temps de paix est assurée à 
quiconque la récitera fidèlement, ou bien l'entendra réciter, ou 
même la portera sur soi. Ainsi s'explique la singulière popularité 
dont cette oraison a joui particulièrement dans les temps de grandes 
calamités publiques, aux jours de troubles politiques et en temps 
de guerre. | 

Les copies de cette prière ou de pièces apparentées ont été trou- 
vées sur les soldats dans la plupart des guerres du xix° siècle, et 
celle de 1914-1918 a procuré un renouveau de vogue à cette littérature 
pseudo-religieuse, ainsi qu'ont pu le constater beaucoup d’aumi- 
niers militaires et de soldats. Un conservateur du département des 
manuscrits du British Museum nous a montré une importante 
collection de telles pièces, recueillies sur divers fronts, qui lui a été 
confiée par un jésuite bien connu de Londres. 

Ilest plus considérable qu’on ne le croit communément, le nombre 
des simples qui s’attachent à ce genre de prières, séduits qu'ils sont 
par leur caractère mystérieux, par les formules orthodoxes dont 
elles sont souvent farcies et surtout par les promesses d'efficacité 
suveraine qu’elles renferment. Certains apocryphes, par exemple la 
Lettre du Christ à Abgar et la Lettre sur l'observation du dimanche, 
ont été soigneusement étudiés par les érudits. Par contre, la prière 
de Charlemagne et plusieurs autres pièces que nous aurons à en 
rapprocher, tout aussi répandues que les précédentes, n’ont pas 
encore été soumises, à notre connaissance, à un examen sérieux 
basé sur une large documentation ni envisagées du point de vue 
historique. Au surplus, bon nombre de gens d’Église semblent 
ignorer l'existence ou l’importance de ces étranges productions 
auxquelles beaucoup de personnes mal éclairées continuent, de très 
bonne foi, d'accorder leur confiance, au détriment de la saine piété, 


212 L. GOUGAUD, O. S. B. 


Certes, ce n’est pas chose aisée que d'éliminer ces herbes folles du 
champ de la religion. Du moins faudrait-il que ceux à qui ce soin 
incombe se gardassent de croire qu’il s’agit la d’un foisonnement 
éphémère et de peu d'importance. Aurait-il pour unique résultat de 
montrer par quelles fortes racines cette végétation s’insère dans le 
sol des superstitions populaires, le présent travail, croyons-nous, 
ne serait pas inutile. 

Avant d'aborder l’étude historique de la prière de Charlemagne, il 
convient d'indiquer et de caractériser les documents apocryphes que 
nous aurons à en rapprocher le plus souvent et qu’on peut répartir 
en cinq catégories : 

4° La lettre du Christ à Abgar; 

20 La lettre du Christ sur l’observation du dimanche ; 

3° Les lettres-amulettes tombées du ciel ; 

4 La mesure du corps du Christ ; 

° La mesure de la plaie du côté du Sauveur. 


I. — La LETTRE DU CHRIST À ABGAR. 


D'après une tradition déjà connue de l'historien Eusèbe de 
Césarée, mort vers l’an 338 (1), Abgar, toparque d’Edesse, ayant 
écrit à Jésus pour implorer son secours dans une grave maladie, 
aurait reçu du Sauveur une réponse qui fut considérée comme un 
document authentique et que certaines gens, aujourd’hui encore, 
tiennent pour tel (2), malgré la condamnation portée par le décret 
pseudo-Gélasien De recipiendis et non recipiendis hbris, au vi siè- 
cle (5), et par les Libri carolini à l'époque carolingienne (4). 

Les littératures syriaque, arménienne, grecque, latine, arabe, 
persane, d'autres encore, ont enregistré la légende d'Abgar (5). 
Chose plus curieuse, on trouve la lettre en question insérée dans deux 
recueils d’hymnes qui furent en usage en frlande au xi° siècle (6), 
ce qui fait supposer qu'elle aurait été usitée, même dans la liturgie, 
supposition que corrobore une mention du même apocryphe dans 


(1) EusÈse, Hist. eccl., I, 13 (P. G., XX, 131); éd. Moumsex. Leipzig, 
1903, II, p. 88. 

(2) Voir, par exemple, FRANÇoIs TALON, Histoire merveilleuse du vraï 
portrait traditionnel de Jésus-Christ donné par N.-S. lui-méme à Abgar, roi 
d’Edesse. Chambéry, 1922, p. 185. 

(3) Micne, P. L., LIX, 164. 

(4) Libri carolini, IV, 10 (P. L., XCVIII, 1202-1203). 

(5) Voir Dom H. LECLERCQ, Aégar (La légende d'), dans le Dict. d’'arch. 
chrèt. et de liturgie, I, 1, col. 87-97. 

(6) Zrish liber Hymnorum, éd. J. H. BERxARD ct R. ATKkINSON. Londres 
(H. Bradshaw Soc.), 1898, [, p. 94. 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE. 313 


un fragment d'office conservé dans un psautier de la bibliothèque 
universitaire de Bâle (Ms. A. xu. 3), qui date probablement du 
x* siècle (4). 

On a trouvé la lettre à Abgar inscrite sur des linteaux de portes 
et affichée à l’intérieur des maisons pour écarter des foyers toute 
influence funeste (2). A la fin du xix° siècle, on en signalait l’emploi 
superstitieux jusque dans l'Inde. 

Dans un manuscrit du British Museum (Ms. Roy. 2. A. xx, fol. 13), 
écrit en Angleterre au var siècle, on lit l’addition suivante à la suite 
du texte de la lettre : 


Siue in domu tua siue in ciuitate tua siue in omni loco nemo 
inimicorum tuorum dominabitur et insidias diabuli ne timeas et 
carmina inimicorum tuorum distruuntur. Et omnes inimici tui 
expellentur à te siue a grandine siue a tonitrua non noceberis et 
ab omni periculo liberaueris. Siue in mare siue in terra siue in 
die siue in nocte siue in locis obscuris si quis hanc epistolam 
secum habuerit securus ambulet in pace. Amen (3). 


II, — LETTRE DU DIMANCHE. 


Cette lettre soi-disant tombée du ciel passait aussi pour avoir été 
écrite par le Christ. En termes menaçants, on y ordonne principale- 
ment la suspension de tout travail le dimanche et la religieuse 
observance de ce jour, mais aussi l'observation des lois ecclésias- 
tiques concernant le jeûne, les dimes et les oblations (4). Des textes 


(1) Zrish liber Hymn., 1, p. xxvu1; H. J. LawLor, Chapters on the Book of 
Mulling. Édimbourg, 1897, p. 165. 

(2) R. HBBERDEY, Vorläufiger Bericht über die Ausgrabungen in Ephesus 
(Jahreshefte des üsterreichischen archäolog. Institut, Beïblatt, 1II, 1900, col. 83- 
96); Communication de M. E. MicHon au Bulletin de la société des Antiquaires 
de France, 1901, p. 190. 

(G3) Zrish liber Hymn., 1, p. 94; Sir GeoRGE F. WARNER et J. P. GILsoN, 
Catalogue of Western Manuscripts in the old Royal and King's collections. 
Londres, 1921, I, p. 33-34. 

(4) Sur l’Epitre du dimanche, consulter spécialement H. DELEHAYE, Note 
sur la légende de la lettre du Christ tombée du ciel (Bulletin de l’Acad roy. de 
Belgique ; Classe des lettres, 1899, p. 171-213); E. Renoir, Christ (Lettre du) 
tombée du ciel (Dict. d'arch. chrét, et de litt., IT, 1, col. 1534-1546); [R. L. Besr|, 
Bibliography of Irish philolozy and of printed Irish literature. Dublin, 1913, 
p. 81; R. PRIEBSCH, Quelle und Abfassungszeit der Sonntagsepistel in der 
irischen « Câin Domnaig » (Modern language review, Il, 1907, p. 138-154); du 
mème, Diu vrôve Botschaft ze der Christenheit (Grazer Studien qur deutschen 
Philol sgie). Graz, 1895 ; du même, John Audelays poem on the observance of 
Sunday and its sources (An English miscellany presented to Dr Furnivall in 
honour of his 77th Birthday). Oxford, 1901, p. 397-107. 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe X4 


214 L. GOUGAUD, 0. $. B. 


copiés ou imprimés dans les derniers siècles portent, en oùtre, la 
prescription suivante : « Vous jeünerez cinq vendredis en l’honneur 
des cinq plaies que j'ai souffertes pour vous sauver sur l'arbre de 
la croix (4). » 

Cette lettre a également eu une très grande diffusion. Elle a été 
copiée et recopiée en tout pays, depuis l’Éthiopie jusqu’en Islande. 
On en possède de nombreuses recensions que M. Kühler a réparties 
en trois familles (2). « Connue dès la fin du vi° siècle, peut-être même 
auparavant, dit M. E. Renoir, elle circule encure de nos jours, elle 
s'édite, elle est tenue pour authentique et vénérable dans certains 
milieux slaves ou orientaux, plus soucieux de merveilleux que 
d'esprit critique. Nous en possédons des versions daos les princi- 
pales langucs de l’Europe et de l'Orient (3). » 

Saint Bohiface, l’apôtre de la Germanie, ayant porté plainte auprès 
du pape Zacharie contre un évèque imposteur du nom d’Adelbert 
(ou Aldebert), qui abusait les populations au moyen d’une lettre qu'il 
disait être de la main du Christ, cet écrit fut condamné par le concile 
de Latran de 745 (4). Mais cette condamnation ne mit pas fin à 
limposture, car Charlemagne se vit obligé de condamner de nouveau 
l’apocryphe, à la date du 23 mars 789, en des termes énergiques 
qui ont pour nous un intérèl tout spécial : 


Item et pseudografia et dubiae narrationes vel quae omnino 
contra fidem catholicam sunt et epistola pessima et falsissima, 
quam transacto anno dicebant aliqui errantes et in errorem alios 
mittentes quod de caelo cecidisset, nec credantur nec legantur 
sed comburentur, ne in errorem per talia scripta populus mitta- 
tur. Sed soli canouici libri et catholici tractatus et sanctorum 
auctorum dicta legantur et tradantur (5). 


Le nom du destinataire (ou de l'inventeur) de la lettre varie 
suivant les recensions ; on nomme Pierre, évêque de Nimes, Pierre, 


(x) Voir Le trépassement de la Vierge Marie. Troyes, Garnier, s. d. [appro- 
bation du 25 février 1676}, p. 55, livret obligeamment mis à ma disposition 
par M. LousserG, du consulat de Belgique à Cologne. Cir J.'T. FowLer, 
Extracts from a parish account-book [texte du xvnies.](T'he Antiquary, XXXIX, 
1903, p. 38). 

(2) W. KGHLER, Himmels- und Teufelsbrief (Religion in Geschichte und 
Gegenwart de GUNKEL et SCHEEL. Tubinguc, 1910, IL, col. 31-33). Cfr Le 
médecin des pauvres (Verdun, 1824), reproduit par La Tradition, IL, 1888, 
p. 207-208. 

(3) Art. cité, col. 1534. 

(4) JAFFÉ, Bibl. rer. Germanic., III, p. 142-143. 

(5) Admonitio generalis : Capitularia, 78, éd. BorerTivs, M. G., I, p. 60. 


LA PRIÈRE DÎTE DE CHARLEMAGNE. 915 


évêque de Gaza, saint Pierre « in civilate Cassiana », ou bien un 
évèque d’Antioche (4). 

H. Günther cite un certain nombre de prières (le Trisagion du 
Vendredi-Saint, le Salve regina, etc.), d’écrits ou d'objets de piété 
(la Règle de S. Augustin pour les Prémontrés, l’habit des mèmes 
religieux, etc.) que l’on a cru être tombés du ciel (2). Nous verrons 
que la croyance à l’origine céleste d’un nombre considérable d’apo- 
cryphes fut extrémement répandue et qu’elle est encore très vivace. 

La lettre du dimanche a été également employée comme amulette 
ou porte-bonheur, témoin, entre autres, ces lignes qui l’accom- 
pagnent dans un livret de prières moderne : 


Ceux qui la garderont soigneusement avec dévotion dans leurs 
maisons, jamais l'esprit malin, ni feu, ni foudre, ni tempête ne 
pourront leur faire tort, et seront préservés de tout malheur. 
Toute femme en travail d'enfant sera délivrée en la mettant 
sur elle (3). 


II. — LETTRES-AMULETTES TOMBÉES DU CIEL. 


À la différence des pièces dont il vient d’être question et de celles 
que nous étudierons plus loin, qui sont écrites tantôt en latin tantôt 
en langues vulgaires, celles de cette catégorie, d’origine plus 
récente, ne se présentent guère qu'en langues vulgaires. 

Une épiître écrite en lettres d’ur, racontent les légendes, a d’abord 
plané quelque temps au-dessus du bénitier (ou des fonts baptismaux) 
d'une église, généralement dans le Holstein, et il a été impossible 
de s’en emparer pour la copier. Chaque fois que la main s'appro- 
chait pour la saisir, la lettre mystérieuse fuyait, Enfin, une personne 
privilégiée ayant réussi à la capter, on en prit copie, et, à partir 
de ce jour, l’épiître se répandit partout, tant sont PR les vertus 
qu'on lui attribue. 

Une telle lettre est « plus précieuse que l'or » (4). icones la 


(1) E. Renoir, art. cité, col. 1540; PRIEBSCH, John Audelays Poem, p. 397; 
Warner et GILsON, Catalogue, p. 264, 348. 

(2) Heinrich GUENTHER, Die christliche Legenden des Abendlandes (Reli- 
g'onswissenschaftliche Bibliothek). Heidelberg, 1910, p. 91 s. 

(3) Pratique de dévotion de N.-D. de Bon-Secours avec des prières de chaque 
jour de la semaine. Épinal, chez Pellerin, s. d., ouvrage cité par CH. NisARD, 
Histoire des livres populaires ou de la littérature de colportage depuis le 
XVe siècle., 2e éd. Paris, 1864, IL, p. 44 s. — On voyait cette épitre affichée 
dans les fermes de Devonshire dans la première moitié du xixe siècle (Notes 
and Queries, 4e sér., IX, 1872, p. 476). 

(4) F. Branxy, Himmelsbriefe (Archiv f. Religionswissenschaft, V, 1902 
P. 153). 


216 L. GOUGAUD, 0. S. B. 


portera sur soi ou la fixera dans sa demeure sera à l’abri de tout 
danger. Les hommes de guerre notamment qui s’en seront munis 
pourront affronter l'ennemi sans auvune crainte, la lettre leur servira 
de bouclier. De là la vogue extraordinaire de cette pièce parmi les 
soldats. Sous des formes de rédaction diverses, elle a été utilisée 
comme amulette de guerre au moins depuis le xvi° siècle. En 1866, 
en 1870-1871 et dans la guerre dernière, des soldats protestants et 
des soldats catholiques l'ont portée sur eux avec confiance (4). 

Les lettres protectrices de cette catégorie ont été collectionnées et 
étudiées particulièrement par les folkloristes de langue allemande, 
qui en ont trouvé de nombreux exemplaires dans leur pays (2). De 
tous les documents apocryphes que nous avons examinés, cette 
catégorie est celle qui présente le moins d’analogie avec la prière de 
Charlemagne. 


IV. — LA MESURE Du corrs pu CHRIST. 


Au moyen âge, beaucoup de gens croyaient connaitre la dimension 
de la taille du Christ. Cette « mesure du corps du Christ » à laquelle 
on attachait une singulière puissance de protection était représentée, 
dans certains livrets de prières, sur de longues bandes, sur des 
rouleaux de parchemin ou sur de simples feuilles volantes, au moyen 
d’une ligne, d'une croix ou d’un dessin de forme variée dont on 


(1) E. vox DogscnuErz, Charms and amulets (Christian), dans l’Encycl. of 
Religion and Ethics d'HasrTinGs, III, p. 417; Dr WazTER H. VosT, Die 
Schutzbriefe unserer Svuldaten (Mitteilungen der schlesischen Gesellschaft f. 
Volkskunde, t, XIIT-XIV, formant la Festschrift zur Jahrhundertfeier der 
Universität zu Breslau, 1911, p. 586). 

(2) W. H. Voar, art. cité, p. 557-594; F. BRANKY, art. cité, p. 149-154; 
Karz OLsrica, Ueber Waffensegen (Mitteilungen der schl. Gesellschaft f. 
Volksk., II, 1897, p. 88-93); du mème, Deutsche Himmelsbriefe und russiscre 
Heiligenamulette im Weltkriege (Mitt. d. schl. Gesellschaft [. V., XIX, 1917, 
p. 140 5.); J. JorDAN, Himmelsbriefe (Arch. f. Religionswis., VI, 1903, p. 334- 
336); FRANZ KonpziEeLLaA, Volkstümliliche Sitten und Bräuche im mittelhoch- 
deutschen Volksepos ( Wort und Brauch, Heft VIII). Breslau, 1972, p. 159-160; 
ALBERT BECKER, Gebetsparodien, ein Beitrag zur religiosen Volkskunde der 
Vôlkerkrieges (Festschrift f, Eduard Hoffmannkrayer —= Schweïizerisches 
Archiy. f Volkskunde, XX, 1916, p. 16-28) ; En. A. GESSsLER, Kriegsaberglaube 
in alte Zeit (Schweizerisches Archi f. Volksk., XXI, 1917, p. 233-235); BARBIER 
DE MONTAULT, Les mesures, poids, fac-similes et empreintes de dévotion, art. 
d'abord publié dans la Revue de l'art chrétien, XX XII, 1881, p. 369-419, puis 
recueilli dans les Œuvres. Paris, 1893. t. VIL, p. 406; Dr TricoT-RoYer, La 
prière-amulette de Charles-Quint (Bulletin de la société francaise d’hist. de la 
médecine, XVI, 1922, p. 284-292); CH. CaLiPpe, Prières efficaces et porte- 
bonheur (Revue du clergé français, 1er févr. 1917, p. 241-253 et xer sept. 1917, 
P: 462-463). 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE. 217 


n'avait qu’à multiplier la longueur par un nombre indiqué pour 
obtenir la dimension du corps du Christ. La multiplication donne 
des résultats fort variables : 1"60, 4m74, 1"80, 1"90, etc. 

C'est surtout au xv° siècle que se propagea « la vraie mesure du 
Christ » avec les invocations et les prières qui y étaient attachées. 
On s'en servait comme d’une amulette, usage qui a continué jusqu’à 
nos jours (1). À quelle époque remonte cette singulière « dévotion » ? 
On en a des attestations bien antérieures au xv° siècle. On peut 
mème affirmer hardiment que la coutume de faire servié la mesure 
du corps du Christ à des fins superstitieuses avait déjà des partisans, 
dans notre Occident, au xw siècle, sinon au x°. On trouve, en effet, 
dans un mapuscrit écrit à Winchester au x° ou au x1° siècle (British 
Museum, Ms. Cott. Titus D. xxvi, fol. 3 r°) le texte suivant qu'il 
semble impossible d'expliquer autrement que par la coutume susdite : 


De mensiu (lisez : mensura) saluatoris. Haec tigura dedecies 
multiplicata perficit mensuram domini nostri Ihesu XPi corporis 
et est assumpta à ligno pretioso dominice fsic) (2). 


Ce passage n’est pas une addition postérieure au reste du manu- 
scrit, lequel ne présente pas un texte suivi, mais est un recueil de 
pièces disparates. Toutefois, la figure à laquelle il est fait allusion 
n'existe pas dans le manuscrit. Elle était probablement dessinée 
dans le codex que le scribe avait sous les yeux et d’où il a tiré ces 
lignes, mais il a négligé ou oublié de la reproduire. Aussitôt il 
passe à un autre sujet, et nous parle des quatre espèces de bois 
différents qui auraient été employés pour la fabrication de la croix 
du Calvaire, point d’archéologie sacrée sur lequel on s’est plu à 
disserter au moyen âge, mais qui ne nous intéresse pas présen- 
tement. 

Ce qui nous intéresse, c’est la croix-étalon sur laquelle aurait été 
prise la mesure du corps du Sauveur. Celle-ci, nous disent la plupart 
des légendes insérées dans nos textes, n’était pas de bois, mais d’or : 


« Cette ligne [laquelle porte ces trois mots : JESUS : NASA- 
RENVS : JVDEORVM] a été à l’origine mesurée à Constantinople 


(x) En Styrie, la « Längenmass Christi » se vend encore dans les foires 
(E. von DoBscHUETz, Christusbilder (GERHARDT et HARNACK, Texte und 

(2) Consulter, sur ce texte, W. ne GRrAY Bircu, On two Anglo-Saxon 
manuscripts in the British Museum (Transact. of the Roy. Soc. of Literature, 
nouv, sér., XI, 1876, p. 8) et, du même, Liber Vitae, Register and martyrology 
of New Minster and Hyde Abbey Winchester. Londres et Winchester 
(Hampshire Record Soc.), 1892, p. 252. 


218 L. GOUGAUD, 0. 8, B. 


sur Ja Croix de N.S. J. C.; elle représente la seizième partie de 
la taille du Sauveur ». (Pièce trouvée en Islande au xrx° siècle) (1). 


« Dis ist die lunge unsers herren Jesu Christi, die der Konig 
von Constantinopolim gab in dise wernt mitt eine gulden crütze ». 
(Zurich, Ms. 101, fol. 106 r°. — xv° siècle) (2). 


« Longueur de N. S. J. C. mesurée sur une croix d'or à Con- 
stantinople ». (Placard imprimé vers 1490) (3). 


« Haec linea bis sexties ducta mensuram dominici corporis 
monstrat. Sumpta est autem de Constantinopoli ex aurea cruce 
facta ad formam corporis Christi. » (Florence, Ms. Laur. Plut. 


XXV, 3, fol. 15 v°. — xiv* siècle) (4). 


« Linea a Constantinopoly ex aurea cruce sumpta, que si 
sequieties fuerit ducta monstrat longitudinem corporis Christi. > 
(Cambrai, Ms. 508, fol. 1. — xr1° siècle) (5). 


Antoine de Noygorode, vers l’an 1200, parle de ladite croix-étalon 
en or, qui existait à Sainte-Sophie : 


Extra sanctuarium minus erecta est crux mensuralis quae 
scilicet staturam Christi secundum carnem indicat (6). 


Toutefois, d’autres documents veulent que la « vraie mesure » ait 
été prise, ou trouvée, non pas à Constantinople, mais à Jérusalem, au 
Saint-Sépulcre (7), lieu que nombre de textes, on le verra, indiquent 
également comme celui de l'invention de la prière de Charlemagne. 


(x) Cfr O. Davipsson, /sländische Zauberzeichen und Zauberbücher (Zeit- 
schrift des Vereins für Volkskunde, XIII, 1903, p. 273). 

(2) Cfr JWERNER, Segen (4lemannia, XVI, 1888, p. 235). 

(3) Cfr Theologische Revne, VII, 1968, p. 223. 

‘(4) Cfr G. Uzrezui, Le misure lineari medievali dell'efigie di Cristo. Firenze, 
1899, p. 30; E. von DoBscHuETz, Christusbilder, loc. cit. 

(5) F. DE MELy, Le Saint-Suaire de Turin est-il authentique ? Les représen- 
tations du Christ à travers les âges. Paris, 1902, p. 78-79 et fig. 42. 

(6) ANTonIuSs NovGoRoDENSsIs, Liber qui dicitur Peregrinus seu descriptio 
sanctorum locorum cesareae civitatis, cité par le comte RIANT, Exuviae sacrae 
Constantinopolitanae. Genève, 1877, II, p. 220. — Une marque tracée sur une 
colonne de la Confession dans l’église de San Stefano de Bologne indique la 
hauteur de taille du Christ. — D'après un texte irlandais du xrve/xve siècle 
(Ms. Rawi. B. 512 de la Bodléienne, fol. 52 v°), la mesure du corps du Christ 
aurait été prise par l’empereur Constantin (Cfr Kuno MEYER, Die Leibeslänge 
Christi, dans la Zeitschrift für celtische Philologie, X, 1914-1915, p. 401-402). 

(7) D'après des rouleaux en papier recueillis en Styrie cet en Souabe, 
de même que d’après un placard imprimé à Cologne et trouvé à Horitz 
(Bôhmerwald), la « mesure » aurait été trouvée à Jérusalem en l’année 1655. 
Voir Max BarTeLs, Volks-Anthropometrie (Zeitschrift des Vereins [. Volksk., 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE. 219 


Quant aux prières jointes à la « Vraie mesure », elles varient 
beaucoup. Voici une oraison qui s’imprimait dans la première moitié 
da xvie siècle : 


Oratio. Defende Domine Jesu XpPe super hanc tui gloriosissimi 
corporis mensuram famulum tuum N. ut quotiens eadem super 
ide corpus multiplicatamihi /sic) magnitudinem ipsius ostendat 
totidem eiusdem tue magnitudinis protectione coserves. Per 
Christum d. nostrum. Amen (l). 


Les formules latines suivantes que nous retrouvrons ailleurs sont 
a signaler : 

49 L’acclamation des laudes : « Christus vincit, Christus regnat, 
Christus imperat » (2), parfois transformée en : « Christus vincil, 
Christus regnat, Christus me benedicat et custodiat ab omni malo 
anime el corporis » (3). 

20 Une phrase de l'Évangile de S. Luc (IV, 30) : « Jesus autem 
transiens per medium illorum 1bat », dont font usage beaucoup de 
charmes et de prières superstitieuses (4). 

3° « Christus rex venit in pace, Deus homo factus est » (3). 

4 L’énumération des noms de Dieu : Agios, Adonai, Tetragram- 
mation, etc. (6). 

Toutes ces formules sont entrecoupées de nombreuses croix (ff f). 

Des prières plus ou moins longues en langue vulgaire sont très 
fréquentes. Une note sur l'excellence de la dévotion à la mesure du 
Christ est de rigueur. En voici un spécimen : 


XII, 1903, p. 366); À. BIRLINGER, Aus Schiwvaben : Sagen, Legenden, Aber- 
glauben, Sitten. Wiesbaden, 1874, I, p. 485; J. J. AMMANN, Volkssagen aus 
dem Bühmerwal1i (Zeit. des V. f. Volksk., II, 1892, p. 168-169). 

(1) Éditée par G. UzieLLi, L'orayione della misura di Christo (Archivio 
storico italiano, 5c sér., XXVII, 1907, p. 340). 

(2) BARBIER nE MONTAULT, Les mesures, etc. (Œuvres, VIL, p. 350). Cfr Du 
Cane, éd. HENSCHEL-FAVRE, s. v. Laus, p. 46: R. MaxwELL-WooLLey, 
Coronation Rîtes. Cambridge, 1915, p. 43. 

(3) JWERNER, art. cité, p. 235. Cfr A. Franz, Die kirchlichen Benediktionen. 
Fribourg-en-Br., 1909, p. 96. | 

(4) Barster DE MONTAULT, loc. cit. 

(5) BARBIER DE MONTAULT, loc. cit. 

(6) JWERNER, loc. cit. — Sur les 15 ou les 72 noms de Dieu, consulter : 
P. L. JacoB, Curiosités des sciences occultes. Paris, 1885, p. 71; PAUL MEYER, 
Daurel et Beton. Paris, 1880, préf. p. c1; du même éditeur, Girart de Rous- 
sillon. Paris, 1884, p. 84 note 1; Romania, XIV, p. 528; JoHANNES BoLTe, 
Ueber die 72 Namen Gottis (Zeit. d. V. f. Volksk., XIII, 1903, p. 444-450) ; 
Pau vox WiNTERFELD, Ein lateinischer Segen mit den Namen Christi (Même 
revue, XIIL, 1903, p. 442-444) ; IvAN FRANKo, Kirkenslawische Apocrypha von 
den 72 Namen Gottes (Même revue, XIV, 1904, p. 408-413). 

Û 


220 L. GOUGAUD, O0. S. B. 


Qui aura dévotion de l’avoir ou porter sur s0y ne pourra mourir 
de mort subite, ny par feu, ni par eau, ni par flesche, ny par 
tempeste, ny par tonnerre, ny par venins, ny de mauvais esprits, 
ny par faux jugemens, ny faux tesmoignages de meschans (1). 


Les rubriques insistent beaucoup plus sur l’utilité d'afficher la 
« mesure » dans les demeures, de la porter sur soi ou de la regarder 
pour en tirer avantage que sur l'obligation de réciter les prières dont 
il vient d’être question, le livret, le rouleau de parchemin ou le 
u bref » opérant à la manière d’un charme magique. 

Une question se pose : qu'est-ce qui a pu suggérer à des chrétiens 
la pensée d'associer le corps sacré du Sauveur à une pratique aussi 
manifestement déraisonnable et superstitieuse ? 11 ne parait pas 
facile d'indiquer l’origine de cet abus; mais hasardons une byÿpo- 
thèse. Les chapitres III et 1V de l’Épitre aux Éphésiens contiennent 
certains versets d'apparence assez mystérieuse : « … ut possitis 
comprehendere cum oimnibus sanctis quae sit latitudo et longttudo 
et sublimitas et profondum » (III, 18); « unicuique nostrum data est 
gratia secundum mensuram donationtis Christi n (IV, 7); «in men- 
suram aelatis plenitudinis Christi » (IV, 13) (2). Ces lignes auraient, 
peut-être, suggéré cette étrange application à quelque exégète 
simpliste. 

Un recueil manuscrit et trois rouleaux de parchemin également 
manuscrits, qui ont circulé en Angleterre, présentent une singularité 
de plus qui doit nous arréter un instant. Ces manuscrits sont les 
suivants : 

4° Oxford, Ms. Bodi. 177, fol. 61 v° (fin du xix° siècle) (3). 

2° Rouleau de Thomas Hearne (xv° siècle) (4). 


(1) Enchiridion Leonis papae (Lyon, 1601), cité par F.DE MéLy, Le Saint- 
Suaire de Turin est-il authentique ? p. 78-79. La « Mesure du Christ » ne figure 
pas dans l'édition de l'Enchiridion (Mayence, 1634) que j'ai consultée. 

(2) Peut-étre le texte suivant extrait du Pélerinage de Laurent de Pasztho 
au purgatoire de S. Patrice (xve siècle), édité par le P. DELEHAYE, mérite-t-il 
d’être cité ici : « O venerabile, salutiferum crucis signum, semper diaboli 
suggestionem devincens, cuius latitudo signat opera caritatis, longitudo 
perseveranciam usque in finem, sublimitas supernam fidem ad quam cuncta 
referunt, profunditas veram carnis mortificationem » (Analecta Bollandiana, 
XXVII, 1908, p. 52). 

(3) Ce texte a été étudié et publié par C. T. On10oNSs, À devotion to the Cross 
written in the S. W. of I:ngland (Modern language review, XII, 1918, 
p. 228 230). 

(4) Etudié et publié dans les Reliquiae Hearnianae edited by Pnicip BLiss, 
2° éd. Londres, 1869, I, p. 193-198, et par W. SPARROW-SIMPSON, On a magical 
Roll preserved in the British Museum (Journal of the British archaeological 
Association, XLVIII, 1892, p. 38-40). 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE. 221 


3° Brit. Mus., Harl, Roll, T, 44 (xv° siècle) (4). 

4 Brit. Mus., Harl. Roll, 43. A. 14 (xv° siècle) (2). 

Le trait commun de ces pièces, c’est que les prières transcrites à 
côté ou à la suite. de la mesure du Christ accordent au martyr saint 
Cyrice (ou Cyr) de Tarse et de sainte Julitte, sa mère, un rôle prédomi- 
nant dans la création et la diffusion de l'étrange dévotien. Ce serait, 
en eflet, sur la demande de ces martyrs que la « mesure » aurait reçu 
le pouvoir de conjurer les maux dont sont menacés les humains : 


ffor seynt Cerice and seyat Juliett his mother desirid yise gra- 
ciouse gyftis of God which he grauntid un to yem and yis is 
registrid on Rome (3). 


Aussi est-il juste que l’on recoure à l’intercession desdits martyrs 
pour s’assurer les mérites de « la glorieuse longueur » du corps 
du Christ : 

Salve decus parvulorum, 
Miles Regis angelorum, 
O Cerice cum beata Julitta. 


V. Christus + et Maria + nos salvet in hora mortis nostre. Amen. 
R. Preciosa est in conspectu Dei + mors sanctorum eius. 


Oratio. Deus qui gloriosis martyribus tuis Cerico et Julitte 
tribuisti dira nephandi judicis tormenta superare tribue michi 
[ Wilhelmo] famulo tuo humilitatem et virtutem gloriose longi- 
tudinis tue et venerabilis crucis tue, preciosi corporis et sanguinis 
tui, et per omoipotentias et virtutes tuas et per intercessionem 
sanctorum tuorum concedas michi triumphum omaoium inimico- 
rum meorum ut possim semper retinere constantiam per Christum 
D. N. Amen (1). 


S. Cyr et sa mère furent particulièrement honorés en Grande- 
Bretagne et en Irlande, et cela dès le haut moyen âge. Leurs actes 
ont été traduits en irlandais (5). S. Cyr, si l’on en croit une lecture 
conjecturale du Rev. F. E. Warren, serait invoqué immédiatement 
après S. Patrice dans un recueil de prières du vu/ix° siècle (6). 
Des églises lui furent dédiées en Cornwall, dans le Devon et en 
Galles (7). On a des hymnes galloises composées en l'honneur de 


(1) Cfr W. SPARROW-SIMPSON, art. cité, p. 50 s. 

(2) Cfr W. pe GRrav BircH, On two Anglo-Saxon Manuscripts, p. 8-10. 

(3) Harl. Roll, 43. À. 14. 

(4) Ms. Bodi. 177. 

(5) Br. M., Ms. add, 30572, fol. go vo. 

G) Br. M., Ms. Harl. 7553, fol. 7 vo (Edit. F. E. WaRREN, The Antiphonary- 
of Bangor. Londres, H. Bradshaw Soc., 1895, p. 86). 

(7) PF. E. WarRen, op cit., p.92. 


222 L. GOUGAUD, 0. S, B. 


S. Cyr et de sainte Julitte (1), et Giraud le Cambrien raconte que le 
bâton en forme de croix de S. Cyrig, tout revêtu d’or et d’argent, 
opérait des miracles à St Harmons, en Galles (2). Il se pourrait que 
la dévotion à ce saint oriental ait passé la mer avec l’évèque S. Ger- 
main, le prédécesseur de celui-ci, S. Amator, ayant introduit le culte 
de S. Cyr à Auxerre (3). Mais rien dans les actes du martyr de Tarse 
ni dans ceux de sa mère ne permet d’éntrevoir ce qui a pu leur valoir 
le patronage de la dévotion à la mesure du Christ en Angleterre. 

L’explication de ce phénomène serait, peut-être, à chercher, dans 
la tradition qui attribuait à un autre S. Cyrice, honoré le 4 mai, 
l'honneur d’avoir découvert la croix du Christ (4). « Cyriacus qui 
crucem Christi invenit », lit-on dans une glose du martyrologe 
d'Oengus (5). 

Comme on a pu le remarquer, le rouleau harléien coté 45. A. 14 
note, de plus, que les privilèges attachés à la dévotion prônée ont 
été enregistrés à Rome. Le rouleau de la même collection coté 
T 41 et le rouleau de Hearne sont encore plus explicites ; ils nous 
apprennent que la dévotion en question a été enregistrée à Saint-Jean 
de Latran (6). L'énumération des reliques et objets précieux réunis 
au Sancta sanctorum du Latran, dont des listes circulaient dans la 
chrétienté, n’a pu manquer d'impressionner vivement les gens du 
moyen âge, qui ont été portés tout naturellement à ajouter à ce riche 
trésor d’autres richesses encore et notamment la mesure de la taille 
de Jésus (7). 

Évidemment, le souci de la vérité historique importait peu à ceux 
qui s’appliquaient à favoriser de pareilles pratiques. Ainsi les feuilles 
imprimées en Allemagne dont il a été question plus haut, placent en 


(1) Lives of Cambro-British Saints, éd. W. J. Rees. Liandovery, 1853, 
P. 276-277, 609-611. 

(2) « In hac eadem provincia de Warthrenniaun, in ecclesia videlicet 
Sancti Germani, baculus qui Sancti Cyricii dicitur » (/tinerarium Kambriae, 
1, x, éd. J. F. Dimocx. Londres (Rolls), 1868, p. 17-18). 

(3) Voir Bozc., Acta Sanct., Jun. IV, 7. 

(4) Voir les Actes apocryphes de ce S. Cyrice dans BozL., Acta Sanct., 
Mai, I, p. 450. 

(5) Édit. Warrzey Srokes. Londres (H. Br. Soc.), 1906, p. 130. 

(6) « For this is regestrid at Rome at John Latorancnsez » (Harl. Roll. 
T. 11); « … as hyt ys regesteryd yn Rome at St John Laterens » (Rouleau de 
Hearne). 

(7) On ne trouve aucune mention de la « mesure » dans Le trésor du Sancta 
Sanctorum par PHiz. LAUER (Fondat. Eugène Piot; Monuments et mémoires. 
Paris, 1906, XV); mais CoLLiN DE PLANCY mentionne, à Saint-Jean de 
Latran, «la mesure de la taille de Jésus : c’est une toise » (Dictionnaire des 
reliques, IL, 70). 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE. 223 


1655 et à Jérusalem l'invention de la « mesure », tout en attribuant 
l'approbation de cette dévotion et les indulgences y attachées à la 
générosité du pape Clément VIII, alors que le pape aussi bien que 
l’anti-pape de ce nom régnèrent bien avant la date de la prétendue 
invention de la soi-disant mesure. 


V. — LA MESURE DE LA PLAIE DU CÔTÉ. 


Le rouleau Harl. T 41, qui mesure 1"22 de long sur 9° de large, 
contient, outre la mesure du corps du Christ représentée par une 
croix en forme de Tau, le dessin des trois clous, qui ont 147°"7 de 
longueur, diverses figures mystérieuses, et enfin la mesure de la 
plaie du côté droit du Sauveur, laquelle est représentée par un 
losange peint en rouge, long de 7°. Les textes sont écrits à l’encre 
noire (maintenant brune), à l’encre rouge et à l’encre verte. Les 
dessins et les hachures sont en rouge et en vert. Entre les clous et 
autour de la plaie ruisselle le sang, figuré par des lignes rouges 
sinueuses. 

La blessure du côté, parfois seule, mais plus souvent accompagnée 
des quatre autres plaies sacrées, a été reproduite à profusion au 
xv*° siècle par l’art xylographique à ses débuts. Elle figure dans les 
livres d'heures, sur des estampes, sur des feuilles ou images de piété 
populaires. À la vérité, les artistes avaient commencé depuis long- 
temps à montrer le Christ blessé au côté droit, mais la représentation 
isolée de la « benoite Plaie du Christ », de la « mesure » de la divine 
blessure a-t-elle existée antérieurement au xv° siècle, qui s’éprit si 
passionnément de la dévotion aux cinq Plaies ? Cela est possible, 
mais nous n’en avons, pour notre part, rencontré aucun exemple ({). 

La « mesure » apparaît fréquemment, comme dans le rouleau 
dont il vient d’être question, sous la forme d’un losange (2) ; mais 
on la trouve aussi figurée par d’autres dessins schématiques : ellipse 
ou lentille bi-connexe, encadrée ou non d’une couronne d’épines, 
ou enfermée dans un losange (3). Quelquefois la blessure d’où 


(1) Voir la plaie du côté d’une grandeur démesurée et en forme de losange 
dessinée sur le corps du Christ, scène du Noli me tangere, peinture à la 
détrempe sur bois, exécutée en Italie au x11e siècle, suivant SEROUX D'AGIN- 
cotrT, Histoire de l’art par les monuments (peinture), V. Paris, 1823, pl. xctt. 

(2) Bibl. de Lambeth à Londres, Ms. 545 (Livre d'heures du xve siècle). 
Cfr W. SPaRROw-SIMPSON, On the measure of the wound of the side of the 
Redeemer (Journal of the British archaeological Association, XXX, 1874, fig. 
de la p. 359); Livre d'heures du xve siècle, décrit par BARBIER DE MONTAULT, 
Œuvres, VI, p. 405. 

(3) Heures Nostre Dame a l'usaige de Seez, suivies d'une Vie ma dame Saincte 
Marguerite, imprimées à Rouen par Nicolas Mulot, vers 1595 (voir SPARROW- 


224 L. GOUGAUD, 0. S. B. 


s’échappent des gouttes de sang apparaît, béante, sur un cœur ; 
quelquefois le cœur vulnéré est lui-même placé dans un losange ou 
encadré d’une couronne d’épines (1). On a un exemple de cœur dans 
lequel s'engage la pointe de la lance (2). Une estampe montre le 
cœur avec la plaie porté par deux anges (3). On voit parfois, dans 
les livres d'heures, les anges soutenant un calice, et le contour 
elliptique de la coupe vue en perspective est censé figurer la mesure 
de la plaie (4). Il arrive aussi que cette mesure soit indiquée, sur 
les estampes du xv° siècle, par une simple découpure pratiquée 
dans le papier (5). 

Variables sont les dimensions de ladite mesure : 6, 9 ou 10°" de 
long ; 3 ou 4 de large, etc. (6). | 

Parfois les deux « mesures », celle de la plaie et celle du corps 
du Christ se trouvent combinées, l'indice de la dernière étant une 
croix dessinée dans la blessure ou placée sur un cœur vulnéré. La 
légende indique par quel nombre il faut multiplier la longueur de 
la croix pour obtenir la dimension de la taille de Jésus-Christ (7). 


SIMPSON, On the measure, fig. p. 352) ; « Mesure » du xv® siècle avancé signalée 
par BARBIER DE MoNTAULT, Œuvres, VII, p. 407; Le Trépassement de la 
Vierge Marie, à Troyes, chez Garnier, s. d., p. 45 (plaie lenticulaire dans un 
losange). Dans l'édition du Trépassement (Épinal, Pellerin, s. d.), citée par 
Cu. NisARD (Hist. des livres populaires, 2e édit. Paris, 1864, IL, p. 6), la plaie 
lenticulaire est entourée d’une couronne d'épines. 

(1) W. L. SCHREIBER, Manuel de l'amateur de la gravure sur dois et sur 
métaux au XVe siècle. Berlin, 1891-1893, II, no 1788 ; CAMPBELL DoDGson. 
Catalogue of early) German and Flemish woodcuts preserved in the Dep. of 
prints and drawings in the British Museum. Londres, 1903, I, p. 109; B.bE V., 
Une ancienne custode (Revue de l'art chrétien, XXXV, 1885, p. 219-223). 

(2) BARBIER DE MONTAULT, Les mesures de dévotion (Revue de l'art chrétien, 
XXXII, 1881, fig. en f. de p. 403). 

(3) SCHREIRBER, Manuel, II, n° 1789; J. E. Wessezy, Die Kupferstich- 
Sammlung der k. Museum in Berlin. Leipzig, 1875, n0 16; PAUL KRISTELLER, 
Holzschnitte im k. Kupferstichkabinett zu Berlin, 2° sér. Berlin, 1915, pl. 50. 

(4) Heures à l'usaige de Poitiers impr. par Simon Vostre en 1491, Heures à 
l'usaige ds Romme impr. par le même en 1498 (BARBIER DE MONTAULT, 
Œuvres, VII, p. 499-410). 

(5) SCHREIBER, Manuel, Il, p. 213. 

(6) « On y voit [sur le saint suaire de Turin] l’imprimure de tout son tres 
sainct corpz.. especialement celle de la plaie du costé longue environ d’ung 
bon demi piedt », au témoignage d'Antoine de Lalaing (1503) (H. THURSTON, 
A propos du Saint Suaire de Turin, dans la Revue du clergé français, XXXII, 
1902, p. 508). 

(7) En multipliant la longucur de la croix par 20, on obtient la « rechten 
leng des leychnams unsers herren Ihu Xpi » (SCHREIBER, Manuel, IL, n° 1789). 
— En multipliant la longueur de la croix par 40, on obtient la « Lengsheitten 
seiner menschait » (SCHREIBER, ÎI, n° 1795). — « La croix en la plaie mesure 
49 foy en la longueur de J. C.» (BARBIER DE MONTAULT, Œuvres, VII, p. 412). 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLHMAGNE. 22h 


Les légendes, ou rubriques, ont aussi la prétention de nous faire 
connaître l’origine de la dévotion. Avec une concordance frappante, 
elle nous apprennent que la mesure de la plaie fut envoyée de 
Constantinople à Charlemagne dans un reliquaire d’or, afin qu'aucun 
de ses ennemis ne lui püt nuire en bataille (1). Citons la légende de 
l'Enchiridion Leonis papae, qui nous renseigne à la fois, comme le 
font beaucoup d’autres textes de ce genre, sur la provenance de la 
mesure, sur ses merveilleuses vertus et sur l'emploi qu'on en doit 
faire : 

Haec est mensura plagae quae erat in latere Christi, declarata 
(lisez : delata) Constantinopoli ad imperatorem Carolum magnum 
io quadam capsaula aurea ut reliquiae preciosissimae pec ullos 
sic) hostis posset nocere ei. Ejus autem tanta est virtus ut nec 
ignis, nec aqua, nec ventus, nec tempestas, nec diabolus possint 
nocere ei qui vel ipse leget, vel legi jubebit vel secum ferret. 
Praeterea mulier dolore partus non morietur quae (lisez : quo) 
die eam viderit, sed subito et facile liberabitur. Deinde quicum- 
que eam mensuram secum gerit de suis inimicis victoriam 
reporta{bi]t neque injuriam aut detrimeutum patit /sic). Denique 
60 die quo eam legerit improvisa morte non peribit (2). 


La plupart du temps, la légende explicative n’est suivie d'aucune 
indication de prière à réciter, détail qui, à lui seul, montrerait que 
nous avons affaire à de véritables amulettes (3). Exceptionnellement, 
on trouve, à la suite de la légende, sur le rouleau Harl. T 11, cinq 
formules de bénédiction en latin, plus les noms du Christ dans la 
mème langue. Un autre document nous donne des formules déjà 
relevées ailleurs : Christus vincit, etc. — Jesus autem transiens, et 
une oraison aux Rois Mages, qui figure également dans beaucoup 
de charmes : | 


Jaspar fert mirram, Melchior thus, Balthazar aurum. In honore 
istorum trium magorum deffendat nos rex angelorum Ihesus (4). 


La mesure de la plaie du côté aurait été dotée par le pape 
Innocent VIII (1484-1492) d'une indulgence de sept années (5). 


(1) Harl. Roll, T. 115 T'répassement de Notre-Dame, éd. de Troyes, p. 45; 
Heures à l'usage de Poitiers impr. par Simon Vostre (1491) (cfr BARBIER DE 
MoNTAULT, op. cit., P 405, 407, 409) : Heures à l'usage de Seez (v. 1595) (cfr 
SPARROW-SIMPSON, On the measure, p. 357.) 

(2) Enchiridion Leonis papae. Moguntiae, 1634, p. 120. 

(3) Ou bien l'oraison est extrêmement brève. Voir Lady Wine, Ancient 
cures, charms and usages of Ireland, Londres, 1890, p. 10-11. 

(4) BARBIER DE MONTAULT, Œuvres, VII, p. 407. 

(5) BarBigrR DE MONTAULT, op. cit., P. 410, 412; SCHREIBER, Manuel 
I, nos 1788, 1789, 1705. | 


226 L. GOUGAUD, 0. S. B. 


Pour la gagner, il suffisait de regarder la feuille portant le dessin de 
la « mesure », de l'afficher dans sa demeure, de la porter sur soi ou 
de la baiser. 

Les mesures des instruments de la Passion ont aussi été trans- 
formées en amulettes par la crédulité populaire : Mesure de la 
croix : « La croix Nostre Seigneur avoit quinze pieds de long et dix 
de travers, qui sont quarante-six foys la mesure de ceste cy.. Et 
fust ceste mesure apportée à (lises : de) Constantinoble d’une croix 
d'or et fust par la main de l'ange Gabriel baillée à Charlemaigne 
empereur, affin que l’ennemy ne luy peust nuyre en bataille » (1). 
— Mesure de la lance dont fut percé le côté du Sauveur (2). — 
Mesure des clous qui furent enfoncés dans ses mains et dans ses 
pieds (3). 

On croyait aussi connaître la hauteur de taille de certains per- 
sonnages célèbres, celle de la Sainte-Vierge, par exemple, et de 
divers saints (4). La « longueur de Saint Sixte » était honorée dans 
certains lieux de pèlerinage (5). 

D'autre part, bien connues sont les offrandes d’une longueur, 
d’un poids ou d’un volume rituellement déterminés faites à tel 
saint. Volontiers on promettait — on promet encore — un cierge ou 
tel autre ex-voto de la longueur ou du poids d'une personne guérie 
ou à guérir, ou de la longueur d’un membre malade, ou encore une 
quantité de grain correspondant au poids du donateur (6). 


(r) Livre d'heures du xvre siècle (BARBIER DE MONTAULT, op. cit., p. 350-351). 

(2) CarL RICHSTAETTER, Die Herz-Jesu-Verehrung des deutschen Mittel- 
alters. Paderborn, 1919, p. 103-104 et pl. 40 c 

(3) « Hec est vera longitudinis forma claui Christi » (Harl. Roll, T x1). 
Voir une gravure sur bois des environs de l’an 1500, avec un texte dans Île 
dialecte de Hagenau-Maycence, chez P. Heïrz, Pestblätter des XV. Jahr- 
hunderts. Strasbourg, 1901, pl, 1. 

(4) Bibl. de Lambeth, à Londres, Ms. 306 (xve siècle), fol, 177 ro, passage 
édité par TH. Wkicur et J. O. HarziweLz, Reliquiae antiquae. Londres, 
1843, I, p. 200. Cfr H. Moses. Die länge heil, Personen (Zeitschrift f. üsterreich. 
Volkskunde, IV, p. 152, 208). 

(5) Max BARTELS, Volks-Anthropometrie (Zeit. d. V. f. Volkskunde, XII, 
1903, p. 307). 

(6) GRÉGOIRE DE Tours, De Virtutibus S. Martini, I, 11 (P. L., LXXI, 924; 
M. G., Scr. rer. Merov., I. 595); Miracula S. Lutgeri, VII, 41 (BoLL.. Acta 
Sanct., Mart. III, 659); Vita S. Samsonis, 1, 3, éd. R. FAWTIER. Paris, 1912, 
p. 101-102. Cfr #bid., p. 37. — Voir F. Duixe, Questions d'hagiographie et Vie 
de S. Samson. Paris, 1914, p. 66; Léor. DeLisLe, Notice sur une forme de 
vœux usitée en Normandie au moyen âge (Mém. de la soc. académique de 
Cherbourg, XIX, 1912, p. 111-120); BARBIER DE MONTAULT, Les mesures 
(Œuvres, VII, p. 470 s.); D. Rock, The Church of our Fathers. Londres, 1903, 

LI, p. 191-197; ALPH. De Cocx, Volksgeneeskunde in Vlaanderen. Gand, 1891, 


LA PRIÈRE DÎTE DE CHARLEMAGNE. 22? 


Dans son ouvrage De decem praecepts, le théologien Thomas 
Ebendorfer de Haselbach (+ 1464) réprouve la coutume d'offrir une 
verge de la taille de l'impétrant (virga quae orantis continet longitu- 
dinem) (4). Nonobstant de semblables condamnations, ces applica- 
tions superstitieuses de l’anthropométrie aux choses de la religion 
se sont perpéluées jusqu’à nos jours. La prière de Charlemagne fut 
de même condamnée par le chanoine régulier Jean Busch vers la 
méme époque ; mais les condamnations des théologiens ont peu 
d'effet sur la piété dévoyée ou mal éclairée des foules si le clergé 
local reste inactif. C’est à lui qu’il appartient de sarcler sans relâche 
la glèbe où s'implante et se multiplie si facilement la superstition. 


VI. — LA PRIÈRE DE CHARLEMAGNE. 


Jean Busch, l’auteur de la Chronique de Windesheim et du Liber 
de refurmalione monasteriorum, se trouvait à Halle en 1451. A 
l'occasion du jubilé, une femme vint se confesser à lui. Elle portait 
au cou un petit sachet qui intrigua fort le confesseur. Lui ayant 
demandé ce qu’il contenait, la brave femme répondit qu'elle y 
gardait précieusement un billet de parchemin dont elle ne se séparaïit 
jamais, car il l'avait déjà préservée d’une foule d'accidents. Busch 
se fit montrer le billet, il y lut que le pape Léon avait promis à tous 
ceux qui en seraient porteurs de « n'être jamais blessés par le fer, 
jamais brülés par le feu, jamais surpris ni submergés par les eaux, 
jamais exposés à aucun accident. Ils ne tomberaient jamais entre les 
mains de leurs ennemis ; bref, ils seraient à l’abri de tout danger. » 
Ces promesses étaient suivies de diverses formules : Christus vincit, 
Christus regnat, elc.; noms des Apôtres, noms des Rois Mages, le 
tout entrecoupé de beaucoup de croix. Le chanoine fit comprendre 
à sa pénitente que cet assemblage de mots et de signes, qui passait 
pour être doué d’une telle puissance de préservation, n’était ni 
authentique, ni conforme à la vraie foi catholique. En conséquence 
il prononcça cette sentence : « Illa que in ea [scedula] scripta sunt 
contra Deum et fidem sunt catholicam et omnino non sunt vera in 
scedula ista vobis promissa nec Leo papa donavit ista hanc defe- 


p.125; AD. FRAxZ, op. cit., IL, p. 199 et 457-467; An. WuTTKkE, Der deutsche 
Volksaberglaube der Gegenwart. Berlin, 1900, p. 506 ; EmiLe H. VAN HEURCK, 
Les drapelets de pèlerinage en Belgique et dans les pays voisins. Anvers, 1922, 
P. 263; du méme, Le contrepoisage et le rite des offrades substitutives et 
potives (Bulletin de la soc. francaise d'histoire de la médecine, XVII, 1923, 
P. 101-103). 

(1) Cité par A. E. ScHôNBACH, Zeugnisse zur deutschen Volkskunde des 
Mittelalters (Zeit. d. V. f. Volksk., XII, 1902, p 7). 


228 L. GOUGAUD, 0.S.B. + 


renti. » Et la femme dut livrer son billet, qui fut brülé incontinent (1). 

Jean Busch ne dit pas si le non de Charlemagne figurait sur le 
parchemin, mais la description détaillée qu’il donne du document 
nous autorise à y voir une copie de l’apocryphe soi-disant adressé 
par le pape Léon à ce monarque. Nous avons examiné une trentaine 
de copies de cette pièce provenant de différentes régions de l’Europe. 
Presque toutes portent qu’elle fut envoyée par le pape Léon à 
Charlemagne. Deux d'entre elles cependant font mention d’autres 
personnages. Un livret de prières non daté impimé chez Pellerin à 
Épinal renferme une « bénédiction » que labbé Coloman aurait 
adressée à son père .« le roi Tibéry » au moment où celui-ci se 
disposait à partir en campagne. Il faut noter d'ailleurs que ce même 
texte ajoute que la bénédiction en question fut « approuvée par le 
pape Charles-Léon », qui l’envoya aussi à son frère (2). Un autre 
livre de dévotion, Der wahre geistliche Schild, celui-ci imprimé à 
Prague au xvn° siècle, nous permet de débrouiller l'énigme enve. 
loppée dans le farrago d'Épinal. lei la bénédiction est adressée 
par le pape Léon à son frère Charles et également par « le digne 
abbé Colomanus à son père le roi d’Ybérie — dem Künig von Ybe- 
rien fsic) » (5). Du rapprochement de ces deux textes on peut d’abord 
conclure que le Coloman en question n’est autre que le saint irlandais 
de ce nom dont la popularité s’est perpétuée jusqu’à nos jours dans 
diverses régions de l’Europe centrale (4). On peut conclure, en 
outre, que « le roi Tibéry » du texte français est une cacographie 
pour « roi d'Hibernie », c’est-à-dire d'Irlande. Quant à l'introduction 
de Coloinan dans cette affaire, elle doit s'expliquer tout simplement 
par la confusion du nom latin de ce saint (Colomanus) avec le nom 
latin de Charlemagne (Carolus magnus). 

Notons que la composition de la prière — ou de la « lettre », 
comme l’appellent plusieurs de nos textes, — n’est pas attribuée au 
pape Léon. On nous présente simplement ce pape comme l'expéditeur 
du document. D’après un texte du xur° siècle, sur lequel nous aurons 


(1) J. Busca, Liber de reformatione monasteriorum, IL, 9, 6d. KarL GRUBE 
(Geschichtsquellen der Provinz Sachsen, XIX). Halle, 1886, p. 699-700. 

(2) Pratique de dévotion de N.-D. de Bon-Secours, etc. (Épinal, Pellerin, 
s. d.), cité par CH. NisaRD, op. cit., 2° 6d., II, p. 44. 

(3) Der wahre geisiliche Schild. Prague, 1647. Cfr Frep, Losc, Deutsche 
Segen, Heil- un1 Bannsprüche (W'ürttembergische Jahrbücher fur Statistik und 
Landeskunde, 1890). Stuttgart, 1891, Il, p. 244 s.;5 K. MUELLENHOFF et 
W. SCHERER, Denkmäler deutscher Poesie und dem VIII.-XI, Jahrhundert. 
Berlin, 1892, IL, p. 299. 

(4) Voir mes Gaelic pioneers of Christianity. Dublin, 1923, p. 123-124, 
143-145. 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE. 390 


a revenir, l’auteur en serait saint Silvestre (1). Un autre, celui-ci du 
xre siècle, dénomme la pièce £pistola sancti Salvatoris (2), et un 
troisième, du xvi° siècle, veut que la lettre ait été expédiée du ciel 
par le pape Léon au roi Charles (Das ist der brief, den bapst Leo 
kunig Karolo von Himel sant) (3), tandis qu'ailleurs on prétend que 
c'est Dieu lui-même qui l’envoya par un ange à Léon, afin que 
celui-ci la transmit à Charles (4). 

Le lieu où la lettre aurait été trouvée, c’est d’après le plus grand 
nombre des témoignages, le Saint-Sépulcre (5). Quant à la date de 


(1) La chanson du Chevalier au cygne, vers 4888 et suiv., éd. C. HIPPEAU, 
Paris, 1874, 1, p. 179, 

(2) « Hec est epistola Sancti Salvatoris quam Leo papa transmisit Karolo 
regi » (Cathédr. de Lincoln, Ms. A. 1, 17, édité par C. HoRsTMAN, Yorkshire 
writers, Richard Rolle of Hampole and his followers. Londres, 1896, I, p. 376). 
Voir The Espitle of St Sauior, éditée par REGINALD ScoT, T'he discoverie of 
Witchcraft, a reprint of the rs! edit. published in 1584. Londres, 1886, p. 187. 

(3) Pièce conservée dans les archives de la famille von Stockalper, de 
Brigue (Suisse) et publiée dans le Schweizerisches Archi für Volkskunde, 
IV, 1909, p. 340. 

(4) « Holie writing that was brought downe from heauen by an angell to 
S. Leo pope of Rome and he bid him take it to king Charles, when he went 
to the battel and Ronceuall » (Texte anglais du xvie siècle, édité par Reci- 
NALD SCOT, op. cit., p. 187). — « Kragtig Gebedt van ’t H. Kruys onzes Heere 
Jezus Kristus gebragt uyt den Hemel aan den Paus Leo van den Engel Godts 
‘t welk hy daarna gezonden heeîft aan den Koning Karel als hy ten stryde 
cou gaan » (Texte flamand du xvarie-xixe siècle, cité par E. H. VAN HEURCK 
et G. J. BOEKENOOGEN, Histoire de l'imagerie populaire flamande. Bruxelles, 
1910, p. 75). 

(5) Texte flamand (xvarie s.): éd. DE Cocx, Volksgeneeskunde in Vlaanderen, 
p.111; E. H. van HEeurcx et G. J. BOEKENOOGEN, loc. cit. ; TRICOT-ROYER, 
art. cité, p. 284. — Texte allemand : Vocr, Die Schutzbriefe, p. 616. — Autre 
texte allemand (xixe s.) : éd. L. STRACKERJAN, Aberglauben und Sagen aus 
dem Herzogtum Oldenburg. Oldenbourg, 1867, p. 59. — Texte anglais : éd. 
T. O'DonErTY, À scandalous imposture, dans l'Irish ÆEcclesiastical Record, 
se sér., XII, 1918, p. 421-422. — Autre texte anglais : H. THurSroN, Omens, 
dreams and such-like fooleries, dans le Month de déc. 1914, p. 632. — Texte 
français moderne : éd. CH. CaLirre, Prières efficaces et porte-bonheur (Revue 
du clergé français, LXXXIX, 1917, p. 248). — La prière Anima Christi et 
l'Ave verum Corpus natum auraient été également trouvés dans le sépulcre de 
N.S. J. C. à Jérusalem (J. B. Thiers, Traité des superstitions, IV. Paris, 
1704, p. 55). — D’autres prières passaient pour avoir été trouvées «sur le 
sépulcre de N.-Dame en la vallée de Josaphat » : « O glurieuse Vierge Marie, 
Mère de Dieu, dame des anges (Trépassement de N.-D., p. 47), « Jésus en croix, 
fils de Dieu le Père omnipotent » (Heures de Notre-Dame à l'usage de Soissons. 
Paris, 1598, citées par J. B. Tiers, op. cit., IV, p. 93 et du même, De la plus 
solide, la plus nécessaire et souvent la plus négligeée de toutes les dérotions. 
Paris, 1702, p. 729). 


REVUE D'HISTOIRE RCCLÉSIASTIQUE, XXe 15 


— 


230 °  L, GOUGAUD, 0.S. Be 


l'invention, elle varie considérablement d’une version à l’autre : 303, 
783, 803, 1303, 1505 (1), variations qui sont dues aux manipulations 
infinies dont ces textes ont été l’objet au cours des siècles. 

A un moment donné de son histoire apocryphe — après sa 
réception par Charlemagne, semble-t-il, — la pièce aurait été déposée 
« à Saint-Michel en France » (lisez : au Mont-Saint-Michel), où on pou- 
vait la voir « admirablement gravée (ou imprimée) en lettres d'or » (2). 

Comme on l’aura remarqué, un bon nombre de particularités 
observées dans les apocryphes passés en revue précédemment se 
retrouvent dans celui-ci. Des formules latines déjà connues entrent 
dans la composition de la lettre-bénédiction du pape Léon. Citons 
les suivantes : 

4° Jesus autem transiens per medium 1llorum bat (3). 

2° Les noms de Dieu (4). 

5” Les noms des rois Mages (5). 

4’ Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat (6) ou bien : 
+ Christus vioit + Christus imperat  Christus regnat + Christus me 
{[Gallum] benedicut et defendat. Amen (;), furmule très voisine de 
celle qui accompagne la mesure du corps du Christ déjà signalée 
dans un manuscrit de Zurich (N° 404 ; xv° siècle), lequel contient 
également la prière de Charlemagne. 

Mais il s'en trouve encore d’autres qui n’ont pas été signalées 
dans les dévotions précédentes : 

4° Les noms des Apôtres (8). 

2 Les noms des Évangélistes (9). 

5° L’oraison des sept dernières paroles de Jésus en Croix, que l'on 
trouve attribuée au Vénérable Bède dans un grand nombre d'anciens 


(1) Les plus tardives de ces dates ont induit bien des gens(voir le Dr TricorT 
RoYEr, loc cit.) à croire que l’empereur Charles mentionné dans ces textes 
était Charles-Quint, monarque dont la légende est encore si populaire dans 
les Flandres. 

(2) J. STRACKERJAN, loc. cit.; Vocr, loc. cit.; HEUKRCK et BOoEKENOOGEN, 
loc. cit. ; CALIPPE, loc. cit. — Variantes : « Quand il [Charlemagne] partit à 
l'armée pour combattre les ennemis envoyés à Saint-Michel en France. » 
(CaLiPreE, art, cité, p. 145, n. 3); « Dicser Bricf war geschrieben auf das Bild 
des f:rzengels Michaelis bei unseren Papst Leo.» (Vocr, art. cité, p. 615). 


‘ D'après un autre texte allemand, la lettre aurait été conservée «in der 


Michaeliskirche zu St Germain » (K. OLBsricH, Ueber Waffensegen, p. 92). 
(3) JWERNER, art. cité, p. 234 ; F. LoscH, art. cité, p. 244. 
(4) JWERKNER, loc. cit.; REG. Scor, loc. cit. 
(5) JWERKER, loc. cit. ; JEAN BUSCH, loc. cit. 
(6) J. Buscu, loc. cit. ; F. LoscH, loc. cit. 
(7) JWERNER, loc. cit. 
(8) J. Buscu, loc. cit. 
(y) JWERKNER, loc. cit. L 


Le] 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE, 231 


recueils (1). L’Enchiridion Leonis papae la donne comme particu- 
liérement efficace en cas de naufrage. 

4 L'oraison Prapitius esto mihi peccalori, attribuée sans fonde- 
ment à S. Augustin, et qu’on donne comme protégeant infailliblement 
quiconque la récite, l’entend réciter ou la porte sur soi (2). 

5° Une série d’invocations à la Croix, dont le nombre et la forme 
varient beaucoup suivant les recensions. Elles commencent souvent 
par ces mots : 

a) Crux Christi est arma invincibilis (5) ; 

b) Crux Christi sit semper apud me N. (4); 

c) Bént Seigneur Jésus, vous êtes mort au gibet de la croix (5). 

Les invocations à la Croix sont, de toutes les formules citées, 
celles qui figurent le plus fréquemment dans la composition ou à la 
suite de la prière de Charlemagne. 

C'est au moment où il entreprenait une de ses campagnes que 
Charles reçut ce précieux talisman, qui devait lui procurer l'invul- 
nérabilité dans les combats (6). La campagne durant laquelle il s’en 
servit pour la première fois serait, d'après certains textes, celle de 
Roncevaux (7). 11 l’aurait fait graver en lettres d'or sur son bou- 
clier (8). Quiconque récitera la même oraison, ou l'entendra réciter, 
ou la portera sur soi, ou l’affichera dans sa demeure, jouira de la même 


(1) JWERNER, loc. cit. ; Schweigerisches Archiy f. Volkskunde, IV, 1909, 
p. 340. — Cfr Oratio de septem verbis Christi in Cruce (P. L., XCIV, 561-562); 
Br. Mus. Ms. add. 37787, fol. 60; Enchiridion Leonis D Apae. p.130; Liber 
precum in quo variae et multae egregiae preces.. continentur (Lutitiae, 1858, 
p. 468). 

(2) « Nota sequentem orationem fquam] dicebat Carolus magnus dum 
debebat intrare bellum et victoriam habuit de inimicis, et quicumque dixerit 
eam toti die cum devotione nullum malum inveniet, etc.» Suit la prière 
Deus propitius esto mihi peccatori (Ms. 73 de Carpentras, livre d'heures du 
xive siècle). Cfr Nicozas SALICET, Antidotarius animae (1494), fol. XxXxvI1; 
Enchiridion Leonis papae, p. 150. 

(3) Horrsuan, op. cit., L, p. 326; Rec. Scor, op. cit., p. 187. Cfr CALIPPE, 
art. Cité, p. 249. 

(4) Fr. LoscH, art. cité, p. 244. 

(5) T. O’DoxerrTy, loc. cit. ; TRICOT-ROYER, loc. cit. Voir encore SCHOEN- 
BACH, Zum Tobiassegen (Zeitschrift fur deutsche Altertum, XXIV, 1880, p. 187); 
Jwerxer, loc. cit.; VoGr, art. cité, p.616, 617 ; Erchiridion Leonis papae, p. 79. 

(6) Chanson du Chevalier au cygne, loc. cit. ; Ms. 73 de Carpentras déjà cité. 
Voir aussi beaucoup d’autres textes cités. — Suivant une version anglaise 
moderne, c’est en l'an 808 que Charlemagne aurait reçu la merveilleuse 
iettre de Léon (H. THURSTON, art. cité, p. 632). 

(7) ReGiwazD Scor, Discoverie, p. 187; DaAvipsson, Isländische Zauber« 
ieichen, p. 164-166. 

(8) OzsricH, loc. cit. ; Vocr, toc, cit. 


232 L, GOUGAUD, 0. S. H. 


protection. Il sera à l'abri des coups de ses ennemis, de la foudre, 
des maléfices diaboliques, et ne risquera pas de périr de mort 
violente (1). Si la mer est agilée par la teinpète, la lettre de Charle- 
magne pourra la calmer (2). Aux environs de Bruxelles, on attribuait 
encore une autre propriété au même texte, au début du xx° siècle. 
« Le conscrit qui lira quotidiennement cette prière pendant les huit 
jours qui précèdent le tirage au sort et la liera au bras avec lequel 
il tirera son billet de l’urne, est assuré de tirer un bon numéro » (5). 
Mais, pour que tous ces heureux résultats se produisent, il faut avoir 
foi en l’authenticité de la promesse et en sa singulière puissance. 
Cette promesse, ne craignent pas d'affirmer ces grimoires, « est 
aussi vraie que l'Évangile » (4). 

Est-il besoin de le dire, c’est en vain qu’on chercherait dans les 
textes de l’époque carolingienne un témoignage quelconque en 
faveur de l'authenticité de ce document. I! est inadmissible qu'un 
pape en ait été l'expéditeur, et il est inconcevable que Charlemagne 
l'ait utilisé, comme on le prétend, lui qui, toujours soucieux d’ortho- 
doxie, u’hésita pas à condamner formellement, en 789, la fameuse 
Lettre du dimanche et d’autres apocryphes du mème genre comme 


(1) Voir les textes déjà cités et spécialement STRACKERJAN, Op. cit. — La 
coutume de porter sur soi des textes scripturaires, notamment l’évangile de 
S. Jean, cest très anc'enne parmi les chrétiens. Voir par exemple : S. JEAN 
CHRYSOSTOME, Homil. 72 in Mat. (P. G., LVIII, 669), Homil. 19 ad pop. 
Antioch. (P.G , XLIX, 196); IsiboRE DE PÉLUSE, Epistolae, lib. I], 150 (P. G., 
LXXVII, 603-604); S. JÉRÔME, In Ev. Mat. 1V, 23 (P. L., XXVI, 174-175); 
JEAN DE SALISBURY, loly-crat., II, 1 (P. L. CXCIX, 416); HEecror BoETHits, 
Scotorum historiae, 1526, fol. cLiv vo; J. B. T'HIERS, Traité des superstitions, 
I, p. 315-316; JoHANNEs DôLLer, Das Gebet im alten Testament (Theol. Studien 
der Leo-Gesellschaft, XXI. Vienne, 1914, p. 83); E8B. NESTLE. Evangelien als 
Amulet (Zeitschrift fur die neutestamentliche Wissenschaft, VII, 1906. p. 96); 
L. Goucaup, Étude sur les loricae celtiques (Bull. d'anc. litt. et d’arch. chrét., 
II, 1912, p. 113). — Dans la copic du Ms. de Trinity College (Dublin), la lettre 
à Abgar est suivie de cette oraison : « Euangelium D. N. J. C. liberet nos, 
protegat nos, custodiat nos, dcfendat nos ab omni malo, ob omni periculo, ab 
omni languore, ab omni dolore, ab omni plaga, ab omni inuidia, ab omnibus 
insidiis diabuli et malorum hominum hic et in futuro. Amen. >» — On a trouvé 
des criminels porteurs de pièces superstitieuses et qui croyaient se rendre 
ainsi invulnérables : A. FRANz, Die kirchlichen Benediktionen, I, p. 299; La 
lettre de Jésus-Christ aux Bretons (Fureteur breton, IL, 1906-1907, p. 158, 272, 
II, p. 178, IV, p. 30, IX, 1913-1914, p. 59). En 1868, on trouva une copie 
sténographiée de la prière de Charlemagne sur la personne d’un incendiaire 
en Irlande (Notes and Queries, 4e sér., II, 1865, p. 105-106). 

(2) Ms. A. 1. 17 de la cathédrale de Lincoln (HoxSTMAN, Yorkshire 
writers, I, p. 376). 

(3) Hæurck et BOEKENOOGEN, Hist. de l'imagerie populaire flamande. p. 74. 

(4) STRACKERJAN, loc. cit.; T. O'DoHERTY, loc. cit. 


LA PRIÈRE DIIE DE CHARLEMAGNE. 233 


contraires à la foi catholique ; « pseudografia et dubiae narrationes 
tel quae omnino contra fidem catholicam sunt ». Qu'on veuille bien 
remarquer les termes « contra fidem catholicam », employés par 
Charlemagne dans cette circonstance, ce sont les mêmes que Jean 
Busch employa, de son côté, en 1451, pour stigmatiser la prétendue 
prière du pape Léon (1). 

Le plus ancien texte qui, à notre connaissance, mentionne une 
prière familière à Charlemagne est La chanson du Chevalier au 
Cygne, dont la forme primitive — celle précisément qui contient le 
passage qui nous intéresse — remonte au xmi° siècle. Voici ce 
passage : 

Chil Sires t'aidera qui fist la quarentaine, 

Ja fist-il le pardon Marie Madeleine 

Et si salva Jonas el ventre a la balaine ; 

Por vos commencherai l’orison Karlemaine 

Qu'il disoit en bataille quand on lachoit s’ensaigne. 
Puis ne dotoit il home en bataille prochaine. 
Saint Selvestres la fist en cele quarentaine 

Que Thesu jeüna quant il sist à la chaine, - 

Et puis en converti si la roine Elaine 

La mère Costentin dont l'ame devint saine (2). 


Il s’agit bien ici, on le voit, d'une oraison que Charles récitait dans 
les combats « quand on lächait son enseigne » ; mais il n’y est point 
fait mention du pape Léon. La composition en est attribuée au pape 
S. Silvestre. Un « bref » superstitieux en vers, également du 
xu siècle, était utilisé dans les passes dangereuses de l'existence, 
par exemple par les femmes en couches, ainsi que plusieurs de nos 
apocryphes, et il passait également pour avoir été composé par « un 
pape de Rome » : 


(1) On a néanmoins donné le nom d'«amulettc» ou de etalisman de Char- 
lemagne » à divers objets qu'il aurait portés sur lui par dévotion ou par super- 
sütion. Voir, à ce sujet : FR. KAUFMANN, Vom Talisman Karls des Grossen. 
Kanonicus A. J, Bless und der Aachener Münsterschatz zur Zeit der franzü- 
sischen Revolution. Aix-la-Chapelle, 1920 ; Sir MARTIN Conway, The Amulet 
of Charlemagne (The Antiquaries journal, Il, 1922, p. 350-353); D. H. Le- 
CLERCO, art. Charlemagne (Dict. d’arch. chrét. et de liturgie, col 696-698). 

(2) Vers 4882 et suiv. Ed. C. HippEau (Paris, 1874, t. I, p. 179). Sur la date 
de la forme la plus ancicnne du poème, consulter la Romania (XXIIL, 1894, 
P. 445) et l'Histoire de la littérature française publiée sous la direction de 
J. BËoier et P. Hazarp, I, p. 35. Le remaniement du Chevalier au cygne 
exécuté au xrve siècle, publié par DE KEIFFENBERG et BORQUET (Bruxelles, 
1846-1848), ne contient rien sur « l'orison Karlemaine ». Je dois ces derniers 
renseignements à l’obligeance de mon ami M. Noël Dupire, professeur au 
lycée Pasteur à Neuilly. 


234 | L. GOUGAUD, O. 8. B. 


Quant fame enfantera metés ces brief sur lui, 
Celle escapera vive et ses frus autresi. 
Li papes fu de Roume ki le traita et fist (1). 


Ce bref de dévotion est également pourvu de la litanie des noms 
de Dieu (au nombre de quinze) et d’une invocation aux Rois Mages ; 
mais qu’il soit identique à la prière que nous étudions, cela est 
fort douteux. Quant à la prière du livre d’heures de Carpentras 
(xive siècle), soi-disant récitée par Charlemagne « dum debebat 
intrare bellum », elle n’est autre que l’oraison pseudo-augustinienne 
Deus propitius esto mths peccatori (2). 

Ce n’est qu’au xv° siècle qu’on est absolument sûr d’avoir affaire 
à la lettre-prière envoyée par le pape Léon à Charlemagne. Nous en 
trouvons tous les éléments caractéristiques, avec le nom de l’expédi- 
teur et celui du destinataire, dans quatre inanuscrits au moins de 
cette époque d’origine germanique : 

4° Zurich, Ms. 101, fol. 406 r°. 

2° Munich, Cgm. 850, fol. 62 r°. 

5° Université de Breslau, Ms. I. D. 8, fol. 1457 (3). 

4° Rillet trouvé par Jean Busch à Halle en 1451. 
et dans un manuscrit d’origine anglaise : 

Lincoln, Ms. A. 1. 47, fol. 176 r°. 

Quels faits historiques ou quelles traditions légendaires ont pu 
donner à un faussaire du moyen âge l’idée de fabriquer, avec quel- 
que soupçon de vraisemblance, un apocryphe voué à une telle 
popularité, c’est ce qu'il nous reste à rechercher. 

Les relations amicales de Charlemagne avec le pape Léon II 
(795-816), qui eurent un si grand retentissement dans l’histoire, 
commencèrent dés le début du règne de ce pontife. Aussitôt après 
son couronnement, il fit don à Charles des clefs de la Confession de 
saint Pierre et de l’étendard de la ville de Rome (4). L'envoi de 
l’étendard fut immortalisé par des mosaïques et par une inscription 
commémorative que Léon fit exécuter au Latran avant l’an 800. 
D'après Alemanni, on y lisait ces mots : « Beate Petre, dona vitu 
Leoni P. P. et bictoria Curulo regi dona » (5). 


(x) Édit. Pauz Meyer, Un bref superstitieux du XIII® siècle en vers français 
(Bulletin de la société des anc. textes français, XVII, 1891, p. 73). 

(2) Catalogue des manuscrits des bibliothèques publ. des départements, Car- 
pentras, I (190 }, p. 39. Cfr PErRTz, Archiv, VII, 1839, p. 207. 

(3) Les deux premiers manuscrits ont déjà été plusieurs fois mentionnés. 
Sur celui de Breslau, consulter Vocr, art. cité, p. 617 et les Mitteilungen des 
schlesischen Gesellschaft für Volkskunde, XIII, p. 36 s. 

(4) Annales Laurissenses majores, À. D. 796. 

(5) Sur la mosaique du Triclinium du Latran, voir D. H, LecLERCQ, art, 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE. 235 


L’étendard envoyé par le pontife romain devint la fameuse enseigne 
de Charlemagne dont il est fait mention dans les chansons de geste 
et à laquelle la Chanson de Roland donne le nom de « Romaine » (14). 
Quant aux clefs de saint Pierre, elles étaient une sorte de décoration 
que les papes envoyaient à de très hauts personnages. Portées au 
cou, elles devaient préserver de tous les maux (2). 

À ces présents, Léon en ajouta bien d'autres dans la suite. La 
légende voulait que le pape eût envoyé à l’empereur une statue de la 
Sainte Vierge fixée dans un médaillon et sculptée de ses propres 
mains (3). 

Les deux personnages se rencontrèrent plusieurs fois en des 
circonstances mémorables. En 799, Léon HE, venu à Paderborn, 
avait trouvé auprès de Charles un chaleureux accueil qui le consola 
des avanies qu’il venait d’essuyer à Rome (4). L'année suivante, dans 
la nuit de Noël, le pape conférait le titre d’empereur au roi des 
Francs et posait sur son front la couronne impériale. En 804, le 
pontife eut une nouvelle entrevue avec l’empereur à Aix-la-Chapelle, 
Voilà, résumés en quelques lignes, un ensemble de faits historiques 
qui dut vivement impressionner les contemporains et les générations 
qui suivirent. D’après une légende qu'on voit se former dès le 
x° siècle, Charlemagne passait, en outre, pour avoir fait le pèlerinage 
de Jérusalem et de Constantinople. Jusqu'au xv:° siècle, on crut ce 
pélerinage authentique (5). De ce voyage en Orient, Charles avait, 
croyait-on, rapporté quantité de reliques dont il avait généreusement 


Charlemagne (Dict. d'arch. chrét. et de liturgie, col. 661-681). Cfr ARTHUR 
KLBINCLAUSZ, L'empire carolingien, ses origines et ses transformations. Paris, 
1902, p. 177. 

(1) Chanson de Roland, v. 3092 s. ; La chevalerie Ogier, v. 4685. 

(2) A. KLEINCLAUSZ, op. cit.. p. 115. 

(3) D. H. LecLercQ, art. cité, col. 742-743. 

(4) Voir le poème Carolus magnus et Leo papa (P. L. XCVIIL, 1443) attribué 
parfois à Alcuin, mais préférablement à Agilbert. ManiTius, Das Epos.. 
(Neues Archiv, IX, 1884, p. 616); L. HALPHEN, Etudes critiques sur l’histoire 
de Charlemagne. Paris, 1921, p. 229 ; J. Béotrer, Les légendes épiques. Paris, 
1921, IV, p. 440. 

(5) Comte RranT, Les dépouilles religieuses enlevées à Constantinople au 
XIII siècle par les Latins (Mémoires de la soc. des Antiquaires de France, 
XXXVI, 1875, p. 11). Sur la Chanson du pélerinage de Charlemagne, voir 
L. Mocanp, Charlemagne à Constantinople et à Jérusalem (Revue archéolo- 
gique, 2° sér., II, 1867, p. 36-50); GasTon Paris, La chanson du pélerinage 
(Romania, IX, 1880, p. 16 s.); H. Morr, Étude sur la date, le caractère et 
l’origine de la chanson du pélerinage de Charlemagne (Romania. XIII, 1884, 
p. 185-232); Juzes CouLer, Étude sur l'ancien poème français du voyage de 
Charlemagne en Orient. Montpellier, 1907 (Soc. pour l'étude des langues 
romanes, Public. spéciales, n° 19) ; J. BÉDIER, op. cit., IV, p. 445-446, 


236 L. GOUGAUD, O. S. B. 


doté maintes églises d'Occident (1). On était persuadé notamment 
qu'il avait rapporté la sainte Croix du Saint-Sépulcre et un des clous 
de la Passion, ainsi que la couronne d’épines, de Constantinople, 
reliques que Charles le Chauve aurait données plus tard à l’abbaye 
de Saint-Denis en France (2). 

Si Charlemagne n’alla jamais en Orient, il est du moins établi 
qu'il noua des relations avec le calife Haroun-al-Raschid, qui lui fit 
remettre par ses ambassadeurs les clefs du Saint-Sépulcre, l’étendard 
de la ville de Jérusalem et de précieuses reliques. Le calife aban- 
donna mème le Saint-Sépulcre en toute propriété à Charles, donation 
qui fut l'origine du protectorat des Carolingiens sur les Lieux- 
Saints (3). 

L'imagination populaire, toujours avide de merveilleux, ne s’est 
pas fait faute de broder sur ces données historiques et sur ces 
traditions légendaires. On a voulu que la « Longueur du corps du 
Christ », mesurée sur une croix d’or conservée à Constantinople, ait 
été baillée à Charlemage par l’ange Gabriel, on a voulu que la 
« Mesure de la plaie du côté » ait été envoyée de Constantinople à 
l’empereur dans un reliquaire d’or, ou que, d’après d’autres ver- 
sions, le Saint-Sépulcre ait été l'endroit où furent trouvées ces 
précieuses « mesures », ainsi que la lettre-pritre adressée par le pape 
Léon au grand monarque, protecteur des Lieux-Saints, champion de 
Dieu et zélateur de la foi chrétienne. Ce dernier document était 
destiné à lui assurer partout la victoire et à le préserver de toute 
influence néfaste, comme l'enseigne « Romaine » et comme les clefs 
de la Confession de saint Pierre. 

On trouve souvent plusieurs de nos apocryphes réunis dans un 
même manuscrit (4). Souvent transcrits par la même main, souvent 
récités par les mêmes lèvres, il n’est pas étonnant qu'ils se soient 


(1) Comte RranrT, art. cité; LÉON GAUTIER, Les épopées françaises. Paris, 
1867, IT, p. 2675. 

(2) « Qualiter dominicum sepulcrum adiit ct qualiter lignum dominicum 
secum adtulit unde multas ecclesias dotavit, scribere nequeo. » (Chronique 
de Turpin, citée par LÉON GAUTIER, op. cit., p. 267 s.). Voir encore dans ce 
même ouvrage, p. 264 et G. RAUSCHEN, Die Legende Karls des Grossen im 
11. und 12. Jahrhund. Leipzig, 1900, p. 146. 

(3) EinHaRo, Vita Caroli magni, 16 (P. L., XCVIL, 40); Annales Eginhardi, 
A. D. 800 (M. G. Script., I, 187); Annales Laurissenses (Ibid.). Cfr L. BÉbier, 
L'Église et l'Orient latin au moyen âge. Les croisades. Paris, 1907, p 245. 

(4) Estampe décrite par Schreiber (Manuel, t. II, n° 1789); estampe 
no 1705, tbid.; Br. M., Harl. Roll. T. 11; estampe de feu Julien Durand 
décrite par Barbier de Montault (Œuvres, VII, p. 412); Pratique de dévotion 
à N.-D. (NisarD, Hist. des livres popul., 2e éd., Il, p. 45s.); Ms. Munich 
Cgm. 850, fol, 62 ro, 65 ro-66 vo; Ms. Zurich 101, fol. 106 re. 


LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE. 237 


contaminés mutuellement. D’autre part, leur usage séculaire par 
beaucoup d’ignorants explique les déformations, les anachronismes 
et les non-sens qui y abondent. 

« La plupart des anciennes Heures, remarquait déjà J.-B. Thiers, 
au xvr° siècle, sont infectées de ces sortes d’oraisons, et il s’en 
trouve même dans les nouvelles qu’on n’a pas eu soin de revoir et 
de corriger avant que de les donner au public (1). » L'imprimerie a 
vulgarisé en tous lieux ces prières superstitieuses, soit qu'elles 
aient trouvé accueil dans les livres de prières, soit qu’elles aient 
pallulé sous forme de feuilles volantes grossièrement illustrées. De 
plus, comme il n'existait pas de censure ecclésiastique solidement 
organisée avant le concile de Trente (2), les prières et dévotions de 
bon aloi comme les autres ont été enrichies de privilèges prodigieux 
et d’indulgences exorbitantes par les scribes, les libraires et les 
colporteurs, soucieux de rendre leur marchandise aussi alléchante 
que possible (3). 

Si l’on veut savoir jusqu’à quel point on peut spéculer sur la 
crédulité populaire, qu’on ouvre l’opuscule qui s’est vendu comme 
livre de prières sous le nom d’Enchtridion Leonts papa serenissimo 


(x) J-B. Tuiers, De la plus solide. des dévotions, II, p. 712. 

(2) Voir H. THURSTON, art. Prayer-Book (Catholic Encycl., p. 352). 

(3) « Pape Boniface a donne a tous ceulx qui diront devotement ceste 
oraison.. deux mille ans etc. » (Heures normandes du xvie siècle : Ms. 52 de 
la John Rylands Library à Manchester. Cfr M. R. JAMES, À descriptive catal. 
of the Latin Mss. in the John Rylands Library. Londres, 1921, Ï, p. 113). 
€< Dominus Johannes papa XXII concessit dicentibus infrascriptam orationem 
([Anima Christi] indulgentiam trium millium dierum criminalium et mille 
dierum venalium (sic) in honore Ihesu Christi » (Heures du xve siècle : Ms. 
V.z-2 de la Bibl. de Madrid. Cfr |[D. Denys}, À note on the prayer Anima 
Christi, dans Laudate, I, 1923, p. 17-18). Sur les chiffres élevés d'années 
d'indulgences accordées à cette prière, voir H. WATRIGANT, Quel est l'auteur 
de la prière Anima Christi? Enghien, 1913, p. 10. — Oraison Dirupisti Domine 
vincula mea enrichie de 6000 ans d’indulgence, d’après le Ms. Roy. 17. A. 
xxvii du Br. Mus. (fol. 95), xirre-xive siècle, — Prière enrichie de 32.755 ans 
d’indulgence par Boniface IX, d'après les Heures d’York de 1516 (Cfr Reci- 
NALD ScoT, Discoverie, p. 188). — Prière d'un Hortulus imprimé à Strasbourg 
en 1507 enrichie de 80.000 ans d’indulgence (Cfr STEPH. BæelsseL, Zur Ge- 
schichte der Gebetsbücher (Stimmen aus Maria Laach, 7 août 1909, p. 182). — 
La prière O Croix suprême, à laquelle le Corps de N.S.J. C. fut cloué « a plus 
d’indulgences qu’il n’y a de grains de sable dans la mer et d'étoiles au ciel » 
(Trépassement de Notre-Dame, p. 90). — Mgr N. PauLzus nous apprend 
qu'aucune des indulgences dont sont soi-disant enrichics les prières particu- 
lières antérieurement au xive siècle n’est authentique. Ce n'est que vers 1350, 
qu’on à commencé à indulgencier des prières (Geschichte des Ablasses im 
Mittelalter von Ursprunge bis zur Mitte des 14. Jahrhunderts Paderborn, H, 


1923; P. 233-235). 


238 L. GOUGAUD, O0. S. B. 


imperatori Carolo magno in munus pretiosum dalum nuperrime 
mendis omnibus purgatum, qui fut imprimé pour la première fois en 
latin à Rome en 1525, et qui, depuis lors, a été maintes fois réim- 
primé et traduit en diverses langues (1). Dès les premières pages de 
l'édition de Mayence de 1654, que nous avons déjà eu l’occasion de 
citer, laquelle est écrite partie en latin et partie en français — et 
dans quel français! — on lit, entre autres extravagances, ces lignes : 
« Enchiridion envoyé au Sérénissime Empereur des Français par le 
Pape Léon pour le rendre heureux dans tous les événements de la 
vie. Voulez-vous savoir, amy lecteur, quelle fut la source d'une si 
grande prospérité ? Il l’a avoué lui-même par une lettre de remer- 
ciement adressée au Pape Léon, dont l'original se voit encore à 
Rome dans la Bibliothèque du Vaticant écrite de sa propre main, 
d'un stile fort simple, mais qui exprime bien naïvement la grandeur 
de sa reconnaissance à l'égard de ce Souverain Pontife. Il luy marque 
dans cette lettre que depuis qu'il a reçu un petit livret intitulé 
Enchiridion, rempli d’oraisons particulières et de plusieurs figures 
mistérieuses envoyé par sa Sainteté comme un précieux présent, il 
n’a point cessé d'être heureux, etc. (2). » 

Le nom du pape et le nom du grand empereur n'ont cessé, jusqu’à 
nos jours, de couvrir ce fatras de leur prestige. Des foules de simples 
ont lu, relu et appris par cœur les prières de l’Enchiridion et de 
livrets de mème acabit. Il a été réédité, au xx° siècle, en Espagne (3) 
et, sans doute, dans d’autres pays, et la prière dite de Charlemagne, 
dont on connaît des versions allemandes, anglaises, flamandes et 
françaises du xix° siècle, a encore été considérée, pendant la grande 
guerre, comme un porte-bonheur d’une efficacité souveraine (4). 


L. Goucaup, 0.5. B. 


(x) Sur l’histoire de ce livre, voir Cu. NisaRp, Histoire des livres populaires, 
t. Ier, p. 183-184. 

(2) Éd. citée, p. 1-3. | 

(3) Enchiridion del Papa Leon. Oraciones misteriosas enviadas como raro 
presente por el Papa Leon III al Emperador Carlo Magno. Madrid, 1903. 

(4) H. THURSTON, art. cité, p. 632; CH. CALIPPE, p. 248. 


MÉLANGES. 


‘OYE AE ZABBATON... 


Au témoignage de S. Denis d'Alexandrie (+ 264-265), l'église de cette 
ville terminait le jeûne pascal et célébrait la tête de la Résurrection 
le samedi saint à minuit, tandis que la plupart des autres églises 
attendaient le chant du coq à l'aurore du dimanche matin (Ad. Basil. 
M. P. G. X, 1272 sqq.). Elles en appelaient à Marc XVI, 9 : 'Avacras 
dé out reworn cxf5fBarou, qu'elles ne comprenaient donc pas à la façon 
d'Eusèébe (Ad. Marin. q. 1. M. P. G. XXII, 937-940) et de S. Jérôme 
(Epist. CXX, ad Hedib. q. 3. M. P. L. XXII, 987), lesquels proposent 
de joindre mane prima sabbuli à apparuit. La communauté d’Alexan- 
drie, au contraire, s'appuyait sur Mt. XX VIII, 1 : le d: cafGfiarur, 
Th ÉRUOTACUTN is uiay Gaffaruwv, et plaçait la résurrection du 
Seigneur le samedi soir, car tout le monde reconnaît, dit S. Denis, que 
la fête de Pâques ne peut commencer qu'après la résurrection : « Apud 
omnes enim in confesso est post resurrectionis horam laetitiam festi 
esse inchoandam ». Reithmayr, Aberle, Cornely, Knabenbauer et 
d'autres en ont conclu que l'église d'Alexandrie, à l'effet de supprimer 
la contradiction entre sa pratique liturgique et la finale de Marc, 
avait d’abord omis la lecture de celle-ci dans les assemblées pascales 
et que cette omission avait ensuite passé dans les lectionnaires et dans 
uno certain nombre de manuscrits. Nous croirions plutôt que l'usage 
de commencer la fête de la Résurrection à minuit a pu s’introduire à 
Alexandrie précisément parce qu’on n'y connaissait pas la finale 
deutérocanonique de Marc. Didyme l’Aveugle (+ 398) n’est-il pas le 
premier écrivain d'Alexandrie à mentionner cette tinale (De Trinit. II, 
13. M. P. G. XXXIX, 688) ? Mais nous n'avons pas à nous occuper ici 
de la conclusion de l’évangile de Marc ; nous ne rappelons la coutume 
d'Alexandrie que pour noter qu’elle interprétait l'indication chrono- 
logique de Mt. XX VIII, 1 dans le sens du samedi soir. 

L’évangile apocryphe de Pierre, qui remet au dimanche matin la 
visite des femmes au sépulcre, semble bien placer la descente de 
l'ange et la résurrection pendant la nuit précédente (v. 35-50). C'était 
sans doute aussi l'opinion des anciennes versions syriaques, coptes et 
latines qui ont traduit l'expression de Mt. par vespere autem sabbati. 
C'était l'opinion d’Eusèbe et de S. Jérôme qui, pour résoudre la diff- 
culté soulevée par la comparaison de Mt. XX VIII, 1 avec Mc. XVI, 9, 
proposaient de terminer l'évangile de Marc au verset 8, ou bien, si 
l'on n’osait pas rejeter la conclusion, de rattacher mane prima sabbati 
non à surgens aulem, mais à apparuil. Voici d’ailleurs le témoignage 


240 MÉLANGES. 


très clair de S. Jérôme qui répond à Hedibia ce qu'Eusèbe écrivait à 
Marinus : « Hujus quaestionis duplex solutio est : aut enim non reci- 
pimus Marci testimonium, quod in raris fertur evaugeliis, omnibus 
Graeciae libris pene hoc capitulum in fine non habentibus, praesertim 
cum diversa atque contraria evangelistis ceteris narrare videatur ; 
aut hoc respondendum, quod uterque verum dixerit; Matthaeus, 
quando Dominus surrexerit vespere sabbati, Marcus autem quando 
eum viderit Maria Magdalene, id est mane prima sabbati. Ita enim 
distinguendum est : cum autem surrexisset, et parumper spiritu coarc- 
tato inferendum prima sabbati mane apparuit Mariae Magdalenae. » 
C'est entin l'opinion de plusieurs critiques modernes (Keim, Michiel- 
sen, Brandt, Goguel, etc.) qui traduisent de la façon suivante le texte 
de Matthieu : « Le soir du sabbat, à l’heure où commence le premier 
jour de la semaine », c’est-à-dire vers 6 ou 7 heures du soir, d’après 
la manière juive de compter les jours. Si S. Matthieu place la visite 
des femmes au tombeau le samedi soir, comme l'ange leur annonce 
à cette occasion la résurrection de Jésus (Mt. XX VIII, Ü), il en résulte 
que celle-ci, d’après le premier évangile, eut lieu plus tôt encore. « Les 
interprètes, dit Loisy (Evangiles synoptiques, 11, p. 718), influencés 
par les récits parallèles, prennent généralement ce tableau pour une 
scène de jour. Il semble néanmoins avoir été conçu et ne pouvoir 
s'expliquer naturellement qu'en scène de nuit. Tout l’ensemble du 
récit le suppose tel. D'abord les indications du début : « soir du 
sabbat, commencement du dimanche », ne s’entendent bien que des 
premières heures de la soirée du samedi, qui, pour les Juifs, appar- 
tenaient au jour suivant ; la nuit couvient certainement mieux comme 
cadre à l'apparition lumineuse de l'ange ; la démarche des gardes 
auprès des prêtres est censée se faire pendant la uuit, et prêtres et 
gardes se concertent pour substituer aux miracles nocturnes de la 
résurrection et de l’ange le rapt nocturne des disciples... Jésus n’est 
resté dans le tombeau que la durée d’un sabbat, ce qui peut n'être 
pas exempt de signification symbolique. » Goguel observe de même 
que la résurrection du samedi soir a pu être attribuée au dimanche 
d'après la manière juive de compter les jours, et il essaie de montrer 
que Matthieu a modifié l'indication donnée par Marc parce que 
l'épisode qu'il raconte devait naturellement se placer avant celui que 
rapporte Marc : « Matthieu qui raconte comment la pierre est ôtée 
peut avoir jugé qu'il devait placer cet épisode avant le moment où 
Marc racontait que les femmes avaient trouvé la pierre ôtée. Il 
résulte de là que nous n'avons aucune raison de nous écarter ici du 
sens littéral du texte. » (L'évangile de Marc dans ses rapports avec ceux 
de Matthieu et de Luc, p. 293). Au jugement de Holtzmann (Handcom- 
mentar, p. 2%), Matthieu a réuni les deux indications chronologiques 
de Marc (XVI, 1 et 2) en une formule contradictoire : tard au sabbat, 
alors que le jour commençait à luire vers le premier jour de la 
semaine. Il y a lieu de se demander si nous sommes encore le soir du 


"OLE di az BBxrm». = 941 


sabbat ou à la fin de la nuit suivante qui serait encore considérée 
comme lui appartenant. Pour Juh. Weiss (Die Schriflen des N.T.,t. I, 
1917, p. 387), la formule de Mt. est équivoque et susceptible d’être 
mal comprise, mais l’inten{ion de l’évangéliste est bien de reporter au 
dimanche matin la visite des femmes, comme dans Marc. Entin Loisy 
(o. c. p. 717, n. 3) pense que Matthieu combine l'indication de Mc. XVI, 
1, en laissant de côté l’achat des parfums, avec celle de Mc. XVI, 2, 
ce qui change la signification de cette dernière. Il serait plus exact de 
dire, en restant dans le même ordre d'idées, que la double indication 
de Mt. : le soir du sabbat, à l'heure où commençait le premier jour de 
la semaine, est seulement parallèle à Mc. XVI, 1 et se rapportait pri- 
mitivement, comme dans Marc, à l'achat des aromates. S. Matthieu 
ayant omis cette première démarche des femmes, sans doute parce 
qu'elle ne cadrait pas très bien avec la mention de la garde posée au 
sépulcre, l'indication chronologique s’est trouvée immédiatement 
rattachée à leur seconde démarche, à leur visite au tombeau, qui doit 
se placer en réalité le matin de la résurrection. 

Mais toutes ces hypothèses ne sont-elles pas inutiles, et la traduc- 
tion de Matthieu discutée jusqu'ici s’impose-telle ? S. Jérôme (ad 
Hedib. q. 4. M. P. L. XXII, 983) pensait que l’évangéliste hébreu, 
pour dater la visite des femmes, avait employé un mot signifiant {ard 
et non le soir, et que le traducteur grec, induit en erreur par l’ambi- 
guité du terme, l’avait rendu par vespere, au lieu de le traduire par 
sero. Il croyait donc que ôJ£ avait le sens de vespere. Les lexiques 
modernes ne lui donnent pas entièrement raison sur ce point. Ils 
estiment plutôt que 5J£, employé comme adverbe, signifie d'abord tard, 
et d'une façon dérivée seulement le soir, la fin du jour. Employé 
comme préposition avec un génitif, il veut dire après ou seulement 
après, comme dans Philostrate : ol£ puorroiwy, oi rouruy (Vie d’Ap- 
pollonius, 1V, 18; VI, 10). Ammonius avait déjà clairement noté la 
différence entre 04 et iorépay. Ce dernier mot marque le coucher du 
soleil, tandis que olë a le même sens que Bpadios, tard, longtemps 
aprés le coucher du soleil (cité par Knabenbauer, Ev. Mt. in h. L.). 
Aussi la plupart des commentateurs et des critiques traduisent l’ex- 
pression de Matthieu, SL: dé caf5fBirwv, tard le jour du sabbat, ou bien 
après le sabbat. (Quelques-uns lisent : la semaine étant passée, prenant 
cx5Gata dans le sens de semaine comme dans ets uiay oaf5Bxrev). 
Elle pourrait ainsi indiquer un moment beaucoup plus tardif que la 
formule de Mc. XVI, 1 : Kai dixysvousveu 705 53 farcu. Quant à la 
seconde indication de Matthieu : rn erizwoxcuon (suppléer avec Eusèbe 
Dpz) ëis pay caffiruy, elle préciserait ce que la première a d'un peu 
vague et devrait se traduire : à l’aurore du premier jour de la semaine, 
à l'heure où le premier jour de la semaine commençait à poindee. On 
déterminerait aiusi ce qu’il faut entendre par la locution après le 
sabbal : nous sommes en réalité le dimanche matin. 

On objecte à cette traduction qui donne au mot ETITUITHELY le sens de 


242 MÉLANGES. 


lever de l'aurore, le texte de Luc XXIII, 54 : c'était le jour de la 
préparation et le sabbat commençait à luire, où emguaxe désigne le 
vendredi soir à l'heure où le sabbat s’illuminait. D'après Schanz, Luc 
pensait au lever des étoiles et c'est en ce sens qu’il a pu dire que le 
sabbat brillait. Plummer est plutôt d'avis que Luc a oublié le sens 
propre du mot, comme s’il nous arrivait de dire que la nuit commen- 
çait à poindre. Lagrange estime que la locution de S. Luc, ai oaxffa- 
roy Enéqguwoxey, étonnante pour désigner le vendredi soir à l'heure où 
12 sabbat juif commençait, doit être strictement limitée au sabbat ; en 
soi le mot emgcoxew signifie naturellement l'aurore. S. Luc pouvait 
l'employer pour désigner l'ouverture du sabbat à cause des lampes 
allumées par les Juifs le vendredi soir, et l’allusion pouvait être com- 
prise de ses lecteurs car cette coutume étrange appelait l'attention 
(Perse, Sat. V, 176 ss.; Tert. ad nat. I, 13). « Depuis que les Juifs 
reviennent en foule à Jérusalem (1919), dit le P. Lagrange (S. Luc, 
p. 596), on peut dire que le sabbat brille le vendredi soir ; tous, même 
ceux qui n’ont pas de foi religieuse, rivalisant de zèle pour ces illumi- 
nations. » Il reste donc que dans S. Matthieu, qui nous parle du temps 
d'après le sabbat, le participe érigwaxouon doit s'entendre du dimanche 
matin à la pointe du jour, et le premier évangile rejoint ainsi le second 
pour l’heure de la visite des saintes femmes au sépulcre. 

Goguel croit (0. c. p. 293) que c’est précisément une raison d’har- 
monistique qui détermine beaucoup de critiques à s'écarter du sens 
littéral de Matthieu. Mais quel est le sens littéral de Matthieu ? Il cite 
l'exemple de Blass qui écrit (Grammatik des neulest. Griechisch, 1913, 
p. 101) : ol: oaffarovy Mt. 28, 1 signifie d'après ce qui suit et d’après 
Mc. 16, 1 : après le sabbat ; et de Zahn (Das Evangelium des Mt. 1903, 
p. 707, n. 1) qui considère comme inadmissible que Matthieu contre- 
dise sur ce point la tradition unanime en dehors de lui (Mc. 16,2; 
Le. 24, l; Jo. 20, 1) et confirmée en outre par la célébration du 
dimanche. Mais ce souci n'est-il pas légitime de ne pas opposer les 
évangiles lorsqu'il y a un moyen facile et nullement recherché de les. 
accorder ? 

Nous reconnaissons volontiers que l'expression de Matthieu peut se 
traduire : après le sabbat, à l'aurore du vremier jour de la semaine, 
qu'elle situe ainsi la visite des femmes au sépulcre au même moment 
que Marc, qu'il n'est donc pas prouvé que Matthieu place la résurrec- 
tion du Christ le samedi soir. Qu'il nous soit permis cependant de 
trouver étrange que Matthieu ait eu besoin de deux indications chro. 
nologiques pour dater la démarche des femmes, et qu'il dise : après 
le sabbat ou tard au sabbat, pour désigner le dimanche matin. Ne 
dirait-on pas que nous sommes encore au samedi soir après la célé- 
bration du jour férié ? Il est vrai que 0}: peut aussi signifier longtemps 
après, et si l'on nous reporte longtemps après le sabbat, nous pouvons 
nous croire tard dans la nuit, aux premières lueurs du jour. Mais 
quand CAE signifie longtemps après, il s'agit d'un espace de temps très 


NOTE SUR LA DOCTRINE DU CHRIST, NOUVEL ADAM. 243 


long, d'une autre période, comme dans Plutarque (Numa, I) of£ Tv 
Éxotéuv ypéve, après l'époque des rois. l'expression de Mt. XXVIIT, 
1 reste donc étonnante et difficile, et nous n'avons pas voulu démontrer 


autre chose. É. ToBac. 


NOTE SUR LA DOCTRINE DU CHRIST, NOUVEL ADAM. 


Ea lisant dernièrement l'étude de Hans Scheel, Die Theorie von 
Christus als dem zweilen Adam bei Schleiermacher (Leipzig, 1913), je fus 
frappé de l'importance que prit, presque dès le début de [a Réforme, 
dans la dogmatique protestante, la conception paulinienne de l’Écyaros 
’Adzu. Elle servit souvent à encadrer toute la théologie : elle s'élargit 
en une vaste synthèse embrassant toute l’évolution de l'histoire reli- 
gieuse du monde depuis la création jusqu'aux fins dernières, en passant 
par la chute et la rédemption ; elle fut même un instrument d'heuristique 
et fournit des points de vue nouveaux à la christologie. Sans doute, 
elle fut mise en valeur de façons bien différentes ; elle fut entraînée 
dans tous les grands courants qui emportérent le protestantisme et 
l'orthodoxie luthérienne ne l’interpréta pas de la même manière que le 
rationalisme du xviri* siècle ou le subjectivisme du x1x°. 

L'ancienne dogmatique protestante, qui admet encore le dogme 
trinitaire et celui de la justice originelle, voit surtout dans la compa- 
raison des deux Adams le moyen d'exposer la condition du premier 
homme dans l’état d'intégrité primitive et la nature divine du Christ. 
Elle se développe principalement en similitudes, et s’appuie beaucoup 
moins sur la Bible que sur la théologie. 

Adam et Christus, dit Gerhard (1582-1637) tum ruræxé@s aut modo 
consentaneo invicem conferuntur, tum ævr«berixs aut modo dissen- 
taneo, sibi invicem opponuntur Rm. 5, 12, 1 Cor. 15, 21 ss. (Collatio 
iostituitur inter Christum et Adamum ante lapsum. Oppositio inter 
Christum et Adamum post lapsum). Et tandis qu'il nous renvoie à 
Écriture pour l'opposilio, Gerhard développe lui-même la collatio au 
moyen de dix considérations : Adam est l’auteur de la vie et le Christ 
est le père de la vie éternelle. Le nom d'Adam qui signifie rouge 
contient déjà une allusion au sang du Christ. Adam fut formé d'une 
terre vierge et le Christ naquit d’une vierge. Adam fut créé à l’image 
de Dieu et le Christ est la « substantialis imago Dei». Adam tire son 
origine du ciel et de la terre, et le Christ est Dieu et homme. Adam 
commandait à toutes les créatures et Le Christ est le Seigneur de toutes 
choses. Adam fut le jardinier du paradis terrestre et le Christ est le 
gardien du paradis de l'Eglise. Adam, rempli d'une sagesse céleste, 
donna aux animaux leurs noms, et le Christ, où habite le plérôme de la 
sagesse, nous donne le nom nouveau d'enfant de Dieu. Adam comme le 
Christ était pur et innocent. Ève fut tirée d’une côte d'Adam, et l'Eglise 


- 


244 MÉLANGES. 


sortit du côté du Christ avec le sang et l'eau, les deux sacrements du 
Testament nouveau. 

Ailleurs, Gerhard relève encore une autre similitude : le mystère 
de la Ste Trinité révélé d’une façoa obscure dans la création d'Adam, 
fut promulgué d’une façon claire dans le baptème du Christ. Adam est 
donc le type du Christ, et c'est pour cela que celui ci est appelé 
4 Ecyaros Adau dans 1 Cor 15, 16. Mais 1l y en a beaucoup d’autres, 
Abel, Noé, l’Arbre de vie, l'Arche du déluge, etc. Ces types, dit 
Gerhard, « nihil sunt aliud quaum figuratae ac parabolicae descriptiones 
id ipsum latius explicantes, quod appellationes figuratae brevius com- 
plectuntur ». 

On rencontre des considérations semblables chez d’autres théologiens 
du protestantisme comme Quenstedt et Carpow. Voici comment 
s'exprime Quenstedt (1617-1688) : « Adamus fuit imago filii Dei sed non 
tilii Dei incarnandi aut humanae naturae Christi. Dei filius autem 
potest dici ad Adami imaginem factus, quia etiamsi similis, quantum 
ad humanam naturam, Adamo qualis in statu integritatis erat, dici 
possit, salva excellentia sua, non tamen justitia et sanctitas expressa 
in ipso est ab Adamo, quod ad id requiritur, ut quid sit alterius imago. » 

Avec le socinien Samuel Crell (1660-1747) et le ratioualisant Teller 
(1334-1804), la théorie du Christ nouvel Adam entre dans une voie 
nouvelle. D'abord, elle a une allure exégétique franchement marquée. 
Ensuite, elle considère Adam et le Christ dans l’histoire du royaume 
de Dieu, et le parallèle se développe surtout en contrastes. A l’Adam 
de la chute, on oppose l’homme nouveau, le Christ. On ne parle plus 
de l’état d'intégrité primitive, et la divinité du Christ est ou bien nice, 
ou bien maintenue mais sans aucune relation avec la théorie du second 
Adam. En un mot, l'obéissance du Christ répa'era la désobéissance 
d'Adam. 

Creil publia en 1700 un ouvrage intitulé Cogilationum novarum de 
primo el secundo Adam sive de ratione salulis per illumn amissae, per 
hunc recuperalae Compendium. Ce titre seul indique la direction nou- 
velle que prend la comparaison des deux Adams. Pour Crell, le second 
Adam n'est qu'un homme comme le premier : « Hince quemadmodum 
primus Adam non pisi homo erat, sic et ille futurus liberator non nisi 
homo natura sua esse debebat, qui prout et primus, perfecte oboedire 
et non oboedire posset.. qui quidem diabolum vincere posset, sed etiam 
a diabolo insidiatore nisi sibi bene caveret, vinci poterat. Si iste homo 
unam personam cum summo deo aut tali aliquo ente, quod peccare et 
tentari non poterat et quod homo non erat constituisset, ad nos salvan- 
dos omnino inhabilis fuisset. » 

Teller dépend de Crell, mais le théologien de l'Aufklärung est moins 
radical que le socinien, il a gardé plus d'attaches avec l’orthodoxie 
protestante. 11 professe encore, dans un sens, la divinité du Christ, 
mais ne considère que son humanité dans le rôle du second Adam. La 
conception biblique des deux Adams commande tout le système de 


NOTÉE SUR LA DOCTRINE DU CHRIST, NOUVEL ADAM. 945 


Teller. On peut déjà en juger par l'aspect extérieur de son Lelu'buch 
des christlichen Glaubens (1764) dont les cinq chapitres sont uniformé- 
ment divisés en deux parties, l’une traitant du premier, l'autre du 
second Adam. Le plan en est intéressant, et montre comment on peut 
encadrer dans la théorie des deux Adams tous les traités de théologie. 
Le premier chapitre traite des deux créations du monde. Le second, 
de l'origine, de la dignité, de la chute du premier Adam; de la dignité, 
de l’obéissance du second Adam. Le troisième s'occupe de la descen- 
dance du premier Adam qui se forme par la génération et de la postérité 
du second Adam qui se constitue par la régénération. Le quatrième 
chapitre décrit la vie pécheresse des fils du premier Adam et la nouvelle 
vie des enfants du second Adam. Enfin le cinquième expose le sort final 
de l'humanité issue d'Adam et de la race élue de Jésus-Christ. 

Nous avons dit que la pierre angulaire du système de Tellier était le 
contraste entre l’obéissance du Christ qui fait des justes et la désobéis- 
sance d'Adam qui engendre des pécheurs. Il met en lumière ce contraste 
entre les deux chefs de l’humanité dans un parallèle à cinq membres. 
1) Les deux furent tentés, Jésus triompha, Adam succomba. 2) Adam fut 
tente à son entrée dans le monde, Jésus à son entrée dans la vie publique. 
3) Les deux furent tentés par Satan. 4) Les deux furent sollicités 
d'abandonner Dieu. 5) Adam blasphéma Dieu par son incrédulité et sa 
désobéissance, le Christ honora Dieu par sa foi complète, son obéis- 
sance entière, son adoration profonde. — On remarquera que, d’après 
Teller, c’est surtout lors de la tentation au désert que le Christ honora 
Dieu par son obéissance. C'est alors qu'il choisit délibérément la 
direction de sa vie, et la mort sur la croix n’est que le terme de la voie 
de fidélité à Dieu où il s’est engagé en repoussant les offres de Satan. 

La théorie du second Adam joue également un rôle important dans 
la théologie de Schleiermaclier, mais elle s’y présente sous un aspect 
bien particulier. Elle ne s’y développe plus ep fonction d'un premief 
Adam, mais en est complètement indépendante. Plus de doctrine sur 
l'existence d’un premier homme, sur l’état paradisiaque du monde ou 
sur la perfection primitive. Plus de péché proprement dit, partant plus 
de rédemption au sens rigoureux du mot. La théorie du second Adam 
exprime énergiquement tout ce qui est apparu de nouveau dans le 
Christ. Le Christ est le second Adam, cela veut dire qu’il est l'homme 
parfait, la créature idéale, le porteur d’une vie nouvelle chez qui la 
conscience de Dieu s’épanouit d’une façon extraordinaire et illumine 
toute sa postérité. Tout homme éprouve en lui-même deux tendances 
opposées : la conscience de Dieu par laquelle il se sent dépendant d’un 
être infini et la conscience sensible qui nous porte vers les objets ter- 
restres. Le but de toute religion est d’assujettir la conscience sensible 
à la consience de Dieu, mais seul le christianisme yÿ réussit. La com- 
munauté chrétienne a cette impression perpétuelle que l’homme doit 
vivre de la vie de l'infiui, qu’à cet égard Jésus fut ua insigne prototype, 


RBVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 10 


246 MÉLANGES, 


un second Adam, qu'en lui la conscience du moi, victorieuse de Îa 
chair, était déterminée par la conscience de Dieu et que Jésus, grâce à 
ce prodige, fut vraiment le rédempteur. Et Schleiermacher, remontant 
de ce fait psychologique à sa cause, conclut que Jésus est l’auteur de la 
rédemption, parce qu'il réalise en lui-même la plénitude de la con- 
science divine et peut la communiquer aux autres. Au sein de la com- 
munion vivante avec le Christ s’efface et s'éteint le sentiment du péché 
et du châtiment comme celui de la souffrance. Le croyant, quoi qu'il 
vive encore dans un monde de souffrance et de péché, ne se sent ni 
malheureux, ni pécheur, parce que les atteintes du péché et de la souf- 
france ne peuvent troubler sa communion avec la vie sainte et bien- 
heureuse de Jésus-Christ. La théologie de Schleiermacher veut 
concilier le vieux dogme et l'esprit de nouveau, mais elle est incompa- 
tible avec l’orthodoxie protestante, et en dépit de sa piété, elle se 
rapproche plutôt du rationalisme. Le péché n’est plus un désordre du 
libre arbitre, mais le sentiment de notre inévitable imperfection ; le 
père de l'humanité nouvelle, le second Adam, n'est qu’un produit 
naturel de l’évolution humaine, et la vie qu’il transmet à sa postérité 
n'est qu'une idée devenue vivante en s’incarnant dans une personne 
historique et qui s'incarne encore aujourd’hui dans une société qui l’a 
reçue de son fondateur pour la transmettre aux générations futures 
(voir sur ce sujet, F. Bonifas, La ductrine de la Rédemption dans 
Schleiermacher, Paris, 1865). 

Les notes précédentes n'ont d'autre but que de montrer par quelques 
exemples la place qu'occupe dans la dogmatique protestante la concep- 
tion du second Adam. A-t-elle rempli le même rôle important dans la 
théologie catholique ? Nous n’oserions le dire. Après avoir rappelé nos 
souvenirs et consulté quelques manuels d'histoire de la théologie 
catholique, nous gardons l'impression que cette doctrine est restée 
plutôt à l’état sporadique, qu’elle n'a jamais été poussée à l’avant-plan 
et n’a pas encore fourni les grandes lignes d’une synthèse théolo- 
gique. Trouve-t-on chez les catholiques un traité du genre de celui de 
l'eller, où toute l’économie de la religion est commandée par le parallèle 
des deux Adams ? Ce n’est pas que cette disposition soit indispensable 
ou qu’elle soit de nature à procurer à la thévlogie des enrichissements 
véritables ; elle nous paraît avoir surtout une valeur formelle, mais à 
ce titre déjà elle mérite d'être prise en considération, car elle est 
génératrice d'unité et répand de la lumière dans tout l’éditice. 

Sans doute, les exégètes catholiques, en commentant les épitres aux 
Romains et aux Corinthiens, ont rencontré le parallèle des deux Adams 
avec ses similitudes et ses antithèses, et en expliquant la lettre aux 
Ephésiens, ils n'ont pas manqué d'y relever la doctrine du Mystère, 
ou du dessein conçu par Dieu d'incorporer les hommes au Christ, ce 
qui revient à faire du Cbrist un nouvel Adam ; sans doute encore, les 
théologiens et les prédicateurs insistent avec raison sur la beauté pro- 
fonde et la grande etlicacité morale de la conception de la vie chrétienne 


NOTE SUR LA DOCTRINE DU CHRIST, NOUVEL ADAM. 247 


que nous présente S. Paul. L'union intime et réelle du fidèle au Christ, 
de l'Eglise à son chef, quel titre de vraie grandeur et quelle source 
inépuisable d'énergie sanctifiante ! Mais il nous semble qu'on n’a pas 
assez rapproché ces notions, qu'on ne les a pas suffisamment rattachées 
au développement d'une seule et même idée maîtresse. C’est parce que 
le Christ est le nouvel Adam que son œuvre rédemptrice peut s'étendre 
à toute l’humanité; c’est encore parce qu'il est le nouvel Adam qu'il est 
devenu en fait le chef de l’Église, la tête de son corps mystique. Après 
avoir établi, d'après S. Paul, comment le Christ apparaît dans le monde 
en qualité d'Adam, il faudrait montrer comment il se comporte en 
Adam dans son œuvrerédemptrice, dans sa mortet dans sa résurrection, 
et comment se forme l’humanité nouvelle, prolongement et complément 
du second Adam. Nous voudrions aussi qu'on mît en relation plus 
étroite qu'on ne paraît l’avoir fait jusqu'ici les multiples titres que 
S. Paul décerne à Jésus, celui de messie, de second Adam, d'homme 
céleste, de rédempteur, de chef de l'Eglise. Ê. ToBac. 


COMPTES RENDUS. 


B. J. Kinn, D. D. À History of the Church to À. D. 461. Oxford, 
Clarendon Press, 1922. 3 vol. in-8, vis-558, 471 et 458 p. Prix : 
58 sh. (chaque volume à part 21 sh.) 


Le travail exécuté en France, il y a quelques années, par Mgr Du- 
chesne, la synthèse de l’histoire de l'Église au cours des premiers 
siècles, en harmonie avec les derniers travaux critiques et historiques, 
n'avait pas jusqu'ici d'équivalent dans les pays de langue anglaise. 
Le Rev. D' Kidd, recteur de Keble College à Oxford, si bien préparé à 
cette tâche par le labeur de toute sa vie d’érudit, s’est proposé de 
combler cette lacune. 11 l’a fait dans le présent ouvrage qui fournira 
aux esprits studieux un instrument de travail commode et intéressant. 

Sa méthode est strictement scientifique : il remonte aux sources, 
_ indiquées au bas des pages par des références précises ; il en fait la 
critique, lorsqu'il en est besoin, et se sert, pour son exposé, de celles 
qui lui semblent sûres. Mais il ne faudrait pas croire que ces trois 
volumes se raménent simplement à cet examen critique des documents. 
Le D' Kidd a vraiment condensé, d'une manière, d’ailleurs, claire et 
très ordonnée, tous les renseignements importants sur les problèmes 
historiques des cinq premiers siècles de l'Eglise. Qu'il s'agisse des 
événements et de leur répercussion sur la vie de l'Église, du dévelop- 
pement de la doctrine, de la littérature ou des institutions chrétiennes, 
on peut dire que l'auteur s’est efforcé d'être complet, sans jamais 
cesser de faire œuvre d’historien sérieux et consciencieux, sans que, 
non plus, la gravité un peu austère du ton nuise à l'intérêt du récit. 
C'est que l'intérêt lui-même se dégage des faits bien groupés, bien 
enchainés et laissant apercevoir sans effort l’ensemble de la scène his- 
torique qu'il s'agit de décrire. Le plan à une certaine analogie avec 
celui de Mgr Duchesne, dans son Histoire ancienne de l'Eglise. Les deux 
ouvrages sont pourtant tout-à-fait indépendants l’un de l’autre et bien 
différents de ton et d’allure. 

Le premier volume prend l'Eglise à sa naissance, aux jours de la 
Pentecôte et la suit jusqu'au règne de Constantin, en 313. Durant cette 
période, l'Eglise s'établit et prend racines ; elle doit aussi se défendre 
contre l’État persécuteur et contre les doctrines hétérodoxes qui tentent 
de l'envahir. Ces premières luttes politiques et doctrinales sont 
racontées avec intelligence ; leur caractère est exposé avec netteté et 
précision. C'est, en même temps, l’époque des premières manifestations 
de l’activité littéraire du christianisme. Le D' Kidd s’y est intéressé et 
il analyse avec une rare compétence les ouvrages de cette période qui 
sont parvenus jusqu'à nous. Il faut en dire autant des institutions de 
l'Eglise primitive. 


B. J. KIDD : À HISTORY OF THE CHURCH TO A. D. 461. 249 


Certes, et nous le disons ici pour n'avoir pas à y revenir, il ne nous 
est pas possible d'accepter toutes les conclusions de l'historien. Dés le 
premier volume, il est obligé d'aborder la question de l'autorité du 
siège de Rome et, encore qu'il le fasse avec modération ct respect, il 
est à craindre que son sens critique si réel ne se soit laissé infiuencer 
sur ce point par sa foi anglicane. Pour lui, il est vrai, la venue de 
saint Pierre à Rome est un fait indéniable. L'apôtre y a prêché l'Evan- 
gile et y a subi le martyre. Seulement, le rôle de Pierre doit être bien 
compris. Il n’est pas venu constituer à Rome un épiscopat ; il y est 
venu exercer un apostolat. Et s’il a été l’évêque de Rome, il ne l’a été 
que dans la mesure où les fonctions d’un évêque se confondent avec 
celles d'un apôtre. Il ne faut pas oublier que Paul, lui aussi, a été 
apôtre de Rome, qu’il y est mort et que l’Église de Rome a donc eu 
pour fondateurs deux apôtres et les deux principaux. Elle est, d’ailleurs, 
la seule Eglise apostolique de l'Occident, elle réside au centre de l'Em- 
pire, elle est influente, riche, et peut se montrer facilement charitable, 
autant de raisons qui, d’après notre auteur, expliquent, plus que la 
primauté de saint Pierre, l'espèce de suprématie, ou plutôt de notoriété, 
dont elle jouissait dès la fin du premier siècle. On ne peut nier la pré- 
émipence;, mais cette prééminence appartient à l'Eglise, non à 
l'évêque. C'est au nom de la communauté que saint Clément écrit aux 
Corinthiens, c'est à l'Église et non à l’évêque que saint Ignace s'adresse. 
Au 11° siècle seulement l'évêque de Rome bénéficiera personnellement 
de cette sorte de suprématie qui est uniquement celle de son Eglise. 
Encore faut-il noter que, même à partir du second siècle, lorsque la 
primauté de Rome et de son évêque sera reconnue assez généralement, 
il ne s'agira ni d’une suprématie réelle, ni surtout d’une juridiction 
universelle. En somme, la primauté de saint Pierre n'a pas créé celle 
de son Eglise, comme on l’a prétendu si longtemps. Au contraire, c’est 
l'excellence particulière de l’Église de Rome qui a fini par rejaillir 
jusque sur son chef, et non-seulement sur les papes du n° siècle et des 
siècles suivants, mais par un procédé de régression historique curieux, 
jusque sur les tout premiers pontifes et jusque sur saint Pierre lui-même. 

Il y a peu de chances pour qu'une telle explication rallie beaucoup 
de suffrages en dehors de l'anglicanisme. Il eût mieux valu n’y pas 
insister et laisser au lecteur le soin d’apprécier à leur juste valeur la 
longue série de faits et de renseignements concernant l’histoire de 
l'Eglise romaine aux deux premiers siècles. Le D" Kidd les a recueillis 
fidélement ; cela suffisait. L'exégèse en est facile, lorsque surtout on 
l'illumine de la clarté de quelques passages évangéliques qui ont tout 
de même une certaine signitication. Cette exégèse n’a pas besoin d’être 
trés tourmentée pour conduite à des conclusions que les catholiques 
ont le droit de considérer comme sûres et bien appuyées. 

Dans la deuxième partie de son livre (an. 313-408), où les controverses 
trinitaires sont au premier plan, nous sommes sur un terrain plus 

ferme. C'est avec une parfaite maîtrise que l'auteur conduit ses lecteurs 


250 COMPTES RENDUS. 


au milieu des intrigues ariennes, des conciles contradictoires et de 
toutes sortes de subtiles professions de foi. Toutefois, là encore, on 
pourrait trouver que l'historien n’a pas traité avec grande bienveillance 
le pape Libère dont il étudie à loisir la défaillance. Sans méconnaître 
que les témoignages ne concordent pas, il penche vers la pire solution, 
celle que suggèrent les fragments de saint Hilaire. Et pourtant, il ne 
faut pas l'oublier, c'est ce même pape Libère, si décrié, qui, une fois 
libre, a pris la tête du mouvement contre l’hérésie victorieuse. Et 
quand, à la fin du règne de Constance, la majorité des évêques et les 
conciles, celui de Rimini surtout, renoncèrent pratiquement à la foi de 
Nicée, ce sont ses successeurs qui réussirent, après lui, à grouper les 
fidélités éparses ; c'est à eux, en 365, que les Orientaux semi-ariens 
adressèrent leur soumission pour être réunis à l'Eglise catholique. 

Le troisième volume étudie l’histoire du v* siècle entre l'avènement 
de Théodose II (408) et la mort de saint Léon (461). Epoque décisive 
pour le développement du dogme. D'un côté, la doctrine de la grâce est 
approfondie par saint Augustin dans ses controverses antipélagiennes ; 
de l’autre, la christologie trouve ses formules définitives entre l’hérésie 
de Nestorius et celle d’Eutychès. Le D' Kidd rend hommage au génie 
et à l'influence incomparable de saint Augustin. Mais il se range parmi 
ceux qui trouvent extrêmes et erronées les vues de l’illustre docteur 
sur la grâce et la prédestination. L'évèque d'Hippone aurait eu une 
conception imparfaite de l'équité de Dieu d’une part, de la responsa- 
bilité humaine de l'autre (t. III, p. 126). Il aurait soutenu, au moins 
dans le dernier stage de la controverse, l’irrésistibilité de la grâce. 
Voilà qui est bien catégorique. Mais l’exégèse des textes augustiniens 
sur la grâce n’est pas chose si simple et il y a des chances pour qu’elle 
occupe longtemps encore les érudits et les théologiens. Aussi aura-t-on 
généralement quelque peine à souscrire à de telles conclusions, si peu 
nuancées. Après tout, la doctrine de saint Augustin sur la grâce a été, 
dans ses grandes lignes, celle de la tradition et celle de l'Eglise. Il a 
toujours affirmé la liberté essentielle et la responsabilité de l'homme. 
Des expressions outrées qui s'expliquent dans la polémique doivent, en 
bonne critique, s'interpréter à la lumière des grands principes sauve- 
gardés dans tout son enseignement. 

L’exposé des querelles christologiques qui remplissent la première 
moitié du v*° siècle ne donne pas lieu aux mêmes difficultés et l’on ne 
pouvait étudier avec plus de clarté et d’exactitude que ne l’a fait le 
D: Kidd le développement de l’hérésie nestorienne. La grande figure 
de saint Cyrille d'Alexandrie s’y trouve un peu maltraitée ; c'est de 
tradition dans un certain cercle d'historiens. L'auteur lui rend, 
d’ailleurs, justice à plus d'un titre. Il ne dissimule en rien l’importance 
du nestorianisme et il reconnaît le grand mérite de saint Cyrille qui a 
compris tout ce que contenait cette hérésie et qui a dû la démasquer et, 
finalement, l’abattre. 

Le pontiticat de saint Léon termine heureusement cette période 


J. BOUTET : S. CYPRIEN, ÉVÊQUE DE CARTHAGE ET MARTYR. 51 


capitale de l’histoire ecclésiastique. Grand prédicateur, grand théolo- 
gien, plus grand encore comme homme de gouvernement, Léon à fait 
reconnaître à l'Orient comme à l'Occident l'autorité du Siège Aposto- 
lique et a formulé la doctrine de la primauté. Formulé et non pas créé, 
pas plus qu'il n'a créé dans son fameux Tome le dogme de l’incarnation. 
Primauté, incarnation, il les trouvait dans la révélation et son rôle a 
consisté surtout à leur donner une consécration nouvelle et plus solen- 
elle. L'auteur s'incline devant la figure « calme, forte et majestueuse » 
de ce pontife qui domine tout son siècle. 

Une table alphabétique des matières clôt chacun des trois volumes 
et en fait un instrument d'études à la fois précieux et très commode. Et 
les réserves nécessaires qui sont venues sous notre plume au cours de 
cette recension ne doivent pas obscurcir les qualités maîtresses de cet 
ouvrage capital. Il est l'œuvre d’un véritable historien, toujours bien 
iaformé, sachant analyser les textes avec une critique érudite et avisée- 
Le ton demeure toujours plein de calme et de gravité, l'exposition ne 
manque oulle part de clarté, ni d'intérêt. Moins alerte, souvent moins 
vivante que l'Histoire ancienne de l'Église de Mgr Duchesne, l’œuvre 
du D: Kidd est, il faut l’avouer, sur bien des points, plus sérieuse et 


plus approfondie. P. G. CHauviN, O.S. B. 


J. Bourer. Saint Cyprien, évèque de Carthage et martyr (210-258). 
1. (La vie chrétienne à l’école des Saints Pères.) Avignon, Aubanel, 
1923. In-8, xu1-279 p. 


Le présent ouvrage est le premier volume d’une collection destinée 
« à mettre. les chefs-d’œuvre de l’ascétisme chrétien à la portée des 
fidèles, chaque jour plus nombreux, qui recherchent pour leur âme une 
pourriture puisée aux sources mêmes du christianisme ». Elle s'adresse 
au grand public, estimant avec raison que les Pères n’ont pas réservé 
leurs homélies ou leurs ouvrages à une élite, mais se sont adressés bien 
souvent à la foule. Pour de tels lecteurs « il faut élaguer, il faut choisir 
et parfois expliquer » (Avant-propos). On ne peut que louer et encou- 
rager pareille initiative qui tend à révéler aux chrétiens de notre 
temps les trésors de l'antiquité chrétienne, gardés jusqu'ici trop 
jalousement par les érudits ; ils ne peuvent qu'y trouver édification et 
profit pour leur éducation religieuse. 

Ce dont on a le devoir aussi de louer les éditeurs, c'est qu'ils aient 
songé à inaugurer leur nouvelle collection par un choix des ouvrages de 
S. Cyprien. Le grand évêque africain, avec son «esprit éminemment 
pratique », avec son âme d’évêque, la pleine possession de soi-même 
avec laquelle il résout les difficultés nombreuses et délicates dans 
lesquelles les circonstances l'ont jeté, — une seule fois il fait excep- 
tion, — était tout désigné pour prendre place dans la collection et il 
faut féliciter l'abbé Boutet d’avoir songé à lui donner la première place. 


252 COMPTES RENDUS. 


Nous n'avons encore qu’un volume de son ouvrage; un second suivra 
et je crains bien qu'il ne doive se résigner à donner une suite à celui-ci. 
Il n'a en effet encore qu’un maigre morceau des richesses de l’œuvre 
du maître. 

Il commence par nous donner une esquisse de sa vie, puisée aux bons 
auteurs et avec l'amplitude suffisante pour fournir à des lecteurs non 
familiarisés les lumières nécessaires pour comprendre l’âme, l’œuvre 
et la vie du grand évêque. C’est vraiment la bonne partie de son livre. 
En nous donnant à la fin de cette vie la chronologie des œuvres princi- 
pales, il nous avertit qu'il va les publier dans l'ordre chronologique : 
S. Cyprien, homme d'action, n’a pas écrit pour le plaisir d'écrire : il 
pe l’a fait qu'au moment où les circonstances l'y forçaient. Ses œuvres 
font partie intégrante de sa vie de chrétien et d'évêque. Nous donnons 
parfaitement raison à l’auteur de notre ouvrage. 

Il ne donne pas le texte intégral de toutes les œuvres qui paraissent 
dans sa publication ; pour certaines, il se contente d'extraits, mais 
d'extraits assez longs pour fournir une connaissance sérieuse de 
l'œuvre. Je regrette qu'il n'ait pas mieux marqué les coupures faites 
et relié les passages publiés au moyen d’une courte analyse, comme 
aussi qu’il ait délibérément supprimé les divisions adoptées par les 
éditions critiques, ce qui rend le rapprochement de sa publication avec 
celles-ci quelque peu pénible. Il se justifiera probablement en me 
répondant qu’il écrit précisément pour des lecteurs qui n’ont pas à 
faire tel rapprochement. 

Il fait précéder chaque traité d’une courte notice destinée à donner 
les renseignements utiles pour l'intelligence du texte : circonstances de 
la composition, but poursuivi, brève analyse, caractère du livre. Je suis 
à dessein le plan de la notice d'introduction de la lettre ad Donatum, 
qui me semble la mieux réussie; je suis moins content de celle qui 
précède le de habitu viryinum, où l’auteur s’est attardé à des dévelop. 
pements intéressants sans doute, mais qui ne sont pas nécessaires pour 
l'intelligence d'un texte, qu’il ne fxit pas connaître suflisamment pour 
lui-même. Les morceaux publiés sont suivis d’appendices : le présent 
volume en contient trois, sur le baptème, la confirmation, le mariage 
dans saint Cyprien. La table des matières du second volume nous 
annonce que les autres sacrements y auront leur place. Ce sont, à en 
juger par les appendices du présent volume, des notes destinées à 
renseigner sur la théologie sacramentaire de l’évêque de Carthage, sur 
les rites suivis dans l’ancienne Église dans l'administration de ces 
sacrements. Elles sont bien composées. 

Ce premier volume contient des extraits de la lettre à Donat, du traité 
sur la Vanité des idoles, la publication complète des Règles de conduite 
pour les vierges et entin des passages considérables des trois livres des 
Témoignages à Quirinus. Je ne comprends pas bien la place relativement 
grande accordée à ce dernier ouvrage, étant donné le but poursuivi par 
la collection, pas plus que les extraits de l'ouvrage sur la Vanilé des 


A. MOULARD : S. CHRYSOSTOME, LE DÉFENSEUR DU MARIAGE. 203 


idoles. L'auteur me semble avoir sacrifié quelque peu au démon de 
l’érudition ; il lui fait d’autres sacrifices dans les notes, pourtant assez 
sobres, s'attachant, çà et là, à reproduire des extraits quelque peu longs 
d'autres Pères sur la matière traitée. J'aimerais mieux qu'on se con- 
tentât de dire ce qui est nécessaire pour l'intelligence du texte, cela 
seulement mais cela nécessairement. , 

La traduction est élégante, facile et agréable à lire. Je n'irai pas 
jusqu'à dire qu'elle rend toutes les nuances du texte original, on ne peut 
le lui demander et les lecteurs auxquels elle est destinée, ne penseront 
pas à l'exiger; mais elle rend tidèlement la pensée du maître dans son 
sens et son esprit. 

Eu somme, l’abbé Boutet a bien inauguré la nouvelle collection, par 
l'heureux choix du sujet et par la manière dont il a réalisé son entre- 
prise d’initier le grand public à l'activité littéraire du grand évêque de 


Carthage. J. FLAMION. 


A. MouLann. Saint Jean Chrysostome, le défenseur du mariage et 
Papôtre de la virginité. Paris, J. Gabalda, 1923. In-8, 322 p. 


« Quelle valeur morale et quelle place au sein de la cité chrétienne » 
S. Jean Chrysostome accordait.il, d’une part, au mariage et, d'autre 
part, au célibat de caractère religieux ? Dans sa pensée, « le mariage 
est-il licite, ou non ? désirable, ou non ? la virginité est-elle de 
précepte ou de conseil ? est-elle supérieure au mariage ? » Telles sont, 
formulées par l’auteur lui-même, les questions à examiner dans ce 
livre. Pour y répondre aussi adéquatement que possible, M. Anatole 
Moulard, Docteur és-Lettres, s’est astreint à dépouiller l’œuvre entière 
de Jean Chrysostome. Il à consciencieusement analysé et fondu ensuite 
dans l'unité d’une synthèse les très nombreux passages susceptibles de 
lui apporter quelque lumière. Son volume est formé, pour une bonne 
part, d'extraits, résumés ou citations textuelles, et il n'a pas eu besoin 
d'ajouter à ses analyses beaucoup de commentaires et de discussions. 
Cette manière de procéder est déjà une garantie de fidélité dans 
l'interprétation du fond doctrinal. 

Au sujet du mariage, Jean Chrysostome n'a rien avancé qu'il ne 
prétende tirer de l’Ecriture et en particulier de saint Paul, qui était, 
on le sait, son docteur préféré. Ses vues en cette matière sont natu- 
rellement connexes avec la façon dont il concevait, d’après les mêmes 
sources, la situation respective des deux sexes. Or, à ses yeux, la 
femme, sortie des mains du Créateur i’égale de l’homme — entendons 
égale en honneur et en dignité — est devenue, par la faute originelle, 
sa subordonnée ; elle reste cependant, pour lui, une libre et noble 
compagne, qu'il faut bien se garder d'asservir ou de rabaisser comme 
le paganisme l'avait fait. Le péché, en la mettant au second rang, en 
la rendant même souvent dangereuse pour celui qui partage sa 


254 COMPTES RENDUS. 


déchéance, ne l'a point foncièrement corrompue. Rien, dans les 
réflexions et appréciations de S. Jean, qui sente ce que M. Guignebert 
a appelé bien injustement « l'horreur de l’Église pour la femme ». 
Toutefois l'union actuelle de l’homme et de la femme, en d’autres 
termes, le mariage, envisagé dans sa réalité concrète et comme impli- 
quant les rapports sexuels, est, lui aussi, une suite de la chute origi- 
nelle ; celle-ci l’a rendu nécessaire en engendrant la concupiscence «et 
la mort ; avant la chute il n’y avait ni union ni instinct sexuels. Telle 
est, du moins, la signification concordante d'un grand nombre d'asser- 
tions de Chrysostome, à l'encontre de quelques autres qui y contre- 
disent assez clairement. Il y a Là évidemment une exagération de cette 
vérité, que la concupiscence désordonnée, la révolte des sens contre 
la raison, date de la faute de nos premiers parents. Mais cette inter- 
prétation exagérée une fois admise, il s'ensuit que le mariage doit être 
considéré avant tout comme un remède à l’infirmité humaine, ce serait 
là sa raison d'être principale, sinon unique ; de la procréation des 
enfants il est à peine fait, de ci, de là, une légère et rapide mention; 
et ici encore il faut bien reconnaître une opinion toute personnelle de 
Jean. Néanmoins nous aurions tort de prendre à la lettre et séparé- 
ment telle ou telle expression qui semble présenter le mariage comme 
une simple tolérance; car ailleurs, très explicitement et très fréquem- 
ment, sa légitimité est proclamée et établie par bonnes et solides 
preuves. Elle est défendue exprofesso contre l’encratisme manichéen, 
procédant du principe que la chair est mauvaise en soi, puis contre 
cette forme mitigée d’encratisme, qui vise à se maintenir dans les 
bornes de l’orthodoxie et que M. Moulard appelle, on ne voit pas trop 
pourquoi, « l’encratisme doctrinal », comme si le premier n'était pas 
lui aussi doctrinal, en tant qu'application d’une doctrine hérétique. 
A l’une et l’autre tendance Jean Chrysostome oppose que le mariage, 
n’étaut ni un mal en soi ni une faute, n'est pas non plus un obstacle 
insurmontable au salut ; qu’il y a, en effet, pour se sauver, plusieurs 
voies, qui conduisent toutes au même but. Le mariage est une de ces 
voies, et, loin d'être nécessairement blämable, il s'impose dans cer- 
tains cas. On doit en faire une obligation aux jeunes gens qui n'ont 
pas le courage de s'engager dans l'état monastique ; et, de plus, il 
importe, au point de vue de leur préservation, que leurs parents les 
marient de bonne heure, en tenant compte du reste des conditions 
indispensables d’une union chrétienne. 

En somme donc et malgré des hésitations et des fluctuations sur des 
points de détail, nous retrouvons dans S. Jean Chrysostome la sub- 
stance de la doctrine traditionnelle, moins nettement toutefois et 
moins conséquemment exposée, moins fortement motivée quant à la 
dignité du mariage, que chez S. Ambroise, S. Augustin et d'autres 
Pères de la même époque. | 

Après avoir défendu le mariage contre les mépris et les accusations 
de l'hérésie et d'un ascétisme outrancier, Jean se fait l’avocat et le 


À. MOULARD : 8. CHRYSOSTOMB, LE DÉFENSEUR DU MARIAGE. 259 


promoteur de la virginité en face de tous ses détracteurs ; et il apporte 
même à cette seconde tâche sinon plus de conviction et de zèle, du 
moins un enthousiasme plus chaud et plus opiniâtre qu'à la précédente, 
Et n'était-il pas naturel que, voué de bonne heure et de toute son âme 
à la vie monastique, il mît une belle ardeur, une sorte d’entrain 
juvénil à vanter ce qui en est à la fois une règle fondamentale et un 
des plus glorieux privilèges ? Pour lui, la virginité, vertu inconnue de 
l'Ancienne Loi et du paganisme, propre donc au christianisme, a sa 
racine dans la foi évangélique, dans l’enseignement de Jésus et de 
saint Paul. Elle n'est en soi obligatoire pour personne, elle est recom- 
mandée comme un article de perfection et de conseil ; c’est un idéal 
proposé au libre choix de tous ceux que peut tenter l'ascension des 
sommets. Ses avantages sont nombreux et considérables, et Jean 
prend manifestement plaisir à en dérouler le tableau. Pour les faire 
mieux valoir, il y oppose les inconvénients, soit matériels, soit moraux, 
de la vie conjugale, et dans le croquis qu’il trace de celle-ci, il est 
permis de soupçonner parfois ou d’entrevoir un petit grain de malice, 
comme un léger penchant à la satire. Disons même avec M. Moulard 
qu’on peut, en plus d’un endroit, relever « quelques exagérations » de 
même tendance générale ; c'est ainsi que, s'adressant aux parents, il 
leur dépeint sous des couleurs si vives les dangers que court la 
jeunesse dans le monde, qu'il semble leur faire un devoir de pousser 
tous leurs enfants vers les solitudes érémitiques ou dans les cloîtres. 
M. Puech pense que les paroles de l’austère moraliste pourraient 
s'entendre d’un séjour temporaire des jeunes gens dans les monastères, 
de quelques années de retraite et de réclusion, nécessaires et suffi- 
santes pour les former, pour les aguerrir ; mais M. Moulard refuse 
à bon droit de se rallier à cette interprétation, trop bénigne pour être 
fondée exégétiquement. Ajoutons que ces écarts de langage n’ont été 
constatés que dans une œuvre de polémique et de jeunesse, dans le 
tract apologétique Adversus oppugnalores vitae monasticre, l’une des 
premières productions de Jean. Ce ne fut donc là, conclut M. Moulard, 
« qu'une erreur passagère, qu’on ne retrouve dans aucun autre de ses 
écrits, pas même dans le rio napbsvixs ». Du reste, quand il vante la 
virginité, S. Jean Chrysostome ne restreint nullement la pratique de 
cette vertu suivant la signification primitive et propre du mot, il en 
étend au contraire le sens de manière à y inclure l'exercice de toutes 
les vertus morales et sociales. La vraie virginité, à son gré, est dans 
le cœur, et elle ne va pas sans l’amour, un amour agissant, de Dieu et 
des hommes. La parabole des dix vierges lui sert à montrer que la 
virginité chrétienne et méritoire est inséparable de la charité. Aussi 
bien ses difficultés vont de pair avec ses grandeurs. C'est notamment 
et tout d’abord une fleur délicate, qui ne naît ni ne s’épanouit que 
dans un milieu bien gardé, et qu’il faut protéger contre tout souffle 
malsain ; c’est un trésor qui ne s’acquiert ni ne se conserve sans 
combats et qu’il n'est jamais permis d'exposer inconsidérément. C’est 


256 COMPTES RENDUS. 


pourquoi on doit réprouver avec la dernière énergie une coutume trop 
répandue, suivant laquelle des clercs et des vierges consacrées, pré- 
textant des nécessités domestiques et je ne sais quel mariage spirituel, 
habitent ordinairement sous un même toit. Cet abus, maintes fois 
condamné par l'Eglise, est dangereux, scandaleux, absolument injus- 
titiable ; «il a couvert la virginité de ridicule aux yeux des vrais 
chrétiens et des païens. » Ce c’est pas sans raison qu'on a donné à ces 
vierges folles le surnom moqueur dle yuvaixes quveigæxror, les « sub- 
introduites ». Contre ce « subintroductionnisme » Jean a des pages 
d'une éloquence et d'une virulence peu communes, et il revient fré- 
quemment sur ce sujet : tant le danger lui apparaissait grand et l’abus 
intolérable ! tant il avait à cœur l’honneur de la virginité, du clergé 
et du monachisme ! | 

Puisque telle était son estime pour la virginité, il est assez naturel 
qu'il en ait cherché, pour ainsi dire, et aimé comme un vestige, une 
imitation, dans l’état de viduité embrassé et continué en esprit de 
mortification et de religion. On ne sera donc pas étonné que, sans 
voir, comme Tertullien, dans le texte de la Genèse : Et erunt duo in 
carne una, la condamnation de la polygamie, tant successive que simul- 
tanée, il déconseille fortement les secondes noces. On pourrait plus 
justement s'étonner de ce que, pour détourner les jeunes veuves du 
mariage, il invoque, comme motif, non unique, mais prépondérant, 
« l'expérience qu’elles ont faite une fois de ses amertumes ». C’est par 
un chapitre sur le remariage que M. Moulard clôt son travail. 

Cette étude critique éclaire bien un point intéressant de la tradition 
patristique. Elle est largement conçue, conduite méthodiquement, et 
l'on n’y a rien omis de ce qui peut faire saisir jusque dans ses nuances la 
pensée parfois ondoyante de Jean Chrysostome. Non seulement toutes les 
affirmations du saint docteur, toutes ses opinions concernant le mariage 
et la virginité ont été soigneusement recueillies, pesées attentivement, 
soumises surtout à un examen comparatif et conciliateur, souvent 
nécessaire autant que difficile; mais M. Moulard s’est appliqué à 
replacer cet ensemble doctrinal dans son cadre historique, en le con- 
frontant avec les enseignements des autres Pères et écrivains ecclé- 
siastiques de la même époque ou des siècles antérieurs. Nous sommes 
ainsi mieux à même d'en mesurer la juste portée, d'en apprécier la 
haute valeur morale. . 

M. Moulard, traitant son sujet de façon objective et sans autre souci 
que celui de la vérité, signale franchement, partout où il les rencontre 
dans sa discussion détaillée des textes, plusieurs endroits faibles, 
quelques assertions hasardées ou sujettes à correction, quelques 
autres aussi corrigées par Chrysostome lui-même. Cela étant, je tiens 
pour certain qu’il ne faut pas entendre en un sens trop absolu cer- 
taines expressions par lesquelles le diligent critique, se résumant, 
paraîtrait presque vouloir atténuer des réserves énoncées et bien 
justitiées au cours de son étude. Il écrit, par exemple, que « $. Jean 


TH. HARAPIN : PRIMATUS R. P. IN CONCILIO CHALCEDONENSI. 257 


Chrysostome n'a jamais varié sur la question du mariage et de la 
virginité », que « parler d'évolution proprement dite à propos de 
S. Jean serait un non-sens ». S’exprimer ainsi n'est-ce pas, par souci 
peut-être de précision et de condensation, s’exposer à être mal com- 
pris ? Un exégète, un moraliste à charge de qui on a relevé « quelques 
contradictions, quelques écarts de pensée et de style » (p. 308), sans 
parler de ses « boutades » et de ses « paradoxes » ; qui a soutenu, mais 
« non pas toujours », que sans le péché originel l’union sexuelle n’eût 
pas existé (p. 6) ; dont on peut dire : « Il y eut une époque où il fut 
bien près de considérer la pratique de la virginité dans la vie monas- 
tique comme une nécessité de salut... Mais ce ne fut [à qu'une erreur 
passagère, qu'on ne retrouve dans aucun autre de ses écrits » (p. 225- 
232) ; — ce moraliste, cet exégète a bel et bien varié, ce me semble ; 
il à aussi évolué, évolué heureusement, progressé en évoluant. 
M. Moulard nous cite en les approuvant ces paroles de Neander : 
« Dans le calme et régulier développement de sa doctrine (celle de 
Chrysostome), se montrent, depuis les premiers écrits jusqu'aux 
derniers, les mêmes idées dominantes et les mêmes sentiments. » A la 
bonne heure ! Je fais volontiers mienne, à la suite de M. Moulard, 
cette appréciation. Mais un développement doctrinal régulier, qui res. 
pectant les mémes idées dominantes et les mêmes sentiments, en fait 
sortir de nouvelles conclusions et applications, plus complètes, parfois 
aussi plus justes que les précédentes, n'est-ce pas précisément celui qui 
répond le mieux à la notion d'évolution ? Après tout, nous ne devons 
pas craindre ce nom d'évolution. Mais j'ai tort sans doute, grandement 
tort, en présence d’un travail dont les qualités de fond et de méthode 
sont si manifestes, de paraître insister sur un détail de terminologie, 


sur une question de mots. J. FoRGET 


P. Tacopa. HarabiN, O. F. M. Primatus Pontificis Romani in con- 
cilio Chalcedonensi et Ecclesiae dissidentes. (Collectanea philoso- 
phico-theologica, cura professorum Collegii internationalis S. An- 
tonii de Urbe edita. Vol. I.) Quaracchi, Collège S. Bonaventure, 
1923. In-8, 150 p. 


Les « Églises dissidentes » ici visées sont ces communautés chré- 
tiennes soi-disant « orthodoxes », dont la situation, même matérielle, 
surtout dans l'empire russe, est aujourd’hui si lamentable. Toutes 
refusent obstinément de croire et de se soumettre à l'autorité du pape. 
À cette subordination, qui les honorerait comme la vérité reconnue 
et le devoir accompli honorent, elles ne rougissent pas de préférer 
leur subordination au pouvoir civil ; nous en avons l’aveu ofliciel dans 
une lettre adressée par leurs chefs à Pie IX en 1848. Et pourtant la 
primauté de Rome est un fait si éclatant, que leurs historiens les plus 
sérieux n’ont pas pu ne pas le proclamer. A. P. Lebedev en a formulé 


258 | COMPTES RENDUS. 


la constatation en termes très explicites : « Toujours et immuable- 
ment le Pontife romain a été au-dessus des autres patriarches ; jamais 
il n’a eu ni pu avoir d'égal parmi les évêques. » De ce fait et de sa 
légitimité on relèverait d'innombrables preuves, si l'on voulait dé- 
pouiller le recueil des sept premiers conciles œcuméniques, les seuls 
que les « Orthodoxes » admettent. Dans le petit volume que j'ai sous 
les yeux, on se restreint à l'étude du principal, du concile tenu à 
Chalcédoine en 451, auquel environ 600 évêques assistèrent. 

Le KR. P. Harapin traite ce sujet avec ampleur ct une érudition de 
bon aloi. Il distingue dans son travail deux parties, l’une « historique», 
et l’autre « démonstrative ». La première, qui constitue une sorte de 
longue iotroduction, ne se borne pas à résumer les antécédents du 
concile : l'émoi causé par la publication des erreurs d’'Eutychès, les 
manœuvres et les tergiversations de l’hérésiarque, les scandaleuses 
excentricités et les empiétements du « brigandage » d’Ephèse; elle 
nous retrace en outre, session par session, la suite des débats et des 
décisions de Chalcédoine. 

La seconde partie comprend trois chapitres : d’abord, les textes ou 
témoignages qui serviront de base à la démonstration ; puis, les con- 
clusions qui en découlent ; enfin, un examen spécial et très attentif 
du fameux canon xxvitt. Les témoignages à utiliser, empruntés à la 
Collection de Labbe et reproduits in extenso, se divisent et se sub- 
divisent assez naturellement d’après leurs dates et la diversité de leur 
provenance. L'auteur en aligne un nombre respectable de chaque 
catégorie : antérieurement à la célébration du concile, il n’en compte 
pas moins de 41, dont 27 tirés des lettres de saint Léon, neuf, des 
lettres à lui adressées, et cinq, de lettres échangées entre d'autres 
personnages de marque. Les Actes conciliaires en fournissent 22 ; les 
temps subséquents, 12. Pris chacun à part, ces textes, on le devine, 
sont de valeur fort inégale ; mais leur ensemble est de nature à porter 
la conviction, une conviction inébranlable, dans tout esprit non 
prévenu. Le KR. P. Harapin en reprend du reste l’analyse détaillée, 
pour en déduire successivement les propositions suivantes : 1° le 
Pontife romain est le successeur de Pierre, c’est-à-dire l'héritier de 
toute l'autorité que Pierre tenait du Christ ; 2 il a juridiction univer- 
selle, en tant que tête de l'Église et du corps épiscopal, en tant que 
chargé du soin de toute l'Eglise, en tant qu’il gouverne de fait les 
évêques, et en tant que, comme juge, il prononce en dernier ressort 
dans toute cause portée à son tribunal ; 3° il a autorité sur les conciles ; 
4° il est le suprême et infaillible docteur de la foi. Tout cela, je le 
répète, peut et doit entrainer la conviction. Néanmoins il est peut-être 
permis de se demander si, au point de vue non de la solidité des con- 
clusions, mais de leur facilité, pour que la force en saute aux yeux 
plus vite et avec moins d'effort, il n’eût pas mieux valu, dans cette 
surabondance de textes, en choisir quelques-uns des plus catégoriques, 
des plus significatifs, pour y insister et les mettre en pleine lumière 


TH. HARAPIN : PRIMATUS R. P. IN CONCILIO CHALCEDONENSI. 59 


à l'aide des autres, groupés tout autour. De plus, la marche suivie 
devait fatalement conduire et à de fait conduit à d'assez fréquentes 
répétitions, d’autant que certains extraits sont propres à établir ou 
confirmer également plusieurs aspects, plusieurs prérogatives de la 
suprématie pontificale. Inévitables dans le deuxième chapitre, les 
redites l’étaient plus encore dans le troisième, consacré tout entier 
à une critique approfondie du 28° canon. Ici le R. P. Harapin rappelle 
d'abord comment ce canon se rattache historiquement, d’une part, au 
6* et au 7° de Nicée, et, d’autre part, au 3° de Constantinople, qu'il 
prétend reproduire et confirmer. Il raconte aussi à grands traits sa 
genèse laborieuse et sournoise, presque subreptice, ainsi que les oppo- 
sitions déclarées qu'il rencontra, après le vote comme avant, et qui le 
rendent absolument caduc. L'auteur examine ensuite la portée primi- 
tive du 28° canon relativement à la primauté romaine, dans quel 
esprit il fut proposé et voté. Il établit très bien que les Chalcédoniens, 
uniquement préoccupés de rehausser la splendeur du siège épiscopal 
de la cité impériale, n’ont cependant point voulu disputer à Rome la 
souveraineté de juridiction : la première partie du canon en cause ne 
concerne évidemment que la primauté d'honneur, dans l'ordre de 
laquelle elle ne revendique d’ailleurs que le « second » rang, « après » 
le Pontife romain ; mais, par une inconséquence à peine concevable, 
la deuxième partie, où il est clairement question des droits, des actes 
d'autorité que l’évêque de Constantinople exerçait en qualité de 
patriarche, se présente comme rattachée à la première et en découlant. 
À cet illogisme flagrant viennent s'ajouter des considérants ou trop 
vagues ou positivement inexacts, pleins de dangers, par conséquent, 
et susceptibles des abus les plus funestes ; nous y lisons, par exemple, 
que les privilèges réclamés pour Constantinople — privilèges d'honneur, 
Ta npe(ieia ris Tuuñc— sont égaux à ceux de Rome ; que les privilèges 
de Rome lui ont été justement attribués (jure tribuerunt, Etxorws ànode- 
Owzaot) par les Pères ; qu'elle en a été gratifiée parce qu’elle était la 
capitale de l’empire /quod imperaret, duà to (agrevew). Avec de tels 
principes ce qui devait se produire s'est produit : les Grecs, l’anti- 
pathie et la jalousie séculaires aidant, ont vu dans des formules à 
tout le moins équivoques et exagérées comme à plaisir, ce que leurs 
auteurs n’y avaient pas voulu mettre; ils y ont vu la primauté romaine 
réduite à un droit de préséance, à une prééminence d'honneur et 
d'institution ecclésiastique ; logiquement ils auraient pu et dû aller 
plus loin, jusqu’à l'affirmation de la substitution pure et simple de la 
nouvelle Rome à l’ancienne. Nous voilà ainsi amenés à nous rallier 
a cette sévère appréciation du 28° canon, tombée naguère de la plume 
d'un spécialiste en choses russes : « Nous sommes, dit le P. Jugie, en 
présence d'un mensonge officieux, qui se trahit du reste par un manque 
de logique ; car si la prééminence religieuse de Rome lui vient de son 
rang de capitale, cette prééminence n’a plus de raison d’être depuis 
que la nouvelle Rome est bâtie, et celle-ci doit occuper désormais non 


260 COMPTES RENDUS. 


le second, mais le premier rang. Les Pères de Chalcédoine n'osérent 
aller jusque-là, parce qu'ils croyaient à la primauté de droit divin, 
tout en s'exprimant comme s'ils n’y croyaient pas. » Les théologiens 
orthodoxes les plus en vue, comme Balsamon et Zonaras, reculent 
aussi devant une conséquence trop inconciliable avec tous les 
témoignages historiques. 

En dépit de quelques longueurs, inhérentes au plan adopté, et de 
quelques pages d’une lecture légèrement laborieuse, l'étude du 
R. P. Harapin se recommande à la plus sérieuse attention des histo- 
riens, aussi bien que des théologiens et des canonistes. Elle est 
richement documentée et solidement charpentce. L'auteur, à qui les 
langues slaves sont familières à l’égal du grec et du latin, est remonté 
constamment aux sources, et toutcs ses citations sont faites d'après 
les textes originaux. Son livre pourrait passer pour un commentaire 
anticipé de quelques parties de la récente encyclique Ecclesiam Dei. 


J. FOoRGET. 


F. J. Foakes JACKSON. An introduction lo the history of christianity 
À. D. 590-1514. New-York, The Macmillan Company, 1921. {n-8, 
ix-390 p. 


Sous ce titre un peu équivoque, l’auteur, qui est professeur d'institu- 
tions chretiennes à l'Union theological Seminary de New-York, nous 
offre en réalité l’histoire de la « chrétienté médiévale ». Comme il le 
dit dans la préface (p. vi1), son but est de fournir «une introduction à 
l'histoire du moyen âge qui fasse naître le désir d'en savoir plus, et 
d'en indiquer les lignes maîtresses dans l'espoir de stimuler des 
enquêtes plus approfondies ». 

Le livre de M. Jackson fait donc partie de cette littérature de vul. 
garisation scientifique, qui est si répandue et qui connaît tant de vogue 
dans le monde anglo-saxon. Ce n'est pas une histoire du moyen âge 
que nous avons ici, mais un ensemble de chapitres destinés à faire 
convaître la « chrétienté » ou, si l’on préfére, la société chrétienne 
médiévale. A travers les quatorze chapitres du livre court, comme un 
leitmotiv, l'histoire de la papauté, l’institution-type et Le centre de la 
chrétienté du moyen âge. C’est autour de cette histoire que l’auteur a 
su grouper, avec une incontestable habileté, les renseignements et les 
considérations sur l'histoire politique, littéraire, scientifique, artistique 
et économique de cette époque. Dans les quatorze chapitres de son 
livre, l’auteur traite successivement — nous reproduisons les titres de 
son travail — : les piliers de l'Église médiévale (la papauté et le mona- 
chisme); l'Église et l'Empire; le haut moyen âge (que les Anglo-Saxons 
appellent presque toujours « the dark ages ») ; l’ « Empire ecclésia- 
stique » de l'Ouest ; la renaissance et la réorganisation de La papauté: 
les croisades ; la science et l’hérésie médiévales : l’Église médiévale 
comme institution disciplinaire ; les ordres mendiants, les écoles, les 


PF. J. F. JACKSON : HISTORY OF CHRISTIANITY A. D. 590-1314. 26] 


universités ; la papauté et la maison des Hohenstaufen ; la papauté et 
la monarchie française ; la papauté et l’Angleterre ; une vue d'ensemble 
de la société médiévale ; Dante et la décadence de l'esprit médiéval. 

Il nous semble que l'auteur a atteint le but qu’il s’est proposé : il a 
vigoureusement mis en relief les idées maîtresses de l'époque et son 
livre incitera le lecteur ou le public auquel il s'adresse à en savoir plus 
long. A ce titre, M. Jackson a produit une œuvre utile. 

Ajoutons que cette œuvre est remarquable. Elle l'est, d’abord, par 
un effort sincère et considérable de l’auteur de se montrer, en toutes 
circonstances, impartial. M. Jackson, qui n'est pas catholique, a voulu 
saisir l'essence de la ahrétienté médiévale et nous croyons pouvoir dire 
qu'il l’a atteinte. Il a compris le moyen âge et c’est ce qui lui a permis 
d'expliquer à un public généralement rempli de préjugés les événe- 
ments, les idées et les hommes en les plaçant dans leur milieu et dans 
leur atmosphère réelle. Tels passages de son livre sont étonnants de 
justesse et pourraient être signés par un catholique : tels chapitres 
constituent une apologie ou une réhabilitation de la papauté comme on 
en chercherait en vain dans les meilleurs historiens de l'Eglise. À ce 
sujet, nous signalons surtout ce que M. Jackson dit des papes du 
vu siècle, des rapports de la papauté avec Byzance (p.39 svv.), du 
schisme de Photius (p. 67 svv.), du schisme de Michel Cérulaire 
(p. 126 svv.), de l’œuvre de Grégoire VII considérée dans son ensemble 
(p. 143). L'auteur excelle d’ailleurs à mettre en relief l’œuvre des 
grands papes : ce qu'il dit, p. ex., de Grégoire Le Grand et de Nicolas [°° 
est remarquable. A l'endroit de l'Eglise et de ses institutions, l’auteur 
montre du respect et une compréhension sympathique et son attitude 
est marquée à souhait dans des passages comme celui-ci [à propos du 
procès du pape Formose] : « Cette pénible histoire ne doit être racontée 
que brièvement, car les scandales de l'Eglise ne servent à rien, si ce 
n'est à prouver son inhérente vitalité » (p. 78). Parlant de la contro- 
verse entre Hildebrand — le futur Grégoire VII — et Bérenger de 
Tours, l’auteur remarque : « En ceci, le futur pape nous paraît avoir 
montré les meilleures traditions de Rome, c.-à-d. impartialité au milieu 
d'une controverse très chaude, et répugnance à traiter avec brutalité 
une erreur spéculative » (p. 130). Pour juger la lutte d’'Anselme de 
Cantorbéry contre Guillaume II et Henri I°" d'Angleterre, M. Jackson 
s'inspire du principe que voici : « Juger les hommes à la lumière 
d'événements qui eurent lieu bien des siècles plus tard, ce n'est pas 
l'attitude de l'historien, dont c'est le devoir de se placer autant que 
possible à la place du personnage qu’il décrit et de se rendre compte 
des circonstances de son époque » (p. 305). 

De tels principes expliquent que M. Jackson à écrit au sujet de 
l’Inquisition des pages remarquables de modération — encore qu'il ne 
mette pas assez en évidence que l’inquisiteur est avant tout un confes. 
seur, qui doit tendre à ramener l’hérétique à la foi — et qu’il a sur la 


REVUE D'HISTOIRE BCCLÉSIASTIQUE, XX: 37 


26 COMPTES RENDUS. 


lutte de l'Eglise contre l’ « usure » des idées marquées au coin du bon 
sens le plus manifeste (p. 348-319). 

Avec l'effort d'être impartial va de pair une vision synthétique nette 
et souvent tres exacte : les pages consacrées à établir les raisons de 
l’iconoclasme byzantin, à décrire les écoles et les universités, à étudier 
l’organisation centrale de l'Eglise, à mettre en relief l'influence des 
ascètes sur la réforme grégorienne, à donner une vue d'ensemble d° la 
société médiévale, sont particulièrement recommandables. Le chapitre 
sur l'histoire religieuse de l'Angleterre mérite aussi des éloges. 

Le bien que nous venons de dire du travail de M. Jackson nous met 
plus à l’aise pour critiquer certaines faiblesses que nous ne pouvons 
passer sous silence. Parlant de l'iconoclasme byzantin, l’auteur semble 
admettre que l’on adorait réellement les images : aussi se montre-t-il 
trop favorable aux empereurs qui se rendirent responsables des excès 
de persécution en la matiére. Après un passage des plus suggestifs sur 
l’histoire de la papauté au haut moyen âge, on est tout étonné de lire 
comme conclusion (p. 84-85) qu'en revendiquant encore aujourd'hui le : 
pouvoir temporel, le Saint-Siège met en danger la paix du monde. 
Page 292, M. Jackson, qu’on prend cependant rarement en défaut dans 
ces questions, nous apprend que, par le jubilé de 1300, Boniface VIII 
promit la rémission des péchés, Ici l’auteur est sans doute victime 
d’une distraction : il est généralement trop bien informé pour ne pas 
savoir qu’il s’agit de la rémission non du péché, mais de la pénitence 
imposée pour le péché. Dans le chapitre sur la société médiévale, 
M. Jackson s’est laissé entrainer à trop généraliser certains faits 
dénotant la corruption du clergé médiéval. Nous n’entendons point nier 
que les abus qu’il cite soient matériellement vrais pour tel endroit et 
telle époque, mais il ne s'ensuit point qu'on ait le droit de les généra- 
liser à la fois dans le temps et dans l’espace. Les faits invoqués à charge 
du clergé sont surtout des exemples empruntés à l'Angleterre de la tin 
du moyen âge et l’auteur nous semble être ici sous l'influence de Lea, 
qu'il n’ignore pas être « unfriendly » cnvers l'Eglise, puisqu'il nous en 
avertit lui-même dans sa note bibliographique au ch. XIII. Enfin, nous 
regrettons de trouver, page 319, un passage contre le Saint-Sacrement 
de l’autel où le protestant n'a pu laisser, par exception, d'employer 
certaines expressions qui déparent la sérénité du livre. M. Jackson 
semble encore croire à la réalité du cri qu'aurait poussé le légat ponti- 
fical au sac de Bézicrs pendant la guerre contre les Albigeois : « Tuez- 
les tous, Dieu saura reconnaître les siens ! » Cependant, ni la chronique 
de Pierre de Vaux, ni Guillaume de Puylaurens, ni la chanson de la 
croisade, ni la chronique de St-Denis, ni Guillaume le Breton, ni Albéric 
de Trois-Fontaines, ni Guillaume de Nangis, tous auteurs qui relatent 
en détail les événements, ne rapportent ces paroles. Il faut attendre 
les Dialogues du crédule Césaire d'Heisterbach pour les voir mention- 
nées, et encore avec la réserve dirisse fertur.. On peut, avec Luchaire, 
rejeter hardiment cette historiette. 

a 


J. A. ROBINSON : THE TIMES OF SAINT DUNSTAN. 263 


Nous pourrions encore relever l'insuffisance de documentation ou de 
pénétration en ce qui concerne les passages sur le couronnement de 
Charlemagne, certains aspects de l’œuvre de Grégoire VII, la féodalité 
— l’auteur s’en tient trop à la féodalité anglaise pour caractériser le 
régime dans son ensemble — le mouvement des Cathares, la psychologie 
et les idées de Frédéric II, mais nous dépasserions la mesure de ce 
compte rendu. 

Malgré ses faiblessos, le livre de M. Jackson, dont nous avons relevé 
par ailleurs les incontestables mérites, rendra de grands services au 
public auquel il est destiné. Les médiévistes eux-mêmes y trouveront 
des vues et des remarques dont ils pourront faire leur protit. 


L. VAN DER ESSEN. 


J. ArmrrAGe RoBinson. The times of Saint Dunstan. Oxford, Cla- 
rendon Press, 1923. 1n-8, 188 p. Prix : 10 s. 6 d. 


Le nouveau livre du Doyen de Wells comprend sept études sur 
S. Dunstan et les grands personnages de l'histoire d'Angleterre au 
x° siècle, le roi Athelstan, S. Ethelwold et S. Oswald, études qui ont 
été l’objet des Ford lectures, données à l'Université d'Oxford pendant 
le terme de la Saint-Michel en 1922. 

Dans son introduction, l’auteur s'attaque au problème de la chrono- 
logie de la Chronique anglo-saxonne, qui est, on le sait, la principale 
source d’information pour l’histoire du Wessex au xe siècle. Il ressort 
de la pénétrante discussion à laquelle il se livre que la plus ancienne 
et la meilleure recension de la Chronique se trouve dans le manuscrit 
donné au Corpus Christi College de Cambridge par l'Archevèque 
Parker, lequel offre une première rédaction, œuvre d'une seule main 
qui travailla jusqu’à l’année 891. La Chronique fut ensuite continuée 
par divers scribes, probablement à Winchester. La septième main 
arrêta son travail en 923. Après cela, le manuscrit fut laissé de côté 
pendant une génération. Une huitième main se mit à l’œuvre vers 
l'an 955, notant sommairement les événements arrivés depuis l'inter- 
ruption. La Chronique fut encore laissée de côté et reprise plusieurs 
fois dans la suite, jusqu'à ce qu’un correcteur, qui en vérité ne mérite 
guère ce nom, eut, vers 1025, la malencontreuse idée de modifier la 
chronologie de 892 à 929, en sorte que, par suite de cette intervention, 
tous les événements de cette période se présentent un an en retard 
dans le texte. Les éditeurs de la Chronique anglo-saxonne ont donc 
eu tort d'accepter comme exactes les dates corrigées au x1° siècle. 

A la suite de feu M. Murray L. Beaven, dont il adopte partiellement 
les conclusions, le critique s'attache aussi à élucider quelques autres 
points obscurs de la chronologie des rois Edouard l’Ancien et Athel- 
stan. La conclusion à laquelle il arrive est que le roi Édouard est 
mort en 924, qu'Athelstan, son tils, lui à succédé durant cette années . 


264 COMPTES RENDUS. 


et que ce dernier est mort en 939 et non pas en 940, éomme on le croit 
communément. 

Très attachante est l’histoire des libéralités faites aux monastères 
par Athelstan, qui fut prodigue des manuscrits et des reliques qu’il se 
plaisait à collectionner. Trois des manuscrits ici étudiés sont parti- 
culièrement dignes de retenir l'attention. L’évangéliaire irlandais de 
Maelbrighde Mac Durnan, écrit vers le milieu du 1x° siècle, et actuel- 
lement conservé à la bibliothèque de Lambeth à Londres, porte une 
inscription dédicatoire qui commence ainsi : « Mæielbrithus Mac 
Durnani — islum lexlum per triquadrum — deo digne dogmatizat, etc. », 
dont le D' A. Robinson donne une explication très intéressante 
(p. 55-59). Le psautier d’Athelstan (auj. Galba. A. 18) fut écrit au 
ix° siècle sur le Continent. Divers textes d'une grande valeur histo- 
rique et liturgique y furent insérés au début du siècle suivant (p. 64- 
66). Un évangéliaire actuellement conservé au Corpus Christi College 
d'Oxford sous le n° 122, œuvre d'une main irlandaise, renferme une 
table en forme d’échiquier contenant 324 carrés (voir le fac-similé au 
frontispice). C'est un alea Evangelii, jeu obscur et compliqué dont une 
description est donnée dans une note additionnelle (p. 171-181). 

Le principal intérêt de l’histoire de S. Dunstan (909-988), de S. Ethel- 
wold (+ 984) et de S. Oswald (+ 992) est Le zèle dont on voit ces trois 
grands prélats animés pour la réforme des monastères et dont la 
Regularis concordia demeure le témoignage permanent. L'auteur 
appelle de ses vœux une nouvelle édition de cet important monument 
de la discipline monastique, dout la rédaction fut exécutée par 
S. Ethelwold lui-même ou sous sa direction (voir RHE, 1922, t. XVIII, 
p. 591). 

P. 148, 1. 22, il faut lire Lorsch, au lieu de Lauresham ; p. 151, note 1, 
Barberini, au lieu de Barbarini. L. Goueaun, U. S. B. 


A. Ana. Guillaume de Saint-Thierry, sa vie et ses œuvres. (Thèse de 
doctorat présentée à la Faculté de théologie de Lyon.) Bourg, 
Imprimerie du « Journal de l'Ain », 4925, in-8, 410 p. 


Guillaume de Saint-Thierry est une personnalité remarquable à plus 
d’un titre. La tendre amitié qui l’unit à saint Bernard suffirait à le tirer 
de l'oubli, s’il ne s'imposait déjà à l'attention des historiens par son 
œuvre littéraire et certains épisod:s8 de sa vie qui en font un représen- 
tant du mouvement religieux de son époque. Après une introduction 
bibliographique sur Ses œuvres, les sources de son histoire et les travaux 
dont il a été l'objet, M. A. racunte, en s'appuyant à chaque pas sur les 
sources, la vie du moine liegeois. D'après lui, Guillaume aurait étudié 
à Laon et non à Reims. La conjecture, pour être plausible, ne s'impose 
pas. Guillaume se tit bénédictin noir à Saint-Nicaise de Reims, — c’est 


M. CHOSSAT : LA SOMME D. SBNTENCES, ŒUVRE DE H. DE MORTAGNE. 269 


alors qu’il se lia d'amitié avec Bernard de Clairvaux, — devint abbé 
de Saint-Thierry au Mont d'Hor, se signala par la part qu'il prit aux 
controverses entre Cluny et Citeaux, dans un sens d'apaisement, et 
aux mesures de réforme qui en furent l’épilogue. Après quinze aus 
d'abbatiat, il se retira dans la fondation cistercienne de Signy, entrainé, 
malgré les avis de son ami, dans le mouvement qui portait vers Cîteaux 
l'élite religieuse de son temps. M. A. montre, après plusieurs autres, 
que c’est bien réellement Guillaume qui sollicita Bernard de Clairvaux 
d'entrer en lutte contre Abélard. Il prouve aussi par des arguments 
tirés pour la plupart de la tradition manuscrite que Guillaume est 
l’auteur du Traité de la vie solitaire, souvent désigné sous le titre de 
Lett'e aux frères du Mont Dieu, que Massuet avait attribué à Guigues le 
Chartreux. Pour être complète, la démonstration devrait faire état 
également des critères internes. Elle suffit cependant à entraîner la 
conviction. D’autres, nous le savons, étaient arrivés à la même conclu- 
sion par des voies différentes. L'auteur donne un bref aperçu de la 
diffusion et. du succès de cet opuscule et défend avec le P. M. Viller, 
contre M. Pourrat, son orthodoxie. Par contre, le secund Trailé contre 
Abélard et celui des Relations divines contre Gilbert de la Porrée, attri- 
bués fort tardivement à l'abbé de Saint-Thierry, ne sont point son 
œuvre. Le dernier ouvrage de Guillaume est une Vie de saint Bernard, 
qu'il laissa inachevée. M. A., avec Vacandard, date du 8 septembre 1147 
ou 1148 la mort du moine de Signy. Il termine son ouvrage par une 
étude sur le caractère du « Bienheureux » — les traditions cisterciennes 
lui donnent ce titre — rendue nécessaires par les inexactitudes de celle 
que Kütter en avait faite. Excellente monographie qui fait espérer 
beaucoup de sa suite naturelle, que M. A. projette sans nul doute, où 
il fera l’exposé de la doctrine théologique et ascétique de celui dont il 


retrace la fidèle image. P. DEBONGNIE. C. SS. R. 


Marc. Cnossar, S. J. La Somme des Sentences, œuvre de Hugues de 
Mortagne vers 1155. Avec préface et introduction par J. de 
Ghellinck, S. J. (Spicilegium sacrum Lovaniense. Études et docu- 
ments. Fasc. 5.) Louvain, « Spicilegium sacrum Lovaniense », 
Bareaux, rue de Namur, 40, 19923. In-8, vi-212 p. 


Le livre du P. Chossat, est il besoin de le dire, ne s'adresse pas à 
n'importe qui. Mais tous les futurs historiens et théologiens l’étudie- 
raient avec grand protit et les spécialistes mêmes goûteront en sa 
compagnie quelques bons moments de jouissance intellectuelle. 

C'est en effet une question passionnante et fort complexe que la 
paternité de la Somme des Sentences, attribuée à Hugues de St-Victor 
par beaucoup d’érudits. Et le nom de l’auteur anglais, Conan Doyle, 
cité au cours de l'ouvrage, rappelle à propos les recherches ardues de 


260 COMPTES RENDUS. 


quelque policier. Avec une connaissance impeccable des sources théolo- 
giques du x1n1° 8., avec une critique éveillée et pénétrante, l’auteur 
traite à nouveau et largement le problème. Son exposé refait pour le 
lecteur tout son travail ; il passe par ses doutes, ses tâtonnements, ses 
angoisses ; il rend les joies de ses découvertes. Le style alerte, spirituel, 
sans jamais cesser d’être grave, contribue encore à nous attacher au 
P. Chossat et à nous changer un peu des dissertations touffues, inter- 
mipables et ennuyeuses, qui ne laissent pas même dans l'esprit fatigué 
une idée précise. 

Il y avait lieu d'interroger tout d’abord les manuscrits de la Somme. 
Il nous en est resté une quarantaine. De cet examen ressort une 
première conclusion : l’auteur est certainement un Muiîlre Hugues. 
Seuls, deux manuscrits relativement récents, complètent le nom 
d'Hugues, en l’appelant Hugues de St-Victor ; quant à l'attribution, 
récente aussi, et confinée à un seul milieu, de cet ouvrage à un maître 
Eudes, elle doit être écartée comme le résultat d'un quiproquo et d’une 
méprise. 

Voici donc le Père Chossat en quête d’un maître Hugues. Mais les 
maîtres Hugues ne manquent pas au xn° siècle. Les emprunts de la 
Somme à diverses œuvres théologiques, les matières traitées et la façon 
de les traiter permettent de compléter l’état civil du mystérieux auteur. 
Maître Hugues a écrit entre 1138 et 1158. Bien plus : comme il réfu‘e 
le Porrétanisme dans son plein épanouissement, et le Porrétanisme 
qu'attaqua Pierre Lombard, Ja Somme n'est pas antérieure à la fin de 
1154. Et c’est dans le milieu laonnaïis qu’on a la plus de chance de le 
rencontrer parmi les connaissances et les amis, peut-être même parmi 
les disciples de Gautier de Mortagne. 

J'ai nommé Pierre Lombard. On considère très généralement ses 
Sentences comme posterieures à la Somme. En deux chapitres, le ch. IV 
et le ch. V, le P. Chossat accumule les indices qui doivent venger le 
Lombard du reproche de plagiat. Mais alors, le maître Hugues n'est pas, 
par son originalité, un des princes de la pensée théologique du monde 
chrétien. C’est plutôt au Lombard que revient ce titre. Et l’auteur de 
la Somme ne mérite que le titre de compilateur intelligent et de bon 
écolâtre. 

Encore une fois, quel est donc ce maître Hugues ? D'une correspon- 
dance entre Geoffroy de Breteuil et Hugues de Mortagne, des années 
1173 et 1174, il y a lieu de retenir les données suivantes : Hugues de 
Mortagne avait atteint la quarantaine en 1155, date de composition de 
la Somme; sur le déclin de sa vie il écrivait la biographie de son com- 
patriote, Gautier de Mortagne, qui sans doute avait été à Laon son 
maître et son ami; c'était un lettré, un théologien, devenu bénédictin 
sur le tard. 

Entin voici Le dernier pas qu'une découverte heureuse permit de faire 
au P. Chossat. La Bibliotheca Bibliothecarum de Montfaucon, d'une 
part, le docteur Trisan, historien de la Normandie, d'autre part, 


{ 


P. DE CORSWAREM : DE LITURGISCHE BOEKEN VAN TONGEREN. 267 


mentionnent, indépendamment l’un de l’autre, un manuscrit, le même 
manuscrit de la Somme, et un manuscrit du xr1° s., et un manuscrit de 
la bibliothèque de St-Martin de Séez où Hugues de Mortagne avait été 
prieur. et ce manuscrit porte le nom de Hugues de Mortagne. La 
démonstration était achevée. | 

Oa peut féliciter le P. Chossat pour cette brillante étude. Ses raisons 
paraissent vraiment fort solides. 

Une introduction de vingt pages due à la plume du P. de Ghellinck 
ne se contente pas, comme trop d’introductions, de résumer le livre 
qu'elle annonce. Celle-ci, d’ailleurs, écrite par un spécialiste de la litté- 
rature du x11° siècle et qui a pris lui-même position danse le problème 
de la Somme, montre la place qu'occupera le nouveau livre dans la 
controverse. Elle fait ressortir son originalité, sa portée considérable. 
Elle ajoute même une contirmation à la thèse de l’antériorité de Pierre 
Lombard (p. 19, note 6). 

Mais ainsi que le remarque très justement le P. de Ghellinck, la 
démonstration de la paternité de Hugues de Mortagne n’a pas stricte- 
ment besoin pour subsister que les Sentences soient antérieures à la 
Somme et, avec beaucoup de prudence, l’auteur de l'introduction réserve 
l'avenir. Il ne lui paraît pas impossible que « quelque pièce documen- 
taire, l’affirmation datée d’un contemporain, le témoignage indubitable 
d'une troisième source commune, la révélation indiscrète d’un glos- 
sateur canoniste, ou les souvenirs précis d’un chroniqueur » fixent 
«irréductiblement en une autre année et dans une relation différente 
l'extrait de naissance de la Somme et celui des Sentences du Lombard » 
(p. 19). 

Si je la comprends bien, cette réserve ne porte que sur un point 
secondaire de la thèse du P. Chossat ; elle ne met point une sourdine 
aux éloges que j’ai cru devoir lui décerner et qui seront, j'en suis con- 
vaincu, ratifiés par des historiens plus compétents. 


E. DE MOoREAU, S. J. 


P. DE ConswarEs. De liturgische boeken der kollegiale kerk van 
Tongeren vôdr het concilie van Trente. (Koninklijke Vlaamsche 
Akademie van taal- en letterkunde. Fasc. 4.) Gand, Impr. Erasmus, 
1925. In-8, 290 p. 


Le nom de la collégiale de Tongres rappelle le souvenir de Raoul 
de Rivo, l’un des plus illustres parmi ses doyens, le plus renommé des 
liturgistes de son époque. Son œuvre est mieux connue depuis les 
belles publications de dom C. Mohlberg, de l'abbaye de Maria Laach. 
Je récent ouvrage de M. Paul de Corswarem attire de nouveau 
l'attention sur les efforts que tenta jadis le zélé doyen, pour conserver 
à son église les anciennes traditions liturgiques. A la tin du x1v* siècle, 
on était trop exposé à les oublier. Pour des raisons qu'il est aisé de 


208 COMPTES RENDUS. 


comprendre, parce qu'elles répondent à l’humaine faiblesse, on avait 
accepté un peu partout, avec un empressement à peine déguisé, des 
usages nouveaux : le développement exagéré du sanctoral avait entraîné 
la suppression à peu près complète de la psalmodie fériale, les leçons 
étaient écourtées, les offices notablement abrégés, le tout aux dépens 
des vénérables traditions du passé. 

Raoul de Rivo résolut de remédier comme il pourrait à cet état de 
choses qui le navrait, en luttant énergiquement contre las innovations. 
Il voulait surtout conserver à son église de Tongres ce qu’elle possédait 
encore des usages anciens et lui rendre ce qu’elle avait perdu. S'il ne 
réussit pas complètement dans son œuvre de restauration, il posa du 
moins des principes qui devaient être repris de nos jours. C’est ce qui 
donne à ses ouvrages liturgiques, si remplis de faits et d'observations 
judicieuses, ua vrai regain d'actualité. 

Sa bicnfaisante influence se fit sentir en divers centres ecclésia- 
stiques, et très particulièrement dans la congrégation de Windesheim. 
Mais l'église de Tongres fut l’une des premières à en bénéficier. On 
peut s'en rendre compte en parcourant l'inventaire que M. de Cors- 
warem a dressé. Ce répertoire comprend quelques documents antérieurs 
à Raoul de Rivo, notamment deux évangéliaires des x1° et x11° siècles. 
Plus importants sont le Liber Ordinarius et le Collectaire, tous deux de 
l’église de Tongres. Ce dernier à des chances de représenter l’œuvre 
perdue de l’évêque Etienne (x° siècle), mais souvent remaniée, et mise 
au courant de la liturgie du xrv° siècle. L’Ordinaire est sensiblement 
de cette même époque. L'un et l’autre sont en relation étroite avec les 
travaux de Raoul de Rivo. C’est ce qu'établit l’auteur en deux chapitres 
qui font suite à l'inventaire des maauscrits. Il y reconstitue d’après les 
documents la liturgie de la messe et l’organisation de l'office à N. D. 
de Tongres, au déclin du moyen âge. Beauceup de traits s'y rencon- 
traient qui méritaient une bonne note de l’exigente critique du célèbre 
doyen. La psalmodie se conservait encore assez fidèle, comme chez les 
anciens Ordres monastiques, à l'antique principe romain de la récitation 
hebdomadaire du psautier. 

Sur le terrain du calendrier l’envahissement des nouveautés se faisait 
plus sentir au détriment de l'office férial. Cette question occupe un troi- 
sième chapitre bien documenté. Mais il est à regretter que, dans l'étude 
des « sources » de ce calendrier de Tongres, l’auteur n'ait pas accordé 
l'importance qui convenait aux missels franks du vin‘ siècle. Dés cette 
époque reculée, ces recueils liturgiques présentaient un compromis des 
deux formes du sanctoral romain, la gélasienne et la grégorienne, 
auxquelles ils ajoutaient un certain nombre de fêtes devenues depuis 
d'un usage quasi universel dans les pays septentrionaux. C’est grâce à 
ces missels que le vieux fonds romain, acclimaté sur le sol frank dès le 
milieu du viri® siècle, a servi de base aux calendriers des églises du 
Nord, en Germanie comme en Belgique. La publication récente de 
l'Ordinaire d’Utrecht a nettement accusé cette dépendance étroite. 


A. DANIELS : KEINE LAT. RECHTFERTIGUNGSSCHRIFT D. ECKHART. 209 


+ 

Ainsi s’expliquait aussi, à Tongres et à Liége comme ailleurs, la sur- 
vivance des antiques mentions gélasiennes des saints Magnus, Priscus, 
Rufus, Vitalis, des saintes Perpétue et Félicité, avec les mémoires très 
caractéristiques des Macharius, Emérentienne, Marius et Marthe, 
Préject ou Prix, Prime et Félicien, Machabées. Ajoutons que l’adoption 
de toutes ces fêtes était antérieure à la diffusion du pur grégorien ; elle 
lui survécut, continuant à manifester les tendances romaines qui 
s'étaient affirmées en Gaule dès le vire siècle sous le règne de Pépin. 

C'est jusqu’à ces influences lointaines que remontent les éléments 
essentiels du calendrier de l’église de Tongres. Romain par ses origines, 
il s'ouvre largement, à partir du 1x° siècle, à de nombreuses traditions 
étrangères. Les églises environnantes lui apportent naturellement leur 
contribution particulière. M. de Corswarem mentionne aussi les trans- 
lations de reliques et les dédicaces d'églises, qui ont fait naïtre de 
nouvelles solennités. Les fêtes d’un usage à peu près universel, adoptées 
aux x1ni° et x1v° siècles, sous l'influence plus ou moins directe des 
Ordres récents, sont entin venues allonger la liste déjà considérable. 
Cet excès justifiait les critiques de Raoul de Tongres; le retour aux 
saines traditions, qu'’appelait de ses vœux le zélé liturgiste, est désor- 


mais, grâce à Dieu, une cause détinitivement gagnée. 
P. DE PUNIET. 


P. Auc. Daniecs, O. S. B. Eine lateinische Rechtfertigungsschrift 
des Meister Eckhart. (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des 
Mittelalters, hrsg. v. Cl. Baeumker.T. XXII, fasc. 5.) Munster, 
Aschendorff, 1923. In-8, x1x-68 p. 


Le 27 mars 1329, le pape Jean XXII condamna vingt-huit propo- 
sitions tirées de divers écrits de maître Eckhart. Ainsi se termina le 
procès mené au sujet de l’orthodoxie du fameux mystique dominicain. 
Plusieurs pièces de ce procès avaient déjà été portées à notre con- 
paissance par le P. Denifle fArchiv für Litteratur- und Kirchengeschichte 
des M-A, I, 616-640). Il restait à publier un document des plus impor- 
tants, l’apologie de sa doctrine, présentée à ses juges par maître 
Eckhart lui-même, en septembre de l’année 1326. Le ms. qui en con- 
servait le texte avait été retrouvé, il y a environ cinquante années, 
par L. Keller, à la bibliothèque municipale de Soest. Le fascicule 
susmentionné des Beilr'äge nous met en possession de ce texte. 

En tête du volume figure, en réduction, le fac-similé de la premiére 
page du ms. de Soest. Le Directeur des Beiträge, M. CI. Baeumker, 
a tenu à présenter au public le travail de son ami. Ce faisant, il con- 
sacre au savant défunt un souvenir ému, souligne l'importance de cet 
écrit d'Eckhart, et trace, dans une brève notice, l’histoire de cette 
édition. Viennent ensuite la préface et l'introduction de l’éditeur. Dans 
l'introduction, le P, Daniels attire l'attention sur le style et un point 


270 COMPTES RENDUS. 


de doctrine jugé fondamental dans l’œuvre mystique d’Eckhart, et 
termine par la description du ms. dans son état actuel. Il paraît avoir 
appartenu jadis à la bibliothèque des Dominicains de Soest. Le reste 
du volume renferme le texte de l'apologie. 

Du moins, à s'en remettre tout simplement aux éditeurs, on est 
amené à penser que l’on n'a devant les yeux qu'un seul document : 
l'apologie d'Eckhart, et une seule apologie. À y regarder d'un peu 
plus près, on se persuade aisément que le texte qu’ils publient se 
compose de trois pièces bien distinctes l’une de l’autre, la première 
allant de la page 1 à 21, la deuxième de la page 21 à 34, la troisième 
de la page 34 à C6. La première tinit évidemment à la page 21, celle ci 
donnant la dernière des quatre séries de propositions incriminées, que 
le maître déclare (p. 2) vouloir expliquer et défendre. Cette première 
pièce est la justification d’'Eckhart devant la commission instituée par 
l'archevêque de Cologne, et chargée de l'examen de 49 propositions 
prétendues hétérodoxes. La deuxième pièce est ua document où sont 
relatées, dans une forme plus ample, les mêmes 49 propositions. L'en- 
tête de la seconde section indique, avec plus de précision que dans 
la première pièce, la source à laquelle les propositions de cette section 
ont été prises : 


(1) p.8, (ID p. 26, 

Sequitur secundo videre de hiis Isti sunt articuli extracti de res- 
que reprehendunt indocti ex dictis  ponsione magistri Ekardi ad arli- 
meis in quadam responsione ad culos sibi inposilos de libro qui 
articulos michi inposilos… incipit : Benedictus deus el pater, 

quem librum ipse composuil. 


Il s'ensuit que la 1° et la 2° série de propositions ont été extraites 
du même traité : Benedictus Deus et pater.. Ce deuxième document 
n'est pas une justification, c’est une simple énumération de proposi- 
tions ; il ne renferme aucun élément d’apologie. De plus, l'auteur y 
parle d’'Eckhart à la troisième personne ; Eckhart n'en est donc pas 
l’auteur, tandis que dans la première pièce c'est Eckhart lui-même qui 
parle. Le troisième document constitue comme le premier un mémoire 
justiticatif, et reuferme la défense d’une liste /rotulus) de 59 sentences, 
extraites des œuvres et mises à charge d’'Eckhart. Il a été composé par 
. Eckhart et est manifestement postérieur au premier, du témoignage 
même de son auteur : Articuli qui sequuntur continentur in quodam 
rotulo michi exhibilo postquam responderam articulis iam supra posi- 
Lis (p. 34) .… Primus articulus in hoc secundo rotulo (p. 3%) … Il aurait 
été opportun de réserver une place dans l'introduction, 1° pour 
. marquer la division du texte ; > pour indiquer la caractéristique des 
trois documents ; 3 pour signaler les circonstances dans lesquels ils 
ont vu le jour ; 4° pour fixer l'ordre chronologique dans lequel ces 
documents se suivent. Il faut regretter que l’un ou l’autre des éditeurs 
ne l’ait pas fait. 

L'édition du texte a été préparée avec le plus grand soin. Deux 


G. J. HOOGEWERFF : DE ONTWIKKELING DER ITAL. RENAISSANCE. . 271 


étages de notes renferment respectivement l’apparat critique et la 
référence des sources et des citations. Les références à saint Thomas 
d'Aquin présentent un intérêt tout spécial. 

L'importance de cette publication pour la solution des problèmes 
qui se rattachent au nom d’Eckhart, ne peut échapper à personne. 
C’est la première pièce et la plus fondamentale pour l'histoire du 
procès d'Eckhart. Au surplus, la solution d'autres questions, telles que 
la détermination des écrits authentiques du maître, la critique textuelle 
de certains passages de ses œuvres, surtout l'interprétation de points 
de doctrine obscurs et difficiles, trouveront dans ces documents un 
très ferme appui. La critique historique ne peut manquer d'exploiter 
cette source d'informations riches et sûres. RM. M ARTIN, O. P. 


G. J. Hoocewerrr. De ontwikkeling der italiaansche Renaissance. 
Zutphen, W. J. Thieme, s. d. In-8, xx-374 p., 80 pl. 


M. Hoogewerff a étudié surtout le Cinquecento, la Renaissance 
arrivée à son parfait épanouissement, mais avant de publier sur celle- 
ci le résultat de ses recherches, il consacre un volume à l'époque des 
origines et du premier développement, la Renaissance du xv° siècle. 
En douze chapitres, qui forment ua ensemble, mais qu’on pourrait aussi 
grouper sous un petit nombre de rubriques, il a voulu donner un aperçu 
du mouvement intellectuel et artistique qui constitue la première 
Renaissance italienne. Sans vouloir recourir aux sources d'une manière 
directe, il tient un large compte des résultats obtenus par les recherches 
les plus récentes et n’a pas peur de se réclamer de ses devanciers, 
notamment de l’ouvrage de M. Symonds, History of the Renaissance. 
Bien souvent, et c’est fatal, les histoires de l’art s’attachent à l’évolu- 
tion des formes, sans faire revivre le milieu intellectuel dans lequel 
l'œuvre d'art est éclose. Ici ce milieu est reconstitué pour faire com- 
prendre les tendances des artistes et le sens de leurs œuvres. 

Les premiers chapitres de l'ouvrage se rapportent à des questions 
assez générales, qui ne portent pas toujours à la précision et à la clarté. 
L'auteur y recherche d’abord la signification et la tendance de la Re- 
naissance. À son avis celle-ci consiste avant tout en une conscience 
nouvelle que l'individu a de lui-même, en une recherche, encore 
instinctive, à se dégager de contrôle intellectuel. Cet esprit nouveau 
pénètre aussi l’art, mais par des innovations de détail plutôt que par 
une conception d'ensemble. Entre la Renaissance, l’'Humanisme et 
l'Eglise, il existe des oppositions de principe, mais inconscientes et 
latentes. Un esprit de conciliation les dissimulera jusqu’à l'époque du 
Baroque et de la Réforme. Pétrarque et Boccace sont ici des précur- 
seurs, mais le Dante et Giotto appartiennent aux idées du moyen âge, 
auxquelles ils prêtent un dernier lustre. 


278 COMPTES RENDUS. 


Au début l’Hellénisme développe les tendances nouvelles, gràce 
surtout à quelques érudits venus d'Orient, dès avant le milieu du 
xv° siècle. Chrysoloras, Pléthon, le cardinal Bessarion exercèrent une 
influence profonde sur Florence et sur l'Italie du quatt'ocento et mirent 
à la mode la philosophie platonicienne, conuue surtout par les commen- 
taires des alexandrins. A Florence le développement de l’art va de pair 
avec celui des études classiques. L'artiste se laisse pénétrer en partie 
par eelles-ci, mais il demeure chrétien, quoique ses œuvres soient moins 
profondément religieuses qu’à l’époque précédente, plus imprégnées de 
la joie de vivre et de sa propre personnalité. 

L'Humanisme arrive à une première efflorescence à Florence sous 
Cosme de Médicis. Des érudits comme le Pogge s’enthousiasment pour 
les manuscrits ct les auteurs anciens, leurs préoccupations sont 
indépendantes de l'Eglise, mais généralement ils restent en bons termes 
avec celle-ci. Les cours princières attirent les savants ; là surtout se 
développe le mouvement artistique, en même temps que le goût du 
savoir. À Florence, Brunellesco retrouve le rythme classique de la 
colonne (dès 1420), Michellozo construit à Montepulciano la première 
façade d'église en style de la Revaissance. Alberti, un théoricien, le 
premier de ces génies universels comme le xvi° siècle les connaîtra, 
enseigne la technique de la couleur à l'huile, la perspective, l’art de 
construire. À côté d'eux, della Quercia, Ghiberti, Donatello, della 
. Robbia sont les grands sculpteurs dont M. Hoogewerff dégage les carac- 
téristiques ; Veneziano, Angelico, Uccello et Lippi les principaux 
peintres, dépendants tous de Masaccio, le grand novateur, antérieur à 
l'époque de Cosme de Médicis. 

Il est intéressant de suivre le mouvement intellectuel et artistique 
nouveau dans les petites cours italiennes. Les humanistes et les poètes 
y sont à l'honneur, tout autant que le seront les musiciens dans les 
cours du xvi1° siècle. A Milan, l’'humaniste Filelfo s'attache succes- 
sivement aux Visconti et aux Sforza, mais, dans l’entourage de ceux-ci, 
l'esprit est plus rude et l’art moins délicat qu'à Florence. A Mantoue, 
Victorin de Feltre fonde le premier gymnase, au sens moderne du mot, 
et il n’est pas étonnant de retrouver à la cour des Gonzague les plus 
archéologues des peintres : Squarcione, le collectionneur, et Man- 
tegna. Frédéric de Montefeltre, le mécène d'Urbin, un connaisseur 
avisé, avait été l'élève de Victorin à Mantoue. A Rimini, Sigismond 
Malatesta est un autre type de ces petits potentats humauistes. A 
Ferrare, la Renaissance a surtout un caractère poétique, et la cour des 
d'Este peut être appelée avec raison Ja cour des Muses. L'humaniste 
Guarino, un émule de Victorin de Feltre, fut le premier italien qui 
enseigna le grec ; son élève Lionel d'Este tixa les traditions huma- 
aistes de la cour de Ferrare. 

En 1469 Laurent le Magnitique obtenait le pouvoir, et une renais- 
sance, avant tout bourgeoise et artistique, allait prolonger à Florence 
son magnifique épanouissement. Les humanistes de renom, comme 


L. PULLAN : RELIGION SIiNCE THE REFORMATION. 973 


sous le règne de Cosme, s’y donnent rendez-vous, c'est Marsile Ficin, 
leur coryphée, Pic de la Mirandole, son principal disciple, les mem- 
bres de l’Académie platonicienne. et des poètes comme Politien. 
Laurent lui-même compose des sonnets pleins de fraîcheur, qui res- 
pirent le sentiment de la nature. 

C'est l’époque de Julien de San Gallo et de ses œuvres, si claires et 
si pleines de charme ; après lui son frère Antoine annonce davantage 
la Renaissance du xvi* siècle. Il en est de même de Verrocchio, le 
sculpteur le plus en renom de l’époque, le digne maître de Léonard de 
Vinci, à côté duquel les Rossellino, da Majano, etc. perpétuent des 
traditions donatellesques. En peinture Botticelli, reprend avec un 
mysticisme sentimental l'art insouciant de Lippi, tandis que d’autres, 
comme Ghirlandajo, conçoivent d’une manière plus matérielle l'idéal 
de beauté de la Renaissance. 

Les humanistes de la cour libertine des d'Arragon à Naples ne 
vivaient pas toujours en bonne entente avec l'Église. N’empêche que 
le plus anticlérical d’entre eux, Laurent Valla, fut attaché à la Curie 
par le pape Nicolas V. Celui-ci, fondateur de la bibliothèque vaticane, 
compte parmi les grands papes humanistes, de même que Pie Il, qui 
fut le premier à prendre des mesures pour protéger des monuments 
antiques, tandis que son successeur, Paul IT, fonda au Capitole le plus 
ancien des musées publics. Rome appelait surtout de la Toscane ses 
savants et ses artistes. Mino da Fiesole fut le plus populaire de ses 
sculpteurs, à l'époque où le décor de la Chapelle sixtine et des appar- 
tements Borgia attiraient autour des papes une pléiade de grands 
peintres toscans et ombriens. 

Dans un dernier chapitre de son savant ouvrage, riche en aperçüs, 
l'auteur essaie de montrer le caractère de la Renaissance par rapport 
aux mouvements des idées qui la précèdent et qui la suivent. Mais c’est 
ici surtout que sou exposé échappe à l'analyse. RA MAERE. 


LeiGaTon l'uzLan. Religion since the Reformation. Oxford, Clarendon 
Press, 1923. In-8, xvi-291 p. Prix : 12 s. 6 d. 


M. Pullan à consacré les Bamplon Lectures de 1922 à faire une 
synthèse de l'histoire ecclésiastique depuis la Réforme, dans le but d’en 
dégager la signitication religieuse. La première conférence traite du 
protestantisme continental à son point de départ, la doctrine de la 
grâce, et de la Contre-Réforme dans les différents pays ; la deuxième 
expose les vicissitudes religieuses de la Grande-Bretagne de 1550 à 
1689 ; puis l’auteur revient aux pays continentaux pour décrire, dans 
la troisième et la quatrième conférences, le développement du protes- 
tantisme de 1520 à 1700 et celui du catholicisme romain de 1700 à 
1851 ; la cinquième étudie la Grande Bretagne et l'Amérique de 1689 à 
1815 et la sixième, les « aspects divers du Calvinisme ct du Luthéra- 


274 COMPTES RENDUS. 


pisme depuis 1700 », tandis que la septième donne un aperçu de l'ortho- 
doxie orientale dans son développement interne et dans ses relations 
avec les Églises d'Occident durant toute la période envisagée ; enfin la 
dernière conférence examine les principaux «aspects de la pensée 
chrétienne depuis 1815 » et traite des problèmes les plus actuels. 

Il est impossible de résumer cet ouvrage plein de taits précis et 
admirablement mis en œuvre, de portraits vivants et nettement indivi- 
dualisés. Peu d'érudition apparente, mais la maîtrise d’un savant qui 
est familier de longue date avec son sujet. La clarté de l'exposition est 
mise en relief par l'excellente table détaillée qui précède le recueil et 
les recherches sont facilitées par un bon index alphabétique. On a déjà 
mis ces conférences au rang des meilleures de la célèbre série dont 
elles font partie. Ce qui est sûr, c’est que les intentions religieuses 
exprimées dans le testament du fondateur auront rarement été remplies 
avec une aussi sympathique compréhension. M. Pullan sait aimer et 
mettre en lumière des personnalités comme saint Philippe de Néri, 
saint François de Sales, saint Charles Borromée, saint Ignace de Loyola, 
saint François Xavier, sainte Thérèse, Bossuet et tant d’autres, aussi 
biea que ses héros favoris, les « Caroline divines » ou les érudits pro- 
testants venus à l’anglicanisme, tels Casaubon, Grabe, ou encore Îles 
piétistes et leur curieuse colonie américaine d’ermites et de cénobites. 

Les idées directrices de l’auteur sont plus faciles à exposer briève- 
ment. M. Pullan est un croyant qui prend dans le sens le plus simple- 
ment traditionnel les grands dogmes appelés par lui-meme catholiques : 
Trioité, Incarnation, Sacrements, Eglise ; celle-ci doit être maintenue 
dans l'unité extérieure par les apôtres et leurs successeurs les évêques 
(efr p. 101) et elle lui paraît parfaitement réalisée dans l’Anglicanisme, 
qui à pour «autorité vivante, l'Eglise de tous les temps, passés et 
présents » (p. 250). Il reconnait du reste franchement les fautes et les 
persécutions qui ont signalé la Réforme en Angleterre (p. 34, 41), et il 
insiste sur la nécessité de sa rénovation intérieure, mais il espère qu’à 
cette condition elle sera un jour l'instrument de la réunion des Eglises 
chrétiennes (cfr p. 249-250, 255-256). Elle occupe donc la nécessaire 
position intermédiaire entre le protestantisme etle catholicisme romain. 

Le premier, renonçant dans des proportions diverses à des 
éléments importants de la doctrine traditionnelle, a tini, sous 
l'influence de la philosophie et de la critique historique, par se trans- 
former, dans la théologie libérale, en un vague déisme, où la nature et 
le rôle de Jésus sont défigurés. M. Pullan se réjouit naturellement du 
retour aux idées traditionnelles dans la critique néo-testamentaire 
(p. 240-243). IL est fatigué des critiques qui « fabriquent des images du 
Christ qui menacent de devenir aussi nombreuses que les idoles d’un 
d'un temple tibétain et si différentes qu'il est difficile de supposer 
qu'elles prétendent représenter le même être» (p. 188). Quant au 
modernisme, il n'est qu'un compromis peu loyal, «un modus vivendi », 
a-t-on dit, «entre le scepticisme et la superstition » (p. 251). 


L. PULLAN : RELIGION SINCE THE REFORMATION. 275 


Aussi bien, «la plus pauvre chapelle romaine de l’Angleterre est 
plus près de Dieu que le plus beau temple où l’on prêche quelque con- 
trefaçon allemande du Christ » (p. 190). Mais M. Pullan trouve dans 
l'Eglise romaine de graves corruptions ; il accepterait à peu près le 
concile de Trente (p. 12), mais il y discerne les débuts de l’« ultramon- 
tanisme », qui a vicié, selon lui, le catholicisme moderne. La relation 
entre le pape et l'Église n’y a pas été définie, et l’on y entend la der- 
pière protestation autorisée de l'ancienne tendance épiscopalienne 
contre la suprématic du premier ; le Jansénisme, le Galiicanisme, le 
Fébronianisme seront vaincus tour à tour, et au x1x° siècle, la peur du 
scepticisme amènera le triomphe de la crédulité dans la définition de 
l'infaillibilité pontificale (cfr p. 11-12, 31 sv., 243 sv., 257). En même 
temps la morale est compromise par le laxisme et la dévotion par le culte 
excessif de la Vierge, déclarée immaculée, et à qui M. Pullan reconnaît 
d’ailleurs le droit à une vénération spéciale (p. 126-127). 

Il est inutile de reprendre la discussion sur la valeur logique de la posi- 
tion anglo-catholique. Mais nous devons relever quelques défauts de la 
synthèse de M. Pullan. La question agitée au concile de Trente n'avait 
rien de commun avec le système épiscopalien ou la négation de la 
primauté papale, telle qu'elle à été définie dans la suite. L'histoire du 
mouvement janséniste ct gallican est trop simplifiée, et il en est de 
même du Fébronianisme, qui est une déformation de la notion 
d'Église indépendante au protit de l'État et non un retour à l'anti- 
quité. La primauté et l’infaillibilité du pape étaient si bien impliquées 
dans la foi catholique que leur affirmation et leur définition n’ont jamais 
provoqué de schisme important ; cela est vrai pour les évêques déposés 
par Pie VII, et ceci restreint la valeur des protestations dont l’auteur 
fait état (p. 123), et pour le concile du Vatican, dont M. Pullan fait un 
tableau bien noir (p. 243 s.). Il n’est certainement pas exact de dire que 
c'est par pure stratégie que plusieurs adversaires de la définition se 
déclarèrent seulement anti-opportunistes (p. 245) et c'est faire peu 
d'honneur aux membres de la minorité que d'exprimer sur leur soumis- 
sion des regrets comme ceux de la p. 246 ; le sens de la définition a été 
précisé par l'accord des théologiens plus qu’on ne le suppose p. 245. 
Des travaux comme ceux du P. Lagrange, du P. Prat, de M. Tobac et 
d'autres ne permettent pas de déclarer que saint Paul est négligé dans 
le catholicisme (p. 248); l'autorité légitime de saint Alphonse de 
Liguori n’a nullement détruit celle de saint Augustin, et son influence 
pe s'est exercée ni dans le sens du laxisme, ni en faveur d’une sorte de 
superstition mariale ; les erreurs historiques de son temps qui se sont 
glissées dans certains de seb ouvrages ne suppriment pas ses autres 
qualités (cfr p. 125-128). Par contre, la question d’'Honorius (p. 126) 
et celle des ordinations anglicanes (p. 45) sont moins simples que les 
afirmations péremptoires de l’auteur ne le feraient croire. 

En terminant, nous aimons à signaler la conviction avec laquelle 
l'auteur affirme que la foi à la divinité du Christ et à sa résurrection, 


276 COMPTES RENDUS. 


base de l’Église chrétienne, est « le fondement de l'asile de la liberté, 
de l’espérance et de la joie, et non une prison pour des esclaves, et 
qu'il est faux de dire que la tidélité à ces vérités est une marque d’obscu- 
rantisme et de stagnation » (p. 255). Sur ces vérités, nous sommes 
heureux d’être d'accord avec lui. R. KreMER, C. SS. R. 


R. P. Joseru THeRMes, S. J. Le bienheureux Robert Bellarmin 
(1542-1621), (Collection : Les Saints.) Paris, Gabalda, 1925. In-8. 
Fr. 3,50. 


« Dans les jours difficiles que l'Église traverse, en beaucoup de pays 
de l’ancien et du nouveau monde, l'exemple d’un homme, à l’intelli. 
gence lucide, au courage indomptable, au cœur évangélique, est un 
secours providentiel.. En butte aux attaques multiples de l'impiété 
contemporaine, la vérité à besoin d'écrivains capables de la défendre 
avec éclat. Quel beau modèle que ce saint docteur, dévisageant les 
erreurs de son époque; achetant au prix d'un travail sans repos un 
savoir lumineux ; demandant au ciel de l’éclairer encore plus ; toujours 
prêt sur l'heure, à venger la foi, l'Église et le Pape, avec une compé- 
tence, un oubli de soi, un respect des âmes, un amour de Dieu incom- 
parables ! » Telles sont les raisons qui ont amené le KR. P. Thermes, au 
lendemain de la béatification de Robert Bellarmin, à condenser, dans 
un récit très court, l'essentiel de la vie du nouveau bienhcureux. 

Né en 1512, à Montepulciano, dans l’ancien duché de Toscane, 
Bellarmin était, par sa mère Cinthia, neveu du pape Marcel II. Après 
une assez vive opposition, son père le laissa entrer chez les jésuites, en 
1560. « J'ai donné à mon bien aimé tils ma bénédiction de père, 
écrivait-il au P. Lay nez, et j'ai offert à Dieu ce que ma famille possédait 
de meilleur. C’est justice, puisque sa vocation vient de Dieu comme 
je m'en suis convaincu » (p. 16). Le P. Bellarmin est envoyé par 
François de Borgia au collège de Louvain, où il séjourne de 1569 à 1576 
et où il se fait distinguer par de remarquables prédications aux 
étudiants. Il est ensuite professeur au Collège romain (1576-1592), dont 
il devient le père spirituel, puis le recteur et enfin provincial de la 
province de Naples. Théologien du pape, il fut élevé au cardinalat en 
1599, par Clément VIII, qui motiva son choix par ces élogieuses 
paroles : « Hunc eleyimus, quia Ecclesia Dei non habet parem in doctrina 
el est nepos optimi et sanctissimi pontificis. » Bellarmin occupa les 
fonctions d'archevêque de Capoue de 1602 à 1604. Rentré à Rome, en 
16%, il y mourut en 1621. 

L'œuvre littéraire du cardinal Bellarmin est fort variée. Laissons de 
côté les travaux de moindre importance, tels les traités ascétiques, les 
sermons, le traité sur Les indulgences et le jubilé (1599) qui, dans la 
pensée du bienheureux, devait faire partie des Controverses, une étude 
sur l’Exemption des clercs, une Réfutation d'un libelle sur le culte des 


H. FOUQUERAŸ : HISTOIRE DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS EN FRANCE. 277 


saints (1596), ua petit et un grand catéchismes, rédigés à la demande 
du cardinal Tarugi et de Clément VIII], et traduits en plus de soixante 
langues, qui sufliraient déjà à lui marquer une place dans l’histoire de 
la littérature ecclésiastique. Mais le cardinal Bellarmin se classe hors 
pair par son magistral ouvrage des Controverses (Disputationes de con- 
U'oversiis chr'istianae fidei adversus hujus lemporis hereticos) qui en fait 
le plus grand controversiste de l'Église catholique, a dit l'historien 
Ranke. « Toutes les Controverses du cardinal sont construites sur le 
même plan. Après un exposé général des erreurs principales qu'il s'agit 
de réfuter, il énonce en quelques propositions claires la doctrine catho- 
lique sur la matière, et spécialement les textes de définitions portées 
par l'Eglise. Puis, chacune de ces propositions est démontrée par des 
arguments tirés de l'Ecriture Sainte, des décisions des conciles et des 
papes, de l'enseignement des Pères, de la pratique de l'Eglise ; presque 
toujours l’auteur ajoute quelques arguments de raison, destinés à 
montrer, soit le bien-fondé des doctrines catholiques et leur correspon- 
dance avec ce qu'il y a de meilleur en l’homme, soit au contraire les 
conséquences néfastes des doctrines hétérodoxes » (R. P. DE LA SER- 
VIÈRB, La théologie de Bellarmin, p. 728). 

L'ouvrage des Controverses s'apparente aux idées émises par l'espagnol 
Melchior Cano dans son remarquable traité d’ailleurs inachevé, De 
locis theologicis dans lequel il se recommande, vivement, de la méthode 
positive en théologie, par le retour à l’érudition patristique et à l'emploi 
d’une langue littéraire. Cano lui-même était disciple de François de 
Vittoria. Bellarmin peut être cité, avec eux, comme un des premiers 
représentants de la théologie positive. 

Le travail du R. P. Thermes se présente, sans aucune préoccupation 
d’érudition, comme la simple narration de la vie religieuse et de 
l'activité littéraire du bienheureux Bellarmin. Chacun, cependant, 
trouvera profit à lire cette courte biographie du plus brillant apologiste 
de la primauté pontificale, qui joignit à un immense savoir, fruit d’un 
travail ardu et d'une rare faculté d'assimilation, la pratique des plus 


éminentes vertus. A, PASTURE 


R. P. Henri Fouqueray, S. J, Histoire de la Compagnie de Jésus en 
France des origines à la suppression (1528-1762). Tome I : 
Epoque de progrès (1605-1625). Paris, 1922. In-8, xin-648 p. 


Nous avons, jadis, présenté aux lecteurs de la Revue (RHE, 1912, 
t. XIII, p. 782 svv.; 1914, t. XV, p. 367 svv.) les deux premiers tomes 
du magistral travail que le KR. P. Fouqueray a entrepris de réaliser : 
faire l’histoire de la Compaguie de Jésus, en France. La complexité de 
l'œuvre (il s'agit, en effet, de mettre en lumière le développement de 
la Compagnie en France, et les aspects multiples de son activité 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 18 


978 COMPTES RÉNDUS. 


pendant deux siècles et demi) a obligé l’auteur à sectionner soh œuvrè 
en périoiles bien délimitées, pour empêcher l’'enchevétrement des ques- 
tions traitées qui fut résulté de l'adoption du groupement logique des 
faits. C'est, d’ailleurs, la tradition suivie par les historiens de la 
Compagnie, tels Blandini et Sacchettini ({ntrod., t. I, p. vin). Nous 
n'avons pas l'intention de chercher chicane au R. P. sur les inconvé- 
nients du groupement chronologique ou de discuter les avantages que 
présenterait l’histoire de la Compagnie, exposée par questions logique- 
ment délimitées. L'essentiel est de dire tout et le mieux possible. 
Nou3 estimons que l’on doit rendre hommage à l'effort remarquable que 
le R. P. a fourni pour rendre, en quelque sorte, sensible l’histoire de la 
Compagnie de Jésus, en France, pendant dix-neuf années, de 1604 à 
1673. Les deux premiers tomes avaient exposé la période des origines 
et des premières luttes (1528-1575) ainsi que l'histoire de la Compagnie 
pendant la Ligue et le bannissement de la Compagnie (1575-1604). Le 
tome III embrasse donc l’histoire de la Compagnie depuis son rétablis. 
sement par Henri IV (1604) jusqu'au ministère de Richelieu (1623). Il 
est subdivisé en trois parties : Sous la protection d'Henri IV (1604-1610) 
— Sous la proteclion de Marie de Médicis (1610-1618) — Sous la protection 
de Louis XIII jusqu'au ministère de Richelieu (1617-1623). 

Les cadres de l'histoire de la Compagnie en France sont ainsi adaptés 
à ceux de l’histoire politique générale de la France. Le KR. P. juge 
cette adaptation nécessaire, car Henri IV, comme ses successeurs, 
ont toujours protégé la Compagnie parce qu’ils ont pensé qu'elle était 
la « milice la plus propre à instruire les âmes sans violenter les 
consciences » (p. v). 

Sous la sauvegarde de cette protection royale de dix-neuf années, la 
Compagnie a pu progresser. « Quarante-cinqg maisons s’établissent, 
deux nouvelles Provinces se forment, une Assistance de France est 
devenue nécessaire, les missions du Canada et de Constantinople, 
vigoureusement entreprises, donnent déjà de belles espérances. » La 
Compagnie a progressé en tenant tête à ses ennemis naturels, réformés, 
universitaires, parlementaires et gallicans. Il ne peut pas être ques- 
tion, dans cette recension, de mentionoer les détails des fondations 
ou des restaurations de collèzes ou de maisons professes pendant cette 
période, les travaux apostoliques à l’intérieur de la France, les missions 
au Canada et à Constantinople, les controverses avec les réformés, 
particulièrement avec Pierre Dumoulin et Duplessis-Mornay. 

Nous voudrions, cependant, attirer l'attention des lecteurs de [a 
Revue sur quelques questions spéciales concernant les jésuites confes- 
seurs du roi, la politique extérieure de Henri IV et le tyrannicide. 

Les fonctions de confesseur du roi furent occupées, successivement, 
par le P. Coton (-1617), par le P. Arnoux (1617-1621) et par le P. de 
Séguiran (1621). Les confesseurs, directeurs spirituels de la conscience 
du roi, personnages officiels, avaient pied non seulement pour inter- 
venir dans les affaires intérieures de l'Église de France, pour leg 


e ‘ 


H. FOUQUERAŸ : HISTOIRE DE LA COMPAGNIE bE JÉSUS EN FRANCE. 20 


nominations aux évêchés, aux abbayes et aux bénétices, mais aussi pour 
être les conseillers moraux de la royauté dans les questions de politique 
extérieure. Le plus célèbre des trois confesseurs fut certainement le 
P. Coton. Figure remarquable de jésuite, le P. Coton a usé de la haute 
considération dont il jouissait auprès du roi pour servir, de son mieux, 
la cause de l'Église et celle de la Compagnie. 11 fut, pendant plusieurs 
années, le prédicateur attitré de la cour, à laquelle il exposa, chaque 
dimanche, sans faiblesse, les grandes vérités de la foi et les principes 
sacrés de la morale chrétienne. L'influence qu'il avait acquise lui 
suscita, naturellement, des envieux et même des ennemis : c’est la 
Compagnie tout entière que la polémique cherchait à atteindre, en 
attaquant le P. Coton. Tout était matiere pour des libelles à rédiger ! 
Contentons-nous de signaler le pamphlet d’un anonyme, intitulé : 
L'anticolon ou réfutalion de la lettre déclumatoire du P. Coton, livre où 
il esl prouvé que les jésuiles sont coupables el autheurs du parricide 
erécrable commis en la personne du roi trés chrestien Henri IV, d'heureuse 
mémoire. « À propos d’un fait, le crime de Ravaillac et autour d'un 
homme, le P. Coton, tous les vieux griefs sont groupés. que la doctrine 
des jésuites approuve la rébellion et le régicide. [on] met à leur charge 
tous les forfaits commis en Europe depuis un demi-siècle... le meurtre 
d'Henri IV... » (p. 250). 

L'histoire n’asscoit jamais son jugement définitif sur un homme ou 
sur une époque en se basant sur la littérature pamphlétaire : celle-ci 
suflit à marquer l’acuité des passions soulevées contre des personnes ou 
des institutions. On manquerait, certes, de bon sens en acceptant les 
afirmations des libelles du temps d'Henri IV comme l'expression exacte 
de l’activité et de la physionomie des jésuites, en particulier du 
P. Coton. Nous ne pouvons que louer la Compagnie de Jésus de la 
reconnaissance affectueuse qu'elle a vouée au roi Henri IV qui fut, pour 
elle, un Père plutôt qu'un Protecteur. Cependant, ce n’est pas, croyons- 
pous, une raison suffisante pour trouver légitimes ou pour excuser 
toutes les démarches diplomatiques du Béarnais. Pour notre part, bien 
que nous ne suspections nullement la bonne foi et la rectitude des 
intentions du P. Coton, nous ne ferions pas grand fond sur les corres- 
pondances du confesseur du roi, en cette matière, car ce que le rusé 
Béarnais dit au P. Coton ne correspond pas nécessairement, tant s’en 
faut, aux instructions qu'il donne à ses ambassadeurs. N'est ce pas 
le même Henri IV, qui continue à soutenir les calvinistes hollandais 
contre Philippe If et Philippe III, après avoir conclu avec l'Espagne ia 
paix de Vervins : il appelait cette politique « faire la guerre en 
renard » (1). 

Coincé, en quelque sorte, entre les possessions des 1labsbourgs 


(x) Voir sur la politique tortueuse d'Henri IV, J. NouaizLac, Villeroy, 
secrétaire d’État et ministre de Charles IX, Henri III et Henri IV (1543-1618)} 
P. 442 sv. et passim, Paris, 1909. 


280 COMPTES RENDUES. 


d'Espagne qui détiennent, au sud, l'Espagne et, au nord-est, les Pays: 
Bas et celles des Habsbourgs d'Autriche qui sont empereurs d’Alle- 
magne, le royaume de France est sérieusement menacé à l’est et au 
nord-est principalement où sa frontière manque de défenses naturelles. 
Aussi François I°" inaugure la politique dite d'équilibre, déjà formulée 
par Machiavel et les théoriciens italiens de la politique. Ce système 
politique d'équilibre comporte l‘alliance avec les Turcs (d’où sont nées 
les Capitulations, détiaitivement abrogées, récemment, au traité de 
Lausanne) ainsi qu'avec les protestants d'Allemagne et des Pays-Bas : 
ceux-ci créent des difficultés aux Habsbourgs, à l’intérieur de leurs 
Etats, ceux-là menacent, à revers, par les Balkans, l'Autriche, le point 
le plus vulnérable des possessions des Habsbourgs d'Autriche. Henri IV 
continue avec dextérité, souplesse et habileté la politique de Fran- 
çois Ier, politique que l’on appellerait en langage moderne nationale, 
parce qu'elle s'inspire, uniquement, des intérêts matériels d'une nation 
ou des préoccupations dynastiqucs d'une maison régnante. C'est, en 
fait, le divorce de la politique et de la morale. Ce divorce apparut bien 
évident dans le conflit de Paul V avec la Seigneurerie de Venise : on vit 
l'ambassadeur de la France, la fille aînée de la catholicité, seul, 
continuer à assister aux services religieux célébrés malgré l’interdit 
dont le pape avait frappé la Seigneurerie. Or, l'ambassadeur agissait 
d'après les instructions reçues d'Henri IV : nous croyons hien que ce 
n’était pas pour la satisfaction future de servir d’honnête courtier 
entre les puissances en conflit que le Béarnais avait dicté cette attitude 
à son représentant, mais pour conserver les sympathies de la Seigneu- 
rerie, en prévision d’un conflit avec les Habsbourgs. 

C'est une raison du même ordre qui le guide lorsqu'il appuie, avec 
Ja Ligue évangélique, les candidatures de l'électeur de Brandebourg et 
le comte palatin de Neubourg, contre la Sainte Ligue, formée par 
Maximilien d'Autriche et appuyée par Philippe III, dans la question 
de succession des duchés de Clèves et de Juliers. La fugue du prince 
de Condé pour détendre l4 princesse, sa femme, contre les entreprises 
amoureuses du roi et le refus des archiducs de livrer les princes, qui 
avaient cherché refuge à la cour de Bruxelles, apparaissaient à 
Henri IV comme d’élégants prétextes à une intervention armée, d’ail- 
leurs minutieusement préparée, dans les affaires de Clèves et de Juliers 
et par là, à la création de difticultés aux Habsbourgs d'Autriche comme 
à ceux d’Espagne. Le poignard de Ravaillac mit tin à la vie et aux 
projets belliqueux du roi. Les louables efforts tentés par le P. Coton 
pour éviter le conflit ne pouvaient rien, ni contre les projets d’inter- 
vention du roi ni contre les méthodes politiques de la royauté française 
qui favorisait, à l'intérieur de la France, la restauration religieuse 
tandis qu'elle faisait alliance, à l'extérieur, avec les deux grands 
ennemis de la papauté, à l'époque moderne, le protestantisme et 
l'empire turc. 

L'assassinat du roi rappela l’attention, en France, sur le livre du 


H. FOUQUERAY : HISTOIRE DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS EN FRANCE. 281 


P. Mariana : De Rege et Regis institulione, paru à Tolède en 1599. Les 
ennemis des jésuites, parlementaires et calvinistes, principalement, 
voulurent rechercher, dans l’acte de Ravaillac, l'influence des doctrines 
que l’on attribuait aux jésuites, particulièrement au P. Mariana et à 
quelques prédicateurs, sur la question du tyrannicide. Ce n’est pas le 
lieu pour exposer les origines de cette fameuse doctrine du tyrannicide. 
Déjà agitée par les scolastiques, condamnée par la faculté de théologie 
de Paris, en 1413, et par le concile de Constance, en 1415, elle a été 
mise en œuvre dans les nombreuses principautés qui constituaient, aux 
xv° et xvi° siècles, la mosaïque politique de la péninsule italienne, 
comme elle a été préchée avec force par les réformateurs, tels Luther, 
Knox, Calvin. N'oublions pas qu’en France même, à l'époque des 
guerres de religion, l'assassinat politique est une méthode que calvi- 
nistes et catholiques pratiquaient, avec une égale désinvolture, pour 
se débarrasser de leurs adversaires. 

On serait donc mal avisé de faire du tyrannicide un enseignement 
d'école propre aux jésuites, à moins de conditionner son jugement par 
des préjugés. Il importe peu que le P. Mariana, dans la première 
édition de son ouvrage, ait presque fait l'apologie du criminel attentat 
de Jacques Clément contre Henri III, en écrivant « sic Clemens periil, 
aelernum Galliae decus, ut plerisque visum est » : son opinion sur la 
question du tyraanicide n'eugageait que lui-même. La Compagnie 
repoussa toute solidarité avec Les théories émises par le P. Mariana, en 
condamnant son livre, le 6 juillet 1610, par le ministère du général 
Aquaviva. 

[Il nous est difficile de nous rallier à l'appréciation que le R. P. donne 
du nonce Guido Bentivoglio qui succéda, en France, au nonce Ubaldini, 
en 1615, après avoir été le titulaire de la nonciature de Bruxelles, 
depuis 1607. Peut-on dire, vraiment, qu’il cachait « un génie médiocre, 
sous un extérieur séduisant... semblant ne point voir les difficutés, soit 
qu’il voulut les ignorer, soit qu’il fut incapable de découvrir les ressorts 
cachés de l'intrigue » (p. 416). 

Nous croyons, pour notre part, que la publication des correspon- 
dances de Bentivogiio, qui reposent aux archives et à la bibliothèque 
vaticanes, révéleraient l’un des plus habiles diplomates dont le Saint- 
Siège ait disposé au début du xvii* siècle pour promouvoir, en France 
ainsi qu'aux Pays-Bas, la restauration catholique basée sur les décrets 
du concile de Trente ainsi que pour assurer la concorde entre les 
princes chrétiens, en vue d’une nouvelle croisade contre les Turcs, 
campés dans les Balkans aux portes mêmes de Vienne. Le P. Rapin, 
qui dut, sans doute, consulter les archives secrètes du Vatican pour 
écrire ses Mémoires, est beaucoup plus flatteur que le R. P. : Il écrit 
que Bentivoglio « était le plus civil et le plus poly du Sacré Collège » 
(édit. Aubineau, t. IIT, p. 444). L'on vit, au conclave réuni pour donner 
un successeur à Urbain VIII (1643), les cardinaux français et espagnols 
appuyer la candidature de Bentivoglio. Il n’est pas douteux que la tiare 


282 COMPTES RENDUS. 


p’eut orné le chef de Bentivoglio, si un accès de fièvre n'eut enlevé le 
cardinal avant que les opérations du conclave ne fussent terminées. 

Le travail du R. P. est solidement appuyé sur des documents d'une 
richesse extraordinaire, puisés dans les archives de la Compagnie et 
dans les dépôts publics, grâce à de longues et patientes recherches pour 
lesquelles le R. P. fut, sans doute, aidé par la collaboration désinté- 
ressée de confrères. 

L'intérêt du travail déborde son objet : car, en même temps qu'une 
histoire de la Compagnie de Jésus, c'est une importante contribution à 
l'étude de la restauration religieuse, en France, où la lettre des décrets 
disciplinaires du concile de Trente ne fut jamais officiellement reçue, 
bien que l'esprit des réformes eut pénétré la vie religieuse par les 
statuts synodaux et par les décisions des assemblées du clergé de 
France. Quiconque s'intéresse à l’âge d’or de la réorganisation catho- 
lique, pendant les règnes d'Henri 1V et de Louis XIII, ne peut se 
dispenser de lire l'ouvrage du R. P. Fouqueray, qui brosse, en couleurs 
vives, le tableau de l’activité des jésuites, ouvriers d'élite de cette 
restauration religieuse. 

Formons un double souhait : le premier, de voir le R. P. achever 
rapidement le travail qu'il à généreusement entrepris ; le second, 
d'apprendre qu'il condense en même temps, dans un volume destiné au 
grand public, les différents aspects de l'activité de la Compagnie de 
Jésus, pendant les deux siècles de son existence en France : nous 
croyons que ce serait la meilleure façon de couper court, pour de bon, 
aux préjugés que les écrits d’historiens à tendances ont largement 


répandus. A. PASTURE. 


Dow H. LecrERCQ. Histoire de la Régence pendant la minorité de 
Louis XV, Paris, Champion, 1921. 3 vol. in-8, Lxxxv-526, 531 et 
509 p. Fr. 60 les 3 vol. 


Faisant diversion à ses travaux si réputés sur l’histoire des conciles 
et des martyrs et à ses études d'archéologie chrétienne, dom H. Leclercq 
a abordé l'époque moderne en nous exposant l’histoire intérieure et 
extérieure de la France pendant une des périodes Îles plus intéressantes 
de ses annales. Hâtons-nous de proclamer qu'il a prouvé brillamment 
combien un historien de sa valeur se meut aisément au milieu des 
règles de l’heuristique, qu’il s'agisse de raconter la passion édifiante 
des martyrs ou de retracer d'une plume alerte et spirituelle les fredaines 
du Régent et de son comparse Dubois. Qu'on ne s’imagine pas cepen- 
dant que dom Leclercq, versant dans le travers de plusieurs auteurs 
qui se sont occupés de la Régence, n'a envisagé que la « petite histoire » 
de cette période; bien au contraire, de cette époque qui n'offre rien de 
grandiose, qui n'enregistre aucun événement de première importance 
et qni ue met en relief aucun génie politique transcendant, l’auteur a 


H. LECLERCQ : HISTOIRE DE LA RÉGENCE. 283 


tiré par sa puissance de synthèse, basée sur un travail d'analyse con- 
sciencieux et éclairé, une conclusion d'une portée considérable : l’his- 
toire de la Régence forme le premier chapitre d’une histoire de la 
Révolution française. 

L'abondante documentation satisfaira les plus exigeants. Pièces 
d'archives, puisées dans les divers fonds du ministère des Affaires 
étrangères à Paris, dans les dépôts d’Alcala et de Simancas, de Plai- 
sance et de Naples, du Public Record Office de Londres, d’Orenfoord 
Castle, mémoires des contemporains, surtout ceux de Torcy, à la Biblio- 
thèque nationale de Paris, et ceux de Cellamare, au British Museum, 
correspondances et documents de tout genre, pamphlets, écrits saty- 
riques, etc., travaux des auteurs modernes, tout est mis en œuvre, 
critiqué et utilisé avec autant de sagacité que de clarté. Si les difficultés 
d'ordre matériel auxquelles se heurtent les historiens en ces tristes 
temps d'après guerre ont empêché la transcription en note de citations 
et d'extraits, l’auteur est parvenu à y remédier grâce au réel talent 
avec lequel il réussit, sans alourdir son récit, ni embrouiller son exposé, 
à insérer dans son texte même les expressions pittoresques et les 
passages caractéristiques des sources utilisées. Il a pu donner ainsi à 
son travail une allure extrêmement vivante et il excelle à faire, en 
quelques lignes, parler le document. | 

Le style personnel de l’auteur mérite également nos louanges. Sans 
aucune prétention littéraire, il est parvenu à s'assimiler la belle langue, 
si classique, des débuts du xvix1° siècle, tout en évitant les redondances 
et les périodes trop longues. Il sait, lorsqu'il le faut, être descriptif 
et les portraits, notamment ceux de Dubois et d’Alberoni, que sa 
pénétration psychologique lui permet de buriner en traits décisifs, 
seront désormais tixés pour l'histoire. A tout moment une anecdote ou 
un trait de mœurs, relaté sans fausse pudeur, vient animer le récit 
et repose le lecteuf tout en facilitant son jugement. Mais la principale 
qualité de l’auteur reste son admirable clarté : au milieu des négocia- 
tions diplomatiques les plus compliquées, des controverses religieuses 
les plus confuses, des problèmes économiques les plus ardus, il parvient 
à présenter chaque fait sous son jour véritable, à sa vraie place et 
permet ainsi la formation d'une vuc d'ensemble et d’un jugement éclairé. 

L'introduction constitue à elle seule une puissante synthèse de philo- 
sophie de l’histoire. Dom Leclercq nous permet, avec une documen- 
tation autrement solide que celle mise en œuvre tout récemment par 
un romancier de talent égaré dans le domaine des disciplines histo- 
riques, d'apprécier les conséquences du règne de Louis XIV. II montre 
comment le triomphe du despotisme royal ne parvint pas à détruire 
l'esprit de liberté qui trouve dans Fénelon, Boisguilbert, Vauban et 
même Saint-Simon, des défenseurs convaincus et il nous fait voir, par 
le témoignage même des serviteurs les plus intéressés du régime, celui 
des intendants et des contrôleurs généraux, source à laquelle M. Louis 
Bertrand eût bien fait de puiser avant d'écrire son panégyrique de 


281 COMPTES RENDUS. 


Louis XIV, combien l’absolutisme avait plongé la France dans des 
‘abîmes de misère. 

La situation ne s'améliora à aucun point de vue sous le gouverne- 
ment du Régent et dom Leclercq nous montre d’une façon irréfutable, 
en passant en revue tous les facteurs politiques, moraux et économiques, 
comment le duc d'Orléans laissa la France « ruinée à ne savoir où s’en 
prendre ». Cependant cette période, que l’on ne se représente trop 
souvent que comme corrompue et charmante à la fois, fut féconde dans 
ses conséquences : elle marque le réveil de la vie politique ; par la 
tentative de polysynodie elle inaugure le gouvernement collectif et 
l'avènement des capacités, comme par le système de Law elle inaugure 
le crédit public et le papier-monnaie. La politique extérieure est aussi 
pleine d'innovations : une alliance rapproche la France de l'Angleterre 
et le traité d'Amsterdam va, à la suite du voyage de Pierre le Grand 
à Paris, voyage que dom Leclercq nous raconte avec une abondance 
de détails du plus haut pittoresque, unir pour la premiere fois la 
France et la Russie. 

Les chapitres relatifs à l’histoire ecclésiastique s'imposent surtout à 
notre attention. 

La mort de Louis XIV provoqua un grand changement dans la 
politique religieuse en France. Le Régent avait voulu payer le concours 
des Jansénistes qui l'avaient soutenu contre le duc du Maine, appuyé 
par les Ultramontains. Le cardinal de Noailles avait été rappelé d’exil 
et avait été nommé président du « Conseil de conscience ». Ce revire- 
ment du pouvoir éclairait l’opinion à un moment où les péripéties de la 
réception et de la publication de la bulle Unigenilus avaient « trans- 
formé une discussion théologique de tout repos en une polémique 
confessionnelle sans pitié ». Les Jésuites devaient être les victimes de 
cette réaction janséniste, l’opiaion se déchaînait contre eux, néanmoins 
l'assemblée du clergé condamnait encore les ouvräges hétérodoxes et 
les Jésuites ne dissimulaient pas leur hostilité à l'égard du Régent. Le 
sermon prononcé, le 20 cctobre 1715, dans la cathédrale de Rouen, 
par le Père de la Motte, déchaïna la persécution et quelques semaines 
plus tard la Faculté de théologie de Paris se rétractait au sujet de la 
réception de la bulle Unigenitus, et ses docteurs déclaraient, à une 
écrasante majorité, que « ce qu’ils avaient fait en cela n’était que pour 
obéir au feu Roi ». 

Cette décision devait provoquer les plus graves dissentiments au sein 
de l’épiscopat. « Chaque parti nuisait au parti opposé avec un acharne- 
ment que la bonne foi excuse, peut-être, à défaut de la justice et de la 
charité. » Les tentatives du Régent pour imposer le silence par une 
lettre de cachet, tout comme l'envoi de négociateurs à Rome, ne rame- 
pérent pas le calme. Mandements épiscopaux et pamphlets, que les 
deux partis se jetaient à la tôte, concouraient à enflammer les esprits. 
L'attitude du pape Clément XT et les malalresses du nonce Bentivoglio 
ne facilitaient pas les négociations ; tinalement le Régent, que ces 


H. LECLERCQ : HISTOIRE DE LA RÉGENCE. 285 


querelles théologiques excédaient, chargea le cardinal de la Trémouille . 
d'obtenir du Pape une interprétation de La Bulle. L'accueil fait par 
Clément XI aux insinuations du Régent fut peu encourageant ; il saisit 
cependant de la question une congrégation cardinalice. Les idées d'ac- 
commodement planaient dans l’air, mais sur terre régnaient toujours 
les mêmes passions. La combattivité des Jésuites ne se calmait pas et le 
cardinal de Noailles n'hésita pas à prendre contre eux des mesures 
spirituelles eu leur retirant, le 18 août 1716, les pouvoirs pour la 
confession et la prédication et en leur interdisant même de faire le 
catéchisme. Plusieurs évêques suivirent cet exemple. Ce coup fut si 
sensible, dit dom Leclercq, qu'il décida vingt-cinq évêques à remettre 
au Régent une déclaration authentique disant qu’ils n'avaient pas reçu 
la Bulle « purement et simplement » mais « relativement à l’Instruction 
puslorule ». Cette acceptation relative causa un certain désarroi dans le 
Sacré-Collège et éloigna encore la solution si impatiemment attendue; 
seule la lassitude générale de l'opinion permettait d'espérer l’apaise- 
ment, lorsque les intempérances de langage du P. de la Ferté, dans le 
sermon prêché devant le jeune roi le jour de la Toussaint, remirent tout 
en question et provoquèrent de nouvelles rigueurs contre les Jésuites. 

Les négociations continuaient cependant à Paris, en dépit des brefs 
du Pape, qui, à l’instigation du nonce, allait jusqu’à suspendre les 
privilèges de la Sorbonne, augmentant ainsi les dissensions au sein de 
l’épiscopat. On ne savait ce qui en sortirait et le cardinal de Noailles 
lui-même paraissait sur le point de s’incliner, lorsque, le 4 janvier 1717, 
les évêques de Mirepoix, de Senez, de Montpellier et de Boulogne 
prirent l'engagement d'appeler comme d'abus au futur concile général 
de la constitution Unigenilus et de tout ce qui s’en était suivi, soit de la 
part du Pape, soit de la part des évèques de France qui l'avaient 
acceptée. Cet acte, qui devait engager les destinées religieuses de la 
France pour une. longue suite d'années, fut, le 1°" mars, porté par les 
appelants à la connaissance de la Sorbonne, qui y adhéra à la quasi 
unanimité. Bien que le cardinal de Rohan, chef du parti constitution- 
paire, eût obtenu du Régent des mesures de rigueur contre le syndic 
Ravechet et contre les évêques appelants. presque tous les curés de 
Paris et du diocèse, plusieurs communautés religieuses, de nombreux 
prélats, diverses universités, et, en secret, le cardinal de Noailles 
lui même, adhérèrent à l'appel. Toutefois, nonobstant le dit appel, 
Noailles se prétait complaisamment à toutes les propositions d’accom- 
modement et adressait au Pape une lettre d’allure ambiguë, extrême- 
ment habile, « épiscopale en diable », disait Le maréchal d'Huxelles. 
Cette lettre mettait Clément XI dans un réel embarras; aussi la reçut-il 
de fort méchante humeur et son entrevue avec le cardinal de la Tré- 
mouille, chargé de la lui remettre, fut-elle plutôt orageuse. 

C'est alors qu'entre en scène le P. Lafitau, âme damnée de Dubois, 
ancien jésuite, mais encore très attaché à la Compagnie. « C'était, 
écrit dom Leclercq, un de ces courtiers qu’on emploie en les mépri- 


286 | COMPTES RENDUS. 


sant et qu'on désavoue tout en les récompensant. » Ses intrigues, 
qui devaient aller jusqu’à insinuer au Pape que des concessions lui 
vaudraient de la part du gouvernement français « une marque solide 
de reconnaissance et une somme qui ne serait pas indigne de considé- 
ration », devaient encore embrouiller les négociations et, pour comble, 
l'appel secrètement interjeté par Noailles, quelques mois plus tôt, 
était fortuitement révélé au public. Non seulement le clergé tout 
entier, mais aussi le « menu fretin des sacristies..… toute la gent rapace 
et sordide qui vit des rognures du sanctuaire » prenait parti pour les 
appelants ou pour les constitutionnaires. La mode et l'engouement s'en 
mélaient et l’on voyait les laïques arborer à l'épée des nœuds de 
rubans, blanc, rouge et jaune, à la Régence, noir et rouge, à la Consti- 
tulion, dégaîner dans le lieu saint et défendre ou attaquer la Bulle l'épée 
à la main. En même temps, mémoires et libelles se multipliaient, de 
plus en plus violents, et le duc de Saint-Simon poussait le Régent à ne 
pas céder devant la Cour de Rome pour éviter de voir la France 
asservie au Saint-Siège, comme l'étaient l'Espagne, le Portugal et les 
Etats italiens. 

Pour triompher des adversaires de la Bulle, le nonce Bentivoglio, 
« prélat licencieux, marqué du doigt par les honnêtes gens », suggéra 
au Pape de ne point délivrer de bulles d'institution canonique aux 
évêques nommés aux sièges vacants avant que ces prélats n’eussent 
signé une espèce de formulaire ou d'engagement à recevoir la Constilu- 
lion, mais l’attitude énergique prise par le Régent obligea Rome à céder 
et à expédier les bulles sans condition. Si cette capitulation, due « à 
cette condescendance italienne qu’on nomme, en France, la peur », 
réjouit les appelants, par contre la disgrâce du chancelier Daguesseau, 
hostile aux Jésuites, remplit d'aise les constilutionnaires et leur joie 
grandit encore lorsqu'un décret de l'Inquisition, daté du 9 février, 
condamna l'appel des quatre évêques, celui de Noailles et tous les 
appels émis en France par les Facultés. Le Régent ayant retourné ce 
décret à Rome, sans même l'ouvrir, et tous les parlements l'ayant, 
chacun dans son ressort, déclaré nul par voie d'arrêt, Clément XI, 
après six mois de « chicanes, si mesquines que l’histoire n’y rencontre 
rien qui vaille d’être retenu », publia, le 8 septembre, une lettre à tous 
les tidèles exigeant de chacun, sous peine d’excommunication, une 
obéissance entière et sans réserve. Cette lettre Pastoralis officit eut 
pour résultat de décider le cardinal de Noailles à publier officiellement 
son appel au Pape mieux informé ou au concile général et le chapitre 
métropolitain de Paris donna solennellement son adhésion à l'appel, qui 
fut affiché dans toutes les églises de la capitale. 

La situation de l'Église de France restait done plus trouble que 
jamais; rien ne le prouve mieux que le fait que l’épouvantable peste de 
Marseille, dont l'auteur nous fait un récit du plus vif intérêt, ne parvint 
même pas à mettre fin aux luttes religieuses. L'évêque de Belzunce, si 
héroïquement dévoué à ses ouailles et si charituble, surexcitait l’émo- 


H. LECLERCQ : HISTOIRE DE LA RÉGENCE. 287 


tion populaire au profit du parti constitutionnaire et dénonçait au 
Régent les appelants de son diocèse, au moment même où, dans sa 
ville épiscopale, mille personnes mouraient par jour. 

Cependant le Régent, stimulé par Dubois, qui dans sa course au 
chapeau ne voulait pas se brouiller avec le Pape, se tournait du côté 
des constilulionnaires, malgré que le parlement de Paris, bientôt suivi 
par ceux de province, eût rendu un arrêt nettement hostile à la Cour 
de Rome accusée de vouloir imposer son infaillibilité. 

Pour faire cesser les violences mesquines, les tracasseries et les 
niches dont usaient les deux partis et pour arrêter les pamphlets qu'ils 
se jctaient réciproquement à la tête, le Régent recourut à son expédient 
favori. Une déclaration royale du 5 juin 1719 imposa aux disputes 
théologiques un silence d’une année, promettant d'arriver pendant ce 
laps de temps à un accommodement. Cette tactique prudente ne donna 
pas encore le résultat attendu : l'évêque de Soissons, Languet, un des 
plus fougueux parmi les Constitutionnaires, déclara publiquement que 
« le silence prescrit dans les causes qui intéressaient la foi, n'avait 
jamais été utile qu'aux ennemis de la foi » et adressa au Régent une 
lettre si violente que le Parlement la tit lacérer et brûler par le bour- 
reau ; l'archevêque de Reims, Mailly, à qui son zèle venait de valoir le 
chapeau, malgré l’opposition du Régent, aurait partagé la disgrâce de 
son suffragant, s’il n’avait pas habilement exploité les visées de Dubois 
de plus en plus acharné à la poursuite du cardinalat. 

Sur ces entrefaites Noailles avait, avec l'évêque de Clermont, Mas- 
sillon, et le P. de la Tour, supérieur général de l’Oratoire, rédigé un 
Corps de doctrine contenant des explications sur les propositions 
condamnées. Ce document devait être soumis à la discussion des 
cardinaux et des évêques constitutionnaires pour tenter d'aboutir à un 
accommodement. Bien que ni appelants, ni constilutionnaires ne fussent 
satisfaits de cette soumission de Noailles, soumission que l’on réduisait 
plaisamment à cette formule : « Nous acceptons avec respect l'erreur 
relativement à la vérité, dont nous ne nous soucions guère », on voulut 
trouver dans ce Corps de doctrine la fin des polémiques religieuses. 

Dubois, qui voyait dans la paix de l'Eglise le gage de la pourpre si 
impatiemment attendue, voulut profiter des circonstances pour imposer 
l'enregistrement pur et simple de la bulle Unigenitus. Après avoir exilé 
le Parlement à Pontoise, il lui fit prescrire, par lettres patentes du 
4 août 172%), d'enregistrer la Bulle et de casser tous les appels interjetés 
à son sujet; puis, comme le Parlement refusait de se soumettre, le 
Régent fit un coup d'éclat en faisant enregistrer par le Grand Conseil, 
nullement compétent en la matière, une déclaration du Roi rendant 
obligatoire l'observation de La constitution Unigenilus et de l’Instruction 
pastorale, défendant d'en appeler et interdisant « de s'attaquer par les 
vocables de schismatique, janséniste, novateur, hérétique ». 

Pas plus que les précédents, cet expédient ne donna les résultats 
attendus : la juridiction du Grand Conseil fut récusée par l'opinion 


288 COMPTES RENDUS. 


publique. Dubois, que rien ne rebutait du moment qu'il s'agissait 
d'obtenir le chapeau, décida le Régent de contraindre l'archevêque de 
Paris à publier un mandement par lequel il accepterait la constitution 
Unigenilus, en y joignant des explications, et voulut, en même temps, 
briser la résistance du Parlement. Celui-ci fut exilé à Blois par lettre 
de cachet, tandis que le cardinal de Noailles publiait le mandement 
demandé. 

C'était la fin de la résistance, le Parlement, rappelé à Pontoise, 
finissait, le 3 décembre 1720, malgré une dernière tentative faite par 
l’abbé Pucelle en faveur des appelants, par donner l'enregistrement à 
la Constitution. 

Ainsi paraissait se terminer l'opposition à la bulle Unigenilus. Certes, 
comme l'écrit dom Leclercq : «le second jansénisme, sorti de la con- 
dampation du livre des Réflexions morales fut bien loin d'égaler celui 
auquel donna naissance la condamnation de l'Augustinus ; les lutteurs 
n'étaient plus des athlètes de la taille et de la vigueur d’Arnauld, les 
hommes avaient dégénéré, les idées étaient rapetissées, l’opiniâtreté 
sans talent tenait lieu de la conviction sans faiblesse ». Il n’en était pas 
moins intéressant d'exposer cet épisode, assez mal connu, de l’histoire 
religieuse de la France; il caractérise toute une époque. 

Signalons encore, au point de vue de l’histoire ecclésiastique, les 
chapitres, palpitants d'intérêt, où dom Leclercq expose les manœuvres 
peu édifiantes de l’infâme Dubois pour obtenir le chapeau, entin arraché 
à la faiblesse d'Innocent XIII. De même, le chapitre LIX, intitulé : 
les opinions et les sectes religieuses, s'impose particulièrement à 
l'attention. L'auteur y montre que la foi catholique n’était pas si 
ébranlée que pourraient le faire croire certains textes contemporains; 
« ce qui vacille ce n’est pas la foi chrétienne, c’est le respect et l’atta- 
chement à l'égard de l'Eglise et du clergé ». Cela n’a rien d'étonnant 
lorsque l’on voit la façon dont le Régent distribue évêchés et bénéfices : 
« Tout à la grâce et rien au mérite », dit-il lui-même en plaisantant. 
Heureusement le clergé paroissial reste en grande majorité pieux et 
charitable; les ordres religieux, dans l’ensemble, observent leurs règles 
et, même parmi les laïques, à côté de la société frivole et pervertie, qui, 
en s’agitant et menant grand bruit, donne une idée fausse de son temps, 
on rencontre à la Cour et même au Palais-Royal des âmes pures et 
courageuses attachées à la pratique des vertus chrétiennes. De même, 
dans la bourgeoisie et parmi les artisans et le peuple, la foi se transmet 
à travers la conception janséniste et l’ardeur même de la lutte entre 
Jansénistes et Ultramontains montre le rôle important que continue 
à jouer le facteur religieux dans la vie publique. 

Dom Leclercq expose également avec beaucoup d’impartialité la 
situation des sectes et des sociétés secrètes, des protestants, des con 
dormanis ; il montre les débuts de la franc-maçonnerie ; il explique 
comment, dans les tendances politiques des Jansénistes, se révèlent 
les premières manifestations d’un esprit républicain. Mais, impuissant 


B. VAN DER SCHELDEN : LA FRANC-MACONNERIE BELGE. 289 


à devenir un véritable parti, le Jansénisme se vouait à n'être qu'une 
secte, ne visant qu'à éterniser des querelles ou à envenimer des con- 
flits, dont trop souvent des morts ou des mourants sont l’objet. Le 
chapitre se termine par quelques renseignements sur les Juifs et 
sur les superatitions, parmi lesquelles figurent les diableries et les 
évocaions. 

Peut-être certains esprits timorés s'offusqueront-ils de la franchise 
avec laquelle dom Leclercq s'exprime à l'égard de divers hauts digni. 
taires ecclésiastiques et expose leurs turpitudes ou leur faiblesse. A 
notre avis, cette objectivité impose à tous les conclusions de son livre 
et constitue une qualité dont on ne pourrait trop louer l'auteur. Sans 
craindre de nous tromper, nous pouvons dire que la Régence, période 
décisive pour les destinées de la France, a trouvé son historien définitif 
et c'est de grand cœur que le monde savant tout entier à applaudi à la 
haute distinction scientitique attribuée à dom Leclercq pour son: 
magnifique ouvrage auquel fut décerné le prix Thiers. 


CH. TERLINDEN. 


BERTRAND VAN DER SCHELDEN, O. M. Cap. La Franc-maçonnerie belge 
sous le régime autrichien (1721-1794). Étude historique et critique. 
(Recueil des travaux publiés par les membres des Conférences 
d'histoire et de philologie. 2° sér., [*° fase.) Louvain, Uystpruyst, 
1923. In-8, x1v-446 p. F. 22. 


C’est un ouvrage considérable et remarquable que nous présentons 
aux lecteurs de la Revue d'histoire ecclésiastique. Le sujet n’est pas 
neuf. En 1911, il fut traité avec sagacité et après des recherches con- 
sciencieuses par P. Duchaine /La Franc-maçonnerie belgeau XVIIT° siècle. 
Cfr RHE. 1912, t. XIII, p. 153). Le P. van der Schelden a profité de 
cette étude, il a soin de nous en avertir, mais il a élargi et complété le 
sujet ; il a disposé de sources que M. Duchaine ne connaissait pas. Il a 
traité le sujet avec une très grande objectivité, omettant les apprécia- 
tions personnelles, pour ne laisser parler que les documents. Pareille 
méthode d'exposition n'est pas sans inconvénients : elle demande au 
lecteur une attention plus grande, un travail continuel de vérification, 
une véritable étude ; elle se justifie cependant, dans une matière où 
l’on est naturellement porté à la défiance vis-à-vis de l'écrivain, à 
quelque opinion qu'il appartienne. | 

Dans la première partie, consacrée à l’histoire de l’établissement des 
loges dans les Pays-Bas autrichiens (l’auteur ne parle qu’incidemment 
du Pays de Liége), le KR. P. se montre bien au courant de l’histoire 
générale de la Franc-maçonnerie. Il a recueilli avec grand soin et 
beaucoup de critique les données assez rares sur les premières loges 
érigées en Belgique. Leur établissement date des dernières années du 


390 COMPTES RENDUS. 


règne de Charles VI; l'institution se développe pendant celui de Marie- 
Thérèse, sous l'influence directe ou indirecte de la Grande Loge 
anglaise. C’est elle qui établit le premier Grand Maître provincial des 
loges des Pays-Bas autrichiens, le marquis de Gages, que presque 
toutes les loges reconnurent. 11 y eut cependant des loges irrégulières 
ou batardes. L'exposé de cette évolution est par endroits assez com- 
pliqué : cela tient en grande partie à l’insuftisance des sources de 
l'époque. Par contre, la question des loges d'adoption ou de femmes 
est parfaitement exposée. 

La deuxième partie concerne la vie interne des loges. « Les loges, 
composées d’un nombre plus ou moins élevé de maçons de divers 
grades, — d'ordinaire membres de la noblesse de robe ou d'épée, de 
l'aristocratie et de la grande bourgeoisie, — se réunissaient de temps 
en temps, avec une régularité plus ou moins soutenue. On y procédait 
à des initiations ; on y donnait des instructions et on y prononçait des 
discours. Ces travaux étant clôturés, les frères entraient souvent en 
loge ouverte, quelquefois en compagnie de sœurs, pour se réunir en 
des « agapes fraternelles », danser au son d’un concert mélodieux et 
chanter la gloire de la Maçonnerie» (p. 79). C’est ainsi que l’auteur 
résume lui même, exactement, la matière de cette seconde partie. Elle 
est pleine de renseignements intéressants. Les loges des Pays-Bas 
autrichiens ne semblent pas avoir multiplié les grades de chevalerie. 
Leur doctrine présente ce caractère vague et imprécis que l’on ren- 
contre dans les « Old Charges » de la loge de Londres et encore dans 
les statuts et déclarations de principes de nos loges actuelles. « Que les 
Maçons en aient été conscients ou inconscients, la Maçonnerie prêcha 
au xvri° siècle, au point de vue social et politique : l’ordre social pri- 
mitif tel qu'il était, avant qu'il fut troublé « par l'intérêt, la force, 
l'orgueil et les autres passions », ou — pour employer une expression 
maçonnique plus imagée — par «certains Assyriens ambitieux, qui 
détruisirent la liberté, l'égalité et la fraternité » (p. 155). Tout en se 
défendant de s’occuper de religion, la Franc-maçonnerie avait un 
système complet religieux ; tout en excluant la politique, elle eut sur 
les idées unc influence considérable. La bienfaisance ne semble pas 
avoir absorbé une grande part de ses ressources; par contre les 
banquets étaient fort onéreux. 

La vie externe des loges : leurs rapports avec le gouvernement 
autrichien sous le règne de Marie-Thérèse et de Joseph IT et avec les 
autorites ecclésiastiques, forme l’objet de la troisième partie. 

Il n’y eut point, en 1733, d’édit de Charles VI contre la Franc-ma. 
çonnerie. Marie-Thérèse avait pris position contre elle : en 1743, elle 
prit quelques mesures contre les Maçons de Vienne et conçut l’idce de 
publier un édit contre la Franc Maçonnerie, mais il est fort douteux 
qu’elle ait exécuté son plan. « Ce que l’on peut aftirmer avec certitude, 
c’est que l’impératrice donna ordre, en 1774, sur les explications du 
recteur de l'université de Louvain, de défendre aux étudiants de 


B. VAN DER SCHELDEN : LA FRANC-MACONNERIE BELGE. 20] 


s'affilier aux loges et que, tout étonnée d'apprendre qu'il y avait des 
Maçons à Bruxelles sans qu’elle en fut avertie, elle proscrivit, instruite 
par le cardinal de Frankenberg, les assemblées maçonniques. Cependant 
cette dernière prescription resta sans suite » (p. 193). Ces deux 
événements obligèrent cependant les Francs-maçons à une grande 
réserve. Joseph II n’interdit pas la Franc-maçonnerie, il la règlementa 
par so rescrit de 1785. On lira avec grand intérêt l'exposé de la 
manière dont ce rescrit fut exécuté dans les Pays-Bas par le Conseil 
privé, dans l'édit du 9 janvier 1786, comment celui-ci interpréta, en 
faveur de la Franc-maçonnerie, le rescrit impérial, et comment il dut 
céder devant la déclaration formelle de l’empereur : un édit du 15 mai 
suivant n’autorisa plus les loges que dans la ville de Bruxelles. L'édit 
de 1789, dont parlent certains auteurs, n’a certainement pas été publié 
dans les Pays-Bas autrichiens. 

Les derniers chapitres de l’ouvrage méritent une lecture spéciale- 
ment attentive. Malgré les condamnations prononcées par Clément XII 
en 1738 et par Benoît XIV en 1751, beaucoup de catholiques, parmi 
eux le marquis de Gages, et plusieurs ecclésiastiques firent partie des 
loges ; celles-ci d’ailleurs faisaient célébrer des services religicux, 
recommandaient les défunts aux prières des membres, prévenaient 
les Maçons de l’heure à laquelle ils pourraient assister à la messe du 
dimanche, avant la réunion maçonnique. Il est incontestable que les 
bulles pontiticales n'’eurent pas grand écho en Belgique, soit qu’on 
les ait ignorées, ou mis en doute leur existence, soit qu’on les ait 
interprétées de telle manière que les Maçons catholiques ne se 
croyaient pas atteints par elles. Il y eut des ignorants, ne connaissant 
pas le véritable but de la Franc-maçonnerie, séduits par le mystère, 
imbus d’idées philosophiques, à la foi vacillante, frappés des abus des 
gouvernements, anticlericaux avant la lettre, contiants dans le carac- 
tère religieux de certaines manifestations de la Maçonnerie. Au 
xvili® siècle, «ce siècle paradoxal, des incrédules observaient les 
pratiques religieuses et des croyants étaient adeptes de la philosophie 
incrédule ». Il y eut donc aussi parmi les catholiques des Francs- 
maçons clairvoyants. Le rationalisme était loin d’être inconnu dans 
la principauté de Liége et dans les anciens Pays-Bas. 

Un appendice contient de nombreux documents sur la Maçoonerie : 
tableaux des membres, constitutions et statuts, procès-verbaux des 
réunions, documents officiels, correspondances tirées des Archives du 
Vatican, qui prouvent manifestement que jamais Benoît XIV n'a fait 
partie de la Franc-maçonnerie, comme on l'en a accusé. 

L'ouvrage est illustré de plusieurs reproductions de documents 
maçonniques. La typographie fait honneur à l’imprimerie des Trois 


Rois. A. VAN Hove, 


592 COMPTES RENDUS. 


The Life of Cornelia Connelly, Foundress of the Society of the Holy 
child Jesus (1809-1879), by a member of the Society, with a Pre- 
face by cardinal Gasquet. Londres, Longmans, Green et C°, 
1922. In-8, x11-488 p. Prix : 21 sh. 

M. Monauau. Life and Letters of Janet Erskine Stuart, Superior 
General of the Society of the Sacred Heart (1857-1914). With an 
introduction by cardinal Bourne. Londres, Longmans, Green 
et C°, 1922. In-8, xu-524 p. Prix : 24 sh. 


Ï. En nous donnant en un volume distingué et d’un intérêt soutenu 
la vie de la Rév. Mère Cornelia Connelly, sa biographe nous fait réel- 
lement assister à la naissance et au développement d'une congrégation 
récente et déjà très importante, la société de l’Enfant Jésus. Ses débuts 
remontent à la période qui coïncide avec ce qu'on est convenu d'appeler 
l'Oxford movement. Les conversions se multipliaient en Angleterre, 
l'Eglise catholique y prenait un essor nouveau et rien, pourtant, n’y 
était organisé pour l'éducation catholique des jeunes filles. Mgr Wise- 
man, qui cherchait depuis longtemps le moyen de combler cette lacune, 
connut alors à Rome Madame Cornelia Connelly et ce fut elle qui 
devint entre ses mains l'instrument providentiel d’une œuvre d’éduca- 
tion catholique florissante et féconde. 

D'origine américaine, appartenant à une famille distinguée de Phila- 
delphie, elle avait été mariée à un ministre épiscopalien, Pierce 
Connelly. Convertis tous deux en 1835, ils s'étaient peu après, sous 
l'influence du mari, séparés pour se donner l’un et l’autre à Dieu com- 
plètement. C’est ainsi que Cornelia, après avoir prononcé un vœu 
solennel de chasteté, se trouvait à Rome chez les Dames du Sacré- 
Cœur, lorsque Grégoire X VI lui contia la mission de grouper des âmes 
de bonne volonté pour se consacrer, sous sa direction, à l'éducation 
des jeunes Anglaises. Elle obéit simplement et la petite congrégation 
prit naissance à Derby, en 1846. Enfantement douloureux ; car la vie 
de la fondatrice ne fut plus qu’une longue série d'épreuves matérielles 
et morales. Son mari, devenu prêtre, apostasie, lui suscite toutes 
sortes de difficultés et finit par entraîner dans sa chute ses trois jeunes 
enfants. Dans sa société, au milieu de malentendus douloureux, il lui 
faut soutenir une lutte incessante non seulement pour le maintien des 
régles et de l'esprit du nouvel Institut, mais pour son existence même. 

Toutes ces épreuves et ces contradictions furent supportées avec la 
sérénité d’une âme intimement unie à Dieu et qui puisait dans la prière 
coutinue le moyen de se montrer douce et joyeuse avec ses filles, 
invincible dans sa confiance en Dieu, capable de mener de front la for- 
mation morale des religieuses et l'organisation de l'œuvre d'éducation 
où elle fit preuve d’une réelle maitrise. La congrégation, après s'être 
solidement établie en Angleterre, essaima en France et jusqu'en 
Amérique. Lorsque la fondatrice mourut en 1879, elle laissait la société 
de l'Enfant Jésus en pleine prospérité. 


MGR LAVEILLE : THÉRÈSE DURNERIN: 293 


Il. La R. M. Janet Erskine Stuart fut aussi une éducatrice très 
remarquable, une de ces âmes fortes et éclairées que Dieu destine à en 
attirer beaucoup d’autres dans leur sillage. Issue d’une famille très 
distinguée, elle avait reçu, par les soins de son père, chanoine de 
l'Eglise anglicane, une éducation très soignée et très solide. Entrainée 
un instant loin de la foi par l'excès même de sa curiosité intellectuelle, 
elle ne put cependant s’attarder dans le doute. Convertie bientôt au 
catholicisme, elle y trouva la pleine lumière et la paix détinitive de 
l'âme. Dès lors, aucun sacrifice ne lui parut trop grand pour demeurer 
en possession de la vérité et pour s’avancer jusqu’à la perfection la plus 
vraie. Novice du Sacré-Cœur en 1882, sa ferveur et sa prudence atti. 
rérent tout de suite l’attention des supérieures : aussitôt après ses 
grands vœux, elle fut nommée maîtresse des novices. Supérieure de la 
maison de Rochampton en 1894 et vicaire de la province d'Angleterre, 
elle devenait supérieure générale du Sacré-Cœur en 1911. On peut dire 
que toute sa vie se passa à former des âmes religieuses fortes et 
heureuses. Ses grands dons d'intelligence et de cœur lui valurent un réel 
empire sur toutes les âmes de sa congrégation ; mais surtout, cette 
influence lui vint de sa charité vraiment universelle, pleine de délica- 
tesse et de tact, encore que réservée dans sa manifestation, parfois 
presque timide. 

L'auteur de la présente biographie y a fait entrer à la manière 
anglaise, beaucoup de lettres ou de fragments de lettres. Le récit s’en 
trouve un peu alourdi et il faut un certain effort pour dégager les 
traits de cette physionomie, par ailleurs si sympathique. Mais peut. 
être ne convient-il pas de s’en plaindre ; car, après tout, ce sont ces 
documents qui nous permettent de faire connaissance avec l’âme de la 
révérende Mère générale. Et il y a protit à demeurer pendant ces 
500 pages en contact avec cet esprit large et cultivé, avec ce cœur 
droit et bon que fut la Mère Janet E. Stuart. 


P. G. CHauvin, 0. S. B. 


MGn Laveize. Thérèse Durnerin fondatrice de la Sociélé des Amis 
des Pauvres (1848-1905). Paris, Téqui, 1922. In-8, xiv-460 p. 


La plume élégante et facile de Mgr Laveille nous avait déjà donné 
une bonne demi-douzaine de biographies, consacrées à des fondateurs 
ou fondatrices, directeurs ou directrices d'associations ou d'œuvres 
charitables. Toutes ont obtenu auprès du public un succès peu ordi- 
paire. Aucune ne surpasse en intérêt celle qui vient de paraître sous 
le titre que nous transcrivons ci-dessus ; disons mieux : on trouverait 
malaisément dans les annales de la piété et de la bienfaisance sociale 
une autre vie qui provoque à ce point l'admiration et l’émulation, 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 19 


204 COMPTES RENDUS. 


tout en piquant au vif, par un certain côté d'originalité et de mystère, 
la légitime curiosité d’un lecteur qui veut aller au fond des choses. 

Thérèse Durnerin naquit et vécut à Paris. Elle y vit le jour en 
1848. Elle appartenait à une famille aisée et profondément chrétienne, 
dont les relations amicales avec des hommes tels qu'Auguste Nicolas, 
Frédéric Ozanam et l’abbé Ozanam, contribuèrent à sa formation. 
C'est dans ce milieu qu'elle puisa les principes et les habitudes d’une 
religion éclairée, forte et altruiste. Elle n'avait pas encore accompli 
ga vingtième année lorsque des deuils répétés, en la plongeant dans 
la tristesse, vinrent miner sa constitution, jusque-là vigoureuse à 
souhait. Peu de temps après, en 1870 et 1871, les angoisses et les pri- 
vations du Siège et de La Commune portèrent à son organisme un coup 
dont elle ne se remit jamais entièrement. Atteinte désormais d’une 
anémie, très prononcée et jointe à des oppressions de poitrine, elle ne 
congaîtra pius les joies d’une santé normale et, pour cette raison, 
elle désirera vainement pouvoir embrasser la vie religieuse dans 
l'Ordre du Carmel. Réduite à ne se mouvoir que péniblement, elle se 
verra même pendant près de dix ans (1881-1890) condamnée à une 
réclusion complète. Mais ces circonstances, qui ne feront qu'aviver sa 
piété et affermir en elle l’esprit d'abandon, ne l’empêcheront point de 
donner libre cours à son zèle. Elle s'offre à Dieu en victime expiatoire, 
et Dieu, qui semble la prendre au mot, ajoute aux souffrances cor- 
porelles des épreuves intérieures, acceptées généreusement, supportées 
avec une vaillance et une constance qui ne se démentiront pas un 
instant. | 

Cependant, éprise, pour elle-même et pour autrui, de la communion 
fréquente, voire quotidienne, et de la dévotion au Cœur eucharistique 
de Jésus, elle se fait la propagatrice, l’apôtre de ces deux pratiques 
et, détail digne de remarque, pour l’une comme pour l’autre, elle 
devance de quelques années les directions du Saint-Siège. Sans quitter 
sa chambre d’infirme, elle sait intéresser à ses desseins des personnes 
pieuses ; par une correspondance avisée et insinuante de tous les jours, 
elle se suscite des collaborateurs et des collaboratrices, et grâce à leur 
concours, des centaines de mille de petites feuilles imprimées vont 
porter au loin et jusque dans les pays de missions le culte du Cœur 
eucharistique. Dès lors, reprenant une idée mise en avant au 
xviie siècle par le bienheureux Grignon de Montfort, Thérèse rêve 
et essaie d'associer à son entreprise des prêtres, qui trouveraient là 
un puissant moyen de sanctification personnelle. Bientôt, elle se met 
à composer et publie une série de tracts où des vues justes et pratiques, 
des réflexions d'une tine psychologie et des sentiments de haute spiri- 
tualité sont exprimés en un style clair, animé, souvent pittoresque 
autant que persuasif. 

Ce n'est pas tout, ou, plutôt, ce n'était 1à qu'un commencement. Elle 
avait remarqué qu à Paris un grand nombre d'ouvriers et de pauvres 
vivaient dans l'ignorance la plus complète de la religion, échappant 


MGR LAVEILLE $ THÉRÈSE DURNERIN. 505 : 


tout à fait à l’action du clergé paroissial ; elle décide de leur venir en 
aide en les catéchisant. Cette nouvelle forme d’apostolat débute par 
des visites à domicile, qu’elle fera personnellement, quoi qu'il lui en 
coûte de désagréments et d'efforts, et qu’elle continuera jusqu'à la fin 
de sa vie, tantôt seule, tantôt appuyée au bras de sa servante ou d'une 
compagne dévouée. Pour remplir son ministère de miséricorde, elle 
pe craint pas d'affronter les quartiers les plus sales et les plus mal 
famés, elle grimpe jusqu’à un 6° ou un 7° étage ; et, à force d'aménité 
et de charitables industries, elle parvient presque toujours à se faire 
bien accueillir de gens qui se doutent à peine qu'ils ont une âme. Ici 
encore elle se crée sans tarder des imitateurs et des aides. En même 
temps elle étend le champ de son action, en tâächant de l'exercer sur 
des groupes d’hommes. Les initiatives les plus audacieuses, les plus 
risquées en apparence, ne l'effraient point. Elle se glisse d'abord dans 
un patrouage de garçons adultes, parmi lesquels beaucoup n'avaient 
pas fait leur première communion ; ensuite elle sollicite et obtient 
l'autorisation de pénétrer à la Grande-Roquette pour y instruire les 
prisonniers. Après cela, c’est dans le préau des Filles de la Charité de 
Saint-Vincent de Paul, rue du Roule, à des loqueteux accourus de tous 
les coins de Paris pour une distribution de soupe, qu'elle vient faire 
un peu de catéchisme ; et les heureux résultats ne se font pas attendre 
longtemps : ce sont des baptêmes d'enfants de 8 à 12 ans, des pre- 
mières communions bien préparées, des unions régularisées. Forcée 
plus tard par les circonstances d'abandonner son local de la rue du 
Roule, Thérèse en découvre un autre à l’église de Saint-Julien-le- 
Pauvre, puis an second à la chapelle de Sainte-Rosalie, un troisième 
dans la crypte et les dépendances de Montmartre, d’autres encore dans 
l'enceinte ou à côté de divers sanctuaires parisiens. Mais pour diriger 
ces réunions, pour évangéliser des auditoires qui se chiffraient main- 
tenant par centaines (il y en eut à Montmartre jusqu’à 1800), il ne 
suflisait plus de la bonne volonté de quelques personnes sans lien 
mutuel et recrutées un peu au hasard des eirconstances ; il fallait un 
groupement stable, une sorte de corporation, sur la coopération ordi- 
naire de laquelle on pût compter, à laquelle il fût possible d'imprimer 
upe direction bien combinée et durable. C'est alors que Thérèse se 
décida à réaliser une idée qu'elle caressait depuis longtemps, à fonder 
la Société des Amis des Pauvres. 

Qu'implique cet humble nom dans la pensée de la Fondatrice ? Ce 
sera, dit-elle, une association « d’âmes vraiment religieuses sous un 
vétement laïc », association se dévouant à l’évangélisation des 
pauvres les plus délaissés, sans vœux d'ailleurs, sans aucun oflice 
à réciter, sans aucun insigne particulier. Elle comprendra trois caté- 
gories et comme trois étages. Il y a d’abord le groupe fondamental, le 
plus intime, celui des Frères servants et des Sœurs servantes de Jésus, 
dont la devise doit être : « Jamais assez ! Jamais assez de sacrifices ! 
Jamais assez d’immolations ! » Ceux-ci s'engagent à une coopération 


L ] 


A2 


e. COMPTES RENDUS, 


régulière, chacun suivant ses moyens personnels et les possibilités de 
sa situation sociale. Viennent ensuite « les messieurs, dames, prêtres, 
qui apportent » aux premiers « un secours plus ou moins prolongé » ; 
c'est le second groupe. Le troisième embrasse, sous les noms de 
Frères auxiliaires servants de Jésus et de Sœurs auxiliaires servantes 
de Jésus, tous ceux qui s'intéressent à l’œuvre commune, mais qui, 
« pour quelque cause sérieuse d’impuissance, ne peuvent pas travailler 
activement » avec les autres, « soit qu'ils appartiennent à quelque 
congrégation, soit que la distance rende impossible » leur concours 
matériel. Ainsi inaugurée, dans des intentions si pures, avec les 
sentiments d’une générosité et d’une confiance héroïques, cette œuvre 
présentait pourtant une lacune évidente : c'était une sorte de société 
religieuse constituée sans intervention de l'autorité ecclésiastique. 
M''e Durnerin n'avait pas songé à ce côté de la question ni aux diffi- 
cultés qui pourraient en résulter. Toutefois, lorsque l'archevêque 
voulut, pour régulariser la situation, donner comme directeur à la 
société un prêtre de son diocèse, elle fit si bien qu’on renonça à cette 
mesure, dans laquelle elle voyait un déshonneur et un danger pour 
son organisation naissante. Dans le récit d’une audience que le car- 
dinal Richard lui accorda à ce propos, on ne sait ce qu'il faut admirer 
le plus, de l'assurance et du sang-froid tenace d’une femme qui défend 
ses hardies initiatives moins encore par leurs brillants résultats que 
par un appel à des inspirations et injonctions divines, ou de la bonté 
d’un prince de l'Église, qui finit par se rendre à des raisons si peu 
canoniques. C’est qu’il y avait dans le ton, dans l'attitude, à la fois 
modeste et pleine d’aisance, et dans les paroles de Thérèse une force 
de persuasion, j'allais dire une puissance de séduction, dont les mer- 
veilleux effets se faisaient sentir ailleurs encore qu’au sein de ses 
réunions populaires ou en plein carrefour d'une cité de chiffonniers. 

A partir de ce moment, la Société des Amis des Pauvres connut 
encore beaucoup de traverses, mais elle n’en poursuivit pas moins sa 
marche ascendante et le développement de son double apostolat par 
les visites à domicile et par les réunions hebdomadaires ou semi-heb- 

 domadaires. Thérèse, en dépit d’une santé de plus en plus misérable, 
était toujours sur la brèche pour parer aux difficultés, soutenir ou 
remonter les courages, rechercher et indiquer les moyens de sortir 
d'une impasse. Non contente d’assister aux rendez-vous des pauvres et 
d'y prendre la parole, de présider chez elle les réunions périodiques 
des membres actifs, elle trouvait encore le temps et la force de grimper 
aux mansardes pour faire des recrues ou relancer des clients tièdes et 
peu assidus. Elle était si pàle, si faible et si oppressée, que souvent, 
à la voir étendue sur sa chaise longue, on l’eût crue près de mourir ; 
mais dés qu'il s'agissait de sortir pour catéchiser ou de recevoir des 
coopérateurs pour délibérer avec eux et leur donner une direction, 
elle se redressait comme par enchantement. Sa sœur Noémie, qui 
vivait avec elle et ne s’en séparait guère, a pu écrire qu'une telle 


MGR LAVEILLE : THÉRÈSE DURNERIN. 297 


existence semblait tenir du miracle. Dans ses dernières années, 
lorsqu'elle ne quittait plus son fauteuil ou son lit que pour se trainer 
auprès des grabats sans consolation, elle eut la grande joie de voir les 
fruits de son labeur se multiplier rapidement. Dès 1901, l'œuvre avait 
procuré 435 mariages, 56 baptêmes d'adultes, 123 baptêmes d'enfants, 
QÙ premières communions, 33 confirmations. En 1902, résultats presque 
identiques : 124 baptêmes, 5 abjurations, 84 premières communions, 
15 confirmations, 426 mariages ; en 1903, légère augmentation au 
chapitre des mariages ; entin, en 1904, à la veille du grand repos de 
l'infatigable ouvrière, 130 baptêmes, 7 abjurations, 107 premières 
communions, 29 confirmations et 424 mariages. Avec un pareil bilan, 
Thérèse etait assurée de ne point paraître les mains vides au tribunal 
du Souverain Juge. C'est le 7 avril 1905 qu'elle y fut appelée. Elle 
avait vraiment soutenu le bon combat jusqu'au bout. Peu de mois 
encore avant sa mort, on avait pu voir cette femme de 55 ou 56 ans, 
à la démarche chancelante, presque sans souffle et sans voix, souvent 
brisée par uue toux opiniâtre, s’acheminer malgré tout vers le taudis 
où agonisait le paiïen inconscient qu'elle voulait gagner à Dieu. Le 
2 avril 19%, quand elle n'avait plus que cinq jours à vivre, elle réunit 
chez elle Le premier groupe de sa Société et voulut présider elle-même 
la réunion, et il ne fallut rien moins qu'une violente crise de suffo- 
cations pour abréger ce suprême entretien. | 

Le livre que je viens de résumer est de ceux qui ne se lisent pas 
sans émotion, qu’on ne ferme pas sans en garder une profonde et 
durable impression. Une biographie comme celle de Thèrèse Durnerin 
montre ce que peut une volonté énergique dans une âme possédée de 
l'amour de Dieu, même lorsque cette âme habite un corps débile et 
souffrant ; elle montre également qu'une solide piété, impliquant 
l'esprit de sacrifice, est la source la plus féconde d’un dévouement 
sans bornes au soulagement des misères humaines. 

En attirant discrètement notre attention sur ce côté instructif et 
exemplaire de la vie qu'il nous raconte, Mgr Laveille ne dissimule pas 
quelques faits, quelques incidents qui semblent appeler des éclaircisse- 
ments ultérieurs et légitimer de notre part des réserves, au moins provi- 
soires. Ainsi, Thérèse croyait sans doute trop facilement aux manifesta- 
tions surnaturelles, comme le prouvent ses sympathies pour plusieurs 
personnes stigmatisées ou soi-disant telles, et en particulier une sorte 
d'engouement pour les « apparitions » de Tilly. Et si, dans sa propre 
conduite et dans ses initiatives de prosélytisme et de charité, elle 
pensa et voulut toujours faire la volonté de Dieu, obéir donc à des 
inspirations divines, ne conçut-elle pas trop souvent celles-ci comme 
résultant de communications personnelles extraordinaires ? Surtout, 
ne lui est-il pas arrivé d'y insister avec une ténacité excessive dans 
ses démêlés passagers avec les autorités paroissiales et diocésaines ? 
Il y a aussi telle ou telle de ses idées sur la formation du clergé, voire 
sur une réforme partielle de l’enseignement dans les séminaires, qui 


298 COMPTES RENDUS. 


aurait besoin d'être passée au crible de la critique. D'autre part, 
d’après les témoignages les plus dignes de foi, Thérèse Durnerin émit 
sur l'avenir, à différentes reprises, des vues d’une étonnante perspica- 
cité ; elle a annoncé plusieurs événements qui se sont réalisés ou qui 
sont manifestement en voie de réalisation. Mgr Laveille, diligent et 
consciencieux biographe, signale ces points et quelques autres sem- 
blables, en se défendant prudemment de tout jugement détinitif. 
Faisons comme lui : attendons que le temps et les circonstances 
dissipent ces restes d’ombres, ces légers nuages qui voilent encore 
partiellement à nos yeux l’édifiante et radieuse figure de Thérèse 
Durnerin. Un jour viendra, qui n’est peut-être pas loin, où non seule- 
ment la théologie ascétique et mystique, mais aussi la psychologie et 
l'étude des expériences religieuses trouveront profit à reprendre en 
détail l'examen de ces intéressantes questions. 

Ajoutons, pour terminer, que l’œuvre fondée par la femme forte 
dont nous avons laissé entrevoir la physionomie a, heureusement et 
à l'encontre de toutes les appréhensions raisonnables, survécu à celle 
qui en était l'âme. Elle a même progressé, à Paris et dans sa banlieue, 
jusqu'en 1914 ; et après un ralentissement trop concevable de 1914 à 
1919, elle a repris vigueur, au point de s'implanter et d'être bien 
vivante, bien agissante dans d'autres grandes villes, telles que Bou- 
logne-sur-Mer et Lyon. La Belgique aussi a commencé à bénéticier de 
son activité; plusieurs centres d'enseignement religieux ont été formés 
à Bruxelles dès 1910, avec la haute approbation du cardinal Mercier ; et 
dans sou mandement de carême de 1920, l’éminent prélat recommande 
positivement à ses diocésains de s'enrôler dans la vaillante milice qui 


a nom Soctélé des Amis des Pauvres. J. FoRGET 


CHRONIQUE (1). 


Allemagne. — Albert Ehrhard est trop avantageusement connu de nos 
lecteurs pour qu’il soit nécessaire de louer ici ses talents et ses mérites scien- 
tifiques. On se rappelle qu’il débuta dans l’histoire de l’ancienne littérature 
chrétienne par un coup de maître, en restituant à Théodoret de Cyr deux 
écrits attribués jusqu’alors à saint Cyrille d'Alexandrie. Il a fourni ensuite 
une longue et féconde carrière de chercheur, de publiciste et de professeur. 
A l’occasion de son soixantième anniversaire (14 mars 1922), ses élèves, 
amis et admirateurs lui ont rendu hommage, en lui offrant une riche gerbe 
de contributions scientifiques moissonnée dans les domaines qu’il a surtout 
explorés et fécondés de ses labeurs. Le Festgabe, recueil de vingt-quatre 
mémoires réunis en un volume et publiés par les soins du Dr M. A. Koeniger, 
professeur à l’université de Bonn, a paru sous le titre de Beîträge zur Ge- 
schichie des christlichen Altertums und der by-zantinischen Literatur (Bonn et 
Leipzig, Schroeder, 1922. In-8, vrt-501 p.). Dès sa publication, la RHE s’est 
empressée d’en détailler le contenu sous les diverses rubriques de sa section 
bibliographique ; c'était le moyen Îe plus prompt et le plus sûr de signaler à 
l'attention de chaque spécialiste celles de ces études qui l’intéressaient par- 
ticulièrement. Toutefois, nous croyons qu’il n’est pas inutile de revenir à une 
rapide considération du recueil dans son ensemble et de faire voir, par quel- 
ques exemples, la variété et la valeur des services qu’il est de nature à rendre 
aux sciences ecclésiastiques. 

Bien que déjà très large, le titre ne paraît pas encore assez compréhensif 
pour le contenu de l’ouvrage, qui le déborde. Mais cette constatation ne se 
fait pas à première vue, car la présentation des mémoires ne semble pas des 
plus heureuses. On se demande pour quelle raison le classement a été fait 
selon l’ordre alphabétique des noms des auteurs. Ce principe est absolument 
accidentel et tout extrinsèque ; il cause des voisinages disparates, quelque 
peu déconcertants, et qui ne vont pas sans nyire à l'impression générale de 
richesse que le volume aurait pu donner davantage. La correction typogra- 
phique n’est pas impeccable ; la citation annoncée à la fin de la p. 191 a même 
été complètement omise. Si l’on s’astreint à faire un classement plus logique, 
suivant les dates ou les matières des sujets traités, on remarque qu'ils 
s’échelonnent sur tous les siècles qui vont des origines chrétiennes au concile 
de Trente et qu’il n’est pour ainsi dire aucune branche des sciences ecclésias- 
tiques à laquelle ils n’apportent pas une contribution historique de valeur. 
Car toutes les études ici réunies ont leurs mérites incontestables et, s’il en est 
plusieurs qui sont signées de noms qui font autorité, toutes témoignent d'une 
réelle compétence et d’un grand soin. Dans l'impossibilité pratique de 


(1) Le Comité de Rédaction sera reconnaissant aux Sociétés savantes, aux 
Auteurs et aux Libraires qui voudront bien lui adresser (rue de Namur, 40, 
LOUVAIN) les nouvelles, les articles et les ouvrages qui peuvent être annoncés 
utilement soit dans la CHRONIQUE, soit dans la BIBLIOGRAPHIE de la REVUE 
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE. 


800 CHRONIQUE. 


signaler tout ici, nous nous contenterons de quelques mentions spéciales, 
dont on excusera la brièveté. H, J. Vocezs (p. 434-450) fait preuve d’une 
grande érudition en traitant des divisions du texte dans les anciens manus- 
crits latins des Evangiles; ses constatations et ses remarques aideront 
utilement à découvrir l’origine commune de certains témoins entre lesquels 
on ne soupçonnait pas une si étroite parenté. On trouve dans le mémoire de 
S. EURINGER (p. 141-179) une réponse aussi convaincante qu'objective à une 
thèse récente et retentissante au sujet dela forme dans laquelle saint Éphrem 
lisait et employait le fameux passage de Matth., XVI, 16 et suiv. sur la pri- 
mauté promise au prince des Apôtres. À. BAUMSTARK (p. 53-72) retrouve 
dans certains passages de textes liturgiques des échos du temps des persécu- 
tions; son étude, très documentée et des plus intéressantes, fournira sans doute 
des indications précieuses pour l'orientation de recherches ultérieures. Il 
faut en dire autant du magistral essai présenté par J. P. KirscH (p. 253-272) 
pour la reconstitution du calendrier romain du début du ve siècle qui a servl 
de source au martyrologe hiéronymien. Deux axiomes célèbres et d’une 
grande importance doctrinale sont étudiés avec tout le soin et toute la 
rigueur de méthode désirables, l’un : Causa finita est, par K. ADAM (p. 1-23), 
l’autre : Prima sedes a nemine iudicatur, par A. M. KOENIGER (p. 273-300). 
Nous voulons encore noter le travail, si riche en renseignements nouveaux, 
de M. GRABMANN (p. 180-199) sur les versions latines des œuvres du pseudo- 
Aréopagite, et surtout l’exposé si attrayant que fait S. MERKLE de l’activité 
déployée à Rome, pendant le concile de Trente, par un érudit, Sirleto, pour 
fournir à son maître, le cardinal Cervini, une documentation patristique 
abondante sur bien des questions à l’ordre du jour de la grande assemblée. 
Comme l’auteur le remarque très justement, la correspondance échangée 
entre Cervini et Sirleto devrait être entièrement publiée, car elle est de 
toute première importance pour l’histoire de la plupart des discussions et 
décisions du concile. 

Nous pourrions multiplier ces exemples. Ceux que nous avons relevés 
rapidement suffiront à faire deviner la valeur des autres études, que nous 
nous voyons obligés de passer sous silence. Redisons que toutes sont utiles 
et méritoires et souhaitons qu'elles échappent au risque de passer inaperçues 
que courent toujours quelque peu les monographies qui sont comme noyées 
dans la masse d’un volume de Mélanges. J. LeBon. 


— En publiant en 1895 la troisième édition de son Bibel-Atlas, le Dr von 
Riess annonçait l’apparition prochaine d’un texte latin. L'Atlas scripturae 
sacrae parut en 1896. La deuxième édition latine, confiée après la mort de 
l’auteur aux soins du professeur de Fribourg, Charles Rückert, vit le jour 
en 1906 ; Rückert mourut lui-même, en 1907, et c'est ainsi que M. L. Heidet 
fut chargé de la troisième édition latine qui vient de paraitre (Atlas scrip- 
turae sacrae. Decem tabulae geographicae cum indice locorum scripturae sacrae 
vulgatae editionis, scriptorum ecclesiasticorum et ethnicorum auctore Dr Ri- 
cardo de Riess. Ed. 32 recognita et emendata labore et studio L. HE1ipet. 
Fribourg-en-Br., Herder, 1924. In-4, x0 cartes et viri-39 p. Prix : 20 fr. suisses). 
Il était nécessaire de rappeler ces souvenirs pour comprendre les modifica- 
tions subies par l'œuvre de von Riess. Nous avons pu comparer la troisième 
édition latine de Heidet à la troisième édition allemande de von Riess. C'est 


ALLEMAGNE. 301 


toujours le même Atlas, les mêmes cartes, claires, complètes, intéressantes, 
le même index topographique soigné. On ne regrettera pas que l’auteur n'ait 
pas voulu mentionner les routes récentes et les voies ferrées que les Anglais 
viennent de tracer en Palestine. Ce n'est pas précisément cela que recher- 
chent les consulteurs d’un atlas biblique. Mais on regrettera vivement que 
M. Heidet ait cru devoir persévérer dans l'erreur de Rückert touchant la 
localisation du mont Sion et de l’ancienne cité de David. Von Riess avait 
été conduit par son étude des données scripturaires à les situer sur la colline 
orientale, et la petite dissertation consacrée au mot Sion à la page 34 de son 
index géographique nous paraît encore convaincante. Rückert qui avait 
publié en 1898, l’année même de la mort de von Riess, une étude sur cette 
question (Lage des Berges Sion), a cru devoir modifier pour la seconde édition 
latine (1906), dans la carte virr et dans l'index, la topographie du Sion, et le 
placer sur la colline occidentale. M. Heïdet maintient ce point de vue, et il 
tient à le souligner dans sa préface en rassemblant ses raisons : « Itidem, in 
colle Jerusalem occidentali arcem Sion civitatemque David, quo eam retulit 
decessor noster, et nos veteri constantique traditioni a Josepho, Talmudis, 
cunctisque Patribus prolatae cedentes consignatam servavimus. Quod con- 
testantur aliqui, huic traditioni Scripturam contradicere, quiliberolimpidoque 
animo attente consideraverit, nec in hoc loco nec in alteris traditionem 
Scripturamque repugnare probabit atque Sion, a monte Templi absolute 
distinctum (cfr Mich. 3, 12), monti Jebusaei juxta cujus latus, ad austrum, a 
Raphaim valle ad fontem Rogel, transit Geennom seu Ennom vallis, insidisse 
(Jos. 15,8; 18, x6; cfr I Chr. 11, 4-7). » Vraiment, ceux qui dans cette question 
opposent l’Ecriture à une soi-disant tradition ont-ils l'âme troublée et l’esprit 
emprisonné ? On se convaincra du contraire en lisant la Revue biblique ou la 
Jérusalem antique du P. Vincent, que nous n'avons vues citées nulle part par 
M, Heidet. 


Le premier volume des recherches de J. GRILL sur l’origine du 
quatrième évangile a paru en 1902 (Untersuchungen über die Entstchung des 
vierten Evangeliums. Tubingue, Mohr. x11-408 p.); le second fut publié en 
1923 (VI1-443 p.). On voulut sans doute que l'aîné eût atteint sa majorité 
avant de lui donner un jeune frère à diriger et à protéger. Si la première 
partic représentait déjà une tentative énergique d'application de la méthode 
religionniste au quatrième évangile, que dire de la seconde, si ce n’est qu’elle 
est encore d'humeur plus entreprenante et de sens moins rassis ? Le premier 
volume était presque tout entier consacré au Prologue de S. Jean, qu’il 
analysait, dont il dégageait les concepts fondamentaux, ceux de verbe, de 
vie, de lumière qui traversent d’ailleurs aussi tout l'évangile. 1] étudiait 
longuement l'origine et la préhistoire de ces concepts ainsi que leur relation 
avec certaines notions connexes comme celles de gloire et de vérité. Le 
second volume expose, à la lumière de l'idée du Logos, la méthode d'’évan- 
gélisation de Jésus telle que la conçoit le quatrième évangile. Il montre 
ensuite comment presque tous les traits qui composent la majestueuse figure 
du Christ johannique, le messager de joie, le distributeur d’eau vive, la vigne 
personnifiée, l’hôte bienfaisant, l'époux, le berger, le médecin, le sauveur, etc., 
sont empruntés au culte de Dionysos et autres mystères voisins. Le qua- 
trième évangile n'est qu’un essai constant de typologie hellénisante. Il a 
subi profondément l'influence des mystères, en particulier dans la doctrine 


302 CHRONIQUE. 


de la cène et du baptême ; il édifie sur des bases chancelantes au point de 
vue historique. À en juger par la place qu'il occupe dans l'évolution du 
christianisme primitif, il faut en placer la composition très bas dans le cours 
du second siècle. 

On sait que Grill a voulu engager dans une nouvelle voie les recherches 
touchant l’origine du quatrième évangile. On essayait autrefois d’en déter- 
miner l’époque, l’auteur, le milieu, le caractère, par la critique interne et 
surtout par l’histoire littéraire, en particulier par l'analyse des témoignages 
patristiques. Désormais, il faudra plutôt s'appliquer à creuser les idées fon- 
damentales de l’œuvre, à en déterminer les motifs dominants, à en établir 
la connexion intime et la relation non seulement avec la religion de l’Ancien 
Testament, mais aussi avec le monde religieux du paganisme classique et 
oriental. Il faudra voir comment et dans quel but l'écrivain a intégré dans 
la conception chrétienne des thèmes religieux étrangers. On arrivera ainsi, 
au jugement de Grill, à rendre plus fidèlement la note caractéristique de 
l’'évangile spirituel et à le situer plus exactement dans la transformation 
progressive du christianisme. 

La méthode est bonne et elle n'est pas neuve. Il est évident qu'il faut 
compléter l’étude de l’évangile, considéré en lui-même et dans la tradition, 
par l'étude du milieu historico-religieux où il a vu le jour, et ce milieu ne 
sera pas seulement celui de la théologie judéo-alexandrine mais aussi celui 
du paganisme classique et oriental. Mais nous doutons fort que cette 
méthode, judicieusement appliquée, nous conduise à voir avec Grill, dans le 
quatrième évangile, la première Renaissance, qui par l’incorporation d’élé- 
ments exotiques aurait vivifié la religion chrétienne et l'aurait dotée de ses 
forces les plus hautes et les plus efficaces. Au second volume des recherches 
de Grill on reprochera, comme au premier, son obscurité, son allure philo- 
sophique et son manque de critique. 


Le chapitre VI de S. Jean a connu les mêmes vicissitudes que Îles 
narrations synoptique et paulinienne de l'institution de la Sainte Eucha- 
ristie. Depuis que la Réforme a partagé les esprits touchant le sens des 
paroles de la cène, on s’est divisé également quant à l'interprétation du récit 
de la promesse, et il faudrait raconter toute l’histoire des controverses 
relatives aux origines de l’Eucharistie pour rappeler les destinées exégétiques 
du discours sur le pain de vie. On en a nié la portée eucharistique, on en a 
combattu l'historicité, et celle-ci a pâti en outre de toutes les attaques dirigées 
contre la valeur documentaire du quatrième évangile. L'interprétation 
réaliste du chapitre VI apporte, sans aucun doute, un argument très fort à la 
doctrine ecclésiastique de la cène, mais à son défaut, elle subsisterait tout 
entière, s'appuyant sur le roc inébranlable des récits de l'institution : ce n’est 
donc pas un « articulus stantis vel cadentis Ecclesiae ». Sans doute encore, 
l’historicité du discours entendu dans le sens eucharistique met dans une vive 
lumière la continuité de la pensée du Christ, annonçant d’abord, réalisant 
ensuite le grand mystère d'amour, mais s’il était prouvé que ces magnifiques 
développements ne représentent que les méditations de l’évangéliste, nous 
serions en droit d'y trouver tout au moins une splendide confirmation de la 
doctrine eucharistique traditionnelle, dans le genre de celle que nous four- 
nissent les écrits de S. Ignace, de S. Justin, de Pline... 

C'est à défendre l'historicité et le sens véritable du discours de promesse 


ALLEMAGNE. 9303 


que le Dr Puiztps vient de consacrer sa dissertation inaugurale à la Faculté 
de théologie catholique de Bonn (Die Verheissung der heiligen Eucharistie 
nach Johannes. Eine exegetische Studie. Paderborn, Schôningh, 1922. In-8, 
Vi11-208 p.). Il recherche les antécédents historiques du discours sur le pain 
de vie, et montre que l’idée d'un festin messianique n’était pas étrangère 
aux Cspérances du judaïsme contemporain de Jésus. Ce discours a donc sa 
place dans la carrière messianique de Jésus et le silence des synoptiques n'est 
pas un obstacle insurmontable à son historicité. Il a sa place organique aussi 
dans le quatrième évangile, lequel d'ailleurs est l'œuvre d’un témoin, de 
l’apôtre Jean. L'Eucharistie n’est pas née dans les communautés pauliniennes 
sous l'influence des mystères paiens, et le discours de Jean est tout autre 
chose que l’écho des controverses eucharistiques de l’âge postapostolique. 
L'auteur défend avec raison l’unité du discours et son exégèse réaliste : le 
don messianique est d'abord annoncé, puis on expose les conditions néces- 
saires pour y avoir accès, enfin l’Eucharistie y est clairement promise et 
expliquée. 

On sait que la grande question discutée aujourd’hui entre exégètes 
catholiques est celle de savoir à quel moment précis, dans le discours du 
Sauveur, commence l'allusion directe à l’Eucharistie. Franzelin, Knaben- 
bauer, Beelen, Fillion, Calmes, Batiffol et beaucoup d’autres font commencer 
le discours eucharistique au verset 48 ou au verset 51b. Il fut un temps où les 
commentateurs catholiques étaient presque les seuls à reconnaître l’Eucha- 
ristie dans le chapitre VI de S. Jean. Aujourd’hui, plusieurs critiques libéraux 
et non des moindres, comme Holtzmann et Loisy, retrouvent au moins indi- 
rectement l’Eucharistie, non seulement dans la section 51-58, mais encore 
dans la section 26-40 et 41-50 de ce même chapitre. Il est vrai qu'ils se 
libèrent d’une autre façon en niant le caractère historique du discours. On 
constate une fois de plus ce phénomène à première vue étrange qu'on 
rencontre à propos de presque tous les textes importants : tandis que les 
protestants croyants rejettent l'interprétation catholique et maintiennent plus 
ou moins l’historicité du texte, les critiques radicaux, abandonnant celle-ci, 
reviennent à l'exégèse catholique, 

Nous croyons aussi qu’il est plus logique et plus simple d'entendre tout le 
discours de J’Eucharistie, obscurément indiquée dans les versets 27-35 et 
clairement dans 51-59. Déjà au v. 27, la nourriture qui demeure pour la vie 
éternelle, celle que le Fils de l’homme donnera, c’est l'Eucharistie. Aux 
versets 32-35, le véritable pain du ciel, celui que le Père donne, celui qui 
descend du ciel et procure la vie au monde, c’est la personne du Christ, 
nourriture déjà présente, bien que non encore accessible. C'est ainsi que le 
Christ peut dire que le pain est donné et sera donné. Celui qui mange ce pain 
qu'est la personne du Christ n'aura plus faim, et celui qui prend ce breuvage 
qu'est la personne du Christ n'aura plus soif. C'est dans l’Eucharistie que 
cette manducation s'opère, et cette manducation, pour être fructueuse, exige 
ha foi. Donc cette section 27-35 peut très bien s'entendre de l'Eucharistie où 
l'on s'approprie, moyennant la foi, la source de vie qu'est la personne du 
Christ. Dans le discours à la Samaritaine aussi, le Christ se présentait comme 
une ‘eau vive où la foi se désaltère, mais sans allusion à l’Eucharistie. Le 
Christ ayant affirmé au v. 35 que pour se nourrir de lui il faut la foi que les 
Juifs n’ont pas, on s'explique assez facilement la digression sur la foi des 
V. 36-47. Au v. 48, le discours revient à l’idée exprimée au v. 35 : le pain qui 


304 CHRONIQUE. 


donne la vie, c'est le Christ, et l’on explique ensuite plus clairement que le 
pain qui nourrit pour la vie éternelle, c’est la chair du Christ, et que le 
breuvage qui désaltère pour toujours, c’est son sang. 

Cette interprétation réaliste n’est pas corrigée par les versets 62-63 (et à ce 
propos, nous regrettons que le Dr Philips n'ait pas eu recours pour leur 
explication à l’exégèse si pénétrante de Bossuet dans ses méditations sur 
l'Évangile). Elle se recommande d'ailleurs de très bons arguments : malgré 
certaines voix discordantes, elle peut revendiquer pour elle la tradition, les 
assertions si claires des versets 51b-59 (surtout la quadruple répétition du verbe 
T GYELY dans 54-58, qui ne se dit que de la manducation réelle), la présence 
au chapitre VI de S. Jean de toute la terminologie eucharistique : EUYapioTEiy, 
11, 23 (Le. XXII, 19: I Cor. XI, 24), dOdvau dpTOy, aryeiv, TIVE, UTEP, 
51 (Mc. XIV, 24; Le. XXII, 19, 20; I Cor. XI, 24), CIPCA Cap. (Cfr W. BAUER, 
Johannes, p. 71. Tubingue, Mohr, 1912.) On peut faire remarquer encore que 
les adversaires de Jésus entendent ses paroles d'une manducation réelle, et 
que le Sauveur, loin de rectifier leur erreur, la renforce encore. Le quatrième 
évanpgile fut écrit à une époque et dans un milieu où la cène était certaine- 
ment pratiquée. Les lecteurs de l’évangile devaient nécessairement com- 
prendre le chapitre VI de l’Eucharistie. Loin de les prémunir contre cette 
confusion, l’auteur l’a voulue. Il entendait donc bien parler de l'Eucharistie. 
Enfin, on s’expliquerait difficilement l’omission de l’Eucharistie dans le 
quatrième évangile, si l’auteur n'avait cru avoir parlé suffisamment de ce 
grand sujet au chap. VI. 

Dans l'introduction (p. 5-20), le Dr Philips donne un aperçu de l’histoire 
de l’exégèse du chapitre VI. Il est regrettable qu'il n'ait rien dit de la 
position du problème au concile de Trente. Il n’était pas précisément alors 
ce qu'il est aujourd’hui, Tandis qu'à l’heure actuelle les commentateurs 
catholiques se rallient à l'exégèse réaliste et en discutent seulement 
l'étendue, à la veille du concile de Trente des théologiens assez nombreux 
se refusaient à voir dans ce chapitre une allusion directe au sacrement. 
Pour eux, il y avait unité parfaite tout le long du discours de Notre Seigneur ; 
c'était sa personne avec sa mission rédemptrice qu’il présentait comme objet 
de foi aux foules si elles voulaient obtenir le salut. Manger sa chair et boire 
son sang n'était qu’une autre façon plus énergique d'exprimer ce que Jésus 
avait dit d’abord : Je suis le pain de vie; qui vient à moi n’aura plus faim ct 
qui croit en moi n'aura plus soif, C'était là l’opinion de la manducation spiri- 
tuelle ou opinion spiritualiste. C'était aussi la doctrine des calvinistes qui 
entendaient le discours de S. Jean de la manducation métaphorique par la foi, 
tandis que les Hussites restaient fidèles à la manducation réelle et en con- 
cluaient à la nécessité de la communion sous les deux espèces. Toutefois la 
majorité des exégètes et des théologiens catholiques suivaient l'opinion 
réaliste comme aujourd'hui. Au concile les deux théories furent représentées. 
Une première fois, lors de la session XIIIe, les Pères s’occupèrent acciden- 
tellement de ce chapitre et de son interprétation; la question fut traitée ex 
professo plus tard à l’occasion des Hussites. Le P. Cavallera a écrit des pages 
pleines d'intérêt sur les discussions que suscita cette controverse au sein du 
concile et sur la véritable signification de la solution adoptée et formulée au 
chapitre Ier des décrets de la XXIe session, célébrée le 15 juillet 1562 (RHE, 
1909, t. X, p. 687-709). Après le concile de Trente, Jansenius de Gand resta 
fidèle à l'interprétation spiritualiste, mais sous l'influence des disputes avec 


ALLEMAGNE. 3% 


les protestants, cette opinion ne tarda pas à tomber, chez les catholiques, 
dans un profond discrédit. Après avoir joui d’une certaine vogue sous le 
patronage justifié ou non de S. Augustin, de S. Thomas et de Cajetan, elle 
fut bicntôt presque unanimement rejetée comme unc thèse chère aux héré- 
tiques. On alla plus loin, et beaucoup d'auteurs réalistes invoquèrent pour la 
combattre la décision du concile de Trente; c’est chose courante dans les 
manuels de théologie et dans les commentaires. Si l’on ne va pas jusqu’à dire 
que l'opinion spiritualiste a été condamnée à Trente, on affirme du moins 
que le concile, sans vouloir trancher la question, a nettement indiqué qu'i] 
admettait l’opinion réaliste (Salmeron, Fillion, Knabenbauer, Crampon, etc.). 
Cette affirmation est exactement le contraire de la vérité, dit Cavallera (£.c., 
p. 709), et le concile de Trente a laissé sur ce sujet toute liberté aux catho- 
liques. 

Notons en finissant que l'interprétation du chap. VI de S. Jean a fait 
récemment encore l’objet d’un article du P. Mueller dans Gregorianum (1922, 
t. IL, p. 161-177) : Promissio Eucharistiae. Revelaturne Eucharistia Joan. VI, 
27-47 ipsis verbis an typis ? 

La dissertation du Dr Philips est sérieuse et bien documentée. Puissce-t-elle, 
comme il le désire, remettre dans la main de tous les amis des recherches 
eucharistiques le fil d’or de la tradition qui les guidera dans le labyrinthe 
des hypothèses et des opinions. É. Topac. 


— Les Sityungsberichte der preussischen Akademie der Wissenschaften de 
Berlin contiennent une série de lectures faites au cours de l’année 1923 
intéressant nos études. AD. voN HARNACK, Das « Wir » in den Johanneischen 
Schriften (p. 96-113). On admettait jusqu’à présent que, dans les écrits johan- 
niques, l'expression nous se rapporte soit à un cercle de fidèles ou de témoins 
de l’activité de S. Jean, soit à un groupe d'élèves ou des prêtres d’origine 
asiatique ou palestinienne. L’auteur croit que cette interprétation n'est pas 
fondée ; nous est un pluriel de majesté (Autorität) et ne peut signifier que 
l’ensemble des chrétiens, Subsidiairement, M. Harnack estime que le passage 
relatif à l’auteur du 4e évangile : 0 xœt ypabas Tara (Jean XXI, 24) doit 
être une glose très ancienne. — AD. von HARNACK, Der apokryphe Brief des 
Apostels Paulus an die Laodicenses, eine Marcionitische Fälschung aus der 
2. Hälfte des 2. Jahrhunderts (p. 235-245). Dans des mss du N. T. anglais, 
latins, tchèques et allemands figure, sous le nom de S. Paul, une lettre 
adressée aux Laodicéens. Depuis Érasme elle était considérée par la critique 
comme une espèce de fiction littéraire puisée dans les œuvres pauliniennes. 
M. Harnacx montre que la lettre est, en réalité, une composition d’origine 
marcionite et par conséquent anti-chrétienne. — AD. von Harnacx, Die 
älteste uns im Wortlaut bekannte dogmatische Erklärung eines rômischen 
Bischofs (Zephyrin bei Hippolyt. Refut. IX, 11). Commentaire de la formule 
christologique, employée par le pape Zéphyrin (201-207) et rapportée par 
Hippolyte. — Ép. SYTHAMER, Die verlorenen Register Karls I. von Anjou 
(p. 1-29). L'auteur examine le profit à tirer des extraits faits au xvrie siècle 
par Carlo de Lellis des actes, perdus depuis lors, de la chancellerie d'Anjou 
provenant des Archives de l’État à Naples. Ces extraits non datés, il les a 
classés par groupes chronologiques et par matières. Il parvient ainsi à les 
enchässer, en quelque sorte, dans les registres conservés, notamment dans les 
reg. n°8 1267 S, 1268 À, O, 1269, À, B, C, S, 1271 A, D'et1272. H. NELIS, 


_ 306 CHRONIQUE. 


— Dans la Theologische Literaturzeitung (1924, t. XLIX, col. 47-48). 
G. KRüGER reproduit, en y ajoutant quelques notes critiques, un fragment 
de cinquante et une lignes de l’Apologie d’'Aristide. C’est le texte fourni par 
le papyrus 2486 du British Museum, et qui a été publié récemment, dans le 
Journal of Theological Studies (1923, vol. XXV, p. 73-77) par H. J. M. Milne. 
Cette découverte a ajouté un nouveau fragment au texte grec jusqu'ici connu 
_ de cet ancien écrit. 


— Dans un article fort remarqué, publié dans le Journal of theol. Stud. 
(1922, t. XXII, p. 263-270), Mgr BATIFFOL a cru retrouver dans le canon 58 du 
synode d’Elvire un témoin de la primauté romaine. L'interprétation qu'a 
donnée de ce canon Mgr Batiffol, a été contestée par A. JuELICHER (Die Synode 
von Elvira als Zeuge für den rümischen Primat, dans Zeitschr. f. Kirchenge- 
schichte, 1923, nouv. sér., t. V, p. 41-49). L. v. SvBEL (Zur Sy node von Elvira, 
tbid., p. 243-247) voit dans le canon 36 du même synode une nouvelle preuve 
contre la thèse de Mgr Batiffol. 


— Une page de l’histoire des missions est étudiée par K. SCHUENEMANN : 
Die Deutschen in Ungarn bis gum 12. Jahrhundert (Ungarische Bibliothek. Für 
das ungarische Institut an der Universität Berlin, hrsg. v. R. Gragger. 
Sér. I, fasc. 8. Berlin et Leipzig, 1923). L'auteur donne d’abord une étude 
critique sur le rôle joué par les Allemands, et notamment par des prêtres et 
des petits cultivateurs bavarois, dans la christianisation et la colonisation de 
la Pannonie, occupée par une population slave peu dense, qui avait chassé 
les Avares à l’époque carolingienne. Plus tard, lorsque les Hongrois s'y furent 
établis définitivement, leurs princes firent appel à des maîtres et des colons 
d’origine allemande. Dans ce pays se rencontraient les missionnaires alle- 
mands et ceux de l'Église orientale-roumaine, si bien qu’à la cour du duc 
Geisa, dont le paganisme n'avait pas encore complètement disparu, plusieurs 
religions se disputaient la prédominance. Cette situation prit fin lorsque le 
fils de Geisa, Étienne, se rattacha à l’ Église occidentale. 


La publication de M. H. PRuTz : Zur Geschichte der Jungfrau von 
Orleans : Krünungs;ug nach Reims (Sitzungsber. der bayr. Ak. der Wiss. 
1923, 5. Abh.) met en lumière le rôle très actif que joua Jeanne d’Arc dans 
les événements politiques qui suivirent la victoire des armées françaises près 
d'Orléans. Elle montre les succès de son intervention jusqu’au sacre du roi 
à Reims. L'auteur n’a pas utilisé de nouvelles sources. GR. 


— La nouvelle édition de B. BreTHoLz, Die Chronik der Bühmen des 
Cosmas von Prag (MGH, SS., nova ser. in-8 T. Il. Berlin, Weidmann, 1923. 
XCVI11-296 p.) remplacera avantageusement celle que R. Kôpke fit paraître 
en 1851 dans la même collection in-4, t. IX. En effet, Bretholz a pu utiliser des 
mss inconnus à Kôpke, qui lui ont permis d'apporter au texte certaines 
corrections. En fait, il se base sur 15 mss complets et 2 mss fragmentaires. 
Ses notes fort intéressantes font preuve d'une connaissance étendue de 
l’histoire de Bohême. | P. Vorx. 


— L'article du P. A. STrurM : Eïne Klosterreform zur Zeit des dreissig- 
jährigen Krieges (Benediktinische Monatsschrift, 1923, fasc. 11-12, p. 379-394) 
fait connaître la réforme introduite par l'abbé Veit Hoeser (1614-1634) dans 


ALLEMAGRÉ. 307 


le monastère d'Oberaltaich. Cet abbé, célèbre par les grandes constructions 
qu'il fit exécuter à son abbaye, a laissé une sorte d’autobiographie (Afono- 
masticon), dans laquelle il raconte avec humour les difficultés qu'il eut à 
surmonter pour ramener ses moines à la discipline et à la vie d’études et de 
prières. C'est d’après ce Monomasticon, conservé à Munich, Cod. Monac. lat. 
1325, que le P. A. Sturm a retracé l’œuvre réformatrice de Veit. GR. 


— Malgré les difficultés actuelles, P. KEHR a pu heureusement continuer 
sa belle publication des Regesta pontificum romanorum. Le nouveau tome de 
l'Italia pontificia, paru en 1923, a été rapidement suivi de A. BRACKMANN, 
Germania pontificia, t. Il, 1re partie : Provincia Maguntinensis, pars I (Berlin, 
1923). Ce dernier volume concerne les diocèses d’Eichstädt et d’Augsbourg 
ainsi que le territoire de l'Allemagne actuelle qui appartenait autrefois au 
diocèse de Constance. Il intéresse aussi des abbayes célèbres, comme celles 
de Reichenau et de St-Blaise dans la Forêt-Noire. Des 361 diplômes pontif- 
caux qu'il signale, 107 ne sont pas mentionnés par Jaffé. La plupart de ceux- 
ci (86), il est vrai, ne sont connus que par des allusions d’historiens ou 
d'autres chartes. Quant aux quinze autres, ils ont été intégralement conservés 
(pour deux on possède même l'original); huit d'entre eux étaient jusqu’à 
présent inconnus. Sans aucun doute, Brackmann nous en fournira le texte 
dans le volume annoncé : Studien und Vorarbeiten zur Germania pontificia. À 
côté des diplômes des papes, Brackmann donne aussi ceux des légats ponti- 
ficaux. Il en mentionne 44, dont 14 nous sont parvenus intégralement. Enfin il 
communique 31 lettres adressées par diverses personnes aux papes. 

Comme tous les volumes de la collection de Kehr; celui-ci indique, pour 
chaque charte, l’histoire de sa transmission, une bibliographie abondante, 
des renseignements sur le destinataire, Au point de vue critique, les Regesta 
pont. rom. dépassent de loin ce que nous possédions jusqu’à présent sur ce 
sujet ; ils nous donnent pour les diplômes pontificaux ce que nous avions 
déjà depuis longtemps pour les diplômes royaux. 


— Plusieurs intellectuels russes ont publié dans un recueil fRossiia i 
Latinstvo [La Russie et le « Latinisme »]. Berlin, 1923. 219 p.) ce qu'ils pensent 
de l'Eglise catholique romaine ou, comme ils l’appellent, du « Latinisme ». 
Le directeur, PIERRE SAviTckYy, conteste, dans la préface, le titre de « Katho- 
liki » à l'Église de Rome. D'une façon générale, les opinions exprimées 
dans ce volume ne sont guère favorables à l'Église latine. A. PALMIERI. 


— L'excellent dictionnaire théologique (Kirchliches Handlexicon) de 
M. BUucHBERGER a été réimprimé en 1923, par la firme Herder et Cie de 
Fribourg-en-Br. Dans cette nouvelle édition, le texte n'a subi aucun chan- 
gement. 


— Les Sitqungsber. d, preuss. Akad. d. Wissensch., 1923, p. 249-257, 
contiennent, sur l'état actuel des MGH, une communication de P, KEHR 
(Bericht über die Herausgabe der Mon. Germ. hist.) à laquelle nous empruntons 
quelques renseignements qui complètent la notice de RHE, 1924, t. XX, 
p. 132. D'après Kehr, les difficultés financières avaient, un moment, menacé 
l'existence même des MGH. Elles ont été heureusement surmontées grâce à 


308 CHRÔNIQUE. 


l'énergie avec laquelle la direction centrale a comprimé les dépenses, grâce 
aussi À l’intervention intelligente du ministère des sciences. Dans sa réunion 
du 25 octobre 1923, la direction centrale a fixé un nouveau programme qui 
s'inspire du besoin de limiter les efforts à la publication de ces travaux dont la 
préparation est moins longue et par conséquent moins coûteuse. Elle oriente 
ainsi les MGH dans une nouvelle phase de leur histoire en restrecignant le 
programme et en réduisant le nombre des collaborateurs. 

Dans la section Scriptores, dont Bresslau a abandonné la direction, le 
Ier fascicule du t. XXX, in-folio, II. Hälfte, contenant les annales de Salz- 
bourg et de S. Emmerean, est prêt à l'impression. Pour le t. XXXII, 
H. ReiNke-BLocx prépare le Ligurinus. Dans la nouvelle collection in-8 
vient de paraître, comme t. II, Cosmae Pragensis Chronica, éd. B. BRETHOLZ. 
Seront publiés prochainement : Chronica Johannis Vitodurani, éd. R. BRUN ; 
Chronica Mathiae de Nuwenburg, éd. A. HorueisTER et Nicolaus de Butrinto, 
éd. H. BressLAU. L'impression d’autres textes est remise à plus tard. 

Le dernier fascicule du t. IV des Deutsche Chroniken contiendra la bio- 
graphie de S. Louis, comte de Thuringe, composé par K ôüditz. Elle sera éditée 
par NAUMANN. 

La maladie de E. Seckel, directeur de la sectinn Leges, a retardé les 
travaux de cette section. Cependant, la Lex Baiwariorum, éd. E. v. ScHWIND, 
est en grande partie imprimée et paraîtra sous peu. L'examen critique du 
Benedictus Levita touche à sa fin. Comme supplément du t. Il des Concilia, 
H. BASTGEN publiera le texte du Caroli M. capitulare de imaginibus, qui for- 
mera un fascicule à part. Les Indices complémentaires seront donnés sous 
peu. Les tomes VI et VIII des Constitutiones sont terminés; ils seront 
imprimés le plus tôt possible. 

Pour les Diplomata saec. XII, on a achevé la préparation des diplômes 
de Lothaire III jusqu’à son couronnement. Le manque de ressources empêche 
provisoirement leur impression. 

Dans la section Epistolae, on complètera sous peu les t. VI et VII restés 
inachevés jusqu’à présent. On apprendra d'ailleurs avec satisfaction que 
désormais on ne laissera plus ainsi pendant de nombreuses années des 
volumes inachevés. La 3e partie du t. VI, Hadriani II papae epislolae, éd. 
E. PERELS, est en grande partie imprimée; les tables de ce t. VI seront 
publiées probablement en 1924. Il manquera encore la suite du t. VII. 

Les lettres de Froumund de Tegernsee, éd. STRECKER, paraîtront encore 
cette année. 

Dans la section Antiquitates, on ne prévoit, pour le moment, aucune publi- 
cation. 

Enfin, le Neues Archiy paraîtra en fascicules réduits. Sa direction est 
confiée au Dr KRAMMER. 


— L'Allgemeines Lexikon der bildenden Kïünstler von der Antike bis zur 
Gegenwart, publié sous la direction de U. Tuieme et F, BECKER compte, 
depuis juin de l’année dernière, un XVIe volume. A la mort du professeur 
Thieme (juin 1922), M. H. VoLLMER avait repris la direction de l’entre- 
prise, vraiment considérable. L'éditeur M. Seemann comptait faire paraître 
régulièrement trois volumes en deux ans, mais il se trouve géné à ce point 
par la hausse des prix, qu’à moins de pouvoir compter sr les sacrifices des 
souscripteurs, un ouvrage de la plus haute importance pour l’histoire de 


ALLEMAGNE. 309 


l'art devra rester inachevé et un trésor de matériaux déjà réunis restera sans 
emploi et sera définitivement perdu. R. MAERE. 


— La classe de philosophie et de philologie de l’académie des sciences de 
Bavière avait mis au concours, en 1914, pour le prix Zographos, la question 
suivante : Das Unterrichtswesen im byzantinischen Reich vom Zeïitalter Justi- 
nians bis zum 15. Jahrhundert. Après prolongation du délai primitivement 
fixé, le prix a été attribué au travail du Dr F. DrExL, de Munich. 


— À l’Académie des sciences de Bavière, Mgr M. GRABMANN a fait une 
communication sur Quellen zur Geschichte des lateinischen Averroismus an der 
Pariser Universität in der 2. Hälfte des XIII. Jh. 1] insiste notamment sur la 
découverte qu'il a faite, à la Staatsbibliothek de Munich, d’un ms. qui rapporte 
des questions de Siger de Brabant relatives à une grande partie des œuvres 
d’Aristote. Il donne en outre des renseignements sur deux traités inédits et 
inconnus de Boèce de Dacien, qui soutenait également l’averroisme. 

P. Voix. 


— À la fin de 1924, le Literarisches Zentralblait für Deutschland comptera 
soixante-quinze années d'existence. Fondé en 1850 par Fr. Zarncke, il a 
compté parmi ses collaborateurs de grands noms (les frères Grimm, O. Jahn 
et Mommsen) et est actuellement le périodique mensuel le mieux informé 
-de toutes les manifestations de la vie intellectuelle d'expression allemande. 
Il doit ce caractère de précision, d'actualité et d’universalité dans l’infor- 
mation à son contact perpétuel avec les libraires allemands et surtout avec 
les groupements professionnels de Leipzig. À partir de cette année les cadres 
du Zentralblatt sont légèrement modifiés, la partie critique du journal cédant 
le pas devant la partie consacrée exclusivement à l'information. Dorénavant, 
chaque numéro comprendra trois parties : r) le relcvé, classé par ordre de 
matières et sous la signature d’un auteur compétent, des nouveaux livres et 
articles de revues allemandes ; 2) des Besprechungen, ou comptes rendus 
critiques sur quelques publications marquantes tant de l’Allemagne que de 
l'étranger ; 3) des extraits de comptes rendus critiques parus dans des revues 
allemandes et étrangères. La partie historique est placée sous la direction 
du Dr Fr. von Klocke et du Dr J. Hohlfeld, la partie théologique et religieuse 
sous celle du Dr Hans Leute et Alb. Paust. Le Zentralblatt paraît tous Îles 
mois à Leipzig (Avenarius, 5/7 Rosstrasse) sous la direction d'Ed. Zarncke 
et W. Freis. Prix : 7,50 GM. par trimestre. 


Les divers groupements affiliés de la Deutsche Büchereï ont tenu à Leip- 
zig, le 14 janvier dernier, une réunion importante, Menacée un moment dans 
son existence, l'association peut envisager actuellement l'avenir sans crainte. 
Il a été décidé de n'épargner aucun sacrifice pour donner un vigoureux essor 
à la librairie allemande et lui procurer la vitalité d'avant-guerre,  H. N. 


— Nominations. — Le Dr F. KeLLER, de Heubach, a été nommé professeur 
de théologie morale à l’université de Fribourg, en remplacement de K. I. 
Mayer, qui prend sa retraite. 

Le Dr J. SICKENBERGER, professeur d’exégèse à l’université de Breslau, 4 


REVUE D'HISTOIRB BCCLÉSIASTIQUE, XX. 2Q : 


310 CHRONIQUE. 


été chargé de la succession de Mgr ©. Bardenhewer, le célèbre patrologue 
de Munich. - 

Le Dr FR. PrISTER, professeur à Tubingue, a été nommé professeur de 
philologie classique à l’université de Wurzbourg en remplacement du 
Dr Drerup, depuis 1923 professeur à Nimègue. Le Dr Pfister s’est déjà 
distingué par ses études sur l’histoire comparéc des religions. 

Le Dr G. AnricH, protesseur d'histoire ecclésiastique à la faculté de 
théologie protestante à Bonn, a accepté la succession de Scheels, à l’univer- 
sité de Tubingue. 

Le Prof. FINKE a été nommé Docteur hon. causa de la faculté de théologie 
catholique de Fribourg-en-Brisgau. Les nombreux travaux qu'il a déjà publiés 
sur l’histoire ecclésiastique, lui ont valu cette distinction, qui s'accorde 
plutôt rarement aux laïcs. P. Vox. 

— Le Dr Hans LiBTzMANN, professeur d'histoire ecclésiastique à l’univer- 
sité d’Iéna, est nommé à celle de Berlin pour le même cours. 

Le Dr HAENEL, administrateur du Musée historique de Dresde, est nommé 
directeur du Grünen Gewôlbes de ce musée. 

Le Dr L. Bocss est nommé directeur de la bibliothèque provinciale à 
Darmstadt. 

L'Académie de Prusse a élu correspondant le Prof. G. G. CHRISMANN, de 
Greifswald, ainsi que le Dr Pauz WERNLE, de Bâle. 

L'Académie de Prusse (sect. phil. et hist.) a élu correspondant étranger, 
M. MARTIN P. NiLsson, à Lund, H. N. 


— Décès. — Le Dr G. EssEeR, professeur ordinaire de théologie dogmatique 
catholique à l’université de Bonn, âgé 63 ans. 

Le Geh. Rat. M. RITTER, âgé de 84 ans, professeur ordinaire d'histoire du 
moyen âge et de l’époque moderne à la même université. 

Dr FR. CRAMER, âgé de 63 ans, professeur des antiquités nationales à 
l’université de Munster en Westphalie. 

Le Dr WiLx. SCHWARTZ, âgé de 69 ans, professeur d'histoire à la même 
université et chanoine de la cathédrale de cette ville. 

Dr P. Narorr, protesseur à la faculté de théologie, à Marbourg. H. N. 

— Le Dr G. HoserG, mort à Fribourg-en-Br. Disciple de Kaulen, il devint, 
comme celui-ci, un exégète réputé. Il donna une nouvelle édition du Lehrbuch 
der biblischen Einleitungswissenschaften de Kaulen, publia, avec Pfeilschifter, 
les Freiburger theologischen Studien et dirigea, de 1894 à 1904, le Literarische 
Rundschau für das katholische Deutschland. 

Le Prof. PREISIGKE de Heidelberg, membre de l’académie de cette ville, 
bien connu par ses recherches papyrologiques dont l’histoire ecclésiastique, 
en particulier celle des ordres monastiques, a tiré grand profit. 

Le Prof. À. ENDRES, mort à Ratisbonne. Philosophe distingué, il a aussi 
publié des études méritantes sur l’histoire religieuse. 

Le Dr v. GRAUERT, professeur à l’université de Munich, membre de l'aca- 
démie de Bavière, président de la Gôrresgeselischaft. Il a été un des savants 
les plus influents de l’Allemagne catholique. Il a pris une part très active 
dans la fondation et l'organisation de l'Institut historique de la Gôrresgesell- 
schaft à Rome. Ses recherches ont surtout porté sur la papauté et les relations 
entre l'Église et l'État. 

Le Prof. J. Marx, pendant plus de trente ans professeur d'histoire ecclé- 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 311 


Siastique et de droit canon au séminaire de Trèves. Son Lehrbuch der 
Kirchengeschichte a été traduit en italien et en espagnol. Il publia aussi des 
articles d’histoire locale et un ouvrage intitulé : Nicolaus v. Cues und seine 
Stiftung in Cues und Deventer. | P. Vox. 


Angteterre-Écosse-Irlande. — Le Dr RENDELL HARRIS fait connaître 
un traité sur la Perfection de l'état de disciple qu’il considère comme une 
œuvre perdue de Tatien. Le traité aurait été composé dans le dernier quart 
du second siècle, quelques années après le Diatessaron (T'atian : Perfection 
according to the Saviour dans le Bulletin of the J. Rylands Library, 1924, 
t. VII, p. 15-51.) 


Étude importante de M. W. M. Cazper, M. A. lecteur d'épigraphie 
chrétienne à l’université de Manchester, sur Philadelphia and Montanism 
(Bulletin of the J. Rylands Library, 1923, t. VII, p. 309-354). Elle est illustrée 
de trois planches photographiques donnant le texte d’épitaphes en langue 
grecque. 


Les incorrigibles tenants de l’apostolicité de l'Église de Grande- 
Bretagne feront un accueil enthousiaste à l’opuscule du Rev. L. S. Lewis, 
M. A., St Joseph of Arimathea at Glastonbury or the apostolic Church of 
Britain (Londres, Mowbray, 1923. 43 p., 7 ill. Prix : x s.); mais les critiques, 
que l’auteur prend à partie dans sa préface, seront moins disposés à accepter 
ses conclusions. 


Dans un petit volume bien ordonné intitulé The Christian Church in the 
Epistles of St Jerome (Londres, SPCK, 1923. viti-117 p.), le Rev. L. Huoes, 
M. À., D. D., a classé les résultats du dépouillement systématique qu'il a 
fait de la correspondance de S. Jérôme sous les chefs suivants : 10 Clergé; 
2° Écriture-Sainte ; 3° Vie ascétique et monastique ; 4° Rome et son siège; 
s° Le développement de l'Église ; 60 Hérésies et schismes; 7° Doctrine et 
politique religieuses, Mais on constate de regrettables lacunes dans la 
bibliographie placée en tête du volume. 


M. M. L. W. LaisTNner, M. A., lecteur d'histoire ancienne à l’université 
de Londres, publie d’après le Cod. Vat. Reg. 215 (fol. 112r-122v) et le Ms. 
Royal 15. A. xvi du British Museum (fol. 74 et suiv.) des notes prises au 
cours professé par Martin de Laon, au 1xe siècle, dont il y aura à tenir 
compte pour apprécier l’importance de l'étude du grec en Occident durant 
le haut moyen âge : Notes on Greek from the lectures of a ninth Century 
Monastery teacher (Bulletin of the J. Rylands Library, 1923,t. VII, p. 421- 
456). 


M. Huax GRAHAM, professeur à Winona (Minnesota), qui vient de 
publier The early Irish monastic schools (Dublin, Talbot press, 1923. x1r1- 
206 p. Prix : 5s.) n’a pas méconnu l'importance du sujet qu'il abordait et 
dont le sous-titre de son livre fait ressortir tout l'intérêt : À study of Ireland's 
contribution to early medieval culture. Le cadre de l'ouvrage est bon et les 
divisions en sont en général judicieuses ; malheureusement la méthode de 
l’auteur présente de graves défauts. Les douze pages de la bibliographie 


312 CHRONIQUE, 


comprennent l'énumération des sources et une longie liste de ce que 
l’auteur appelle ses « secondary authorities ». Il entend par là les travaux 
consultés. Les a-t-il tous consultés ? En tout cas, il paraît s'être rarement 
reporté aux sources elles-mêmes, et la plupart des travaux sur lesquels il 
s'appuie sont des ouvrages de seconde main et de vulgarisation populaire 
(John Healy, J. M. Flood, D. Columba Edmonds, Roessler, Willis Bund, etc.). 
Que dire de l’utilisation des sources ? L'Histoire ecclésiastique de Bède est 
toujours citée d’après une traduction anglaise. La référence suivante donnée 
à la p. 196 : « Colgan, Trias thaumaturga and Acta sarctorum in Migne, Pat. 
lat., 53, 80, 87, 88 >» montre que le Prof. G. n'a jamais manié les deux 
recueils de John Colgan, qui n'ont point été incorporés à la Patrologie de 
Migne. Presque tout ce qui s’est publié, comme textes ou comme travaux, 
sur ce riche sujet depuis une vingtaine d'années est considéré par l’auteur 
comme non avenu. D'un grand nombre d'ouvrages qu'il cite il a été publié 
de nouvelles éditions meilleures qu'il ignore, par exemple Whitley Stokes 
(p. 127), T. K. Abbot (lisez : Abbott) (p. 198), R. L. Poole (p. 203), G. T. 
Stokes (p. 204). Sur une foule de points il ignore pareillement l’état actuel 
des recherches. C'est ainsi qu’à propos des Oghams il aurait dû prendre 
connaissance de l'étude de K. Meyer, Ueber die Anordnung des Ogamalpha- 
bets (Sitzungsb. der Preus. Akad. der Wissenschaften, Philos.-hist. KI., XXVII, 
1917). Le témoignage de l’œuvre composite connue sous le nom de Cosmo- 
graphie d’Aethicus ne saurait être invoqué sur l’état de la culture irlandaise 
avant le Christianisme, comme l’a démontré récemment M. G. Dottin (Le 
philosophe Aethicus et les Celtes, dans la Revue des études anciennes, 1923, 
XXV, p. 144-150). Les 35 premières pages de la dissertation de L, Schiapa- 
relli intitulée Note paleografiche (Archivio storico italiano, 1916) auraient 
projeté des clartés sur diverses questions. Les idées cosmographiques de 
Virgile de Salzbourg ne sont pas si faciles à découvrir que le pense le 
Prot. G. (voir les travaux récents indiqués dans Gaelic pioneers of Christia- 
nity, p. 21-22). Puisqu’il s’occupe (p. 173 s.) du De mensura orbis terrae de 
Dicuil, pourquoi passe-t-il sous silence le traité de comput du même écrivain, 
publié pour la première fois par M. Mario Esposito en 1907 ? Sur Dicuil, il 
aurait dû en outre renvoyer à l’excellent travail du mème M. Esposito, An 
Irish teacher at the Carolingian court (Studies, 1914, III, p. 651-676). Les 
dittérents personnages qui portèrent le nom de Dungal à l'époque carolin- 
gienne (voir Gaelic pioneers, p. 46-47) sont amalgamés en un seul. Les 
fautes d'impression tourmillent dans les noms propres ainsi que dans les 
passages cités des langues latine ou étrangères. Pour toutes ces raisons, 
The early Irish monastic schools est un livre qui causera une vive déception 
aux esprits qui savent apprécier la valeur d’une bonne méthode. 


Le Dr Sr Jonx D. Seymour étudie les signes annonciateurs du jour du 
jugement dans le poème irlandais connu sous le nom de Saltair na Rann : 
T'he signs of Doomsday in the Saltair na Rann (Proceedings of the Royal 
Irish Academy, 1923, XXXVI, n° 10, p. 154-163). 


M. L. T. SazzMan vient d'éditer The chartulary of the priory of St Peter 
at Sele (Cambridge, Hetfer, 1923. xxvH1-118 p.). Le prieuré bénédictin de 
Sele, situé dans le Sussex, au nord de Shorcham, sur la rive gauche de la 
rivière Adur, fut fondé par William de Braose, à qui Guillaume le Conqué- 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 313 


rant avait donné des terres dans le Sussex occidental. Ce cartulaire, qui est 
actuellement la propriété de Magdalen College à Oxford, aurait été com- 
pilé par William de Coleville, qui fut prieur du monastère de 1254 à 1267. 


Miss MARGARET KR. ToNYBEE montre que les quatre Vics soi-disant 
perdues de S. Louis de Toulouse (+ 1297), et dont plusieurs auteurs ont 
amèrement déploré la perte, n’ont en réalité jamais existé. On a pris pour 
des biographes du saint quatre personnages qui ont simplement été appelés 
comme témoins au procès de canonisation : « Lost lives » of St Louis of 
Toulouse (English historical review, 1923, XXX VIII, p. 560-563). 


De 1378 à 1409 la France adhéra aux papes d'Avignon tandis que l'Angle- 
terre demeurait dans l’obédience du pape de Rome. Avec la compétence 
qu’on lui connait dans les questions clunisiennes, Miss Rose GRAHAM étudie 
les complications produites par le schisme dans le gouvernement des 
pricurés clunisiens d'Angleterre. Son étude, intitulée The papal schism of 
1378 and the English province of the order of Cluny (English historical review, 
1923, XXX VII, p. 481-495) est une contribution de première importance à 
l’histoire extérieure de la congrégation de Cluny. 


Dans le Bulletin of the John Rylands Library (1923, t. VII, p. 526-544), 
M. ROBERT FAWTIER a inventorié les Beaumont charters, qui firent partie de 
la collection de l'abbé de la Rue, érudit normand, passèrent ensuite en la 
possession de la famille Beaumont de Carlton Towers ( Ce Yorks), et furent 
finalement acquises par la bibliothèque de Manchester (22 octobre 1920). 
Ces documents seront à consulter pour l'histoire de la Normandie monastique 
au xiie siècle et aux siècles suivants. 


On trouvera dans le fascicule suivant du même Bulletin (1924, t. VIII, 
P. 6-7) une liste des principales acquisitions (manuscrits et imprimés) de la 
même bibliothèque et la continuation de l'inventaire des chartes par 
M. RoserT FawrTier. La portion des archives Médicis, acquise le 26 mai 
1919 (Jbid., p. 282-297), mérite particulièrement d'être signalée aux historiens. 


Miss GERALDINE E. HonGson, Litt. D., qui avait déjà donné The form 
of perfect living de Richard Rolle de Hampole (1910), Early English instruc- 
tions and devotions (1913), English mystics (1922), vient de rendre en anglais 
moderne une série de petits traités du mystique anglais Richard Rolle 
(f 1349), lequel a été fort étudié récemment en Angleterre. Ce nouveau 
recueil, Some minor works of Richard Rolle (Londres, Watkins, 1923. 226 p. 
Prix : 5 s) comprend les œuvres suivantes : 19 Louange du nom de Jésus ; 
29 Sur le nom de Jésus ; 3° Lettre sur le salut par l'amour du nom de Jésus ; 
4° Sur la contrition imparfaîte ; 59 Ego dormio et cor meum vigilat ; 6° De 
la vie d’une femme entrée en réclusion par amour pour le Christ ; 79 Un grand 
clerc ; 8° Le commandement de l'amour de Dieu ; 9° Les dons du Saint-Esprit ; 
100 Le miroir de Saint Edmond ; 11° Sur la prière ; 120 Méditation sur la 
Passion et sur les trois flèches du Jugement ; 13° La connaissance de la Passion 
d'après Saïnt Bonaventure. Le volume s'ouvre par une brillante introduction 
de 46 pages. Page x2, 1. 23, lire « Cistercian » au lieu de « Cluniac ». 


314 CHRONIQUE. 


Dans The religious life of Henry VI (Londres, Bell, 1923. vir-141 p. 
Prix : 58.), le Card. GAsQuEeT décrit, d'après des témoignages contempo- 
rains, la vie vertueuse du roi Henry VI (1422-1471). Nouveau Saint Louis, le 
monarque anglais, extrêmement édifiant dans sa vie privée, ami de la 
retraite et de la prière, portant souvent le cilice, fut favorisé de visions et 
de révélations surnaturelles. Après sa mort on l’invoqua d'une manière 
privée et même publiquement, et de nombreux miracles furent attribués 
à son intercession par des gens qui prièrent à son tombeau. Les premières 
démarches en vue de la canonisation du pieux roi furent entreprises dès 
avant la fin du xve siècle. Le chapitre VII (p. x19-134) renferme l’analyse 
des pièces qui prouvent qu’un culte lui a été rendu en Angleterre. L'auteur 
s'appuie principalement sur le témoignage de John Blackman, qui fut le 
secrétaire privé de Henry VI. Le roi fut le fondateur du collège d’Eton et 
du King’s College de Cambridge. 


Il a paru dernièrement en Angleterre et en Irlande beaucoup d'histoires 
générales ou particulières de ce dernier pays. La plupart de ces ouvrages 
sont de qualité inférieure. Ou bien ce sont des manuels destinés aux écoles, 
ou bien des livres faits de pièces et de morceaux pour le grand public. Tel 
n'est pas, tant s’en faut, l’History of Mediaeval Ireland que vient de publier 
le Prof. Ebmuno Curris, M. A. (Londres, Macmillan, 1923, vi-436 p. Prix : 
215.). Ce livre très travaillé méritera l'attention de tous ceux qui auront 
à explorer l'histoire de l’île de 1110 à 1513. Peut-être certains regrettront-ils 
cependant que l’auteur, préoccupé de montrer la suite continue et l’enchaîi- 
nement des événements, ne se soit pas donné le loisir de présenter de temps 
en temps des vues synthétiques qui eussent reposé le lecteur et donné à son 
livre un aspect moins sévère. L’index n’est pas absolument complet. On 
trouve à la fin du volume trois cartes de l'Irlande (vers 1160, 1330 et 1500). 


Le Dr H. M. BB. Rein, professeur de théologie à l’université de Glasgow, 
retrace le curriculum vitae de dix-sept de ses prédécesseurs, depuis David 
Dickson (1589-1662) jusqu’à William Hastie (1842-1903) dans The Divinity 
professors in the University of Glasgow (Glasgow, Maclehose, Jackson et Cie: 
1923. 368 p.). L'ouvrage est orné de neuf portraits. 


La Revue a signalé les résultats des investigations de L. Richen sur les 
particularités géographiques, météorologiques et ethniques des données 
fournies par les visions d'Anne-Catherine Emmerich sur la Palestine (voir 
RHE, 1924, t. XX, p. 131). De son côté, le P. H. THURSTON, S. J. critique 
les conclusions, selon lui trop favorables, auxquelles aboutit M. G. Dirheimer 
dans son livre récent sur Anne-Catherine Emmerich et Clément Brentano. 
Paris, 1923 (voir Ephemerides theologicae Lovanienses, 1924, t. Ier, p. 135). Le 
R. P. montre qu’un bon nombre des renseignements topographiques donnés 
par la visionnaire de Dülmen sont inexacts ou contradictoires, et il ajoute 
que le fâcheux penchant de Catherine à la mégalomanie n’est pas de nature 
à produire une impression favorable sur un esprit critique : The authenticity 
of the Emmerich visions (Month, janvier 1924, p. 22-52). Cet article a provoqué 
une fougueuse réponse du P. EbwiN J. ANWEILER, O. F. M., qui reproche à 
l’auteur d’avoir ignoré l'existence de l'ouvrage récent du P. W. HUEMPFER, 
Clemens Brentanos Glaubwürdigkeit in seinen Emmerich-Aufzeichnungen 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 315 


(Wurzbourg, 1923). Le P. T. avait précédemment étudié le problème soulevé 
par les révélations de C. Emmerich dans le Month (sept., oct., nov. et 
déc. 1921). 


Le recueil publié par feu Sir GeorGe W. PROTHERO, Select analytical 
list of books concerning the Great War (Londres, H. M. Stationery Office, 
1923. X-431 p. Prix : 15 s.) comprend une «ection consacrée à la religion 
(p. 324-336), qui se subdivise ainsi : 1° Prières et dévotions ; 2° Sermons et 
allocutions ; 3° Autres ouvrages. 


Le Dr George B. Smith, professeur & St Edmund’s College, vient 
d’éditer un ouvrage posthume du Dr AbrIAN FoRTESCUE, T'he Uniate Eastern 
Churches. The Byzantine rite in Italy, Sicily, Syria and Egypt (Londres, 
Burns, Oates et Washbourne, 1923. Xx1-244 p. Prix : 7 s. 6 d.), qui nous est 
livré tel que l'auteur l’a laissé en manuscrit. Une note de la page x nous 
fait savoir que le ch. II sur les établissement de rite byzantin existant 
actuellement en Italie et les pages sur l’état actuel de l'Église Melkite furent 
rédigés vers 1917. Cela explique pourquoi l’ouvrage n’est pas tout à fait au 
point. Il est dit que les Italo-Grecs n’ont pas d’évêques ordinaires ayant 
juridiction diocésaine (p. 176-178). S'il eût pu revoir lui-même ces pages, 
l'auteur eût, sans aucun doute, mentionné la création du siège grec de 
Lungro en Calabre (13 février 1919), dont le premier évêque est Mgr Jean 
Mele (voir Annuaire pontifical catholique, 1923, p. 268). Le livre débute par 
44 pages d'introduction sur les Églises uniates en général. où sont traités les 
sujets suivants : signification du mot « uniate »; diverses Églises uniates ; 
questions relatives au patriarcat, au rite, à la langue; préjugés contre les 
Uniates ; le Saint-Siège et les Uniates. Les trois chapitres sont consacrés 
respectivement aux Italo-Grecs dans le passé, aux mêmes dans le présent et 
aux Melkites. Nous avons ici une bonne étude d'ensemble sur les groupements 
uniates des pays de l'Orient et de l'Occident que baigne la Méditerrannée. 
Les colonies religieuses byzantines de Livourne, de Cargese en Corse et de 
Sidi-Meruan en Algérie (Dep. de Constantine) n’ont pas été oubliées, 


Le livre de M. Francis C. EEBLESs, Prayer book revision and Christian 
reunion, some essentials discussed in the light of liturgical facts and principles 
(Cambridge, University press, 1923. vI-134 p. Prix : 3 s. 6 d.) a été écrit pour 
rappeler les principes anglicans à ceux des membres de l'Église établie, dont 
le nombre va croissant, qui se montrent trop enclins à introduire les usages 
liturgiques romains dans le Communion service. Dans un appendice (p. 126- 
132), l’auteur donne un aperçu des divers rites encore en usage actuellement 
dans la communion romaine. Ce petit livre atteste des connaissances litur- 
giques approfondies et raisonnées. L. Gouaaup, O.S. B. 


— Ce n’est pas une publication banale que celle d’un dictionnaire biogra- 
phique des rationalistes modernes. M. JosepH Mc CABE l'a entreprise (A bio- 
grafical Dictionary of modern rationalists. Londres, Watts et Cie. 1920. XXX11 p. 
et 934 col. Prix : 45 s.). Il est vrai qu'il a eu des prédécesseurs dans Wheeler, 
Biographical Dictionary of Freethinkers, 1889, dans Benn, History of English 
Rationalism in the Nineteenth Century, 1906, dans Robertson, Short History 
of Freethought, 1915. Il a pu se servir également des répertoires biographiques 


810 CHRONIQUE. 


plus généraux et des ouvrages du type Who's Who? dans les différentes 
Jangues. Le présent dictionnaire contient entre 1900 et 2000 notices, et cette 
liste aurait pu s’allonger considérablement. On y voit figurer très peu de 
critiques rationalistes allemands ; Harnack, Holtzmann, Jülicher, Wrede, 
J. Weiss et bien d’autres n’y sont pas mentionnés. Par contre, les écrivains 
et les hommes politiques français sont largement représentés; on y trouve 
presque tous les Présidents de la République. La notice sur le curriculum 
vitae relève toujours avec amour les grades académiques et les décorations ; 
d'autre part les ouvrages principaux ne sont pas toujours cités ; c’est le cas, 
par exemple, pour Loisy. On fait commencer le rationalisme moderne avec 
Giordano Bruno, mort en 1600, et on l'entend dans un sens très large, comme 
la révolte de la civilisation contre les Églises. On sait que le mot rationalisme 
a servi de dénomination à des systèmes sensiblement différents ; le rationa- 
lisme de Spinoza n'est pas celui de Descartes, qui n’est pas nommé dans 
Mc Cabe, et il y a de la marge entre Descartes ct Kant. On est quelque peu 
surpris malgré tout de voir figurer Boileau, Buffon, Molière et Henri Fabre 
dans un dictionnaire des rationalistes. Pour d’autres raisons, on s'étonne 
aussi d’y rencontrer Henriette Renan. Mais l’auteur a eu principalement en 
vue la propagande anticléricale. N’a-t-il pas lui-même sauté à pieds joints au- 
dessus de la triple barrière de ses engagements monastiques, ecclésiastiques 
et chrétiens ? Une magnifique performance ! Mc Cabe se fâche quand il entend 
parler de la conversion de Littré. Il devrait cependant aussi, dans une nou- 
velle édition de son Dictionnaire, discuter celle d’E. Faguet, d'E. Lavisse, 
d'A. Sorel, de J. Lemaitre. Il devrait aussi, toujours dans le même but d'être 
complet, parcourir le bel ouvrage d'Eymieu : La part des croyants dans les 
progrès de la science au xixe siècle (2 vol. Paris, Perrin) et le répertoire 
alphabétique de Duplessy, Documentation catholique, 12 et 19 janvier 1924, 
P. 119-128 ; 171-190. E. Tosac. 


— Le VII: centenaire de l’arrivée des Franciscains en Angleterre sera 
solennellement célébré, le 10 septembre prochain, à Canterbury. M. Paul 
Sabatier fera le discours de circonstance qui sera suivi d’une conférence his- 
torique, probablement donnée par le Prof. Little. 


— En mars 1920, l'Hon. Mrs Tatton Willoughby d’York léguait à la nation 
l'abbaye de Whitby (Yorkshire) rendu célèbre par le synode qui s’y tint en 
664, lequel s’occupa de la question de la Pâque et des autres divergences 
entre les chrétientés celtiques de l'Église Anglo-Saxonne. Aussitôt, le gou- 
vernement anglais entreprit des travaux pour préserver et consolider les 
ruines de l'abbaye, qui avaient essuyé, le 16 décembre 1914, le bombarde- 
ment d'une flotille allemande. Des fouilles furent en même temps commen- 
cécs, qui ont amené la découverte de restes de maçonnerie appartenant à 
l'époque normande et même à l’époque saxonne ainsi que l’exhumation de 
différents objets, dont quelques-uns très anciens. Sur ces découvertes et sur 
la progression des fouilles, on consultera avec profit une toute récente bro- 
chure de M. PETER Hoop, qui contient de nombreuses planches photo- 
graphiques : Whitby Abbey including descriptions and illustrations of recent 
excavations (Middlesbrough, Hood, 1924. 56 p. et 44 illustr. Prix : 15.6 d.). 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. | 317 


Dans la première livraison du Cambridge historical journal (voir RHE, 
1923, t. XIX, p. 616), parue à l’automne de 19233, M. C. W. PREVITÉ-ORTON, 
M. AÀ., bibliothécaire de St John's College à Cambridge, nous renseigne sur 
le Recent work in Italian medieval history (t. Ier, p. xo-22). On nous fait savoir 
que l’histoire ecclésiastique tiendra une plus grande place dans la prochaine 
livraison, qui paraîtra en octobre 1924. 


Avec sa livraison de janvier 1924, la Review of the Churches inaugure 
une nouvelle série. Ce périodique destiné à promouvoir la coopération des 
confessions dissidentes avec l’Église Anglicane s'occupe principalement des 
questions morales et sociales du temps présent dans leurs rapports avec la 
religion et de sujets d'intérêt purement religieux. L'histoire n’y tient pas 
une grande place. Citons cependant, dans la livraison de janvier, l’article 
du Rev. H. B. WorkMaAN, The lesson of Monasticism (p. 87-94). Cette publi- 
cation trimestriell: dirigée par Sir HENRY S. Lun est éditée par Ernest 
Benn, 8, Bouverie Street, Londres E. C. 4. Prix du numéro : 35. 


Le second fascicule du Bulletin of the Institute of historical research (voir 
RE, 1924, t. XX, p. 139) a reproduit la lecture faite par M. J. P. Gizson à 
l'Anglo-american historical conference, le 6 juillet 1923 sur The homes and 
migrations of historical manuscripts (1923, I, p. 37-44). 


Les amis de l’université de Louvain liront avec plaisir que la John 
Rylands Library de Manchester, qui s’est occupée, depuis la fin des hostilités, 
de centraliser les dons de livres destinés à reconstituer la bibliothèque de 
l’université a, jusqu’à cette date, expédié à Louvain le chiffre imposant de 
43,694 volumes. La même bibliothèque de Manchester vient de lancer un 
nouvel appel en faveur de la bibliothèque de l’université de Tokio. 


Les frais d’impression sont actuellement si élevés en Angleterre que 
l'activité de la Henry Bradshaw Society se trouve en partie paralysée. 
Cependant, à la réunion annuelle du comité (14 novembre 1923), il a été 
annoncé que le 61e volume, qui doit contenir l'introduction au Missel de 
Bobbio et des notes sur ce livre liturgique du Rev. H. A. Wizson, de Dom 
À. WiLmarT, O.S.B., et du Dr E. A. Low, paraîtra prochainement. Seront 
publiés ultérieurement un volume d’rish litanies préparé par le Rev. 
CH. PLuMMER, The Martyrology of Tallaght, qui sera édité par le Rev. 
H. J. LawLor et le Dr KR. I. Besr et le troisième volume de l’Ordinaire 
d'Exeter. 


Décès. — Le 2 janvier 1924, à Lew Trenchard (Devonshire), le Rév. 
SABINE BARING-GouLp, presque nonagénaire. Il était né à Excter le 28 jan- 
vier 1834. Ecrivain prolifique en divers domaines : sciences ecclésiastiques, 
poésie religieuse, folk-lore, mythologie, topographie, roman, etc., sa facilité 
prodigieuse de plume fut son grand défaut. La liste de ses œuvres occupe 
douze pages au catalogue in-folio des imprimés du British Museum. Rappe- 
lons les principales : Post-mediaeyal preachers : some account of the most 
celebrated preachers of the 15th, r6th and r7th centuries (1865), Origin and 
development of religious belief (1869-70), Our inheritance : the Eucharistic 
service in the first three centuries (1888), The Church in Germany (1891), Curious 


318 CHRONIQUE. 


myths of the Middle Ages (dern. édit. 1897), À study of St. Paul, his character 
and opinions (1897), The lives of Saints (16 vol., 1897-98), Lives of British Saints 
(en collaboration avec J. Fisher, 4 vol., 1907-13), The Church revival : thoughts 
thereon and reminiscences (1914). Il avait commencé, en 1923, la publication de 
ses souvenirs : Early reminiscences, 1834-1864 (Londres, John Lane). 

Le 9 janvier 1924, le Rév. Henry Wace, D. D., doyen de Canterbury, né à | 
Londres le 10 décembre 1836. Il fut le porte-étendard de l’orthodoxie évan- 
gélique dans les rangs de l'Eglise Anglicane. Il fut nommé en 1875 professeur 
d'histoire ecclésiastique au King’s College de Londres. En 1903, à la mort du 
Dr Farrar, M. Balfour le nomma doyen de Canterbury. Il a publié, en colla- 
boration avec Sir William Smith, le Dictionary of Christian biography,, lite- 
rature, sects and doctrines en 4 vol. (1877-87), The Gospel and its witnesses 
(x883), Principles of the Reformation : pratical and historical (1910), New Tes- 
tament archaeology (1922). 

Le 9 janvier 1924, le Dr FREDERICK CORNWALLIS CONYBEARE, âgé de 67 ans, 
éditeur de textes patristiques arméniens. Il était fellow de la British Aca- 
demy, membre de l'Académie arménienne de Venise, docteur honoris causa 
de Giessen et de St Andrews et fellow honoraire de University College à 
Oxford. Il avait épousé la fille de Max Müller. Il a publié : Specimen lectionum 
armenicarum or a review of the fragments of Philo Judaeus as newly edited by 
J. R. Harris (x891), Roman Catholicism as a factor in European politics (1901), 
Rituale Armenorum (1905), Afyth, magic and morals : a study of Christian 
Origins (1909), History of New Testament criticism (1910), The historical 
Christ (1914). On lui doit aussi les catalogues des manuscrits arméniens de la 
Bodléienne (1918) et du British Museum (1913). L. Goucaup, O.S. B. 


Belgique. — Semaine d'ethnologie religieuse. Compte rendu analytique de la 
IIIe Session tenue à Tilbourg (6-14 sept. 1922). Enghien, 7, rue des Augustins, 
1923. In-8, 494 p. Fr. 25. La plupart de ces conférences, émanant de spécialistes, 
ont la valeur de travaux originaux. On ne trouvera citées ici que celles ayant 
un rapport avec l’histoire ecclésiastique. Ces études substantielles, où la 
doctrine, toujours claire et toujours présentée sous une forme facile, a été 
condensée par des maîtres, sont à lire, à méditer : elles constituent des 
guides précieux qu’il faudra toujours consulter. Les résumer me paraît aussi 
malaisé que vain. Le livre comprend une partie générale (13 conf.), et une 
partie spéciale, divisée en deux sections : la première concerne le sacrifice, 
la seconde, l'initiation tribale et les sociétés secrètes chez les non-civilisés, 
les mystères des peuples antiques. — La longue série des études s'ouvre par 
une conférence du P. W. Scamipr. L'éminent ethnologue signale les progrès 
réalisés dans l'ethnologie par l’abandon progressif du subjectivisme, de 
l'évolutionisme aprioristique, et un ralliement marqué à la méthode histo- 
rico-culturelle dont il a été un des auteurs. {1 détermine ensuite les tâches 
nouvelles qui s'imposent aux travailleurs. Sa parole autorisée pousse résolu- 
ment à l’action positive ; il réclame des matériaux plus abondants et sûrs, 
obtenus par des enquêtes conduites avec toute la rigueur scientifique, et, 
dans la mesure du possible, portant sur des objets précis dont les progrès de 
la science montrent l’urgence. Le conférencier, on le sent, voit grand; il est 
l'homme des grandes initiatives. Il va même jusqu’à proposer que, pour des 


BELGIQUE. 919 


recherches particulièrement importantes, l’on détache un missionnaire 
spécialement formé à l'enquête ethnologique. Ce n'est pas une utopie. La 
congrégation du V. D. a délégué un missionnaire, ethnologue formé, le 
P. Koppers, chez un petit peuple de l'Amérique du Sud en train de dis- 
paraître. Les résultats de son enquête sont rapportés par le P. Koppers 
lui-même dans la conf. 22e, une des plus intéressantes. Qui oserait douter, 
après les avoir lus, que cette initiative doive trouver des imitateurs. Au reste, 
le Souverain Pontife, dans la double audience qu'il a accordée au P. Schmidt 
(p. 476), semble pousser dans cette voie. — Dans les treize conférences con- 
tenues dans la partie générale, je crois devoir signaler ici les trois conférences 
du P. PINaRD. Dans la première, il expose la méthode historico-culturelle et 
ses procédés. Il y adhère franchement : comment d’ailleurs un esprit droit et 
loyal pourrait-il s’y refuser ? Mais son adhésion ne l'empêche pas de marquer 
les limites de sa compétence. Il a d’ailleurs raison d’ajouter (p. 80) qu’ sune 
distinction s’impose : d’abord entre la méthode et ses applications actuelles. 
ensuite entre ses principes essentiels et les perfectionnements de détail, que ses 
initiateurs sont unanimes à déclarer... désirables ». La méthode philologique 
(plus exactement linguistique), traitée p. 98-111, a toujours des représentants. 
C'est la plus délicate à manier. Le conférencier le fait bien voir. Malgré les 
sages restrictions qu'il met p. 195, j'hésite beaucoup devant l'identification 
proposée de langue et de civilisation. Les services modestes que cette méthode 
peut rendre ne sont pas exagérés. La conférence finit, sans que le lecteur en 
soit surpris, par ce conseil dont on appréciera et la sagesse et la franchise : 
«Et maintenant, Messieurs, n’y touchez pas. » Puis viennent d’excellents 
conseils positifs. La 3e conférence sur la méthode de la psychologie religieuse 
mérite surtout d'être signalée aux lecteurs de cette Revue. Peut-être l'intérêt 
que j’y ai pris vient-il de ce que le sujet m'est moins familier; mais ces 
quatorze pages me paraissent remplies d’aperçus d’une élévation et d’une 
justesse captivantes. On doit mettre à côté de ces conférences du P. Pinard 
les deux solides études de M. le chan. Bros, le savant français bien connu, 
sur la méthode sociologique, inaugurée par Durkheim et continuée par ses 
disciples. La 1xe conférence contient l’exposé fait par le R. P. GEMELLI, 
recteur de la jeune université catholique de Milan, des recherches person- 
nelles qu’en collaboration avec le Dr A. Canesi il a faites sur la psychologie 
de la prière. La première partie de sa conférence, malheureusement écourtée, 
propose et discute les interprétations présentées jusqu'ici. — Parmi les ques- 
tions spéciales étudiées par la Semaine figure d’abord le sacrifice. Dans une 
conférence admirable d'introduction, le P. ScxMipT expose l’histoire du 
problème. Outre les théories de Hubert et Mauss, de Wundt, l'ouvrage 
récent de Loisy est signalé et jugé comme il le mérite (p. 231). Le conféren- 
cier expose ensuite le sacrifice tel qu'il apparaît dans les deux plus anciens 
cycles culturels reconnus par la méthode historique. À cause de l'intérêt 
supérieur du sujet, je signale la conception de l’essence du sacrifice défendue 
p. 236. Puis vient l'exposé du sacrifice expiatoire. Ces pages substantielles 
sont à recommander à l'attention de tous ceux qu’attirera ce grave sujet. 
Excepté une conférence allemande du professeur G. WunperLe de Wurz- 
bourg, les conférences réunies dans cette première section concernent les 
peuples incultes; elles sont rigoureusement ethnogranhiques. La 2e section 
spéciale comprend douze conférences sur l'initiation tribale et les sociétés 


320 CHRONIQUE. 


secrètes, sur les mystères des peuples antiques. Les cinq dernières seules 
rentrent dans le cadre de cette revue : elles concernent les mystères d’Osiris, 
par le prof. IuNKER (en allemand), les mystères de Mithra, par M. Van CRon- 
BRUGGHE, professeur à l’université de Louvain, les mystères d’Eleusis, par 
M. DE Cazuwe. La conférence de M. Van Crombrugghe notamment m'a 
vivement intéressé par la discussion bien conduite des prétendues influences 
exercées par le mithriacisme sur le christianisme, p. 438 à 440. Cette seconde 
section se clôt par une conférence d’un caractère plus général d’un des maîtres 
de la Semaine, le P. L. DE GRANDMAISON. Le titre seul « Les mystères païens et 
le mystère chrétien » indique la gravité du sujet, et le nom de l’auteur est une 
garantie de la fermeté, de la loyauté courtoise, avec laquelle la discussion est 
conduite. Une remarque : Je ne vois cité nulle part par les conférenciers 
l'ouvrage de K. H. E. De Jong (Das antike Mysterienwesen in religionsge- 
schichtlicher, ethnologischer u. psychologischer Beleuchtung. Leyde, Bril, 1909. 
362 p.) ni utilisé dans la conférence 31 le Sacramentum de M. Em. De Backer, 
qui pourtant contient une interprétation aussi originale que solide du pas- 
sage classique d'Apuléc au livre XI des Métam)rphoses, p. 190 à 226. Quatre 
index rédigés avec soin facilitent l’utilisation du livre. A la demande expresse 
du Souverain Pontife, la Semaine tiendra sa quatrième session à Milan en 
1925. E. Remy. 


— Dans le Bulletin de la société d'art et d'histoire du diocèse de Liège 
(1923, t. XXI. Extrait. Liége, H. Vaillant-Carmanne, 1923. 72 p.), M. l’abbé 
H. QuoipgacH a publié un article intitulé : Les premiéres origines du chris- 
tianisme dans le pays de Liège. Naïssance et développement de la légende. 
C'est, principalement, une étude de critique littéraire des sources qui nous 
parlent des premiers évêques du diocèse. D'après l’auteur « l’étude des 
premières origines chrétiennes et légendaires d'un pays comporte deux 
littératures, dont l’une est une déformation plus ou moins inconsciente des 
faits primitifs, tandis que l’autre prend l'allure du roman et ne présente que 
des récits entièrement fabuleux. » Dans cette seconde catégorie, M. Quoid- 
bach range les « légendes hagiographiques dont les caractères distinctifs se 
rapprochent de très près de l'épopée », et il veut retrouver ce genre plus ou 
moins épique dans les déformations postérieures de la légende des premiers 
évêques de Tongres ou du moins des saints que leurs Vitae mettent en rapport 
avec Tongres : Euchère, Valère, Materne, et de l’évêque Scrvais. 

Dans la première partie de son travail, M. Quoidbach étudie le développe- 
ment de la légende des premiers évêques de Tongres, d’après ce qu'en dit 
Hériger et d’après les listes épiscopales de Tongres et de Trèves. L'auteur 
semble ignorer que ce sujet avait déjà été traité en partie par M. l’abbé 
J:. Paquay, dans un travail présenté en 1920 à Louvain pour l'obtention du 
titre de docteur en sciences morales et historiques : L'organisation chrétienne 
en Tongrie (Tongres, Collée, 1920). Aussi a-t-il refait à nouveaux frais l'étude 
des anciennes listes épiscopales et des écrits d’Hériger, pour arriver à des 
conclusions qui nous paraissent moins solides que celles déjà présentées par 
M. Paquay. Les listes épiscopales de Tongres-Trèves transmises par Hériger 
sont considérées par M. Quoidbach comme «une consignation écrite d'une 
tradition orale, déjà modifiée par l'interprétation populaire, qui reproduit 
tant bien que mal les noms des diptyques disparus à Tongres au cours des 
terribles dévastations > des Normands. Hériger n'aurait donc pas copié les 


BELGIQUE: 31 


diptyques, mais aurait reproduit une tradition orale reproduisant, déjà avec 
des déformations, des diptyques disparus. Aussi, M. Quoidbach n’attache-t-il 
aucune valeur à ces listes épiscopales transmises par Hériger. 

A cette explication laborieuse, nous préférons l’hypothèse plus simple et 
beaucoup plus rationnelle, plus conforme aussi à tout ce que nous savons de 
la première organisation chrétienne dans les Germanies, mise en avant par 
M. Paquay. D'après celui-ci, le diocèse primitif de Trèves englobait primitive- 
ment non seulement la civitas Treyirorum et la Belgique première, mais 
toute la Germanie inférieure, c'est-à-dire les cités de Cologne et de Tongres. 
Celles-ci doivent être considérées comme des filiales de l’église trévirienne. 
Dès lors, la liste réputée épiscopale de Trèves, à laquelle on a ajouté celle 
de Tongres, pour l’allonger et la faire remonter aux temps apostoliques, 
résulte simplement de la juxtaposition des diptyques des différentes églises 
ayant appartenu à la suffragance du diocèse primitif. Les noms qui y figurent 
proviennent tous de diptyques et sources liturgiques des églises du diocèse 
primitif de Trèves. Ainsi, M. Paquay a identifié la première série de noms 
après Euchère, Valère et Materne avec des évêques des églises de Toul et de 
Metz en Belgique première ; la seconde série de noms jusqu’à Florentin est 
empruntée à des diptyques tréviriens ct colonais ; les trois derniers noms de 
la liste tongroise sont ceux des contemporains de saint Servais, tous digni- 
taires ecclésiastiques et saints personnages appartenant aux différentes 
églises du diocèse primitif de Trèves dont les catalogues ont été juxtaposés. 
De la sorte, l’objection tirée du défaut d'ordre chronologique dans ces listes 
est définitivement écartée. C'est Hériger lui-même qui a fait le travail de 
juxtaposition, 

Il y a, cependant, dans la première partie du travail de M. Quoidbach, 
quelque chose à retenir. C’est l'hypothèse d’après laquelle saint Servais 
n'aurait pas été réellement attaché au siège épiscopal de Tongres, mais 
aurait été une espèce de chorévêque occidental, envoyé par Cologne et 
chargé de porter la bonne parole à toutes les populations au pays de Tongres, 
c’est-à-dire les Z'ungri. De la sorte on ne lui aurait pas fixé de siège épiscopal 
bien déterminé et il a pu mourir à Maestricht, ville de son diocèse, aussi bien 
qu'il eût pu mourir à Tongres. C'est cette situation imprécise qui aurait 
déterminé Monulphe à se fixer définitivement à Macstricht, pour mettre fin à 
cette instabilité où se trouvaient ses prédécesseurs, 

Cette hypothèse, qui explique bien des détails jusqu'ici obscurs, nous sourit 
beaucoup : nous la croyons très sérieuse. 

Dans la seconde partie de son étude, M. Quoidbach veut montrer que la 
légende des premiers évêques de Tongres s’est transformée, dès le xtre siècle, 
en une sorte d'hagiographie épique, parallèle aux chansons de gestes. « Sans 
avoir l’envergure de l’épopée profane, dit l’auteur, une partie importante de 
la littérature hagiographique a pourtant été marquée profondément de l’em- 
preinte du genre épique. » C’est surtout la version du Troyugenarum (vie de 
S. Servais) du prêtre Joconde (xre siècle) qui paraît à M. Quoidbach « une 
des plus remarquables compilations écrites des narrations épiques et peut-être 
des cantilènes et romances pieuses de l’époque ». 

Formulée ainsi, la thèse ne nous paraît pas admissible. Mais nous n’enten- 
dons point nier qu'il y ait, dans cette littérature, un certain souffle épique ou 
des détails épiques. Cela suffit-il pour parler de «l'empreinte du genre 


329 CHRONIQUE. 


épique » et pour penser « qu’il existe un certain parallélisme entre les épopées 
profanes et les Vitae » ? Nous ne le croyons pas. Ces Vitae tardives sont avant 
tout des compositions livresques, œuvres de compilateurs à l'imagination 
féconde et très au courant des thèmes hagiographiques. 

Il n’en reste pas moins que l’on trouvera dans cette partie de l'étude de 
M. Quoidbach des remarques intéressantes et des comparaisons dont on peut 
faire profit. | 

Nous devons signaler à l’auteur que le passage de Lucain où il est parlé de 
« bardi, id est leodienses » et qui a servi de point de départ à des considéra- 
tions sur Liége, « éternel foyer de poésie épique », provient tout simplement 
d’une mauvaise lecture de copiste. C’est ce que, récemment, M. Vander 
Linden a montré : il faut sacrifier ces « bardes liégeois ». 

L. VAN DER ESsEN. 


— L'étude de M. M. Wizmorre : De l'origine du roman en France. La tra- 
dition antique et les éléments chrétiens du roman (Acad. royale de Belgique. 
Bruxelles, Lamertin, 1933. In-8, 71 p.) fait partie d’un ouvrage considérable 
sur les origines du roman. Elle est consacrée presque exclusivement à la 
littérature chrétienne et à la littérature latine du haut moyen âge ; elle met 
en lumière des rapprochements à la fois littéraires et psychologiques, con- 
duits avec ingéniosité, voire avec subtilité, à l’effet de montrer la continuité 
qui existe entre le roman antique et chrétien et les plus anciens monuments 
romanesques en langue française du début du xne siècle. Les évangiles 
apocryphes, les Acta et passiones, nombre de vies de saints, des écrits comme 
Paul et Thécla, contiennent des données romanesques où l'élément profane 
joue un rôle considérable et qui fournira à l'imagination d’un narrateur 
habile des thèmes féconds de récits d'édification. Oa ne sera sans doute pas 
toujours d'accord avec l’auteur sur les dépendances littéraires et psycholo- 
giques qu'il prétend établir ; lui-même, d’ailleurs, s'excuse d'avance en disant 
qu'il n’a pas eu « l'assurance d’être toujours exact ». H. Neis. 


— La vie d’un mouvement aussi étendu que le Luthéranisme ne va pas 
sans tiraillements. En face du courant rationaliste extrémiste, minimisant 
ou même niant toute intervention positive de la divinité dans l’histoire du 
genre humain, il se dressa toujours en Allemagne une tendance conservatrice 
visant à restaurer ce qui restait de l'héritage doctrinal, disciplinaire et cultuel 
des quinze premiers siècles de christianisme après que Luther l’eut saccagé 
sans pitié. Le protestantisme cristallisé dans les confessions de foi, À partir de 
1530, fut une réaction conservatrice menéc par Mélanchthon en dépit du . 
maitre. Si l'Anabaptisme du xvie siècle mit en œuvre l’individualisme doc- 
trinal du libre examen que prêchait d'exemple Luther, le Piétisme du 
xvuie siècle fut une vive réaction contre la fui sans les œuvres, cette pierre 
angulaire de la morale luthérienne. Hiérarchie et vie liturgique réformées 
ont des survivances catholiques nombreuses qui eussent fait frémir les Puri- 
tains anglais. Pour endiguer le torrent libéral et moderniste d'aujourd'hui, on 
a vu se constituer, au lendemain du 4 centenaire des thèses de Wittemberg 
(1517), un groupement de pasteurs courageux qui tout en restant, ou mieux 
se disant Luthériens, entendent bien aussi être catholiques. Leur effort, diffi- 
cilement connaissable pour nous dans les circonstances actuelles, est assu- 
rément très digne d'intérêt. Le KR. P. CnHares, S. J]., a cherché à nous le 


BELGIQUE, 323 


faire apprécier avec la documentation de fortune dont il disposait. Ce peu de 
données positives a imprimé à son ouvrage, assez délayé, un caractère plus 
descriptif et littéraire qu’'historique. Son titre, La robe sans couture (Bruges, 
Beyaert, 1923), autorise toutes les amplifications. Après la lecture de ces 
187 pages, — lecture reposante et agréable, — on comprend que le sous-titre, 
Un essai de Luthéranisme catholique. La Haute Église allemande, résume par- 
faitement le volume. Pour en savoir plus long il faut attendre : le phénomène 
signalé cst avant tout d’ordre psychologique et en pleine évolution. L'auteur 
ne cache pas qu’il n’a guère de renseignements précis en suffisance et qu'il n’a 
pu entrer en contact personnel avec les auteurs de ce mouvement plein de 
promesses. M. Pierre. 


— Quel thème iconographique a inspiré aux Van Eyck l’ensemble et les 
détails du tableau de l’Agneau ? C’est la question que divers érudits se sont 
posée et se sont efforcés de résoudre dans ces derniers temps. M. le chanoine 
van den Gheyn interprète le chef-d'œuvre comme un magnifique exposé du 
dogme de la Rédemption. M. l'abbé Aerts y voit plutôt la glorification du 
Christ. Mais voici qu’un commentateur plus récent, M. Günther, reprend 
une idée déjà émise par Springer et développée par Kraus : le célèbre tableau 
serait le commentaire du dogme de la Communion des saints et s’inspirerait 
de l'office de la Toussaint. 

En vérité ces différentes conceptions se compénètrent en quelque sorte, 
puisque le Christ est glorifé dans la vie future et que celle-ci est pour 
l'humanité le fruit de la rédemption. Il n'y a donc rien d'étonnant qu’en 
l'absence de textes explicites, le tableau des Van Eyck ne livre pas si facile- 
ment tous ses secrets : l’image ne peut pas suppléer coniplètement à la 
parole, lorsqu'il s’agit de subtiles spéculations théologiques. 

Il est d’ailleurs un fait qui ferait parfois douter de la parfaite unité de con- 
ception du retable : sa hauteur anormale et cette marquante différence 
d'échelle entre la partie supérieure et la partie inférieure. Au surplus tous 
les éléments du retable peuvent se justifier dans un Jugement dernier dont le 
ciel aurait été spécialement développé. 

La thèse de la Toussaint est développée par M. R. GUBNTHER avec un grand 
appareil d’érudition (Die Bilder des Genter und des Isenheimer Altar. T. I : 
Der Genter Altar und die Allerheiligen Liturgie. [Studien über christlichen 
Denkmäler, éd. J. Ficker. Fasc. XV.] Leipzig, 1923. 60 p., x fig.) Il poursuit à 
travers les âges, et jusque durant l'antiquité chrétienne, la représentation des 
divers éléments reproduits dans le tableau de Gand : l’Adoration de l’Agneau, 
d'abord par les vingt-quatre vieillards (Apoc., chap. V), plus tard par les 
saints du Paradis (chap. VII) ; le Jugement dernier, dont les éléments finissent 
par être incorporés dans la liturgie de la Toussaint. Il examine comment la 
communion des saints est célébrée dans l'office, les hymnes, la prédication, 
les écrits des mystiques et cherche aussi les antécédents de la représentation 
des saints ermites, saints pèlerins, soldats du Christ, juges intègres, que les 
Van Eyck n’ont pas été les premiers à glorifier plus expressément. Tout ceci 
est parfois assez distant du tableau de l’Agneau et la clarté de l'exposé ne va 
pas toujours de pair avec la richesse de l’érudition. 

Signalons aussi une plaquette de M. L. Azrrs (Voer de Moeier Gods in 
 Gentsche Altaar. Peer, 1924. In-8, 34 p.) qui tend à démontrer que les Van 
Eyck ont voulu représenter la Vierge comme mère de Dieu. Retenons-en que 


324 CHRONIQUE. 


le texte inscrit autour de son auréole est repris à l'office de la Vierge en usagé 
dès le xive siècle à Maastricht et à Liége. Ainsi s'éclaircit peu à peu la ques- 
tion des sources des inscriptions eyckiennes. 


Inventaires archéologiques. On peut dire presque que dans tous les vieux 
pays civilisés la confection d’inventaires scientifiques des monuments et des 
objets d'art est à l’ordre du jour. Mais, tandis qu’en Allemagne, en Angle- 
terre, dans la ci-devant Autriche-Hongrie, en France, en Hollande, il s’agit 
d'une entreprise d'ensemble, intéressant le pays tout entier et conçue d’après 
un plan uniforme, en Belgique, où l'esprit particulariste ne donne pas 
toujours d’heureux résultats en matière de travaux historiques, la confection 
des inventaires a été abandonnée jusqu'à présent à l'initiative des adminis- 
trations provinciales. Chaque province, indépendamment de toute interven- 
tion du pouvoir central, entreprend ou néglige d’entreprendre la confection 
des inventaires, et chaque province, sinon chaque archéologue de province 
chargé de l’entreprise, détermine les règles qui présideront à la rédaction, 
choisit le format des volumes, les clichés de l'illustration, etc. Il s’en suit un 
manque d'unité, parfois une absence de tenue scientifique, regrettable dans 
un travail aussi important. 

Dans ces dernières années trois provinces seulement avaient commencé 
l’impression des inventaires. Celui du Brabant, commencé en 1904, était 
déjà mené à terme en 1912. Les volumes sont richement illustrés, mais leurs 
très courtes descriptions sont souvent inexactes. Les édifices y sont totale- 
ment négligés et beaucoup d'objets intéressants ont échappé à l’inventorisa- 
tion. L’inventaire du Brabant est une œuvre collective et anonyme, en 
somme le moins bon de nos inventaires. 

Celui de la province d'Anvers, dont les sept fascicules parus s’espacent de 
1907 À 1914, marque un grand progrès sur le précédent. Il s'occupe aussi des 
édifices et ne néglige pas la bibliographie. Les notices relatives aux diverses 
communes sont composées en collaboration, mais signées par M. F. Donnet, 
secrétaire du comité de rédaction. On aurait préféré un exposé moins narratif 
et une énumération plus méthodique. Il y a en regard texte flamand et texte 
français, procédé qui augmente les frais d'impression, l’épaisseur des volumes 
et qui donne à peu près l'assurance qu’au moins l’une des deux rédactions 
sera très défectueuse ! 

La Flandre Orientale à commencé l'impression de son inventaire en xg9x1. 
Il comprend onze fascicules avec la description des monuments et objets d'art 
de vingt-sept localités. Les notices sont signées par des auteurs qui varient 
d'une localité à l’autre. Par là même, malgré de sérieux mérites, les notices 
sont très inégales. Le texte est en deux langues ct, idée bizarre, il est imprimé 
sur fiches. 

Depuis la guerre deux autres provinces ont commencé l'impression de 
leurs inventaires. D'abord, le Limbourg a publié trois fascicules pour le 
canton de Tongres et un quatrième pour le canton de Beeringen {(/nventaire 
archéologique des objets existants dans les édifices publics. Canton de Tongrés, 
éd. Daniëlset Paquay, I, 1916, 66 p.; Il, 1918, 32 p.; IIL 1919, 34 p.; 
Oudheidkundig inventaris der Kunstvvorwerpen in kerken en openbare gebouwen ; 
Kanton Beeringen, 1922, 82 p.). Ce qui frappe tout d’abord, c’est que, sans 
raisons apparentes, les fascicules sont rédigés les uns en français et les autres 


BELGIQUE. 325 


en flamand. Les descriptions sont courtes et généralement satisfaisantes, 
elles concernent les édifices aussi bien que les objets, quoique le titre men- 
tionne ceux-ci seulement. Jusqu’à présent l'illustration manque. Les inscrip- 
tions funéraîres sont reproduites comme dans un épitaphier. 

Pour la province de Hainaut nous possédons aussi le premier volume de 
son inventaire (Inventaire des objets d'art et d'antiquité. T. I]. Arrondissement 
de Tournai, Cantons d'Antoing, Celles, Leuze, Peruwelz, Antoing ; éd. 
E. J. Soil de Moriamé. Charleroi, 1923. In-8, 219 p. et fig.). Le volume 
paru est copieusement illustré. La description est très sobre pour les édifices; 
elle est concise pour les objets. Ceux-ci portent chacun un numéro d'ordre 
et en outre des dispositions typographiques permettent de les retrouver très 
aisément. 

Tout compté, nos inventaires provinciaux sont loin d'être sans mérites, 
mais le manque d'unité est un de leurs grands défauts. Ajoutons que le plus 
souvent les édifices sont trop sommairement décrits, les plans terriers, les 
rélevés architecturaux manquent complètement, parfois la terminologie 
laisse à désirer. 

La Commission royale des Monuments a l'intention d’entreprendre une 
publication d'ensemble. Déjà le programme de rédaction et d'illustration a 
été élaboré en détail. C’est seulement en exécutant avec fidélité ce pro- 
gramme que l’on arrivera en Belgique à posséder des inventaires des monu- 
ments et objets d’art aussi parfaits que ceux de certains pays avoisinants. 


Les historiens et les archéologues belges possèdent dans le Dictionnaire 
de géographie historique des communes belges, par A. JOURDAIN et L. VAN 
STALLE (Bruxelles, 1896), un utile instrument de travail. Sans doute cet 
ouvrage”n'’est pas exempt de défauts mais, avec ses cartes géographiques et 
ses 400 vignettes de monuments par l’habile dessinateur Louis Titz, il rendait 
et rend encore, tel qu'il est, de grands services. Toutelois, publié depuis 
environ trente ans, il cesse peu à peu d'être à jour, même pour certains 
points pour lesquels il était très satisfaisant au début. Ceci donne à l’entre- 
prise de M. Euc. De SEYN, qui a commencé la publication d’un Dictionnaire 
historique et géographique des communes belges, une incontestable utilité. 
L'ouvrage sera complet en 25 fascicules environ, soit en deux volumes, grand 
in-8, de 1000 pages chacun (prix du fascicule 6,50 fr.). Les communes des 
districts récupérés d'Eupen et de Malmédy figureront en appendice dans 
l'ouvrage. Le prospectus annonce qu'une importante bibliographie des 
principales sources consultées sera comprise dans la préface. 

Déjà deux fascicules ont paru (p. 1-128, Aalbcke-Boortmeerbeek ; Bruxelles, 
A. Bieleveld, 1924). Ils font bien augurer de la publication. Signalons, parmi 
d’autres renseignements fournis, des graphies anciennes des noms de la com- 
mune, des renseignements sur la toponymie, le chiffre de la population à 
diverses époques, etc. — Les lieux-dits, mentionnés par Jourdain et Van 
Stalle, ne sont pas donnés et il n’y a pas non plus de notes bibliographiques 
pour chaque commune en particulier. — L'’illustration est riche et nette à la 
fois : elle donne les armoiries des localités, un grand nombre de monuments. 
parmi lesquels les églises de village ne sont pas oubliées, des vues et plans 
anciens, des sites pittoresques, des statues et du mobilier ancien. Le proc 


REVUB D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 21 


326 CHRONIQUE. 

v 
pectus promet aussi des cartes géographiques et historiques. Ces dernières 
seraient particulièrement utiles. 


M. FL, PrIMS consacre une étude richement documentée au’ passé de la 
paroisse St-George à Anvers (1304-1923). L'auteur insère de nombreux textes 
dans son exposé, mais à la fin de chacune des cinq périodes de l’histoire de 
la paroisse, il donne une vue d'ensemble très suggestive. Des résumés publiés 
en manchettes et des tables alphabétiques très détaillées faciliteront les 
recherches et aideront à retrouver les renseignements très variés, publiés 
dans le volume (Geschiedenis der Sint-Joriskerk te Antwerpen. Anvers, 1924. 
In-8, 518 p., illustr.). R. Mare. 


— La Commission pour la publication des œuvres des grands écrivains du 
pays, annexée à la classe des lettres de l’Académie royale de Belgique, vient 
de changer son titre et d'élargir le cadre de ses publications. Elle s’appellera 
désormais : Commission des anciens auteurs belges ; elle n’éditera plus des 
œuvres en langue française que « pour autant qu’elles constituent des monu- 
ments littéraires ou des productions relevant du domaine de la philologie 
romane » ; d'autre part, la Commission s’occupera des écrits de « nos pen- 
seurs, érudits, philosophes, jurisconsultes, philologues et lettrés. » Seront 
publiés prochainement : Luxemburgensia sive Luxemburgum romanum d'Alex. 
Wiltheim (1604-1684) par M. J. WALTzING, puis la Correspondance de Nicolas 
Cleynaerts, l’épistolier bien connu du début du xvie siècle, par M. A. 
RozrscH. Notons encore que M. Bidez et M. de Wulf préparent l'édition des 
œuvres du dominicain flamand du xrite siècle, Guillaume de Moerbeke. 
M. P. Thomas a été nommé en 1923 président de la nouvelle commission, 
et M. A. Rocrsch, secrétaire. H. N. 


— La Terre Wallonne, revue mensuelle fondée en 1920. publie régulière- 
ment une chronique d'histoire fort intéressante, rédigée par notre collabo- 
rateur M. l'abbé Fr. Baix, et où sont recensées toutes les publications rela- 
tives au passé des provinces wallonnes de Belgique. 


États-Unis d'Amérique. — Dans son livre : Origin and evolution of 
religion (New Haven, Yale university press, 1923. 370 p. D. 3), M. Hopxixs 
E. WasHBurN, qui est un maître dans l’histoire des religions de l'Inde, a 
voulu exposer sommairement la discussion et la solution de problèmes 
aussi complexes que ceux du rite, du sacrifice, du sacerdoce, de la mytho- 
logie, de la morale et du culte. Son livre est bourré, — trop bourré, — de 
renseignements d’ailleurs très précieux. Le point de vue est strictement 
évolutionniste : l'homme étant parti « d’un stade infra-sauvage », on cherche, 
par la préhistoire, l’histoire et l’ethnologie, à définir la forme et la loi de son 
développement. Malgré le radicalisme de cette méthode, l'ouvrage marque 
un immense progrès non seulement sur les fantaisies de J. M. Robertson ou de 
S. Reinach, mais sur Tylor, Frazer, Durkheim ou Lévy-Bruhl. Les explica- 
tions simplistes sont très proprement rejetées, p. ex. : le prélogique chez les 
sauvages (p. 11), l’origine religieuse de tous les usages sociaux (p. 191) ou de 
l’ascétisme (p. 158), la réduction du sacrifice à un seul type primitif (p. x71), 
l’origine érotique de la religion (p. 105) ou son explication par la crainte 


ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUÉ. 327 


(p. 93), la croix dérivée du svastika ou du triskélion (p. 45), l'influence de la 
Trimourti hindouiste ou de la Triade bouddhiste sur la Trinité chrétienne 
(p. 334 sv.). Les conclusions sont en général modérées et largement compré- 
hensives. La documentation est excellente. Une erreur assez grosse sur 
S. Thomas d'Aquin, qui n’aurait connu qu’une morale « surnaturelle » 
(p. 267) ; une équivoque au sujet de l’idolâtrie, qui est l’adoration de l’objet 
matériel (p. 21) et qui ne l’est pourtant jamais (p. 13); quelques affirmations 
très contestables sur l’origine de la Trinité chrétienne, et l'absence, — déso- 
lante, — d’une bibliographie : ce sont des défauts qu’une seconde édition 
pourra supprimer. P. CHARLES, S. J. 


— Dans la Harvard theological review, 1923, t. IV, p. 396 svv., le Dr KirsoPP 
LakE communique une note intéressante sur le codex Par. 469, qui contient 
probablement le texte original de la Demonstratio evangelica d'Eusèbe. Au 
xvirie siècle, Fabricius avait encore consulté ce ms et en avait même com- 
piété le texte, — il est mutilé au commencement et à la fin, — par des copies, 
notamment par le codex Bononianus 3644 et le codex Maurocordati. Or, 
depuis cette époque, on ne possédait plus aucun renseignement sur ce codex. 
C’est au monastère de Vatopédi, au Mont Athos, qu’on vient maintenant de 
le retrouver. Le Dr Lake reprend ce détail au catalogue des mss grecs de 
Vatopédi, qu’un moine de ce monastère, Sophrone Eustratiades, ex-arche- 
véque de Leontopolis, va publier bientôt dans la collection des Harvard 
theological studies. 


The catholic historical review (1924, t. II) donne, d’après le Census of 
fifteenth century books owned in America publié en 1919 par la Public library 
de New-York, quelques renseignements sur le nombre des incunables que 
possèdent actuellement les bibliothèques des États-Unis et du Canada. La 
liste complète comprend 13.548 exemplaires et 6.516 titres. Elle renferme 
38 ouvrages dont la provenance reste jusqu’à présent inconnue. Parmi les 
doubles, elle signale 80 exemplaires du Liber Chronicorum, imprimé par 
Hartmann Schedel à Gutenberg en 1493, 16 ex. des Opuscula Sancti Hiero- 
rymi, de l’édition d'Augsbourg de 1473, 12 ex. de la bible latine, parue à Bâle 
le 27 octobre 1495. Les principales collections sont celles de Henry Waiters 
de Baltimore (1257 ex.), de la Free Library de Philadelphie (525 ex.), de la 
Public Library de New-York (344 ex.) de l’Union theological seminary 
(336 ex.) et de la Harvard university library (257 ex.). Une partie de ces 
incunables ont appartenu autrefois aux bibliothèques privées de Sixte V, de 
Pie VI et de Léon XII. 


Signalons quelques ouvrages parus récemment touchant l'histoire des 
missions catholiques : x) India and its missions (New-York, Macmillan, 1923. 
221 p.). Dans ce volume, les capucins de Cumberland Md. retracent l’histoire 
ecclésiastique de l’Inde et le récit des efforts des Franciscains et Dominicains 
pour convertir ce pays. 2) La société américaine des missions catholiques 
étrangères (The catholic Foreign Mission Society of America), établie à 
Maryknoll N. Y., a publié la vie du Père Price, un des missionnaires améri- 
cains les plus populaires surtout dans les Etats du Sud : Father Price of Mary- 
kno!l (New-York, Macmillan, 1923. xv-92 p.). Avec le Père James Antoine 
Walsch, Price a été le fondateur de la Société ci-dessus mentionnée, et 


328 CHRONIQUE. 


l'organisateur d'une mission catholique américaine en Chine. 3) Le Rev. 
EpouarpD J. Mannix s'occupe du mouvement qui se dessine en Amérique en 
faveur du catholicisme dans : The American Convert Movement (New-York, 
Devin, 1923, 150 p.). Il y insiste tout particulièrement sur les caractéristiques 
des conversions américaines. 4) À l’histoire du catholicisme américain se 
rapporte aussi l’ouvrage de MauD MonaHax : Life and letters of Janet Erskine 
Stuart, Superior general of the society of the Sacred Heart (1851-1914) (New- 
York, Longmans, 1923. 517 p.) 


Aux États-Unis d'Amérique, les pasteurs et savants anglicans ont en 
général résisté au mouvement moderniste. Il n’en a pas été de même en 
Angleterre où plusieurs théologiens de l'Église officielle ont appliqué aux 
doctrines de la foi chrétienne les principes du latitudinarianism et de la Broad 
Church. Sur le récent mouvement doctrinal du modernisme anglican, outre 
un excellent article du Dr $S. P. DELANY, directeur de l'American Church 
Monthly, dans le mème revue : Modernism and the Creeds (Février, x924, 
p. 439-447), nous avons des ouvrages qui nous renscignent parfaitement. 
Citons avant tout le volume du Rev. Wizrrep L. KNox : The catholic move- 
ment in the Church of England (Londres, Allan, 1923). L'auteur y retrace 
d’abord les origines de l’idée catholique au moyen âge et l’influence exercée 
par la Réforme sur l'Église d'Angleterre. À son avis, le catholicisme a sur- 
vécu dans son Église, mais il a été obscurci au xvirie siècle, puis a été ressus- 
cité par le mouvement d'Oxford. La partie la plus importante du volume est 
celle où l’auteur précise l'attitude de l'Église anglicane en face des autres 
Églises chrétiennes, la mesure dans laquelle l'idéc catholique a été conservée 
dans l’anglicanisme moderne, et les buts que se propose l’anglo-catholicisme. 
Il dévoile et critique le modernisme qui détruit les fondements historiques 
du christianisme et relègue celui-ci dans la sphère de la mythologie. Au 
moment où les conversations de Malines ont soulevé des polémiques dans le 
monde entier, il est utile de connaître par ce livre la pensée théologique 
anglicane et ses courants opposés. 

C'est aussi à l'étude du modernisme que s'attache l'ouvrage du Dr Gaivs 
GLENSIN ATKINS : Modern religious cults und movements (New-York, Revell, 
1923. 359 p.), où est examinée l'influence dissolvante exercée par certaine 
science et critique moderne au sein du catholicisme et des Églises protes- 
tantes conservatrices. Le Dr Atkins cst d’avis que c'est le protestantisme qui 
aeule plus à souffrir de cette poussée du rationalisme, et que « la doctrine 
de l'évolution et de l’hypercritique biblique a affaibli le fondement de l'arche 
protestante ». La dissolution du protestantisme forme la masse où germent 
des aberrations religieuses comme la Christian Science et la théosophie. 

Le même sujet, l'anglo-catholicisme, est aussi traité dans un petit 
ouvrage du Rev. F. WoopLocx, S. J. : Constantinople, Canterbury and Rome 
(Londres, Longmans, 1923. 88 p.). L'auteur s’y attache à réfuter la théorie 
de l'Église exposée par l’évéque Gore, mais discute aussi les points fonda- 
mentaux et les lacunes de l’anglo-catholicisme. Le petit volume a un carac- 
tère de vulgarisation, et offre des inexactitudes qui ont été relevées par le 
Dr CHARLES À. BECKERMAN, O. S A., dans The Catholic Historical Review 
(1924, t. LL, p. 619-620). 


Décès. — Le 27 septembre 1923 est mort, à Dobbs Ferry, le Rev. Dr Jonn 
Tazuor Suit, fondateur de J'he catholic review. L'histoire de l'Église lui 


FRANCE, 329 


doit trois volumes sur ke développement du catholicisme dans ie diocèse de 
New-York, des études sur les séminaires américains et un grand nombre 
d'articles de revues. 

Le 19 novembre 1923 est mort, à Villanova, le P. Tomas C. MIDDLETON, 
0. S. AÀ., n6 à Chestnut Hill Pa., le 30 mars 1843. Premier président de 
l'American catholic historical society (1884-3890), il était un des historiens 
les plus versés dans la connaissance de son Ordre. On a de lui une histoire 
des Augustins en Amérique et un grand nombre de brochures et d'articles 
touchant l'Église catholique-aux États-Unis. A. PALMIER. 


France. — Les « Amitiés Spirituelles » (protestantes) ont leurs conférences, 
leur organe mensuel, leur bibliothèque. Dans celle-ci ont paru, à côté des tra- 
vaux mystiques de Sédir : Le sermon sur la Montagne, Essai sur le Cantique 
des Cantiques, La guerre de 1914 selon le point de vue mystique, Les sept 
jardins mystiques, L'énergie ascétique, Quelques amis de Dieu, Les forces 
mystiques et la conduite de la vie, quelques études plus positives et plus 
sér'euses dues à la plume d'Emile Besson, comme la traduction de la 
Didachè avec commentaire et notes explicatives, et Les Logia agrapha, 
Paroles du Christ qui ne se trouvent pas dans les Évangiles Canoniques 
(Bihorel-lez-Rouen, Legrand, 1923. In-8, 188 p. Prix : 7 fr.). C’est la première 
fois que sont réunies en volume à l'intention du grand public de langue 
française les paroles extra-canoniques attribuées à Jésus. L'œuvre ne 
manque ni d'utilité, ni d'intérêt. Nous regrettons qu’elle s'ouvre par une 
préface grandiloquente de Sédir, qui ne lui convient nullement, et qui rend 
de nouveau un son étrange de vague et faux mysticisme. Qu'on en juge : 
« Ces discours du Christ perdus dans les légendes orales (?) ou écrites du 
christianisme primitif n’apportent rien À la foule que les textes canoniques 
ne lui aient déjà offert ; scule une phalange de disciples spécialisés dans la 
tension contemplative apercevrait dans ces Agrapha des lueurs soudaines et 
rapides, de ces grands éclairs qui, dans l’insondable nuit de la foi, illuminent 
les paysages invisibles et découvrent au voyageur étendu sur le bord du 
chemin l’immensité décourageante des espaces encore à parcourir. De tels 
spectacles ne sont faits que pour les « soldats », pour ceux d’entre lcs chré- 
tiens qui ne connaissent plus la peur ni la fatigue, qu'aucun échec ne peut 
plus rebuter, aux cœurs desquels l’appât d'aucune récompense n’'ajoute 
d’énergie. » Cette phraséologie n’est pas celle de M. Besson, et ce jugement 
sur les agrapha n'est pas non plus le sien. Il adopte plutôt, dans sa con- 
clusion (p. 141), l'appréciation de M. Mangenot : Ils n’ont en somme qu’une 
valeur secondaire ; ils « n’apportent aucun élément nouveau à l’histoire de 
Jésus et ils ajoutent peu à la doctrine du Maître ». Nos quatre Evangi'es 
renferment tout ce que nous avons besoin de connaître et depuis deux 
mille ans l’humanité n’a pas exploré la millième partie des richesses qu'ils 
contiennent. Et quelle cst cette fameuse tradition dont parle Sédir (p. 12), 
transmise de bouche à oreille depuis S. Jean et qui e affirme que le texte 
primitif des Évangiles était beaucoup plus complet et que assez vite, on en 
a fait disparaître tout ce qui concernait les devoirs spéciaux des gouvernants 
<t des puissants » ? Mais revenons aux agrapha. M. Besson nous en donne, 
ea bonne traduction française, toute une série qu’il répartit sous les rubriques 
suivantes : agrapha conservés dans le canon du N.T.; provenant de manu- 
scrits du N. T.; conservés dans les évangiles et les actes apocryphes, dans 


330 CHRONIQUE. 


le Talmud, dans les écrits des Pères. Deux annexes intéressantes parlent du 
Christ dans le Talmud et dans la tradition musulmane. L'introduction, après 
une bonne bibliographie relative aux agrapha, rappelle quelques considéra- 
tions très générales sur le gnosticisme, la formation du canon et les évan- 
giles apocryphes. Il y aurait ici beaucoup de choses à mettre au point. La 
distinction entre l’évangile des Nazaréens et l’évangile selon les Hébreux 
ne nous paraît pas fondée. L'interprétation des agrapha est souvent obscure, 
dit-on, parce qu’ils nous sont transmis la plupart du temps par les Pères 
d’une façon toute isolée, sans contexte. Nous voulons bien ; mais si l’exégèse 
des paroles canoniques est moins difficile, est-ce toujours parce que celles-ci 
se trouvent dans le cadre où elles ont été prononcées ? L'auteur nous dit 
très clairement aussi ce qu’il a voulu faire. Son travail ne s'adresse pas aux 
professionnels de la critique et de l’exégèse. Il a voulu recueillir, à l'inten- 
tion de tous ceux qu'’intéressent les questions évangéliques, les paroles 
attribuées au Seigneur que nous ont conservées certains manuscrits des 
Évangiles ou certaines citations des Pères. Il a laissé de côté, avec raison, 
les simples variantes des paroles évangéliques, les citations faites de 
mémoire ct attribuées par erreur au Christ, les paraphrases homilétiques des 
paroles de Jésus, les parallèles aux textes canoniques résumés ou développés, 
certaines leçons intéressantes qui manquent dans les mss les plus autorisés, 
mais que les lecteurs pourront trouver dans les éditions courantes du 
Nouveau Testament. Malgré ces éliminations, M. Besson conserve encore 
comme historiques 68 paroles attribuées au Christ, sans parler des frag- 
ments conservés dans les manuscrits d'Oxyrhynchos qu’il rapporte, mais 
sur l'authenticité desquels il ne se prononce pas. Nous lui savons gré d’avoir 
rassemblé tous ces agrapha, mais nous serions beaucoup plus réservé sur 
la question d’historicité. Il nous paraît certain que beaucoup de ces logia 
ne sont que des déformations de paroles canoniques. Fabricius n’en conser- 
vait que 16 qu'il pensait avoir été réellement prononcés par le Christ; Ropes 
ct Harnack, 14; Jacquier, 13. Quel est d’ailleurs le critère d'historicité ? Il a 
fallu se rendre compte, dit M. Besson, de la véracité de l’auteur qui fait la 
citation, de la valeur de l’écrit où elle se trouve, des modifications que subit 
la parole citée lorsqu'elle est reproduite par plusieurs auteurs, de la parenté 
de forme et de fond entre ces agrapha et les paroles des évangiles cano- 
niques (p. 29). La méthode paraît bonne, mais nous craignons qu'on n'y ait 
pas toujours été fidèle, et qu’on ne lui ait préféré assez souvent la méthode 
subjective du protestantisme. M. Besson n'avoue-t-il pas (p. 30) que le seul 
critérium qui permette de décider est l’impression toute personnelle que 
laisse dans l'esprit la méditation de l'Évangile ? En partant de ce principe, on 
ne s'étonnera pas trop de rencontrer parmi les agrapha historiques (p. 134) 
l'antienne du Magnificat des secondes vépres du commun des apôtres : Estote 
fortes in bello et pugnate cum antiquo serpente et accipietis regnum aeter- 
num. Cette parole est d’ailleurs attribuée au Seigneur dans les Old english 
Homilies du xrie ou du Xirie siècle et dans le Play of the Sacrament, miracle 
datant de la seconde moitié du xve siècle. É. Togac. 


— À vraidire, le livre de M. J. Born, L'apologétique par le Christ (Avignon, 
Aubanel, 1923. In-16, XXxI-419 p.) ne se rapporte pas directement aux études 
historiques qui font l’objet de cette Revue. Mais nous tenons à le signaler, 
en raison du point de vue où son auteur s’est placé et de la manière même 


FRANCE, 831 


avec laquelle il a traité son sujet. Il entend « présenter une apologétique par 
la personne du Christ et. marquer la place réelle de cette divine per- 
sonne dans la démonstration chrétienne ». Par là, bien que son exposé ne 
diffère pas sensiblement de ce qu’on lit dans les œuvres du genre, il révèle 
un souci profond de rattacher plus intimement l’apologétique chrétienne à 
ses sources. Tout le long de son ouvrage, l'auteur se préoccupe de ce qui a 
été écrit sur la matière : il a dépouillé une littérature abondante et assez bien 
choisie; sa façon de citer ses auteurs prête encore çà et là à la critique. Mais 
on ne peut lui contester le vif désir de donner une base scientifique sérieuse 
à sa démonstration. On a le sentiment qu'il veut renouveler la manière de 
traiter le sujet. C’est un exemple à côté de tant d’autres de l'influence prise 
par les études historiques sur ceux-là mêmes que leurs préoccupations et 
leurs travaux semblaient mettre en dehors de cette emprise. Je ne veux pas 
dire que l’effort tenté par l'écrivain ait plein succès, Obligé de tenir ses infor- 
mations de seconde main, il ne se rend pas toujours un compte exact de la 
portée des opinions qu’il relève; il ne voit pas toujours le point précis où 
porte la discussion ; il ne saisit pas le nœud des difficultés rencontrées sur son 
chemin. Il lui arrive de passer à côté des questions ardues et de se rendre la 
victoire trop facile. Quoi qu’il en soit, nous rendons volontiers hommage à 
ses intentions, à ses efforts et aux résultats mêmes de son entreprise. 
J. FLAMION. 


— La Bibliothèque du XVe siècle (t. XXXIX) vient de s'enrichir d’un beau 
volume qui intéresse de près les historiens de la littérature ecclésiastique et 
des mœurs chrétiennes (Sermons choisis de Michel Menot, 1508-1518. Nouv. 
édit. précédée d’une introduction par M. Josepx NÈveE. Paris, Champion, 
1924. LXXVI-534 p.). L'étude et l’édition sont dignes de la renommée de 
l’éloquent Cordelier. Les trois Carêmes de Tours et de Paris n'ont pas été 
reproduits en entier dans ce volume; très judicieusement, l'éditeur a fait un 
choix et nous donne environ la moitié de l’œuvre de Menot. Mais au lieu de 
s’en tenir, comme jadis Nicéron, d’Artigny, etc., aux extraits grotesques ou 
macaroniques, — sur lesquels on a trop longtemps jugé Menot, comme le 
regrettait G. Paris, — M. Nève a eu soin de puiser dans l’ensemble tout ce 
qui pouvait nous permettre de juger objectivement les qualités et les défauts 
de l’exubérant orateur, soit 38 sermons complets, 17 premières ou deuxièmes 
parties de sermons et une cinquantaine d’extraits. Une fort substantielle 
introduction passe en revue la biographie du grand Cordelier, sa place dans 
l’histoire littéraire, son genre oratoire, ses connaissances, la transmission de 
ses sermons, l'établissement du texte dans cette nouvelle édition d’après les 
imprimés de 1526, etc. ; il faut y signaler spécialement l’instructif chapitre, 
succinct mais judicieux, sur la langue employée dans la prédication. La liste 
des proverbes mentionnés par Menot, bon nombre de notes et une table 
alphabétique fort développée seront accueillies avec plaisir par le philologue, 
l'historien ou le théologien. L'on ne peut que remercier l'éditeur de nous 
avoir donné dans cet érudit volume le fruit de ses loisirs forcés des sombres 
journées de 1915-1918. J. DE GHELLINCK, S. J. 


— La grande impulsion donnée à l’œuvre des Missions étrangères par les 
souverains pontifes Benoît XV et Pie XI ramène l'attention sur les premiers 
missionnaires, pionniers de la civilisation chrétienne, qui, à la suite des 


833 CHRONIQUE. 


conguistadores, pénétrèrent dans le Nouveau Monde pour y planter le drapeau 
de la foi et de la morale chrétiennes. La Compagnie de Jésus ne tarda pas 
d'envoyer des missionnaires qui occupèrent une place d'honneur, dans 
l’évangélisation de l'Amérique du Sud, à côté des religieux des anciens 
ordres de S. Dominique et de S. François. GABRIEL Lepos (Saint Pierre 
Claver (1585-1654). Collection, Les Saints. Paris, 1923) vient d'écrire une 
biographie attachante d’un de ces religieux, le P. Claver. Celui-ci n’a pas fait 
de grandes choses, aux yeux des hommes, mais il a eu la vertu héroïque de 
consacrer sa vie de prêtre et de religieux à l’apostolat des nègres dans la ville 
de Carthagène des Indes, grand port d’escale des bâteaux négriers qui y 
déversaient leurs cargaisons de noirs à destination de toutes les colonies 
espagnoles d'Amérique. Il faut lire cette biographie du P. Claver, documentée 
fortement par les pièces originales des procès de béatification et de canonisa- 
tion, si l’on veut se faire une idée exacte des conditions matérielles et morales 
dans lesquelles vivaient les nègres que la traite arrachait du sol de l’Afrique 
ainsi que des difficultés de toute nature qui entouraient l’œuvre de leur évan- 
gélisation. A. PASTURE. 


— Depuis 1914 est installé au Musée Métropolitain de New-York la galerie 
léguée par M. Benjamin Altman (1840-1913), propriétaire d’un négoce de 
nouveautés à New-York. « C’est la donation la plus fastueuse qu’ait reçue de 
mémoire d'homme vivant aucun muséc. » Elle comprend cinquante tableaux 
anciens, dont près de quarante pièces capitales, dûs à des maîtres de toutes 
les écoles, des sculptures italiennes et françaises, des émaux peints, des vases 
précieux, des cristaux, des tapisseries notamment des tapis persans, des por- 
celaines de Chine, bref, un ensemble de chefs-d'œuvre tel, que leur réunion 
durant les vingt dernières années de la vie du collectionneur tient du prodige. 
Une étude de M. Fr. Moon (La Galerie Altman au Metropolitan Museum de 
New-York. Gazette des Beaux-Arts, 1923, 5me pér., t. VIII, p. 179-198 ; 297-312; 
367-377 et fig.) fait connaître les peintures, les sculptures et les chefs-d’œuvre 
d'art industriel de la collection. 


Après la publication de son magistral ouvrage sur l’art lombard (voir 
RHE, 1921, t. XVII, p. 973 et suiv.), M. A. KINGSLEY PORTER, servi par une 
documentation prodigieuse et de vastes connaissances, a continué ses 
travaux sur l’art roman, et vient de publier un ouvrage plus important 
encore, ne comprenant pas moins de dix volumes (Romanesque Sculpture on 
the pilgrimage roads. Boston, Marshall Jones, 1923. 10 vol. in-8. T. I, Texte, 
xXxV11-385 p. ; t. Il, Bourgogne, pl. 1-150; t. III, Toscane, Apulie, pl. 151-261; 
t. IV, Aquitaine, pl. 262-512; t. V, Catalogne, Arragon, pl. 512-636; t. VI, 
Castille, Asturies, Galice, pl. 637-895 ; t. VII, Ouest de la France, pl. 896- 
1138; t. VIII, Auvergne et Dauphiné, pl. 1139-1277 ; t. IX, Provence, pl. 1278- 
1410 ;t. X, Ile-de-France, pl. 1411-1527). Si l’on ajoute à ces 1527 planches 
les 244 planches publiées précédemment sur l’art lombard, on peut dire que 
le savant archéologue américain a fourni sur l’art roman un corpus d'une 
richesse inégalée. Pour ce qui concerne la vaste synthèse qu'il tente dans le 
volume dec texte, elle adapte à l’ensemble de la sculpture romane la théorie 
que l’auteur avait déjà appliquée à la sculpture lombarde, tout en insistant 
davantage sur un principe, admis aussi dans une certaine mesure par 
M. Mâle, que les chemins des pèlerins sont en quelque sorte des fleuves de 


FRANCE. 333 


l’art plastique (voir RHE, 1923, t. XIX, p. 420). Toutefois les conclusions de 
M. Porter sont souvent à l'extrême opposé de celles des archéologues fran- 
çais. D’après lui, grâce à des influences orientales, la sculpture romane se 
développe d’abord dans certains centres au début du xre siècle : en Catalogne, 
en Lombardie, en Apulie, etc. Elle arrive à un plein développement dans 
les monastères bénédictins à la fin du xre siècle, à Silos, à Cluny, etc. Le 
sanctuaire de. Saint-Jacques de Compostelle (1078-1124) serait antérieur aux 
autres sanctuaires célèbres de la route de S. Jacques : Saint-Sernin de 
Toulouse, Sainte-Foy de Conques, Saint-Martial de Limoges. Les maîtres de 
Compostelle et de Silos auraient créé « l’école des pèlerinages » et auraient 
influencé les sculptures de Souillac, de Moissac, de Conques, et par Conques 
celles de l'Auvergne, dont l'école régionale cesserait d’avoir sa raison d’être- 

Des théories si nouvelles, soulevant des questions si nombreuses et si 
complexes, ne peuvent manquer de susciter d’ardentes discussions. Déjà 
M. L. BRÉHIER relève quelques postulats, admis par M. Porter dans son 
raisonnement, et sujets à d’expresses réserves (Revue de l’art ancien et 
moderne, t. XLV, p. 132). De son côté, M. Pauz DEcHAMPS, qui avait déjà 
combattu certaines idées de M. Porter sur la sculpture lombarde, défend la 
thèse française sur la priorité de la sculpture du Languedoc et de Moissac et 
des églises françaises du type de Saint-Jacques de Compostelle. Son exposé 
sur la chronologie des monuments et des œuvres d’art en cause est d’un 
grand intérêt et entraînera beaucoup de convictions (Notes sur la sculpture 
romane en Languedoc et dans le nord de l'Espagne dans Bulletin monumental, 
1923, t. LXXXII, p. 305-351). 


Le VIe tome du Répertoire des peintures du moyen âge et de la Renais- 
sance (1280-1580) vient de paraître (Paris, Leroux, 1923). Il contient 600 gra- 
vures exécutées d’après les habiles dessins de M. ParinE WEBER. Les sujets 
mythologiques y occupent une place plus importante que dans les tomes 
précédents. Sur les 405 pages une vingtaine sont réservées aux additions et 
aux corrections et quatre-vingts aux tables générales de l'ouvrage. L'auteur, 
M. S. ReiINAcH, espère publier une édition revue du Répertoire. Il souhaite 
qu'un autre reprenne son œuvre, dont le mérite est hautement apprécié, 
pour le xvire siècle. L'ouvrage entier ne reproduit pas moins de 6224 pein- 
tures (voir RHE, 1922, t. XVIII, p. 618). 


L’'importante monographie de la manufacture des gobelins par M. 
M. FENAILLE est maintenant terminée. (État général des tapisseries de la 
Manufacture des Gobelins, depuis les origines jusqu'à nos jours, 1600-1900. 
Paris, Hachette, 1903-1923. 5 vol. texte et un vol. in-fol. de 287 pl.). L’un 
après l’autre avaient paru les volumes IT à V, consacrés respectivement à la 
manufacture des gobelins (fondée en 1662), durant le xvire, la première et 
la seconde partie du xvirre ct le xixe siècle. Le dernier volume à paraître 
a été le premier de l’ouvrage, et constitue en quelque sorte une préface 
à l'histoire de la grande manufacture française. Celle-ci est déjà ébauchée 
sous François Ier à Fontainebleau, puis à Paris, où divers ateliers se 
succèdent et où, en 1601, Henri IV attire et installe deux ouvriers flamands : 
François van der Plancken et Marc Coomans. C'est sur ces divers ateliers 
et leurs produits que le volume qui vient de paraître fournit des renseigne- 
ments précis et très complets, 


334 CHRONIQUE. 


Parmi les « suites » exécutées pour les églises signalons la Vie de la Vierge 
d'après les dessins de Philippe de Champaigne. Commandée pour Notre- 
Dame de Paris, elle appartient aujourd'hui à la cathédrale de Strasbourg. 


Congrès archéologique de France. LXXXIV® session tenue à Limoges en 
rg2r par la Société française d'archéologie (Paris, 1923. In-8, 526 et LxIv p. 
planches et figures). Ce nouveau volume vient s'ajouter à une série déjà 
longue, où l’on pourra trouver bientôt des descriptions et des notices som- 
maires sur la plupart des monuments et des œuvres d’art de la France. En 
1921, Limoges (Haute-Vienne) et Brive (Corrèze) avaient été choisies par les 
membres de la Société française d'archéologie comme centres d’excursions. 
Les monuments et objets d’art sont décrits par MM. KR. Fage (cathédrale de 
Limoges, S. Yrieix, Le Dorat, S. Junien), Deshoulières (Limoges, La Sou- 
terraine, etc.), M. et Mme Banchereau (Moutier d’Ahun, Obasine), et par 
d'autres auteurs. Le volume comprend aussi des notices, dans lesquelles feu 
M. E. Lefèvre-Pontalis décrit avec sa compétence reconnue les églises de 
Bénévent l’Abbaye, de Beaulieu et de Carennac. Une étude sur l'orfèvrerie 
émaillée de Limoges est due à M. A. Demartial (p. 430-443). La fin du 
volume rend un dernier hommage à M. E. Lefèvre-Pontalis (p. 501-520 et 
portrait). KR. M. 


— Académie des inscriptions et belles-lettres. — Le 18 janvier, M. Drexc lit 
une note de M. BRÉHIER, relative à la cathédrale de Clermont et à une 
statue d'or de la Vierge du xe siècle. 

Le rer février, une lettre de M. ViRoLLBAUD annonce l'envoi de reproduc- 
tions de fresques de l’église d'Abou-Gosh, en Syrie (xtre siècle). — M. TAFRALI 
décrit le caractère des fresques qui couvrent les murs extérieurs et intérieurs 
des églises de Bukovine, construites à l’époque des princes moldaves aux 
xve et xvic siècles. Il mentionne spécialement les scènes de la vie de saint 
Jean le Nouveau, patron de la Bukovine, mort martyr au xive siècle, et 
l'illustration de l'hymne composé au vire siècle en reconnaissance de la 
protection accordée par la Vierge à Byzance, lors du siège de la ville par les 
Arabes. Les fresques de Bukovine appartiennent à l’art byzantin. Elles sont 
surtout remarquables par la beauté du coloris et par la science du dessin. 

Le 7 mars, M. OmonrT parle du don fait à la bibliothèque nationale par 
M. Julien Chappé du cartulaire de l’abbaye bénédictine de Saint-Sauveur de 
Villeloin, au diocèse de Tours, de la fin du xurre siècle, qui contient 156 
chartes, datées de 1085 à 1291 

M. DiIeLx étudie certaines peintures de l'église d'Abou-Gosch, près de 
Jérusalem, qui présentent un curieux mélange de thèmes byzantins et de 
traditions latines et montrent l'influence que les artistes orientaux exercèrent 
sur les Latins. 

Le 14 mars, M. Homoze donne connaissance d’un mémoire de M. Per- 
drizet, relatif à la Petite Thèse de Callot, qui est une eau-forte figurant le 
triomphe de la Vierge. La gravure sert de frontispice à une thèse soutenue à 
Rome, en 1625, par le cordelier Étienne Didelot, originaire de Nancy, sur la 
Vierge Maric. 


Académie des sciences morales et politiques. — Le 8 mars, M. FAGNIEZ lit 
un chapitre d’un ouvrage sur la femme et la société française dans la pre- 
mière moitié du xvrie siècle. Il montre comment la charité privée voulut 
alors assister les pauvres en les faisant travailler et en essayant de les mora- 


FRANCE. 335 


liser. En l’espèce elle agissait sous l'inspiration de la religion. A propos de 
l’œuvre de la femme, M. Fagniez caractérise de façon heureuse les fondations 
nouvelles qui sont la gloire de saint Vincent de Paul. 


Société nationale des antiquaires de France. — Le 13 février, M. Des- 
HOULIÈRES annonce qu'on a retrouvé l’église consacrée en 1064, à Souvignv, 
au cours de nouvelles fouilles. 

M. Mayeux présente des fragments du portail construit À Saint-Pierre-de- 
Lagny (Seine-et-Marne), par l'abbé Hugues II (1162-1171), moine de l'abbaye 
de Tiron. Hugues ayant appartenu à ce groupe d'artistes qui contribuèrent à 
la construction de portails romans du type chartrain, on s’explique aisément 
que les restes de ceux de Lagny soient apparentés avec le portail de Saint- 
Ayoul de Provins, du type chartrain. 

Le 20 février, Mcr BaTirroz montre que l'opinion suivant laquelle le mot 
papa n'aurait été employé qu’à partir du début du vire siècle avec le sens 
d'évêque de Rome est contraire à un texte du concile de Tolède de 400. 

M. MARQUET DB VASSELOT signale un petit lion en cristal de roche, entré 
nouvellement au musée du Louvre, et semblable à celui qui fut transformé 
en reliquaire, au xive siècle, et qui existe dans le trésor de l’église Sainte- 
Ursule à Cologne. 

Le 12 mars, M. Mayeux étudie le porche de l'église Sainte-Radegonde de 
Serandon (Corrèze), qui date du xrie siècle et qui a des rapports assez curieux 
avec celui de Lagraulière (Corrèze) et d’Ydes (Cantal) Il parle ensuite du 
chœur à chevet plat de l’église d'Albussac (Corrèze), du xire siècle, remar- 
quable par les arcatures À arc en mitre qui alternent avec des arcs en plein 
cintre. 

M. LAUER expose son opinion relativement à la date et à l’origine de la 
tapisserie de Ba yeux. 

Mar BaTIFroL appelle l'attention sur certaines détails du chœur de Notre- 
Dame de Paris d’après le cérémonial de Sonnet (xvire siècle). 


L'Académie d'éducation et d'entr'aide sociales a réparti le legs donné par 
M. et Mme Bruwnert entre les Instituts catholiques de Lille et de Paris. 
Voici comment ont été instituées les chaires à Paris : une chaire de doctrine, 
faits fondamentaux et institutions où M. l’abbé Verpier et le R. P. DAUSET 
traitent de l’activité économique et des cas de conscience qu’elle pose ; et le 
R. P. DesBuquois de l’action de l’Église sur la société : une chaire d’écono- 
mie sociale (titulaire : M. F. LEPELLRTIER); une chaire de droit naturel 
(titulaire : M. BERNARD RoLAND-GossELIN); une chaire de sociologie (titu- 
laire : M. l'abbé LazLeMENT); une chaire de législation française dans ses 
rapports avec l'Eglise et avec les œuvres (titulaire : M. HÉBRARD). 

G. MoLLarT. 


— Les travaux de restauration de la cathédrale de Reims, dont le sol était 
défoncé, permettent à M. Deneux, le consciencieux architecte de l’édifice, 
de faire quelques fouilles qui sont l’occasion de découvertes intéressantes. 
M. DesHouLi1ÈRESs en donne un aperçu sommaire dans le Bulletin monumental 
(1923, t. LXXXIT, p. 400-408). On a notamment pu mettre à nu les restes des 
édifices antérieurs à la cathédrale actuelle : la basilique avec crypte con- 
struite par saint Nicaise et la cathédrale des archevêques Ebbon, Hincmar 
et Adalbéron, des 1xe-xe siècles. 

Quelques fragments sculptés sont venus à jour : notamment certains 


336 CHRONIQUE. 


restes du jûbé commencé en 1417, et vingt-et-un chapiteaux du xrire siècle: 
Des tombeaux d’évêques, appartenant en majeure partie au xrie siècle, ont 
livré d'’intéressants objets : anneaux, calices, patènes, etc. On sait que l’un 
de ces tombeaux renfermait le corps de saint Albert de Louvain, évêque de 
Liége (+ 1192), que l'on croyait au couvent des carmélites à Bruxelles depuis 
la translation de 1612. — Nous avons signalé antérieurement (RHE, 1922, 
t. XVIII, p. 189) la découverte de sculptures dans les fouilles de l'église 
Saint-Remi. R. M. 


— Sous le patronage de plusieurs cardinaux et évêques français a été 
fondé, à Paris, un Office central de librairie et de bibliographie (76 bis, rue des 
Saints Pères, VIIe arrondissement), qui a pour but de répandre la connais- 
sance du livre catholique. L'office a ouvert un magasin de vente où sont 
exposés les ouvrages qui méritent d'être recommandés, non pas sans ordon- 
nancement, mais classés par matières. En outre, il publie les Fiches du 
Mois (un an : France : 6 fr.; Étranger : 8 fr.), qui font connaître en quelques 
lignes les livres nouveaux, en disent les bienfaits, les dangers, les imper- 
fections, en toute franchise. Enfin, des Bibliographies analytiques paraîtront 
en volumes de 128 pages (2 fr.) On y trouvera des répertoires critiques de la 
librairie française concernant les diverses branches des connaissances 
humaines. G. MoLLar. 


— La faculté de théologie catholique de Strasbourg décernera un prix de 
mille francs à l’auteur du meilleur travail sur le sujet suivant : L'attitude de 
S. Bernard à l'égard de la dialectique. Les mss devront être adressés, avant le 
1er avril 1925, au doyen de la faculté. 


— Le premier numéro de la nouvelle Revue d'histoire franciscaine, dirigée 
par M. HENRt LEMAITRE, bibliothécaire honoraire de la Bibliothèque natio- 
nale (Paris, A. Picard, 1924. In-8, 122 p.) (Cfr RHE. 1924, t. XX, p. 165), 
donne la meilleure idée de la façon dont le comité entend réaliser son œuvre, 
tant par le caractère sérieux des articles de fond que par la nature approfondie 
des recensions critiques. Le moyen âge y occupe naturellement la part pr inci- 
pale. Les noms des collaborateurs : P. Sabatier, Ét. Gilson, Cam. Enlart et 
U. d’Alençon disent suffisamment la valeur des articles. A noter l’article de 
P. SABATIER : Le privilège de la pauvreté (p. 1-64) et le compte rendu 
d'Ét. Gilson relatif à Duns Scot. H. N. 


— Le tableau des cours de l’université de Strasbourg annonce que M. Paul 
Sabatier donnera, dès la rentrée de novembre prochain, un cours public sur 
« Saint François et la rénovation religieuse. » 


— Nominations, — M. MEeTzGEr a été nommé archiviste du Bas-Rhin. 

M. FourNIER, archiviste de la Haute-Loire, a été nommé archiviste du 
Puy-de-Dôme, en remplacement de M. RoucHon, admis à la retraite. : 

M. FERDINAND Lo, professeur à la Sorbonne, a été élu membre de l’aca- 
démie des inscriptions et belles-lettres. 

M. Pro RAJNA, professeur à l'université de Florence, a été élu associé 
étranger de la même académie. 

M. GaLLAND a été nommé professeur de langue et littérature anglaises 
à la faculté des lettres de Grenoble. 

M. HATZrELD a été nommé professeur de langue et littérature grecques 
à la faculté des lettres de Bordeaux. 


GRECE. 337 


M. BÉNÉDITE, conservateur des antiquités égyptiennes au musée du 
Louvre. a été élu membre ordinaire de l’académie des inscriptions et belles- 
lettres, et le général GourAuUD, membre libre, 

M.CamiLLe JULLIAN a été élu membre de l’Académie française. G. M. 

— Dans sa séance du 19 décembre 1923, le Conseil de la Société française 
d'archéologie a nommé directeur de la société M. MARCEL AUBERT, en rem- 
placement de M. E. Lefèvre-Pontalis. R. M. 


— Décès. — M. ERNEST MÉRIMÉE, directeur de la section toulousaine de 
l'institut français de Madrid. 

M. R&NÉ BASsseT, correspondant de l'académie des inscriptions et belles- 
lettres, doyen de la faculté des lettres d'Alger. 

M. SaAMUEL CHABERT, doyen de la faculté des lettres de Grenoble. 

Mor Beer, président de la société archéologique de la Drôme, auteur 
de divers livres : Histoire de Tain (Paris, 1900); Vie du cardinal Le Camus 
(Paris, 1902) ; Origines de l'Église de France (Paris, 1892). G. M. 


Grèce. — Jusqu'à présent, nous ne possédions pas encore une histoire 
scientifique de la littérature néohellénique. En effet, ni la remarquable 
bibliographie hellénique en neuf volumes d'Ém. Legrand, ni les nombreux 
recueils biographiques comme ceux de Sathas, N. Politis, A. P. Vretos, 
À. Dimitrakopoulos, N. Katramis, A. Moustoxides, ne nous présentent les 
caractéristiques et l’évolution interne des lettres helléniques à l’époque 
moderne. D'autre part, l’histoire de la littérature néohellénique offre un 
vif intérêt tant au point de vue religieux qu’au point de vue national. Elle 
montre comment, de la chute de Constantinople à la fin du xvirre siècle, 
toute l’activité littéraire a été concentrée dans les monastères et autour du 
patriarcat de Constantinople. Elle prouve aussi que le clergé grec a non 
seulement sauvé la nationalité et la foi chrétienne de son peuple, mais qu’il 
a aussi préparé sa renaissance intellectuelle. L'histoire de la littérature 
néohellénique que M. Ezras P. VouTIÉRIDES se propose de publier, comblera 
donc une véritable lacune. Son premier volume constitue en quelque sorte 
une introduction (‘Ioropix ms veoshAmuxñs Âvyor:yvias «no T@y éco 
Too IE’ aiwvec DEYPL TOY VEOTATOY YOOVOY LET ELTayW YA TEpi TÉs 
Bravrus Aoyoteyvias. I. Athènes, Zikaki, 1924. 112 p.) : successivement 
il y expose le plan de son entreprise, étudie la continuation de la tradition 
classique dans la littérature byzantine, relève les particularités linguistiques 
et littéraires de la poésie grecque des xvie-xvrie siècles. Remarquons que 
l’auteur divise l’histoire de la littérature néohellénique en trois périodes : la 
première qui va de 1453 à 1800 ; la deuxième qui comprend les années de 
1800 à 1880 ; la troisième qui commence à cette dernière date et va presque 
jusqu'à nos jours. 


Dans sa brochure [lsci yaperos T@v motvoy r@v xArptxy (Athènes, 
1923. 26 p.), À. ALIVIZATOS, professeur à l'université d'Athènes, combat la 
théorie qui attribue au pouvoir civil le droit de restituer dans ses tonctions 
sacerdotales un prêtre excommunié ou suspendu par le pouvoir ecclésiastique. 
Il s'appuie sur les canons des conciles œcuméniques et sur les décisions 
récentes de l'Église grecque. À. PALMIERI, 


338 | CHRONIQUE. 


Hongrie. — La plaquette d'A. PATAKY, La Jérusalem biblique à la lumière 
des fouilles [A bibliai Jeruzsälem az âsatäsok megvilâgitäsäban|. Ile partie * 
Histoire des fouilles aux xixe-xxe siècles (Budapest, Édit. de l'Acad. Saint- 
Étienne, 1924. 47 p.) a pour but de faire connaître les progrès de l’archéologie 
biblique et de faciliter l’intelligence de l’Écriture sainte. 


Dans l'ouvrage intitulé : L'année de la nativité du Christ et l'ère chrétienne 
[Krisztus születésének éve és a keresztény idôszämitäs] (Budapest, Édit. de 
la Soc. Saint-Étienne, 1922. 243 p.) Mgr ÉT. SzÉKkELY, professeur d'exégèse du 
N. T. à l’université de Budapest, cherche d’abord à fixer la date de la nais- 
sance de Notre-Seigneur. Dans ce but, il examine successivement les indica- 
tions chronologiques fournies soit par L Évangile soit par les sources profanes, 
archéologiques ou littéraires (p. 8-160). Voici ses conclusions : Hérode ayant 
été roi de Palestine de 714 au printemps 750 « ab Urbe condita », le Christ est 
né pendant l’hiver 749. Les documents mentionnent trois recensements . 
le règne d'Auguste : en 726, en 746 et en 767 (monument d’Ancyre). Le 
recensement dont parle l'Évangile, est donc celui qui commença en 746. 
Dans la seconde partie de son ouvrage, Mgr Székely traite des différentes 
ères chrétiennes et des calendriers. 


Les mouvements communistes qui s'étaient produits en Hongrie en 1919. 
avaient suggéré à M. l’abbé Epaar ARTNER l'idée d'exposer Le communisme 
de l'ancienne Église [Az ôsegyhaz kommunizmusa] (Budapest, 1923, 236 p.). 
Limitant son enquête aux deux premiers siècles de notre ère, il décrit les 
nouvelles tendances sociales, introduites par le christianisme, On sait que les 
premiers chrétiens de Jérusalem, appliquant à la lettre certains conseils 
évangéliques, avaient mis leurs biens en commun. Plus tard, des hérétiques 
voulurent imposer le communisme à l’Église : mais leurs tentatives n’ont 
guère eu de succès. 


M. L. BaBurA, directeur du séminaire central de Budapest, a composé 
une Vie de S. Augustin [Szent Agostin életo| (Budapest, Soc. Saint- Étienne, 
1924. 150 p.). C'est un travail à but ascétique. 


G. BaLanvi, L'histoire de la vie monastique [A szerzetcsség torténete]. 
Budapest, Soc. Saint-Étienne, 1923. 280 p. Sans s'attacher à un ordre religieux 
particulier, l’auteur brosse à larges traits l’histoire de la vie monastique 
chrétienne. Il rejette la théorie d'après laquelle les premiers ermites et 
cénobites chrétiens auraient imité des ascètes juifs ou paiens et ne se seraient 
pas uniquement inspirés des conseils évangéliques. Il fait connaître les grands 
fondateurs du monachisme en Orient et en Occident et insiste sur les carac- 
téristiques que présente chacun d'eux. Il montre le rôle prépondérant joué 
par les moines dans l’expansion et la défense du christianisme et leur apport 
considérable à la civilisation. 


L'histoire des croisades [A keresztes hadjäratok tôrténete] (Budapest, 
Soc. Saint-Étienne, 1924. 153 P.) par ANTOINE ALDAsY est destinée au grand 
public. Elle présente, d’après l’ordre chronologique, un récit attachant et 
impartial de ces grandes expéditions chrétiennes en Orient. 


La dynastie des Anjou a donné à la Hongrie deux grands rois : Charles- 
Robert (1308-1342), qui restaura l'ordre intérieur en Hongrie, et son fils 
Louis Ier le Grand (1342-1382), qui étendit considérablement les frontières de 


HONGRIE. 339 


$on pays et le protégea victorieusement contre les premières attaques des 
Turcs. Sur le règne des Anjou en Hongrie et particulièrement sur celui de 
ces deux rois, M. Ér. MiskoLczy a publié un ouvrage fort remarquable : La 
Hongrie sous la dynastie des Anjou [Magyarorszäg az Anjouk koräban|. 
Budapest, Soc. Saint-Étienne, 1923. 


La personne et le pontificat de S. Célestin V ont été et sont encore très 
discutés, Dans son ouvrage intitulé : L'élection du pape Célestin V [V.Coelestin 
pépa vâlasztäsa| (Budapest, Soc. Saint-Étienne, 1922, 87 p.), M. FR. PATEK 
retrace la situation troublée de l’Église à la fin du xrrie siècle et les circon- 
stances politiques qui amenèrent l'élection de ce pape. Étude méthodique- 
ment conduite et approfondie, qui constitue pour les lecteurs hongrois une 
nouveauté. 


LeR. P. C. Bôze, O. P , La bienheureuse Marguerite de Hongrie [Arpäd- 
hâzi boldog Margit] (Budapest, Couvent des Frères Prêcheurs, 1923. 192 p.). 
La bienheureuse Marguerite, fille du roi Béla IV, est très honorée du peuple 
hongrois. Morte à l’âge de 28 ans au couvent des dominicaines, elle a laissé 
une grande réputation de sainteté. Dans l'ouvrage cité, le P. Bôle a recueilli 
tout ce que les sources nous apprennent sur la vie et les vertus de la bien- 
heureuse. 


Une histoire complète des franciscains en Hongrie nous est donnée par 
Mgr Jean KaRacsonvi, L'histoire de l'ordre de S. François en Hongrie 
jusqu'en 1711 [Szent Ferenc rendjcnék tôrténete Magyarorszägon 1711-ig]. 
T. IL. (Budapest, Académie des sciences, 1923. 562 p.). L'auteur y détruit la 
légende d’après laquelle S. François aurait personnellement visité la Hongrie. 
Les premiers franciscains n’y arrivèrent qu’en 1229 et ils établirent, en 1233, 
une custodie à Esztergom. En 1238, ils se séparèrent de leurs confrères 
d'Allemagne et fondèrent une province indépendante (Provincia Mariana). 
Les progrès réalisés aux x1r1e-xrve siècles (en 1316, ils comptaient 43 maisons) 
n'eurent guère longue durée : les difficultés intérieures d’abord, résolues 
en partie au concile d’Eger en 1454, ensuite les dévastations de la Hongrie 
par les Turcs, enfin de nouvelles luttes intestines terminées en 1689, empê- 
chèrent l’ordre de prendre de l'essor et ruinèrent même en partie l’œuvre 
des devanciers. En dehors de la provincia Mariana s’était constituée, dès 
1339, une provincia Salvatoris qui s’étendait à la Bosnie et aux pays voisins. 
Les religieux de cette province se sont distingués dans la lutte contre les 
bogomils et les schismatiques de Bulgarie et de Roumanie. Ils se déclarèrent 
pius tard de l’observance et s’établirent, comme tels, en Hongrie. Au 
XvIt siècle, ils comptaient 70 maisons et 1500 membres. Les troubles politiques 
de cette époque les réduisirent considérablement : à la fin du siècle, la 
province ne possédait plus que 5 maisons et 30 religieux. Au xvrre siècle, la 
prospérité revint quelque peu : en 1690, le nombre des couvents s'éleva à 21. 


Evu. BôLzcskEy, La vie de S. Jean Capistran [Capistranéi szent Jänos 
élete]. T. I. Székesfehérvär, 1923. 614 p. S. Capistran appartient particuliè- 
rement à l’histoire de la Hongrie. En effet, il a joué un rôle considérable à 
l'époque des guerres du grand Jean Hunyadi contre les Turcs. L'ouvrage de 
M. Bôlcskey sera donc bienvenu chez nous. Le premier volume raconte la 
jeunesse du saint, ses luttes en faveur de l’observance, ses missions en Italie, 
en Autriche, en Allemagne et en Pologne, enfin ses travaux de réforme, 


340 CHRONIQUE. 


Le R. P. L. Tomcsanyi, S. J., reprend dans son ouvrage : La maison de 
Lorette [A loretoi szent h4z] (Budapest, 1923. 121 p.) la thèse, qu'il a déjà 
développée plusieurs fois, de l’historicité de la translation de la maison de 
Lorette. À. PATAKY. 


— La revue historique Sz4zadok. À magyar tôrténelmi térsulat küziünye 
(Revue de la Société historique hongroise), renferme un important article 
sur : La douloureuse chronique de Hongrie, de l'historien hongrois du 
xvue siècle, JEAN SzALARDI : Szélardi Jänos es Siralmas krônikäja par le 
Dr D. HorAATH (Budapest, t. LVII, 1923, p. 94-122). Szalardi (1601-1666), 
d’abord archiviste à Carisbourg, puis sous-secrétaire des princes Georges 
Râkéczi Ir et II, composa cette œuvre destinée à ses contemporains ; mais 
elle ne fut publiée qu'en 1853 par S. Kemény. Cette chronique présente ce 
double intérêt qu'elle est le premier document littéraire écrit en langue 
hongroise et qu’elle reflète d’une façon saisissante les abus de la société 
hongroise au xvire siècle. Peut-être l’auteur, âme profondément religieuse 
et ardemment patriotique, assombrit-il trop les couleurs du tableau. Il 
s'attaque surtout à l’orgueil, à l’ivrognerie, aux discordes nationales. Le 
point de vue religieux prédomine dans ses descriptions. H. N. 


— À. PiGLER, L'église Saint-Ignace à Gyür et ses fresques [A gyôri szent 
Ignäâc templom és mennyezetképei| Budapest, 1923. 83 p. 16 pl. Cette église, 
appartenant actuellement aux bénédictins, fut construite en style baroque par 
les PP. Jésuites en 1641. Elle est ornée de fresques exécutées par Troger, en 
imitation de celles de Bernini ; la fresque représentant l’Annonciation est 
particulièrement remarquable. 


En 1623, le cardinal Pierre Päzmäny, primat de Hongrie, fonda à Vienne 
un séminaire hongrois qui porte encore aujourd’hui le nom de Pazmaneum. 
A l’occasion du troisième centenaire de cette fondation, Mgr G. FRAKNôI 
vient d’en publier l’histoire (La fondation de l'institut P4zmäny à Vienne | A 
bécsi P4zmäny-intezet megalapitäsa]. Budapest, 1923. 67 p.). Il y fait con- 
naitre le but de cet institut ct les soins que lui prodigua P4zmäny. Les lettres 
que celui-ci adressa au recteur du Pazmaneum, de 1624 à 1636, sont repro- 
duites cn annexe. À. PATAKY. 


— Le bulletin de la revue bibliographique hongroise (Magyar Kôünyus- 
zemle), édité à Budapest par le Musée national hongrois, contient, pour 
l'année 1923 (t. XXX) une série d'articles intéressant nos études (chaque 
volume donne à la fin des résumés étendus en français ou en allemand (p. r*- 
28*). Nous en signalons quelques-uns des plus marquants : Dr J Vécx, La 
bibliothèque épiscopale à Siümeg (p. 22-26). Cette bibliothèque fut construite 
en 1752 par Martin Biré, évêque de Veszprem ; elle était remarquable par 
ses armoires richement ornées et garnies de mss. orientaux et de précieuses 
reliures italiennes des xve et xve siècles. — Dr P. Guzyas, Le sort du livre 
en Hongrie des temps les plus reculés jusqu'à nos jours (p. 27-94; 176-199), 
article important pour la paléographie hongroise (influence des abbayes 
bénédictines), la bibliographie (bibliothèques de monastères et de cathédrales) 
et l'histoire littéraire. — Dr J. Hozus, L'éducation professionelle des biblio- 
thécaires et archivistes (p. 95-110). Cette éducation doit être historique, com- 
plétée par des études juridiques. — Dr C. p'Isoz, Un gloria en notation 
musicale bilingue à la bibliothèque du Musée Nat. hongrois (p. 161-169), gloria 


t'ALIÉ. 341 


d'un missel du xne siècle, avec des neumes allemands et notation alpha 
bétique. Présente de frappantes ressemblances avec celui d'Einsiedeln. — 
Dr EuuA BARTONIEK, À propos d'un ms. de la bibliothèque Széchényt [à 
Budapest] (p. 200-204). Il s’agit du ms. Cod. lat. Med. aevi 317, du xve siècle, 
ou du pontifical qui servait à l’archevêque d'Esztergom lors du sacre des 
rois de Hongrie au moyen âge. 


Ea 1921, les nombreux intellectuels italiens habitant la Hongrie se sont 
groupés, à Budapest, sous le nom : Società ungherese-italiana Mattia Corvino 
di Scienge, lettere, arti e relazioni sociali. La société, qui comprend environ 
deux cents membres, a pour but de resserrer les liens moraux, scientifiques 
et sociaux entre la Hongrie et l’Italie. Elle donne des conférences, des repré- 
sentations dramatiques, favorise les études supérieures au moyen d'échanges 
d'étudiants; elle publie une revue semestrielle sous le nom : Corvina. Rivista 
di scienze, lettere et arti della Società Ungherese-italiana Mattia Corvino, 
diretta dal pres. ALBERTO BERZEvIczY (Budapest, Franklin. Prix : 3000 cr. ou 
61.). L'histoire religieuse est souvent représentée par d’utiles contributions 
scientifiques ou de vulgarisation. Signalons seulement : Z. MESZLÉNYE, 
Lettere inedite dell’ agente romano del card. Primate Batthyäny (t. II, 1922, 
p. 72-85); Ar. FEsT, Î primi rapporti della nazione ungherese coll Italia 
(t. II, x922, p. 19-49). Les articles historiques et archéologiques sont, d'autre 
part, relativement nombreux. 


La bibliothèque Széchnényi du Musée national hongrois à Budapest a 
acquis en 1923 l’importante collection de l’évêque réformé Aron Szilédy, 
provenant de la bibliothèque communale de Kecskemet. Elle comprend, 
outre une bibliothèque de 11.000 volumes persans, arabes, turcs et hongrois, 
de nature littéraire et historique, une précieuse correspondance scientifique 
et 23 mss oricntaux. 


Décés. — M. LapisLas FEJERPATAKY, né à Éperjes le 27 août 1857, mort 
à Budapest, le 6 mars 1923. Directeur général du Musée hongrois, en cette 
ville, depuis 1915 professeur de diplomatique, il se signala par quelques études 
concernant cette branche et par une action vigoureuse dans la direction 
du Musée. H. Nezis. 


Italie. — Dans les comptes rendus de l'Académie dei Lincei, classe des 
sciences morales, historiques et philologiques, 1923, p. 157 et sv., signalons 
une étude de L. CANTARELLI, Gallione proconsole di Acaïa e S. Paolo. L'auteur 
examine l’inscription de Delphes et donne une courte biographie de Gallion. Il 
arriva en Achaie en qualité de proconsul extra sortem après le célèbre édit de 

Claude contre les juifs, vers la fin d'avril 52, tandis que S. Paul y était depuis 
le mois d'octobre 50. Gallion avait à peine pris possession de sa charge que 
les juifs amenèrent à son tribunal l’apôtre, lui cherchant querelle, mais sans 
succès. En effet, Gallion n'interroge pas S. Paul, il ne le laisse pas même 
parler, et déclarant qu'il ne veut pas étre juge de questions qui regardent les 
juifs exclusivement, il les chasse tous du tribunal. Cette attitude s'explique à 
cause du tempérament doux de Gallion ; il prévoyait qu’un jugement aurait 
pour effet de soulever un tumulte comme cela se vérifia à Rome trois années 


REVUB D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 34 


349 CHRONIQUE. 


auparavant. Gallion mourut misérablement, tandis que S. Paul partait en 
automne 52 pour la Syrie avec Aquila et Priscille dont il se sépara à Ephèse. 


La Scuola cattolica de Milan publie, en 1923, une étude de E. PASTERIS, 
Un grande vescovo e scrittore del secolo X : Attone di Vercelli. Vita e opere. 
Atton fut évêque de Vercelli en 924 et mourut avant 964; il vécut pendant 
une des périodes les plus troublées de l’histoire d'Italie. Il était de famille 
riche et puissante, originaire de Lombardie, apparentée avec le roi Didier 
(qu’il croit erronément duc d’istrie); il fit partie du clergé milanais comme 
gcolasticus. Devenu évêque, Atton fut en relations assez suivies avec le roi 
Hughues, puis avec les deux rois Lothaire et Bérenger II, De tempérament 
assez différent de ses deux contemporains les évêques Rathier de Vérone et 
Luitprand de Crémone, il prit soin d’enrichir son église de livres utiles, de 
promulguer des canons réformateurs, de publier des sermons et des lettres 
fort importantes parce qu’elles rappellent des usages, des superstitions, des 
vices de l’époque. L'auteur s'occupe d’une manière plus spéciale du curieux 
écrit, le Polypticum, dont il admet l'authenticité, mais sur la composition 
duquel il ne peut rien donner de certain ; et enfin du Libellus de pressuris 
ecclesiasticis, l'écrit le plus connu et plus important du grand évêque parce 
qu’il concerne les vicissitudes politico-religieuses de cette io L'article 
est une excellente contribution à l’histoire du xe siècle. 


La collection J libri della fede (Libreria editrice fiorentina), qui débuta 
par la publication des Fioretti de S. François, les deux règles et le chant au 
soleil, par Giovanni Papini, en cst arrivée déjà à son Xe volume. Signalons 
les deux derniers volumes parus : Le IXe, Fioretti spirituali (visioni e divine 
consolazioni) de S. Françoise Romaine, d’après l'édition publiée par dom 
M. ScarpPini, moine olivétain. C'est la première fois que l’on a une édition 
courante et complète des visions de la sainte; celle des Bollandistes a sub; 
des amputations inopportunes. Le Xe volume nous donne la Vie de S. Benoit, 
écrite par S. Grégoire d'après une traduction italienne du xive siècle, 
attribuée à Domenico Cavalca, dominicain. Elle est suivie de la règle de 
S Benoit, d’après une autre version ancienne, imprimée déjà en. 1855. 
G. pe Luca, le jeune et avisé érudit qui a préparé la publication de ce volume, 
a choisi ce texte de la règle parce que, dit-il, il désirait donner un texte 
ancien (p. 206). En ce cas, il eùt été préférable, me semble-t-il, de donner une 
nouvelle version faite sur le texte critique latin. Puisque le but de ces publi- 
cations est de faire connaître à un public instruit les anciens libri della fede, 
pourquoi ne pas les donner sous une forme qui se rapproche le plus possible 
du texte original et qui les rende facilement et agréablement lisibles ? 
Le volume contient enfin un ensemble de témoignages sur S. Benoît qui 
vont de Marc de Cassino et Paul Diacre à S. Bernard ct à deux « laudi» 
florentines. D. P. LuGano a consacré à ces deux publications un article dans 
Rivista storica benedettina : Anime romane : San Benedetto e S. Francesca 
(1923, p. 264 SVv.). P. PascHnt. 


— L'université catholique de Milan a célébré le sixième centenaire de la 
canonisation de saint Thomas d'Aquin par la publication d'un imposant 
volume de « Mélanges » auquel ont collaboré des savants de divers pays: 
S. Tommaso d’Aquino. Milan, Società editrice « Vita et Pensiero », 1923. In-8, 
317 p.. La personnalité du Docteur Angélique y est présentée sous ses traits 


trALIÉ: 349 


les plus caractéristiques ét suivant certaines grandes lignes de son enseigne- 
ment : philosophie, théologie, apologétique. Quelques traits spéciaux ont reçu 
du relief : R. ScHuLTes, ©. P., La dottrina di S. T. d'Ag. sull” evoluzione 
della rivelazione e sull' evoluzione dei dommi; M. De Munnyncx, O. P., 
L'esthétique de S. Thomas d'Ag.; P. CHioccHETTI, O. F. M., La pedagogia di 
S.T.; A. BERNAREGGI, La filosofia del diritto internazionale in S. Tommaso. 
De la partie historique il faut citer : D. LaNNA, II rapporto tra filosofia e 
storia in Tommaso d'Aquino ; M. GRABMANN, Indagint e scoperte intorno alla 
cronologia delle Quaestiones disputatae e Quodlibeta di S. Tommaso d'Aquino ; 
G. BusnezLi, S. I., S. Tommaso e l'eclettismo di Dante. La variété des sujets 
traités, leur valeur intrinsèque, la forme élégante de présentation, assureront 
à ces « Mélanges » le meilleur accueil dans les centres thomistes. 
R. M. MARTIN, O0. P. 


— Dans la brève étude de P. LuGano sur L'istitutione delle oblate di Tor de’ 
Specchi secondo i documenti (Rev. stor. bened., 1923, p. 272-308), il est question 
de la célèbre communauté des oblates bénédictines, dirigées par les moines 
olivétains de S. Maria Nuova au Forum, instituée par S. Françoise Romaine 
en 1425 et établie par elle près de la Torre de’ Specchi, au pied du Capitole, 
en 1433. L'auteur nous donne simplement les documents relatifs à la fondation 
et à la première organisation de la communauté; documents en partie 
inconnus ou connus dans une version italienne. C’est un ensemble très inté- 
ressant et enrichi de notes importantes. 

Nous attendons toujours une biographie critique et complète de S. Fran- 
çoise Romaine qui puisse remplacer celles qui sont en circulation (celle des 
Bollandistes a besoin également de corrections). Dans l'entretemps dom Lu- 
GANoO nous donne une seconde édition (Turin-Rome, 1924), avec ajoutes et 
illustrations, de la vie écrite en anglais par G. Fullerton et traduite en 
italien en 1891. 


Dans l’Athenaeum de Pavie, 1923, nouv. sér., t. I, p. 20 svv., A. MICHETTI- 
CasreLLo, sous le titre : Di un nuovo documento a proposito del Santo Ufizio 
in Venezia (1552), publie une lettre des cardinaux inquisiteurs de Rome à 
Mgr Ludovico Beccadelli, nonce à Venise, dans laquelle ils insistent pour 
demander à la République de remettre entre leurs mains trois suspects 
d'hérésie : Fra Marino Sotto, mineur conventuel, qui avait été inquisiteur 
dans la Vénétie et l’Istrie et était suspecté d’avoir favorisé les hérétiques et 
spécialement Pier Paolo Vergerio, évêque apostat de Capodistria; Giulio 
Trissino, fils de Giangiorgio le célèbre littérateur, archiprêtre de la cathédrale 
de Vicence, et enfin un prêtre Aloisio de Vicence, dont nous ne savons rien. 
ll ne semble pas qu'ils furent livrés au St-Office ; mais fra Marino subit un 
long procès à Venise, et fut remis en liberté en novembre 1561; Trissino 
mourut dans les prisons du St-Office à Venise, le 7 février 1577. Dans la 
seconde partie de leur lettre, les inquisiteurs chargent le nonce d’assurer la 
République de leur impartialité et de la rapidité de la procédure en même 
temps qu’ils se déclarent uniquement préoccupés des intérêts de la foi et du 
salut des inculpés. 


Vincenzo Pactrici, Ippolito secondo d'Este, cardinale di Ferrara. Tivol;, 
Società storia ed arte, 1922. 44 ill. Le cardinal, fils puiné d’Aphonse d'Este et 
de Lucrèce Borgia, n'avait pas encore trouvé de biographe pour mettre eg 


844 CHRONIQUE. 


lumière ses aventures. Né à Ferrare, le 25 août 1509, archevêque de Milan 
à moins de 10 ans, hôte de François Ier en mars 1536, il fut toujours un par- 
tisan de la politique française en Italie. Créé cardinal et réservé in petto le 
20 décembre 1538, publié le 5 mars 1530, il reçut le chapeau avec le titre 
diaconal de S. Marie in Aquiro le 27 octobre. Il retourna bientôt en France 
où il resta jusqu'après la mort de François Ier. Il fit à nouveau un court 
séjour en France sous le pontificat de Pie IV, au commencement des guerres 
de religion. Homme de son temps, lc cardinal fut avant tout un prince séculier 
plutôt qu'homme d'Église. Très riche, il n'avait jamais assez d’argent pour 
suffire à ses dépenses somptuaires : il aspira à la papauté ; mécène éclairé, il 
protégca de nombreux artistes qui ornèrent sa villa du mont Quirinal et 
créèrent la splendide villa d’Este de Tivoli. Le cardinal vécut assez pour 
assister au mouvement de la contre-réforme. Il s’y trouvait dépaysé, bien 
qu’à la fin de sa vie il se conduisit plus dignement que pendant sa joyeuse 
jeunesse. Ses dernières années furent assombries par la conduite de son 
neveu, le cardinal Louis d’Este ; il mourut à Rome le 2 décembre 1572. 
Une liste de littérateurs et d'artistes au service du cardinal et des documents 
inédits sont joints en appendice. 


Un petit volume de P. S. LEICHT mérite d'être signalé : Breve storia del 
Friuli. Udine, 1923. Le Frioul, l’extrème province d'Italie septentrionale 
vers l’est, a constitué la partie la plus importante du patriarcat d’Aquilée 
et en a subi toutes les vicissitudes. Leicht expose toute cette page d'histoire 
et mct en lumière les origines, les développements, la splendeur et la déca- 
dence de la principauté ecclésiastique à laquelle les donations impériales 
confièrent ce territoire. La république de Venise mit fin à l'existence de cette 
principauté qui eut grande influence au moyen âge. Ce petit volume rendra 
de grands services à ceux qui désirent se familiariser avec l'histoire des 
Églises d'Italie. 


P. Orazio M. PREMOLI, Storia dei Barnabiti nel seicento. Rome, 1922. 
In-8, 495 p. Ce volume est la suite de l'histoire de l’ordre barnabite, commen- 
cée par le méme auteur en 1913. Au début du xvrre siècle, l'ordre s'organise 
en trois provinces, mais reste toutelois limité à l'Italie. En 1608 deux religieux 
commencent des missions dans le Béarnais pour convertir les calvinistes, 
puis, sur l'invitation de $S. François de Sales, les Barnabites s'établissent à 
Annecy. L'ordre prend un développement toujours plus grand en Italie et en 
France : en 1625 il établit une maison à Vienne, en 1627, à Prague, et, en 
1631, après de nombreuses difhcultés, à Paris. Toutes ces maisons deviennent 
des centres de plus large diffusion, d'autant plus que les barnabites unissent 
au ministère des âmes l'instruction et l'éducation de la jeunesse. Le tout est 
exposé avec précision et exactitude, qui ne sont nullement entachées par le 
respect filial du religieux pour les mérites de son ordre et de ses confrères. 
L'auteur a dû s'occuper également de la question du P. Lacombe et de ses 
relations avec Madame Guyon; les défauts et imprudences du P. Lacombe 
ne sont pas cachés, mais il mitige le jugement très sévère du P. Dudon et 
montre que le P. Lacombe fut plus malheureux que coupable (p. 422). Cfr 
également Scuola cattolica, 1923, t. II, oct., p. 802 svv. 


L'article de A. C.. JeMoLo, Il giansenismo italiano, dans la Rivista 
storica italiana, 1923, p. 268 svv., est d'autant plus important qu’il détruit les 


ITALIE. 315 


nombreuses et graves erreurs de ceux qui ont abordé l'étude de cette question 
avec des idées préconçues. Le jansénisme ne pénétra en Italie que vers la fin 
du xvire siècle, par l’intermédiaire de savants étrangers, et n’atteignit au 
début qu’une part minime du clergé. Il eut une plus grande diffusion dans les 
dernières années du xvrire siècle ; toutefois, même alors, le peuple et l’aristo- 
cratie continuèrent à l’ignorer complètement ; il avait alors comme centres 
l'université de Pavie et la cour du grand duc de Toscane, Pierre Léopold. 
Ces jansénistes italiens ne se préoccupaient pas de répandre les doctrines 
Jansénistes sur la grâce, mais les théories régalistes et ils s’occupaient de 
réformes ecclésiastiques et de polémiques contre les jésuites. La Révolution 
les dispersa, et ils ne purent reprendre crédit. Toutefois ils eurent une 
influence lointaine et ceci nous amène à la partic la plus importante de l'ar- 
ticle. Les luttes antivaticanes du Risorgimento italien remirent en honneur les 
personnalités qui s'étaient affirmées dans l’opposition au Pape et parmi elles 
plusieurs de celles qui sortaient des rangs des jansénistes. La figure de Scipion 
de’ Ricci acquit de cette façon un certain relief. En 1882 parut le livre de 
À. DE GUBERNATIS, Eustachio Degola, il clero costituzionale e la conversione 
della famiglia Manzoni, dans lequel il souhaitait la constitution démocratique 
de l’Église, dont le peuple aurait nommé les pasteurs, ceux-ci leurs évêques 
et ces derniers, sans l’intervention d'un organisme aristocratique comme 
celui des cardinaux, auraient choisi le Pape. En 1885, F. ScapurTo publiait 
Stato e Chiesa sotto Leopoldo I, granduca di Toscana, et en 1891, VENTUR1, Le 
controverse del granduca Leopoldo I di Toscana e del vescovo S. de Ricci, qui 
intéressaient plus directement les relations entre l’ Église et l'État en Toscane 
que l’histoire du jansénisme. En 1907 paraissait le livre de E. RoTrA : 1! 
giansenismo in Lombardia e il prodromi del Risorgimento italiano. Il retrouvait 
les jansénistes à l’origine de l'idéologie libérale italienne, en en faisant un 
parti politique qui aurait préparé le Risorgimento de l'Italie. Comme l’observe 
à juste titre Jemolo, cette dernière étude est un des exemples les plus frap- 
pants de la déformation qu’un auteur peut donner de bonne foi à un courant 
d'idées en ne contrôlant pas son enthousiasme. Jemolo regrette également un 
travail qu'il écrivit lui-même en 1915 : Sfato e Chiesa negli scrittori politici 
ilaliani del seicento et del settecento, parce qu’il y fit œuvre plutôt de juriste 
que d’historien. Ropozin1 publia également deux travaux dans le même esprit 
que Rota, de même que A. Parisi : I riflessi del giansenismo nella letteratura 
italiana (Catane, 1919) et F. LANDOGNA : Giuseppe Mazzini et il pensiero 
giansenistico (Bologne, 1921) Ce dernier cherche à établir que la pensée 
religieuse politique du jansénisme eut une forte influence sur Mazzini. 

Jemolo, après cet examen bibliographique, aborde le fond de la question et 
arrive aux conclusions suivantes : « Certains survivants du jansénisme prirent 
rang parmi les promoteurs du libéralisme italien... Mais le jansénisme consi- 
déré comme force d'action et d'influence resta en Italie un mouvement 
essentiellement théologique, qui rarement manifesta des préoccupations 
nationales ct jamais en faveur de l’unité politique italienne ; il lutta souvent 
pour réformer la constitution de l'Église, mais n’aspira pas à l'avènement de 
réformes démocratiques dans la nation ». Jemolo cherche à donner, dans un 
autre ordre de faits, quelques mérites au jansénisme italien, mais en réalité 
il n’en eut aucun. 


P. Lucano, L'Istituto delle suore ospitaliere di Roma nel primo cente- 
 nario della fondazione, (1821-1921). Casa centrale. Ospedale di S, Giovanni, 


846 CHRONIQUE. 


(Rome, 1923. 200 p.). Ce travail met en relief une phase importante de l’his- 
toire de la bienfaisance à Rome. L'expérience avait démontré clairement 
que, dans les grandes institutions hospitalières, on assurait difficilement 
l'assistance des malades avec un personnel payé ; d'autre part, à Rome on 
n'avait pas encore introduit les sœurs comme en France. La princesse 
Thérèse Orsini, femme du prince Ludovic Doria Pamphili-Landi, dame très 
charitable, qui avait fondé, dans les environs de S. Maria de Monti, une 
petite maison pour dames se chargeant de visiter les malades à domicile, 
voulut leur imposer également la surveillance et l’assistance de l'hôpital 
pour femmes de S. Giovanni in Laterano. C’est ainsi que dans les environs 
de cet hôpital se constitua, en mai 1821, la communauté des sœurs de la 
Miséricorde qui reçurent leurs règles et constitutions apostoliques de Léon XII 
en 1827, et s'organisèrent en véritable ordre religieux en février 1834. En 
1826 d’aucuns songèrent à introduire dans les hôpitaux féminins de Rome 
les sœurs de la charité de S. Vincent ; la sœur A. Thouret, supérieure générale 
des sœurs de la charité, écrivit de Naples à Mgr Sala pour mettre ses reli- 
gieuses à sa disposition pour les hôpitaux de Rome. Mais l'offre ne fut pas 
acceptée. En 1834 l'hôpital de S. Gallicano dans le Transtévère fut égale- 
ment confié aux sœurs hospitalières ; elles y établirent leur noviciat; peu 
après elles se chargèrent également de celui de S. Giacomo in Augusta. 
Elles s’établirent même hors de Rome, à Alatri en 1857, à Zagarolo en 
1871, etc. Lugano donne également des renseignements sur la vie interne de 
l'institution et sur ses règles. Ce livre est fort intéressant en ce qu’il nous 
renseigne sur un passé qui est d’hier et qui semble déjà si lointain, tant les 
organisations hospitalières ont pris de développement dans la Ville éternelle. 


J. P. Kimscu, E. GôLLer et E. Davip ont repris la publication de la 
Rômische Quartalschrift fur christliche Altertumskunde und für Kirchen- 
geschichte, fondée et dirigée autrefois par A. De Waal. Un fascicule de 128 p. 
a paru pour les années 1916-1922. Après un hommage à la mémoire de 
Mgr De Waal, Kirsch dans un article d'ensemble (p. 5-29) : Das neuentdeckte 
Denkmal der Apostel Petrus und Paulus an der Appischen Strasse in Rom, 
examine des fouilles faites à S. Sébastien sur la via Appia et conclut : « les 
fouilles n’ont mis à jour aucun monument sépulcral des apôtres ou ayant 
servi pour y déposer leurs cadavres. La seule mémoire certaine des apôtres 
Pierre et Paul en cet endroit est la friclia avec ses dépendances. On re peut 
donner comme origine de la vénération des apôtres en ce lieu une trans- 
lation de leurs corps après leur mort ou de leurs reliques à une époque 
postérieure ; les difficultés que cette hypothèse rencontre sont trop grandes. 
Les fouilles n’ont au reste rien donné pour éclaircir l’origine et le caractère 
de cette memoria des apôtres. Wilpert, Lanciani, Delehaye et Franchi de 
Cavalieri également, ne sont pas partisans de l’hypothèse d’une translation 
des corps des deux apôtres ». — E. GôLLer, Die neuen Bestände der Camera 
Apostolica im päpstlichen Geheimarchiv (p. 38-53) signale l’accroissement des 
Archives Vaticanes durant la guerre, à la suite du transfert de tout un groupe 
de volumes du fonds de la Camera Apostolica qui se trouvaient à l’Archivio di 
Stato. G. en donne une liste indiquant sommairement le contenu et signalant 
quelques pièces plus intéressantes pour l’Allemagne. — ST. ExsEs, Bericht 
der Trienter Konzilskommission zur Residenz der Bischäfe (p. 54-78). Après 


ITALIE. 347 


avoir résumé les vicissitudes de la question pendant le concile, E. publie un 
document des Archives Vaticanes, rédigé avant le 16 juillet 1562 par les prélats 
qui avaient été chargés, le 14 avril, d'examiner la question et d’en référer aux 
cardinaux légats. Il porte le titre : Impedimenta contra residentiam episcoporum 
quibus missa fuit pravisio et responsio per S. D. N. Pium IV. Les empêche- 
ments provenaient, d’après le document, de l'insuffisance de ressources des 
sièges, des laics, des frères et moines, du clergé, de la curie romaine. Suivent 
les propositions pour rétablir la discipline et les privilèges que l’on demandait 
pour favoriser la résidence des ordinaires. — Kirsch, dans le même fascicule 
(p. 93-125), donne un précieux ensemble de notcs relatives à l'archéologie 
chrétienne et une bibliographie systématique des ouvrages parus sur le même 
sujet depuis 1914. 


Le périodique Studi Medievali, que le regretté F. Novati publia de 1904 
à 1913, n'eut pas, malgré son importance, toute la notoriété qu’il méritait. 
Il vient de renaître, en 1923, sous le titre Nuovi studi medievali. Son direc- 
teur Vincenzo CREScINi, s’est assuré la collaboration de Ermini, Fedcle, 
Leicht, Levi, Suttina et Ussani. Dans le premier volume notons l'étude de 
N. Tayassta ET V. Ussant : Epica e storia in alcuni capitoli di Agnello Raven- 
nate. L'auteur du Liber Pontificalis de Ravenne donne matière à de nom- 
breuses discussions même après les belles études de Mgr Testi-Rasponi et 
de Lanzoni. Les deux auteurs examinent les chapitres 135 et suivants où 
Agnello raconte les terribles vicissitudes de la lutte de Ravenne contre la 
domination grecque, après la restauration de Justinien II, au moment où 
la cité, ayant déjà conquis son autonomie par un diplôme de Constant II, 
se trouvait en lutte avec Rome et était combattue par les Lombards. Le récit 
de Agnello, coloré de poésie et de réminiscences virgiliennes, a une cadence 
métrique, ce qui permet aux deux érudits de conclure que le récit dépend 
d’un texte épique plus ancien écrit en vers. Au reste, Agnello et Paul Diacre 
avaient emprunté à un récit en vers l’histoire du meurtre du roi Alboin par 
Rosemonde. 


Le Didaskaleion, studi di létteratura e storia cristiana antica, qui se 
pPubliait à Turin et avait cessé de paraître depuis 1917, a reparu en 1933. 
(Nouvelle série). Notons une étude de L. GATTI, La passio SS. Perpetuae et 
Felicitatis, p. 31 sv., où l’auteur conclut à l'originalité du texte latin par 
rapport au texte grec ; celui-ci est une traduction faite par un auteur diffé- 
rent de celui qui écrivit le texte original latin; l'original, en effet, écrit 
entièrement en latin, a été rédigé par divers auteurs, tandis que la traduc- 
tion grecque est due à une même personne. — G. RÉvay, de l'université” 
de Budapest, sous le titre étrange : Pistorum praecipuus (ibid. fasc. 2), 
examine un passage de l'Octavius de Minucius Feli.r dans lequel Cecilius 
termine sa péroraison antichrétienne par ces mots : « ecquid ad haec, ait, 
audet Octavius homo Plautinae prosapiac ut pistorum praecipuus ita postremus 
Philosophorum ». Il l'interprète dans ce sens : « Octavius, cet homme appar- 
tenant à une certaine secte de cyniques, autant il est estimé parmi ses corré- 
ligionnaires, autant doit-il être considéré comme le dernier des philosophes », 
Interprétation ingénieuse, mais qui ne semble pas pouvoir se substituer 
à celle admise jusqu'à ce jour et que Révay veut écarter. 


548 CHRONIQUE. 


La revue I! nuovo bullettino di archeologia cristiana a cessé de paraître 
avec le tome de 1922, paru en 1923. Elle avait succédé, sous la direction de 
E. Stevenson, puis de O. Marucchi, à la revuc Z! bulletino di archeologia 
cristiana, fondée en 1863 par G. B. de Rossi. La commission pontificale 
d'archéologie sacrée qui seule, depuis soixante-dix ans, a la direction des 
fouilles dans les catacombes romaines, la conservation des monuments et 
objets funéraires, et un droit de surveillance sur les monuments sacrés de la 
ville, commence en 1924 la publication d’une Rivista di archeologia cristiana, 
imprimée par la firme Bestetti et Tumminelli de Milan-Rome. Un beau 
numéro programme vient de paraître. La revue aura quatre fascicules annuels 
avec illustrations et planches et renfermera deux parties : le compte rendu 
officiel des actes de la commission et des travaux qu’elle entreprend ; des 
études-notices qui directement ou indirectement ont rapport à l’archéologie 
sacrée. Le numéro programme donne un aperçu des initiatives prises, tout 
particulièrement durant les cinq dernières années, par la commission 
d’archéologie sacrée. Le prix annuel est de L, 50 pour l'Italie, de 75 pour 
l'étranger. Adresse : Via della Pigna, 13, à Rome (x7). P:P. 


— Le monumental ouvrage de M. A. VENTURI, Storia dell’ arte italiana, 
comprend aujourd’hui onze tomes considérables, tous illustrés richement. 
Les six premiers volumes sont épuisés, — le premier parut d’ailleurs dès 
1901, — et leur prix est inabordable. Le septième, comprenant environ 
4000 pages et divisé en quatre tomes, a pour objet la peinture italienne du 
xve siècle. Le premier tome du volume VIIIe a paru récemment (Milan, 
Hoepli, 1923. In-8, xr1-930 p. 713 fig.) Il se rapporte à l'architecture du 
xve siècle et plus spécialement à l'architecture florentine (Brunellesco, 
Alberti, lcurs prédécesseurs et leurs continuateurs), à Lucien Laurana, aux 
architectes de Sienne. Comme dans les tomes précédents l'illustration est 
riche et variée. On est frappé par la part importante attribuée à la sculpture 
décorative. Sous ce rapport il y aura là un complément précieux pour le 
volume VI de l'ouvrage, consacré à la sculpture du quattrocento. On ne 
trouve dans le tome nouveau, pas plus que dans les précédents, aucun plan 
terrier, ni aucun autre relevé géométral. C'est une lacune lorsqu'il s’agit 
d'histoire de l'architecture. Au surplus l'extraordinaire richesse en ren- 
seignements, généralement sûrs, rendra cette partie de l'ouvrage indispen- 
sable à celui qui veut étudier l’architecture italienne de la première 
Renaissance. R. M. 


— Le Corpus nummorum italicorum, le magnifique catalogue des monnaies 
médiévales et modernes frappées en Italie, s’est enrichi dernièrement d’un 
nouveau volume, le t. VI (1922), qui comprend les monnaies des ateliers moins 
importants de la Vénétie et de la Dalmatie-Albanie. Le volume intéresse éga- 
lement l’histoire ecclésiastique ; nous y rencontrons le catalogue des monnaies 
d’Aquilée. Le patriarche fut, en effet, seigneur du Frioul et reçut le droit de 
frapper monnaie de Conrad II, le Salique, en 1028. Les derniers exemplaires 
sont ceux du patriarche Ludovic de Teck (+ 1437), parce que la Vénétie 
s'empara du Frioul en 1420 et y introduisit sa propre monnaie. Suit la liste 
des monnaies frappées par les évêques de Trente, à partir de l'évêque 
Albert (1156-1177), jusqu’à Pierre Vigile des comtes de Tun (+ 1796) ; par les 
évêques de Trieste, depuis Henri (1200-1203), jusqu'à Rodolphe (1303): la 


PAYS-BAS. 349 


seule période durant laquelle ces évêques eurent un pouvoir seigneurial. En 
Albanie et en Dalmatie il n'y eut pas d'évêques qui frappèrent monnaie. 
Cette collection, publiée sous le patronage du roi d'Italie, est enrichie 
d'excellentes illustrations reproduisant les divers types de monnaie, généra- 
lement d'après les originaux eux-mêmes. | 


Le professeur A. Venturi a été l’objet d'une manifestation le 15 novembre 
dernier ; elle se tint dans la salle appelée du Mappamondo, au palais de 
Venise. Elle avait pour objet de donner au maître incontesté de l’histoire de 
l'art en Italie un témoignage d'’admiration à l'occasion de son 25me anniver- 
saire d'enseignement universitaire, à Rome. Avant lui il n'y avait dans 
aucune université d'Italie une chaire d'histoire de l’art ; à Rome il forma un 
groupe de disciples qui répandirent les idées et l’enseignement du maître 
dans toute l’Italfe. Lorsqu'il commença son enseignement à Rome il entreprit 
également la publication de la revue l’Arte dont il est encore le directeur 
autorisé. Une fondation Venturi, en faveur de l’histoire de l’art, a été consti” 
tuée à l'occasion de cette manifestation. P. PASCHINI. 


— Le Bessarione ne survivra pas à la mort de son fondateur, le cardinal 
N. Marini, décédé le 27 juillet 1923. Depuis 1896, cette revue universellement 
appréciée a publié 163 fascicules, formant 39 volumes, remplis d'études 
intéressantes sur les églises orientales. On regrettera que disparaisse, surtout 
en ce moment, un tel organe scientifique fondé dans un but tout à la fois si 
noble et si important : « per facilitare l'unione delle Chiese dissidenti ». Le 
dernier numéro paie un légitime tribut d'hommages à la mémoire du cardinal 
Marini, dont il retrace la biographie et la bibliographie. , 

— Depuis 1922 paraît à Fiume une revue mensuelle intitulée : La rivista 
fumana, Delta (Fiume, via G. Carducci 11. Prix : 15 Lires), sous la direction 
de MM. A. Marpicati, Br. Neriet Ant. Widwar. Elle est surtout littéraire, 
mais en 1933, elle a édité un fascicolo spirituale consacré aux auteurs mystiques 
par P. Zoufrognini et Aug. Hermet. M. G. Manacorda a traité de Ruusbroec 
l'admirable. H. N. 


— Depuis 1923, le Pontificio Istituto orientale publie, sous le titre Orientalia 
christiana, des études ct des textes, en fascicules plus ou moins importants et 
à des intervalles irréguliers. La collection formera chaque année au moins 
un volume de 320 p. et contiendra aussi des recensions et des notes biblio- 
graphiques sur les publications relatives à l’Orient. 


— Décès. — Le 28 février est mort à Rome le baron RoDOLPHE KANZLER, 
fils du dernier général-commandant des milices pontificales. Il s'occupait 
activement de l'étude des antiquités chrétiennes de Rome et de la musique 
grégorienne. 


Pays-Bas. — Récemment, les périodiques et les journaux (N. Rott. Cour. 
1923), ont vivement attaqué M. O. Oppermann, professeur de sciences auxi- 
liaires et d'histoire du moyen âge à l’université d’Utrecht. L'assaut a été 


# 


990 CHRONIQUE. 


mené par le professeur Huizinga qui reproche à M. Oppermann d'avoir 
introduit dans le pays (M. Oppermann est d’origine allemande) l'hypercri- 
tique et d’avoir « empoisonné », par les travaux de ses élèves, Brandt, ten 
Haeff, Enklaar et Berkelbach van der Sprenkel, les recherches d'histoire 
médiévale. Hâtons-nous de dire que ces critiques sont injustifiées dans leur 
ensemble et qu'elles n'empêcheront pas M. Oppermann de continuer son 
œuvre d'épuration. 

. En réalité la controverse, qui a pris des proportions démesurées, porte sur 
le degré de confiance qu’il faut accorder aux Annales Egmundani, M. OPPER- 
MANN réduit ce crédit à sa juste valeur dans ses : Untersuchungen zur Nord- 
Niederländischen Geschichte (Utrecht, 1920-1921), si précieux pour l’histoire 
religieuse des Pays-Bas aux xre-xrie siècles. La critique diplomatique est 
également intéressée à ces études si fouillées, à preuve le récent travail de 
M. OPPERMANN : Over de verhouding der Annales Rodenses tot de vervalschte 
oorkonden uit Kloosterrade dans le Ned. Archievenblad, 1923-1924, t. XXXI, 
p. 97-99. Quant aux études de M. Enklaar et Berkelbach, elles ont trait à 
l’histoire externe du diocèse d’Utrecht du xrrre et du xve siècle ; elles n’ont 
pas donné lieu à des critiques aussi passionnées. 


Le Geschiedkundige atlas van Nederland, publié sous la direction du 
professeur P. BLox, s’est enrichi de nouvelles cartes avec commentaire, qui 
intéressent au premier chef nos études : De kerkelijke indeeling omstreeks 
1550, tevens kloosterkaart. III. De bisdommen Munster, Keulen en Luik, door 
Dr J. van Ver ; Het bisdom Doornik en de kloosters van Windesheim en de 
huizen van de Broeders en Zusters des gemeenen levens, door Dr A. BEEKMAN 
(La Haye, M. Nyhoff, 1923. Cartes et un vol. in-8, vir1-118 p.). Les cartes des 
diocèses, divisés en doyennés, se distinguent par la clarté de leur exécution 
et l'exactitude des tracés topographiques. Le commentaire contient, par 
ordre de doyennés et de localités, tous les renseignements connus sur chaque 
église : patron, origine de la paroisse, nombre de chapelles, collateurs, mai- 
sons religieuscs, etc. Ces renseignements sont tous puisés, peut-être d’une 
façon trop exclusive, dans des sources imprimées. Les cartes ne donnent en 
détail que les doyennés des Pays-Bas actuels; quant au commentaire, il 
manque de table générale. H. N. 


— La Commission pour la publication des inventaires de monuments d'art 
et d'histoire des Pays-Bas publie des volumes provisoires, qui font place 
dans la suite à des inventaires définitifs, illustrés de nombreux dessins et 
photographies. Déjà des volumes provisoires ont paru pour les provinces 
d'Utrecht, Drenthe, Hollande méridionale, Gueldre, Hollande septentrionale 
(moins Amsterdam) et Zélande. Récemment s'est ajouté à la série le volume 
pour Overijssel (Voorloopige Lijst der nederlandsche monumenten van Geschie- 
denis en Kunst. La Haye, 1923. In-8, viri-227 p.). Il est l’œuvre de M. F. A. 
HorFEr, assisté de MM. Wazrer TE RIeLE et E. J. HaszinGuuis, secrétaire 
de la Commission. On y trouve notamment la description des importants - 
monuments de Deventer, Kampen, Zwolle, etc. KR. M. 


— Le style baroque, fort déprécié depuis le clacissisme du xvirie siècle et 
le romantisme du xixe, est remis en honneur depuis trente-cinq ans ; « il est 


PAYS-BAS. 9351 


” découvert à nouveau comme l'ont été Shakespeare et Bach. » Dans un 

discours prononcé au congrès philologique de Leyde (1922), M. G. Brou 
(Barok en Romantiek. Groningue, Woilters, 1923. In-8, 82 p., x pl.) donne une 
esquisse rapide et sûre des travaux consacrés à la réhabilitation du style 
baroque et une bibliographie très utile pour l'étude de la question. Le paral- 
lèle qu’il établit entre le romantisme et le baroque est particulièrement 
suggestif. 

Deux ouvrages allemands, différents de tendances et de méthode, se 
sont efforcés de leur côté, dans une large synthèse, de faire comprendre et 
de faire valoir le grand art de la Contre-Réforme catholique (W. WeisBAcu, 
Der Barock als Kunst der Gegenreformation. Berlin, P. Casirer, 1921. In-8, 
232 p., 99 fig. ; W. HAUSENSTEIN, Vom Geist des Barock. 3me édit. Munich, 
R. Piper, 1921. 134 p., 74 fig.) Ils se rencontrent dans leurs conclusions 
lorsqu'ils envisagent le style baroque comme l'expression artistique de la 
Contre-Réforme catholique : aussi riche en productions, aussi épris de 
mouvement, que celle-ci est féconde et fièvreusement active. Comme la 
Contre-Rétorme, par l’action de saint Ignace, de sainte Thérèse, de la mys- 
tique espagnole, fait appel aux sens pour entraîner vers la vie spirituelle, 
ainsi l’art baroque cherche l'illusion du tangible, le réalisme dans les scènes 
de martyre, l'intensité de l’expression psychologique, allant parfois jusqu’à 
l'érotisme. A. SruB8e, C. SS. R. 


— M. D. Brerens-DE HaaAN étudie le mobilier en bois et notamment le 
mobilier religieux de l’époque gothique et de la Renaissance, dans les Pays- 
Bas du Nord {Het houtsnijwerk in Nederland, tijdens de Gotiek en de Renaïs- 
sance. Avec préface du Dr J.Kalf. La Haye, M. Nihoff, 1921. In-4, 166 p. 
et 210 fig. sur 155 pl.). Il s'efforce de montrer comment le gothique et la 
renaissance s'adaptent à la menuiserie et à son décor, tout en leur conservant 
un caractère spécifiquement hollandais ; il fait ressortir la raison d’être des 
formes et de la construction, l’évolution de l’ornement, sa tendance à exprimer 
la mentalité d'une époque. La construction des meubles d'art et leur icono- 
graphie sont décrites avec une grande exactitude et une connaissance parfaite 
de la terminologie néerlandaise. L'auteur base son exposé sur des mono- 
graphies et des textes d'archives, sur des reproductions fournies par la pein- 
ture et la miniature, mais avant tout sur sa connaissance personnelle très 
étendue du mobilier qu’il décrit. 

Son ouvrage prendra rang dans la même série que les ouvrages de Galland, 
de Pit, de Sluyterman et de Vogelsang. Il en est le complément, car tandis 
que ceux-<i étudient, soit les meubles appartenant à un musée, soit ceux 
d'époques plus récentes, ou encore le meuble en rapport avec l’intérieur 
hollandais, M. Bierens-De Haan étudie pour lui-même le mobilier artistique 
de style gothique et de la renaissance. Il le recucille dans le pays entier et le 
rend accessible à tous. FL. VAN DER MUEREN. 


— La revue De Beiaard (fasc. de Déc. 1923. Bois-le-Duc, Teulings) con- 
sacre à saint Thomas d'Aquin, à l’occasion du sixième centenaire de sa cano- 
nisation, une série d’études illustrées par des reproductions de gravures et 
de tableaux relatifs à la vie et à la gloire du saint. Plusieurs de ces travaux 
intéressent l’histoire des doctrines. Citons : Sint Thomas en de mystiek 


3952 CHRONIQUE. 


(p. 415-427), par le P. J. van WeLy; Thomas’ kenleer (p. 427-454), par le 
Dr B. Luycxx, O. P. Dans l'étude intitulée Thomas van Aqguino en Siger van 
Brabant (p. 455-478), le Dr F. SasseN, de Rolduc, expose ce qu’il croit être la 
note juste sur S. Thomas et Siger comme commentateurs d’Aristote. Cer- 
taines de ses conclusions nous paraissent discutables. Dans un dernier article, 
De Triomf van Sint Thomas (p. 479-492), le P. MozKkENBoOER, O. P., commente 
les tableaux et gravures reproduits au cours du fascicule. La série de ces 
« Trionf », glorifiant en Thomas d'Aquin le Saint et le Docteur, s'ouvre par 
une fresque de l’ancienne église des Dominicains, à Maestricht ; elle fut peinte 
en 1337, quatorze ans après la canonisation de $S. Thomas (18 juillet 1323)- 
Cette étude constitue un beau chapitre d’iconographie chrétienne et thomiste. 
Tout ce fascicule fait honneur à la province dominicaine de Hollande, à 
laquelle appartiennent la plupart des auteurs cités. KR. M. Marrin, O. P. 


Pologne. — Le deuxième congrès de la Ligue des institutions théologiques 
tenu à Lublin en 1923, avait décidé de publier la traduction des principaux 
ouvrages des Pères de Église. La collection Pisma Ojcéw Kosciola [œuvres 
des Pères de l'Église] a commencé par les écrits des Pères apostoliques, 
traduits et annotés par A. Laisiecki (Pisma Ojcow Apostolskich. Poznan, 1924. 
468 p.). Sont sous presse les ouvrages de Minucius Felix, d'Eusèbe, de S. Jé” 
rôme. Parmi les collaborateurs, signalons A. Ztaniawski, WI. Chotkowski et 
G. Borowski. 


Le 16 mai 1657, à Janow, le jésuite André Bobola subit le martyre de la 
part des schismatiques russses. Il a été béatifié le 30 octobre 1853. La 
Pologne travaille activement à obtenir sa canonisation. Avec saint Josaphat 
Kuntsévich, il serait un second patron de l'union des Églises. Une vie du 
bicnheureux, qui répond en même temps aux exigences de la critique histo- 
rique et de la piété des fidèles, a été publiée par le P. M. CzErMiINsKi, S. J. : 
BI, Andrgej Zobola : jego 3 ycie, menczenstwo à kult (Cracovie, 1922. 266-2 p.) 


Les Roczntki [annuaires] Katolickie. T. II : 1923 (Poznan 1924. 629 p.) 
que publie l'abbé Nic. Creszynski, contiennent une chronique religieuse 
fort étendue, où sont passés en revue les principaux événements de l’annéc 
écoulée. Les chapitres consacrés à l'Église catholique en Russie (p. 321-360) 
et en Pologne (p. 421-622) présentent un intérèt spécial non seulement 
parce que l’auteur s’y appuie sur des sources de première main, mais aussi 
parce qu'il y donne de nombreux renseignements sur la vie religieuse et 
intellectuelle de ces pays, qu'on ne trouve pas ailleurs. Ainsi, touchant la 
Russie, il fait connaître les conditions actuelles imposées au clergé russe 
orthodoxe par le régime bolchéviste, les espérances de |” apostolat catholique 
et les chances de réunion des différentes Églises. Concernant la Pologne, il 
traite, mais avec un pessimisme injustifié, de l'Église ruthène-uniate de 
Galicie ; il nous révèle l’existence d'une revue bimensuelle Polska odrodzona 
[La Pologne régénérée], publiée par l'Église nationale de Pologne. Quelques 
erreurs peu importantes qui s'étaient glissées dans cette chronique polonaise, 
ont été relevées dans le Przeglad Katolicki (p. 106-107) du 17 février 1924. 


ROUMANIE, 358 


L'université de Lublin, la cinquième université érigée en Pologne, a été 
fondée en 1918 par un ancien élève de Louvain, le Dr Inzr Rapziozzwsxi, 
directeur du séminaire catholique de Wloclawek. En 1919, elle a érigé une 
faculté de théologie catholique, à laquelle la Congrégation des études a 
reconnu le droit de conférer les grades de bachelier, de licencié et de docteur. 
Voici les titulaires des chaires de cette faculté : doyen : le Dr P. KREMER ; 
dogmatique : les Drs C. LacrAmPe et Z. OGarEk; morale : J. WoRonNIEcKki 
et WL. KoRNILLOWIcCz ; sciences bibliques : G. FERMENT et X. KRuszYNSKkI; 
patrologie et histoire : J. Cziy et les Drs R. Konecxi et J. Uminsxr. Ce 
dernier vient de publier un ouvrage intitulé : Le danger tartare vers le milieu 
du XIIT° siècle et Innocent IV (Léopol, 1923). A. PALMIERI. 


Roumanie. — L'église princière d'Argès présente le plus vif intérêt tant 
pour l'histoire ecclésiastique de Roumanie que pour l’histoire de l’art 
byzantin. Le commencement de sa construction date du règne du voëvode 
Bassarab-le-Grand qui, au lendemain de sa célèbre victoire sur Charles- 
Robert, roi de Hongrie, transforma sa résidence-forteresse en une véritable 
ville. Elle ne fut terminée que sous le règne du petit-fils de Bassarab, Radu 
Vodà, dont le nom est resté attaché, dans les chroniques roumaines, à la 
fondation de l’église. Sous le prince Nicolas Alexandre, fils de Bassarab, la 
Valachie avait déjà été érigée en métropole, dépendante du patriarcat de Con- 
stantinople (1359). À cette occasion, on avait élevé, à côté de l’église, la 
résidence du métropolite. L'église elle-même a été construite en style 
byzantin, probablement par des architectes serbes. 

Au x1xe siècle, elle a subi plusieurs travaux de restauration partielle. Enfin, 
grâce à l'initiative de la commission des monuments historiques, elle a été 
complètement restaurée de x91x1 à 1920. Des fouilles faites dans le sous-sol, 
au cours de ces derniers travaux, ont mis à jour quatorze tombeaux princiers. 
Les peintures à fresques qui ressemblent aux mosaïques de l’église byzantine 
de Khora, mosquée de Kahrié-Djami, ont été admirablement restaurées sous 
la direction de l’Institut archéologique russe de Constantinople. Les inscrip- 
tions qu’on y a retrouvées sont la plupart en grec. La commission des 
monuments historiques vient de consacrer à la description de ce monument 
national un superbe volume, richement illustré, qui comprend les t. X-XVI 
(1917-1923) de son Buletinu Comisiunii Monumentelor istorice (Bucarest, 1923. 
In{ol. 286 p. 305 grav. dont plusieurs en couleurs). Au point de vue de 
l’histoire ecclésiastique, l’étude de ViIRGILIU DRAGHICEANU est, sans aucun 
doute, la plus importante. Elle fait connaître les relations qu'ont entretenues 
les voëévodes roumains avec le Saint-Siège, le patriarcat de Constantinople, 
l'ordre militaire de Saint-Jean, les missionnaires dominicains et franciscains. 
Ces derniers possédaient, à Campulung, une église et un monastère. D’autres 
écrivains de première valeur, Cerchez, Onciul, Ghika-Budesti, Moissil, 
Rainer, Panaitescu, Mihail, Bratulescu, Cancel, Jorga, s’attachent à faire 
connaître l'architecture, la peinture et les inscriptions du monument. 


La Bonne Presse catholique roumaine vient de publier : Calendarul Presa 
Bun pe anul 1924 (Jassy, 1924. 66 p.) Nous le mentionnons ici parce qu'il 
contient des renseignements utiles sur la vie et l’organisation de l’Église 
Catholique dans l’Europe Orientale, particulièrement en Roumanie. 

A. PALMIERL 


354 CHRONIQUE. 


Suisse. — Les trois derniers fascicules parus du Dictionnaire historique et 
biographique de la Suisse vont de Cantone à Decroux. Parmi les articles ayant 
trait plus spécialement à l'histoire ecclésiastique, on peut mentionner Catho- 
lique-chrétienne (Église), où l’on trouvera des renscignements sur les ori- 
gines, le développement et l’état actuel des groupes vieux-catholiques en 
Suisse ; Christianisme (Établissement du) qui place au 1ve siècle l’organisation 
de l'Église dans les régions helvétiques ; Confréries, etc. 


M. ErNesT DaucourT vient de publier un volume sur Les troubles 
de 1836 dans le Jura bernois (Porrentruy, 1923. 335 p.). Quelques cantons, 
Lucerne, Berne, Bâle-ville, Soleure, Saint-Gall, Argovie, Thurgovie, 
dans une conférence tenue à Baden (1834), avaient pris des décisions qui 
empiétaient, en matière religieuse, sur les droits de l'Église. Quelques 
régions catholiques, entre autres le Jura Bernois, protestèrent contre leur 
application. De là, en ce dernier pays, des pétitions, des manifestations qui 
provoquèrent, de la part de Berne, une occupation militaire et des actes de 
violence contre quelques prêtres. M. Daucourt a inséré dans son récit de 
nombreux documents qui permettront de se faire une idée plus précise des 
faits. 


La Faculté nationale de théologie de Neuchâtel a célébré le 21 novem- 
bre dernier le cinquantième anniversaire de sa fondation, en même temps 
que le cinquantième anniversaire du professorat de M. Henri Du Bois, 
doyen et professeur de dogmatique, le quarantième de M. Ernest Morel 
(Exégèse du N. T.) et le vingt-cinquième de M. Emile Dumont (Encyclo- 
pédie des sciences théologiques). Plusieurs universités suisses étaient repré- 
sentées à cette fête, 

A cette occasion, M. ADRIEN NAVviLLB, ancien professeur aux universités 
de Genève et de Neuchâtel, a reçu le titre de docteur en théologie honoris 
causa de l’université de Neuchâtel. 


La faculté de théologie de Fribourg-en-Brisgau a décerné, le 19 décem- 
bre 1923, à Mgr ScHMID von GRÜNECK, évêque de Caire, le titre de docteur 
honoris causa. 


Dom Ienace Sraus, O. S. B., docteur en philosophie de l’université de 
Fribourg (Suisse), a été élu, le r9 décembre 1923, abbé d’Einsiedeln, en rem- 
placement du Rme P, Thomas Bossart. Il est l’auteur d'un Manuel d'histoire, 
en langue allemande, à l'usage des collèges. 


Déces. — Le 13 novembre 1923, est décédé M. RayMonD DE Boccarp, 
directeur du musée artistique et historique de Fribourg. Il entrait dans sa 
80e annéc. | 

À Genève, le 19 janvier, est mort M. Francis CHAPONNIÈRE, né le 
6 avril 1842. Il avait été privat-docent à la faculté de théologie de Genève 
(1870-1879), et, pendant quarante ans (1880-1920), rédacteur en chef de la 
Semaine religieuse où 1l polémiquait en faveur de la Réforme. On lui doit : 
La question des confessions de foi au sein du Protestantisme contemporain 
(2 vol., 1887), Pasteurs et laïques de l'Église de Genève au XIX* siècle (1889), 
et une vingtaine d'articles de l'Encyclopédie des sciences religieuses. 


YoticosLAVIÉ. | 85 

Le 28 janvier est décédé M. F. F. LerrsCHUH, professeur d'histoire de 

l'art à l’université de Fribourg. Il a publié divers travaux sur cette matière, 

notamment : Studien und Quellen zur deutschen Kunstgeschichte des XV. 
XVI. Jahrhunderts, 1912. A. M. Jacquix, O. P. 


Ukraine. — Léopol, la métropole de l'Église ruthène-uniate, reste 
toujours le foyer le plus intense de la littérature ukrainienne. Elle est le 
siège de la société scientifique, dite de Shchevchenko, nom du poète national 
de l'Ukraine. Cette société fait paraître les Zapiski, dont la publication, inter- 
rompue pendant la guerre, a été reprise dès 1920. Les trois volumes qui ont 
paru successivement en 1920, 1921 et 1922, contiennent quelques travaux qui 
se rapportent directement à l’histoire religieuse. Ainsi, J. Horpynsky1 : La 
tragicomédie Vladimir et Théophanes Prokopowicz (1920, t. CXXX, p. 19-71 ; 
1921, t. CXXXI, p. 65-122 ; 1922, t. CXXXII, p. 65-134) donne, sous un titre 
quelque peu trompeur, une étude remarquable et fort originale sur le rôle 
politique et l’activité littéraire du savant métropolite Prokopowicz, qui 
inspira à Pierre le Grand sa réforme synodale du clergé russe. L'auteur y fait 
revivre tout le mouvement religieux qui se dessina dans la petite Russie au 
xvirte siècle. Il insiste en particulier sur l’intervention de l'académie théolo- 
logique de Kiev, qui s'efforça de répandre ses idées par le théâtre. — 
M. Vosnyak (1920, t. CXXX, p. 107-119) donne une esquisse historique sur 
l'imprimerie du monastère basilien de Pochaev, qui publia, au xvirre siècle, 
un grand nombre de livres liturgiques. — A, ANDROKHOVICH, Lvivski Studium 
ruthenum (1921, t. CXXXI, p. 123-195 ; 1922, t. CXXXII, p. 65-134) retrace 
l'histoire du séminaire ecclésiastique de Léopol, qui est la plus célèbre des 
écoles théologiques monastiques de l'Église ruthène-uniate, Sa fondation 
remonte à 1773-1779. Il a été construit grâce au métropolite Léon Sceptycki 
eta compté parmi ses professeurs des théologiens de valeur, dont Paul 
Leontowyc (1825-1890), qui est réputé comme un des écrivains les plus féconds 
du clergé ruthène. M. Androkhovich donne la biographie de ces professeurs. 
-+ B. GÉRASIMCHUK (1923, t. CXXXIII) résume la carrière littéraire de 
Michel Grouchewski, l'historien du peuple et de la littérature ukrainiennes. 

La société Shchevchenko a publié aussi deux chroniques de ses travaux 
pour les années 1914-1920 (n°s 60-64) où l’on peut relever des notices nécro- 
logiques de deux historiens ukraniens bien connus : Ivan Franko et Ivan 
Lewiki, 

Bohoslovia, l’intéressante revue de la société théologique ruthène de 
Léopol, fondée par le métropolite André Sceptycki, a consacré sa dernière 
livraison de 1923 au troisième centenaire de S. Josaphat Kuntsévich, martyr 
de l'union en 1623. Nous y relevons, comme regardant l'histoire ecclésiastique, 
la biographie de S. Josaphat par J. SCHRYVERS ; une étude sur son style (qui 
a subi l'influence polonaise) par le Dr YA. Gorpinsky ; enfin un travail de 
P. HouINe sur la vie de Joseph Velamine Rutskeji, appelé l’Athanase de 
l'Église ruthène uniate, qui s’appliqua surtout à relever le niveau intellectuel 
de son clergé, A. PALMIERI. 


Yougoslavie. — Dans la Narodna Starina de Zagreb (1923, p. 244-254), 
Gjuro Szao montre l’évolution de l'orfèvrerie religieuse (calices, ostensoirsg 


356 __ CHRONIQUE. 


et encensoirs) dans l’art croate. Il relève notamment l'influence exercée sur 
les artistes yougoslaves par l’art italien et allemand. 


L'ouvrage intitulé : Dante : raccolta di studi a cura de ALoyzi] RES 
(Gorizia, Paternolli, 1923. 190 p.) a paru également, en slovène, à Lubliana, 
chez Kleinmayer et Bamberg. Il contient treize travaux composés par les 
meilleurs écrivains italiens et silovènes sur l’œuvre poétique de Dante et sur 
son importance mondiale. Mentionnons, parmi eux, l’étude synthétique du 
Prof. A. Usenicnik sur la philosophie de Dante, et le beau travail biblio- 
graphique du Prof. J. DeBevec, énumérant les versions de la Divine Comédie 
en tchèque, polonais, russe, bulgare, serbe, croate cet slovène. 

M. Deggvec publie également, dans la revue de Lubliana Dom in Sviet, 
une nouvelle version slovène de la Divine Comédie, qui est remarquable par 
sa fidélité autant que par son élégance. À. PALMIERI. 


tiODICAL ROOM 
ERAL LIBRARY 
UV. OF MIEH. 


Publication trimestrielle 


YINGT-CINQUIÈME ANNÉÉ. — T. XX, F. 9-4. JUILLET-OCTOBRE 1924 


nee 


UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN 


nest 


REVUE 
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE 


fondée en 1900 par 
A. CAUCHIE et P. LADEUZE 


et publiée sous la direction de 


A. DE MEYER, R. KOERPERICH, J. LEBON 
CH. TERLINDEN, É. TOBAC et L. VAN DER ESSEN 


SOMMAIRE : 


J. Lebon. La position de saint Cyrille de Jérusalem dans les os 

provoquées par l’arianisme (suite et fin) à SR 357 

Augustin Fliche. Le pontificat de Victor II (1086-1087). . . 387 

P. Richard. La monarchie pontificale jusqu'au concile de Trente. 413 
Mélanges : E. de Moreau, S. J. Le transfert de la résidence des 

évèques de Tongres à Maestricht . . 457 

P. Debongnie, C. SS. R. Le chroniqueur de S.-Séverin. 485 

Comptes rendus (Vorr la table complète au verso). . . . . 477 

GhroRIQue: 5 42 le se ed à are A de de à ag À 


577 
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . 153* 


Compte chéèques-postaux n° 39,421 


LOUVAIN 
BUREAUX DE LA REVUE 


AO, RUE DE NAMUR, 40 


Tous droits de reproduction ct ile traduction réservés. 


Louvain. — Imprimerie PIERRE SMEESTERS, rue Ste-Barbe, 18, 


1924 


Voir AVIS IMPORTANT au verso. 


AVIS IMPORTANT. 


À partir de 1925, le prix annuel de la REVUE D'HIS- 
TOTRE ECCLESIASTIQUE est de 60 francs pour les pays à 
change élevé et de 45 francs pour les pays à change bas, 
payables au début de l’année. — Prix de la collection com- 
plète des 86 volumes parus depuis 1900 jusqu’en 1924 inclu- 
sivement, 520 francs, le port en sus. É 

L'abonnement court indéfiniment. | 

On est prié d’adresser les demandes d'abonnement au 
COMITE DE RÉDACTION, rue de Namur, 40, Louvain (Bel- 
gique). 

Dépôt et agence d'abonnement en France, chez M. A. Pi- 
card, éditeur, 82, rue Bonaparte, Paris (VI°). 


COMPTES RENDUS 


M. À. Martinez. Archivo general de Simaneas, (J, LEFÈVRE.). ; 477 


C. R. Borland. A descriptive calolosue of the western mediaeval manus- 
cripts in Edinburgh University Library. (J, DE GHELLINCK.) . . 479 
. D. Nielsen. Der dreieinise Gott in religionshistorischer Beleuchtung. T. nn: 
Die drei sottlichen Personen, (E. GRÉGOIRE.) : ; 483 
M. W. Healy Cadman. he last journey of Jesus: to détient 
(J. CoPrENxs.). ; . 480 


F. J. F. Jackson et K. Lake. The jé inniners ‘of habits: Abe The 
Acts of the Apostles, T. Il: Prolecomena Il : Criticisim."(J. AUBOURG.) 488 
A. M. Jacquin. Portrails chrétiens. L'Eglise primitive. (J. FLAMION.) : 501 


E. G. Sihler. From Ausust 10 Augustine. (J. FLAMION.) : d02 
W. Samday et C. H. Turner. Noyum Texlamentum nent rene 

Episcopi Lusdunensis. (J. DE GHELLINEK.) _. . ; : 504 
Th. Ruther. Die Lehre von der Erbsünde bei Clemens von eu ien. 

(3. FLAMION.) . : ; ; 5 ; : . : ; 507 
F. Ramorino. Tertulliano. (J. GE 19 : ‘ #09 
P. Vitton. | concetti giuridiei nelle opere de Tertulliano. (P. PASCIINL.) 511 
F. Loofs. laulus von Samosala. (G. BARDY.) ; ; ‘ : 12 
P. Batiffol. Le Sièue apostolique (4:9- 451). (I. LÉANtOX) , ï ë à 916 
U. Moricca. San Girolamo. (4. FORGET.) . : ‘ ; 518 
J. B. Aufhauser. Christentum und A in finse um Fern- 

asien, (A. DE MEYER.) : : : . ; : ; 520 
Ali Tabari. he Bouok of Religion and Empire, (J. FORGE, l ; 522 


G. Hanotaux. llistoire de ia Nation Francaise. T. NH : Histoire 7. 
Lettres. 1er vol. : Des origines à Ronsard, par J. Bédier, A. Jcan- 
rov et F. Picavet. T AU : Histoire des Lettres. 2 vo]. : De Ron- : 
sard à nos jours, par r . StrOWSkKIi. (G. DOUTREPONT.) ; ; . 023 


Voir la suite à la troisième page de la couverture. 


La position de saint Cyrille de Jérusalem 
dans les luttes provoquées par l’arianisme. 


(Suite et fin.) 


Saint Cyrille est encore avec les orthodoxes pour confesser la 
divinité du Fils et lui attribuer le nom de Dieu. Sans doute, cette 
apellation de 6:56: se rencontre parfois, appliquée au Fils, sous la 
plume de certains autres Antinicéens, mais elle est alors très équi- 
voque et elle est bien loin d'exprimer toujours la divinité parfaite et 
véritable ; Arius lui-même, malgré sa doctrine très nette du Fils 
créature, ne l’a pas absolument omise ni rejetée (4). Elle est extré- 
mement fréquente dans les Catéchèses, et l’on ne peut douter qu’elle 
y soit entendue dans le sens propre et plein, sans fraude ni restric- 
tion quelconque. Il n’y a pas lieu de nous attarder à l’établir; il 
suffit de rappeler quelques indications : Cyrille, que nous avons 
déjà vu condamner les formules ariennes, qui font tirer le Verbe 
du néant, distingue et sépare nettement et totalement le Fils des 
créatures (2) ; il insiste sur la dignité de Dieu véritable (Ge: 
zhrGy6:) qu'il possède en raison de sa génération (3); il tire de 


(1) Voir dans S. ATHANASE, Orat. contra Arian. I, 6 (PG, XXVI, 24, A) : 
Arius ExpHIQUE que le Fils 45 Fr au De6s, mais, ajoute-t-il, « pro Y2piTOS, 
OOTEL at où GRÂO TAVTES, CUTU) AAÙ AUTOS ÀEYETAL OYOUATE UOVOY es: ». 
Dans sa lettre à Eusèbe de Nicomédie, il dit aussi que le Fils est tions 
PER ULOVG/EVr,s (dans S. ÉPIPHANE, Panarion, haeres. LXIX, 6; PG, XLII, 
212, B). 

(2) Le Fils est absolument séparé des créatures quant à divers points : par 
exemple, quant au rapport avec Dieu comme Père : XI, x9 (R, I, 312; M, 
713, B-C), où la conclusion est : « 9:93 Toivyuy amnuves egruy 6 Vis roù Vecd » : 
quant au rapport de servitude à l'égard de Dieu : VII, 5 (R, I, 232; M, 629, B): 
€ TX qUuTavræ Div, Oodha ar) * ets À auroù poves Vins, #ai Ev TO 
Xyuo avrod [lveoux, euros Touroy rävrov * rai Tà chunavra dcdda, 
dx rod évès Vioù iv ayim Hveluare dcvÂetar To decrirn » ; de même 
quant à la connaissance du Père : VI, 6 (KR, I, 160-162 ; M, 545- -548) : sans 
doute, les anges voient Dieu, mais « où 2a0uw53 EoTiy 6 les, a ÀX «x6goy 
2 XUT OL XWPGOGLY » ; seuls, le Fils et l'Esprit peuvent fhérauw W5 Y PA 
ÉLETE za 0 dei, et la raison donnée montre que cette perfection de 
science est fondée sur la perfection de divinité : « ere9r xat TS DEoTNnT0s 

EGTL Ts RATES guy ré Mluevuare ro 2m nouvoyos à Vins 6 à provoys VS. » 

(3) Voir, par exemple, XI, 8-9 (R, I, 300; M, 700, C) : le Père n’a pas 
engendré le Fils avec les imperfections qui affectent la génération de; 


REVUB D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 23 


358 j. LEBON. 


l'Écriture des preuves expresses et formelles de cette divinité (4). 

Toutefois, une difficulté surgit ici. La divinité véritable du Fils 
comporte évidemment son égalité parfaite avec le Père ; elle est 
incompatible avec toute subordination réelle du Fils à qui que ce 
soit, fût-ce même au Père. Or, on pourrait croire, en lisant certains 
textes des Catéchèses, que notre Docteur n’écarte pas complètement 
une telle subordination et que, par conséquent, il n’a pas voulu 
exclure toute infériorité du Fils, ou qu'il n’est pas parvenu à se 
dégager totalement d’une conception qui cadre mal avec la divinité 
réelle et parfaite du Fils, qu’il proclame et confesse ailleurs. Cette 
question appelle un examen détaillé et attentif. 

Tout d’abord, il faut mettre la difficulté en pleine lumière. Elle 
est très sensible dans la manière dont saint Cyrille se représente et 
expose les diverses fonctions du rôle tenu par le Fils à l’égard des 
créatures. Les principales prérogatives dont il jouit et qu’il exerce 
sont celles de démiurge, de seigneur, de roi et de juge. Or, en tout 
cela, le Fils semble bien agir par la volonté du Père, attendre son 
ordre et son signe, être conslilué tel par le Père et, par conséquent, 
lui obéir, lui être soumis, dépendre de lui. 

Dans la création, le Fils intervient tout d'abord comme druwoupycs 
ou rorrs. Il n’est pas inutile de remarquer encore que cette doctrine 
n’est pas, pour Cyrille, dégagée de certains principes préalablement 
admis touchant la nature de Dieu et celle des créatures, mais tout 


hommes par les hommes, « a i 3 avrôs oùder uôvos, Ô JET as AUTO 
po TAYTEY Toy œioveoy Deny &nfivoy. O:5: yap x/rlvos &v 6 Ilarrp, 
OpLOLOY EXUTÉ) € goa Toy Yioy, Genv anbivcv » ; XI, 14 (R, I, 308; M » 708, B): 
« ILarrp yap Vicv EJÉVNGE Geoy 4 Arbre, Épruavour À TOC XYOLEUOLEVOY * 
6 d: Euuavoun ef nuwv à es épunvetera ». Il y a, à la base de ces 
déclarations, le principe de l’homogénéité absolue et nécessaire entre l’en- 
gendrant et l’engendré dans toute génération non métaphorique mais pro- 
prement dite. — Saint ATHANASE, Orat. contra Arian. I, 6 (PG, XXVL, 21, D) 
dit d'Arius : « eimeiy 0£ nav éTOAunoey, Ore oud: heñc œArluvos Ectiv Ô 
AGyos ». 

(x) XE, 25-17 (R, LE, 308-310 ; M, 709-712). Cyrille demande explicitement : 
« Kai DEÂes yvvar Or 6:05 Eater, © Ex Ilarpis yevvmbets nai Uareco 
évayÜpwrioac ; » et il allègue, pour prouver son affirmation de la divinité 
du Verbe incarné divers passages scripturaires : BARUCH, III, 36-38; Psalm. 
XLIV, 6; Hebr., I, 8; Isar., XLV, 14-15, tirant de chaque témoignage la con- 
clusion formelle, qu’il résume ensuite : « Dans roivuy œrbives à Vis, Éyav 
EY EQUTG) TOY Ilzri0x ». Souvent encore la considération de l’incarnation 
et de la réd:mption amène saint Cyrille à se prononcer nettement sur la 
divinité proprement dite de Celui qui s'est incarné ; voir, par exemple, XII, 
1,15; XL, 33 (R, IE, 2, 20, 94; M, 728, A ; 741, B ; 813, À). 


“4 


| | | 
S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 359 


simplement la reconnaissance d’un fait enseigné par la foi chrétienne, 
d’après les Écritures. Le symbole lui impose de croire « eis Éva xvpuov 
sci Xouoréy….. de où Ta ravra éyévero » ; tout son exposé est à base 
scripturaire, ne porte nulle trace d’argumentation philosophique, et 
n'est qu’un commentaire de la formule di aœuroù (1). Nous n’en 
relevons que ce qui nous intéresse spécialement ici. Le Père se sert 
du Fils pour créer toute chose (rävra de aurov &yévero, roù Ilarpos dr 
Yioo :pyabouéw). Un exemple, tout inadéquat qu’il soit (A:7£00w w: 
aghsyes Rapa aTEyay Tps agheysis), fera mieux comprendre le rôle de 
l'un et de l’autre : un roi, voulant construire une ville, passe à son 
fils corégnant le plan, le modèle de la ville, et celui-ci réalise ensuite 
la conception paternelle. Cyrille fait lui-même l'application de la 
comparaison ; ainsi, dit-il, le Père ayant voulu créer toutes les choses 
CA [ares BouAriévres 7x rivra raragzvica), a donné au Fils le 
plan, l’esquisse des œuvres à réaliser (arc; aùro napéyoy Toy 
HATATAEUXSCUEYOY TT,Y verrou), et le Fils a tout produit sur le signe 
(manifestant la volunté) du Père (rm roù Ilarpos vebuart 6 Vios ra 
ravra EOrmucupyroey), sur l'ordre et la parole du Père (o: pv roi 
[arpès Eyrshhouivou rai héyoyros, Toù 02 Vic veupare Ilarpos rà ravra 
Orpuouc:/covrns). Ce double élément de causalité a sa raison d'être : le 
voux du Pére lui garde la puissance souveraine et primordiale 
(va TO pêy vEdux Thoû TD azpi Try avbevrwery ebouriay), et l’interven- 
tion active du Fils lui assure la puissance sur des œuvres qui sont 
les siennes (xai 6 V'igs dé nai Éyn sSouatay r@v idiwy Onuoupynui Tu). 

C’est de la méme façon que le Fils est l’auteur non seulement des 
choses visibles, mais aussi des choses invisibles (où mévoy de r@y 
CUVOUEYOY, QAÂX Kai TOY Ur Gavouivoy vevuare Ilarois nonrés Ecru 
ô Xeuoris) ; il est de mème, sur le signe et par la volonté du Père, 
l'auteur des siècles (4 Trocs aimvas aurous ëinrs, Xai TOUTOY VEUUATL 
roÙ Ilarpos éoTe nomrrs ‘Incoùs à Xpuoro:) (2). 

Ea raison de son activité de démiurge, le Fils est xvpcos, seigneur 


(1) XI, 21 et suiv. (R, Î, 316 et suiv. ; M, 717 et suiv.). 

(2) Cfr encore X, 5 (R, I, 266; M, 668, À) : « Errcirct Derruaxtt [laxrcs; ‘ 
Tayra »; X, 10 (R, I, 302; M, 7or, B): « ÂGycs voéy ro Ilazpés To 
Écurua, za Onuuouo:/Gy To Aya T@ ExEVOU vevuart » ; XI, 11 (RL, 
304; M,704, A):e Ovpavss Touto (la génération du Fils) cù dnyisET at : 
veuartyap Ilarpss no ro Apuoroi aa 6 coparos w$ xaT yo ECTELE UN ». 
Le fait que la création soit rapportée au Christ est sans importance, car 
saint Cyrille emploic indifféremment les noms de Verbe, Fils, Monogène, 
Christ, Jésus-Christ; la raison de ce mélange des noms est l’identité de 
sujet, auquel la pensée va toujours : « ‘rocis Xeuorss son Vice "y >» 
(LU, 14; R, I, 82 ; M, 444, B). 


R- 


360 J. LEBONe 


Le 


de toute la création; cette seigneurie est véritable et universelle ; 
l'affirmation en est contenue dans le symbole de foi et dans l'Écri- 
ture (1). Le Fils est présenté comme Seigneur dans des conditions 
exactement semblables à celles dans lesquelles il a été présenté 
comme démiurge ; il est d'abord auteur, puis seigneur ; il a d’abord 
fait toute chose par la volonté du Père, puis il exerce la seigneurie 
sur toutes les choses faites par lui (rpnror TONTNS, ET zuptos. Here 
éroinoe Dehruaxrt Ilarpos à navra, era xupusvse Toy UT" aÜroù yevouévwv) ; 

mais il exerce cette seigneurie wevuxr Ilxrcés, comme l’activité 
créatrice (r% &rbex xüpros dv * eme0n veduare [larpos xupuevst Tv 
oùxeiow Oruoupyruxrov) ; il l’a reçue du Père, en fils docile, sans se 
l’attribuer par la violence QUE de ro Ï Lazoos unes, où 2prigas TO 
XUPUEUEY, GA ÂX ap’ auTorccacérTou hafuv), Le Fils n’a pas ravi cette 
dignité, et le Père la lui a transmise sans jalousie (cûre yap à Yiss 
funagey, oùre [larg echéos 7%: uerxdiaew:). C’est le Fils lui-même 
qui proclame, pour ceci comme Pour tout le reste, qu'il est tributaire 
du Père (abrés écre  héyov * révra por rapeddbr, dre rcù Ilarpés pou). 

Si on les prend tels quels et si on veut les interpréter en eux- 
mêmes, abstraction faite du contexte et de l’ensemble de la pensée 
de saint Cyrille, ces textes ne laissent pas de suggérer une certaine 
subordination du Fils au Père, On a la même impression lorqu’on 
lit que le Père a voulu que le Fils régnût sur ses œuvres et que, si le 
Verbe est revètu de puissance et règne sur tout, c'est parce que le 
Père a tout donné au Fils (2) ; de même encure, que le Père juge 
par le Fils, et que c’est sur le signe du Père que le Fils exerce le 
jugement (5). 

A ces prétendus indices de subordination, on a voulu en ajouter 
d’autres, pour prouver que saint Cyrille, comme d’autres Nicéens 
soumis à l'influence de la théologie d’Origène, n’a pas pu éviter 
complètement toute subordination du l'ils au Père dans la concilia- 


(1) Ce titre de xucuos est expliqué et justifié dans la Catéchèse X (5-10: R, 
I, 266 et suiv.; M, 665 et suiv.), que porte sur ces mots du symbole : « xx 
els Eva XULUOY “roc Auorey » ; les textes scripturaires sont Luc, Il, 10 et 
Act., X, 36, etc. 

(2) XI, 23 (R, I, 318; M, 720, C) : « Éacussuery roy dr adroi rincrruévoy 
roy Viéy rfcvhiln, ares adr® rapégoy Toy 2aragreurtouivor Ty 
vorrruy » ; XI, 10 (R, I, 302; M, 701, C): « Ayez 5 EÉCUTIAGTIAUS Xai 
CPAS TON RATE * TaYTA 20 To Vin R0%0E Dress 6 [xrxs. » 

(3) XV, 25 (R, I, 190 ; M, g05) B):« Xpirrè: 770€ ETTt G #0 voy. QUE 
120. 0 TaT 10 kf VE CALE 2413 TV 20. Guy niGay 00e To) ut, Cux 
arxii. roy EXUTUY TA ESUGÈx;, 2% dix rod vid ADI. NEUuxTt 
FOÏNUY TATLOS HOVE D Lics. » 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 361 


tion de l'unité rigoureuse de l'être divin avec l'existence person- 
nelle, hypostatique du Fils (1). Ainsi, on a fait remarquer que, pour 
Cyrille, le Père seul est &y£wnro: et qu’il est le principe du Fils 
(x0yr vios &yvovo:) ; que le Fils, sans doute, est Dieu, mais Dieu 
engendré, une sorte de second, non pas seulement en Dieu, mais 
après Dieu (2) ; que la génération divine est conçue comme un acte 
une fois posé et non comme un acte permanent et éternel, ce qui 
accentue encore la distinction (3) ; que le Père est assigné comme 
le Dieu du Fils ; et enfin, qu’il est explicitement déclaré que le Fils 
est soumis au Père et lui obéit (4). 


> 


* 
y * 

On conviendra que l’exposé que nous venons d'en faire n’a nul- 
lement tenté d’atténuer l’objection, mais l’a mise en pleine lumière 
et lui a laissé toute sa force apparente. Avant de l’examiner dans 
ses détails, nous croyons nécessaire de proposer quelques considé- 
rations d'ordre général. La difficulté ici notée n’est pas propre à la 
théologie de saint Cyrille de Jérusalem ; elle affecte également la 
doctrine de beaucoup d'écrivains de cette époque. Elle a son expli- 
cation historique, et elle recevra sa solution théologique lorsqu’on 
aura eu l’occasion et Le temps d'approfondir la question au sujet de 
laquelle elle se pose, de dégager nettement les notions qui y inter- 
viennent et de faire les distinctions opportunes ou nécessaires. 

La teinte subordinatienne que portent, à nos yeux, les textes de 
beaucoup d'auteurs anciens s'explique, disons-nous, historiquement. 
Elle provient, fondamentalement, de ce que l’on peut appeler le 
caractère extrêmement scripturaire de la théologie primitive. Cer- 


(1) T. FORSTER, L. c., p. 382; J. Gumuerus, L. c., p. 22-23; R. SEEBERG, 
L c., p 95. | 

(2) Cette assertion s'appuie sur X,6(R,1,268; M, 668, B),où onlit d'après M: 
< 5 vhs où uvoy Decd noirux, GI xx Toù xvoiou muy ‘Tnccd 
Xeusrod, yros nat ar où cod a rico >. Outre que l’on exagère la portée 
des mots « Suros xat œuroù Ueoù œ/mluyoù », qui n’expriment que la divinité 
du Christ aussi réelle que celle du Père, il faut remarquer (avec R) que ces 
mots doivent être rejetés comme une glose, qui est même encore plus 
étendue dans certains manuscrits. 

(3) Nous ne reviendrons pas à ce point, qui a été examiné supra, p. 207 
et suiv. 

(4) XL 18 (R, I, 312; M, 713 B):«< Ues: Ô JET a, Gen: xat Ô QUE ; 
62: UE roy ravroy, Gin dE EXUTOÙ TOV TaT 2px ETU/LRGIMENOS » : XV, 30 
(R, I, 198 ; M, 972, C) : 1 « ... Ô VIS: UROTACGUMEYOS Tr TAT rpt ses DST ap 
Gerar 9: Sy Gr TÜre XET a retla pets rm Rarpi, (ail yap Ta aveoraà 
zUrG Mot RayrorE), AÂÂ OTL AA TÜTE URAHGUEL... », 


362 J. LEBON. 


taines paroles des Écritures causèrent, dans la suite encore, de 
grands embarras aux théologiens en raison de leur apparence 
subordinatienne, À cette époque, beaucoup les acceptaient en toute 
simplicité et confiance ; on les répétait, on les paraphrasait, on 
affirmait sans hésitation ni crainte les données de fait qu’on y 
trouvait énoncées, sans trop se préoccuper de ce qu’elles pourraient 
devenir grâce aux spéculations de la théologie savante, soit ortho- 
doxe, soit hérétique. Pourquoi en aurait-on été troublé ? Les mêmes 
Écritures, où l’on rencontrait ces affirmations, ne présentaient-elles 
pas malgré cela le Christ comme Dieu? Même l'apparition de 
Fhérésic arienne ne pouvait pas détruire du coup et chez tous ces 
habitudes et cette tranquille assurance. On les retrouve dans les 
instructions familières de saint Cyrille, dont l’enseignement est si 
complétement scripturaire. C’est ainsi, en particulier, que dans la 
plupart des passages qui nous sont ici objectés, on n’a nulle peine 
à découvrir le texte de l’Écriture auquel l’auteur se réfère, souvent 
d’ailleurs explicitement. Donnons quelques exemples : le Père est 
dit le « Dieu du Fils » (x1, 48) : c'est Jon., xx, 47 : « Ascendo ad... 
Déum meum et Deum vestrum » ; le Fils est soumis au Père (xv, 50) : 
c’est I Cor., xv, 28 : « Cum subiccla fuerint ill omnia, tunc et 
ipse Filius subieclus erit ei, qui subiecit sibi omnia... » ; le Père 
commande et le Fils crée (xt, 23) : c’est Psalm. cxiv, 8 : « Tpse 
mandaril, el creata sunt » ; le Fils obéit au Père (xv, 30) : c'est 
Jou., vus, 29 : « Quae placita sunt ei facio semper » ; il reçoit du Père 
le pouvoir de juger (xv, 2) : c’est Jou., v, 22 : « (Pater) omne 
tudictum dedit Folio » ; il tient du Père la seigneurie, la royauté 
(x, 9) : c'est MarrH., x1, 27 : « Omnia mihi tradila sunt a Patre 
meo » ; il dépend du Pére dans toute son action (x1, 25) : c’est Jon., 
v, 149 : « Von potest Filius a se facere quidquam, nisi quod vidrrit 
Patrem facientem », ete. On pourrait allonger la série; c'en est 
assez pour faire voir que toutes ces affirmations ne sont, en quelque 
sorte, que des emprunts directs aux Écritures; on compr:nd 
qu’elles soient produites et répétées en toute sécurité. 

D'autre part, des deux solutions radicales apportées, en dehors 
de l’orthodoxie, au problème de la conciliation de l'unité rigoureuse 
de Dieu avec la divinité du l’ère, du Fils et du Saint-Esprit, nous 
voulons dire, de la théorie monarchienne, sous ses diverses formes, 
et de la théorie subordinatienne, la seconde, sans doute, avait été 
rejetée par l’Église tout comme la première ; toutefois, elle avait 
bénéficié des luttes ardentes menées contre le sabellianisme, contre 
lequel, au début du 1v° siècle, beaucoup étaient plus en garde que 
contre le subordinatianisme. En définissant la consubstantialité du 


er 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 363 


Père et du Fils, le concile de Nicée condamna le subordinatianisme 
dans l’hérésie d’Arius. Mais les accusations de sabellianisme ne 
manquèrent pas de se produire, nombreuses et obstinées, contre 
l'éucousres nicéen et contre ses partisans ; elles furent encore encou- 
ragées par les imprudences de Marcel d’Ancyre, que les Nicéens 
défendirent longtemps, et par les erreurs de Photin de Sirmium, en 
qui les Eusébiens orientaux voulaient toujours reconnaître un 
disciple de Marcel. Saint Cyrille de Jérusalem lutte encore surtout 
contre Sabellias, qu’il croit devoir dénoncer par son nom (1), tandis 
qu'il ne prononce pas celui d’Arius lorsqu'il réprouve et rejette ses 
formules (2). 

Ces deux caractères de l’ancienne théologie du 1v° siècle aident 
à expliquer l’apparence subordinatienne de certaines de ses manières 
de parler. L’habitude de considérer surtout le sabellianisme comme 
l'ennemi détournait en quelque sorte l’attention de ce qui, dans ces 
formules, aurait pu paraître aller trop loin en sens contraire ou 
demander des éclaircissements ; et l’on en était d'autant moins 
choqué que souvent ces énoncés, pris matériellement, pouvaient 
tout simplement se réclamer de l’autorité des Écritures. 

Ce n’est là cependant qu'une explication partielle, à laquelle nous 
ne pouvons pas nous borner sans risquer de laisser planer le 
soupçon de subordinatianisme sur la pensée de saint Cyrille, ou 
mème de le faire retomber en quelque sorte sur l’Écriture. Il n’est 
d’ailleurs ni impossible, ni malaisé, croyons-nous, de donner au 
problème une solution complète et de tout point satisfaisante. 

Certains textes scripturaires, qui paraissent établir une sorte de 
subordination du Fils au Père, n’ont pas proprement rapport à 
notre question, parce qu'ils parlent du Christ, ou Verbe incarné, 
selon son humanité. Cette exégèse ne peut guère servir à l'interpré- 
tation des passages notés chez saint Cyrille. Outre que les noms de 
Fils, Monogène, Seigneur, Christ, Jésus s'y entremélent sans 
distinction formelle de sens, il ne s’agit pas de recourir à l’explica- 
tion par l’incarnation lorsque, par exemple, la dépendance à l’égard 
du Père est proposée pour le Fils démiurge, et tout autant pour le 
Fils Seigneur et Roi, puisque cette seigneurie et celte royauté sont 
données comme antérieures à l’incarnation (3). 


(1) Par exemple XVI, 4 ; XVII, 34 (R, IL, 208 et 294; M, 921, À et 1009, A). 

(2) Cfr XI, 14, 17 (R, 1, 308 et 310; M, 708, B et 712, B). 

(3) Cfr X, 6 (R, I, 266; M, 668, À) : «xx Oiacts yrovx, O7 av Te [Taroi 
ai TO TK: ivayhpuwnraens ioTe Xeugres xupucs ; » XI, 20 (R, I, 314; M, 
717, A), Notre Seigneur Jésus-Christ est appelé ziwy0: (5xarhsis. 


364 J. LEBON. 


Pour résoudre la difficulté, la théologie fait appel à une distinction 
qu'il est important de rappeler ici et dont l'examen des textes de 
saint Cyrille va nous montrer une application historique. Entre le 
Père et le Fils, on peut considérer les rapports essentiels, comme 
de chose à chose, s’il est permis de s'exprimer ainsi, ou de suh- 
stance à substance, et les rapports personnels, comine de personne 
à personne. Dans l’ordre essentiel, il est impossible, évidemment, 
d'admettre une subordination quelconque du Fils au Père, puisqu’il 
n’y a même aucune distinction réelle entre la substance du Père et 
la substance du Fils, à cause de l’unité numérique de la substance 
divine. Saint Cyrille est aussi rigoureusement monothéiste qu’on 
peut le concevoir; qu’il n’attribue pas seulement au Fils une 
divinité improprement dite, réduite ct atténuéc, imparfaite de 
quelque facon que ce soit, c’est ce que nous avons déja dit et prouvé. 
Comment cette position est-elle conciliable avec l'attitude qu'il a 
prise et longtemps gardée envers l'évscioic; nicéen, c’est ce que 
nous examincrons dans la suite. Mais ce que nous voulons faire 
remarquer ici, c’est que rien, parmi toutes les apparences subordi- 
naliennes que l'on a voulu relever dans ses paroles, n'établit que, 
pour Cyrille, le Fils est en quelque facon subordonné au Père dans 
sa substance ou en tant que substance : tout, au contraire, y est 
d'ordre personnel et est très souvent ramené, explicitement ou 
implicitement, par l’auteur à l’ordre personnel. 

Or, si on le considère dans cet ordre, le rapport entre le Père et 
le Fils est très réellement exprimé par les noms que la révélation 
et la foi leur donnent : le Père est vraiment et toujours père du Fils, 
et le! Fils est vraiment et loujours fils du Père. Étant tel, le Fils 
tient tout, et son être même, du Père. Ce rapport est fondamental, 
réel el éternel ; il doit être reconnu, théoriquement et pratiquement, 
comme il l'est dans le fait, par le Fils lui-même, C'est le rapport 
d’un être réel à son principe réel ; mais le rapport d’un être à son 
principe n’est pas nécessairement et dans tous les cas un rapport 
de supériorité essentielle dans Pun ct d’infériorité essenticlle dans 
l’autre, ni donc le fondement d’une véritable et essentielle subor- 
dination du second au premier. En cela, tout dépend de la manière 
dont l’un est le principe de l’autre ct dont ce dernier a l’autre pour 
principe. Nous savons qu'en Dieu, quant aux deux premières 
personnes, celte manière est la génération, active dans le Père et 
passive dans le Fils. La génération divine est absolument soustraite 
à toutes les imperfections de la génération humaine ; néanmoins, la 
relation dont elle est le fondement, apparait aisément à notre esprit 
comme impliquant une sorte de subordination du Fils au Père, 


$. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 365 


* 


parce que, entre hommes, un fait semblable donne lieu à une 
subordination réelle, puisqu'il crée des dépendances et des devoirs 
réels chez les fils à l’égard de leurs pères. En Dieu, l'identité 
substantielle, la consubstantialité des personnes, empêche la réalité 
d’ane telle subordination, mais l’apparence n’en peut pas complè- 
tement disparaitre du langage humain, même appliqué aux choses 
divines. Il faut la réflexion sur la consubstantialité, admise 
formellement ou implicitement et équivalemment, pour empêcher 
que l’imperfection du langage ne dégénère en une erreur de concept. 
L’infériorité et la subordination, dont l'apparence demeure dans le 
langage direct, seront donc exclues de ia réalité indirectement et par 
voie de négation. S'il n’y a pas infériorité réelle pour le Fils à tenir 
son être du Père, vu la manière dont il le tient, il n'y aura pas 
davantage infériorité réelle pour lui à tenir du même Père, consé- 
quemment à cet être, toutes ses prérogatives et toutes ses activités. 
En confessant que le Fils tient ses prérogatives et activités du Père, 
on ne le proclame pas plus, ni plus nécessairement, inférieur et 
subordonné au Père qu'en confessant qu’il tient son être de lui; 
tout dépend de la manière dont on comprend et explique cette 
communication. Le Fils lui-même, en affirmant que « tout lui a été 
donné par le Père », ne se reconnaît pas nécessairement comme 
inférieur et subordonné en réalité au Père ; ici encore, tout dépend 
de la manière dont il est fils, nous dirions volontiers : de « quel 
fils il est ». C’est donc le rapport substantiel entre l’être mème du 
Père et celui du Fils qu’il faut examiner pour arriver à reconnaitre 
si, oui ou non, saint Cyrille admet une réelle infériorité et subor- 
dination du Fils. Nous y viendrons dans le point suivant de notre 
étude, où nous ferons voir que, s’il omet le terme Svozvats:, notre 
Docteur tient vraiment la doctrine orthodoxe et exclut toute subor- 
dination réelle en professant l'égalité parfaite du Père et du Fils 
dans la possession commune de l’unique substance divine. Ce 
rapport substanticl n’est pas touché dans les textes incriminés ; 
nous allons montrer qu’ils ne considèrent le Père et le Fils que dans 
la sphère des rapports d'ordre personnel et que souvent encore, 
Cyrille y prend soin d’écarter toute subordination réelle. 


Le Père seul est 37evr70:, le Fils est zwei; ou povoyevr: et a le 
Père comme principe (3:77). Mais l’agennesie ici considérée et 
réservée exclusivement au Père est, chez lui, une propriété de la 
personne et non de la nature. Avoir un principe, ètre engendré, ce 


366 J. LEBON. 


sont, chez le Fils, des propriétés de la personne et non de la nature 
ou substance, qui est numériquement la même que la nature ou 
substance du Père. Jamais saint Cyrille ne dira que le Père est le 
principe de la nature ou substance du Fils (ÿcyn 7%5 ovaix; ou 7%: 
œugsns r2ù uios), ni que le Fils est une nature ou substance engendrée 
(ouoix où œquots yewvnlisioz) ; il dit que le Père est le principe du Fils 
(évyn 702 vioi äyrvos) et que le Fils est Dieu engendré (5:5: yewvr5:':) ; 
c’est parce qu'il est le Fils, et donc dans l’ordre des rapports 
personnels, que l’on peut parler et que l’on parle de lui comme 
ayant un principe, comme élant U:55 ysvyrbs'e, etc. Même lorsque 
Cyrille, rappelant le texte : « Ascendo ad... Deum meum et Deum 
vestrum », dit que le Fils assigne le Père comme son Dieu, il ramène 
ce rapport à l’ordre personnel, sans l’expliquer davantage parce que 
l'autorité de l’Écriture lui paraît une garantie suffisante, mais en 
maintenant expressément malgré cela que le Fils est vrai Dieu. La 
seconde partie du texte lui semble exactement, dans le sens comme 
dans la forme, parallèle à la première : « Ascendo ad Patrem meum 
et Patrem vestrum », où l’on ne doutera pas que ce soit le rapport 
personnel du Fils au Père qui soit visé (1). La soumission, l’obéis- 
sance du Fils au Père est d’autant plus clairement soustraite à l'ordre 
de nature et ramenée à l’ordre des rapports personnels résultant de la 
génération, que saint Cyrille en fait une soumission absolument libre 
et volontaire de la part du Fils. Réfutant une interprétation abusive 
et erronée de 1 Cor., XV, 28, Cyrille admet parfaitement le fait de 
la soumission, qui y est affirmé (orsrzxyrasrau) ; loin de restreindre 
cette soumission au temps qui suivra la consommation des choses, 
il l’étend, avec l’Écriture, sous forme d’obéissance, à toute la durée 
du Fils (oby ôre rôre Spyirar Retanyely To Haro! " 2ei 20 TX ALETTA 
avr noi ravrote). Mais il s'empresse d'ajouter que cette obéissance 
ne répond pas chez lui à une soumission forcée et imposée, comme 
chez un ètre inférieur, un esclave, mais est une obéissance de libre 
choix, une obéissance spontanée et amoureuse, l’obéissance d’un fils 
(axi sors Drarcus, oùx svayradtry dnorayny Éyoy, 241 aUTOR COX CET 0y 
sons Dear * cù ao Jodd5: EG rev, Wa van VIT ah, QhIX viis ET, vx 
naioe axi gu007007'x ru0%) (2). Pour le Fils donc ce que nous 
appel ons, avec l’Ecrilure, se soumettre, obéir, e’est simplement, 
au sentiment de saint Cyrille, se conduire en fils, agir en fils à 
l'égard du Père ; c’est une attitude dictée par un rapport d'ordre 


(1) XL, 18-19 (R, I, 312; M, 713, B-C). Remarquer l'explication : « nps 
Toy bedy pou, xai Dev dury …. eucd, m3 Vic yrraiou al uovsyevons… » 
(2) XV, 30 (R, LE, 198 ; M, 912-913). 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 367 


personnel, nullement imposée par un rapport de nature ou de 
substance (1). 

Enfin, avons-nous vu, l'exercice des prérogatives ou fonctions de 
démiurge, de seigneur, de roi, de juge et, en général, toute l’activité, 
du Fils sont conditionnés par le signe, la volonté (:2uz, Hénux) du 
Père. Mais agir ainsi vvuxrt rxrpss, c'est tout simplement, pour le 
Fils, agir comme fils, c'est-à-dire conformément au rapport per- 
sonnel qu’il a avec le Père, en tenant pratiquement compte de ce 
que l’un est le Père et l’autre le Fils. Cyrille dit : rxrps: Bouarbiyroc 
TX TAYTA HATATAEVATAL, Th TOÙ RAT RO Veouart à Yio: Ta Ravra EOnpuoUg- 
"32; et pourquoi mentionner ce wiux +os rxrp5s ? Afin que l’on 
marque bien que le Père garde la puissance primordiale, reste la 
source et le principe de fa puissance, comme il est la source et le 
principe de l'être du Fils : tx +0 uzy veux Trio 7 [azpi rry avbevt- 
#19 EouT'xy, c'est-à-dire, en fin de compte, pour que le Père reste le 
Père et que le Fils crée comme il convient au Fils de créer (2). Cette 
sorte de restriction à l’indépendance et à l'égalité du Fils (uuxrt 
_Ilzzcé:) s'explique de mème dans tous les cas où nous Ja trouvons 
employée ; jamais elle n’a pour but d'exprimer une dépendance, une 
subordination essentielle. Ainsi encore, par exemple, pour la préro- 
gative de Seigneur, dont l'exercice est aussi, comme nous l’avons 
entendu, réglé par le :5ux du Père : sur le texte « Dixit Dominus 
Domino meo : sede a dextris meis », Cyrille remarque que Dieu parle 
ainsi non à un scrviteur, mais à celui qui est, sans doute, le Seigneur 
de toutes choses, mais en même temps son Fils, a qui il a tout soumis 
(aus zuoïm rar Diet, cù doute 22)à sv0tn uey Ty ravrwy, Yim dE 
arcd, © navTa Vréra£ey) ; Car le Fils monogène est, en même temps 
que Seigneur universel, Fils docile (zugess sote Toy mavroy à movoyeyns 
Vis Vis: 05 rod Rart0s evnafr:), car il n’a pas ravi celle seigneurie, 
mais il la tient du Père qui la lui a donnée de plein gré (c5y 307272; 
TO AUAEVEY, 24AX Ta0” avr waupiteu Aafimy) (3). L'expression vevpart 
rats rvueve Signilie que le Fils exerce la scigneurie comme il la 
possède, c’est-à-dire, en Fils docile, en ui: eur cris ; il en va de mème, 
comme on pourrait le montrer, pour tous ses autres actes. 


(1) De même encore, si le Christ déclare qu’il a observé les préceptes du 
Père (Jou., XV, 10), ou qu’il ne peut rien faire de lui-méme (Jon., V, 19), 
saint Cyrille ne trouve en cela qu'une marque de déférence, un honneur que 
le Fils donne à son Père ; il ne songe nullement à expliquer ces paroles par 
une infériorité de natu-e, une subordination réelle. Voir VII, 5 ct XI, 33 
(R, EL, 214 et 318 ; M, 612, À et 720-721). 

(2) XI, 22 (R, I, 318 ; M, 720, A). 

G) X, 9(R, L 272; M, 672-673). 


368 | J. LEBON. 


Il faut conclure cette longue discussion et en résumer brièvement 
les résultats. En certains endroits, les manières de parler employées 
par saint Cyrille sembleraient indiquer qu’il place le Fils dans un 
rapport de dépendance, de subordination, et donc d'infériorité in- 
compatible avec l’orthodoxie parfaite, à l’égard du Père. Que les 
apparences subordinatiennes d'un tel langage ne l’aient pas choqué, 
cela s’explique par le contact étroit et continuel que son enseigne- 
ment garde avec l’Écriture, où se rencontrent des paroles semblables, 
et par la tendance de son époque et de son milieu à se mettre sur- 
tout en garde contre le sabellianisme et à voir en lui le principal 
et presque l’unique ennemi. Notre Docteur reconnaît et confesse 
certainement que le Fils est Dieu proprement dit, véritable et par- 
fait, mais il confesse aussi sincèrement et certainement qu'il est et 
reste toujours Fils, tirant son origine du Père par une génération 
qui, pour étre ineffable et à l’abri de toutes les imperfections de la 
nature humaine, n’en est pas moins réelle. Il ne perd jamais de 
vue cette origine, en considérant le Fils, ni le rapport d'ordre per- 
sonnel dans lequel cette origine le constitue avec le Père. Les for- 
mules incriminées renfermeraient sans doute un subordinatianisme 
réel si elles prétendaient atteindre et énoncer le rapport substantiel. 
Mais il n’en est rien ; comme nous croyons l'avoir montré, elles ne 
dépassent pas la sphère des rapports personnels, n'étant que des 
conclusions ou des applications de la doctrine recue sur l’origine 
du Fils et ayant dans cette doctrine la mesure exacte de leur portée. 
Elles sont d’ailleurs, pour le redire encore, scripturaires dans la 
plupart des cas, et souvent accompagnées d'explications ou de 
restrictions qui en écartent tout danger. 

Si le Fils est « du Père », il tient tout du Père ; cela se traduit 
par : « le Père lui à tout donné », avec le correctif : « mais non pas 
comme à quelqu'un qui ne l’avait pas ». Si le Fils est « du Père », 
son activité, en dernière analyse, est aussi « du Père », et il l’exerce 
comme il convient à un fils; on l’exprime en disant qu’il crée, 
donine, règne, juge, etc, parce que le Père l’a voulu et selon la 
volonté, l'indication du Père. Si le Fils est « du Père » et agit « du 
Père », il reconnaît pratiquement cette origine de son être et de 
son action ; on dit alors, — l’analogie humaine aidant, — quil est 
soumis, qu’il se soumet au Père, qu’il honore le Père, que le Père 
ordonne et le Fils obéit, tout en ajoutant à l’occasion : « non pas 
comme un serviteur, mais comme un fils et un tel fils; non pas 
par nécessité ou devoir strict, mais librement, spontanément et par 
amour ». 

Ces explications sont loyalement et littéralement tirées des textes 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 369 


mèmes de saint Cyrille (1). Ces formules n’ont du subordinatianisme 
que l'apparence, qui s'explique par les causes que nous avons 


(1) Malgré notre souci constant de tirer des paroles mêmes de saint 
Cvrille la solution de la difficulté ici examinée, on trouvera peut-être la distinc- 
tion entre l’ordre des rapports essentiels et l’ordre des rapports personnels 
trop subtile et trop moderne ou « scolastique » pour pouvoir être appliquée 
légitimement à l'explication de textes si anciens et si simples; peut-être 
sera-t-on tenté de dire que notre interprétation est plus systématique qu’his- 
torique. Nous répondrons tout d’abord que saint Cyrille ne manque pas de 
science proprement théologique et que celle-ci se trahit dans ses Catéchèses, 
quelque simples et familières qu’elles soient. Nous ajouterons que notre 
distinctions n’est « scolastique » ou moderne que dans sa formule ; par son 
contenu, au contraire, elle est très ancienne et même contemporaine de 
notre auteur. Nous la rencontrons, en effet, équivalemment sous la plume 
de saint Hilaire de Poitiers, dans un cas qui offre avec celui que nous avons 
examiné ici la plus parfaite ressemblance. On nous pardonnera de nous 
arréter quelque peu à mettre cet exemple en lumière. On sait que les 
évêques eusébiens réunis en synode à Sirmium, en 351, avaient émis une 
proicssion de foi suivie de nombreux anathématismes ; la pièce nous a été 
conservée en grec par plusieurs anciens auteurs (Cfr G. L. HAHN, Bibliothek 
der Symbole und Glaubensregeln der alten Kirche. 3° édit., p. 196-199, Breslau, 
1897). Saint HILAIRE, dans son Liber de Syÿnodis seu de fide Orientalium (PL, 
X, 479-546), écrit au plus tard au commencement de 359, l’a traduite en latin 
et commentée dans un esprit de visible bienveillance, inspiré par le désir de 
faire l'union de tous les adversaires de l’arianisme proprement dit. C’est 
l'anathématisme 18 {chez saint Hilaire c'est le 17°) qui nous intéresse ici, 
avec l'explication qu’en donne l’évêque de Poitiers. Les membres du synode 
ne s'étaient pas contentés d'y porter l’anathème contre le dithéisme qui 
aurait voulu s'appuyer sur l'attribution du nom de xuguos et au Père et au 
Fils dans le texte de Gen., XIX, 4, touché dans l'anathématisme précédent 
(HauN, L c., p. 198 : sÙ res ausocy xvpuoy Toy [laripa xœi rôv Visy xocuon… 
Duo heu Dsous, avsliux Égru) ; ils avaient ajouté une explication qui 
pouvait paraître nettement subordinatienne, et qui, par ses formules et ses 
réminiscences scripturaires, correspond exactement à ce que nous avons 
entendu de la bouche de saint Cyrille. Ils déclaraient ne pas mettre le Fils 
sur le même rang que le Père, mais le soumettre au Père (sù 30 auvr3a- 
Sous) viôy 7m Trarpi, x À} Ünoreraypivey Tn Tati); et en effet, pour- 
suivaient-ils, s’il est descendu sur Sodome, ce n’est pas dyeu (iruir: ra 
RATEOS, et s’il a fait pleuvoir du feu sur cette ville coupable, ce n'est pas 
19" Eavroù, mais Tacx kupiou, C'est-à-dire aUevrOuvTes TOU TaThis, 
et s’il est assis à la droite du Père, ce n'est pas 39° éxuroù, mais parce que 
le Père lui a dit de le faire: 34° axovs iyovros rod [arcés * xzbou EX 
HATAP] LOU. I] serait difficile, on en conviendra, de trouver un parallélisme 
plus frappant avec les déclarations de saint Cyrille, Qu’on écoute maintenant 
saint Hilaire expliquer (PL, X, 518-51y) comment la doctrine ici exprimée 
par les évêques du synode de Sirmium n’est pas hétérodoxe. L'apparence de 
subordinatianisme ne lui échappe pas ; il ÿ a danger de comprendre l’expli- 
cation des évêques comme comportant une diversité de divinité dans le Père 
etle Fils; mais Hilaire se rassure par le contexte : « Et superiora et con- 


370 j. LEBON. 


signalées. D'ailleurs ce n’est pas d'elles, — car elles ne sont pas 
ad rem dans cette question, — qu’on peut s’aider pour déterminer si, 
oui ou non, saint Cyrille admet une infériorité et subordination 
réelle et quant à l'être même, du Fils à l'égard du Père : un tel 
rapport entre eux est exclu par ce qu'il enseigne touchant l'origine 


sequentia suspicionem, si qua esse in his dictis videbitur, penitus excludunt, 
ne diversitas dissimilium deitatum in Domiro et Domino praedicetur ». 
Il doit cependant expliquer comment les évêques ont pu dire : où ouvr&o- 
GOpEy vioy To RaTpi. Il approuve cette parole, tout d’abord, en ce sens 
qu'elle exclut la dualité de dieux : « Et in eo non comparatur, quia duos 
deos dici impium sit ». Il n’en serait pas de même si l’on voulait par là nier 
que le Fils soit Dieu : « non autem idcirco non comparatur vel exaequatur 
Filius Patri, ne Deus ipse non esse credatur »; car le Fils étant de même 
essence et nature que celui qui l’a engendré (indifferentis essentiae, indifferen- 
tis nalurae), a également droit au nom de Dieu, et l’on peut ainsi d’une 
certaine façon duos deos connominare. Mais voici de nouvelles raisons, 
toute scripturaires, pour justifier le « où auyrasaoue » du synode : « Et 
vel in eo quidem maxime non comparatur nec coaequatur Filius Patri ; dum 
subditus per obedientiae obsequelam est, dum « pluit Dominus a Domino » 
ne a se ipse secundum Photinum aut Sabellium pluerit, ut « Dominus a 
Domino »; dum ad dexteram Dei tum consedit, cum sibi ut consideret 
dictum sit; dum mittitur, dum accipit, dum in omnibus voluntati eius qui 
se misit, obsequitur. » Hilaire, on le voit, ne craint pas de renchérir encore 
sur la documentation scripturaire de l’anathématisme. Mais immédiatement 
il remet toutes choses au point, et cela en des termes qui bannissent la 
soumission et subordination du Fils au Père de la sphère des rapports de 
nature pour la confiner dans la sphère des rapports personnels : « Sed 
pietatis subiectio non est essentiae diminutio, nec religionis officium degene- 
rem efficit naturam. » Cette piété, qui inspire la soumission (ptetaltis subiec- 
tio), ce respect qui impose l’obéissance (religionis officium), marquent de 
leur empreinte les rapports personnels du Fils avec le Père, sans affecter sa 
nature. Hilaire poursuit, dans une langue et un style dont on sait les diffi- 
cultés; et du nom même de Dieu, donné au Fils, il tire et sa soumission 
personnelle et son égalité de nature vis-à-vis du Père : « … et subiectio Filii 
doceatur et dignitas ; dum et ipsi illi nomini Filius nuncupandus subicitur, 
quod cum Dei Patris sit, tamen sibi ex natura sit nomen. » Le Fils a ce nom 
de Dieu, mais ce nom est celui du Père, dont il est aussi le Fils : « habens 
nomen, sed eius cuius et Filius est » ; la filiation ct la possession de son nom 
sont deux chefs de soumission du Fils au Père : « fit Patri et obsequio subiec- 
tus et nomine » ; mais, remarque immédiatement Hilaire, s’il y a soumission 
en vertu de la possession du nom, il y a là aussi un témoignage de l'égalité 
de nature : «ita tamen, ut subiectio nominis, proprietatem naturalis atque 
indifferentis testetur essentiae ». Sans employer notre terminologie formelle, 
saint Hilaire, croyons-nous, distingue comme nous l'avons fait à propos des 
paroles de saint Cyrille de Jérusalem; l'autorité d'un contemporain, très 
versé dans la théologie orientale, nous confirme dans la solution que nous 
avons proposée et que nous croyons d’ailleurs puisée dans les textes eux- 
mêmes. 


8. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 371 


et la divinité du Fils, et cette exclusion est clairement confirmée par 
la trés réelle unité numérique de nature ou substance que, sans les 
appeler éuooucia avec le concile de Nicée, l’évêque de Jérusalem 
confesse dans le Père et le Fils. 


* 
CE 


Car s’il n'en a pas la formule officielle (oucsuouss ro rarnt), saint 
Cyrille tient, dès l’époque des Catéchèses, toute la réalité et toute 
la vérité du contenu doctrinal de la définition nicéenne ; et cette 
affirmation, que nous tenons à souligner, nous met à l’aise pour 
éprouver critiquement la solidité des preuves sur lesquelles on peut 
l'appuyer et nous préservera du danger d’être mal compris si nous 
croyons devoir laisser tomber ou rejeter comme insuffisants certains 
arguments parfois allégués. 

Nous commencerons par cette dernière tâche, dont l’accowplis- 
sement dégagera la voie vers ce qui nous paraît établir avec clarté 
et certitude l’orthodoxie complète de la pensée de notre auteur. 
Résumant les témoignages et les considérations qu'il a fait valoir en 
ce sens, Mader écrit (1) : « Le Christ n’est pas une créature, mais bien 
le Fils de Dieu par nature et non par adoption, engendré du Père 
de toute éternité et en dehors des temps d'une manière incompré- 
hensible et parfaite. Il est vrai Dieu, à qui rien ne manque quant à 
l'excellence de la divinité, semblable au Père en tout et possédant 
en lai tous les caractères de la divinité. » Après ce que nous avons 
dit nous-mêmes dans les pages précédentes, il est à peine besoin de 
remarquer que nous souscrivons entièrement à ces paroles. Mais 
nous ne pouvons plus faire de mème quant à l'affirmation qui suit 
immédiatement ces lignes : « Par la, la doctrine nicéenne de l'ho- 
moousie du Fils avec le Père est, sans aucun doute, clairement 
exprimée » ; celle-ci, en effet, appelle quelques remarques et ne se 
justifie pas pleinement. 

Selon l’auteur cité, saint Cyrille montrerait clairement et sans 
aucun doute possible qu'il admet la consubstantialité au sens nicéen, 
en enseignant la divinité réelle et proprement dite du Fils et sa par- 
faite similitude avec le Père. Nous ne sommes pas tout à fait de cet 
avis. A l’époque où les Catéchèses nous placent, l’arianisme brutal, 
qui fait du Fils une créature et affirme une hétérogénéité absolue 


(6) Op. cit., p. 81. — Le P. Le BAcHELET (L, c., col. 2547) s'arrête moins 
à montrer comment l’idée que consacrait le terme éucouatns est certai- 
nement contenue dans la doctrine cyrilienne qu’à chercher les raisons plau- 
sibles de l’omission totale de ce terme. 


372 j. LEBON. 


entre sa nature et celle du Père, semble à peu près abandonné, et il 
ne ressuscitera que plus tard ; les représentants des tendances 
arianisantes sont sur la voie qui mène à la consubstantialité, à 
l’orthodoxie nicéenne, mais sans y atteindre encore. À ce moment, 
un Acace de Césarée peut bien admettre la génération proprement 
dite du Fils, et un Eusèbe d’Émèése, semble-t-il, sa divinité véritable ; 
néanmoins ils s'arrêtent en chemin, sans dépasser l’homogénéité ou 
unité spécilique et la ressemblance parfaite entre le Père et le Fils. 
Nous pouvons trouver leur logique en défaut, mais nous ne sommes 
pas autorisés à la remplacer ou à la devancer par la nôtre, lorsque 
nous retracons l’histoire de leur pensée. Il est vrai que l’unité 
rigoureuse de Dieu et la divinité véritable du Père et du Fils ne se 
concilient que dans la doctrine nicéenne de la consubstantialité ; 
mais pour les théologiens qui sont du parti opposé au Synode et à 
l’'ouovaus de sa définition, nous ne pouvons ni présumer, ni affirmer 
sans preuves manifestes, qu'ils aient fait ou tenté par ce moyen la 
conciliation entre deux doctrines qu’ils tenaient certainement. Il 
faut ici reconnaître simplement que nous ignorons comment ils se 
tiraient d'affaire, düt-il rester pour nous une énigme ou certaines 
obscurités dans l'exposé qu’ils ont fait de leurs idées et dans ces 
idées elles-mêmes. 

L'argument tiré, dans le cas de saint Cyrille, de la similitude 
parfaite du Fils avec le Père parait plus spécieux et il faut l’examiner 
de plus près. Il est indubitable que notre Docteur tient l’homogénéité 
absolue, ou l’unité spécifique, du Père et du Fils. Ce point est déja 
établi implicitement par plusieurs des constatations que les textes 
précédemment allégués nous ont perinis de faire : la divinité véri- 
table du Fils, sa génération naturelle, avec le principe supposé de 
l’'homogénéité nécessaire de l'engendrant et de l’engendré, sont des 
doctrines qui impliquent que le Père et le Fils sont de même nature 
divine. I] ne manque d'ailleurs pas d’affirmations explicites à ce 
sujet ; comme nous allons l'entendre, Cyrille n'hésite pas à dire et à 
répéter que le Fils est, à l'égard du Père, Guuos, y näoty Guutos, cutios 
xxTa nayrx, etc. Avant de citer les textes et d'étudier la valeur qu’y 
prennent ces expressions, considérons-les un instant en elles-mêmes. 
Ce qu’elles nous disent ainsi, il faut le reconnaitre, c’est simplement 
la ressemblance, la similitude (cuac:), similitude en tout, absolue et 
parfaite si l'on veut (y näou, 274 mivra), mais cependant similitude, 
dont le plus haut point est l'unité spéct/ique et nullement l'unité 
numérique, qui appartient à un autre ordre que celui de ressem- 
blance. C'est ce qui permet à saint Cyrille d’en user dans d’autres 
cas, où il ne peut évidemment pas être question d'unité numérique, 


$. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 373 


d'identité. Il dira, par exemple, pour marquer l'homogénéité, Punité 
spécifique, de l'humanité du Christ avec la nôtre, que le Seigneur a 
pris +0 ouory nu (1). Il dira de même, après avoir marqué l’incom- 
préhensibilité divine, qu’il doit suffire à la piélé de savoir que nous 
avons un Dieu, Gs6y Evx, Dior Gyrx, aei Ovrx * Ououoy ei éxuTe) Évra. 
L'affirmation de l'unité numérique de Dieu et, si l’on peut ainsi dire, 
de sa parfaite identité avec lui-même, se trouve dans la première 
de ces expressions, et dans la formule que fournit le contexte : st; 
@y 221 à avr: Quiconque voudrait trouver la mème pensée dans 
l'éuscs ei Eaurm se tromperait manifestement ; Cyrille lui-même 
explique ces mots en remarquant que, malgré la diversité des noms 
et titres qu'il reçoit, Dieu n’est pas di3g2005 xai aioiss, qu'il n’est 
pas supérieur quant à une perfection et inférieur quant à une autre, 
mais £y räcty duos avros Ezvr@ (2). L'expression signifie donc bien 
que Dieu est en toutes choses semblable à lui-même, c’est-à-dire, 
également parfait; elle relève non pas l’unité numérique, mais 
l’absolue homogénéité de l'être divin. 

Le terme ôuoucs recevrait-il du contexte, dans les passages où ïül 
caractérise le rapport substantiel du Fils au Père, un sens différent 
de celui qu’il a par lui-même et en arriverait-il ainsi à marquer 
entre eux l'unité numérique de nature comme l’éuocvcto: nicéen (3)? 
Il ne semble pas qu'il en soit ainsi. Catéch. IV, 7, Cyrille {4) com- 
mence l’exposé du deuxième dogme par ces mots : « Crois aussi au 
Fils de Dieu, l’unique et seul, notre Seigneur Jésus-Christ, engendré 
Dieu de Dieu, engendré vie de vic, engendré lumière de lumière, 
Toy Opucy ATX Tavra T'n Yyeyoayte. » La traduction qui s'impose 
pour ces derniers nots est : « semblable en tout à ce lui qui l’a engen- 
dré ». Que le Fils soit Dieu de Dieu, vie de vie, lumière de lumière, 
cela explique en partie pourquoi il est semblable (ouc:) au Père ; 
l'expression x272 rivra résume toutes les raisons de similitude ; 
qu'il soit tout cela en vertu de la génération, cela ne conduit encore 
proprement qu’à l’unité spécifique de nature, et nullement à la con- 
substantialité nicéenne que rien n'indique, même sous-jacente, ici. 
Catéch. XI, 4, l’auteur revendique pour le Fils une filiation véritable 


(x) XI, 15 (R, IL, 20; M, 741, B) : Cyrille dit deux fois : « avi) (Be rÔ 
GUGACY RUDY. > 

(2) VI, 7 (R, L 162-164 ; M, 548-549). 

(3) T, FôRSTER, L. c., p. 382, apporte aussi la formule Cases: 4275 Ravræ 
pour établir que, si Cyrille n’a pas employé le terme éussusrs:, il en a 
gar ‘é tout le contenu doctrinal « in unzweideutigen Wendungen ». 

(4) R, I, 96; M, 461, B. 


REVUS D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 24 


374 J. LEBON. 


et naturelle, toute différente de notre filiation adoptive. Il n’est pas, 
comme nous, devenu par génération ce qu’il n'était pas : cros dE 
cüx hi ru @v, SAdo re syeuvrbr, mais c’est dès le principe et comme 
Fils qu'il a été engendré : 2414 Yics £6 apyñs yen. Cyrille ajoute : 
Vis Ev näouw Ououc: rm yeyemmairt (4). Rien dans ce qui précède, rien 
dans l’idée ici exprimée n’exige l’interprétation de ce dernier membre 
dans le sens de la consubstantialité proprement dite. Le Fils peut 
ètre conçu comme fils véritable, naturel, sans avoir une substance 
numériquement une avec le Père, pourvu qu'il soit de la même 
nature et que sa filiation résulte d’une génération proprement dite. 
Le dernier membre introduit donc une idée nouvelle: l'accent est 
sur :> rot Ct l’on appuie sur la perfection, la totalité de similitude, 
de ressemblance, qui est ensuite expliquée par l'addition : «engendré 
vie de vie, lumière de lumière, etc. », comme dans le cas précédent 
et sans portée ultérieure. — Mème constatation en Catéch. XI, 9. 
Saint Cyrille, qui a expliqué que la génération divine se distingue 
de la génération humaine, en est revenu, avec l'expression U:5y 
œrnvéy, à l’article du symbole qu'il expose. Il poursuit : 6e: 30 
ares @y à Marre, Oustoy saut 2Evvx Toy V'iov, ec z4rluvéy (2). Qui 
pourrait soutenir que la pensée de l’auteur n’est pas rendue complè- 
tement par la traduction suivante : « Étant Dieu véritable, le Père a 
engendré le Fils semblable à lui, Dieu véritable » ? Qu'est-ce à dire, 
sinon que le Fils est ôuci: au Père parce que comme le Père, il est 
Dieu véritable? C’est l'unité spécifique de nature qui est exprimée 
par là, et rien n'implique nécessairement, dans ces paroles, l’unité 
numérique de substance, — Enfin, Catéch. XI, 18, la citation du 
texte de Jon., x1v, 19 : 5 sœooxxms Toy Yiôy, £mpazs Toy [larica four- 
nissait au saint Docteur, discutant à la fois contre les Ariens et les 
Sabelliens, une bonne occasion de l'expliquer clairement en affirmant 
cette unité numérique de substance entre les personnes divines (3). 
Mais, au lieu de cela, nous ne trouvons que l'affirmation : éuss: 7 
ey RAT 6 Vis To ysyewmxott, avec le développement habituel : 
engendré vie de vie, lumière de lumière, etc. ; comme nous l'avons 
dit et répélé déjà, ce n’est que la similitude parfaite qui est ainsi 
affirmée et décrite. I est vrai que Cyrille ajoute ici une phrase dont 
on a voulu également profiter pour lui attribuer la profession claire 
et manifeste de l’unité numérique de substance. Ne dit-il pas, en 
effet : xxi 27a0S laure is Desrnros oi YALAXTRIES EUTIV Ev 7 Vic, en 


G)R, I, 294; M, 696, A:B, 
(2) R, I, 300; M, 700, C. 
(3) R, IL, 312; M, 712-713. 


8, CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 375 


y ajoutant encore que « celui qui a été jugé digne de voir la divinité 
du Fils vient à la jouissance de celui qui l’a engendré » (1)? Mais 
ces paroles ne prouvent pas plus que les précédentes. Ce que saint 
Cyrille entend par ci yacaxrñp:s Tf: Desrnros n’est pas douteux : ce 
sont les marques de la divinité, les perfections divines. Elles sont, 
dit-il, dans le Fils, et comment y sont-elles ? Elles sont en lui 
2r2044)x4Tu, Sans aucune différence, évidemment au regard de ces 
mêmes perfeclions, xæpxzrñp:s Ts Desrnro:, telles qu'elles se ren- 
contrent dans le Père, le y:7sr205, à qui le Fils vient d'être dit 
Guuos ey raotv. Mais arx02/Axxro: De veul pas dire « non distinct », 
mais bicn « non différent » ; l'absence de différence est dans l’ordre 
d'espèce, non dans l’ordre de nombre, ct cette phrase n’affirme rien 
de plus que l’éuocs sv nou 7m ysyemmects qui précède (2). Quant à 


(1) Zbid. — Cfr J. Mapen, l. C , p. 79; T. FGRSTER, L. c., p. 382. 
_ (2) Que cette formule : « ARACRAIXATOL This eSTnros où yxpaxTpis aicuv 
e To V'ié », ici employée par saint Cyrille, n’exprime pas clairement et par 
elle-même la consubstantialité du Père et du Fils, mais seulement leur simi- 
litude parfaite, c’est ce qu’on doit conclure de l’emploi qu’en a fait ACACE DE 
CÉSARÉE, à la même époque. Le sophiste arien Astérius avait écrit, dans son 
Syntagmation, que le Père a engendré le Fils « ... oÙUgias Te xxt (ours 
PAT CMPETENE xai 0GEns arx0% ax oy eixOya » ; Marcel d'Ancyre, dans son 
livre, avait attaqué cette formule d’Astérius, prétendant qu’elle signifiait que 
le Fils n’est ni substance, ni volonté, ni gloire, ni puissance lui-même; Marcel 
fut, à son tour, réfuté par Acace dans un écrit dont saint ÉPIPHANE a sauvé 
des fragments (Panarion, haeres. LXXII, 6-10; PG, XLII, 389-396). En 
s’efforçant d'expliquer et de justifier la formule d’Astérius, Acace en vient 
à parler absolument comme le fait saint Cyrille. Il dit, en effet (/. c., 9; PG, 
XLIL, 393-395) : < oùGias où, nai Ouyauews, xx [(Snudr:, nai Ocins 
arab hlaxToy LEyov "Âdrémos aixivx Toy Y'ioy roù [xrpss, nivrws cio- 
VE TOUS TATEUROUS XALAATI LAS sysivau Àsyet Ti Vi, xat Ta Emivoouueva 
r6ù [arpès rerunwobxu, n dedcobxr ré Vin... ». Et cependant, Acace 
de Césarée, bien qu'affirmant l’existence des e caractères » du Père dans le 
Fils, est loin de confesser par là l’unité numérique de substance ; il s’entient 
à la similitude parfaite en ramenant tout à l'ëmitation absolue du Père dans 
le Fils. C’est ainsi que le Fils, image vivante de la substance, de la volonté, 
de la puissance et de la gloire, est aussi substance, volonté, puissance et 
gloire ({bid., 9; PG, XLII, 396, A): « cÜTwS oÙG'as oùTiay Eixcya Àsyousy 
dx péunau Suciorarny Éwñs re xai ivenyelas* cÜre dE rai (fou): Gouhnv 
Exôva … ka OuvauEuws kai ÔSEns, duvauuy xai ÜG£ay ». Etaprès avoir cité, 
en confirmation, JoH., V, 26 et 21, Acace insiste encore uniquement sur la 
ressemblance, la similitude en concluant : « 70 V2) OTTREO-OÙT UE, EL X9= 


A 


hs ÉOTL [UUNTEWS, Rat QUNGOTEGS GAUSEs Exuaxyeicy » (Ibid., 396, B). On 
ne peut pas affirmer que la formule signifie plus sous la plume de Cyrille que 
sous celle d’Acace sans en apporter des preuves, que l’on n’a pas produites 
jusqu’à présent et qui, croyons-nous, n'existent pas. 


376 | J. LEBON. 


ce qui suit encore, c’est tout simplement la paraphrase du texte 
évangélique allégué. Sans doute, s’il y a unité numérique de subs- 
tance divine, qui voit la divinité du Fils « vient à la jouissance de 
l’engendrant », c’est-à-dire, voit la divinité du Père; mais si le Père 
et le Fils sont absolument semblables, si les perfections divines sont 
parfaitement les mêmes dans chacun d’eux, on comprend aussi que 
quiconque voit l’un, voie aussi l’autre, sans que la consubstantialité 
soit par là nécessairement supposée, ni surtout clairement expri- 
mée (1). 

Il faut donc reconnaitre loyalement que, sous la plume de saint 
Cyrille de Jérusalem, les expressions ôuccs, Guouos Ev Täcty, ôuruos 
xara m2vTx ne Sont ni formellement, ni équivalemment synonymes 
de l’éucoucu: nicéen. Tant dans le contexte que par elles-mêmes, 
elles ne marquent entre le Père et le Fils que la simulitude parfaite, 
l’unité spécifique, et non pas l’unité numérique de substance. Mais 
nous ajouterons qu'il faut tout aussi loyalement reconnaitre que ces 
formules, et l’idée qu’elles traduisent, n’excluent nullement la con- 
substantialité proprement dite. Partout où elles se rencontrent, elles 
sont employées, comme s'exprime l’École, positite, non pas exclusive. 
Jamais saint Cyrille ne déclare, ni même n'insinue, que le Fils est 
seulement ôu155, quoique £v rie où xar> ravrz, au l'ère. Dans tous 
les endroits notés, il affirme leur sünilitude parfaite, sans nier qu'il 
y ait mieux ct plus, — à moins que ce « plus » ne soit conçu comme 
la confusion, la « filio-paternité » (zuvxaugr, visnaroo'a, quyahoun 
Tñs vioratop'ax:) des Sabelliens. Aussi, nonobstant le sens auquel 
nous avons cru devoir ramener sincèrement l’éuo:;, sommes-nous 
autorisés à chercher et pouvons-nous espérer trouver chez saint 
Cyrille, comme nous le disions plus haut, toute la réalité et toute la 
- vérité du contenu doctrinal de la définition nicéenne. Mais où cela 
va-t-il se rencontrer ? 


L 
» + 


Dans cette mème Catéchése X1, saint Cyrille veut établir et ensei- 
gner la divinité proprement dite du Fils. Les adversaires qu'il y 


(x) J. MaDer (I. c, p. 78) fait encore état d’un détail du texte de saint 
Cyrille dans le même passage : « xai lyx eiTO) GUVTOUWTELOY, UNTE YODt- 
ÉUEY, UrTe Suyalcugry Ecyaconehx » 5 11 semble comprendre l'expression 
Bite yoL'wuEy comme rejetant la distinction numérique de substance et 
athrmant ainsi la consubstantialité. Mais on voit clairement par la phrase 
absolument parallèle qui suit, à quelles doctrines Cyrille veut s'opposer : 
xx vire 2267009 note Toù 1lartcs sirrs Toy V'ioy' pére xaTadEEn Tous 
Déyovrazs Tôy Ilaripx norë piy raripa, morë dé viiy stvou. » Le Fils qui 


8, CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 377 


combat directement sont les Ariens, bien que les circonstances le 
mettent aussi perpétuellement en garde contre les Sabelliens. Au 
n. 16, comm» troisième témoignage scripturaire de cette divinité, 
il allègue Is. xLv, 44-13, en appliquant les mots où yap ei... à Gers 
T0 Isoxï curxp, au Christ, dont la divinité est ainsi clairement 
attestée (1). Mais te texte renferme aussi les paroles : xot y oot 
ronge £oyrat, 67e y go 6 025: so7e, que Cyrille se croit obligé d’expli- 
quer. 11 le fait en les rapprochant de Jon., xvur, 21 et xav, 14, d’ou 
il tire le double enseignement de l'unité et de la distinction person- 
nelle entre le Père et le Fils. Insistant sur le texte : £y5 xxi 0 [x7n0 
& icuzy, il poursuit par une description des plus intéressantes de 
raisons ou modes d’unité qui existent entre le Père et le Fils, de 
manières dont le Père et le Fils sont et apparaissent £». Quatre fois 
consécutivement il emploie la formule #, dx r6..., en la faisant 
suivre de l'énoncé d’une raison, d'un fondement, d’une preuve 
d'unité. Voici le passage, car il vaut mieux le présenter dans un 
texte suivi que l’éparpiller en extraits (2). 


TEv, 9x 70 xarà ny Os6rnrx àfoux * Enaôn 0eos Deby s-yEnmaes. “Es, 

dix rô xxra Ty Basueay* où y30 dd)my Baouste Ilazrp, So ds Vis, 
4 4 AP 4 s , : eo , ssss + , « Ù 

kaTà Toy 'AGeoahoy avratomy 7 marp!" 2) @y Pardi à [arro, 
rorwy (Baousver xai 6 Yi6s. “Ev, dx 70 pnisulay eva diagor'av » 
dLITTA GUY * GÙ 730 Shha Mouliuxra [larpos, &)hz dE Yivo. “Ev, du To 
un styat dx Xuugroo OnuucupyruxTa, «ai XÀx Îarpés * uix Jap 
TAYT GY drutsUD y Ia, T0 [laps du 709 Y'ioù rErotrxiros. 


Quelques remarques préliminaires sont nécessaires avant l'examen 
détaillé de chacune des quatre sections de ce texte. La proposition 
de l’unité se fait entièrement de façon positive, nullement de façon 
restrictive ; on peut encore reconnaître par là que l’exposé en est 
fait contre l’arianisme et non contre le sabellianisme soit réel, soit 
soupconné dans la doctrine nicéenne de la consubstantialité. En 
outre, rien ne dit nine suggère que l’auteur a donné ici toutes les 
raisons, tous les fondements qu’il admettait pour l’unité du Père et 
du Fils ; son énumération n’est pas nécessairement exhaustive. Il 
avait ses motifs pour parler comme il l’a fait : peut-être a-t-il cherché 
un certain effet oratoire par la quadruple répétition de la même 


n'est pas Aéro: Toù [zsoi:, c'est celui qui est Guru: Ev row Tù 
YEYEMAITL, comme Cyrille vient de le dire; ce n'est pas nécessairement 
Celui qui possède une substance numériquement une avec celle du Père. 

(1) R, I, 308 ; M, 709, B. 

(2) R, I, 310 M, 709-712. 


378 J. LEBON. 


formule ; évitant l’osocuoto:, pour des raisons qu'on connaît, et la 
terminologie scientifique et philosophique, il a donné des deserip- 
tions plus frappantes et plus à la portée de son auditoire ; enfin, 
s’il repousse énergiquement l’arianisme en répétant et en justiliant 
l'affirmation de l’unité, une certaine réserve, qui apparaît dans Ja 
manière de proposer celte doctrine et ses preuves, s'explique par la 
crainte instinctive du sabellianisme, contre lequel il est toujours en 
garde. 

Notons encore que saint Cyrille ne dit pas ici que, pour les 
raisons qu'il assigne, le Fils est ouoc: au Père, mais bien qu'il est 
ëy avec lui. Ce terme & signifie « une chose, un objet » et situe 
l'unité dans l'ordre réel et substanticl. Voudra-t-on épiloguer et 
contester la valeur que nous lui attribuons, en disant, par exemple, 
que saint Cyrille se contente d'employer une expression scripturaire 
sans en scruter et en admettre le sens total ? Nous répondrons qu'il 
est impossible que l'attention de l’auteur n'ait pas été frappée par 
ce £y, qu'il répète à quatre reprises et que, s’il n’en admettait pas 
le sens premier et plein, il n'aurait pas omis de noter une restric- 
tion, par exemple en l’expliquant par ôucos, ce qui eût été de son 
intérêt dans son opposition au sabellianisme. Contre cette erreur, il 
se contente d’exclure l'unité personnelle du Père et du Fils ; quant 
à l'unité réelle et substantielle, il ne pouvait pas, vu les circon- 
stances, l’exprimer formellement par lévcsucuw:, mais il y a insisté 
par la répétition de ce terme © et par des descriptions qui, croyons- 
nous, serrent du plus près possible l’éuccecuos nicéen et en atteignent, 
en réalité, tout le contenu doctrinal. C’est ce que nous allons essayer 
de montrer en examinant soigneusement chacune des parties ‘de 
notre texte et en nous aidant, à lPoccasion, des explications données 
ailleurs par saint Cyrille. 

1° Le premier fondement assigné à cette unité réelle, c'est 75 +272 
Try Meirnca 2£imux. Cet 3Ëoux var ziy feirnrx, C'est évidemment 
ce que saint Cyrille appelle ailleurs +5 +7: Ye55rros 22'oux (|) ; c'est 
la prérogative, le rang de la divinité, le rang divin, qui n'appartient 
qu'à celui qui est vrai Dieu, ce que le Fils est en réalité, puisque la 
génération divine n’est ni imparfaite, ni trompeuse : iradr He: Div 
siyrsey. Et cette périphrase désigne tout simplement la divinité (x 
besrrs), en en relevant peut-être l'excellence et la gloire (2). Lorsqu'il 


(x) Cfr X. 6,7; XI, 2 (R, I, 268, 270, 292; M, 668, B, 669, B, 692, B). 
(2) Exactement comme 76 T£: ui95rT0: CHOPE et ro TNS KUBUSTNT OS 
actœoux (X, 5: R, 1, 266; M, 665, B) et +0 LE se AOE CHOE 


(XI, 1: R, 1, 290; M, 692, A) signifient x v07rE:, % HU ns EGHUr, 
Ces périphrases sont dans le style de notre auteur. 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’ARIANISME. 379 


justifie son affirmation par le recours à la génération divine, Cyrille 
n'entend pas dire simplement que le Fils est d'essence divine, mais 
bien qu'il est vraiment Dieu, qu'il est, quant à sa réalité, substance 
divine ; c’est cette réalité divine, et non pas une prérogative, une 
dignité extérieure, qui est marquée par 7% xx7à Tv Uiôrnra lo ua ; 
et cette réalité est donnée comme la raison, le fondement, la cause 
(23), entre le Père et le Fils, non pas d'unité personnelle (et:), non 
pas davantage de similitude ou ressemblance (ou-u0:), mais d'unité 
numérique de substance. Car, que le Fils soit « une chose : y » avec 
le Père par la divinité, qu'est-ce à dire sinon que chacun d'eux est 
également cette réalité ? Cyrille n’admet qu'une seule divinité, qui 
n’est certes pas une forme abstraite, pour le Père et le Fils, puisque 
par cette divinité ils ne sont qu'une réalité, une chose, £y. On remar- 
quera la place assignée à cette explication de l’unité; elle vient en 
tout premier lieu et doit donc avoir été considérée par l’auteur 
comme fondamentale, capitale, adéquate. Celles qui suivent pour- 
raient être moins importantes et seulement complémentaires; elles 
ne inodifieront pas la doctrine ici posée ou indiquée ; voyons si elles 
confirment ce qui vient d'être dit. | 

2 La formule dix +0 za73 Try (Baous'xy sous-entend le terme 
2:œux et renferme une nouvelle périphrase qui, comme la précé- 
dente, équivaut réellement au terme simple. La Gxo1:x chez le 
Père et le Fils n’est pas une pure fonction ou un honneur externe ; 
c'est la réalité qui fait que chacun d’eux règne (aoueve), et cette 
réalité fait aussi que le Père et le Fils sont une « chose : £y ». Est- 
elle une, en eux, numériquement ou spécifiquement? Pour le recon- 
naitre, raisonnons avec Cyrille. I dit : où 732 #10 Broueua arr, 
49 92 Yiss. Ces paroles, évidemment, ne signifient pas que le Père 
ne règne pas sur des sujets d’une espèce et le Fils sur des sujets 
d'une autre espèce, mais bien que les sujets du Père sont numé- 
riquement les mêmes que les sujets du Fils; la suite du texte, 
d'ailleurs, déclare explicitement cette unité numérique de sujets : 
a @y Baruede à [azho, roro Barusis 6 Yiô:. Dès lors, le raison- 
nement procède comme suit : sujets numériquement les mêmes, 
royauté numériquement une, possédée à la fois par le Père et le 
Fils qui, de ce chef, sont une « chose : >». C'est donc encore à 
l'unité numérique que l’auteur aboutit par cette voie (1). 


(1) Pour saint Cyrille, l'unité numérique de sujets comporte nécessaire- 
ment l’unité numérique de roi ou de seigneur. C’est ce qui apparaît claire- 
ment par la manière dont il raisonne contre ceux qui ont osé « diviser 
l'unique Dieu » et dire que autre est l'auteur et maître des âmes, autre celui 
des corps (IV, 4: R, I, 92-94; M, 460, A) : « nr: 20 duo #UL' 609 Ets Y'VET a 


880 J. LEBON. 


3° À première vue, la troisième raison ne semblerait établir entre 
le Père et le Fils qu’une unité morale, une conformité parfaite de 
volonté par la négation de toute discordance, de tout dissentiment 
entre eux : deux 7 undeuéxy elvar duxgeovixy  duxoraow. Le sens fût-il 
tel, nous ne devrions pas craindre de le reconnaître, car ce parfait 
accord existe réellement entre les personnes divines et, d'autre part, 
l’unité numérique de substance est déjà suffisamment garantie par 
ailleurs dans la doctrine de notre auteur. Mais il semble bien qu'ici, 
pour Cyrille, l'absence de dixgwr'x ct de zoz201: n'est que le signe 
d’une unité plus réelle, plus fondamentale, dont l'expression propre 
se trouve dans la raison alléguée ensuite : où 720 &/)x fisuhruarz 
Iazpè:, Xh)x d: Yio : les vouloirs du Père ne sont pas autres que 
ceux du Fils. Ici encore, à propos des conseils divins, comme plus 
haut à propos des sujets et plus bas à propos des œuvres, la dis- 
tinction #/14-%)/2 n’est pas entendue dans l'ordre spécifique, inais 
dans l'ordre numérique (1), et de nouveau le raisonnement est le 
suivant : unité numérique des vouluirs ou conseils du Père et du 
Fils, signifiée par l'exclusion absolue et nécessaire de tout désac- 
cord; possession commune de ces conseils identiques par le Père et 
le Fils qui sont, de ce chef et pour autant, une réalité (£>), source 
de ces fcuinuxta (2). 

4 Enfin, une quatrième raison d'unité est encore apportée. Pro- 
posée dans une forme négative, elle gagne en clarté à être traduite 
dans l'énoncé positif correspondant. La distinction 3)/2-%222 se fait, 


dos: Sms, Toù run'ou }: ASE Ep 7 fouz * GudEtz Juyarat Jui 
XUpIOLE doususey ; Ets où iore Ds5: U9YGE, 0 HA Luyo XAL TO)LITU)Y 
Taurris. » Évidemment, ils ’agit de l'unité de Dieu et non de l'unité de per- 
sonne en Dieu. 

(1) Un passage très clair montre bien que la distinction #}/4-#À/> 
est prise par Cyrille dans le sens numérique. 11 s'agit des Æuux72 du Père et 
du Fils. Catéch. XV, 25 (R, IT, 190; M, 905, B), après avoir fait remarqu.r 
que c'est par le Fils que le Père juge. et donc .que le Fils juge VEUURTI 
MHarcs:, il ajoute : « 0 730 ha ITU: At Da vid Ta VEVUXTA, 2/46 
Ey xt T0 œuTs. » Ces derniers mots énoncent bien l'unité numérique ‘de ces 
vouloirs. 

(2) L'argument eût été proposé d’une façon plus claire ct plus heureuse si 
Cyrille avait dit directement : « *Ev, dx 75 uv eva ha Couviruara 
TEA TU05, jh 92 Yico. » Mais la re employ ée était, sans doute, davan- 
tage ‘à la portéc de l'auditoire, et mieux en parallèle avec les propositions 
précédentes. Il est, en tout cas, certain que saint Cyrille ne veut pas simple- 
ment noter ct affirmer, entre le Père ct le Fils, une pure unité morale, de 
conformité de volonté. Pour arriver à l’unité numérique de substance, il nous 
suffit de nous servir des éléments qu'il fournit lui-même, et de mettre en 
forme l'argument qu'il présente d’une manière moins rigoureuse. 


8. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 381 


ici encore, dans l’ordre numérique, comme dans le cas précédent, 
Le Père et le Fils sont £y, une réalité, une chose, car les créatures 
du Père sont par identité les créatures du Fils. C’est là encore le 
signe plutôt que la raison de cette unité. La vraie raison est ajoutée 
tout aussitôt : « unique, en effet, est la production de toutes choses : 
pa yap % rävrwr Jrpusvo'x ». Et pourquoi cette production est-elle 
unique (u'1)? Parce que la force productrice est unique, La formule 
employée : roù [xrp5: d13 roù Yioù nerurxsro:, le dit assez clairement 
si l’on a soin de se rappeler ce qui a été dit plus haut de formules 
semblables, en apparence subordinatiennes. La puissance créatrice 
appartient également au Pére et au Fils ; mais comme, chez le Fils, 
elle est, ainsi que la nature, « du Père », on dit que le Père crée 
par le Fils. L'unité numérique de la puissance créatrice et de son 
exercice repose évidemment sur l'unité numérique de substance, de 
réalité divine, et tel est certainement le fond de la pensée, de la 
doctrine de saint Cyrille. 

Ainsi donc ces formules manifestent bien plus que l'unité spéci- 
fique ou homogénéité du Père et du Fils. Attentivement scrutées et 
loyalement interprétées, au moyen de leur contexte et d’autres expli- 
cations de notre Docteur, elles nous montrent, dans sa pensée, tout 
ce que renferme essentiellement l’éuosurus nicéen, à savoir, l’unité 
numérique de réalité, de substance divine dans ces deux personnes. 

Il nous a paru intéressant et utile de nous arrêter spécialement 
à ce passage parce qu’il est généralement moins remarqué et que 
son exégèse est de nature à mettre mieux en Jumière certains traits 
caractéristiques de la théologie de l'évêque de Jérusalem. Ce n'est 
pas à dire qu’il soit le seul auquel nous attachions de l'importance 
et auquel nous reconnaissions une valeur probante dans la question 
de la consubstantialité. 1 en est d’autres (1), parmi lesquels nous 
nous contenterons d’en faire valoir encore brièvement un. 

Dans la Catéch. VI, Cyrille s'arrête longuement à exposer et à 
prouver l'impossibilité, pour n'importe quelle créature, de connaître 
Dieu totalement et parfailement (2). Cette connaissance parfaite, 


(1) La doctrine de la consubstantialité est encore sous-jacente, par 
exemple, quand Cvrille soutient l’unité et l’indivisibilité de l’adoration à 
rendre au Père et au Fils (7 peniiT 00 ñ repee XI, 17: R, I, 310; 
M, 712, By. Si Cyrille dit, en cet endroit : & Et: Pare de vos Yiod 
FOOT KUYE Ge) »,il n'ya, dans ce x V'iso, que l'expression, en formule 
cyrillienne, du rapport personnel du Fils au Père. 

(2) Sa thèse est, comme il la fait formuler par un objectant (VI,5:RkR, I, 
160; M, 545, A): € 2raTiinnres n UrcatTaots À Üsix », et cette expres- 
sion, à clle seule, prouve déjà que, pour lui, la substance divine est numé- 
riquement une. 


382 J. LEBON. 


compréhensive, cette vision totale est réservée au Fils et au Saint- 
Esprit (1). Pour appuyer cette doctrine, on trouve d’abord un argu- 
ment très simple, tout à fait à la portée de l’auditoire, et qui 
consiste en deux citations scripturaires, 1 Cor., x1, 40 et MATTH., 
x, 27. Mais ensuite, après avoir répété son affirmation, Cyrille 
en donne la raison théologique et intime, en disant : « car le Fils 
monogène est, avec le Saint-Esprit, participant de la divinité pater- 
nelle : énsdn ai ns Desrnrôs Ecre Tüs marfuixñs où Ta mreuuatt To 
ay novmvos © Yiss à poysyeyrc. n On remarquera que l’auteur ne 
parle pas ici de similitude, même parfaite, il ne dit pas ôucros, Gus 
y TAG Où xara révra. Il s’agit, pour le Fils et le Saint-Esprit, de 
participalion, de possession en commun (xvw%5;) de la divinité qui 
est celle du Père. De là suit une totalité, une perfection de connais- 
sance qui prouve que, dans la pensée de Cyrille, cette participation 
est une possession totale et parfaite. Il n’est pas plus question de la 
possession de quelque chose de la divinité, d'une partie de la divinité, 
d’ailleurs simple et indivisible, que d’une imitation ou ressem- 
blance ; il s’agit de la possession en commun de l'unique divinité, 
de cette ür2a-zo: » 0:'x, dont Cyrille a noté plus haut l’incompré- 
hensibilité pour toute créature, et qu’il désigne ici par l'expression 
ñ Deorns % narpuzk parce que, pour lui, 6 Des: c’est le Père, principe 
et source de la divinité dans le Fils et dans le Saint-Esprit. 

Ce passage est décisif et établit, sans aucun doute possible, que 
saint Cyrille pense comme les Nicéens au sujet de la consubstan- 
tialité des personnes divines, encore qu’il n’en parle pas comme 
eux. Il nous dispensera de refaire, pour la doctrine qui concerne le 
Saint-Esprit, le travail que nous avons fait pour celle qui concerne 
le Fils (2). Mais puisque, bien qu'à tort, le soupçon de macédonia- 
nisme a été noté contre Cyrille par l’histoire (3), on nous permettra 
de terminer par une simple remarque. S'il est de son temps en ne 
donnant jamais formellement au Saint-Esprit le nom de 0:::, OÜes: 
22x85, comme il le donne au Fils (4), Cyrille le devance d'une 


(1) fbid., 6 1R, L, 162; M, 548, A): « uovay dE (Aire duvxrat ds VAE 
Zua To Yi, 70 Iedus 76 uv. » Cyrille ne parle que du Fils et du Saint- 
Esprit parce que le Père est, pour lui, 6 Deos et que c'est dans le Père qu'il 
considère la divinité. 

(2) On peut voir à ce sujet le travail de T. SCHERMANN : Die Gottheit des 
heiligen Geïstes nach den griechischen Vätern des vierten Jahrhunderts (Strass- 
burger thcologische Studien, t. IV, fasc. 4-5), Fribourg e.-B., 1901, où Cyrille 
de Jérusalem vient en tête de la série des Pères dont la doctrine est étudiée 
(p. 17-47). 

(3) Cfr supra, p. 182. 

(4) L'expression la plus formelle se rencontre Catéch. XVI, 3 (R, Il, 206; 


8. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L’'ARIANISME. 383 


façon remarquable par l'attention qu’il consacre, dès l’époque des 
Catéchèses, à la théologie de la troisième personne (1), par la fermeté 
avec laquelle il reconnaît la divinité proprement dite du Saint- 
Esprit (2) et étend jusqu’à lui, comme nous venons de l'entendre, la 
consubstantialité que le synode de Nicée n'avait encore définie que 
pour le Père et le Fils, et par la pénétration qui le conduit à l’en- 
seignement équivalent de la procession ab utroque du Saint-Esprit (3). 


* 
4 + 


Il est temps de conclure. Si nous avons donné raison à Rufin 
affirmant que Cyrille avait varié dans la communion ecclésiastique, 
‘ 


M, 920, B), où Cyrille appelle le Saint- Esprit Oeisy Te xxi avEBt{VagTov. 
Sur la portée de la désignation u:y{77r Ovyauu:, employée au même endroit, 
voir T. SCHERMANN, L. C., p. 36, n. 4. — L'omission, pour le Saint-Esprit, de 
l'appellation de Geo:, alors qu'elle est donnée au Fils, n’a rien d'étonnant 
vu l’état de la doctrine à cette époque, et vu également le fait que Cyrille en 
arrivait à ce titre pour le Fils principalement à cause de l’origine de celui-ci 
par voie de génération naturelle, raison qui ne pouvait être apportée dans le 
cas de la troisième personne. 

(1) En particulier dans les Catéchèses XVI et XVII, que T. SCHERMANN 
(L c., p. 20) a justement appelées « kostbare Edelsteine des christlichen 
Altertums in der standisen Lchre der Kirche über die Gottheit des Heiligen 
Geistes ». Car Cyrille n’a rien d'un novateur, et le caractère même de ses 
Catéchèses prouve que la doctrine qu'il y expose était traditionnelle dans 
l Église. 

(2) On pourrait en donner des preuves convaincantes, par exemple : le 
Saint-Esprit est placé absolument au dessus et en dehors du monde des créa- 
tures (XVI, 23: R, II, 237; M, 952, A); il est, comme le Fils, totalement 
soustrait à la servitude dans laquelle tous les autres êtres se trouvent à 
l'égard du Père (VII, 5: R, I, 232; M, 629, B); avec le Fils, il est seul 
à posséder une connaissance compréhensive du Père comme participant, 
avec le Fils, à sa divinité (VI,6: R, 1,162; M, 548, A); il est omniscient et 
tout-puissant (XVI, 25 : KR, Il. 238 ; M, 953, B), éternel et immense comme le 
Pèreet le Fils (nævrore xzci ai Yin ouurancs, XVIL, 5 : R, IT, 256; 
M, 973, B). Et c’est certes un ‘phénomène remarquable que Cyrille, qui est 
encore à ce moment dans le parti antinicéen, professe si décidément cette 
doctrine, tandis que Eusèbe de Césaréc fait clairement du Saint-Esprit une 
créature, qe Acace de Césaréc est du même avis et que Eusèbe d’ Émèse, 
autant que nous sachions jusqu’à présent, reste à peu près muct sur ce point. 

(3) XVI, 24 (R, I, 236 ; M, 952, B) Cyrille dit : « xat [larrp pv CLIATEE) 
Ti, vai Vic: uera0:0 ‘0WO ty z}0 Iusvuxze ». Le premier membre est 
immédiatement justifié pair le texte de MATTH.. XI, 27 ct le second par Jon., 
XVI, 14. Or, nous savons que Cyrille ia par la relation d’origine le 
fait que le Filsa tout reçu du Père; le parallélisme veut donc que nous 
admettions qu'il s’est expliqué également par une relation d’origine le fait 
que le Saint-Esprit « reçoit » du Fils. Il n’est évidemment pas question de 


384 ; : J. LEBON. 


lui concèderons-nous de même que l’évêque de Jérusalem a varié 
dans sa foi? Le lecteur peut répondre à cette question, car nous 
croyons lui avoir fourni toutes les données nécessaires pour porter 
son jugement en connaissance de cause. Toutefois, nous voudrions 
encore l'y aider en lui présentant la gradation des doctrines en 
cours, vers le milieu du 1v° siècle, touchant les rapports du Père et 
du Fils ; grâce à ce tableau, la situation respective de saint Cyrille 
et du concile de Nicée, en matière doctrinale, s’éclaire et se précise 
singulièrement. Voici les divers degrés que l’on rencontre : 

4° Le Père et le Fils sont différents en nature, non seulement 
numériquement, mais aussi spécifiquement, C’est la position arienne, 


rapporter ainsi l'origine du Saint-Esprit au seul Fils (Cfr J. Maper, d. c., p.86; 
T. SCHERMANN, L. c., p. 45). Le Saint-Esprit a également à l'égard du Pèrc et 
du Fils une relation d’origine, et c'est par là qu’il faut résoudre la difficulté 
qui provient de l’apparence subordinatienne de certains textes de Cyrille con- 
cernant la troisième personne, exactement comme nous l'avons fait plus haut 
dans le même cas concernant la deuxième personne (supra, p. 364 et suiv.). 
Car Cyrille sembl: aussi subordonner l’action du Saint-Esprit au signe, à la 
volonté, au consentement du Père et du Fils : « yeuuare Deod xai :y OVéuxTt 
Xouoroë…. ; Pouiroe [Maroo: xat Vioo... ; cuuguy'x Iarpos xœt Vico... » 
(Cfr XVI, 125 XVII, 215 XVII, 29: R, Il, 218, 276, 284; M, 933, B; 993, A : 
1000, C). Ici encore, le subordinatian'sme n'est qu’apparent : le Père est la 
source, l’origine ; de lui, nous le savons, le Fils procède, tient tout ce qu'il 
est, et c'est pour cela que l’on dit que le Fils agit par la volonté du Père; le 
Saint-Esprit, dit-on aussi, agit par la volonté du Père et du Fils, et la 
raison en doit être semblablement une relation d'origine à l’égard des deux. 
Cette relation cst traduite par des formules, d’ailleurs bibliques, comme : 
« Ô [are de Y'io2 div ay Myevuxrt Ta mavra xapits: To » (XVL, 24 : : 
R, II, 236; M, 953, À, ou ibid. : « 91 [ITarro DEV d'J67u Yi, xx Yio: 
no 37°" 1) [vus », où il ne faut pas chercher, pour le Saint- 
Esprit, une relation seulement médiate d’ origine à l” égard du Père), ou encore: 
# Uiy oùv Évrus Loon ax 2hrims Ioruw à Mario, 6 1 Yioë roi; 4taow y 
go Mrecuzre rs inosav'ou: 7ry220v doses » (XVIII, 29 : R, IL, 332 ; 
M, 1049, B). — C'est donc dans un parallélisme étroit que saint Cyrille 
expose la doctrine touchant le Fils et la doctrine touchant le Saint-Esprit. 
Un seul point est développé dans la première sans l’être dans la seconde, et 
c'est le mode d’origine; cela tient au silence de la grande source de la 
théologie de notre Docteur, la Sainte Écriture, touchant le mode de proces- 
sion du Saint-Esprit. Il est bon de relire sa déclaration explicite, en tête de 
la Catéchèse XVI, où il commence à traiter spécialement de la troisième 
personne : « Azyi50e rotyuy 2 NY TEN 2 ou Ilivuaxros uovx Ta 


Jeyorupiox. Ei dE 7 ur PÉVOTTA Ur, ROUE ON DUEY. AUTO 76 

lusouz 70 x Lo EAXÂNTE TS 102933, xu70 AAÛ ED EXUTOD EÏGNKEY 0x 
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Badhre F ÔTX EYOOOOMEY. A 572600 où à cionze. "Ocx yap oùx Elorzey, 


fUEis oÙ TOUMUEY » (XVI,2:R, Il 206; M. 920, A). Nul ne peut HN 
du silence imposé par une règle done: telle prudence. 


S. CYRILLE DE JÉRUSALEM ET L'ARIANISME. 385 


le Fils n'étant pas Dieu véritable, mais un Dieu improprement dit, 
un homme déifié. Le concile rejette cette doctrine en proclamant Le 
le Fils est 6:05 zArcvos &x Ueoù x maven et ex Ti: ouoias Tod narpi:, e 
en condammant les formules ariennes #v notes Ôre oùx nv et £Ë oùx 
ërwy. L’attitude de saint Cyrille n’est pas moins nettement opposée 
à l’arianisme brutal ; il rejette, lui aussi, ces formules y ôre oùx rv 
et:z ro ur, üyrs ; il proclame que le Fils est 6:03 œArivos, Oc06 ex 
lv ; il n’emploie pas l’expression philosophique, non scripturaire, 
peut-être suspecte, à ses yeux, de sabellianisme, £4 7%: ouciaxs, mais 
il en a tout le contenu dans l’enseignement de la génération véri- 
table et naturelle. Pour lui non plus le Fils n’est pas une créature, 
et c'est encore contre l’arianisme qu'il avertit de ne pas séparer 
(gogtree v, duupety) le Fils du Père, de ne pas l’arracher de la sphère 
divine pour le placer dans le monde des êtres créés. Ainsi donc, 
Cyrille et les Nicéens sont d’accord en ce point. 

2° Le l'ère et le Fils sont, en nature, semblables, en tout sem- 
blables, parfaitement semblables, étant l’un et l’autre vrai Dieu ; 
il y a, entre eux, unité spécifique de nature, homogénéité absolue. 
L'est la position doctrinale vers laquelle le parti antinicéen évolue 
de plus en plus à l’époque ici considérée. Or, l'ôpuuss xar> Travra 
n'est employé par saint Cyrille que dans le sens positif, pour 
affirmer la similitude absolue du Père et du Fils, ou dans la polé- 
mique contre l’hétérogénéité soutenue par les Ariens stricts, et les 
Nicéens, qui ne se font pas faute de l’employer positivement, qui 
l'incluent éminemment dans leur éôposctos, ne le condamneront 
jamais que dans le sens exclusif qui l’opposerait à une unité ulté- 
rieure, l’unité numérique de substance. Ici encore, nous pouvons 
noter l’accord réel : ni Cyrille, ni les Nicéens n’excluent la doctrine, 
que chacun d’eux propose; il n'y a pas opposition doctrinale. 

3° Le Père et le Fils sont consubstantiels ; leur nature ou subs- 
lance divine est numériquement une, tandis que leurs personnes 
sont réellement distinctes. Ainsi l’enteudent les Nicéens. Cyrille 
n'emploie pas le terme GGOUTLO;, et son silence équivaut, nous le 
voulons bien, à une condamnation ; mais la raison en est, non dans 
la négation de l’unité numérique de substance divine, qui est, comme 
nous l'avons vu, au fond de sa pensée et à Ja basc de sa théologie, 
mais dans le sens sabellien qu’il est invinciblement poussé à donner 
au mot proposé par le Synode, dans la crainte d’une confusion des 
personnes que les Nicéens repoussent aussi énergiquement que lui. 
De leur côté, ceux-ci considèrent l’omission ou le rejet de l'éucscotos 
comme impliquant, chez tous leurs adversaires sans distinction, la 
théorie arienne du Fils tiré du néant, créature, ce que certains 


386 J. LEBON. 


membres du parti antinicéen, comme saint Cyrille, sont loin d'ad- 
mettre et condamnent mème explicitement. Il y a malentendu quant 
au sens d’une formule, mais, quant à la doctrine, il y a de nouveau 
accord réel, avec une simple nuance ou différence de degré dans la 
clarté et la netteté de sa proposition. 

4° Enfin, le Père et le Fils ne font réellement qu’un à tous égards ; 
la distinction personnelle entre eux n’est qu'apparente, imaginaire 
et ils se confondent en un visrzrwp. C’est le sabellianisme, que les 
Nicéens et Cyrille sont unanimes à rejeter. 

Renvoyons cette fois à Rufin et à ceux qui, trompés par les appa- 
rences, ont cru comme lui aux variations doctrinales de l’évêque de 
Jérusalem, leur jugement comme tout à fait erroné. C’est le Cyrille 
de 348 que nous avons interrogé et entendu; c’est de lui que nous 
pouvons dire, avec un historien déjà cité et peu suspect de tendance 
partiale à justifier les Pères, qu’il ne lui manque que le terme 
éuoousioz et qu’il est, en réalité, orthodoxe (1). 

| J. LEBON. 


(1) Cette étude était achevée et déjà mise à l'impression, lorsque nous 
avons pu nous procurer les travaux de P. HAEUSER : Des heiligen Cyrillus, 
Bischofs von Jerusalem, Katechesen (Munich et Kempten, 1922), et de B. Nre- 
DERBERGER, Die Logoslehre des hl. Cyrill von Jerusalem (Paderborn, 1923). 
Nous nous contentons de les signaler ici, pour compléter notre bibliographie; 
nous ne pensons pas qu’ils rendent inutiles les pages que nous avons écrites 
en nous plaçant au point de vue tout spécial que notre titre annonce ; nous 
croyons de même avoir suffisamment justifié notre avis. lorsqu'il diffère de 
celui de ces auteurs, pour n'avoir plus à y revenir. 


Le pontificat de Victor III (1086-1087). 


I. 


Le pape Grégoire VIE est mort à Salerne le 25 mai 1085 après 
avoir nommé, à la demande des cardinaux groupés autour de son 
lit de mort, ses successeurs possibles. « Élisez, avait-il dit, celui de 
ces trois personnages que vous pourrez avoir, l’évêque de Lucques, 
l'évêque d’Ostie ou l’archevèque de Lyon. » Un an plus tard, le 
24 mai 1086, après une longue vacance, l’abbé du Mont-Cassin, 
Didier, fut élu sous le nom de Victor III. Les cardinaux n'avaient 
pas tenu compte de la volonté du pontife défunt (4). 

Didier était peu qualifié pour continuer l’œuvre gigantesque 
entreprise par Grégoire VII. Pendant le précédent pontificat, il 
avait vécu à l'écart, préoccupé avant tout d'agrandir et d’embellir 
le monastère dont il était abbé, de maintenir à tout prix la paix 
dans l'Italie méridionale, ce qui l'avait entraîné parfois à de 
fâächeuses compromissions que le pape avait formellement désap- 
prouvées, 

Né en 1027, Didier appartenait à une famille princière de Béné- 
vent. Après la mort de son père, survenue en 1047, il se retire à 
l'ermitage de La Cava, entre Salerne et Sorente, revient ensuite 
dans sa ville natale et, tandis qu'il est moine à l’abbaye de Sainte- 
Sophie à Bénévent, noue des relations avec le pape Léon IX, le car- 
dinal Humbert de Moyenmoutier, l’abbé du Mont-Cassin, Frédéric 
de Lorraine, avec lequel il se lie d'amitié. En 1055, lors d'une ren- 
contre en Toscane avec Victor 11, successeur de Léon IX, il obtient 
l'autorisation de quitter son monastère ; il gagne aussitôt le Mont- 
Cassin dont il devient abbé le 19 avril 1058, après l'élévation à la 
papauté de Frédéric de Lorraine sous le nom d’Étienne IX. Le 
6 mars 4059 Nicolas II, successeur d’Étienne IX, lui confère la 
pourpre cardinalice et lui attribue l’église du Transtévère. Didier 
devient ainsi un des personnages importants de l’Église romaine (2). 


(1) Sur les derniers moments de Grégoire VII et les événements de 1085- 
1086, cfr notre article sur L'élection d’Urbain II (Moyen âge, 1916, 2e sér., 
t. XIX). 

(2) Ces détails biographiques sont empruntés à LÉoN D’'OsTie, Chronica 
monasterii Casinensis, |]. III, c. x et suiv. (MGH, SS, t. VII, p. 698 et suiv..). 
On consultera aussi HrrscH, Desiderius von Monte Cassino als Papst Victor III 
(Furschungen zur deutschen Geschichte, t. VII, 1887, p. 6 et suiv.). 


388 AUGUSTIN FLICHE. 


Il n’aspire pas pour cela aux grands rôles. Les grands problèmes 
qui se posaient pour l’Église au milieu du x:° siècle semblent le 
laisser indifférent. Il se passionne moins pour la réforme religieuse 
que pour le gouvernement de son abbaye. I] n’a qu’un but : il veut 
rendre au monastère que saint Benoît avait fondé sur les crêtes 
nues et désolées de l’Apennin sa splendeur passée ; continuant 
l’œuvre ébauchée par son prédécesseur Richer, il édifie une biblio- 
thèque, une salle capitulaire, surtout une basilique grandiose, 
qu'il décore richement et dont, le 6 octobre 1074, Alexandre IL 
vient faire la dédicace solennelle, escorté de dix archevêques, de 
quarante-quatre évêques, du prince de Capoue, Richard, qu’accom- 
pagnaient son fils Jourdain et son frère Rainulf, de Gisulf, prince 
de Salerne, et de nombreux seigneurs laïques (1). Cette imposante 
cérémonie fut pour Didier une véritable apothéose. Dès lors l’abbé 
n'eut d'autre souci que de compléter son œuvre en acccumulant au 
Mont-Cassin statues, mosaïques, fresques, miniatures, et, plus 
encore, de mettre ces richesses à l’abri des pillards et des envahis- 
seurs. | 

Le monastère avait de dangereux voisins, les Normands, installés 
en maîtres dans l’Italie méridionale, où ils formaient au milieu du 
xI< siècle trois principautés : au nord celle de Capoue, que gouver- 
naient les comtes d’Aversa, Richard, puis Jourdain, puis plus au 
sud l’état de Robert Guiscard, duc de Pouille et de Calabre, bientôt 
maitre de Salerne et d’une partie de la Sicile, que côtoyaient les 
possessions de Roger, frère de Guiscard, qui régnait sur le reste de 
la Sicile. (2) Tous ces princes avaient une fâcheuse réputation qu'ils 
méritaient pleinement. « J’ai vu, écrivait le pape Léon IX, ce peuple 
indiscipliné, avec une rage incroyable et une impiété qui dépasse 
celle des païens, ravager en divers endroits les églises de Dieu, 
persécuter les chrétiens, parfois même les faire mourir dans des 
tourments horribles et inconnus jusqu’à eux. [ls n’épargnent ni les 
enfants, ni les vieillards, ni les femmes, ne distinguent pas le sacré 
du profane et pillent les églises des saints qu’ils brülent et rasent 
jusqu'au sol. » (3) Didier n’ignorait rien de tout cela et il agit en 
conséquence. 


(x) Léon D'OsTie, Chronica monasterii Casinensis, 1. II, c. 29-30 (MGH, 
SS, t. VIL, p. 719-722). Cfr Hirscu, article cité, p. 20-59. 

(2) Sur les états normands de l'Italie méridionale, cfr F. CHALANDON, 
Histoire de la domination normande en Italie et dans les Deux-Siciles, t. I, 
Paris, 1907. 

(3) JAFFÉ-WATTENBACH, Regesta pontificum Romanorum, n° 4333 : PL, 
t. CXLIL, p. 778. 


LE PONTIFICAT DE VICTOR Ill. 389 


Il s’efforça tout d’abord d’acquérir les châteaux qui avoisinaient 
le Mont-Cassin et réussit à constituer à l'abbaye un rempart 
efficace (1), mais surtout il s’appiiqua à prévenir la guerre dans 
l'Italie méridionale en usant de toute sa diplomatie pour apaiser les 
rivalités sans cesse renaissantes entre les princes normands, plus 
encore pour réconcilier ceux-ci avec le Saint-Siège dont ils avaient 
été, sous le pontificat de Léon IX, les redoutables et victorieux 
adversaires (2). 

Dès 10359, lorsque le décret sur l'élection pontificale eut brouillé 
la papauté et la Germanie jusque-là alliées, Didier suggère à 
Nicolas 11 de chercher un appui du côté des Normands; c’est lui qui 
négocie le rapprochement entre l’Église romaine et Robert Guiscard, 
scellé en août 1059 au concile de Melfi (5). L’entente ne fut, il est 
vrai, que très éphémère ; la politique d'Alexandre 11, de nouveau à 
la remorque de l’Allemagne, et les velléités conquérantes de Robert 
Guiscard amenèrent bientôt un refroidissement très marqué. Au 
début du pontiticat de Grégoire VII, en mars 1074, Robert Guiscard 
est excommunié pour ses incursions dans la région des Abbruzzes, 
qui appartenait au Saint-Siège (4). C’est pour Didier un échec 
grave et le bon abbé, inquiet des conséquences que pourrait avoir 
pour le Mont-Cassin l’anathème pontifical, s’employa à le réparer 
de son mieux. La chose n’alla pas sans difficulté. C’est seulement 
à la fin de 1080, après la proclamation par l'assemblée de Brixen 
de l’antipape Clément Ill, que la politique de Didier fut enfin 
couronnée de succès et que Grégoire VII, cédant aux sollicitations 
de l’abbé du Mont-Cassin, tenta de conjurer la menace allemande 
sur Rome en s’alliant à Robert Guiscard, de nouveau vassal du 
Saint-Siège (5). 

Cette fois encore la papauté ne retira de son entente avec les 
Normands que de médiocres résultats. Henri IV put descendre en 
ltalie et ravager la campagne romaine à plusieurs reprises de 1081 
a 1083, sans être inquiété par Robert Guiscard, soucieux surtout de 


(1) LÉON D'OsTIE, Chronica monasterii Casinensis, 1. IL, c. 16 (MGH,SS, 
t. VI, p. 708-709). 

(2) LÉON D’OSTIE, Chronica monasterii Casinensis, 1. IT, c. 84 (MGH, SS, 
t. VIL, p. 685-686) ; GUILLAUME DE PouILLE, Gesta Roberti Wiscardi, 1. II, 
v. 66 et suiv. (/bid.,t. IX, p. 255). Cfr CHALANDON, op. cit., t. I, p. 136-137. 

(3) Cfr notre article sur Hildebrand (Moyen âge, 1919, t. XX{, p. 160-161). 

(4) Gregorii VII Reg 'strum, 1.1, ep. 86 (Monumenta Gregoriana, p. 108), 

(s) Greg. VIT Reg., 1. VILLE ep. x a, b, c (Monum. Gregor., p. 426-428) ; 
PIERRE DiaAcRE, Chronica monasterii Casinensis, |. II, c. 45-46 (MGH, SS, 
t. VU, P- 734-730). 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX, 25 


390 AUGUSTIN FLICHE. 


satisfaire ses ambitions orientales (1). Quant à Jourdain de Capoue, 
qui s'était cru obligé lui aussi de faire amende honorable envers le 
Saint Siège, il abandonna en 1082 la cause pontificale et se rangea du 
côté du roi de Germanie (2). Didier fut très affecté par cette défec- 
tion. Jourdain, en 1079, avait dévasté les terres du Mont-Cassin (3). 
N’allait-il pas recommencer ses inquiétantes incursions ? 11 fallait 
prévenir à tout prix cette catastrophe et Didier ne vit d’autre moyen 
de la conjurer que de prendre lui-même l'initiative d’une médiation 
aux fins de rétablir la paix entre Grégoire VII et Henri IV, et du 
même coup entre le prince de Capoue et l'abbé du Mont-Cassin. Le 
roi de Germanie se chargea d’ailleurs de mettre un terme à ses 
angoisses en le mandant auprès de lui. Didier se rendit à cet appel 
et, en avril 4089, il osa promettre au prince deux fois excommunié 
qu’il le ferait couronner empereur par le pape légitime (4). 11 fallait 
pourtant obtenir l’assentiment de Grégoire VII et de ce côté Didier 
fut sèchement éconduit. Non seulement le pape ne lui sut aucun gré 
de son initiative, mais, si l’on en croit Hugues de Lyon, il le frappa 
d’excommunication (5). Heureusement pour l'abbé, Robert Guiscard 
châtia Jourdain, qui revint à la cause pontificale, et l'incident se 
trouva clos (6). Il n’en est pas moins vrai que Didier avait gravement 
failli à son devoir et que, par souci des intérêts matériels du Mont- 
Cassin, il s’était laissé ébranler dans sa fidélité à l'Église romaine, 
Cette attitude peu reluisante ne semblait pas l'imposer au choix des 
cardinaux pour succéder à Grégoire VII. 

Mais les cardinaux eux-mêmes ne surent pas résister à la pression 
normande ni aux impérieuses sollicitations du prince de Capoue, 
véritable auteur de l'élection de Didier du Mont-Cassin au siège 
apostolique. Le 24 mai 1086, gräce à son ami Jourdain, Didier devint 
le pape Victor IE (7). On ne pouvait faire un plus mauvais choix. 
Ce bibliophile, cet architecte, cet amateur d'art n’était pas capable — 
son passé le prouvait amplement — de continuer l'œuvre réforma- 


(1) PrerRE Diacre, Chronica monasterii Casinensis, 1. III, c. 49 et suiv. 
(MGEH,SS, t. VII, p. 738 et suiv.) 

(2) PIERRE Diacre, Chronica monasterii Casinensis, 1. III, c. 50 (MGH,SS, 
t. VI, p. 739). 

(3) Greg. VII Reg , 1. VI, ep. 37 (Monum. Gregor, p. 376). 
(4) PIERRE DiacrE, Chronica monasterii Casinensis, 1. III, c. 50 (MGH,SS, 
t. VIL, p. 740). 

(5) Cfr la lettre de Hugues de Lyon citée par Hugues de Flavigny (MGH, 
SS, t. VIII, p. 467). 

(6) PtrRRE DiackE, Chronica monasterii Casinensis, loc. cit, 

(7) Nous avons retracé l’histoire de l'élection dans notre article déjà cité 
sur L'élection d’Urbain IT. 


LE PONTIFICAT DE VICTOR Ill. 391 


trice de Grégoire VII, de poursuivre avec l'énergie nécessaire la 
lutte contre l’antipape imposé et soutenu par le roi de Germanie, de 
faire face en somme à une situation particulièrement critique, dont 
il importe, avant de retracer l’histoire du pontificat, de dégager les 
traits essentiels. 


IL. 


Les dernières années du pontificat de Grégoire VII ont été dures 
pour l'Église : le schisme impérial a triomphé en Italie et en Alle- 
magne. Pourtant la situation n’est pas désespérée : il s’est même 
produit pendant la longue vacance du siège apostolique quelques 
événements favorables et il semble que la barque de Pierre, si elle 
est conduite par un pilote habile, puisse échapper encore au naufrage 
qui menace de l’engloutir. 

Rome, depuis le départ de Grégoire VII (mars 1084) est en proie 
à l'anarchie. L’antipape Clément H£, après son triomphe momentané, 
n'a pu s’y maiptenir et a dù regagner Ravenne (1), mais son parti 
est encore très puissant ; les défections se sont multipliées dans le 
haut clergé (2) et, pendant la première semaine du carême, il s’est 
tenu à Ravenne un concile schismatique auquel ont assisté plusieurs 
dignitaires de l'Église romaine tels que Robert, cardinal au titre de 
Saint-Marc, et Anastase, cardinal au titre de Sainte-Anastasie (3). 

Naturellement les partisans de l’antipape et de l’empereur ont 
cherché à exploiter cette situation favorable et, comme toujours, ils 
ont eu recours tout d’abord aux armes de la polémique qui, pendant 
les dernières années du pontificat de Grégoire VII, avaient été un si 
puissant levier. Quelques mois après la mort du grand pontife, 
Guy, évêque de Ferrare, a écrit, à la demande de Clément IIf, son 
De scismate Hildebrandi, dont le but manifeste était de rallier à 
Clément II les indécis, les incertains, en leur prouvant qu’Hilde- 
brand étant un « schismatique » dont la déposition s’imposait, 
Guibert de Ravenne, proclamé sous le nom de Clément Ill, pouvait 
seul être honoré comme le pape légitime. Il n’y a pas lieu d'examiner 
ici le caractère sophistique des arguments développés dans ce 


(1) BerNozp DE CONXSTANCE, a. 1085 : « Sed Guibertus heresiarcha multum 
de obitu ejus (Gregorii VI) laetabatur, licet parum prosperitatis suae parti 
in eo lucraretur. Nam omnes catholici post mortem domni apostolici non 
minus quam antea eidem heresiarchae restiterunt, ipsumque de Roma 
Ravennam repcdare compulcrunt » (MGH, SS, t. V, p. 444). 

(2) Cfr BeNoN, Gesta Romanae ecclesiae, 1. 1, c. 1 (MGH, Libelli de lite, 
t. Il, p. 369). 

(3) Leurs noms sont donnés par une bulle de Clément III en date du 
27 février 1086 (JAFFÉ-WATTENBACH, n° 5322). 


392 __ AUGUSTIN FLICHE, 


traité (1). 11 suffira de noter la modération apparente dont fait preuve 
Guy de Ferrare. Les cris de haine et de colère dont l’écho retentissait 
à travers les œuvres polémiques des années précédentes ont com- 
plètement cessé ; le nouveau défenseur de Henri IV et de Clément HI 
tend à ses adversaires une main perfide, afin de ne pas les effarou- 
cher, mais, si la tactique s’est modifiée, la thèse n’a pas changé : 
Victor HIT, dont le nom est prononcé à la fin du livre, n’est qu'un 
usurpateur ; seul Clément [I a droit aux hommages des évêques et 
des fidèles de la chrétienté. 

Il est difficile de mesurer exactement l'influence qu’a pu exercer 
le De scismate Hildebrandi. En tous cas, que Guy de Ferrare ait ou 
non entrainé la conviction, il est certain que le pouvoir de la papauté 
est très ébranlé dans l'Italie entière. Du moins le nouveau pape 
dispose-t-il au sud et au nord de deux alliances, celle des états 
normands et celle de la comtesse Mathilde. 

Trois princes normands se partagent — on l’a déjà dit — la 
domination de l'Italie méridionale : Jourdain de Capoue, Roger de 
Sicile, frère de Robert Guiscard, et enfin le jeune fils de Robert 
(mort en Orient le 47 juillet 1085), Roger, duc de Pouille, né du 
second mariage de Guiscard avec Sykelgaite, qui a dû abandonner 
à un fils du premier lit, Bohémond, les villes d’Oria, Otrante et 
Tarente avec la région située entre Conversano et Brindisi (2). Cette 
cession a été précédée d’une guerre civile, au cours de laquelle 
Roger de Sicile est intervenu en faveur de Bohémond et, tandis que 
l'oncle et le neveu étaient aux prises, Jourdain de Capoue en a profité 
pour accaparer la fonction de protecteur de la papauté, assumée jadis 
par Robert Guiscard (5). En mai 4086 la paix semble rétablie dans 
l’italie normande, mais elle est à la merci du moindre incident. 
Roger, fils de Guiscard, ne pardonne pas à son oncle son interven- 
tion et il est jaloux du rôle qu'a joué Jourdain en 1085. Ces divisions 
et ces rancunes affaiblissent du même coup la situation de la papauté, 
qui ne peut sérieusement compter sur personne et qui risque d’être 
sacrifiée aux plus inesquines ambitions. 

Au nord, au contraire, Victor Il peut attendre un concours loyal 
et fidèle de la comtesse Mathilde, dont la situation a été affermie, 
semble-til, par la victoire que ses troupes ont remportée, le 


(1) Nous ne pouvons que renvoyer à notre étude sur Guy de Ferrare parue 
dans le Bulletin italien, juillet-décembre 1916, où ont été examinées toutes les 
questions relatives à ce polémiste. 

(2) Cfr CHALANDON, op. cit., t. I, p. 285 et suiv. où l’on trouvera tous les 
textes. 

(3) Nous avons indiqué son rôle lors de l'élection de Victor IITI dans notre 


article déjà cité sur L'élection d'Urbain II. 
© 


LE PONTIFICAT DE VICTOR III. . 393 


2 juillet 1084, à Sorbaria sur celles d'Henri IV au moment où le roi 
regagnait l'Allemagne (1). Partout dans cette région le parti grégo- 
rien enregistre. des progrès. Si la mort d’Anselme de Lucques, 
vicaire pontifical en Lombardie, survenue en mars 1086 (2), a été 
pour lui un grand malheur, en revanche, plusieurs évêques schisma- 
tiques ont également disparu au cours de l’année 1085 : ce sont 
Thedald de Milan, un des plus fermes soutiens de Henri IV, Eberhard 
de Parme et Gandulf de Reggio qui avaient combattu à Sorbaria (3). 
De là dans le parti impérial une certaine désagrégation, d’autant 
plus dangereuse pour lui que les églises de Modène, Reggio et 
Pistoie avaient à leur tête des pasteurs catholiques (4). 

En résumé, la situation de la papauté en Italie, tout en restant 
assez précaire, est en voie d'amélioration. L'élection de Victor III a 
pu se faire à Rome sous la protection des armes normandes (5). 
L'avenir paraît en 1086 moins sombre qu’en 1084, au moment où 
Grégoire VII s’enfuyait à Salerne, universellement abandonné. 

Il en est de mème en Allemagne. Une crise terrible s’y est 
déchainée pendant la dernière année du pontificat de Grégoire VII. 
Victorieux de l'opposition de la Saxe, Henri IV avait invité les 
évèques de ce pays à venir exposer leurs arguments en une confé- 
rence avec les prélats impérialistes. À ce colloque, qui eut lieu à 
Gerstungen, l’orateur des Grégoriens, le vieil archevêque de Salz- 
bourg, Gebhard, eut manifestement le dessous dans une discussion 
avec Wécil, archevèque de Mayence, au sujet d’une fausse décrétale. 
L'effet produit fut déplorable ct il en résulta plusieurs défections 
parmi les partisans du Saint-Siège (6). Henri IV put réduire la Saxe 
et la Bavière sans difficulté (7); un peu auparavant il avait réussi à 
chasser de son siège l’évêque de Metz, Hermann, qu'il remplaça par 
un de ses partisans, Galon, abbé de Saint-Arnoul (8). L'Allemagne, 


(1) BERNoLD DE CoNSTANCE, a. 1084 (MGH, SS, t. V, p. 441) ; Donizon, 
Vita Mathildis, 1. IT, c. 3 (Zbid., t. XII, p. 387). 

(2) Vita Anselmi Lucensis, c. XLII (MGH, SS, t. XIT, p. 25). 

(3) BERNOLD DE CoNSTANCE ; Don1zoN, loc. cit. 

(4) BERNoLD DE CoNsrANcCE. a. 1085 (MGH, SS, t. V, p. 443). 

(5) PIERRE DrACRE, Chronica monasterii Casinensis, |. IL, c. 66 (MGH,SS, 
t VII p. 748). 

(6, Cfr Liber de unitate ecclesiae conservanda, 1, II, c. 18 (Libelli de lite, 
t. II, p. 234); EKKEHARD D'AURA, Chronicon universale, a. 1085 (MGH,SS, 
t. VI, p. 206); BERNOLD DE CoNSTANCE, a. 1085 ({bid.,t. V, p. 442); ANNA- 
LISTE SAXON, a. 1085 (Jbid., t. VI, p. 722). 

(7) ANNALISTE SAXON, loc, cit. ; Liber de unitate ecclesiae conservanda, |. II, 
c. 28 (Libelli de lite,t. II, p. 249-250). 

(8) HuGues DE FLaAviGny, 1. II (MGH, SS, t. VIII, p. 471); SIGEBERT DE 
GEMBLOUX, à. 1085 (JZbid., t. VI, p. 365). 


394 AUGUSTIN FLICHE. 


au moment de la mort de Grégoire VII, paraissait entièrement 
détachée de l’Église romaine. 

Le roi ne réussit pas à exploiter son succès. A Metz, Galon, 
presque aussitôt après son usurpation, fut saisi de remords ; il 
alla se jeter, contrit et repentant, dans les bras d'Hermann qu'il 
avait supplanté et qui lui pardonna de grand cœur (1). C'était un 
rude coup pour les impérialistes- Si les Grégoriens avaient été 
mieux dirigés, il leur aurait été possible, sans doute, de reprendre la 
position perdue, mais l’évèque Hermann, dont le tempérament était 
plutôt mou, n'osa pas aller de l'avant. Henri IV profita de son 
inertie pour installer à Metz ua autre pasteur de son parti, Brun (2). 
Il est vrai que ce choix n'était pas heureux : Brun était connu pour 
la légèreté de ses mœurs et la dureté de son caractère. Son gouver- 
nement mécontenta tout le monde, y compris les partisans du roi 
qui ont porté sur lui les jugements les plus sévères (3). Aussi la 
libération de la Lorraine apparaît-elle comme assez proche ; elle se 
produira au début du pontificat d’Urbain IL. 

En Saxe le triomphe de Henri IV est encore plus éphémère. Le 
prince avait réussi à se débarrasser des évêques qui lui étaient 
hostiles et à leur substituer des prélats dévoués à sa cause. Après 
avoir réduit l’épiscopat, il voulut briser la domination de certains 
seigneurs laïques dont il se méfiait, et procéda tout d’abord à des 
remaniements territoriaux qui suscitèrent une violente opposition (4). 
Il se forma une conjuration dont l’âme fut le comte Egbert (5), et 
Henri IV, qui avait licencié son armée, dut battre en retraite (6). 


(1) HuGues DE FLAvIGNY, loc. cit.; Rodulf gesta abbatum Trudonensium, 
1. IIL c. 15 (MGH, SS, t. X, p. 246). 

(2) HuoGues DE FLavicny, 1. IT (MGH,SS, t. VIIL, p 471); Rodulfi gesta 
abbatum Trudonensium, loc. cit. 

(3) Le liber de unitate ecclesiae conservanda, |. II, c. 30 (MGH, Libelli de lite, 
t. IE, p. 256) lui reproche de n'avoir pas été élu régulièrement et d’étre ven: 
«ut furtum faceret, mactarct et perderet.. non cpiscopus, sed tyrannus » 

(4) C'est du moins la raison donnée par les Annales Ratisbonenses major s 
(MGEH,SS, t. XIII, p. 49) que l’on peut considérer comme la plus impartiale 
parmi les sources relatives à cet événement. Bernold de Constance, a. 1085, 
accuse en termes vagues Henri IV de s’être conduit en tyran : « pristinam 
tirannidem in illos exercere non desiit ; unde et ipsi versa vice eum fugave- 
runt » (MGH,SS, t. V, p. 444), tandis que la version impériale, représentée 
surtout par le liber de unitate ecclesiae conservanda, 1. II, c. 28 (MGH, Libelli 
de lite, t. IH, p. 250) et par les Annales Augustani, a. 1085 (MGH,SS, t. III, 
p. 136), flétrit la mauvaise foi des Saxons qui auraient conspiré sans motif 
dès que le roi eut licencié son armée. 

(5) SIGEBERT DE GEMBLOUX, a. 1085 (MGH, SS, t. VI, p. 365) ; EKKEHARD 
D'AURA, a. 1085 (Jbid.,t. VI, p. 206). 

(6) Annales Ratisbonenses majores, a. 1085 (MGH, SS, t, XII, p. 49 ; BER- 


LE PONTIFICAT DE VICTOR III. 395 


Cette fuite rapide laissait le champ libre à ses adversaires : les 
évêques qu’il avait bannis purent rentrer dans leurs diocèses ; une 
nouvelle offensive du roi échoua piteusement (1). Une fois de plus 
la Saxe échappait à la domination henricienne ; le Saint-Siège 
pouvail trouver en elle un point d'appui, si du moins parmi l’épis- 
copat surgissait un véritable chef religieux, capable de remplacer 
Gebhard de Salzbourg et Hartwig de Magdebourg déjà vieux et un 
peu usés. 

Or ce chef se révéla au sud de l'Allemagne en la personne du 
nouvel évêque de Constance, Gebhard, que le légat Eudes d’Ostie 
avail ordonné en 1084. Moine de Hirschau, Gebhard est animé du 
plus pur esprit de réforme qu'il a propagé dans les abbayes 
de la Forét Noire avant d'en imprégner l’Église séculière, Dès son 
avénement il cherche à donner plus de cohésion au parti grégo- 
rien en convoquant à Constance un synode qui, avec de nombreux 
abbés, réunit les ducs Welf de Bavière et Berthold de Rheinfelden, 
les comtes Burchard de Nellenbourg, Cunon de Welfingen et de 
nombreux chevaliers (2). Déjà Gebhard s'impose par la sûreté de 
sa doctrine et par sa débordante activité : c’est lui qui désormais 
dirigera en Allemagne le parti grégorien et lui infuscra une sève 
nouvelle. 

En résumé, au moment de l’avènement de Victor III, l'Allemagne 
se partage en deux camps qui se délimitent même géographique- 
ment : l'Allemagne de l'est est pour l'Église romaine, celle de 
l’ouest pour Henri IV. C’est en effet dans la région rhénane que se 
recrutent tous les partisans de l’empereur parmi le haut épiscopat : 
les trois grands archevèchés rhénans de Mayence, Cologne, Trèves 
ont pour titulaires Wécil qui à Gerstungen s’est signalé à la fois 
par sa science et par son inébranlable fidélité à la cause impériale, 
Sigwin et Egilbert. A Brème-Hambourg, Liémar reste le conseiller 
le plus influent de Henri IV. Les suffragants suivent le sillage des 
métropolitains ; dans quelques diocèses pourtant deux compétiteurs 
se disputent le siège épiscopal. 


NOLD DE CONSTANCE, a. 1085 (/bid.,t. V. p. 444); Annales Augustani, a. 1085 
(Z5id., t. IIL, p. 136). 

(1) En 1086 en effet Henri IV, après avoir séjourné successivement en 
Franconie, en Bavière et dans la région rhénane, revient vers la Thuringe 
et, en février, essaic de pénétrer en Saxe, mais il ne peut y parvenir et bat 
en retraite vers la Bavière. Sur cette expédition, cfr, outre les sources 
déjà indiquées, MEYER von KNoxaAU, Jahrbücher des deutschen Reïchs unter 
Heinrich IV und Heinrich V, t. AV, p. 56 et suiv. et 113 et suiv., dont les 
conclusions parai:sent indiscutables. 

(2) Lupwia MüLLer, Regesta episcoporum Constantiensium, nos 531-532, p. 69. 


396 AUGUSTIN FLICHE. 


Les forces des deux partis sont difficiles à évaluer avec précision. 
Pendant le pontificat de Grégoire VIl elles se sont à peu près équi- 
librées et si un instant, au début de 1085, la balance a paru pencher 
du côté des impérialistes, il n’est pas douteux que pendant la 
vacance du siège pontifical les Grégoriens ont récupéré en grande 
partie le terrain perdu (1). L'avenir est à celui qui fera preuve 
d'initiative, de décision et aussi de science canonique. En tous cas 
les chances d’une réconciliation entre le sacerdoce et l'empire sont 
minimes : Henri IV est moins disposé que jamais à abandonner son 
antipape qui ne peut espérer rallier à lui les partisans de la réforme, 
fidèles à la mémoire de Grégoire VII. 

Enfin, si en Italie et en Allemagne, la situation est encore incer- 
taine, il semble que Victor Ill et l'Église romaine puissent compter 
sur la neutralité bienveillante de la France ct de l'Angleterre. 

En France, les rapports entre la papauté et le roi ont été souvent 
tendus. Philippe Le, type accompli du prince simoniaque, aperçoit 
dans le trafic des évêchés une ressource importante pour ses 
finances obérées. Aussi a-til fait mauvais accueil aux décrets réfor- 
mateurs ; de 4077 à 1080 il a tenu téte non sans violence au légat 
de Grégoire VIT en Gaule, Hugues de Dic (2). l'ourtant depuis 1080 
il y a tendance à l’apaisement, Après Je concile de Brixen qui a 
consommé le schisme impérial, Grégoire VII à pensé qu’il était de 
bonne politique de tempérer en France l'application de la réforme 
et, soucieux de se ménager une alliance, il a prodigué les avances. 
« Nous avons souvent appris par les ambassadeurs de Votre 
Majesté, écrit-il au roi le 27 décembre 1080, que vous recherchiez 
la faveur et l'amitié du Saint-Siège. Sachez que cette nouvelle nous 
a causé une très grande joie et que, si vous conservez ces disposi- 
tions, vous aurez toute notre faveur » (5). Depuis lors, bien que 
Philippe I‘ ait souvent continué à régler les affaires ecclésiastiques 
de sa propre autorité, les relations entre la France et le Saint-Siège 
ont revêtu un caractère plus amical : Philippe 1° n’a pas songé un 
instant à reconnaitre l’antipape Clément I et il semble que de son 


(x) Les historiens allemands ont exagéré à notre avis la détresse des Gré- 
goricns en 1086. Les faits qui ont été rappelés dans les pages précédentes 
prouvent que Floto commet une erreur manifeste quand il soutient (Kaiser 
Heinrich 1V und sein Zeitalter, t. II, p. 315) que la mort de Grégoire VII a 
complètement désagrégé son parti. MEYER von KNONAU, op. cit., t. IV, 
P. 35 n. 98. prétend lui aussi que cette désagrégation, commencée dès le début 
de 1085, n’a fait que s'accentucr par la suite, 

(2) Cfr AUGUSTIN FLICHE, Le règne de Philippe I*", roi de France, p. 408 et 
suiv. 

(3) Greg. VII Reg., 1. VII, ep. 20 (Monum, Gregor., p. 451). 


LE PONTIFICAT DE VICTOR III. 397 


côté la papauté ait adouci dans le royaume capétien la législation 
sur l'investiture laïque, lout en continuant à pourchasser le nico- 
laisme et la simonie. 

En Angleterre, Guillaume le Conquérant a su gagner toutes les 
sympathies du Saint-Siège. Grégoire VII l’a félicité de ne pas vendre 
les églises, de faire régner autour de lui la paix et la justice, de 
contraindre les clercs mariés à quitter leurs femmes et les laïques 
à renoncer aux dimes qu'ils détenaient encore (1). Comme le roi n’a 
jamais vendu les évèchés et qu’il a cherché sincèrement à réformer 
les mœurs de son clergé, le pape ne semble pas avoir promulgué 
dans le royaume anglo-normand le décret sur l'investiture laïque, 
afin de ne pas froisser un souverain très absolu dans son gouverne- 
ment (2). Guillaume reste attaché au Saint-Siège et, si de trop graves 
soucis intérieurs ou extérieurs l'empèchent de le secourir efficacc- 
ment, sa défection n’est pas à redouter et son appui moral est assuré. 

Telle est la situation de la papauté à l’avènement de Victor HI. 
Elle est sans doute critique, instable, mais d’un ensemble de cir- 
constances défavorables émergent pourtant quelques chances de 
salut. 11 s’agit seulement de les exploiter. Victor II n’en parait 
guère capable. Il manque de décision et d'autorité. Élu sous la 
pression des princes normands, il va être combattu par les Grégo- 
riens purs qui n'almettent pas l’intrusion dans l’Église d’une 
puissance laïque. A la crise extérieure, dont on vient d'exposer les 
grandes lignes, va s'ajouter aussitôt après son avènement une crise 
intérieure, beaucoup plus grave encore, qui constitue le fait essen- 
tiel de son pontificat. 


UT. 


L'histoire des événements qui ont suivi l’élection de Victor III est 
assez difficile à retracer, tellement sont opposées les deux versions 
qui y ont trait, celle de Pierre Diacre dans la chronique du Mont- 
Cassin (5) et celle de Hugues de Die dans deux lettres à la comtesse 
Mathilde conservées par le chroniqueur Hugues de Flavigny (4). 

Voici d’abord la version de Pierre Diacre. « Quatre jours après 
son élection, Didier quitta Rome, gagna Ardée où il séjourna trois 
jours, puis Terracine. Là il déposa la croix, la clamyde et les autres 
insignes du pontificat, sans que personne püt le décider à les 


(1) Greg. VII Reg., 1. VIII, cp. 28 (\/onum. Gregor., p. 478-479). 

(2) Cfr AucusTin FLICHE, Saint Grégoire VIT, p. 84. 

(3) PIERRE Diacre, Chronica monasterii Casinensis, 1. III, c. 67-68 (MGH, 
SS, t. VIT, p. 749-750). 

(# Huaues De FLAvIGNY, 1. IT (MGH, SS, t. VIII, p. 467-468). 


398 AUGUSTIN FLICHE. 


reprendre; il déclarait en effet qu’il préférait terminer sa vie sous 
l’habit monastique plutôt que de se courber sous le joug d’un fardeau 
aussi Jourd. On insista auprès de lui, on multiplia chaque jour les 
supplications et Ls larmes, on lui fit voir le grand péril couru par 
l'Église, la perte qui en résulterait pour beau-oup d'âmes, la colère 
de Dieu qu'il attirerait manifestement en ne songeant pas à elles. 
Rien n'y fit: il retourna au Mont-Cassin. Pendant toute une année 
il persista dans sa résolution et ne se laissa fléchir par aucun argu- 
ment, par aucune exhortation, par aucune prière. Les cardinaux et 
les évèques qui l’entouraient ne se laissèrent pourtant pas aller à 
l'inertie ; ils commencèrent à supplier le prince Jourdain de hâter 
le plus possible les préparatifs d’un voyage à Rome aux fins de 
consacrer leur élu. Jourdain vint au monastère avec une armée, 
mais cédant tout à la fois aux instances de l’élu lui-même et à la 
crainte de l'été, il décida de ne pas persévérer dans son projet ct 
s'en retourna. L'année suivante, au milieu du carème, un concile 
d'évèques se réunit à Capouc sous la présidence de l’élu en question, 
entouré d’évêques et de cardinaux romains, du consul des Romains, 
Cenci, d’autres membres de la noblesse romaine, du prince Jourdain, 
du duc Roger qu’accompagnaient presque tous ses optimales. » Le 
chroniqueur raconte ensuite comment on supplia de nouveau Didier 
de revètir les insignes du pontificat et d'accepter la dignité aposto- 
lique, mais pendant longtemps on se heurta à son persévérant refus. 
« Eufin, comme le duc et le prince avec les évêques et tous les 
catholiques qui étaient là s'étaient jetés en larmes à ses pieds, il 
céda non sans peine et, prenant la croix et la pourpre, confirma son 
élection, le 21 mars, jour des Rameaux, Après quoi il retourna au 
Mont-Cassin, y célébra la fête de Pâques, puis, accompagné des 
princes de Capoue et de Salerne, il gagna Rome (4). » 

La version de Hugues de Die, dans une lettre qu’il écrivit à la 
comtesse Mathilde à la fin de l’année 1087 (2), diffère très sensible- 
ment de celle de Pierre Diacre. Hugues raconte comment, après 


(1) PIERRE DiaACREe, Chronica monasterii Casinensis, loc. cit. 

(2) Sur la date de cette lettre, cfr LEHMANN (Richard), Ueber den die 
Excommunication des Er;bischofs Hugo von Lvon durch Papst Victor III 
betreffenden Brief des Ersteren an der Gräfin Mathilde (Forschungen zur 
deutschen Geschichte, t. VIII, p. 641-648). Nous adoptons pleinement les con- 
clusions de cet article, contrairement à HirscH, article cité, p. 102, qui 
voudrait reporter la lettre au début du pontificat d’'Urbain If. Le texte 
prouve en effect qu’au moment où Huyues écrivait, la papauté était vacante, 
et que Hugues était arrivé en Italie l’année précédente (août 1086). De plus 
la formule de l’excommunication prononcée par Victor III contre Hugues de 
Die est identique à celle que donne la chronique du Mont-Cassin. 


LE PONTIFICAT DE VICTOR III. 399 


avoir réglé différentes affaires ecclésiastiques qui le retenaient en 
Gaule, il se mit en route au printemps de 1086, gagna Rome où 
l'élection du nouveau pape venait d’avoir lieu, puis le Mont-Cassin 
où il rencontra enfin Didier. Il traduit avec émotion l’étonnement 
qu'a suscité chez lui l'élection de Victor Ill, car il a appris de la 
bouche même du pape, qui ne s’en cachait pas, les actions abomi- 
nables dont Didier s'est rendu coupable : Didier n'’a-t-il pas promis 
a Henri {V de l’aider à ohtenir la couronne impériale, lui conseillant 
d'attaquer les terres de Saint-Pierre, ce qui lui a valu l’excommuni- 
cation pontificale ? N'a-t-il pas gratifié de beatus le cardinal Atton de 
Milan excommunié par Grégoire VII et mort dans l’impénitence ? 
N'a-t-il pas protesté contre les décrets de son « seigneur pape Gré- 
goire » non seulement en paroles, mais par ses actes ? N’a-t-il pas 
déclaré enfin que son élection ne s'était pas faite selon Dieu, mais 
qu’elle avait été tumultueuse, qu’il n’y avait jamais adhéré et n'y 
adhérerait jamais ? Or c’est aux fins d’élire un pape que, comme 
vicaire apostolique, il a convoqué à Capoune un concile auquel 
Hugucs fut prié d'assister par l'intermédiaire de l'évêque d'Ostie, 
du prince de Salerne et de Cenci qui transmirent l'invitation. 
Richard, abbé de Saint-Victor de Marseille, fut également convoqué, 
ainsi que le duc Roger Guiscard, « naïvement gagné par certaines 
ruses du prince Jourdain ». 

La fin de la lettre est consacrée au concile de Capoue. Hugues de 
Die et Richard de Marseille, en arrivant dans cette ville, apprennent 
que Didier vent se faire forcer la main et reprendre la tiare. Hugues 
s’entretient de cette nouvelle avec Eudes d’Ostie et le moine Guimond, 
futur évêque d’Aversa. Tous trois conviennent de ne pas se préter à 
la manœuvre combinée entre Didier, ses partisans et le prince de 
Capoue et de refuser leur assentiment jusqu’au moment où auraient 
été canoniquement examinées toutes les questions relatives à Didier 
et à son passé. Or Didier refuse de se prêter à l’examen canonique 
réclamé par ses adversaires ; il déclare qu'il n’est pas venu à Capoue 
pour cela, que d’ailleurs il ne reconnaitra jamais son élection, puis 
il se retire après avoir donné tout pouvoir de lui élire un remplaçant, 
mais non sans que Guimond lui eût reproché d’être taxé d’infamie 
parce qu'il avait été canoniquement excommunié par Grégoire VII 
et qu'il était resté un an sans faire pénitence. Dès lors l'assemblée 
est dissoute, mais le duc Roger retient Didier ainsi que l’évêque 
d’Ostie et d’autres cardinaux-évêques pour obtenir d'eux que son 
ami Alfano füt consacré comme archevêque de Salerne. Eudes 
objecte qu'Alfano s’est livré à des manœuvres coupables pour obtenir 
l'évêché qu’il convoitait et s’oppose à sa nomination, Le duc se 


400 AUGUSTIN FLICHE. 


retire fort en colère. C’est alors que Didier, comprenant qu’il ne 
pouvait devenir pape sans l'appui de Roger, fait rappeler celui-ci 
au milieu de la nuit et lui promet de consacrer Alfano le lendemain, 
jour des Ramneaux. Le dimanche 21 mars, sans en avoir rien dit à 
Hugues de Lyon ni à Eudes d'Ostie, mais d'accord avec le duc Roger 
et avec le prince Jourdain, Didier revêt la chappe pontificale. 
Eudes d'Ostie, craignant, au dire de Hugues, d'être dépossédé de 
son siège s’il ne consacrait le nouveau pape, fait ia paix avec Didier 
et lui témoigne le respect qui est dù à un pontife romain ({). 

En présence de ces deux versions qui présentent de notables 
divergences, les historiens modernes se sont préoccupés surtout de 
juger le rôle de Hugues de Die : les uns lui ont reproché d’avoir agi 
par ambition et par dépit, les autres d’avoir tenté de supplanter le 
parti modéré représenté par Victor Il, tandis que certains d’ertre 
eux célcbrent sa bonne foi et lui savent gré de ses efforts pour briser 
un pape qui ne représentait pas la pure tradition grégorienne (2). 
Au fond ce débat n’a pas grande portée et il importerait tout au 
moins, avant de l’entreprendre, d'établir la vérité historique sur le 
concile de Capoue en critiquant les deux textes en présence au lieu 
de les combiner tant bien que mal, comme on l’a trop fait jusqu'ici. 

La version de Pierre Diacre appelle de graves réserves. Il faut 
tenir compte tout d’abord de la partialité de ce chroniqueur dont le 
patriotisme exige que les abbés du Mont-Cassin soient à l'abri de 
tout soupcon. Nous avons montré ailleurs comment il avait accrédité 
un récit inexact de la mort de Grégoire VII pour expliquer l’avène- 
ment de Victor 111 imposé à l'Église par les princes normands (3). 
On ne peut donc l’aborder qu'avec défiance et cette défiance ne fait 
que s’accroitre si l’on examine spécialement le passage qui nous 
retient ici. 

Pierre Diacre prétend qu’au cours de son entrevue avec l’arche- 
vèque de Lyon au Mont-Cassin Victor II[ a manifesté sa volonté de 
ne pas accepter la tiare et qu'il a renouvelé à Hugues sa légation en 


(x) HuGuEs DE FLAVIGNY, loc. cit. 

(2) Le rôle de Hugues de Die a été très sévèrement jugé par MARTENS, 
Die Besetz;ung des papstlichen Stuhles, p. 248 et suiv., qui reproche à l’ar- 
chevêque d’avoir calomnié Victor IIE, tout en admettant qu’il ait pu lui 
demander des cxplications sur ses rapports avec Henri IV, comme le 
raconte le légat dans sa lettre. HiRSCH, article cité, p. 95-96, pense que Hugues 
a agi par ambition tout en voulant sincèrement défendre les idées de Gré- 
goire VII. LuEHE, Hugo von Die und Lyon, p. 88 et suiv., prend au contraire 
la défense de l'archevéque de Lyon qu'il croit de très bonne foi. 

(3) Voir notre article sur L'élection d'Urbain II où nous avons prouvé qu’on 
ne pouvait accorder aucune foi au témoignage de Pierre Diacre. 


LE PONTIFICAT DE VICTOR lil. | 4ôl 


Gaule. La contradiction est flagrante : si Victor IIT refuse la papauté, 
il n’a pu faire acte de pape, ce qui eût été implicitement reconnaître 
son élection; donc il n’a pas conféré à Hugues les fonctions dont il 
était déjà chargé sous Grégoire VII, c'est-à-dire la mission de repré- 
senter le pontife romain dans l’un des royaumes de la chrétienté. 1] 
apparait que Pierre Diacre a voulu prouver que Victor Ilf n'avait 
aucune antipathie préconçue à l’égard de celui qui allait se dresser 
en face de lui, sans s’apercevoir qu’il trahissait son pieux mensonge 
en juxtaposant deux faits incompatibles. 

Quant à l’histoire du concile de Capoue, elle est dans la chronique 
du Mont-Cassin d’une remarquable imprécision. Quelles raisons ont 
décidé Didier à convoquer cette assemblée? Pierre Diacre omet de 
les indiquer : il se borne à constater que le pape a enfin reconnu la 
validité de sa propre élection, après avoir opposé, en arrivant à 
Capoue, un refus énergique. Pourquoi cette volte-face ? Sous quelles 
influences, sous quelles pressions s’est-elle opérée ? Même mutisme, 
ce qui laisse supposer qu’elle a pu être déterminée par des motifs 
assez délicats à avouer et qui pourraient bien être ceux auxquels il est 
fait allusion dans la lettre de Hugues de Lyon à la comtesse Mathilde. 
D'autre part on relève chez Pierre liacre quelques erreurs mani- 
festes qui achèvent de ruiner l'autorité de son témoignage : il fait 
assister à l'élection de Didier Richard, abbé de Saint-Victor de 
Marseille, qui ne faisait pas partie du clergé de Rome (1); il raconte 
qu'après le concile de Capoue le roi de Germanie, Henri IV, est venu 
ravager la campagne romaine et introniser l’antipape Clément {fl 
sur le siège apostolique (2), ce qui est manifestement faux et décèle 
l'intention habituelle d’exalter Victor IH, « tenu par tous en grande 
vénération », de faire valoir la parfaite orthodoxie de ce pontife, 
« aussi éminent par le savoir que par la religion », de prouver que 
les rapports du Saint-Siège avec Henri IV ont gardé la même allure 
que sous Grégoire VII. 

Pour ces diverses raisons le témoignage de Pierre Diacre est 
inacceptable. En est-il de mème pour celui de Hugues de Lyon ? 

Sans doute Hugues est un personnage impulsif, fougueux, dur 
pour ses adversaires, mais, quelle que soit l'opinion que l’on ait de 
lui, il est impossible de ne pas rendre hommage à la loyauté de son 
caractère et à la droiture de ses sentiments. Si, au cours de sa léga- : 


(x) Pierre DracRe, Chronica monasterii Casinensis, 1. UI, p. 72 : « Et 
Richardus quidem electionem nostram Romae cum episcopis et cardinalibus 
fecerat. » (MGH, SS, t. VII, p. 752). 

(2) Pierre Diacre, Chronica monasterii Casinensis, 1. III, c. 30 (MGH,SS, 
t. VIL, p. 751). Il y a là une simple réédition des événements de 1084. 


402 AUGUSTIN FLICHE. 


tion en Gaule il s'est parfois cru obligé de lutter contre l'indulgence 
de Grégoire VII toujours prêt à pardonner et à accueillir les pro- 
messes de repentir, on ne voit pas que, pour charger des prélats ou 
des clercs coupables, il ait jamais produit contre eux des allégations 
inexactes ou mensongères. Bref, son honnèteté est à l'abri de tout 
soupçon et, comme on ne voit pas en outre quel intérêt il aurait eu 
après la mort de Victor II à accréditer une fausse version du concile 
de Capoue, il faut convenir que de fortes présomptions d'ordre 
général militent en sa faveur. De plus, l’examen critique de la lettre 
elle-même achève de décider pour lui (1).” 

Tout d’abord la lettre de Hugues de Lyon est le seul texte qui 
contienne une explication plausible de l’attitude étrange de Victor HI 
au lendemain de son élection, en faisant allusion à des scrupules 
de conscience. D’autre part le revirement du pape au concile de 
Capoue, que rien ne permet de comprendre dans le récit de Pierre 
Diacre, se justifie pleinement ici par l'intervention des princes 
normands, en particulier du jeune Roger Guiscard qui triomphe des 
dernières résistances. Or Roger a été jusque là l’adversaire de 
Victor If, parce que Victor II a été le candidat de son rival 
Jourdain de Capoue, très décidé à utiliser à son profit la puissance 
morale de la papauté. D'autre part Roger est préoccupé de faire 
élire comme archevèque de Salerne un de ses amis. De là son rôle. 
qui a décidé de l'élection et qui est fort bien retracé par Hugues. 
Roger arrive à Capoue avec des dispositions plutôt peu sympa- 
thiques à Didier, mais il suffit qu’on lui fasse entrevoir pour Salerne 
une solution favorable à ses désirs pour qu'il se rallie ; c’est cette 
brusque conversion qui décide Didier à céder aux instances de 
Jourdain et à reprendre les insignes de la papauté. 

En résumé, si l'on retranche de la lettre de Hugues de Lyon les 
jnsinuations qu’il lance contre Didier auquel avec son pessimisme 
habituel l’ancien légat de Grégoire VIT attribue à tort de noires 
intentions, la version qu’elle donne du concile de Capoue peut 
être adoptée dans ses grandes lignes : Didier, cédant aux instances 
de Jourdain de Capoue, a convoqué le synode avec l'intention de 
se faire décharger par lui du fardeau de la papauté ; à peine arrivé 
il a dû faire face à une attaque violente du moine Guimond et il a 
battu en retraite (tout en étant peut-être ébranlé dans ses dispo- 
sitions par l’âpreté de ses adversaires). Mais Jourdain de Capoue 
l'a obligé à revenir sur son refus en lui ralliant un redoutable 


(1) L'authenticité de la lettre est certaine, car Hugues de Flavigny, comme 
nous l'avons également prouvé dans l'article plusieurs fois cité, transcrit 
toujours avec fidélité les textes originaux qu'il incorpore à sa chronique. 


LE PONTIFICAT DE VICTOR Ill. 403 


adversaire, Roger Guiscard, qui, moyennant la promesse de l’ar- 
chevéché de Salerne pour son ami Alfano, a joint ses instances à 
celles de Jourdain. De plus, il est fort possible que tous ceux qui 
n'avaient aucun parti pris aient été indignés par le discours de 
Guimond et qu’ils soient résolument passés du côté de Didier après 
être restés jusque là dans l’expectative, Ainsi s’expliquerait l'adhé- 
sion d’'Eudes d’Ostie (le futur Urbain Il), que Hugues impute à la 
crainte, ce qui est inadmissible. En tous cas Eudes, considérant que 
les formes canoniques avaint été respectées dans l'élection du 24 mai 
1086, a jugé qu'après l'acceptation de Didier, il ne pouvait faire 
‘ autrement que de le consacrer et c’est là l’épilogue du concile de 
Capoue. 

C'est le dimanche des Rameaux (21 mai 1087) que l'assemblée 
s’est dissoute. Victor [LT va célébrer la fête de Pâques (28 mai) au 
Mont-Cassin, puis il se rend à Rome, escorté par les princes de 
Capoue et de Salerne, passe le Tibre près d'Ustie et campe devant 
Saint-Pierre, que tenaient toujours les partisans de Clément HI. 
L'armée normande s'empare de la basilique. Le 9 mai, en présence 
d’une nombreuse foule, le nouveau pape est enfin consacré par 
Eudes de Châtillon, cardinal-évêèque d’Ostie, assisté des cardinaux- 
évèques de Tusculum, Porto et Albano, de nombreux évêques et 
abbés (1). La crise qui a déchiré l’Église au début du pontificat de 


(1) Nous avons reproduit la version de la chronique du Mont-Cassin, la 
scule qui soit détaillée, mais qu’il n’y a aucune raison de suspecter ici, car 
elle n’est pas contredite par les autres chroniques. En général celles-ci 
enregistrent simplement le fait de la consécration à Saint-Pierre sans aucun 
commentaire. BERNOLD DE CONSTANCE, a. 1087 : « Consecratus est autem 
exeunte maio mense apud sanctum Petrum a cardinalibus episcopis Ottone 
Ostiense et Petro Albanense cum reliquis cardinalibus. » (MGH,SS, t. V, 
P. 446). — Annales Cavenses : « Desiderius abbas in papam Victorem ordi- 
natur 7 idus maias » (/bid., t. V, p. 190). — La chronique du Mont-Cassin 
relate que, tandis qu’il campait devant Saint-Pierre, Victor III a été malade. 
Cet incident a été dramatisé par ses ennemis qui y virent un jugement de 
Dieu : HuGues DE FLAvIGNY, 1. II : e Hic igitur consecratus ab Ostiensi 
episcopo, cum missas apud sanctum Petrum dicerct, infra actionem judicio 
Dei percussus ut, et, quamvis tarde cognoscens se errasse, se ipse deposuit, 
et accitis fratribus de Monte-Cassino qui secum aderant, praecepit se illo 
deferri et in capitulo non ut papam, sed ut abbatem sepeliri. » (MGH,SS, 
t. VIIL, p. 468). Cette légende accréditée par Hugues de Flavigny, ami de 
l’archevêque de Lyon, a été souvent reprise au xtie siècle, et enrichie de 
détails nouveaux : Annales Augustani, a. 1087 : « Ipse (Desiderius) vero in 
immoderata perdurans ambitione, multa dando et plura pollicendo, collecta 
clam gravi multitudine, absente Wigberto, in ipsa sacratissima vigilia 
pentecostes, ex insidiis occulto aditu Romam invasit, sancti Petri domum 
expugnavit, irrupit, statimque violentia quadam ipsa die se inthronisari 


A04 AUGUSTIN FLICHE. 


Victor III est conjurée, mais le péril extérieur persiste ; Hugues de 
Lyon, fidèle à la discipline catholique, se tait dans une retraite 
pleine de dignité, mais Clément II se dresse en face de Victor HI, 
successeur de Grégoire VII et, bien que la tentative de ralliement 
conduite par Guy de Ferrare ait échoué, ne se montre nullement 
disposé à abandonner la lutte. | 


IV. 


Huit jours après sa consécration, Victor II quitte Rome et 
retourne au Mont-Cassin (1). Pierre Diacre n'indique pas les causes 
de cette retraite ; sans doute faut-il l’imputer à la fois au mauvais 
état de santé du pape et à l'instabilité de sa situation à Rome (2). 
En effet, si Clément 111 a été obligé de céder momentanément Saint- 
Pierre, il n’en tenait pas moins une bonne partie de la ville (5) et 
il eût fallu bien des luttes pour permettre à Victor III de s'installer 
dans sa capitale. Plutôt que de les entreprendre, le pape préféra 
regagner les cimes de l’Apennin et gouverner l'Église universelle 
du fond de son palais du Mont-Cassin. 

Il y serait sans doute resté jusqu’à sa mort si la pieuse comtesse 
Mathilde ne l’avait troublé dans sa quiétude. Elle était venue à 


fecit atque consecrari. Sed miser ille atque maledictus, dum missarum sol- 
lemnia celebraret, inter ipsa sacramenta nondum perfecta, fetore turpissimo 
effusis intestinis labitur atque extra ecclesiam semivivus deportatur. » 
(MGEH, SS, t. IL, p. 132). — Annales Brunwillarenses,| a. 1083 : « In ascensu 
Domini Victor, abbas Casinensis, annitentibus Romanis, sedem apostolicam 
invadit, expulso Clemente ; set inter agendam missam dissenteria pervasus, 
missis imperfectis, Casinum rediit et obiit; Clemens sedem recepit. » (1bid., 
t. XVI, p. 725). — OrDERIC VITAL, Historia ecclesiastica, 1. VII, c. 7 : 
« Victor papa, postquam apicem pontificatus ascendit, primam missam in die 
sancto pentecoste solemniter cantare cepit, sed occulto Dei nutu gravem 
morbum subito incurrit, Nam, diaria cogente, ter latrinam de missa ductus 
est et sic in papatu vix una tantum missa perfunctus.. repente infirmatus est; 
in aegritudine tamen a pentecostes usque ad augustum languens defunctus 
est. » (éd. LePRÉVOST, t. IIL, p. 306). — GUILLAUME DE MALMESBURY, Gesta 
regum Anglorum, 1. III, c. 266 : « Victor .… ad primam missam, incertum quo 
discrimine, cecidit exanimatus, calice, si dignum est credere, veneno inter- 
fectus. » (éd. Srusss, t. IL, p. 326). 

(1x) PIERRE Diacre, Chronica monasterii Casinensis, 1, IL, c. 68 (MGEH,SS, 
t. VIL p. 750). 

(2) C’est ce qui résulte des textes cités À l’avant-dernière note, en par- 
. ticulier des Annales Augustani. 

(3) Le 8 juin Clément III délivre encore à Rome méme une bulle par 
laquelle il prend certains dispositions pour les soins à donner aux étrangers 
ct aux malades (J. W., no 5326). 


LETPONTIFICAT DE VICTOR ii. 405 


Romé pôur saluer le nouveau pape, mais, arrivée quelques jours 
après son départ, elle se rendit au Mont-Cassin, supplia Victor III 
de retourner dans la capitale du monde chrétien et finit par 
triompher des objections de santé qu’il lui opposa. Le 11 juin, 
Victor IUT célèbre de nouveau la messe à Saint-Pierre, puis, avec 
l'aide de Mathilde, entre dans Rome par le Transtévère. Bientôt 
il est maître du château Saiïint-Ange et de toute la rive droite du 
Tibre. Le 28 juin, attaqué par l’antipape qui tenait à célébrer la 
messe à Saint-Pierre le lendemain, jour des saints Apôtres, il est 
obligé de battre en retraite et de s’enfermer dans le château Saint- 
Ange. Le 29, la situation est indécise autour de Saint-Pierre et 
c'est seulement le 30 que Clément III peut y pontifier; mais son 
triomphe est de courte durée : le 1% juillet, Victor III reprend 
possession de la basilique Toutefois ces luttes l'ont fatigué : vers la 
fin de juillet (1), il reprend une fois de plus la route qui conduit au 
Mont-Cassin où il séjourne quelque temps avant d'aller tenir un 
concile à Bénévent (2). 

Cette assemblée, composée presque exclusivement des évêques de 
Pouille et de Calabre, se réunit le 29 août 4087 (5). C'est l'événement 
essentiel du pontificat : Victor Ill y a formulé un programme de 
gouvernement de l’Église que la mort ne lui a pas laissé le temps 
d'exécuter. Dans le discours que lui prête Pierre Diacre et qui, 
malgré certains termes sujets à caution, semble refléter assez fidèle- 
ment la pensée pontificale, il rappelle les maux dont l’Église a 
souffert du fait de Guibert « précurseur de l’Antéchrist et porte- 
étendard de Satan » et, pour conclure, renouvelle l’anathème fulminé 
contre lui par son prédécesseur, le prive de toute charge, de tout 
honneur, de toute fonction dans l’Église (4). En un mot Victor III 


(x) Victor III était encore à Rome le 14 Juillet, date à laquelle il accorde 
un privilège d'immunité à l’abbaye de Montier-en-Der (J. W., no 5344). 

(2) La chronique du Mont-Cassin, 1. IL, c. 65, est la seule source relative 
à ces événements (MGA, SS, t. VII, p. 750) et il ne semble pas qu'il y ait 
lieu ici de suspecter la véracité de son récit, car sa chronologie est d'accord 
avec celle des bulles pontificales. C’est à la suite de ce chapitre que Pierre 
Diacre rapporte une prétendue expédition de Henri IV dans la campagne 
romaine dont l'impossibilité a été démontrée plus haut. 

(3) Les Annales Beneventani disent que le concile s'est tenu au mois 
d'août : Beneventum venit (Victor papa) mense Augusto, sinodum cele- 
bravit. » (MGH,SS, t. IIL, p. 182). La date du 29 est donnée par la bulle 
J. W., n°5347. En allant à Bénévent, Victor III a dû s'arrêter à Capoue, 
à moins qu’il n’ait traversé cette ville après avoir quitté Rome pour le 
Mont-Cassin (J. W., n° 5345). 

(4) PIERRE DiaACRe, Chronica monasterii Casinensis, 1. III, c. 72: « … Idcirco 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE) XXe 20 


406 AUGUSTIN FLICHE. 


annonce qu'il va continuer la politique et l'œuvre de Grégoire VII, 
qu’il repousse tout compromis avec l’antipape et par suite avec 
l’empereur. | 

Il ne pouvait agir autrement. Non seulement par ce goste il 
prouvait son attachement aux directions grégoriennes et essayaïit de 
faire oublier un fâcheux passé, mais il n’ignorait pas qu'en Alle- 
magne les choses avaient mal tourné pour Henri IV. Depuis son 
élection la guerre civile avait continué avec des alternatives diverses. 
Après la Saxe, la Bavière s'était révoltée au mois de juin. La lutte 
s'était concentrée autour de Wurzbourg, où les Grégoriens avaient 
décidé de faire rentrer l’évêque légitime, Adalbéron, chassé en 1077. 
Un complot, dont l'âme fut, semble-t-il, l'archevêque de Magdebourg, 
Hartwig, s’élait formé. Adalbéron, après la bataille de Bleichfeld 
(4 août 1086), avait réussi à pénétrer un moment dans sa ville 
épiscopale, mais il n’y resta pas longtemps. Henri IV réussit à 
reprendre Wurzbourg et à y installkr à nouveau le compétiteur 
d’Adalbéron, Méginhard (1). Malgré ces succès, le parti impérial, 
épuisé par une lutte aussi longue et aussi ardue, désirait la paix et, 
pour y parvenir, le roi convoqua pour le 28 février à Oppenheim une 


auctoritate Dei et bcatorum apostolorum Petri et Pauli et omnium sancto- 
rum, omni sacerdotali officio, honore privamus et, a liminibus illum ecclesiae 
separantes, anathematis vinculo innodamus. » (MGH, SS, t. VIL, p. 752). La 
version allemande, représentée par Bceraold de Constance, est pleinement 
d'accord avec la version du Mont-Cassin. Elle mentionne également le 
renouvellement au début du pontificat de la sentence qui frappait Henri IV, 
sans spécifier sa promulgation au concile de Bénévent : « Statim post elec- 
tionem suam, missis usquequaque literis, se juxta decreta sanctorum patrum 
declaravit incessurum fJudicium quoque sui antecessoris piae memoriae 
Gregorii papae super Heinricum et omnes ejus fautores confirmavit. » (MGH, 
SS, t. V, p. 446). 

(x) Sur tous ces événements cfr MEYER vox KNonauU, op. cit., t. IV, p. 124 
et suiv. — Une certaine obscurité plane sur toute cette affaire de Wurzbourg 
par suite des contradictions qui existent entre la version grégorienne, repré- 
sentée surtout par Bernoid de Constance, et la version impériale que l'on 
trouve dans le Liber de unitate ecclesiae conservanda, 1. II, c. 1x6, 29, 30 et les 
Annales Augustani. La défaite de Henri IV à Bleichfcld n’est pas douteuse et 
elle est avouée par ses partisans qui, comme toujours en pareil cas, l’attri- 
buent à la trahison. On voit moins bien pourquoi les Grégoriens n'ont pu 
poursuivre leurs avantages. Meyer von Knonau pense que le silence de 
Bernold sur les événements de la fin de l’année est un indice que l’on n'était 
pas très satisfait dans son entourage et il suppose non sans quelque raison 
qu'il dut y avoir des dissentiments dans 1e parti saxon sur la conduite à 
tenir, les uns voulant continuer la guerre, les autres étant au contraire 
disposés à la paix. Henri IV aurait essayé d’exploiter cette division en 
prenant l'initiative de négociations, ce qui paraît très vraisemblable, 


LE PONTIFICAT DE VICTOR I. 407 


assemblée qui ne parvint pas à se réunir (1). Après avoir solennelle- 
ment couronné son fils à Aix-la-Chapelle en mai (2), il entreprit de 
nouvelles démarches et pria les princes du parti adverse de venir 
conférer avec lui à Spire le 1°" août, c’est-à-dire un mois à peine 
avant le concile de Bénévent. 

L'assemblée de Spire, comme on pouvait s’y attendre, ne fit 
qu'accentuer les divergences qui existaient déjà. Suivant Bernold 
de Constance on y lut un décret de Victor If confirmant toutes les 
décisions de Grégoire VII qui visaient Henri IV et ses partisans (3). 
Malgré l'invitation des princes qui lui promettaient de l'aider de tout 
leur pouvoir, sil voulait faire pénitence, Henri IV ne voulut pas 
reconnaitre la validité de la sentence qui le frappait. Dans ces con- 
ditions l'entente était impossible et l’on se sépara sans avoir abouti 
a rien (4), 

Au fond la rupture était avantageuse pour les Grégoriens : Henri IV 
ne peut quitter une Allemagne divisée et en partie hostile pour aller 
secourir son antipape, dont la situation à Rome reste fragile. 


(1) BERNOLD DE CoNSTANCE, à. 1086 et 1087 (MGH, SS, t. V, p. 445-440) ; 
Annales Augustani, a. 1087 (Jbid., t. ITL, p. 132). 

(2) STumPr, nos 2886 et 2886 a. — Annales Weissemburgenses, a. 1097 : 
< Cuonradus factus est rex 3 kal. julii Aquisgrani (MG, SS, t. IIL p. 72). — 
Annales Patherbrunnenses, a. 1087 : « Chuonradus, filius imperatoris, a Sige- 
wino, Coloniensi archiepiscopo, consecratur in regem Aquisgrani (éd. SCHEF- 
FER-BOICHORST, p. 100). 

(3) BERNOLD DE CoONSTANCE, a. 1087 : « In praedicto colloquio literae 
domni papae recitatae sunt, in quibus et suam promotionem principibus regni 
denunciavit, et judicium sui antecessoris pilae memoriae Gregorii papae 
super Heinricum et fautores ejus apertissime confirmavit. » (MGH, SS, t. V, 
P. 446). — Il est À remarquer que les partisans de Henri IV ont tous con- 
sidéré Victor III comme un ennemi, au même titre que Grégoire VII, ce 
qui ne laisse aucune doute sur l'attitude que lui prêtent Bernold de Con- 
stance et Pierre Diacre. Le Liber de unitate qui reflète assez bien la pensée 
de l'entourage de Henri IV s'exprime en ces termes (1. II, c. 17) : « Ille 
Cassinensis abbas Sergius, qui post decessionem imperatoris ex Italia sub- 
introductus est et per studia partium HildeSranti ordinatus, cujus scilicet 
honoris coronam non diu impunitus tenuit. » (Libelli de lite, t. II, p. 232). 

(4) BERNOLD DE CONSTANCE, a. 1087 : « Principes quoque regni Teutoni- 
corum, fideles, inquam, sancti Petri, generale colloquium cum Heinrico et 
fautoribus ejus in kalcndis Augusti prope Nemetensem civitatem habuerunt, 
eique adjutorium suum ad obtinendum regnum, si de excommunicatione 
exire vellet, fideliter promiscrunt. Ille autem, in solita sua obstinatione 
persistens nec se excommunicatum profiteri dignatus est, licet hoc sibi a 
nobis in faciem instanter probarctur. Unde et nostri nullam pacem vel con- 
cordiam cum eo habere statucrunt. » (MGH, SS, t. V, p. 446). — Annales 
Augustani, a. 1087 : « Spirense co:cilium ma'c inchoatum, pejus terminatur.» 
(Zbid., t. 1IL, p. 132). 


408 AUGUSTIN FLICHE. 


Victor Il! n’en est que plus fort pour maintenir, au concile de 
Bénévent, les sentences de Grégoire VII et, du même coup, il affermit 
son autorité sur l'Église (1). 

Les autres décrets grégoriens furent, selon Pierre Diacre, renou- 
velés par l’asscmblée. « Nous avons décidé, aurait dit le pape, que 
celui qui a reçu un évêché ou une abbaye de la main d'une personne 
laïque ne peut être compté parmi les évêques ni les abbés et qu'il 
ne lui sera accordé aucune audience en tant qu’évêque ou abbé. De 
plus nous lui interdisons la faveur du bicnheureux Pierre et l'entrée 
de l’Église jusqu’à ce qu'il ait abandonné le siège dont il s’est emparé 
tant par ambition que par désobéissance. {l en sera de même pour les 
dignités ecclésiastiques d'ordre inférieur. Enfin, si un empereur, 
roi, duc, marquis, comte ou autre pouvoir séculier a l’audace de 
conférer l'investiture d’un évêché ou d’une autre charge, qu'il se 
considère comme lié par la même sentence (2). » Ce sont à peu de 
chose de près les termes du décret de 1075. 

En même temps qu’il condamne à nouveau l'investiture laïque, 
Victor 111 maintient les mesures disciplinaires édictées par son pré- 
décesseur et décide notamment que tout fidèle qui assiste à la messe 
d’un prêtre simoniaque ou prie avec lui est excommunié, {Il va plus 
loin encore : il déclare nulles les ordinations simoniaques, ce que 
Grégoire VII n'avait jamais osé affirmer malgré les sollicitations 
des réformateurs lorrains. « C’est une erreur, dit-il, de croire que 
de tels pasteurs sont prêtres. » 11 ajoute que, si l’on ne peut 
recevoir pénitence et communion des mains d’un prêtre catholique, 
« il vaut mieux rester sans communion visible et communier invi- 
siblement avec le Seigneur... car les catholiques, bien qu'ils ne 
puissent communier par amour de l’hérésie visiblement et corpo- 
rellement, peuvent communier invisiblement s'ils sont unis au 
Cbrist de corps et d'esprit (3). » 


(1) Von Sy8ez, Geschichte des ersten Kreuzzuges, p. 209, et SIMoN, Ur-- 
bani II papae vila, p. 29, pensent que Victor LI a voulu conclure la paix 
avec Henri IV. La condamnation solennelle de l'antipape au concile de 
Bénévent exclut cette hypothèse qui ne repose sur aucun texte. HIRsCH, 
article cité, p. x00-101, prétend que Victor III n'a pas observé à l'égard des 
pouvoirs temporels la même attitude que Grégoire VII ; nous ne voyons pas 
à quel fait il peut penser. Il est fort possible que Victor III, s’il avait vécu, 
eût montré plus de modération, mais son pontificat a été trop court pour lui 
permettre de donner une indication quelconque sur ses intentisns. 

(2) P1ERRE DiaAcRE, Chronica monasterii Casinensis, 1. IIl, c. 72 (MGH,SS, 
t. VIL p. 752). 

(3) PIERRE DiacrE, loc. cit., « Quos quidem sacerdotes esse saltim credere 
omnino errare est. Penitentia vero et communio a nullo nisi a catholico 


LE PONTIFICAT DE VICTOR I. . 409 


La chronique du Mont-Cassin est seule à rapporter ces propos 
qui paraissent assez extraordinaires dans la bouche de Victor II. Il 
est peu vraisemblable a priori que Didier, Italien de naissance, ait 
fait sienne une thèse que rejetaient les théologiens italiens pour 
adopter celle des Lorrains. Aussi est-on en droit de se demander 
si Pierre Diacre ne lui a pas prêté cette intransigeance doctrinale 
pour l’excuser en quelque sorte de la rigueur qu’il a témoignée 
envers ceux des Grégoriens qui l’avaient combaltu auparavant, 
Cest en effet au concile de Bénévent qu'il aurait excommunié 
Hugues de Lyon et Richard de Marseille sans avoir esquissé le 
moindre geste de réconciliation, ce qui n'est pas l'indice d’un 
grand caractère (1). Mais faut-il conclure pour cela que le récit de 
Pierre Diacre est forgé de toutes pièces, que le renouvellement des 
décrets de 1074 et 1075 est une pure invention de sa part, que le 
simple fait que Victor III ait condamné Hugues de Lyon indique 
une réaction antigrégorienne ? Il est difficile de se prononcer, car, 
en ce qui concerne l’histoire du concile de Bénévent, il est impos- 
sible de contrôler la chronique du Mont-Cassin, qui en est la 
source unique. | 

Or l’examen du contexte fait surgir de graves présomptions 
contre sa véracité. Les chapitres qui précèdent sont consacrés l'un 
à une pseudo-expédition de Henri IV en Italie, destinée à mettre en 
relief l’orthodoxie de Didier, l’autre à un vaste projet de croisade. 
« Le pape Victor bouillait d'un immense désir de confondre et de 
briser l'infidélité des Sarrasins qui séjournaient en Afrique. Aussi, 
après avoir tenu conseil avec les évêques et les cardinaux, il ras- 
sembla parmi les peuples de l'Italie une armée de chrétiens et, 
leur confiant l'étendard du bienheureux apôtre Pierre, il leur donna 
l’absolution de leurs péchés et les dirigea contre les Sarrasins 


suscipiatis : si vero nullus sacerdos affuerit, rectius est sine communione 
mancre visibili et invisibiliter a Domino communicari quam ab heretico 
communicari et a Deo separari... Sacram enim communionem Christi. quam- 
vis visibiliter et corporaliter catholici propter imminentes hereticos habere 
non possint, tamen dum mente et corpore Christi conjuncti sunt, sacram 
Christi communionem invisibiliter habent » (MGH, SS, t. VIL p. 752). 

(1) PIERRE DitACcRE, Chronica monasterii Casinensis, 1. III, c. 72 (c'est 
Victor IE qui parle) : « Qua propter omnium sibi fratrum videntes unanimi- 
tatem pertinacius in eo scandalorum scelere reluctari, ab eorum et nostra 
continuo sunt communione sejuncti. Unde vobis apostolica auctoritate 
praecipimus ut ab eis abstinere curetis nec illis omnino communicetis quia 
Romanae ecclesiae communione sua sponte sejuncti sunt, quoniam, ut 
beatus scribit Ambrosius, qui se a Romana ecclesia segregat, vere ut haere- 
ticus aestimandus » (MGH, SS, t. VIL, p. 752). 


A10 AUGUSTIN FLICHE. 


d'Afrique. Sous la conduite du Christ, ils s’en allèrent assiéger une 
ville d'Afrique, qu'ils prirent avec l’aide de Dieu, après avoir tué 
cent mille combattants dans l’armée des Sarrasins (1). » Continua- 
teur de Grégoire VIT, Victor HE est aussi le précurseur d'Urbain IT; 
il aurait songé à la lutte contre l’islam et, comme il était difficile 
de lui attribuer la délivrance de Jérusalem, Pierre Diacre s’est con- 
tenté de célébrer une croisade africaine dont il aurait été l’initiateur. 
Il y a là une singulière déformation d’un fait historique que l’on 
peut reconstituer à l’aide d’une chronique de Pise rédigée au milieu 
du xu° siècle. On apprend par ce texte que les Pisans et les Génois 
ont fait en 4088 une expédition en Afrique et y ont pris deux villes 
aux Sarrasins (2), mais il n’est pas dit que Victor Ill ait eu la 
pensée première de celte expédition et cela pour la bonne raison 
qu'il était mort. L’historien de la Sicile, Geoffroy Malaterra et le 
chroniqueur allemand Bernold de Constance rapportent également 
cette expédition des Pisans en Afrique, mais gardent le même 
silence au sujet de Victor HI (3). De plus, il ne s’agit que d’une 
guerre économique et non d'une croisade. Îl ne saurait donc y avoir 
le moindre doute : Pierre Diacre, témoin du succès de la croisade 
sous Urbain Il, a voulu que le pape du Mont-Cassin eût sa part du 
triomphe de son successeur et il a transformé une petite razzia 
opérée par les Pisans en une guerre sainte inspirée par Victor IS. 

L'histoire du concile de Bénévent apparait dans la chronique 
du Mont-Cassiu encadrée d’une série de légendes qui enlévert toute 
autorité au témoignage de Pierre Diacre. Ne serait-elle pas, au moins 
en partie, forgéce de toutes pièces ? 

Des décrets réformateurs qui, d'aprés le chroniqueur du Mont- 
Cassin, auraient été publiés au concile de Bénévent, on ne trouve 
trace nulle part ailleurs. Les bulles pontificales, quoique empreintes 
de l'esprit grégorien, ne sont pas assez nombreuses pour qu'on en 
puisse tirer argument. Dans une lettre contemporaine du concile, 
Victor IT supplie l'archevêque de Cagliari, Jacques, et les autres 


(1) PIERRE DIACRE, Chronica monasterii Casinensis, 1. II, c. 71 (MGH,SS, 
t. VII, p. 751). 

(2) Chronicon Pisanum ; a. 1088 : « Fecerunt Pisani et Januenses stolum 
in Africa et ceperunt duas munitissimas civitates, Dalmatiam et Sibiliam in 
die S. Sixti... Ex quibus civitatibus, Saracenis fere omnibus interfectis, maxi- 
mam praedam auri et argenti, palliorum et ornamentorum abstraxerunt. De 
qua praeda thesauros Pisanae ecclesiac et diversis ornamentis mirabiliter 
amplificaverunt et ecclesiam B. Sixti in curte vetcri aedificaverunt. » (MURA- 
TORI, Rerum Italicarum Scriptores, t VI, p. 109). 

(3) GEOFFROY MALATERRA, Historia Sicula, 1. IV, c. 3 (MURATORI, t. V, 
p- 590-591) ; BERNOLD DE CoxsSTANCE, a. 1058 (MGHE, SS, t. V, p. 447). 


LE PONTIFICAT DE VICTOR III. 411 


évêques de Sardaigne de réformer leurs églises dont il a constaté la 
situation désastreuse ; il a même songé un moment à sévir contre 
l'archevêque qui, comme primat de Sardaigne, avait fait preuve de 
négligence et l’exhorte en termes pressants à se montrer plus zélé 
dans l’avenir (1). Toutefois il ne faut pas attacher une importance 
excessive à ces formules émanées de la chancellerie pontificale et 
non pas du pape en personne. 

On ne saurait dire cependant que Victor III ait rompu avec les 
tendances grégoriennes. En réalité le malheureux pontife n’a pas eu 
le temps de laisser son empreinte dans l’œuvre de la réforme : 
pendant un an il a boudé et pendant les quatre mois qui s’écoulent 
entre le jour de sa consécration (9 mai 1087) et celui de sa mort 
(16 septembre) (2) il a été constamment malade. Aussi serait-il injuste 
de porter sur lui un jugement quelconque. Suivant certains historiens 
il aurait rompu avec les directions de son prédécesseur : tandis que 
Grégoire VIS avait lutté pour imposer au monde la domination du 
Saint-Siège, il aurait reculé d’un pas et se serait modestement con- 
tenté de condamner l'investiture laïque (3). Pour d’autres, au 
contraire, il aurait clairement affirmé sa volonté de continuer l’œuvre 
de Grégoire VII, tout en apportant un tempérament différent et en 
usant de la diplomatie plutôt que des armes spirituelles ou tempo- 
relles (4). À notre avis ces affirmations opposées attribuent beaucoup 
trop d'importance au pontificat de Victor HI. L'ancien abbé du 
Mont-Cassin, avant tout esthète et bibliophile, ne semble pas avoir 
eu d’idées très personnelles sur le gouvernement de l’Église : sous 
le pontificat de Grégoire VIT il a un moment essayé de rapprocher le 
pape et l’empereur, mais il n’a songé en la circonstance qu’aux 
intérêts de son monastère, sans même se douter de la gravité de son 
initiative. Une fois ce danger passé, il est revenu à Grégoire VII et 
ne lui a jamais fait défection. Élu sous la pression des princes 
normands, il a vu se dresser contre lui les purs Grégoriens, ce qui 


(1) JAFFÉ WATTENBACH, n° 5347. 

(2) PIERRE DrACrE, Chronica monasterii Casinensis, |. II, c 73 : « Feliciter 
migravit ad Dominum 16 Kalendas octobris, anno dominicae incarnationis 
1087 ». (MGH, SS. t. VII, p. 753). -—- BERNOLD DE CONSTANCE, a. 1087 : « Vic- 
tor papa, jam pluribus annis infirmus et in eodem infirmitate ordinatus, post 
quartum mensem sui pontificatus diem clausit extremum. » (/bid.t. V, p. 447). 

(3) Telle est notammerit l’opinion de Hauck, Kirchengeschichte Deutsch- 
lands, t. III, p. 852-853. Elle ne repose sur rien à notre avis : Victor III 
n'ayant pas négocié avec Henri IV, on ne peut pas dire qu'il ait renoncé au 
programme grégorien et l’on ne saurait faire état d’un geste isolé, antérieur 
à son arrivée au pontificat. 

(4) Cfr Hirscu, article cité, p. 97-98. 


412 AUGUSTIN FLICHE. 


ne l’a pas empèéché de rester Grégorien lui-même : il l’a prouvé à 
son dernier jour en désignant pour lui succéder l’un des héritiers 
de la pensée de Grégoire VII, le Français Eudes de Châtillon, car- 
dinal-évêque d’Ostie (1). 

En résumé Victor 111 reste un personnage plutôt effacé, qui fait 
pâle figure entre Grégoire VII et Urbain fl. Son avènement a failli 
être fatal à l’Église, en déchainant une crise intérieure très grave 
que fort heureusement ses ennemis n’ont pas su ni pu exploiter. 
Grâce aux difficultés avec lesquelles ils étaient aux prises, grâce 
aussi à l’esprit de discipline dont ont fait preuve les vrais Grégoriens, 
tels que Hugues de Lyon et Eudes d’Ostie, non seulement tout 
danger a été conjuré, maïs l'unité de l'Église s’est magnifiquement 
affirmée et l’œuvre grégorienne est restée intacte malgré l’insuffi- 
sance du pontife auquel était confié le soin de la maintenir et de la 
perpétuer. 


Montpellier, AUGUSTIN FLICRE. 


(1) J. W., nos 5348 et 5349; PIERRE DIACRE, Chronica monasterii Casinensis, 
L II, c. 73 (MGEH, SS, t. VI, p. 753). 


La monarchie pontificale jusqu'au concile de Trente 


1 


UNE NOUVELLE MÉTHODE HISTORIQUE 
A PROPOS DE LA MONARCHIE PONTIFICALE 


L'Histoire des conciles de Hefele-Hergenrüther, en allemand, 
jouissait d’une réputation justement méritée, et sa traduction fran- 
çaise que dom H. Leclercq, O.S. B., a récemment terminée, n’a pas 
manqué d'accroître encore, par ses savantes notes, cette réputation 
d’un instrument de travail de première valeur. L'éditeur s’est donc 
facilement laissé convaincre de poursuivre l’œuvre, qui s’arrétait aux 
deux premières années du pontificat de Paul Ill. Mais le concile de 
Trente, dont elle raconte les préparatifs lointains dans ses derniers 
chapitres, marque une date capitale, ouvre une période nouvelle 
pour l’histoire de l’Église : il a définitivement établi en celle-ci, au 
profit de la papauté, un régime de centralisation, qui se développera 
dans la suite, achevant la monarchie que les pontifes avaient orga- 
nisée à travers les siècles. Le concile a d’ailleurs, par suite de son 
importance, fait l’objet de tant de recherches et de travaux que les 
découvertes ultérieures ne modifieront guère ce que l’on sait de sa 
physionomie comme de son œuvre et de sa portée. | 

Des nombreuses histoires qu'on en a écrites depuis Paolo Sarpi, 
il y a plus de trois siècles ; des amples collections de documents 
qu'on a rassemblées, à la suite de Le Plat, qui n’a fait qu’ébaucher ce 
que la Goerresgesellschaft réalise magistralement, l'Histoire des con- 
ciles doit tirer le récit définitif des travaux de l’assemblée. Pas n'est 
besoin de documents inédits ni d’aperçus originaux, si le plan du 
livre s'adapte à la méthode nouvelle que réclament la nature du sujet 
et les exigences actuelles de l’histoire. De tout temps la discipline, 
les enseignements et la vie même de l'Église ont démontré l’impos- 
Sibilité de séparer le concile de la monarchie pontificale avec 
laquelle et pour laquelle il travaille, toujours sous sa direction. Ce 
sont précisément pour nous le motif et aussi le moyen de conforiner 
le cadre de l'Histoire des conciles à celte méthode nouvelle. Sans 
abandonner la combinaison qu’elle a suivie jusqu'ici de l’histoire 
narrative et de l’histoire doctrinale, elle devra faire prédominer 
celle-ci et grouper les faits par une sorte de synthèse démonstrative, 


414 P. RICHARD. 


qui mette en relief la vraie nature de l'Église. Tout se concentre 
désormais dans l'unité de celle-ci, autour de l’autorité pontificale, la 
vie comme le progrès au sens le plus général : le travail du concile 
se subordonne à cette autorité, qui centralise peu à peu sous sa 
direction le gouvernement de la chrétienté, les circonstances l’ame- 
nant à réaliser l'unité que requiert le plan fixé par son divin fonda- 
teur, Et d'autres éléments concourent à transformer la méthode 
historique dans le même sen:, de manière à rassembler dans un tout 
organique la poussière des faits dont l’histoire narrative s'était 
contentée jusqu'ici. 

Cette dernière, en multipliant les détails dans tous les ordres, a 
créé l’érudition, qui morcelle l’histoire en autant de branches qu'elle 
embrasse de matières secondaires ou accessoires. Pour nous en tenir 
aux annales ecclésiastiques, patrologie, théologie positive, liturgie, 
droit canon, etc., ont trouvé des assembleurs de matériaux, qui 
prétendent se faire leurs historiens en les isolant du cadre général. 
Mais il ne semble pas qu'ils aient réussi jusqu'ici à tirer de la masse 
des matériaux qu'ils ont accumulés l’étude d'ensemble, dans laquelle 
nous retrouverons la forme définitive avec les vicissitudes de l’insti- 
tution ou de la matière qui a été l’objet de leurs recherches. Ce 
serait cependant un moyen de faire avancer la méthode de synthèse 
qui s'impose désormais aux travaux historiques. Il suffirait, en effet, 
de replacer ces études dans leur cadre, l’organisation générale de 
l'Église, dont elles éclaireraient les progrès et la nature, de manière 
à établir comment cet organisme s’est développé à travers les âges, 
au double point de vue de la doctrine et de la discipline, pour 
aboutir à son état actuel de monarchie absolue, tempérée par des 
traditions précises qui se sont enracinées pendant des siècles. 

Au fond la vieille méthode qui, depuis les premiers essais de 
l'histoire, raconte simplement la propagation et les vicissitudes du 
christianisme, a donné tous ses résultats d'instruction et d'édifica- 
tion. Les nécessités présentes se tournent de plus en plus vers 
l’'apologétique, et montrent qu'il faut autre chose aux fidèles qui 
ont besoin d'établir solidement leur foi sur la raison et par la dis- 
cussion, Comme aux indifférents et aux rationalistes qui cherchent 
loyalement la certitude dans un criterium inébranlable, auprès d’une 
autorité infaillible. Plus que jamais s'impose, au milieu de cir- 
constances nouvelles, la formule profondément vraie que Léon XHI 
a dictée aux érudits chrétiens : l’Église n’a besoin que de la vérité. 
Le tableau de sa vie et de son organisation, de l'unité suivant laquelle 
elle a développé celle-ci, apporte un témoignage de plus à la démons- 
tration de son origine divine. 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU’AU CONC. DE TRENTE. 415 


Cette nouvelle méthode historique dont nous voulons présenter 
un exemple plutôt que la théorie, exige un autre élément de trans- 
formation et de progrès; un esprit nouveau et presque une réédnca- 
tion de l'historien. Celui-ci a besoin du moins de sacrifier certaines 
préoccupations qui compromettent son impartialité, surtout des 
préjugés invétérés, qui rapetissent l’histoire à n’être plus qu’œuvre 
d'école, de parti ou de religion, je veux dire la religion de la liberté 
ou de l'humanité en marche vers le progrès indéfini. Sans doute 
l'historien ne peut faire table rase de sa manière de comprendre, 
par suite d'apprécier les hommes et les faits : s’il doit imposer 
silence à ses sentiments et impressions, pour ne pas les étaler dans 
son récit, il est par contre impossible qu'il n’en recoive pas une 
vision plus claire et plus exacte de certains événements, une com- 
prébension plus large du rôle de certains personnages. Il n’en est 
pas moins vrai que la formation générale qui lui est donnée depuis 
un siècle, et qui transmet les mêmes préjugés de génération en géné- 
ration, le rend à peu près incapable de dépeindre avec exactitude 
plus d’une époque, plus d’un fait ou personnage important dans les 
annales de l'Église. 

C'est ainsi que l'historien ecclésiastique lui-même ne s’est pas 
encore débarrassé de la tendance rationaliste, fruit d’un esprit 
universitaire importé d'Allemagne, il y a trois quarts de siècle, ct 
qu'elle se trahit dans les sujets qui lui sont le plus étrangers. Deux 
exemples illustreront cet excès d’une manière suffisante et suggére- 
ront peut-être les moyens d'y remédier. On insiste beaucoup sur les 
abus qui se glissèrent dans l'Église et le clergé du xmi au xv° siè- 
cles; le traducteur de l’Histoire des conciles revient lui-même, à 
travers les notes de son tome VIT, sur l'avidité de la cour romaine, 
sur les moyens parfois peu honnètes dont elle usait pour extorquer 
de l'argent à la chrétienté, sur l'attache aux biens temporels et à la 
politique mondaine, qui de là se répandait dans le reste de l’Église, 
sur les conséquences fâcheuses que ces abus produisirent à la longue 
dans la société chrétienne. Mais c’est à peine si on note, à la dérobée 
pour ainsi dire, et quelques historiens au plus, le progrès qui fut la 
rançou de ces abus : l’organisation administrative qui s’élaborait 
dans l'Église romaine, au profit de la monarchie pontificale. 

L'autre exemple à moins de portée sans doute pour la méthode de 
synthèse qui désormais régira l’histoire, mais il montre non moins 
clairement au milieu de quelles idées discutables évolue l'historien 
ralionaliste. Les égards que l’on à de tout temps gardés dans son 
école envers les.prétendus réformateurs du xvi* siècle en ont imposé 
aux écrivains catholiques eux-mêmes, qui les ont pris au sérieux, 


416 P. RICHARD. - 


jusqu’à conserver l'appellation de Réforme au mouvement révolu- 
tionnaire par lequel ils ont inauguré tout un système de négation et 
de bouleversement universel. Également révoltés contre les deux 
autorités qu'ils aspiraient à dominer, mème quand ils se laissaient 
dominer par elles, ces émancipateurs de la liberté et de l’esprit mo- 
derne ont surtout préparé la ruine de tout ordre politique et social. 
Sérieusement peut-on appeler réforme le régime de violences et de 
destruction auquel ils aboutissaient ; quand leurs partisans abolis- 
saient le culte catholique dans les pays où ils étaient les plus forts, 
et obligeaient par la violence les populations à entendre le prèche 
de leurs pasteurs ; quand au sortir de ce prêche, où l’on avait repré- 
senté les images et les reliques des Saints, la Vierge et l’Eucharistie 
comme des objets d’idolàtrie, l»s auditeurs se mettaient à détruire 
les statues et autres monuments dont la piété des fidèles avait orné 
les rues et les places, à saccager, incendier des églises, maltraiter 
moines et prêtres ? Des historiens de nos jours, à l'étranger, ont 
d'ailleurs réduit à des proportions plus exactes les intentions et le 
rôle qu’on a longtemps prêtés à Luther, à Henri VIH et à leurs 
complices. 

Au reste, c'est par les applications et à l’aide des matériaux 
abondants qu'a révélés l’érudition, que se développera la nouvelle 
méthode ; il sera plus décisif d’en multiplier les modèles que d’en 
fixer une théorie rigoureuse. D'ailleurs, méthode et esprit nouveau 
devront rester étroitement unis, et la première corrigera plus d’une 
défaillance de l'historien, redressera les vues contestables, les juge- 
ments erronés. Pour nous en tenir à l'Histoire des conciles, son 
programme se précise avec l'assemblée tridentine. Elle se concen- 
trera désormais sur les rapports de la souveraineté pontificale avec 
le reste de l’Église enseignante, l’épiscopat dispersé ou réuni en 
conciles soit généraux, soit particuliers. Après dix siècles et plus de 
progrès, celle-ci est parvenue à une organisation encore incomplète, 
mais capable d'exercer une action plus directe sur la chrétienté. 
Cette action sera favorisée par les relations plus aisées et rapides 
que créera le progrès général de la civilisation, en même temps que 
ce dernier rendra plus facile la consultation de l’Église enseignante 
dispersée, consultation qui gardera toute son utilité pour le maintien 
de la discipline et des traditions. 

L'épiscopat, en union avec le pape et sous sa direction, conserve 
et interprète le dépôt des vérités dogmatiques et des règles de morale 
et de discipline que son fondateur lui a confiées par l'entremise des 
apôtres. La souveraineté pontificale doit donc rester en contact avec 
lui, et ce contact ne manquera pas d'avoir sa répercussion sur la 


LA MONARCHIE-PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 417 


politique pontificale, dont la fonction première est de faire appliquer 
le programme élaboré en commun. Le dogme de l’Immaculée Con- 
ception par exemple a été proclamé avec le concours de plusieurs 
centaines d’évêques. Nous verrons ainsi la monarchie étendre ses 
prérogatives avec le consentement de l’Église enseignante, et lorsque 
elles auront défini toutes deux, au concile du Vatican, que la papauté 
détient personnellement l'infaillibilité qui réside dans l’ensemble de 
l'Église, l’épiscopat n’en continuera pas moins son rôle de conseiller. 
C’est en ce sens que la monarchie assumera seule le gouvernement de 
la chrétienté, qu’elle devra par suite concentrer sur elle les travaux 
et l’attention des historiens. Sans se confondre avec une histoire 
générale de l’Église, l’Histoire des conciles aura pour objet premier 
de montrer l’action en commun de la monarchie pontificale et de 
l’épiscopat, telle que nous venons de l'indiquer. 

Elle devra en second lieu étudier comment les deux autorités ont 
précisé leur organisation avec leur situation mutuelle aux conciles 
de Trente et du Vatican, ct dans les siècles qui les séparent, et cela 
par les progrès que l’usage et l'expérience apportent à toute insti- 
tution humaine, même quand elle vient de Dieu. La monarchie en 
particulier atteindra son plein développement, le degré de perfection 
dans lequel nous la voyons aujourd’hui, 

Avant. d'aborder l'étude de ces divers faits à travers l’histoire 
ecclésiastique moderne, nous avons à établir avec précision ce 
qu'était cette monarchie au xvi siècle, et comment elle s'était formée 
au cours des temps antérieurs. La souveraineté que Jésus-Christ a 
conférée dans son Eglise à son vicaire sur terre embrasse, comme 
toute souveraineté, deux fonctions, gouverner et administrer : 
prendre toutes les mesures indispensables à la vie et à la marche 
normale de la société à laquelle cette souveraineté est préposée, 
assurer ensuite la mise en pratique de ces mesures. Mais cette société 
étant avant tout d’ordre spirituel, la monarchie du Christ atteint 
directement les âmes, intelligence et volonté, indirectement les 
corps, en tant qu'ils servent d'instruments aux manifestations des 
premières. C’est par l’intermédiaire de son corps que l’âme reçoit 
les sacrements qui entretiennent en elle la vie de la gräce, qu'elle 
pratique le décalogue, qu’elle fait des actes extérieurs de religion, 
toutes choses qui se concentrent dans le culte, dont la liturgie règle 
les manifestations. 

Croire et pratiquer la religion, sont les deux premiers devoirs 
auxquels l’homme est tenu de se donner tout entier, en observant 
les règles générales que l’Église lui a tracées, d’après les principes 
de la tradition. La monarchie pontificale a pour fonction propre de 


418 P. RICHARD. 


le diriger en ce sens, de contrôler la manière dont il remplit ce 
double devoir en établissant le dogme, la morale et Ja discipline : 
c'est gouverner. Administrer c’est dresser les règlements de détail 
nécessaires, les faire exécuter, résoudre les difficultés, dissiper les 
ignorances, prévenir les abus, réprimer les manquements. À ces 
fonctions primordiales s’en adjoignent plusieurs autres qui leur sont 
subordonnées. Ainsi, d’après la constitution de l’Église, chequ 
évèque gouverne son diocèse en toute souveraineté et suivant une 
marche analogue, mais le pape garde toujours un droit de contrôle 
et de surveillance. De plus, chaque fidèle peut s'adresser directement 
au pasteur suprême pour ses embarras et nécessités personnelles, en 
passant par dessus la tête de l’ordinaire. Le vicaire de Jésus-Christ 
est en effet, de par la volonté de son mandant, le pasteur de tous les 
évèques et de tous les fidèles, en même temps le pasteur immédiat 
de chaque fidèle. Premier représentant du Christ, qui est mort pour 
chaque âme en particulier, il se doit à toutes et à chacune prise à part. 

Plus délicats et plus difficiles sont les devoirs qu’il exerce envers 
les pouvoirs civils qui commandent aux corps, et ne pénètrent dans 
le domaine de l’âme que pour garantir le bon ordre dont a besoin le 
progrès sous tous les rapports des sociétés humaines. La monarchie 
papale intervient auprès d’eux pour garantir, comme protectrice des 
Églises nationales, l'indépendance des évêques, le libre et plein 
exercice de leur ministère. C’est pour cela qu’elle conclut avec eux 
des concordats, dont les règlements ont pour but d'organiser d’abord 
la police dans les manifestations extérieures du culte et de la disci- 
pline ; d'assurer ensuite la bonne tenue et la gestion des locaux de ce 
culte, des revenus et propriétés qui sont nécessaires à son entretien, 
ainsi qu’à celui de ses ministres : le pape en exerce le souverain 
domaine comme représentant du Christ, les évêques n’en ont que la 
garde et l’usufruit sous sa responsabilité et sa surveillance. 

Gouvernement et administration centrale fonctionnent au moyen 
de ministères et bureaux, les congrégations romaines qui en sont les 
instruments. Au dessus plane le conseil suprême de la papauté, le 
Sacré Collège, qui fournit leurs chefs à ces divers organes, en même 
temps qu’il garde et interprète les traditions sur lesquelles reposent 
les principes et les règles qui dirigent la monarchie. 

Et celle-ci, parce qu’elle s'étend à toute la terre, a besoin d’un 
centre, d’une résidence fixe où elle soit indépendante et souveraine. 
Elle est en perpétuelle relation d’affaires avec les autorités tempo- 
relles de tous pays, au dessus d'elles, puisqu'elle dirige la con- 
science, partie supérieure de l’âme humaine. Elle ne doit donc 
dépendre d’aucune de ces puissances, et, comme on l’a dit souvent, 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 419 


le pape ne doit être ni Italien, ni Français, ni Allemand, ni d'Europe, 
ni d'Amérique : il doit être universel. Il ne peut avoir de supérieur 
sur le territoire de sa résidence, si exigu qu'il soit; il ne peut être 
soumis, sous quelque forme que ce soit, à n'importe quel pouvoir, 
fat-il le plus libéral de tous. Îl ne peut même tenir son indépen- 
dance de ce pouvoir, mais de l’accord et sous la sauvegarde des 
chrétiens de tous pays. La loi ttalienne des garanties sera toujours 
insuffisante, parce qu’elle fait partie de la constitution du royaume 
d'Italie, qu’elle suppose le pape italien, habitant en terre italienne ; 
elle ne le reconnaît pas comme souverain sur les quelques palais 
que l'Italie a bien voulu lui laisser ; elle ne l’en reconnaît même pas 
comme le propriétaire, elle ne lui en accorde que lusufruit. Et 
pourtant tout ce que ces palais renferment vient de la chrétienté, a 
été payé pendant des siècles par l’argent de la chrétienté. Le terri- 
loire qui assure l'indépendance du pape doit être catholique en fait 
comme en droit, il ne peut appartenir qu’à la chrétienté universelle. 
La souveraineté temporelle est une partie essentielle de la monarchie 
pontificale, elle a été voulue par Dieu et non pas simplement con- 
sacrée par une existence de près de seize cents ans : elle s’est 
développée avec cette monarchie comme sa condition nécessaire, elle 
a été proclamée indispensable à l’Église de Jésus-Christ par l'histoire 
et le droit canon. 
Il 


ORIGINES DE LA MONARCHIE PONTIFICALE 


La notion générale de monarchie romaine que nous venons 
d'analyser s’est établie et précisée à travers des siècles de péripéties. 
Elle a commencé à prendre sa forme définitive au treizième, après 
avoir passé par une longue période de tätonnements et de transfor- 
Walions, pendant laquelle l’autorité pontificale, reconnue et acceptée 
sans conteste par les autorités locales, ne s’était exercée que rare- 
ment, aux grandes occasions et pour des affaires capitales, s'était 
affirmée plus qu'elle n’avait imposé ses directions. C’était le temps 
où l’Église enseignante ne cessait de travailler sous la conduite des 
papes, définissait le dogme, fixait la morale et la discipline dans de 
nombreux conciles, généraux ou particuliers, dont le pouvoir central 
dirigeait parfois les travaux, contrôlait et ratifiait toujours les 
décisions les plus importantes. Ainsi se formaient, selon les besoins 
du temps, la doctrine et l’enscignement de l'Eglise, le successeur 
de saint Pierre ne cessant d'intervenir pour sanctionner les résultats 
de ces travaux. 

À travers les rares documents que nous possédons, l’action de la 


420 P. RICHARD. 


papauté se dessine dès les premiers siècles, avec une ébauche d'or- 
ganes administratifs, chargés de la faire sentir dans les chrétientés 
locales, à mesure qu’elles viennent à la vie : les scrènia, offices ou 
bureaux de service de l’Église romaine, calqués sur ceux du gouver- 
nement impérial, entretenaient une correspondance suivie avec ces 
communautés dispersées jusqu'aux extrémités du monde romain et 
au delà. Ainsi l’attestent le conflit de la Pâque au n° siècle, celui des 
lapsi au ie. H est naturel de supposer que ces services achevérent 
de s'organiser pendant la période de paix qui permit de réparer 
les ruines entassées durant l'ère des persécutions. Leur activité 
s’amplifia du moins notablement au 1v° siècle contre l’arianisme et 
autres hérésies qui pullulaient de l'Orient à l'Occident, avec les con- 
ciles qui se succédaient presque sans interruption dans les deux 
parties de l'empire. Leur correspondance remplit, à partir du siècle 
suivant, les patrologies comme celle de Migne, et les Regesta pontt- 
ficum romanorum de Jaffé. Les deux cents lettres environ de saint 
Léon le Grand, précieuses pour leur portée théologique, abordent 
aussi tous les sujets avec des correspondants variés, en dehors des 
évêques et des collectivités conciliaires. 

De même caractère, mais plus importantes sont les Epistolae de 
saint Grégoire le Grand, qui forment un volume entier, le tome 
LXXXIIe de la Patrologie de Migne. Le pontife y apparaît dans des 
rôles multiples, docteur et législateur, homme de gouvernement, 
administrateur, juge et financier. Il est mème directeur de conscience 
pour dresser à la vie publique les âmes des chefs barbares, nouvel- 
lement convertis et novices dans la pratique des affaires politiques. 
La monarchie pontificale inaugure son pouvoir indirect sur ces 
affaires, en surveillant l’apprentissage des dynasties et des nations 
qui vont remplacer Fempire romain : elle prépare ainsi l’organisa- 
tion de l’Europe chrétienne, à l’aide du savoir politique et de cette 
école de gouvernement dont elle a hérité de l’ancienne Rome. 

Les souverains ariens d’Espagne, naguère revenus de l'erreur, 
les chefs lombards encore païens aux trois quarts, Brunehaut et les 
princes mérovingiens, l'empereur Maurice lui-même, recherchent 
les conseils de Grégoire et les écoutent docilement, bien qu'ils ne les 
comprennent et ne les observent pas toujours assez. Le pasteur ne 
cesse de revenir à la charge avec une patience qui ne se lasse pas. 
Le chef apparait aussi comme un des créateurs de la monarchie 
pontificale, surtout comme le lointain organisateur des États de 
l'Église et du pouvoir temporel : sa correspondance révèle fréquem- 
ment le soin avec lequel il établit l'administration des Patrimonia 
sancts Petri, domaines dispersés à travers l’italie, que ses prédéces- 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 421 


seurs avaient acquis par dons, fondations, achats, etc. (1). La pro- 
tection que les papes exerçaient depuis le départ de Constantin, à 
litre de defensor civitatis, sur Rome et peut-être d’autres cités 
italiennes, se transformait alors en une sorte de souveraineté, pour 
la première du moins et ses voisines. Que le titre aît été concédé ou 
non par les empereurs, il a contribué aussi à fonder le gouvernement 
des papes dans le duché de Rome, qui commença avant la donation 
de Pépin. 

Saint Grégoire avait à coup sûr hérité de ses prédécesseurs ces 
diverses attributions, mais il sut les consolider et les développer 
par un emploi méthodique. Il perfectionna aussi les services des 
nolari, des scriniaru, expélditeurs et gardiens des lettres et instruc- 
tions papales : ainsi son pontificat marque un progrès important de 
la monarchie romaine, en ce sens que l’on constate mieux l’action 
que l’Église de Rome exerce sur la chrétienté, action personnelle 
surtout, renforçant celle que la discipline et la tradition conféraient 
au successeur de Pierre. 

Sous les papes qui suivirent, du vu au x° siècle, ces institutions 
se développent ; nous sommes du moins plus renseignés sur l'Église 
romaine, gräce à l’étude de Mgr Duchesne, Les premiers temps de 
l'Etat pontifical (2). L'administration se complique de celle du pou- 
voir temporel, qui finalement absorbe les pouvoirs des ducs-patrices 
de Rome, gouverneurs impériaux qui n'ont plus d’appui du côté de 
Byzance. Il reste dès lors à peine quelque distinction entre cette 
nouvelle organisation et celle de l’Église elle-même, qui se sécularise 
partiellement. A côté des vingt-cinq cardinaux prêtres curés de Rome 
et des sept cardinaux diacres, conseillers et auxiliaires du pape au 
temporel comme au spirituel, apparaissent les trois services secon- 
daires ou bureaux du palais du Latran, le palais, la chancellerie et 
les finances. Les principaux officiers, chefs de ces services, qui 
changent parfois de nom, superisla, primicerius, secundicerius, 
bibliothecarius, arcarius, etc., forment le collège des sept juges 
palatins, dont l’importance se développe de bonne heure dans le 
ressort de la justice et la police. 

La subordination n’est pas encore nettement établie entre ces 


_ (x) MourRET, Histoire générale de l’Église, t. IL, p. 91-97. Un certain 
nombre de ces domaines sont énumérés dans plusieurs notices du Liber 
pontificalis, antérieures à Grégoire le Grand : voir le tome I de l'édition 
Duchesne. 

(2) Paris, 1904, seconde édition. Les détails que nous donnons plus loin 
sont empruntés au chap. VI, p. 98-103. 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 2/ 


422 : P. RICHARD, 


dignités. Les personnages les plus influents varient selon les cir- 
constances, selon leur intelligence, leur savoir-faire, l’habileté avec 
laquelle ils arrivent à dominer le pape, qui leur doit parfois sa 
fortune, sa promotion. Les plus célèbres furent le primicier Chris- 
tophe, qui dirigea la politique française à Rome au temps de Pépin 
le Bref ; Étienne IE, qu’il avait d’abord mené, le livra au roi lom- 
bard Didier (770). Au siècle suivant, le bibliothécaire Anastase, 
cardinal du titre de Saint-Marcel, antipape en 855, eut de l'influence 
sous Nicolas 1°" (858-867), dont, en qualité de secrétaire, il rédigea et 
expédia les actes, non sans leur donner son cachet personnel. Au 
x siècle, lorsque la papauté fut plus ou muins dominée par la 
noblesse romaine, ses tyrans portaient parfois des titres ou des 
fonctions palatines, comme le vestiarius Théophylacte qui s’éleva de 
l'emploi de trésorier du palais aux grandes dignités de magister 
militum, sénateur et consul de Rome (1). 

Les mêmes officiers qui aidaient le pape à gouverner l'Église de 
Rome et ses Etats temporels devaient intervenir pareillement dans 
les rapports avec la chrétienté, ce qui constituait le rôle propre de 
la monarchie pontificale à ses débuts. Les Regesta Romanorum pon- 
tificum de Jaffé nous en fournissent la preuve à diverses reprises. 
Pendant la vacance qui suivit la mort du pape Séverin en 640, son 
successeur Jean IV parait sous la dénomination d'electus Romanae 
Écclesiae, entouré d’un certain nombre de dignitaires, parini lesquels 
figure un Joannes consiliarius ejusdem Sanctae Sedis (2). Le primi- 
cier des notaires qui, avec l’archiprètre et l’archidiacre, gouvernait 
l'Église romaine pendant la vacance du siège (3), n'avait pas seule- 
ment la haute main sur la chancellerie : prédécesseur du chancelier 
qui apparaît avec Jean XIX en 1024, il était déjà un des personnages 
les plus influents dans la gestion des affaires générales de la chré- 
tienté. 

Il intervient fréquemment avec le bibliothccarius Sanctae Sedis et 
beaucoup plus souvent que les autres vofficicrs mentionnés par 
Duchesne, dans l'expédition des actes pontificaux, qui consistait à 
les dater, à les munir du sceau de la chancellerie et des signatures 
authentiques. Jaffe ne manque pas de signaler cette fonction avec les 
officiers qui la remplissaient en tète de chaque pontificat, Tandis que 
la rédaction des actes est toujours faite par les notarit ou scriniarti, 
l'expédition est réservée à des officiers plus relevés qui n’appar- 


(1) Zbid., p. 310. 

(a) JAFFÉ, nv 2040, Une énumération analogue apparait sous Léon III 
(395-816). On pourrait apporter d'autres exemples. 

(3) DUCHESKE, 1bid., p. 101. 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONCe DE TRENTE. 423 


tiennent pas toujours à la chancellerie, et il y a tout lieu de croire 
qu'ils avaient un rôle dans la préparation de ces actes, c’est-à-dire 
l'examen et le règlement des affaires auxquelles ils avaient trait. 

À partir du x1° siècle, les officiers portent le titre de cardinaux, le 
chancelier notamment qui prend décidément le dessus. Sous Victor I, 
le preinier des papes réformateurs (1055), le cardinal chancelier est 
le célèbre Hildebrand ; sous Étienne IX et Nicolas [IL c'est le cardinal 
Humbert, évêque de Selva Candida, un autre ouvrier de la réforme. 
Sous Alexandre II et Grégoire VII apparaît saint Pierre Damien. Un 
siècle après, Hadrien IV à pour principal instrument le cardinal 
Roland qui lui succèdera sous le nom d'Alexandre I1l, Le chancelier, 
devenu ainsi un des premiers personnages du conseil des papes, se 
fait souvent suppléer, pour les formalités de chancellerie, par un 
évèque ou quelque autre grand personnage. Un chanoine de Saint- 
Jean de Latran, du nom de Moyse, exerce même les fonctions de vice- 
gérant de la chancellerie, sous plusieurs pontificats, d'Urbain 111 à 
Célestin 1H (1185-1198), pour disparaître avant l’exaltation d’Inno- 
cent III, maïs la fonction semble avoir été maintenue. 

Dans cette organisation gouvernementale que nous voyous se 
dessiner, le Sacré Collège se détache aussi peu à peu, avant même 
que le décret de Nicolas IF ait établi son droit d'élection. Les papes 
du x1° siècle, Léon IX le premier, appellent les cardinaux prîtres, 
puis les diacres à confirmer comme témoins les acte importants 
expédiés en chancellerie. Ils ont donc au préalable délibéré sur les 
décisions dont ils endossent ainsi la responsabilité. Jaffe les men- 
tionne sous leur titre cardinalice, et la liste qu’il donne en tête de 
chaque pontificat devient nombreuse à partir d'Alexandre IE (1061- 
1073). Les trois ordres sont nettement distingués avec Pascal II 
(1099-14 148) ; les cardinaux évêques en tête occupent à peu près le 
rang qu'ils ont toujours tenu. Ce sont les anciens suffragants de 
Rome (1), qui varient depuis le vi° siècle, excepté celui d'Ostie. Ils 
sont appelés à consacrer le pape et, en 687, ils figurent au nombre 
de trois au sacre de Léon If, Ostie en tète, On a même soin d’ajouter 
que celui d’Albano fait défaut parce que le siège cest vacant (2). 

C'était à eux en première ligne que le décret de Latran réservait 
la désignation du pape (avril 1059). Les autres cardinaux étaient 
ensuite consultés. Ce qui renforça l'importance du Sacré Collège 
ce fut surtout le concours que Grégoire VII et ses successeurs trou- 
vérent chez lui pour leur politique de réforme et l'organisation de 
la république chrétienne. Le premier inaugura le système des léga- 


(1) DUCHESNE, tbid., p. 102-103 et note, 
(2) Jarré, t. I, p. 240. 


424 ë P. RICHARD. 


tivns, par lesquelles il se rendait pour ainsi dire présent dans les 
diverses parties de la chrétienté. lour celà il devait envoyer un 
autre lui-même, c’est-à-dire un persunnage de son entourage, de 
son intimité, connaissant ses idées, et capable d’en assurer la réali- 
sation. Les cardinaux les plus en vue étaient tout désignés pour 
cela, et lorsque le pape confiait des missions de confiance à des per- 
sonnages de condition inférieure, le cardinalat ne tardait pas à 
récompenser les succès obtenus dans une ou plusieurs de ces entre- 
prises. 

L'institution nouvelle, plus solennelle de ces ambassades aposto- 
liques qu'on appela légation, assura le succès de la grande réforine 
du xi° siècle, en dirigeant et disciplinant les forces diverses, moines, 
ordres religieux, masses populaires, que la papauté lançait à l’assaut 
contre le clergé prévaricateur à tous les degrés. Elle méritait donc 
d’être conservée et les papes du xu° siècle, sans l'employer aussi 
souvent, en firent cependant un de leurs moyens de politique et 
d'administration dans le gouvernement de la république chrétienne 
qu'ils s’efforçaient d'organiser. Des pontiles plus actifs, comme 
Innocent 111, Grégoire IX, Innocent IV suivront l'exemple de Gré- 
goire VII et feront des légations l'instrument principal de leur 
autorité dans l’Église universelle (1). 

D'ailleurs cette activité donna un grand développement aux trois 
services poñtilicaux que nous avons meuntionnés, surtout à la 
chancellerie. Néanmoins, comme au x° siècle, l'âge de plomb de la 
chrétienté, selon l’expression de Baronius, ces services subirent 
des arrêts, mème des dommages pendaut les périodes les plus 
troublées de la lutte du sacerdoce et de l'empire ; et le désarroi, le 
désordre qui résultèrent de ces temps de bouleversement firent 
toucher du doigt la nécessité d'établir le pouvoir papal sur un 
organisme fort et centralisé. Et cette nécessité fut encore mise en 
évidence par les empiétements des princes séculiers, que l'exemple 
des empereurs d’Allemagne incitait à s'étendre aux dépens de 
l'autorité spirituelle. Les croisades mirent en relief les divergences 
entre les races chrétiennes : l'ambition de ces princes les fit dégé- 
nèrer en Opposilions toujours plus vives, puis en conflits, et ainsi 
s'évanouit lentement le rève de république chrétienne que les papes 
s'efforcaient de réaliser. Au x1u° siècle, l'âge d’or de la civilisation 
chrétienne et médiévale, toutes les dynasties régnantes, Capétiens, 
Plantagencets, maison d'Aragon, surtout les ambilicux princes 
angevins, rivalisent d'activité pour accroitre leurs attributions avec 


(1) Voir notammen! les savants tfavaux d'A. Luchaire sur Innocent III, 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 425 


leurs territoires. Le souci du péril de l'Islam passe à l'arrière-plan, 
les royautés féodales s'acheminent vers la monarchie absolue et sur 
les races transformées en nations va s'exercer le droit divin des 
rois, qui compte parmi ses premières prérogatives l’ingérence dans 
le domaine de l’Église et l’asservissement du clergé. 

Pour se garantir de ces attaques, la papauté n’aura qu’à emprun- 
ter la tactique de ses adversaires : elle travaille donc à se fortifier, 
à développer ses institutions avec un persévérant esprit de suite, 
au milieu des difficultés qu’elle rencontre aussi dans l'Église, même 
dans son entourage ; luttes complexes venant de tous côtés, et d'où 
résulta pour elle, en ce même xni° siècle, une nouvelle crise d'affai- 
blissement. Les papes étaient pris entre les assauts furieux de 
l'Empire, que représentait le féroce Frédéric Il, et les excès de la 
démagogie romaine, qui s’entendait avec les hobereaux turbulents 
de la campagne avoisinante, pour résister au maître commnn. Les 
pontifes n’ont plus de résidence sûre, ils errent vagabonds à : 
travers la péninsule et les pays voisins : Innocent IV, le plus 
remarquable d’entre eux, séjourne dix ans à Lyon, sous la protec- 
tion de saint Louis. Les citadelles de l’Apennin, Anagni, Orvieto, 
Viterbe, Pérouse, etc., véritables nids d'’aigle faciles à garantir d’un 
coup de main, leur assurent seules un peu de sécurité, et servent 
tour à tour de refuge aux gouvernants de la catholicité. Les bureaux 
d'où partent les missives qui instruisent, éclairent et réglementent 
l’Europe et l'Asie, qui réveillent le zèle des cités lombardes et tos- 
canes, qui calment les emportements de l’ambitieuse maison d’An- 
jou, qui organisent les derniers essais de croisade, ces bureaux ne 
sont plus installés au palais du Latran ; ils s’abritent derrière les 
corps de garde d'une condotta, troupe de mercenaires enrûlés aux 
frais du Père des fidèles ; celui-ci n’a échappé aux griffes des Hohen- 
staufen que pour se voir menacé par les podesta sans scrupule des 
cités italiennes, ou sur le point de devenir l’homme lige de cadets 
capétiens, à peine moins avides et plus scrupuleux. 

D'ailleurs l'Italie, où chaque province, chaque cité, chaque famille 
se divisait en deux partis irréconciliables, guelfes et gibelins, nobles 
et peuple s’entr’exilent et s’entretuent tour à tour, l'Italie devenait à 
peu près inhabitable, Tous les papes en faisaient l’expérience l’un 
aprés l'autre, les Italiens aussi bien que les Français. Après 
Boniface VIII, qui, bien que le plus illustre enfant de la péninsule, 
avait été indignement maltraité par ses compatriotes au service des 
ennemis d’outre-monts, il fallut chercher autre part un abri où l’on 
pôt asseoir la solide organisation que réclamait l’Église. La sécurité 
dont la cour romaine avait joui à Lyon, le prestige sans tache de 


426 P. RICHARD. 


saint Louis, l'influence des Capétiens, ses ancètres, qui depuis deux 
siècles s’efforçaient de combattre la tyrannie teutonique, tout cela 
avait contribué à créer en celte cour et au Sacré Collège un parti 
francais, qui contrebalançait l’action des Italiens. Avec l'appui des 
Angevins, il avait élevé au pontificat plusieurs de ses membres, le 
Champenois Urbain IV (1261-1264), le Languedocien Clément IV 
(1265-1268), le célèbre Pierre de Tarentaise, qui, sous le nom 
d’Innocent V (1276), compléta par de sages mesures les règlements 
du second concile de Lyon ; enfin le Tourangeau Martin IV (1281- 
4285), qui assista impuissant au drame des Vépres siciliennes. 
Cette défaite des princes angevins assura pour vingt ans le triomphe 
du parti italien. Toutefois à la suite des luttes interminables qui 
éclataient entre les deux partis, à chaque vacance du Saint-Siège 
(témoin le conclave de trois années qui suivit la mort de Clément IV), 
Clément V envisagea comine une nécessité le transfert de la curie en 
dehors de la péninsule (1505). L'installation à Avignon, imposée par 
les calculs ambitieux de Philippe le Bel, rencontra une vive résis- 
tance de la part des cardinaux ultramontains, surtout pour des 
raisons d'intérêt. Le pontife tint bon, créa des cardinaux francais, 
ce qui affaiblissait l'influence des anciens, et menaça de gouverner 
l'Église sans eux. Au reste, le Sacré Collège, qui devenait le gardien 
et l'interprète des traditions sur lesquelles se règle le gouvernement 
pontifical, en même temps que le conseiller du pape et l’auxiliaire 
indispensable de ce gouvernement, le Sacré Collège ne pouvait que 
ratifier le choix de la nouvelle résider ce : il y allait de la sécurité et 
du bon ordre dont il avait besoin pour s'organiser lui-même. Nous 
allons voir ces deux puissances, la papauté et son conseil, travailler 
concurremment, parfois en opposition, à renforcer, en les centra- 
lisant davantage, les pouvoirs qu'ils se partageaient inégalement. 
L'œuvre de formation, après avoir subi les vicissitudes de plusieurs 
siècles, va se préciser pendant un séjour de soixante-dix ans derrière 
les murs d'Avignon, pour achever, au retour du pape à Rome, la 
première ébauche d'un organisme monarchique. 

Cette ébauche apparaît dans les liegesta romanorum pontificum, 
collection de copies officielles, authentiquées par les divers officiers 
curiaux alors en fonction, de bulles et autres actes adwinistratifs 
émanés de la chancellerie, Commencée précisément pendant le séjour 
à Avignon, elle a échappé en très grande partie aux injures du temps 
et des révolutions modernes et se conserve aux Archives du Vatican 
sous trois formes, dont deux au moins datent de cette époque, les 
Regesta Avenionensia et les Regesta Vaticana. En l'état où ils ont 
Survécu, ces recueils présentent une documentation capitale pour 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC DE TRENTE. 427 


l'histoire de la papauté à partir du xiv° siècle, comme pour les 
débuts et la marche des rouages qui compliqueront dans la suite 
l'administration curiale. Derrière l’abri sûr que formait le Comtat 
Venaissin, sous la protection des Valois, dont les territoires et ceux 
de leurs vassaux de Provence et de Dauphiné entouraient Avignon 
d'une vraie ceinture de défenses naturelles, avec les exemples, les 
avantages et les ressources que leur empruntaient les papes, ceux-ci 
ont rapidement organisé une puissance politico-religieuse et créé 
une société brillante et une civilisation qui ont rivalisé avec celles 
des Valois, restées en pleine guerre de Cent ans, un modèle, à la 
fois objet d'envie et d’émulation pour l'Europe. 

Ces splendeurs coûtaient beaucoup d'argent, et c’est la chrélienté 
qui payait. Pour couvrir leurs dépenses, qui avec le temps se firent 
excessives, les papes d'Avignon fondèrent la fiscalité pontificale, 
vaste système financier et administratif, enveloppant les pays chré- 
tiens et qui devint le solide point d'appui de l’organisation qui était 
en train de s’élaborcer. En généralisant l'usage des annates et d’autres 
charges financières qu'ils imposaient aux bénéfices, les pontifes 
concentrèrent entre les mains de la Chambre apostolique les affaires 
de finances ; en même temps que la multiplication des procès en 
cour de Rome leur fournissait l’occasion de développer, avec le 
fonctionnement des tribunaux de la curie, la hiérarchie judiciaire de 
l'Église et la discipline elle-même, Ainsi ont grandi les premiers 
ministères curiaux, qui se transformèrent plus tard en congrégations 
romaines. 

L'ancienne chancellerie, agrandie et complétée, restait plus que 
jamais le bureau principal. Les services s'y multipliaient, en même 
temps que les affaires toujours plus complexes qu’on y expédiait. Et 
à ces services correspondaient des collèges nouveaux de scribes et 
autres employés qui se partageaient la besogne des anciens scriniarti, 
notaires et secrétaires. Les protonotari prirent le pas sur ces 
officiers, puis se formèrent successivement les scriplores, registra- 
tores, elc., selon qu'il s'agissait de rédiger les actes ou de les 
enregistrer, de les inscrire dans les recueils officiels, les Regesta, 
destinés à faire foi en justice comme pour l’administration. Les plus 
en vue furent les abréviateurs du Parc majeur, qui prirent une 
grande importance (1). Benoît XII les organisa en collège et les 
chargea de préparer le travail des autres. Les secrétaires apostoliques, 
probablement les derniers venus en date, devaient parvenir à une 


(x) Article dans le Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique, 
t. I, col, 195, et dans celui de Droit canonique, t. I, 1924. 


428 P. RICHARD. 


fortune exceptionnelle ; de leur collège sortira lentement au xv° et 
au xvre siècles la Secrétairerie d’État, qui deviendra le ministère des 
brefs (1). | 

D’autres services s’étaient déjà détachés de la Chancellerie ; par 
exemple la Daterie. Nous en avons signalé deux, la rédaction et 
l'expédition des actes pontificaux. Celle-ci se marquait par la date 
et les autres détails d’authenticité, la signature et l’apposition des 
sceaux. La distinction commence dans Jaffé avec Hadrien 1°"(772-795). 
À une époque qu’il est difficile de déterminer, il se produisit une 
transformation : le bureau de la Daterie fut chargé de recevoir les 
suppliques ou requêtes diverses, de les apostiller avant de Îles 
soumettre au pape, toujours avec les formalités de dates. La trans- 
formation était réalisée au moins au temps de Boniface VIII: sous 
lui eut lieu la séparation de la Daterie et de la Chancellerie, d’après 
l'historien de la première, le Flamand Théodore Ameyden qui 
travailla longtemps dans les bureaux de cette congrégation, vers 
1600 (2). Il mentionne un dataire du nom de Xystus sous 
Honorius 11 (1215-1227). Il est certain toutefois que la chancellerie 
garda son office d’expédier les bulles par la date, comme on le voit 
dans Jaffe et son continuateur Potthast. La Daterie n’en fut détachée 
sans doute que pour diminuer son travail, qui devenait excessif avec 
la multiplicité toujours plus grande des suppliques auxquelles elle 
avait à répondre. Benoît XII (1234-1242) compléta cette transfor- 
mation dans sa réforme de la chancellerie. Certains bénéficiers 
arrivaient à se faire pourvoir en falsifiant leurs suppliques ou 
demandes de mise en possession, c’est-à-dire les éléments d’anthen- 
ticité de ces requêtes. I fit tenir des registres authentiques de ces 
suppliques une fois accordées, et la collection se trauve encore aux 
Archives du Vatican. La nouvelle Datcrie en eut la garde et fut 
chargée de prévenir les fraudes en surveillant l'expédition des 
requêtes ou suppliques bénéficiales. 

Elle devint un service important et occupa toujours au moins 
le troisième rang parmi les congrégations et tribunaux romains (5). 
Les fonctions de signature entrainérent de bonne heure une 
procédure de contentieux, qui a peut-être donné naissance à un 


(1) P. RicHarD, Origines et développements de la Secrétairerie d'État apos- 
tolique, dans Revue d'histoire ecclésiastique, t. XI, 1910. 

(2) Moroxt, Diqionario di erudizione storico-ecclesiastica, t. XIX, p. 111, 
113-117, etc. L'ouvrage d'Amcyden a pour titre: De officio et jurisdictione 
datarii, Venise, 1654. La première édition de 1534 fut mise à l’Index en 1653. 
Voir le long article de MoRonNti, ibid., p. 109-159. 

(3) Zbid., p. 123, à la fin, 


LA MONARCHIE 1'ONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 429 


tribunal spécial, celui de la Signature. Alexandre VI le divisa en 
Signature de justice et Signature de grâce (1492) (1). Mais la 
Chancellerie occupa toujours le premier rang dans l’administration 
pontificale ; elle servait d’ailleurs d'intermédiaire avec un autre 
service d'importance, chargé de percevoir les fonds ou droits de 
chancellerie que tout salliciteur devait verser pour l'obtention des 
bulles et autres actes. 

Ce troisième ministère, la Chambre apostolique, est organisé aussi 
et fonctionne sous les papes d'Avignon. Elle avait dû se séparer de 
bonne heure de la Chancellerie, pour prendre l'administration du 
domaine du patrimoine de saint Pierre, qu’elle a toujours gardée : 
elle fut peut-être établie dans les temps où il se trouva groupé sans 
discontinuité autour de Rome. La fiscalité pontificale, qui ne cessait 
d'amplifier ses attributions, entra dans ses bureaux au xiv® siècle, et 
son organisation devint surtout financière, d’ailleurs non moins 
étendue que celle de la chancellerie, avec tout un personnel d’auxi- 
liaires, assistanti di camera, computistes (comptables, teneurs de 
livres, caissiers), sous la surveillance d’un commis principal, l'audi- 
teur de la Chambre, qui devint un des principaux offiviers de la 
eurie, Le chef de ce personnel, le cardinal camerlingue, acquit rapi- 
dement et par la force des choses la situation d'un ministre des 
finances, des travaux publics, des beaux arts, ete., et fut, avec le 
cardinal chancelier, le principal conseiller du pape, à une époque où 
les intérêts politiques primaient tout, réagissaient sur les affaires 
spirituelles et le gouvernement de l'Église. 

Ce qui montre encore mieux l'importance qu'avait prise la Chambre, 
c'est qu'elle avait à peu près partout des agents, les collecteurs apos- 
loliques. chargés de percevoir les redevances que la papauté avait 
imposées aux bénéfices et pour l’obtention des autres faveurs qu’elle 
arcordait, sans parler des taxes judiciaires. Ces agents absorbèrent 
peu à peu les opérations financières de la curie à travers la chrétienté, 
y compris les décimes et indulgences, comme celle de la croisade, 
qui reprit de l’importance après la chute de Constantinople. Leur 
rôle se généralisa, devint politique et diplomatique, s’étendit à toutes 
les affaires que la papauté avait à discuter avec les princes chrétiens. 
Les collectoreries préparèrent ainsi les voies aux nonciatures à 
demeure (2). 

Un quatrième ministère apparait encore au temps des papes 


(1) Zbid,, t. LXUI, p. 223. 
(2) P. RicHARD, Origines des nonciatures permanentes avant Léon X, dans 


Revue d'histoire ecclésiastique, t. VII, 1906. La représentation pontificale au 
XVe siècle, 


430 P. RICHARD. 


d'Avignon, à côté et presque sur le même pied que la chancellerie, 
pour croitre toujours d'importance, je veux dire la Sacrée Péni- 
tencerie apostolique. D’après son récent historien, le professeur 
E. Gôüller (14), sa juridiction englobait les faveurs et grâces d'ordre 
spirituel se rattachant au sacrement de pénitence, absolutions, indul- 
gences, dispenses, mème de mariage, mais au for extérieur seule- 
ment. Sous la direction du cardinal grand pénitencier fonctionnait 
une autre hiérarchie d'officiers curiaux, parini lesquels figuraient 
les pénitenciers et les expéditeurs de dispenses d’irrégularités, em- 
pêchements, etc., moyennant componende ; en somme de tout acte 
administratif qui ne passait pas par la chancellerie à cause de son 
caractère intime, qui réclamait réserve et discrétion et interdisait la 
publicité. Eugène IV réorganisa les bureaux et fit de la Pénitenceric 
l'instrument des réfor:nes que la curie s’efforça dés lors d'introduire 
dans l’Église universelle. Elle garda néanmoins l'expédition de 
nombreuses affaires, même pour les aliénations de domaines ecclé- 
siastiques. Moroni (2) les énumère suffisamment. Enfin Pie V trans- 
forma complètement la Pénitencerie et la relégua au for interne. 


TL 
LA MONARCHIE PONTIFICALE ET LE NÉPOTISME 


Ces quatre administrations, Chancellerie, Chambre apostolique, 
Pénitencerie, Daterie s’installèrent à Rome en 1420, lorsque Martin V 
y ramena définitivement la cour pontificale ; elles ne pouvaient que 
s'y perfectionner par le fonctionnement dans la période de stabilité 
que le xv* siécle fut pour la monarchie pontificale. Et n’était-ce pas 
une garantie de plus de durée pour elle, ce fait que leurs emplois 
élaient devenus des offices inamovibles. qui s’achetaient et se possé- 
daient en toute propriété, se transmettaient par vente ou héritage, 
pourvu que fussent observées les formalités de chancellerie ? L’expé- 
dition des affaires ne pouvait que gagner au savoir et à l'expérience 
que les officiers acquéraient par leur formation, puis par une longue 
pratique. Et ainsi naissaient des traditions nouvelles, qui complé- 
taient et précisaient celles de la discipline plus ancienne. D'ailleurs 
si l’hérédité ne s’élablit pas entièrement dans ces offices (cette même 
discipline s’v opposait, encore plus que la volonté du maître), comme 
pour la noblesse de robe en France, ces officiers créèrent avec le 


(1) Die päpstliche Pônitentiarie von ihren Ursprung bis zu ihrer Umgestal- 
tung unter Pius V. Fribourg-en-Brisgau, 1907-1911. 
(2) Dizionario di eruditione storiço-ecclesiastiça, t, LII, p. 77, col. a. 


LA MONARCHIE PONTIF, JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 431 


temps, dans le cours du xv° et xvie siècles, une classe sociale, 
ecclésiastique et internationale, celles des curiaux, dont beaucoup, 
étant mariés, fondèrent des familles : de préférence toutefois ils 
s'appelaient entre parents, oncles, neveux et cousins, de toutes les 
parties de la chrétienté pour s'installer à Rome, où ils se poussaient 
mutuellement sans perdre contact avec le pays natal : ils y avaient 
leurs bénéfices et y faisaient des affaires. Ils transformérent ainsi 
lentement la population romaine : Français, Espagnols et Portugais, 
Allemands, Scandinaves, Flamands, Savoyards en vinrent à sub- 
merger la race primitive dans leur masse. Cela dura ainsi jusqu’à la 
Révolution française ; les Italiens accaparèrent ensuite les places 
que désertaient les gens d’outre-monts. Maïs, à l’époque qui nous 
occupe, la cour papale était vraiment ce qu’elle doit être, un composé 
de tous les peuples, de toutes les races chrétiennes, et Rome la cité 
universelle où les fidèles se trouvent chez eux, de quelque pays 
qu'ils viennent. 

Toutefois en tendant à former une caste semi-aristocratique, les 
curiaux aggravaient la crise que le Grand schisme d'Occident apporta 
a la monarchie pontificale en voie de formation. Ils contribuèrent 
largement, en donnant la première importance aux affaires tem- 
porelles, à renforcer le caractère séculier et mondain de la curie. 
Sous la conduite des cardinaux leurs chefs, qui aspiraïent à l'indé- 
pendance dans l'exercice de leurs fonctions, ils soutinrent l’oppo- 
sition que le Sacré Collège faisait parfois au pontife. Intéressés à 
diminuer l'autorité papale, ceux-là comme celui-ci prétéèrent plus 
ou moins, selon les circonstances, leur concours à la réaction com- 
plexe, qui, de toutes les parties, de tous les éléments de la chré- 
tienté, relig'eux, sociaux et politiques, se dressa contre cette autorité, 
au signal du mème Grand schisme ; cette réaction, tour à tour 
monarchique, aristocratique, parlementaire et presbytérienne, com- 
promit l'unité de l’Église, sa hiérarchie et sa discipline avec 
le prestige de la monarchie romaine. 

Les sonserains sécnliers qui s’en firent les instigateurs ne man- 
quérent pas d'en tirer les plus grands profits. Dès que le conflit du 
suhisme, qu'ils s'étaient efforcés d’apaiser autant que personne, fut 
terminé, ils cherchèrent à fixer des limites à cette monarchie, en 
réglant par des concordats précis les taxes qu’elle percevait sur 
leurs sujets, et la juridiction contentieuse qu’elle exerçait en appel 
ou dans les procès de première instance. Et sous leurs auspices, 
bien mieux par leur impulsion, les Églises de leurs états tentèrent 
de sorgauiser en Églises nationales, en sociétés autonomes qui 
pouvaient avec le temps substituer à l'Épouse une et indivisible du 


432 P. RICHARD. 


Christ une sorte de confédération dont son vicaire n'aurait été que 
le président d'honneur, un personnage purement représentatif. 

Le signal de la réaction était venu du concile de Constance, celui 
précisément qui mit fin an schisme : après avoir déposé trois papes 
et coopéré à l'élection d'un quatrième, il ne se borna pas à proclamer 
sa supériorité sur le chef de l’Église au cas où les pouvoirs de ce 
dernier seraient contestés ; il se gronpa en nations, francaise, alle- 
mande, anglaise, italienne. espagnole, et inaugura dans l’Église 
enseigninte un mode de délibération et de règlement qui imposait 
aux évêques, seuls juges des questions de foi et de discipline, le 
contrepoids du clergé secondaire, chanoines, gros bénéficiers et 
docteurs d’universités. C'était substituer à l’épiscopat les volontés 
du nombre et de la majorité, ouvrir les voies à une sorte de suf- 
frage universel qu'on appellera le presbytérianismèe. 

Le concile fut en effet dominé par une oligarchie cléricale, qui 
prétendait réglementer l'Église, réformer les décisions qui partaient 
de la chaire de saint Pierre et limiter les pouvoirs de celui qui y 
présidait, en établissant à la tête de la chrétienté un régime par- 
lementaire. Ainsi l’assemblée déclara ne pas se dissoudre, mais 
s'’ajourner à cinq ans, et sous prétexte d'assurer la réforme des 
abus qui avaient provoqué le schisme, instituer des conciles géné- 
raux périodiques, à qui reviendrait par la suite des faits un con- 
trôle permanent des actes pontificaux, la surveillance de la curie, 
finalement le partage des pouvoirs, en commençant par le légis- 
latif. L'élu du concile Martin V s’efforça d’esquiver la manœuvre, 
qui n’échoua que grâce aux maladresses et aux excès du conciliabule 
schismatique de Bâle. 

Le conflit de plus de dix ans que celui-ci engagea avec Eugène IV, 
et qui alla jusqu’à créer un antipape, rouvrait pour la monarchie 
pontificale une période de grandes difficultés qui devaient embar- 
rasser son progrès et la contraindre à rester sur la défensive, 
jusqu'à ce que la révolte de Luther vint encore compliquer sa 
situation, Les princes, en faisant renouveler leurs concordats, mul- 
tiplient leurs exigences, et Charles VIT dresse sa Pragmatique 
Sanction, simple machine de guerre des Valois, dont useront, à 
leur exemple, tous les systèmes politico-religieux, qui s’efforceront 
d'exploiter cette monarchie, de l'affaiblir ou de l’asservir à leur 
profit. 

C'est que les abus qui ont servi de prétexte à cette levée de 
boucliers s’aggravent sans que l’autorité suprême y remédie sérieu- 
sement, et dans l'Église on réc'ame toujours plus vivement la 
réforme tn capile et in membris. Absorbée par le souci de défendre 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 433 


ses droits et ses prérogatives, la cour romaine multiplie les 
sentences canoniques, les excommunications pour de futiles objets 
parfois ; et ses adversaires y répondent par l'appel du pape au 
concile général, autre arme émoussée dont l’usage se répandit 
pendant le xv° siècle, chez tous ceux, princes vu simples particuliers, 
qui prétendaient avoir à se plaindre de Rome. Luther érigea la 
pratique en système dans le camp des révoltés contre l'Eglise. 
Malgré la condamnation solennelle que Pie Il en porta à l’assemblée 
de Mantoue (1462), la manœuvre dura des siècles, et l'Université 
de Paris s’en servit pour soutenir publiquement et faire soutenir 
dans les facultés de théologie gallicanes la doctrine de la supériorité 
du concile sur le pape, doctrine à laquelle les débats du grand 
schisme avaient donné une certaine activité dans la vie publique et 
religieuse du siècle. Elle s’opposa à la doctrine ultramontaine, pour 
la politique comme pour la théologie, ct l'autorité pontificale se 
vit mise en question, mème dans certains cercles de l'Église 
enseignante ; l’absurde combinaison qui opposuit les deux autorités, 
dont l’une n'existait pas sans l’autre, ne tendait qu’à les ruiner 
toutes les deux, à introduire l’anarchie dans la chrétienté. 

Un danger plus pressant, parce que tout à fait intérieur, s’ajouta, 
dans le cours du siècle, à ceux qui accablaient la papauté : il Jui 
venait de son principal auxiliaire, de son conscil lui-même, le Sacré 
Collège. Après avoir provoqué le grand schisme par ses divisions, il 
avait travaillé à y porter remède ct n'avait réussi qu’à le multiplier 
en créaut un troisième pape. Reconstitué par Martin V, il se vit 
menacé dans ses privilèges par la réaction conciliaire, qui prétendait 
asservir le pape, tout d’abord en réservant son élection à l’Église 
enseignante. Il s’abandonna ensuite, comme toute la curie romaine, 
aux préoccupations et aux entraînements des affaires temporelles, 
voulut jouer un rôle politique et gouverner l'Église à côté de son 
chef, modilier même sa constitution. À chaque vacance, il arrête des 
statuls en vue de limiter les droits de l’elu, sous forme de pacte que 
les candidats jurent d'observer s'ils parviennent au pouvoir (1). lis 
ont pour but d'assurer à la haute assemblée une part prépondérante 
dans le gouvernement. Le pape ne prendra aucune décision sans 
consulter son conseil, il réduira le nombre de ses membres à 
vingt-quatre, ce qui fortifiait l'autorité, le prestige et la richesse de 
chacun. Les cardinaux aspiraient ainsi, ce semble, à se transformer 
en une assemblée délibérative, de simple corps consultatif qu'iis 
avaient été jusque là. Paul 11, Sixte 1V, Innocent VIII furent l'objet 


(1x) PasTor, Histoire des papes, édition française, t. II à V, passim, 


434 P. RICHARD. 


de tentatives de ce genre, mais ils les annulèrent aussitôt qu'ils 
eurent consolidé leur pouvoir, comme contraires au droit divin, 
attentatoires à la dignité et aux pouvoirs du vicaire de Jésus-Christ. 

Les souverains, l'Église enseignante, le Sacré Collège, les nations, 
lout se coalisait contre la monarchie pontificale et celle-ci était moins 
préoccupée de prendre l'initiative de la réforme que de concentrer 
ses forces, de s'organiser, pour tenir tête à tous ses ennemis. La 
fiscalité papale se développait, étendait sa juridiction, multipliait 
ses taxes parce que les pontifes multipliaient leurs dépenses. 
Devenus princes séculiers de la Renaissance, ils s'érigeaient en 
Mécènes, ouvraient aux humanistes un champ de travail dans la 
Bibliothèque Vaticane, dont ceux-ci se faisaient de leur côté les 
pourvoyeurs et les intendants ; appelaient les artistes à fouiller les 
ruiues de Rome, où ils recueillaient des matériaux avec les modèles 
et les leçons pour les constructions nouvelles, d'utilité ou d'agré- 
ment, églises, palais, châteaux forts, etc., que les pontifes, les 
cardinaux et les personnages notables leur commandaient à l’envi. 

Le grand progrès de la monarchie pendant le xv° siècle fut en 
réalité l’organisation du pouvoir temporel, qui devait encore com- 
pliquer les dépenses, et par suite les abus. Ce n’est pas que l'admi- 
nistration spirituelle n’ait aussi progressé : les pouvoirs de la 
Pénitencerie, perfectionnée par Eugène IV, furent amplifiés : on la 
chargeait de réaliser la réforme réclamée par tous, mais qui resta à 
peu près lettre morte. La camera secreta des papes d'Avignon et le 
collège des secrétaires apostoliques virent accroitre leurs attributions 
de la correspondance avec les princes, qui prenait une place notable 
dans Îcs préoccupations des pontifes, Alexandre VI en détacha (1500) 
un service nouveau, la Secrétaireric des brefs, avec un cardinal à sa 
tête, dont les actes, moins solennels que les bulles, s’adressaient à 
des princes ou particuliers, personnes ou collectivités, sur des 
sujets de tout genre et de loute importance : affaires politiques, 
grâces et faveurs privées, recommandations ou requêtes aux person- 
nages dont le pape recherchait le concours et l'appui (1). 

Des soucis nouveaux absorbaient lattention des pontifes en ces 
temps où la politique temporelle s’abaissait partout : eux-mêmes se 
partageaient entre le ciel et la terre, devenaient, en mème temps que 
princes séculiers, princes italiens, La demi-suzeraineté que leurs 
prédécesseurs avaient acquise sur une partie de l'Italie s'était pré- 
cisée en une Souveraineté complète, nous l'avons vu, avant mème 
que les donations de Pépin et de Charlemagne en eussent confirmé 


(1) Moroxi, #bid., t. VI, p. 118-121. 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 435 


l'existence. Le Patrimoine de saint Pierre s’étendit dès lors au 
centre de la péninsule, d’une mer à l’autre, des bouches du Pô au 
Garigliano. La féodalité en avait morcelé les territoires, à la faveur 
des longues luttes entre le Sacerdoce et l’Empire, puis de l'exil 
d'Avignon, et il s’y répétait, avec des violences et des troubles 
analogues, ce qui se passait dans le reste de l'Italie et en Allemagne. 
La turbulente noblesse du pays, les Colonna, les Orsini, les Savelli, 
après d’autres familles qui avaient disparu, luttaient continuelle- 
ment entre elles, vraies lignées de hobereaux pillards embusqués 
derrière leurs forteresses, sur les crétes de l’Apennin; comme avec 
les vassaux ecclésiastiques non moins agités, tels que l’abbé de Farfa, 
et avec les cités qui se gouvernaient elles-mèmes, Viterbe, Orvieto, 
Frosinone, Velletri, etc. Sur ses sept collines, Rome, enfiévrée par . 
ses grands souvenirs qui renaissaient, ne se montrait pas moins tur- 
bulente, sous l'impulsion de son sénateur, élu par la bourgeoisie. 
bepuis des siècles, aucuae région n’était plus difficile à gouverner ; 
les papes du xiu° siècle y avaient renoncé, ceux du xv° se mirent 
résolument à l'œuvre, décidés qu'ils étaient à ne plus s'éloigner du 
pays. 

Ils éprouvaient aussi des embarras sérieux de la part de leurs 
voisins. Les grands vassaux du patrimoine, les rois de Naples, les 
dues de Ferrare, de Parme et de Plaisance n’acceptaient qu'à contre- 
cœur les charges, assez légères cependant, de la suzeraineté romaine. 
Les premiers, de la famille d'Aragon, n'oubliaient pas que, depuis le 
xiu* siècle, les faveurs pontificales allaient de préférence à leurs 
rivaux les princes angevins, et les papes du xv°, bien que plus 
attachés à leur cause, n’eurent pas, à maintes reprises, de plus 
grands adversaires. Les seconds tenaient les bouches du Po, et 
recouraient, pour étayer leurs désobéissances, à l'appui de l'ambi- 
tieuse Venise, toujours préoccupée de s’agrandir aux dépens de ses 
voisins. La situation de Parme et Plaisance n’était pas moins 
redoutable : à cheval sur les deux rives du Pô, s'étendant jusqu'à 
l'Apeannin, ces territvires faisaient partie de la Lombardie plutôt que 
de l'Eglise, et provoquèrent de perpétuels conflits avec les maitres 
qui se succédèrent à Milan, Visconti, Sforza, Valois, Habsbourgs. 

Son organisation toute féodale compliquait l'administration du 
domaine temporel, par la complexité des situations qui en résultait 
et des combinaisons qu’elle imposait. Elle relevait à la fois de la 
Chancellerie, de la Chambre apostolique et du Sacré Collège. La 
première servait d’intermédiaire pour transmettre aux gouverneurs 
les ordres du souverain. Ces derniers, les vice-légats et autres délé- 
gués apostoliques dépendaient encore des cardinaux-légats, qui, sans 


436 P. RICHARD. 


les choisir, les dirigeaient de Rome, soucieux de rendre un compte 
avantageux de la gestion dont ils étaient responsables. Le pape 
nommait les uns et les autres, et les légats retenaient leurs fouc- 
tions longtemps, jusqu'à leur mort, à moins d’une résignation ou 
cession quelconque, même par vente. [l était rare qu'ils s’établissent 
dans le pays, n’y faisaient que de courtes apparitions, de loin en 
loin, et voyaient dans leur charge une source de revenus, qui inté- 
ressail le Sacré Collège comme les autres grandes dignités de la 
curie. Un cardinal romain, qui n'était pas assez en vue pour briguer 
un des quatre ou cinq ministères, préférait les revenus de ces 
légations à ceux plus aléatoires des bénéfices dispersés à travers la 
chrétienté dont ses collègues étaient pourvus. 

A la Chambre apostolique était dévolue la perception des impôts, 
autre source de complications. Les papes en établirent successive- 
ment plusieurs, sur les marchandises, les grains, les vins, la 
boucherie, etc., en outre de la gabelle (monopole du sel), des mines 
d’alun de Tolfa. Les Romains supportaient avec impatience toute 
charge nouvelle, parce que, selon l’usage du temps, la Chambre en 
confiait la perception, sous forme de fermage, à des particuliers ou 
à des sociétés financières, et ces entreprises, malgré la surveillance 
à laquelle elle les soumettait, aggravaient les charges de surtaxes et 
procédés que ne justifiaient pas toujours les nécessités de la per- 
ception. 

Toutes les branches de l’administration pontificale furent englo- 
bées dans la grande institution qui s'établit aussi au xv° siècle, et 
sur laquelle la papauté échafauda le système de gouveruement qui 
dans la suite s’éteudit à toute l’Église : je veux dire le népotisme. Il 
ne faut pas voir dans les faveurs prodiguées aux parents du pape 
simplement un abus de plus, qui est venu renforcer la prétendue 
décadence de l’Église romaine : elles faisaient partie d’un programme 
que consacrérent avec le temps la tradition: et le consentement 
déclaré du Sacré Collège, interprète de cette tradition, programme 
qui contribua (il est difficile de le contester) à faire progresser la 
monarchie pontificale. La coutume du népotisme existait déja 
à la cour à Avignon, où les neveux firent des fortunes brillantes, les 
laïcs comme les clercs. Pendant que les premiers montaient dans la 
hiérarchie nobiliaire, au sommet cela va sans dire, les seconds rece- 
vaient les premiers emplois du Sacré Collège et de la curie, et l’un 
d'eux, Pierre Roger, neveu de Clément VI, devint même le Pape 
Grégoire XI (1570-1378), 

À Rome cette coutume se transforma en une création durable et le 
népotisme fut une des assises, le fondement pour ainsi dire de la 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC, DE TRENTE. 437 


papauté devenue puissance séculière, Elle ne reniait aucune des 
prérogatives qu'elle avait exercées au moyen âge dans la vie tempo- 
relle et spirituelle de la chrétienté ; cependant ces prérogatives 
étaient contestées partout, leur exercice contrecarré de toute ma- 
nière. On constate même qu’à chaque changement de pontificat, 
le nouvel élu se trouvait à peu près isolé, en face d’une coalition 
tacite, parfois plus ou moins formelle, d'intérêts et d’adversaires, 
dans laquelle le Sacré Collège lui-même tenait une place. ll est donc 
tout naturel que le premier souci du nouveau pape füt de se créer 
des appuis, des alliés sûrs et solides, dans sa parenté, son entourage 
du passé, en concentrant sur eux les ressources dont il pouvait dis- 
poser immédiatement ; au Sacré Collège, par exemple, où il ne 
manquait pas de créer de nouveaux cardinaux, comme dans la curie 
et les Etats pontificaux. 

Les neveux laïes étaient principalement des chefs militaires com- 
mandant la garde du pape et de la curie : en temps de danger ou de 
conflit, ils recevaient de leur oncle une condotta (d’où le nom de 
condotliert), licence d'enrôler aux frais du trésor pontilical et de 
dresser des compagnies de soldats mercenaires pour la défense du 
Patrimoine. Troupes de police et de défense avant tout, elles 
servaient à surveiller les vassaux, à les maintenir dans l’obéissance, 
C'est ainsi que procèda César Borgia, le type du genre, contre les 
familles févdales et seigneurs qui se taillaient des souverainetés 
dans les Romagnes. Il est vrai qu'il s’y installa en inaître et que 
Jules 11 eut de la peine à lui faire lacher prise. La tentation était 
trop forte pour ces parvenus de se créer une principauté plus ou 
moins indépendante dans une portion du domaine qu'ils avaient à 
garder. 

Les papes favorisaient plus ou moins ces ambitions, et c'est la 
l'aspect diffieile à justifier de leur politique. 11 semble qu’elle ait 
teodu à s'appuyer sur une organisation militaire et territoriale plus 
soumise, plus sûre que les vassaux du Patrimoine et qui aurait 
protégé celui-ci contre les attaques des voisins. Depuis Sixte IV, 
chaque neveu n’eut d’ailleurs guère d'autre aspiration que de prendre 
place parmi les maitres de l'Italie; ce pape inféoda le duché d'Urbin 
aux della Rovere ses parents, et Léon X les en dépouilla pour en 
investir son cousin Giuliano, auquel succéda Lorenzo, un autre 
cousin : de la vinrent les malheurs de Clément VII, dont le ponti- 
ficat ne fut qu'une série de calamités, Paul I réussit mieux avec 
Parme et Plaisance, où il installa la dynastie des Farnèse : on ne 
voit pas cependant que ses successeurs en aient tiré grand profit 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 28 


. 


433 P. RICHARD. 


pour la tranquillité de leurs États. La tactique des neveux n’en fu] 
pas découragée, et encore au xvir siècle, Urbain VIII fut sollicité 
à plusieurs reprises d’implanter les Barberini dans la principauté 
de Castro. | 

Le titre de gonfaloniers de l'Église romaine que les neveux 
reçurent d'ordinaire, avec l’étendard du pape qu’ils déployaient en 
tête des cortèges solennels, n’avait pas seulement une portée mili- 
taire : il assurait au principal d’entre eux une part du gouverne- 
ment. Défenseur des droits et de l'honneur de la papauté, il la 
conseillait dans ses délibérations en même temps qu’il la représen- 
tait. Il figurait donc aux grands conseils, où l’on réglait les affaires 
de politique générale, les relations avec la chrétienté, aussi bien que 
les difficultés soulevées par l’administration du patrimoine. 

Dans ces conseils toutefois, le rôle principal était réservé aux 
cardinaux neveux, les laïcs restant d'épée, parce que nobles ou sur 
le cheinin de la noblesse. Les premiers accaparèrent peu à peu toute 
l'influence ; ils se rendirent nécessaires, les papes ayant besoin, 
pour éclairer comme pour réaliser leurs décisions, d’auxiliaires qui 
leur fussent bien connus, intimement liés et dévoués. La fortune 
brillante, à laquelle ils les élevaient, leur était d’ailleurs une 
garantie de leur fidélité et de leur application. Un de ces cardinaux 
devint un vrai dignitaire, un des rouages indispensables de la 
monarchie pontificale, et l'institution entra si bien dans les traditions 
de l'Église rumaine, que le Sacré Collège insistait auprès du pape 
jusqu'à lui forcer la main, lorsqu'il tardait ou hésitait par scrupule, 
comme saint Pie V, à revêtir de la pourpre un de ses parents. 

Ce qu’on a nominé la politique de famille des papes commença à 
proprement parler avec Sixte IV (1471-1484), mais les cardinaux 
neveux avaient déja pris position, au moins sous Calixte II (1455- 
4458), avec le fameux Rodrigue Borgia. Leurs attributions ne 
furent d’abord pas précisées nettement, mais ils recevaient une des 
grandes charges de la curie, c’est-à-dire la direction d'un des quatre 
bureaux qui se partageaient les affaires et ils loccupaient leur vie 
durant, la fonction devenant leur propriété. Le neveu de Calixte I, 
Rodrigue Borgia garda vingt-cinq ans le poste de c:merlingue, 
jusqu’à ce qu'il fut élu pape sous le nom d'Alexandre VI ; celui de 
Sixte IV, Giuliano della Rovere n'eut pas moins longtemps celle de 
grand pénitentier, puis s’appela Jules IL, Au xvir° siècle nous voyons 

lui de Paul ff, Alessandro Farnèse, pourvu lui aussi de la chan- 
cellerie, l'exercer jusqu'a sa mort, en 1589, pendant cinquante- 
quatre ans et sous huit pontificats. 

Ce fut enccre la chancellerie que Léon X confia à son cousin 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 439 


Giuliv de Medici, le futur Clément VII. Sous des papes diplomates 
comme l’étaient ces Florentins, le cardinal neveu reçut la gestion 
des affaires de la chrétienté, des rapports avec les princes, au 
simple titre de secrétaire d’État ; il n’était qu’un instrument entre 
les mains du maître. Paul 11f, transformant la mesure en habitude, 
fonda la tradition. Au temps où nous sommes arrivés, le role du 
cardinal neveu se bornait à soutenir la politique de famille au con- 
sistoire et au Sacré Collège. L’attitude que celui-ci avait adoptée, de 
vouloir limiter les pouvoirs du vicaire de Jésus-Christ, contrôler leur 
exercice, dictait celle du chef de l’Église. Elle consistait à choisir 
les membres de son conseil suprême parmi ses créatures et ses 
auxiliaires, c’est-a-dire les serviteurs le plus en évidence, les 
grands officiers de la curie que leur mérite élevait au sommet de la 
hiérarchie. Les neveux exerçaient une action prépondérante sur 
ces choix, et pour peu que le pontificat se prolongeût, le cardinal 
se trouvait à la tête d’un fort parti, composé des intimes de la 
famille, des porporali dévoués à sa politique. Ce parti, avec le 
temps, devenait facilement la majorité, et le neveu s'en servait 
pour désigner le successeur de son oncle. Ce successeur se trouvait 
par suite plus ou moins mis en tutelle, et s’appliquait à s’en affran- 
chir en adoptant une nouvelle politique, dont ses neveux cet sa 
parenté se faisaient les instruments, et dont l’un des principaux 
points élait de renouveler le Sacré Collège pour s’y faire des parti- 
sans. Une famille succédait à une famille, et c’est cette alternance 
de programmes qui a fondé la tradition romaine, d’après laquelle un 
pontificat ne continue pas la politique du précédent, mais inaugure 
un système différent qui, s’adaptant à d’autres circonstances, marque 
un progrès de plus dans une série séculaire. C’est ainsi que la vie 
de l’Église du Christ est faite à la fois de progrès et de traditions. 

Le népotisme a donc contribué au développement de la monarchie 
pontificale. Surtout il a établi la Secrétairerie d’État, qui s'organisa 
au xvi° siècle avec les cardinaux neveux et devint plus tard de 
rouage essentiel de l’administration pontilicale, au temporel comme 
au spirituel, ainsi que du gouvernement de l'Église universelle. Le 
népotisme n'a disparu d’ailleurs complètement qu'au xvunt siècle, 
après Clément XI, lorsque ce rouage était achevé avec la monarchie 
elle-même. 

Dans cette histoire commune, où népotisme et pouvoir temporel 
ont subi les mêmes vicissitudes pendant près de quatre cents ans, 
le premier n’est pas seulement responsable du caractère mondain, 
des fautes et des abus qu’on reproche au second, parce qu'ils écla- 
tèrent à l’époque où fleurissait la politique de famille ; on doit aussi 


4 10 P. RICHARD. 


tenir compte à celle-ci de l’action bienfaisante que la papauté 
exerça au point de vue temporel sur l'Italie et la chrétienté. Cette 
action ne consista pas seulement à maintenir dans la première un 
certain équilibre entre les potentats qui se la partageaient, ce qui 
n’était pas toujours facile, quand ces potentats s'appelaient Fer- 
rante d'Aragon, Ludovic le More, les Médicis, toujours prêts à 
provoquer l'intervention de l'étranger. L'Italie avait à ses portes un 
ennemi beaucoup plus redoutable et pressant, qui ne lui ménageait 
pas ses attaques, parce qu'elle était le cœur de la chrétienté. Après 
s'être emparé de Constantinople, le Turc avait réussi non sans peine 
* à dombpter les Albanais, privés en 1467 de leur héros national par 
la mort de Scanderbeg ; il fit alors la conquête de la Bosnie et ne 
fut plus séparé de l'Adriatique et des États pontificaux que par la 
mince bande de territuire de la côte dalmate, où dominait la ver- 
satile Venise. La conquête de la Grèce et de la Morée avait été 
achevée aussi, et la redoutable puissance militaire qui se faisait 
l'instrument du prosélytisme et de la haine de l'Islam, pesait main- 
tenant sur l'Italie de toute la longueur de la péninsule des Balkans, 
du Danube aux extrémités du Péloponèse. Et son chef s'appelait 
Mahomet Il, prince entreprenant s’il en fut, à l’Orientale, qui avait 
concentré cette même haine dans sa personne. Son audace se révéla 
par l'expédition d’Otrante en 1480, dans laquelle les janissaires 
prirent pied en ltalie méridionale, annonçant ainsi que l'invasion 
turque allait se dérouler sur ces parages. 

L'expédition ne fut qu'un incident de quelques mois, et la mort 
de Mahomet l'année suivante atténua le danger, maïs bientôt la 
politique du Crois-ant se précisa. Le Grand Seigneur conquit la 
Syrie et l'Égypte au début du xvi° siècle, mit la Mecque sous sa 
suzcrainelé et, en s’arrogeant les fonctions de calife, lieutenant du 
prophète, chef religieux de Flslam, il se posait en face de la chré- 
tienté comme l’égal, l'adversaire et le destructeur de lautorité 
papale. 11 lançait ses pirates sur toutes les côtes de la Méditerranée et 
ils installaient leurs nids de pillards le long des États barbaresques, 
jusqu'à Alger et Mostaganem ; dés lors le Croissant encerclait de ses 
deux pointes lltalie et l'Europe chrétienne, de Buda sur le Danube 
aux côtes d'Afrique, en face de Carthagene. Et mème sur l’Atlan- 
tique les pirates de Salé et autres ports marocains donnaient la 
réplique à leurs compères de la Méditerranée, La conquête turque, 
c'était le retour de l'Europe à la barba ie asiatique, au régime de 
la soldatesque de Babylone et de lAssyrie. Et quels défenseurs 
l'Europe avait-elle contre ce danger? Ce n'étaient pas les marchands 
de Venise, uniquement préoccupés de sauver leurs comptoirs de 


+ 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 441 


Morée et de l’Archipel, que le Grand Seigneur épargnait encore, et 
leurs marchandises entassées à Péra, Smyrne, Alexandrie, etc. ; ce 
n'était pas la maison d’Aragon menacée non moins directement 
daas ses États de Naples; Philippe II lui-même se plongera dans 
ses combinaisons égoïstes, au point de ne se soucier de Fitalie que 
pour l’asservir. Les Habsbourgs, serrés de près dans Vienne leur 
capitale, se laissaient absorber par les conflits perpétuels qui 
faisaient de l'Allemagne un vrai chaos. 

La monarchie pontificale, cette institution tant décriée, garda seule 
avec une longue persévérance le souci des communs intérêts. Elle 
soutint les races chrétiennes des Balkans dans leur lutte contre le 
tyran ; elle soutint les Hunyade père et fils, qui portèrent en Hon- 
grie de rudes coups à sa force militaire ; elle soutint les Habsbourgs 
qui recueillirent la tâche avec la succession de ces héros. Elle ne 
cessa d’exhorter de la manière la plus pressante les princes italiens 
et les puissances chréliennes à régler leurs conflits à l'amiable, à 
faire taire leurs rivalités pour dresser une digue commune contre 
le flot envahisseur, et si elle y réussit peu, elle ne se découragea 
jamais. Et ainsi s'expliquent deux faits importants de son histoire, 
qui se sont renouvelés pendant plusieurs siècles et que les historiens 
ont traités légèrement, parce qu'ils les ont peu compris et trop 
méconnus : la nultiplicité des ambassades solennelles, légations de 
cardinaux la plupart du temps, que les papes envoyaient presque 
chaque année pour assurer ou rétablir la paix entre les princes ; les 
croisades qu'ils faisaient précher non moins souvent et par les 
mémes occasions ; démarches dans lesquelles on n’a vu qu’un 
moyen de battre monnaie au détriment du clergé et des fidèles, une 
sorte d'impôt extraordinaire qui alimentait Ja caisse des princes, 
en même temps que la fiscalité pontificale. 

Légations ct croisades se succédaient, s'accompagnant et se pré 
parant les unes les autres, et il en fut ainsi pendant tout le 
xv* siècle : on n’y attachait plus d'importance dans la chrétienté, 
mais si les papes ne se décourageaient pas, malgré les perpétuels 
insuccés, c'était avec la conscience de remplir le rôle de médiateurs 
et de parificateurs, qui était un des devoirs de leur charge et qui 
Icur avait réussi au moyen âge, encore après le magnifique élan 
qui, à leur appel, avait jeté l'Europe sur l'Orient asservi par les 
sectateurs de Mahomet. 

La monarchie pontificale n'avait donc pas oublié ses devoirs, ni 
renié l'héritage des temps antérieurs, mais les progrès qu'elle avait 
poursuivis avaient quelque peu altéré son caractère et son rôle : 
elle avait fait à l’esprit moderne de la Renaissance des concessions 


442 P. RICHARD. 


qui choquaient l'idéal religieux et moral dé la chrétienté. Elle se 
trouvait ainsi aux prises avec une opposition multiple qu'avait ren- 
forcée son attitude de réserve à l'égard des réformes que l'on 


 réclamait de toute part, et dont elle semblait ne pas se préoccuper. 


Obligée de compter avec de nombreux adversaires, elle faisait mine 
d’atténuer la manière forte qu’elle avait employée au moyen âge, de 
remplacer les excommunications et les autres peines canoniques par 
une diplomatie de ménagements, de lenteurs, de détours qui, loin 
de désarmer l'opposition, aggravait les hostilités contre elle et la 
faisait soupçonner de manquer de franchise. La politique de famille 
et les papes aux préoccupations terrestres inaugurèrent ainsi Îles 
procédés et les formules qui plus tard assurèrent le succès, la répu- 
tation et établirent la règle suprême de la diplomatie pontificale ; 
mais au xv° siècle celte manière de faire jetait le discrédit sur la 
papauté, achevait d’affaiblir son prestige ; vint le moment où la 
révolution protestante menaça de la submerger, et avec elle l'Église 
catholique. | 
IV 


LA COALITION CONTRE ROME 


Cette révolution avait ses racines dans la situation que nous 
venons d'analyser, c’est-à-dire dans les abus et Iles fautes qui 
l'avaient créée, Elle ne fera d’ailleurs que pousser à l’extrême la 
tactique des adversaires de la papauté, avec leurs procédés de lutte : 
révolte des Églises nationales, des synodes et conventicules, des 
assemblées délibérantes. La coalition que nous avons mentionnée 
se modifiera dans sa composition, elle se fera violente, odieuse, 
souvent de mauvaise foi. La monarchie papale, en butte à des 
assauts incessants, qui enlèveront plus de la moitié de l'Europe à 
son autorité, restera presque stationnaire plus d’un demi-siècle, 
avec la crainte de voir soiubrer l’organisation qu’elle ébaucha depuis 
le moyen âge. Elle n'en travaillera pas moins, comme par le passé, 
à consolider son autorité, avec l'unité de l’Église enseignante dans 
une sorte de referendum que lui accordera le concile général ; elle y 
réussira non sans difficultés, et du concile qu'elle dirigera habile- 
ment elle sortira plus forte et mieux constituée. 

L'adversaire le plus redoutable de la papauté sera désormais le 
pouvoir civil, d'autant plus redoutable qu’elle s'est abaissée à le 
combattre par ses propres armes. Il a d'ailleurs réussi à grouper 
autour de lui les éléments d'opposition. Dans leur travail de centra- 
lisation qui approche toujours plus de l’absolutisine, les souverains. 
prétendent accaparer les affaires religieuses avec les temporelles. Ils 


LA MONARCHIE PONTIF, JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 413 


règlent à leur profit le conflit éternel des qué-tions mixtes, dominent 
le clergé et l’Église de leurs États, s'appliquent à les organiser en 
une Église nationale, dont ils seront plus ou moins les maîtres, en 
réduisant la juridiction papale à n’être qu'une suprématie d'honneur, 
fondée sur la prérogative de docteur enseignant. 

Les événements du xv° siècle que nous avons relatés plus haut 
avaient fait naître, puis encouragé et facilité cette politique : par 
exemple la division conciliaire en nations et les concordats qui 
limitaient la juridiction pontificale. Ceux de Vienne et des Princes, 
signés en 4447, 1448 , par Eugène IV et Nicolas V, avec la maison 
d'Autriche et les princes allemands, mettaient le concordat germa- 
nique de 1418 sous la sauvegarde de l’empereur et des mêmes 
princes : ainsi les élections aux dignités supérieures, évéchés, 
abbayes, canonicats, que garantissent tous ces accords, se feront la 
plupart du temps selon le bon plaisir des puissants (1). 

Nous savons que la fameuse Pragmatique Sanction, que Charles VII 
promulgua dans l'assemblée ecclésiastique de Bourges (1438), n’eut 
jamais d’autre but dans la pensée des rois de France que d'obtenir 
la nomination aux mêmes bénéfices, ce à quoi ils parvinrent par le 
concordat de 1516 ; le pape céda pour éviter un plus grand mal, et 
l'Église gallicane resta définitivement sous la dépendance de tous 
les pouvoirs politiques de France. 

Les souverains d'Angleterre, isolés dans leur île, n'étaient pas 
moins entreprenants. Henri VIT Tudor, et surtout Henri VII, pour 
tirer Îcur royauté de la condition précaire à laquelle l'avait réduite 
la guerre des Deux-Roses, entreprirent de domestiquer le clergé 
anglais, qui était mondain, riche et puissant. L'Église d'Angleterre 
s'élait donné, à la suite de la conquëte normande, et grâce aux 
domaines étendus qu'elle y avait acquis, une organisation que 
saint Anselme et saint Thomas Becket fortifièrent en la fondant sur 
la primauté de Cantorbéry (2). Les rois s’efforcérent de la dominer 
au moyen de la Convocation, assemblée générale qui se réunissait 
sous la présidence du primat pour régler les affaires religieuses du 
royaume. Au temps du Grand schisme, les Lancastre lui firent jouer 
un rôle actif dans les conflits entre les obédiences, et la nation 
aiglaise s’affirma avec éclat au concile de Constance. Cette Église 
nationale se dressa dès lors en face de Rome, afficha son indé- 


(1) HereLEe-LECLERCQ, Histoire des conciles, t. VII, p. 1131-1137; le texte 
du concordat germanique, p. 536-548. Dictionnaire de théologie, t. II, article 
Conco“dat, surtout les col. 732-733. 

(2) Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques. art. Angleterre, 
3° partie, t. III, col. 179-194. 


A 14 P. RICHARD. 


pendance, parfois son opposition, Les Tudors accentuërent la 
politique de leurs prédé esseurs, s’emparérent de l'élection du 
primat et, avec leur créature Wolsey, se rendirent maîtres de la 
Convocation. Ils se bornèrent d'abord à lui demander des subsides 
dans leurs nécessités, à lui soumettre des questions de politique 
temporelle. La tentation leur vint de s'en servir dans leurs débats 
avec le pape, et c'est ainsi que Henri VIE, abusant du titre de 
Défenseur de la foi que Léon X lui avait décerné, fit reconnaitre par 
elle sa prérogative de chef suprème de l’Église d'Angleterre, en 
4550, avant même de rompre complètement avec Rome (1). 

En Espagne les rois qui, depuis huit siècles, étaient, grâce à la 
croisade contre les Maures, chefs religieux presque autant que poli- 
tiques, la distance qui séparait les deux ordres, le spirituel et le 
temporel, était encore plus facile à franchir. En organisant l'Inqui- 
sition, Ferdinand le Catholique en fit un tribunal non moins civil 
qu'ecclésiastique ; il ne poursuivit plus simplement les Juifs et 
Maranes, relaps, traitres à leur roi aussi bien qu’au Christ; les 
souverains Jui soumirent tous les procès importants, plus ou moins 
politiques, dans lesquels ils étaient intéressés : il suffisait qu'ils 
eussent une teinte de religion. L'Église d’État, comme l'appelle l’his- 
torien Pastor, devint ainsi un des rouages essentiels de la monarchie 
espagnole, machine étrange dont Philippe I fit un usage qui a laissé 
de tristes souvenirs encore plus que des effets fâcheux dans l’his- 
toire. Il faut lire chez le mème bistorien, t. VIIT et IX de l'édition 
allemande, le récit des tracasseries de tout genre dont les officiers 
royaux poursuivaient les évêques des divers pays de Ja monarchie, 
jusqu'à en faire des fonctionnaires, sans cesse surveillés et tenus 
en lisière, Les luttes que saint Charles Borromée soutint contre les 
gouverneurs de Milan dans ses labeurs de réforme ne sout qu’un 
épisode, le plus significatif, d'une série d’attentats qui se répétaient 
à Naples et ailleurs comme en Espagne. Les autorités séculières se 
souciaient assez peu de la réforme des mœurs, pourvu qu’elles 
fissent triompher les théories des légistes sur l'omnipoterce de 
l'Etat; clles trouvaient une orcille complaisante chez les conseillers 
du prince, encore plus iutéressés qu'eux à ce triomphe. 

Les annales d'Espagne comme celles d'Angleterre donnent la 
démonstration plus que suffisante de ce que les Églises nationales 
devenaient entre les mains de leurs souverains. Le régime des con- 
cordats garautissait jusqu’à un certain point leur indépendance, 
quand elles savaient contrebalancer les deux pouvoirs l’un par 


(1) Zbid , col. 198. 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU’AU CONC. DE TRENTE. 445 


l’autre, et l'Église gallicane employa plus d’une fois cette tactique 
avec succès. Une autre tentative pour limiter la toute puissance 
papale échoua, parce qu’elle aboutissail à la création de patriarches 
nationaux, qui n'auraient pas manqué de se soustraire à cette 
autorité, comme l'avaient fait les patriarches orientaux, avec l'appui 
des empereurs byzantins, puis des califes et autres potentats musul- 
mans. Cette tentative prit pour point de départ l'institution des legati 
nali, légats nés, que le trop grand éloignement de la cour romaine 
rendait nécessaires aux extrémités de la chrétienté, où l’action de 
Rome ne s'exerçail parfois qu'avec trop de lenteur. C'est ainsi que 
les archevèques de St-Andrew.en Écosse, d’Upsal en Suède, de 
Gnesen en Pologne, pour ne citer que les plus connus, exerçaient, 
depuis le moven âge, par une délégation renouvelée à chaque chan- 
gement de titulaire, les pouvoirs du vicaire de Jésus-Christ dans ces 
royaumes. Les souverains de la fin du xv° siècle sollicitèrent des 
légations analogues, auxquelles seraient attribuées les nominations 
aux bénéfices et les procès ecclésiastiques. Mais quelques expé- 
riences, faites au centre de la chrétienté, suffirent à mettre en 
évidence le danger qui résultait pour l'unité de l’Église de cette 
innovation. Le cardinal Wolsey, pendant dix-buit ans que dura sa 
légation, habitua si bien les Anglais à vivre en dehors du pape que, 
trois ou quatre ans après sa mort, il leur parut naturel de passer sous 
la suprématie religieuse du roi. Georges d’Amboise, légat en France 
pendant huit années (1502 1510). usa et abusa de ses pouvoirs en 
faveur de son souverain, et rendit facile la conclusion du concordat 
de 4516. François [®°, non content des avantages que lui procurait ce 
concordat, fit rétablir la légation en faveur de son chancelier, le 
cardinal Duprat, qui la géra jusqu'à sa mort (1330-1535). C'était 
l’époque où l’Église gallicane avait à surveiller de près 'es erreurs 
luthériennes qui se glissaient dans le royaume par plusieurs portes, 
et le roi s’arrogeait le droit de résoudre les controverses théolo- 
giques ; il convoquait mème de sa propre autorité les docteurs pro- 
testants, Mélanchthion en tête, à une conférence avec les catholiques, 
dans laquelle on déciderait d’un commun accord, pour jusqu’à la 
pacification générale et au concile, des articles de foi et de ceux qui 
seraient laissés à la liberté de chacun. 

Ces abus et inenées arrétérent l'essor des légats nationaux : les 
papes se refusèérent à en créer d'autres dans la suite, même en 
faveur de candidats tout puissants à Rome et à Paris, qui se présen- 
taïent avec des recommandations difficiles à écarter, comme le car- 
dinal Charles de Lorraine. Ils durent se contenter de la légation 
d'Avignon, qui n'apportait que les honneurs et les émoluments. Et 


446 P. RICHARD. 


encore la curie donnait-elle la préférence au prétendant le moins 
dangereux, le cardinal Charles de Bourbon. 

Les empiétements du pouvoir temporel n’épargnaient rien d’ail- 
leurs. 11 a-caparait non seulement les affaires mixtes appartenant au 
monde spirituel comme au temporel, mais tout ce qui, dans le 
domaine religieux, touchait au sien. Les registres de paroisse, dans 
lesquels le clergé conservait le témoignage authentique des grands 
actes de la vie chrétienne, étaient confisqués par une ordonnance 
de François 1°", qui les transmuait en état civil, Les notaires, qui 
enregistraient dans les testaments les dernières volontés des fidèles, 
n'étaient plus institués uniquement.par le pape, avec obligation de 
prèter serment à leur Ordinaire : l’empereur et les autres souverains, 
qui en créaient aussi depuis plusieurs siècles, les faisaient passer 
peu à peu sous leur juridiction exclusive. Au reste toute question de 
testaments, de fondations pieuses, d’actes administratifs concernant 
le temporel ecclésiastique, soulevait de continuels conflits entre 
les deux justices, royale et papale, et la première ne manquait 
aucune occasion de réduire à néant l’action de l’autre : en particulier 
elle s’appliquait à rendre impossibles les appels en cour de Rome, 
puis à soutenir les hauts dignilaires récalcitrants, comme Îles 
évêques, qui devaient, mais ne voulaient pas être jugés en cette 
cour. Mème pour les questions purement de foi et de discipline, les 
tribunaux romains étaient souvent paralysés par l'ingérence de 
l'Inquisition espagnole ou du Parlement de Paris, lequel, en bon 
défenseur des libertés gallicanes, se faisait parfois plus intolérant 
que l'instrument des rois catholiques. Le procès d'hérésie de l’ar- 
chevèque de Tolède, Bartolome Carranza, fut retenu plusieurs années 
en Espagne, malgré les efforts du pape Pie V pour l’amener à Rome, 
devant son tribunal légitime. En France il y avait mieux encore. 
Sous Pie 1V, le Saint-Oflice introduisit le procès du cardinal de 
Châtillon et de huit évêques, qui scandalisaient les catholiques par 
les extravagances hérétiques qu'ils affichaient dans leur conduite. 
Ni ce pape ni ses successeurs ne purent obtenir de Catherine de 
Médicis, le plus beau fruit du népotisme romain, que le procès fût 
instruit en France par des enquêteurs apostoliques et transmis à qui 
de droit. La reine ne consentit même pas à leur interdire le port 
des insignes ecclésiastiques, sous prétexte que leurs services étaient 
indispensables à son autorité. Ils finirent par y renoncer d’eux- 
mêmes, comme s'ils s’en dégoulaient. 

H n’y a donc pas lieu de s'étonner, après ce que nous venons de 
dire, que les princes allemands, habitués à tout se permettre, aient 
réglementé les questions de foi, et qu’ils aient trouvé des théologiens 


LA MO..ARCHIE PONTIF. JUSQU’AU CONC. DE TRENTE. 447 


pour approuver l’usurpation jusqu’à ses dernières conséquences. 
Les périls qui menaçaient la papauté au xvi° siècle venaient surtout 
de ces Églises d’État, remplaçant les Eglises nationales d’un siècle 
auparavant, et des souverains qui, lous plus ou moins, travaillaient 
à les organiser comme des circonscriptions de leur domaine. Peu 
leur importait de détruire l'unité de l’Église ; ils visaient à battre en 
brèche l’édifice de la monarchie pontificale qui lui servait de fonde- 
ment. La politique mondaine de Rome avait eu au moins cet avantage 
d'instruire les papes sur la complexité du péril et les aida à le 
conjurer ; ils s'étaient assez familiarisés avec la Renaissance, si 
différente du moyen âge, pour en pénétrer les secrets, et ils con- 
naissaient tous les embarras de la vie politique. Ils n'étaient donc 
que mieux préparés à se défendre contre lant d’adversaires coalisés 
pendant la période de transition que sera pour eux la première 
moitié du xvi° siècle. Nous allons les y suivre dans le récit de leur 
lutte, qui servira de préambule à l’histoire du concile de Trente. 


V 


LA PAPAUTÉ ET LE PARTI RÉFORMISTE 


Cette politique séculière qu'on a reprochée à la monarchie romaine 
n'était en réalité que la continuation de celle du moyen âge ; comme 
alors les pontifes ne cessaicnt d’interposer leur médiation pour 
maintenir la paix entre les princes chrétiens. Ils ne pouvaient perdre 
de vue leur rôle de chefs de la chrétienté, responsables de son bien, 
de ses intérêts moraux, et en premier lieu de sa tranquillité. Princes 
italiens, ils remplissaient des devoirs et des charges de même nature, 
mais ici le rôle se rapetissait parfois aux intrigues, aux compétitions 
etaux rivalités locales, de familles ou d'individus. Chaque pape mérila 
plus ou moins les critiques que l’on adressait aux princes de leur 
temps, et le népotisme y ajouta ses excès à partir de Sixte IV, Avec 
Léon X cependant la papauté s’améliora, et l’on reprocha surtout au 
prince son amour du luxe, des fêtes, de la chasse, ses dépenses 
pour les artistes et les lettres, ses constructions, etc. Mais aussi, 
sous les deux papes Médicis, lui et Clément VII, la papauté s'embar- 
ras sa plus que jamais dans la diplomatie des affaires temporelles. 
Leur attitude n'était pas en contradiction avec une certaine dignité 
de vie, et les pontifes romains de cette époque s'efforcèrent, comme 
uujours, d'adapter leur rôle traditionnel aux nécessités de circon- 
slance, jusqu'a ce que l’un d'eux prit nettement en main la cause de 
la réforme... dont les temps approchaient. 

Cette cause en effet avait des partisans dans le clergé et dans la 


448 ‘ P. RICHARD. 


masse des fidèles, parmi les hommes qui, plus Cclairés et plus con- 
sciencieux, d’ailleurs dévoués à l’Église, se rendaient compte de la 
nécessité d’une réforme tn capaile et in membris. [1 s'était ainsi 
foriné à travers la chrétienté un parti avec lequel il fallait compter, 
surtout depuis qu'il avait pénétré à Rome et jusque dans l’entourage 
du pape. L'Oratoire du Divino amore qui comptait des curiaux parmi 
ses membres (4) ne resta pas sans influence sur la conduite de 
Léon X ; ce pape et son cousin le cardinal Giulio, qui participaient 
aux œuvres de charité de la confrérie, en reçurent plus d’une fois 
des inspirations sérieuses. Le cardinal, d venu Clément VII, s’aban- 
donna davantage encore à cette influence. 

Ce n'étaient donc plus seulement les adversaires et les ennemis de 
la papauté qui réclamaient la réforme, comme au siècle précédent. 
Aussi commencait-elle à se rendre compte qu’elle devait s’amcnder 
elle-même, avant d’amender la chrétienté, si elle ne voulait pas qu’on 
lui imposät la réforme à son préjudice, avec amoindrissement de son 
autorité, de son prestige. L'appel au concile qu'on lui avait souvent 
jeté à la face, et pour les motifs les plus futiles, soulevait maintenant 
d'ailleurs des complications sérieuses. Sans doute, venant de Luther, 
il ne semblait guère plus dangereux à première vue qu'il ne l’avait 
été dans la bouche de Savonarole, et on ne s’en émut pas assez 
autour de Léon X. Mais il se présenta bientôt des circonstances qui 
forcèrent d'en tenir compte. Luther était poussé en avant par une 
foule de gens qui ameutaient la nation allemande, et soutenu par 
des princes qui ne cessaient de réclamer, quand ils se furent 
déclarés protestants, un saint et libre concile, ce qui signifiait dans 
leur bouche, indépendant du pape, au besoin contre lui. Leur 
prétention était contraire à la discipline, puisqu'un concile n’est 
pas légitime sans le pape : tous deux étant nécessaires pour repré- 
senter l'Église enseignante ; or, le pape ne peut prendre part au 
concile qu'à condition de le présider. Néanmoins quand la réclama- 
lion était appuyée par l’empereur Charles-Quint, Léon X devait la 
prendre en considération, d'autant plus que ce prince se faisait le 
porte parole de la partie saine de la chrétienté, pour réclamer les 
assises solennelles qui seules pouvaient régénérer l’Église. 

Mais ces assises venaient de se tenir ; le cinquième concile de 
Latran, que Jules I avait opposé au conciliabule de Pise, précisé- 
ment parce que les souverains l’avaient exigé, et mème Louis XH 
avait pris les devants en conv:quant ce dernier, Léon X continua 
les délibérations et promulgua divers décrets de réforme sur la 


(1) PASTOR, Histoire des papes, 6 lition française, t. X, chap. XI. 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 449 


curie (1), qui s'étendaient aussi à l’Église en général ; tels que sur 
les droits et devoirs des évêques, la publication des livres, la limi- 
tation des privilèges des religieux dans l'exercice des fonctions 
pastorales, etc. Le concile venait de prendre fin, et ces décrets 
n'avaient pas encore pu être appliqués, lorsque Luther souleva le 
conflit des indulgences. On objectait avec raison que, sans con- 
voquer d’autres assemblées, il suffisait, pour satisfaire les plus 
exigeants, de chercher dans les précédentes comme dans la dernière 
(et on les y trouvait en nombre suffisant) les remèdes aux maux et 
aux abus, comme à la corruption du clergé ; le tout était de les 
appliquer avec persévérance. Les adversaires de la papauté, il est 
vrai, ne se contentaient pas de ce programme pratique ; ils espé- 
. raient (les plus modérés du moins, les souverains) réduire à son 
minimuin l'intervention de la monarchie pontificale et diriger eux- 
mèmes l’œuvre de réforme, pour accroitre leur pouvoir à ses 
dépens. Un conflit diplomatique surgit donc entre elle et les 
monarchies temporelles, et celles-ci, appuyées sur une coalition des 
adversaires de la papauté, poursuivront la convocation d’un concile, 
ce qui retardera en réalité la réforme par des pourparlers intermi- 
nables. 

A la mort de Léon X, la situation de Rome restait difficile par 
ses complications ; ce pontife avait dû se liguer avec Charles-Quint 
pour échapper aux exigences de François I‘ (1521). Ses successeurs 
furent amenés à s'enfermer dans la neutralité, en tenant la balance 
égale entre les deux potentats, et leur situation s'en trouva peu 
a peu allégée. La tâche était ardue, et toutefois, ils ne surent 
pas s’y tenir toujours ; Adrien VI, né sujet de Charles-Quint, se 
laissa entrainer de son côté par les mêmes raisons que son prédé- 
cesseur. Il donna cependant des armes contre lui à ce souverain 
et surtout à ses alliés, les princes allemands, défenseurs de la 
réforme de Luther, par ses aveux imprudents sur les abus, les 
scandales des clercs. La diète de Nuremberg ne s’en montra que 
plus exigeante dans ses revendications, allant jusqu’à demander une 
place pour les laïcs au concile que le pape promettait de tenir, et 
l'égalité entre eux et les ecclésiastiques dans les discussions. Il 
n’étail pas encore question de votes (1525) (2). 

La démarche d’Adrien VI se heurta aussi à la force d'inertie 
romaine ; les curiaux invoquaient sans cesse les mêmes prétextes 
pour ne pas se réformer ; les oflices dont ils élaient propriétaires 


(1) Histoire des conciles, t. VIII, p. 432-441. 
(2) Histoire des conciles, t. VIII, p. 860-861, 


450 P, RICHARD. 


perdraient de leur revenu, de leur valeur, si la réforme diminuait 
les relations d’affaires de la chrétienté avec Rome. C'était pour cux 
la misère, la ruine, la déconsidération, une crise dont le prestige 
de la papauté sortirait compromis. Telle était la grande plainte qui 
éclatait parmi eux à chaque tentative d'amélioration ; Léon X l'avait 
entendue, et peut-être Clément VIF s’y montra encore plus sensible. 
Il commit d’ailleurs la faute de s’abandonner à une diplomatie tor- 
tueuse et compliquée, qui le jeta dans les bras de François (*. Le 
sac de Rome fut la vengeance de Charles Quint, vengeance terrible 
qui bouleversa la ville et la cour de fond en comble, provoqua la 
ruine que les curiaux redoutaient et transforma leur mentalité. La 
carie fut réveillée bratalement de sa torpeur, et les timides partisans 
de la réforme s’enhardirent, 11 n’y eut personne qui ne comprit la 
nécessité d'un changement radical ; le parti réformateur en fut 
renforcé et put dès lors imposer sa manière de voir. 

Par ailleurs la situation en Allemagne tournait aussi à la cata- 
strophe : la révolation luthérienne, exploitant la vieille haine contre 
Rome, envahissait et bouleversait tout. Ce n'était plus qu’un accapa- 
rement de l'Église, du clergé, de la discipline et de la morale, un 
asservissement des consciences par l’absolutisme princier. La féoda- 
lité allemande, à commencer par le grand-maitre de l'ordre teuton- 
nique, puis les souverains du Nord à l'exemple de Gustave Vasa, 
s’emparèrent des biens d'Église et, sous prétexte de réforme, sou- 
mirent le clergé à toutes leurs exigences, disposèrent des pouvoirs 
d'ordre et de juridiction et, avec la connivence des théologiens, se 
mirent à légilérer, sans frein, sur le dogme, la liturgie, la vie reli- 
gieuse tout entière. L'avarice et l’ambition, poussant jusqu'à leurs 
dernières conséquences les tendances aristocratiques du siècle pré- 
cédent, transformèrent les ébauches d’Églises nationales en commu- 
nions hérétiques, violemment séparées de Rome. Selon un mot déjà 
ancien, les princes se faisaient papes sur leur territoire. 

Depuis plusieurs années une vaste agitation se répandait donc en 
Allemagne et la bouleversait, avec le mot d’ordre de réclamer un 
saint, libre et général concile de réforme, où le pape ne fût pas à la 
fois juge et partie ; mais pour le réformer il fallait nécessairement 
le prendre à partie, le juger. On y joignait la menace d’une 
assemblée nationale ou concile de la race allemande, si le premier 
ne se tenait pas dans un délai donné. Toutes les diètes de l'empire 
aboutissaient à une décision de ce genre, que sanctionnait un article 
de leur recès. Beaucoup de princes entretenaient cette agitation, 
plus ou moins ouvertement, et la majorité l’acceptait ou la subissait, 
au point que quelques-uns des premiers s’enhardissant formérent 


LA MONARCHIE PONTIF. JUSQU’AU CONC. DE TRENTE. 451 


en 4531 une ligue armée, dite de Smalkade, pour s’entr'aider et se 
préserver de toute attaque, entendez contre la confession d’Augs- 
bourg qui avait été dressée l’année précédente. En réalité l'attitude 
qu'ils avaient observée jusque là à l’égard des catholiques et leurs 
protestations contre le décret de Spire (1529), qui interdisait la 
propagation du luthéranisme dans les lieux où il n’avait pas encore 
pénétré, montrait assez que la ligue était plutôt offensive et avait 
pour but d’implaoter l'erreur partout où cela leur serait possible. 
Un savait déjà que les novateurs y employaient tous les moyens, au 
besoin la force et la violence. 

Clément VII et Charles Quint, à qui la gravité de la situation 
n'échappait pas, envisagèrent la convocation d'un concile général, 
dés l’entrevue de Bologne en 1530, où le règlement définitif des 
affaires d'Italie leur laissait les mains libres, et ils ne cessèrent dès 
lors de s’en occuper. l’empereur n’y avait pas moins d’intérèt que 
le pape : l'erreur menaçait de bouleverser plusieurs de ses nombreux 
États; et d’ailleurs le droit public d'alors, comme Ja discipline 
ecclésiastique, leur faisait un devoir de coopérer à cette convoca- 
tion : l’empereur, pour assurer la liberté des débats, que le pape 
dirigerait par lui-même ou par ses représentants. 

Charles-Quint prit toujours au sérieux son rôle de protecteur de la 
chrétienté et de bras droit du vicaire de Jésus-Christ; mais il voyait 
sa lâche compliquée par la mauvaise volonté des princes allemands, 
qui de bonne heure gagnèrent l’appui de son rival François |, puis 
de Henri VIII d'Angleterre ; celui-ci s'était fait l'ennemi de l'empe- 
reur en répudiant sa tante Catherine d'Aragon, et prenait partout 
position contre le pape, qui venait de l'excommunier. Le Habsbourg 
s'appliqua d’abord à écarter le projet de concile national, qui n’au- 
rail fait que favoriser les intrigues des luthériens contre la monarchie 
pontificale. Mais il n’en insistait que plus fortement pour la convo- 
cation du concile général. Sur ses instances se poursuivirent les 
négociations qui aboutirent à la seconde entrevue de Bologne, fin 
1552 (1). 11 n’est plus permis de douter, quoique les historiens aient 
incliné à soutenir le contraire, que Clément VII n'ait travaillé 
sérieusement à cette convocation ; au commencement de 1333, des 
instructions générales à ses agents la prévoyaient dans un délai de 
six mois, après que ceux-ci auraient fait accepter des princes les 
conditions dans lesquelles, selun la discipline générale de l’Église, 
elle devait avoir lieu (2). Et l'article 6 de ces instructions passait 


(1) Histoire des conciles, t. VIII, p. 100: 
(2) Jbid., p. 1164-1165. 


452 P. RICHARD. 


sous silence la restriction que Clément VII avait apportée d’abord, 
du consentement préalable de tous les princes chrétiens. 

Le sac de Rome avait créé une situation matérielle si précaire 
qu'elle rendait, disait-on, la réforme impossible, parce qu'elle ne 
manquerait pas d’appauvrir la curie; néanmoins le parti de la réforme 
ne se décourageait pas. Clément VII restait attaché à la politique 
séculière par toute sa vie comme par ses origines; on avait donc 
besoin d’un nouveau pontife pour inener à bien l’œuvre du concile, 
et le parti ne fut pas sans influence, il s’en faut, sur la prompte 
conclusion du conclave de 1534; le nouvel élu était disposé à 
l'écouter, encore qu’il ne lui appartint pas complétement, il comptait 
parmi ses adhéreuts des amis et mème des iutimes. D'ailleurs le 
parti se groupait maintenant autour de quelques hommes résolus de 
la curie : l’évêque de Vérone Gianmatteo Ghiberti, l'archevêque de 
Chieti Gianpietro Caraffa, fondateur de l’ordre des Théatins, celui de 
Capoue, Nicolas de Schomberg, l’'humaniste Sadolet, le Génois 
Federigo Fregoso, le Vénitien Jérôme Aléandre et d'autres, que les 
services qu'ils avaient rendus par leurs missions diplomatiques 
signalaient dans l’entourage du pape. lis trouvaient un appui auprès 
de plusieurs cardinaux, surtout des religieux, le général des domi- 
nicains Thomas de Vio, cardinal Cajetan, Gilles de Viterbe général 
des augustins, Cristoforo Numali général des mineurs. Tous ces 
homimnes s'étaient mis en vedette par leur savoir, leur pratique des 
affaires, comme par le sérieux de leur vie et leur zéle pour la cause 
de l'Eglise. Avec eux la discipline et le souci des intérèts spirituels 
reprenaient place dans la vie de la curie romaine, sinon dans son 
activité, et allaient préparer la révolution qui devait, en corrigeant 
les abus, consolider la monarchie pontificale. 

Les adversaires du concile faisaient remarquer avec raison que le 
rôle de celui-ci se bornait à édicter des réformes, que le plus long, 
le plus difficile serait ensuite de les réaliser. Ce dernier rôle revenait 
à l'Église enseignante dispersée, aux évèques et au pape. lci entraient 
en jeu les rouages de la monarchie, les quatre qui existaient ct 
d’autres qui seraient à créer. EL il ne suffisait pas de compléter, de 
perfectionner celte administration : la curie et le pape devaient 
donner l'exemple de meilleure vie, de mœurs irréprochables, exemple 
qui entrainerait sans faute la réforme du clergé et des fidèles. Le 
programme différait notablement de celui que prétendaient imposer 
les auteurs de la révolution luthérienne, et pourtant ils se rappro- 
chaient sur un point : une autorité devait procéder à la réforme, 
mais alors que les protestants recouraient à l'autorité civile, il était 
plus rationnel de faire intervenir l’autorité spirituelle du pape. 


LA MONARCHIE PONTIFe JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 453 


N'importe quelle assemblée délibérante, concile général ou autre, 
ne pouvait être que l’auxiliaire de cette autorité. Mais, nous l’avons 
vu, celle-ci avait besoin d’organes plus précis, plus stables et per- 
manents. 

Ainsi apparaissait un programme en partie double, qui fut pris 
en considération au conclave de 1554, le fit aboutir promptement et 
inspira dès lors toute l’activité de la curie romaine. On ne perdit 
jamais de vue la tenue du concile, mais en mème temps on travailla 
à la réforme de la curie et de l'entourage du pape. Celui-ci se réforma 
lui-même, car il ne convenait pas que n'importe quelle autorité 
entreprit cette tâche délicate. 11 réforma en même temps les services 
de son gouvernement, de manière qu'ils fussent en état de préparer, 
avec d’autres à organiser, et faire exécuter les mesures générales 
qu'il arréterait de concert avec le futur concile, 

Tels furent les divers points qui occupèrent le long pontificat de 
Paul 111 (1534-1549), au milieu de difficultés et embarras que le 
pape ne sut pas toujours atténuer : le népotisme fut loin de lui 
procurer les avantages qu'il en attendait. Ces difficultés, venant des 
amis comme des ennemis, et de l’empereur lui-même, qui subor- 
donnait les intérêts de la chrétienté à ceux de ses nombreux États, 
ces difficultés furent cause que le programme du parti réformateur 
se réalisa plus lentement encore qu'il n'avait müri. Paul Ill arrivait 
au pontificat avec la claire vue de ses devoirs de réformateur et la 
ferme volonté de les remplir : il dut toutefois procéder avec une 
grande circonspection. Ce favori d'Alexandre VI, dont la fortune 
devait son origine à la Renaissance, s'était rendu compte pendant 
les quarantc-un ans qu'il siégea au Sacré Collège, et surtout pendant 
les dix qu’il le présida comme doyen, de la révolution religieuse qui 
s'opérait et des réformes qu’elle exigeait de l’Église, à commencer 
par une adaptation nouvelle de la monarchie pontificale. Lui-mème 
avait évolué avec les expériences faites dans cette longue carrière. 
La vie mondaine, à laquelle il avait sacrifié sous Alexandre VI et 
Jules Il, s'était transformée chez lui en une vie sérieuse ; il se 
préoccupa de ses fonctions sacerdotales et épiscopales, à partir du 
concile de Latran, qu'il présida comme légat de Léon X et, sous 
Clément VII, il se rapprocha du parti réformiste. S'il n'en devint pas 
le chef, parce que l’intransigeance des rigoristes comme Gianpietro 
Caraffa lui paraissait hors de mise, il prit la tête de la fraction plus 
mitigée qui, dans le Sacré Collège et parmi les curiaux, reconnaissait 
la nécessité d’une vie vraiment ecclésiastique, s’y adonnait, et prépa- 
rait ainsi la correction des désordres de la cour romaine. Candidat 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 29 


454 P. RICHARD. 


aux conclaves de 1521 et 1523, il fut élu le second jour de celui 
de 1554, parce que l'opinion publique, qui se formait en faveur de 
réformes, le poussait au pontificat avec une force irrésistible. 

Il se mit immédiatement à l'œuvre et, après avoir préparé les voies 
par l’action de ses nonces, il lançait en avril 4556 la bulle qui con- 
voquait la concile général à Mantoue le 2 juin. Nous n'avons pas à 
raconter les longues négociations qui se poursuivirent avec les 
princes sur les circonstances de cette convocation, non plus que les 
événements qui le retardèrent de plusieurs années. Le pape avait 
abordé déjà la réforme de la curie en établissant, le 24 août 14535, 
une commission de cinq cardinaux et trois évêques des plus zélés de 
Rome, qui commencérent de suite leurs travaux, et promulguërent 
des décrets que le vicaire général du pape fit aussitôt appliquer : 
sur l'obligation de porter le costume ecclésiastique, de réciter 
l'office divin, de remplir ponctuellement les fonctions sacrées inhé- 
rentes à la charge de chacun, de résider, d'éviter les fêtes profanes, 
surtout les solennités du carnaval, qui provoquait toujours la licence 
et le débordement. Le pape interdit celles-ci à ses deux jeunes neveux 
nouvellement promus cardinaux. Les réformes se poursuivirent 
pendant le pontificat (1). 

Avant tout il fallait corriger les abus de l'adininistration curiale, 
qni soulevaient tant de plaintes de divers parties de la chrétienté. 
La cour romaine, en se sécularisant, accaparait l’argent et les 
affaires ; celles-ci s’entassaient dans les bureaux au détriment de 
leur bonne et rapide exécution ; celui-là souvent obtenait gain de 
cause promptement et sans peine qui savait le mieux payer. Le 
conseil suprème de la papauté notamment, le Sacré Collège était 
devenu mondain depuis Sixte IV, et se composait en majorité de 
grands seigneurs. Dès le 21 mai 1535 le pape s’appliquait à le 
rendre plus digne de ses hautes attributions en y introduisant suc- 
cessivement les divers partisans de la réforme, à Rome d'abord, 
puis en Italie et dans le reste de la chrétienté, A la fin de son pon- 
tificat, l’auguste assemblée, qui comptait au début une majorité 
indifférente, sinon hostile aux réformes, secondait sans arrière- 
pensée les efforts du pontife (2). Tous les personnages de valeur 
que nous avons énumérés plus haut y entrèrent successivement et 
Paul IE leur adjoignit des hommes qui répondaient pleinement à 
ses vues ; il suffit de mentionner le diplomate vénitien Gasparo 
Contarini, dont l’action bicnfaisante et l’ascendant se firent sentir 


(x) PAsToR, Histoire des papes, éd. allemande, t. V, passim, surtout p. 108 
et 109. 


(2) Jbid., p. 152-153. 


LA MONARCHIE PONTIE. JUSQU'AU CONC. DE TRENTE. 455 


dès les premiers jours après sa promotion ; l'Anglais Reginald Pole, 
Marcello Cervini qui fut Marcel 11, secrétaire particulier de Paul HI 
et mentor du cardinal Alessandro Farnese, dont il fit un membre 
prépondérant du Sacré Collège, pour plus de quarante ans ; enfin 
Giovanni Morone, un des meilleurs diplomates de la curie au 
xvi® siècle, Ces personnages interviendront sans cesse dans les 
débats qui prépareront ou accompagneront les travaux du concile, 
avec d’autres qui, sans être d’abord aussi décidés pour la réforme, 
ne tarderont pas à être entrainés, tels que le cardinal Giovanni del 
Monte, de la promotion de 1556, le futur Jules HI; les Français 
Jean du Bellay et François de Tournon; le nonce en France Rodolfo 
Pio da Carpi ; le Tyrolien Christophe Madruzzo, etc. 

Pendant que le pape s’appliquait ainsi à régénérer son conseil 
suprême, le parti réformiste déployait une grande activité : en 1337, 
Contarini et Pole faisaient approuver par la commission de réforme 
deux mémoires qui étaient comme les manifestes de leur tendance; 
ils inspirèrent dans la suite tous les efforts d'amélioration et eurent 
par là un succès considérable, même par la publicité que leur donna 
aussitôt la malveillance des protestants (1). 1ls ont pour titre Con- 
sithum delectorum cardinalium et aliorum praelatorum de emendanda 
Ecclesia et .…. super Reformatione Romanae Écclesiae (pour le 
second). 

Le dernier, qui s’occupait spécialement de Rome, fut appliqué de 
suite aux services administratifs. Et d'abord à la Daterie, la source 
du mal. Un religieux de marque, Dionisio Laurerio, général des 
servites, fut appelé à redresser le tableau de ses taxes (compost- 
liones), qui datait de Sixte IV. 11 les réduisit notablement en effa- 
çant tout ce qui présentait l'apparence d’un marché simoniaque (2). 
La nomination du zélé Bartolomeo Giudiccioni à la Signatura di 
justizia (1540) vint compléter cette réforme : le nouveau préfet 
vérifia avec soin les requêtes qui lui étaient présentées, et sut en 
écarter tout ce que ne justifiaient pas le droit et la discipline. Une 
réforme analogue atteignit la Pénitencerie et la Chancellerie, la 
Chambre apostolique et le tribunal de la Rote ; quatre sous-com- 
nissions de cardinaux furent chargées de chacun de ces bureaux, 
et réformèrent quantité de détails, sur lesquels les employés com- 
mettaient des abus de pouvoir, se procuraient des gains exagérés 
ou des avantages illicites. Dans la première Giudiccioni déploya 
encore son zèle, quand il fut transféré à la Grande Pénitencerie, 


(1) Zbid., p. 177. 
(2) Zbid., p. 125. 


456 P. RICHARD. 


après la mort d’Antonio Pucci, qui avait vivement combattu Îles 
mesures nouvelles (1544). 
Ces règlements des commissions réformatrices eurent l'appui 
entier du pape, qui sut imposer silence aux oppositions et aux 
résistances. S'ils ne pénétrèrent paS du premier coup dans la vie 
publique et privée du monde curial (il fallut les reprendre plus tard 
et plus d’une fois) du moins ils secouèrent la routine, ils rajeunirent 
les méthodes et les manières de faire du gouvernement et de l’admi- 
nistration. Les curiaux furent rigoureusement astreints à toute 
fidélité dans l'exercice de leur charge, selon la justice et l'esprit 
évangélique, et tenus de conformer leur conduite à ce même esprit. 

Paul III obtint au moins ce résultat de rendre à la monarchie 
pontificale son rôle dans la direction des âmes et des consciences. 
Elle reprenait son prestige d'édification et son action spirituelle sur 
la chrétienté : elle pourra donc travailler à la réforme des abus dans 
l’Église universelle, avec le concours du concile général qu'elle a 
convoqué. Il ne lui restera plus, après avoir rétabli toute son autorité, 
qu’à terminer l'organisation qu’elle avait acquise par le progrès 
d'une série de siècles. Elle gouvernera ainsi plus efficacement la 
communauté des fidèles de concert avec l’Église enseignante, dis- 
persée à travers le monde chrétien, en même temps que celle-ci, 
représentée par l'épiscopat, l’aidera à instruire cette communauté 
sur les bases de l’Écriture, de la tradition et de la discipline qu’elle 
interprète et fait progresser. C'est ainsi que, toutes deux agissant de 
concert, l’une en subordination de l’autre, nous verrons l'Histoire 
des conciles faire se dérouler l’activité constante de la monarchie 
pontificale à travers ces progrès, comme à travers les péripéties qui 
conduiront l’Église catholique à l’ordre stable complet dont elle 
jouit aujourd’hui, même après l’arrêt du concile du Vatican. Que 
le concile soit repris, comme il en est question, il fera des réformes 
utiles, excellentes surtout dans la liturgie, sous la direction de la 
Papauté, mais ne pourra apporter que des transformations secon- 
daires dans son organisme achevé. 

P. RICHARD. 


MÉLANGES. 


LE TRANSFERT DE LA RÉSIDENCE 
DES ÉVÉQUES DE TONGRES A MAESTRICHT. 


Dans la première moitié du xvr:* siècle, une controverse historique 
mettait aux prises plusirurs jésuites belges, dont les travaux sont bien 
connus des érudits. En 1612, le Père GizLEs BoucHIsR, Bucherius 
(1576-1665), auteur du Belgium romanum, avait inséré à la fin du 
premier volume des Gesla pontificum Tungrensium, Traiectensium et 
Leodiensium, édités par le Chanoine CHAPEAVILLE, uoe Dispulalio 
historica de primis Tungrorum episcopis (1). Ün de ses collègues 
défendit, bientôt après, sa maniére de voir, le Père JEAN ROBERTI 
(1559-1601), dans son Historia S. Huberti (2), en 1024. Jamais, soute- 
naient-ils, l’'évêc'ié de Tongres ne fut transféré à Maestricht ; il n’y 
eut que changement de résidence. Mais les évêques de Tongres, résidant, 
en général, à Maestricht, à partir du vi* siecle, furent parfois appelés 
évêques de Maestricht. L'appellation d'évêque de Tongres se perdit 
peu à peu ; elle ne tomba tout à fait en desuétude que vers la fin du 
xiI* siècle, alors que depuis S. Hubert (+ 727) les évêques résidaient 
à Liége. 

Un bollandiste, GopEFRo1D HENSCHENIUS (1600-1681), se chargea de 
défendre {es traditions maestrichtoises : plusieurs personnes origi- 
paires de cette ville, ou y ayant séjourné, lui avaient, en effet, porté 
leurs doléances. En 1653 paraissait sa De episcopatu Traiectensi… 
Diatriba, réimprimée sous uo autre titre en 1688 dans le tome VII des 
AA. SS. Haii (3). Il faut admettre, déclarait le savant auteur, un 
transfert véritable de l'évêché de Tongres à Maestricht, soit sous 
S. Servais, à la fin du 1v° siècle, soit sous un de ses successeurs, au vi*- 
Si les évêques de Maestricht se voient encore de ci de là, après le 
vi* siècle, décerner le titre d’évêques’de Tongres, ce n’est que par la 
force d’une vieille habitude. Le Père JEAN FouLLon (1609-1668), un 
autre historien de Liége, entra alors dans la lice, sous un nom 
d'emprunt, pour défendre la position du P. RoBERTI (4). 


(1) Voir notamment à la page 48 de cette dissertation. Liége, 1612. 

(2) P. 394 et suiv. (Quaestio VIa). Luxembourg, 1621. Le P. BARTHÉLEMY 
FisEN (1571-1649), dans sa Sancta Legia romanae ecclesiae filia, sive Historia 
ecclesiae Leodiensis, p. 76. Liége, 1642, résout la question dans le même sens 
que le P. RoBerri, mais sans insister beaucoup. 

(3) P. xvri-xLvirr. Avec des notes de J. GHESQUIÈRE dans les A4. SS. 
Belgit, t. 1, p. 221 ct suiv. (Voir surtout ch. V, p. 245 et suiv.). 

(4) Veritatis et ecclesiae Tungrensis breves vindiciae adversus longam et su- 


458 MÉLANGES. 


On pouvait croire que tout avait été dit dans les deux sens. Et 
cependant, en 1737, la querelle recommençait. Elle fut occasionnée, 
cette fois encore, par l'écrit d’un liégeois, mais qui n'appartevait pas 
à la Compagnie, le Baron GuiLLAUME DE CRASSIER (1602-1751) (1). 
D'ailleurs ce savant homme, contredit de nouveau par un bollandiste 
le P. PIERRE DoLMmans (1697-1751) (2), trouva aussi comme défen- 
seurs des jésuites : le P. JEAN BERTHOLET (1088-1755) (3), l'historien 
du Luxembourg, et le P. JEAN DE MARNE (1699-1756) (4), l'historien du 
Namurois. Empressons-nous d'ajouter que cette controverse entre 
_ confrères resta toujours courtoise. Tout au plus s’accuse-t on parfois 
de mutiler quelque peu les textes en les transcrivant ou en les inter- 
prétant ; et Henschenius s'élève avec une certaine mauvaise humeur 
contre ses collègues qui veulent « episcopos Trajectenses, quasi nulli 
umquam fuissent, exsibilare ». (5) 

En dépit du nom de ces érudits et de la science qu’ils déployèrent 
dans leurs dissertations, on a un peu l'impression en les lisant 
d'assister à un tournoi de luxe. Ces chevaliers de la science historique 
se battent pour une question assez accessoire et, comme le disait le 
P. DE SME0T (6), pour une question de mot. Si les évêques, du vi* au 
vue siècle résident régulièrement à Maestricht; s'ils nous appa- 
raissent dans les documents conservés comme élus par le c'ergé et le 
peuple de Maestricht ; s’ils sont inaugurés à Maestricht ; s'ils ont une 
cathédrale à Maestricht et y exercent leurs fonctions épiscopales ; s'ils 
s'appellent eux-mêmes et dans des actes officiels évêques de Maestricht, 
pourquoi leur refuser ce titre ? Mais, d'autre part, s'il ne s’est pas 


perfluam diatribam R. P, Godefridi Henschenii de episcopatu Tongrensi et 
Traïectensi. Liége, 1683 (sous le pseudonyme de Nicolas Fizen, chanoine de 
Visé). i Ù 

(1) Rrevis elucidatio quaestionis iesuiticae, de praetenso episcopatu Traiïec- 
tensi ad Mosam. Liége, 1738. Aädditamentum ad brevem elucilationem, etc. 
Liége, 1742. 

(2) Observationes apologeticae pro episcopatu Traiectensi ad Mosam quem 
R. P. Godefridus Henschenius, e Societate Iesu hagiographus piae memoriue, 
iam pridem asseruerat, ac perillustris Dominus G. L. Baro de Crassier, celsis- 
simi principis episcopi Leodiensis consiliarius, nuper negavit. Anvers, s. a. 
(Dans les A4. SS. Belgii, t. Ï, p. 314-352). — Alterae observationes, etc. 
Louvain, s. a. (Dans les À 4, SS. Belgii, t. I, p. 352-373). 

(3) Histoire ecclésiastique et civile du duché de Luxembourg et comté de 
Chiny, t. VI, p. 313 et suiv. (Dissertation III sur le prétendu évêché de 
Maestricht). Luxembourg, 1743. 

(4) Histoire du comté de Namur. Nouv. édit. par J. N. Paquor, t. II, 
p. 534 ct suiv. (2de dissertation où l'on examine s’il y a eu des évêques de 
Tongres avant S$. Servais et si, après ce saint, le siége épiscopal des Ton- 
grois a été transféré à Maestricht) Bruxelles, 1781. 

(5) AA. SS. Belgii, t. I. p. 252. 

(6) AA. SS., Novembris t. I, p. 786. 


TRANSF. DE LA RÉSID, D. ÉVÉQUES DE TONGRKES A MAESTRICHT. 499 


produit de transfert officiel ni, moins encore, autorisé par un concile 
ou par un pape ; Si le titre d'érêque de Tongres persiste jusqu'à la fin 
du x1° siècle, alors même que celui d'évêque de Maestricht disparaît ; 
si les papes en particulier s’en servent plutôt que de tout autre (1); 
n'y a-til pas autant de raisons, plus de raisons encore, de conserver 
aux évêques de Maestricht le titre d'évèôques de Tongres ? Interrogés 
sur ce problème historique, les évêques eux-mêmes n’eussent-ils pas 
été fort embarrassés d'y répondre ? 

Quoi qu'il en soit, ce n’est pas cette question, un peu théorique, du 
transfert d'évêché ou du transfert de résidence, que l’auteur de ces 
lignes veut rouvrir. Il en est uue autre, plus concrète, et qui paraît 
mal résolue même de nos jours. La plupart des auteurs modernes 
admettent, en effet, comme certain, ou au moins comme probable, le 
transfert de la résidence épiscopale de Tongres à Maestricht, sous 
l'évéque Monulphe, au vi* siècle, et dans Ja seconde moitié de ce siècle, 
d'après la chronologie généralement adoptée. D'aucuns, et de toute 
p'emière valeur, Hauck et MGR DUCHESNE, vont même, pour ne pas 
renoncer à ce transfert de Monulphe, jusqu'a modifier l’ordre de suc- 
cession établi dans les listes épiscopales de Tongres, qui nous appa- 
raissent pour la première fois à la base de la chronique d'Hériger 
(fin du x° siècle). Or, il nous semble que ce transfert sous Monulphe 
ne repose absolument sur rien. 

Tout l’argument de scs défenseurs se base sur un double texte de 
Grégoire de Tours, le premier au livre II, ec. 5, de l'Historia Fran- 
corum, l'autre au chapitre 71 de son De Gloria confessorum. 

Dans le premier, un certain Aravatius, qu'il ne faut pas distinguer, 
comme l’a magistralement démontré Godefroid Kurth (2), de Saint 
Servais, S. Servais donc, évêque d'une grande sainteté, apud Tun- 
grus oppidum, redoute l’arrivée des Huns (lisez des Vandales). Une 
révélation qui lui est faite au tombeau de S. Pierre, lui prédit qu’il ne 
verra pas de ses yeux les ravages causés par ces barbares, mais l'aver- 
tit de se préparer à la mort. Servais rentre à Tongres, fait ses adieux 
au clergé et au peuple, et il se retire seul à Maestricht où il meurt 
bientôt après et où il est enterré. 

Voici ce texte : 


Igitur rumor erat, Chunos in Galliis velle prorumpere. Erat autem tunc 
temporis apud Tungrus oppidum Aravatius eximiae sanctitatis episcopus, 
qui vigiliis ac ieiuniis vacans, crebro lacrimarum imbre perfusus, Dei mise- 
1icordiam praecabatur, ne umquam gentem hanc incredulam sibique semper 
indignam in Galliis venire permitterit. Sed sentiens per spiritum, pro delic- 
tis populi sibi hoc non fuisse concessum, consilium habuit expetendi urbem 
romanam, scilicet ut, adiunctam sibi apostolicae virtutis patrocinia, quae 


(1) Pour la preuve de toutes ces affirmations, il suffit de consulter quel- 
qu'une des dissertations parues dans le cours de la controverse. 
(2) Études franques, t. 1, p. 139 et suiv. Paris, 1919. 


460 MÉLANGES. 


humiliter ad Dei misericordiam flagitabat, mereretur facilius obtinere. 
Accedens ergo ad beati apostoli tumolum, depraecabatur auxilium bonitate 
eius, in multa abstinentia, maxime inaedia se consumens, ita ut bidui 
triduique sine ullo cibo putuque maneret, nec esset intervallum aliquod in 
quo ab oratione cessaret. Cumque ibidem per multorum dierum spatia in 
tali adflectione moraretur, fertur hoc a beato apostolo accepisse responsum : 
« Quid me, vir sanctissime, inquietas ? Ecce enim ad domini deliberationem 
prursus sanccitum est, Chunos in Gallias advenire, easque maxima tem- 
pestate debere depopulari. Nunc igitur, sume consilium, accelera velociter, 
ordena domum tuam, sepulturam compone, require lentiamina munda ! Ecce 
enim migraveris a corpore, nec videbunt oculi tui mala, quae facturi sunt 
Chuni in Galliüis, sicut locutus est Dominus Deus noster ». Hoc a sancto 
apostolo pontifex responso suscepto, iter accelerat, Galliasque velociter 
repetit, veniensque ad urbem Tungrorum, quae erant necessaria sepulturae 
secum citius laevat, valedicensque clericis. ac reliquis civibus urbis, denun- 
tiat cum fletu et lamentatione, quia non visuri essent ultra faciem illius. At 
ille cum heiulato magno et lacrimis prosequentes supplecabant humili praece 
dicentes : « Ne derelinquas nos, pater sanctae, ne obliviscaris nostri, pastor 
bonae ». Scd cum eum fietibus revocare non possint, accepta benedictione 
cum osculis, redierunt. Hic vero ad Treiectinsem urbem accedens, modica 
pulsatus febre, recessit a corpore, ablutusque a fidelibus, juxta ipsum agerem 
publicum est sepultus. Cujus beatum corpus qualiter post multa temporum 
spatia sit translatum, in Libro miraculorum scripsimus (1). 


Dans le Gloria confessorum, composé avant l’Historia francorum, 
Grégoire de Tours parle encore du même Aravatius ou Servais. Il ne 
l'appelle que Tritectensis episcopus. Son tombeau à Maestricht n'était 
jamais couvert par la neige, même quand celle-ci atteignait trois ou 
quatre picds. À diverses reprises les fidèles bâtirent dessus des ora- 
toires de tabulis ligneis levigatisque, mais ces constructions peu résix- 
tantes furent emportées par le vent ou croulèrent d’elles-mêmes. Enfin 
— et voici la phrase capitale — : « Procedente vero tempore, adveniens 
in hace urbe Monulfus episcopus, templum magnum in eius honore 
construrit, composuit ornavitque. In quo multo studio et veneralione 
translatum corpus maanis nunc virtutibus pollet ». 

Transcrivons également ce seconil texte : 


Aravatius vero Triiectensis episcopus tempore Chunorum, cum ad inrum- 
pendas prorumperent Gallias, fuisse memoratur. Qui et sepultus refertur 
juxta ipsum pontem agcris publici, circa cuius sepulchrum quamvis nix 
defluisset, numquam tamen marmorem quod super erat positum, humec- 
tabat. Et cum loca illa nimii frigoris gelu ligentur, et nix usque in trium ct 
quattuor pedum crassitudine terram operiat, tumulum ullatenus non attingit. 
Datur enim intelligi verum Israhelitam hunc esse. Nam illis inter muros 
aquarum aquae non sunt pernicies, sed salutis ; ct circa hujus iusti tumulum 
nix decidens non humoris causa est, sed honoris. Vidcasque in circuitu 


(x) Historia Francorwm, I1, 5. MGH, Script. rer. merov., t. I, p. 66 et 67. 
Hanovre, 1885. 


TRANSF. DE LA RÉSID. D. ÉVÈQUES DE TONGRES À MAESTRICHT. 461 


montes niveos elevari, nec tamen attingere terminum monumenti; et non 
miramur, si terra operiatur nive, sed miramur quod attingere ausa non est 
locum beati sepulchri. Nam plerumque devotio studiumque fidelium oratorio 
construebant de tabulis ligneis levigatisque : sed protinus aut rapiebantur 
vento aut sponte ruebant. Et credo idcirco ista fieri, donec veniret, qui 
dignam aedificaret fabricam in honore antestetis gloriosi. Procedente vero 
tempore adveniens in hac urbe Monulfus episcopus, templum magnum in 
eius honore construxit, composuit ornavitque. In quo multo studio et venc- 
ratione translatum corpus magnis nunc virtutibus pollet. (x) 


Grégoire de Tours, écrit Mar DUCHESNE, « a bien l'air de présenter 
S. Mooulphe comme le premier évêque qui se soit installé à Maes- 
tricht » (2). Et HaucKk : « Denn Gregors Worte : Adveniens in hac urbe 
Monulfus episcopus.. nôtigen anzunehmen, dass es vor keinen Bischof 
in Maestricht gab » (3). 

Voilà précisément ce que nous n’admettons pas. 

[. D'abord, Grégoire de Tours, au commencement du chapitre du 
Gloria confessorum, appelle S. Servais Episcopus Triiectensis. Or, treize 
lignes plus loin, il écrit : Procedente vero tempore, adveniens in hac 
urbe : Maestricht, dont le nom n'est cité que dans le titre épiscopal 
donné plus haut à Servais... Si l'écrivain attribuait à cet Adveniens in 
hac ur be la portée suivante : le premier, Monulphe établit la résidence 
épiscopale à Maestricht, il n'aurait pas, treize lignes plus haut, 
décerné le titre d'évêque de Maestricht à S. Servais, l’un des prédé- 
cesseurs de Monulphe ; car cela reviendrait à dire : Monulphe fut le 
premier à résider à Maestricht et cependant ce ne fut pas le premier. 
Si on lit avec attention et en les comparant le début des deux passages 
qui viennent d’être transcrits, on arrive à cette conclusion : Grégoire 
de Tours appelle Servais lui-même indistinctement évéque de Tongres 
ou évéque de Maestricht (4). 


(1) De Gloria confessorum, 71. MGH, Script. rer. Merov., t. I pars 28, p. 700. 

(2) Fastes épiscnpaux de l’ancienne Gaule, t. III, p. 186. Paris, 1915. 

(3) Kirchengeschichte Deutschlands, t. I, p. 121, n.2 Leipzig, 1922. Il est 
inutile de citer d’autres auteurs. Médusés par la phrase : Procedente vero 
tempure accedens in hac urbe Monulfus episcopus, Haucxk et MGR DUCHESNE 
proposent même d'introduire dans le catalogue ancien le changement sui- 
vant. Au lieu de Falco, Eucharius, Domitianus, Monulphus, occupant respec- 
tivement la 18e, la 19e, la 20e et la 21e place, il faudrait mettre Monulphe 
avant les trois autres, le premier au lieu de le mettre le dernier. En effect 
Domitien qui est cité en 535 comme évêque de Tongres guod et Traïecto ne 
peut être antérieur à Monulphe, premier évéque de Macstricht : Procedente 
rero tempore, etc... Quant à Falco, destinataire d’une lettre de S. Remi de 
Reims (+ 533), que nous avons conservée, on ne voit nullement pour quelle 
raison il devrait être changé aussi de place. Nous espérons prouver que tous 
ces remaniements sont inutiles. 

(4) On ne peut pas dire que, dans le De Gloria confessorum, Grégoire de 
l'ours appelle Servais évèque de Maestricht parce qu'il considère Servais 


462 MÉLANGES. 


II. Au chapitre 83 du même De gloria confessorum, Grégoire de 
Tours narre un autre fait qu’il vaut la peine de rapprocher du pre- 
mier. Un oratoire avait été bâti sur le tombeau de S. Valère, premier 
évêque de Couserans (Ariège). Mais il s’écroula et bientôt les habi- 
tants ne surent plus exactement où se trouvait la sépulture. Ils affir- 
maient simplement que c'était devant l'autel. Alors : « Adveniens 
autem Theodorus episcopus, oratorium ipsum in maiori spalio ampliatum 
maynam efjecit basilicam ». Que signifie ici cette phrase ? Théodore 
l'un des successeurs de Valère, arrivant dans cette ville comme 
évêque, édifia une basilique sur le tombeau de son saint prédécesseur. 
C'est aussi le sens naturel de la phrase du chapitre 71 : après un 
certain temps, Monulphe arrivant à Maestricht comme éêque, Proce- 
dente tempore adveniens in hac urbe Monulfus episcopus, ete. Vouloir 
lui faire dire plus, c'est lui faire vivlence. (1) 

III. Il reste à produire un troisième argument. Monulphe n'a pas 
transféré la résidence parce qu'elle était transférée avant lui. En effet 
le prédécesseur immédiat de Monulphe, l'évêque Domitien. mentionré 
dans un concile de Clermont de 585 et dans un concile d'Orléans de 
549, s’il souscrit en 549 comme évêque de Tongres, signe ainsi en 535 : 
. Domilianus in Christ nomine episcopus Tongrorum, quod et Traiecto, 
suscripsè (2). Cet argument serait absolument convaincant, s'il était 
tout à fait sûr que les mots : Quod et Truiecto, ne sont pas interpolés. 
M. l'abbé Paquay les soupçonne de l'être (3). En faveur de l'icterpola- 
tion on peut dire, semble-t-il, que, d’abord, un des manuscrits cités 
par l'éditeur ne porte jas la mention des sièges et se contente de 
donner les noms des évêques ; qu'un autre appelle Domitien évêque 
de Cologne ; ensuite que cette forme : Quod et Traiecto, est vraiment 


comme ayant transiéré sa résidence à Maestricht. En effet Servais part seul, 
sans ‘on clergé, pour Maestricht. Il s’y retire dans la retraite afin de se 
préparer à la mort. Mais. du temps de Grégoire, on appelait indifféremment 
les successeurs de Servais évêques de Tongres ou de Maestricht. 

(1) Voici ce texte : « Valerius bcatus confessor Consorannensium primus 
episcopus hoc se revelavit modo. Nam oratorium super se constructum prius 
habuit, sed per incuriam ruens, oblivioni datum est, quo in loco quiesceret. 
Hoc tantum ab incolis ferebatur, quod fuisset ante sanctum altare sepultus. 
Adveniens autem Theodorus episcopus, oratorium ipsum in maiori spatio 
ampliatum, magnam effecit basilicam. » (De Gloria confessorum, p. 83, op. cit., 
p. 801.) — G. KURTH. op. cit., p.159, n. x a attiré l’attention sur ce texte mais 
sans vouloir trancher la question du changement de résidence. — M, Box- 
NET, Le Latin de Grégoire de Tours, Paris, 1890, n’assigne pas de sens spécial 
à Adveniens chez l’auteur de l’Historia Francorum. 

(2) MGH, Legum sectio III, t. I, Concilia aevi merovingici (édit. FR. Maas- 
SEN), p. 70 ct 109. Hanovre, 1893. 

(3) Bulletin de la Société scientifique et littéraire du Limbourg. t. XXVII 
(1909), p. 49, n. 1 (magistrale étude de M. l'abbé J. PAQuay, intitulée, Les 
origines chrétiennes dans le diocèse de Tongres), 


TRANSF. DE LA RÉSID. D. ÉVÊÈQUES DE TONGRES À MAESTRICHT. 403 


insolite. Mais, d'autre part, ni l’éditeur MaAAssen, ni MGR DUCHESNE, 
ni HaucKx n'élèvent de doute sur l’authenticité de cette souscription (1); 
quant au caractère inusité de l’incise : Quod et Traiecto, il s'explique- 
rait par le fait que les changements de résidence furent rares. Mais il 
u'est pas inouï en cas de transfert de résidence, de trouver deux noms 
de villes accolés à la fois au nom d’un évêque (2). 


(1) Le manuscrit qui ne donne pas le nom des sièges est le plus ancien, 
Parisiensis Lat. 12037, du vie et du vrie siècle. Les deux autres : Paris. Lat. 
1564 et Paris. Lat. 1451, sont du 1xe siècle. (Voir FRriEDR. MAASSEN, Geschichte 
der Quellen und der Literatur des canonischen Rechts, t. 1. Gratz, 1870, 
p. 556 ct suiv. (surtout 569), 604 et suiv. (surtout 604), 613 et suiv. Mais 
les documents qu'ils contiennent peuvent remonter aux vie siècle (voir le 
même ouvrage, p. 61: et 623). Oa ne peut dire a priori que la version qui 
donne les sièges est postérieure à celle qui ne les donne pas. 

(2) Concilia aevi merovingici, p. 97, ligne 20 : « Clematius in Christi nomine 
episcopus civitatis Carpentoratensium et Vindascensium subscripsi s. — On 
ne distingue pas toujours assez le cas d'évêques de deux cités du cas d’évéques 
ayant une double résidence dans le même cité. A l'époque mérovingienne, on 
groupa parfois, quoique rarement, deux civifates, figurant dans la Notice des 
Gaules, sous l'autorité d’un seul évêque. Ainsi, Tournai, évéché au vies., 
ne l’est plus au vie, et se trouve réuni à Noyon; de la même façon, Arras, 
évêché au vie s. sous S. Vaast, ne l'est plus a la fin de ce siècle, sous 
S. Géry, et se trouve réuni avec Cambrai. Boulogne, qui paraît ne jamais 
avoir cu d’évêque propre, se trouve réuni, depuis S. Omer, avec Thérouanne. 
Ainsi les civitates romaines de la Notitia Galliarum : Tornacersium et Vero- 
mandorum ; Atrabatum et Camaracensium ; Bononensium et Morinorum, ont 
vu leur sort uni au moins pour quelques siècles. Dans le second cas, le chef- 
lieu de l’ancienne cité romaine n'est plus, pour une raison ou une autre, la 
résidence épiscopale ; celle-ci se trouve dans une autre ville de la même 
cité. Alors, dans les actes officiels au moins, diplômes, souscriptions des con- 
ciles, etc., les évêques portent indifféremment deux titres, le plus souvent 
séparés, parfois réunis; les évêques de Noyon s'appellent évêques de Noyon, 
leur nouvelle résidence, ou de Vermand, l’ancienne capitale, Saint-Quentin, 
de la c’vitas Verumandorum. Les évéques de Maestricht et de Liége, s'ap- 
pellent évêques de Maestricht ou de Liége, mais aussi évêques de Tongres. 
Les évéques d'Avenches, chef-lieu de l'ancienne civitas Helvetorum, s’ap- 
pellent évêques de Windisch ou de Lausanne, leurs résidences nouvelles 
dans cette cité, mais aussi évêques d’Avenches, capitale de la cité. Les 
éveques de Carpentras s'appellent évêques de Carpentras ou de Vénasque, 
leur résidence au vre siècle et méme au concile d'Orléans, de 541, l’un de 
ces évêques signe : Æpiscopus Carpen'oratensium et Windascensium. Ainsi 
encore, les évéques de l’ancienne cité de Coutances (Civitas Constancia) 
portent ce nom ou celui de leur nouvelle résidence, Saint-Lo (Brinvera), et, 
au concile d'Orléans de 549, les deux réunis. Voilà des conclusions qui 
paraissent ressortir de l'étude des souscriptions épiscopales et de l'examen 
du troisième volume surtout des Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule de 
MGr DUCHESNE, paru en 1915. Ce volume est consacré aux provinces du 
Nord ct de l'Est dans lesquelles, par suite des invasions, des villes épis- 


464 MÉLANGES. 


Mais, dira-t-on, Hériger, dans sa chronique, c. 28, et puis Anselme, 
dans le Proemium de sa continuation, affirment aussi le transfert et le 
rapportent à Monulphe (1). C’est vrai. Mais Hériger écrit à la fin du 
x° siècle. De plus, il paraît bien ne baser son affirmation que sur 
l'interprétation du même texte de Grégoire de Tours : Adveniens. Les 
vies de Monulphe contenues dans les Gesta Servatii de Joconde et 
auxquelles M. VAN DER ESsEN a consacré quelques pages de son magni- 
fique ouvrage, sont postérieures à Hériger et, qui plus est, n’attribuent 
même pas le transfert de résidence à leur héros (2). 

Mais qui donc alors a changé la résidence épiscopale ? Il serait trop 
long d'examiner ici cette question. Mais il est bien probable que 
Tongres ayant été détruite par les Vandales, les successeurs de 
S. Servais n'y résidèrent plus (3). 

Nous croyons avoir prouvé au moins que le texte de S. Grégoire de 
Tours, De Gloria confessorum, 71, n'a pas le sens qu’ou lui donne 
presque unanimement. Il n’y a donc aucune raison de croire que le 
transfert de la résidence a élé opéré par l'évéque Monulphe. Que si la 
souscription de Domiticen : Qui et Traiecto était hors de FORME, il 
serait certain que Monulphe n'a pas transféré le résidence. 

E. ne MoREAU, S. J. 
copales ont été détruites, et des cités tout entières, colonisées par les Francs 
ou les Alamans, sont redevenues païcnnes et ont été incapables de conserver 
leur siège épiscopal. 

(1) MGH, Scriptores, t. VII, p. 176 ct xgI. 

(2) L. Van DER ESSEN, Étude critique et littéraire sur les vies des Saints 
mérovingiens de l’ancienne Belgique, p. 162 et suiv. Louvain, Paris, 1907 
(Recueil des travaux publiés par les membres des conférences d'histoire et 
de philologie de l’université de Louvain, sous la direction de MM. F. Bé- 
THUNE, À. CAUCHIE, G. DOUTREPONT, R. MAERE, CH. MoELLER ct F. REMY, 
fasc. 17). Voir le GestaS. Servatii (édit. Fr. WiLHELM, p. 76-79. Munich, 1918). 

(3) Dans unc étude récente : Les premières origines du christianisme dans 
le Pays de Liege (Extrait du Bulletin de la Société d'art et d'histoire du 
divcese de Liége, t. XXI. Liége, 1923), M. l'ahbé TH. QuoipBAcH a proposé 
une hypothèse nouvelle : S. Scrvais aurait été un chorévéque sans siège fixe. 
Cette théorie me paraît totalement inadmissible, comme je le prouverai 
à l’occasion. 


LE CHRONIQUEUR DE SAINT-SÉVERIN. 


: À la veille de la révolution protestante, la France avait été travaillée 
par un mouvement de réforme catholique dont l’histoire ne manque 
pas d'intérêt. Parmi les auteurs de ces entreprises réformatrices, le 
malinois Jean Standonck, privcipal du Collège de Montaigu, à Paris, 
et fondateur de la Congrégation de pauvres-clercs du même nom, 
occupe une place de prem'er rang. Son zèle ne se boraait pas à l’en- 
ceinte de son établissement ; il fut le promoteur d'une réforme monas- 
tique chez les chanoines réguliers de France. Grâce à lui, une colonie 
fut envoyée par le Chapitre de Windesheim dans l'abbaye de Saint- 
Séverin de Châäteau-Landon, au diocèse de Sens. Dirigée par Jean 
Mombaer, ou Mauburanus, de Bruxelles, l’œuvre prospéra et la réforme 
commencée en 1496 gagna les maisons canoniales de Livry en 1498, de 
Cysoing en 1499, de Melun vers 1501, d'autres encore, et consti‘ua [a 
« Congrégation nouvellement réformée de France » (1). 

La principale source de renseignements sur ces réformes est une 
chronique anonyme intitulée : Liber de origine Congregationis Canoni- 
corum Regularium reformatorum in regno Franciae unno Christ 1496. 
Nombre d'’historiens l'ont utilisée, depuis Jean de Toulouse, l’anna- 
liste de Saint-Victor, au xvu° siècle (2), jusqu'à MM. À. Renaudet et 
M. Godet, auteurs d’études récentes sur Jean Standonck et la Congré- 
gation de Montaigu (3). D'accord pour en reconnaître la valeur, ces 
historiens se sont peu souciés, semble-t-il, de percer le voile qui nous 
cache l’auteur. Sans doute possible, c'était un chanoine régulier de 
Saint-Séverin. Mais lequel ? Les uns avancent que c'était un des 
religieux venus des Pays-Bas avec Jean Mombaer; d'après M. M. Godet, 
la chronique aurait été composée vers 1520 par un ancien disciple de 
Standonck (4). Essayons de pousser plus avant l'étude de ce petit 
problème. Peut-être serons-nous assez heureux pour retrouver le nom 
igooré du chrouiqueur. Après une rapide analyse de l’œuvre, nous 
étudierons successivement la date de sa composition, les données 
qu'elle fournit sur sou auteur, enfin nous essaierons de déterminer son 


nom et d’esquisser sa vie. 


* 
$ $ 


La chronique est encore inédite. Il en existe deux manuscrits prin- 
cipaux, du xvii* siècle, l’un à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, 


(1) Cfr A. RENAUDET, Jean Standonck. Un réformateur catholique avant la 
Réforme, dans le Bull. de la Société de l'hist, du Protestantisme français, 1908, 
LVITe année, p. 5-81, et son livre Préréforme et humanisme à Paris pendant 
les premières guerres d'Italie. Paris, 1916. 

(2) Vita Joannis Mauburni. Paris, Bibl. nat., lat. 14366, f. 47-48v. 

(3) M. Gover, La Congrégation de Montaigu. Paris, 1912 (Bibl. de l’école 
des hautes études). | 

(4) Op. cit., p. 4, n. 2. 


466 MÉLANGES. 


n° 574, l’aut'e, à Paris également, à la Nationale, fonds latin, 15019. 
La Bibliothèque Sainte-Geneviève contient une troisième copie, où l’on 
a intercalé diverses pièces relatives au même sujet, dans les manus- 
crits 018 et 619. Elle dépend du premier, nous pouvons la négliger. 
Le manuscrit 574 est le plus fidèle, il reproduit les incorrections de 
l'original ; celui de la Nationale, au contraire, saute certains passages 
et s'efforce de ramener la phrase inélégante de l’auteur aux règles de 
la latinité (1). 

Notre chroniqueur entend faire œuvre d'éditication (2). Il entreméle 
son récit de considérations pieuses, il consacre des notices biogra- 
phiques aux saints personnages dont il a contemplé les vertus. Au reste, 
son œuvre est de nature à inspirer confiance. Manifestement l’auteur 
a été le témoin de beaucoup des faits qu'il rapporte, et les notices qu'il 
consacre aux maisons réformées témoignent de recherches dans leurs 
archives. 

Lé plan est assez capricieux. Trois livres inégaux divisent l'ouvrage. 
On trouve dans le premier, en deux chapitres, l’histoire de Saint. 
Séverin depuis 8a fondation jusqu'à la veille de sa réforme par les 
chanoines de” Windesheim (fol. 3 v et ss.),et une biographie détaillée, 
en trois chapitres, de Jeau Standonck (fol. 8 v et ss.). Le deuxième 
livre raconte les débuts de la réforme à Saint-Séverin (fol. 23 ss.) et 
donne à ce propos des notices biographiques sur Jean Mombaer, le chef 
des réformateurs, sur Renier Koetken, son second, sur deux autres 
chanoines venus des Pays-Bas, Jean Van den Wyngaerde et Jacques 
Oldenzael, eutin sur Gilbert Fournier, docteur de Paris qui, entré sur 
le tard dans l'abbaye, mourut bientôt (fol. 27 v et ss.). Suit le narré 
des réformes entreprises à Cysoing (fol. 31 ss.), à Livry (fol. 41 ss.), à 
Melun (fol. 45 ss.). Des notices sur de jeunes religieux défunts, Patrice 
Fary, ou Ferri, de Melun, et Jean Vermelle, de Saint-Séverin, terminent 
ce deuxième livre (fol. 48 v). Le troisième est consacré à l’histoire 
de réformes avortées en Normandie vers 1506 et se termine par une 
notice, consacrée à un autre jeune religieux du prieuré de Melun 
(fol. 54 à tin). 


.°. | 
Le simple exposé de ce plan irrégulier fait soupçonner que la 
chronique n'a pas été composée d'une haleine. Une étude plus attentive 
en convainc. Distinguons en conséquence les dates de chaque livre, 
voire des chapitres d'un mème livre, en comparant les données du 
chroniqueur avec les renseignements puisés à diverses sources. 
Le premier livre a été compose, la chose va sans difiiculté, après la 
mort de Jean Standonck, survenue le 5 février 1503-41 (3), et avant le 


(x) Cfr M. Goper, L. c., Bibl. nat., lat. 15049, f. 94; nous renvoyons régu- 
lièrement au ms. 574 de Sainte-Geneviève. 

(2) Proœmium, f. 2v-3. 

(3) À. RENAUDET, op. cit., p. 78. 


LE CHRONIQUEUR DE SAINT-SÉVERIN. 467 


second livre qui lui fait suite. Celui-ci n’a pas été rédigé d'un trait. Le 
récit des débuts de la réforme à Saint-Séverin, chapitre premier, 
précède notablement le chapitre V. En effet, il est dit là que les trois 
novices reçus à Saint-Séverin vers la fête de la Pentecôte 1497 y per- 
sévérent dans leur vocation (1), et ici on raconte la vie et la mort 
récente de Patrice Ferri « le plus jeune des trois premiers rejetons de 
potre réforme » qui décéda le premier octobre 1505 (2). Le chapitre VI 
et dernier du même livre est postérieur de dix années environ, car il est 
consacré à Jean Vermelle, mort en avril ou mai 1515 (3). Il y a de plus 
au chapitre ITI un petit passage, qui peut avoir été ajouté après coup, 
où l'auteur s'adresse à l'abbé de Cysoing. « Prends courage, Ô abbé, et 
ne crains point (les adversaires de la réforme), car le Seigneur est avec 
toi si tu tais ce qui dépend de toi (4). » Ces lignes d’exhortation ne 
peuvent s'adrester au vieil abbé, Jean Salembien, de qui on vient de 
dire, entre autres déjauts, qu'il ne savait pas tenir sa langue (5). Elles 
ont dû être écrites en 1523, au plus tôt, quand Jean Salembien eut 
résigné la dignité abbatiale en faveur de Mathias de Barda (6). 

Le troisième livre raconte deux réformes tentées sans succès, vera 
1506, dans les prieurés du Val-des-Infirmes et de Sainte-Honorine de 
Graville, en Normandie (7), et se termine par la notice biographique 
d'Henri Bratemerius ou Vathenier, qui mourut en 1518 (8). 

M. M. Godet et M. A. Renaudet avaient donc raison de placer vers 
1520 la rédaction de cette chronique. Commencée en 1504, au lende- 
main de la mort de Standonck, elle fut achevée après 1523 ou même 
après 1526. 


* 
* # 


Quant à l'auteur, on s'accorde à reconnaître qu’il était chanoine de 
Saint-Séverin. Nul doute n’est possible à ce sujet. Tout le récit le 


(1) F. 26-v. 

(2) F. 48v. « Qui ultime defunctus est. lunior fuit de tribus primis nostrae 
relormationis plantulis ». Cfr le Nécrologe de Saint-Séverin, Arch. départ. de 
Seine-et-Marne, H 60, f. 22v. 

(3) Liber de origine...,f. 53v. Acta capitulorum generalium unionis Fran- 
ciae novellae reformationis.., Bibl. S. Genev., 1841, f. 23v. Nous aurons 
à citer plusieurs fois ces actes où sont consignés les noms des défunts de 
l'année. Le ms. cité est l'original même et porte les signatures des secrétaires, 

(4) Liber de origine..., f. 41. « Sed o abba confortetur cor tuum et ne 
timeas a facie eorum quia Dominus tecum est si feceris quod in te est ». 

(5) Jbid., f. 4ov. « Abbas etiam supra modum puerilis erat, nihil celare 
poterat », 

(6) I. DE COUSSEMAKER, Cartulaire de l’abbaye de Cysoing et de ses dépen- 
dances, p.778 s. Lille, 1883. — Gallia christ. nova, t. IIL, col. 292. L'année 
1526 où mourut Salembien conviendrait mieux encore. 

(7) Gall. christ. nova, t. VII, col. 840 s. Liber de origine. f. 54-6ov. 

(8) Le Liber de origine... f. 62-64, donne le jour des Rameaux 1517-18. Date 


468 MÉLANGES. 


prouve, le sommaire même qu'on vient d'en donner suffirait à l'établir. 
Contentons-nous de noter ici la dévotion du chroniqueur au patron et 
fondateur de l’abbaye. « Ad laudem Dei et Sancti Severini, cuius meritis 
adiuvemur. Amen. » Ainsi termine-t-il son prologue (1). Toute la suite 
de l’argumentation contribuera à l’établir avec évidence. 

D'après le génovéfain Prévost, qui composait au dix-septième siécle 
un copieux recueil de notices relatives à son ordre, ce devait être « sans 
doute un allemand, car il en veut beaucoup à l'air de ce canton » de 
Livry (2); eutendons un des chanoines de Windesheim envoyés en 
France pour la réforme. Tel est l'avis des Bollandistes au tome II de 
février, et des auteurs du tome VII du Gallia christiana nova (3). Cette 
opinion se réfute aisément par la simple énumération des six refor- 
mateurs entrés à Saint-Séverin en 1496. C'étaient Jean Mombaer, 
Renier Koctken, Jean van den Wyngaerile, Jacques Oldenzael, Martin 
de Zwolle et Jean Goch (4). Il ne pourrait en effet s'agir d'autres 
Windesémiens venus dans la suite, soit pour la réforme de Saint-Victor, 
soit pour toute autre cause. Le chroniqueur nous assure, en racontant 
les événements de l’année 1497 à Saint-Séverin, que « les premières 
années il fallut user de patience, comme mon expérience et celle des 
autres en témoigne » (5). Il y était donc en 1497. Or, des six Windesé- 
miens qui s'y trouvaient alors, les quatre premiers étant exclus, puis- 
que la chronique raconte leur décès, restent Jean Goch et Martin de 
Zwolle. Ecartons-les aussi. Divers documents des années 1502 à 1509 
nous les montrent à Saint-Séverin, occupant respectivement les postes 
de prieur et de sous-prieur. Dans une phrass assez embarrassée, le 
chroniqueur parle des survivants de l'équipe réformatrice, qu'il ne veut 
pas louer pour cette raison qu'ils sont encore en vie, sauf à dire « pro 
magno praeconio laudis » que l’un est chargé de l'oflice de prieur, 
l’autre de sous-prieur à Saint-Séverin (6). L'allusion est assez claire, et 


confirmée par les Actes des chapitres généraux, Bibl. s. Gencv., 1841, f. 35v, 
qui annoncent en 1518 la mort d’un Henri Vathen.er, procureur de Melun. 
L'orthographe du nom diffère un peu, le prénom identique et la charge de 
procureur qu'on lui attribue de part et d'autre montrert qu’il s’agit du même 
personnage. 

(x) F, 3v. — Ailleurs : « Deo inspirante et sancto Severinoillius monasterii 
protectore » (f. 6v) et passim. 

. (2) Bibl. S. Genev., 1919, f. 12v. 

(3) Gall, christ. nova, t. VIL. col. 835 : « canonicus reg. e congregatione 
Windeshemensi ». — AA. SS., febr. Il, p. 547, n° 23 : « Ab religioso Windes- 
semensi isthuc.. adducto », 

(4) À. RENAUDET, Jean Standonck, p. 44. Il y avait de plus un convers, 
Jean Willo, qui n’entre pas en ligne de compte. 

(5) Liber de origine..…., f, 27. « Primis annis reformationis Sancti Severini 
ut mihi et aliis mater expericntia testis est, patientia neccssaria fuit ». 

(6) F. 48v : « De patribus nostris supcresse nihil laudis dicere vel scribere 
volo. Hoc tamen sufficiat illis pro magno praeconio laudis, quia unus 


LE CHRONIQUEUR DE SAINT-SÉVERIN. 460 


il ne l’est pas moins, par suite, que le rédacteur ne peut être de ces 
deux survivants dont il relève les titres. 

Voici une autre considération de nature à les exclure, c'est que tous 
deux songeaient à s'en retourner aux Pays-Bas. Médiocre disposition, 
pour un chroniqueur, d’avoir les yeux et le cœur tournés d’un autre 
côté. De plus, dès 1502, Martin de Zwolle était malade et son départ 
doit se placer un peu après (1). Nous rencontrons Jean Goch pour la 
dernière fois en 1509 (2). Il dut retourner, lui aussi, dans son couvent 
d'origine, car il n’est fait mention de lui, ni dans les listes des défunts 
dressées chaque année au chapitre général de France, ni dans le 
pécrologe de Saint-Séverin. 

Ruinons entin cette hypothèse en établissant que notre chroniqueur 
est, comme M. M. Godet l’a bien vu, « un ancien disciple de Stan- 
donck » (3). Les longues pages, bourrées de détails précis sur la vie 
et l’œuvre de l’ardent réformateur de Montaigu, montrent qu'il a été 
le témoin des faits, sauf dans les dernières années où il brouille les 
dates (4). Voici mieux : Standonck est appelé « magister noster », notre 
maître (0). Rien d'étonnant ; la plupart des recrues de la réforme 
sortaient du collège de Montaigu (6). 

C'est de 1à que venaient les trois postulants reçus à Saint-Séverin 
vers la Pentecôte de l’année 1497 (7). Qu'on rapproche de ce renseigne- 
ment les paroles rapportées ci-dessus et qui se lisent au folio suivant, 
où notre chroniqueur fait entendre qu'il fut témoin de la pauvreté et 


prioratus, alter supprioratus fungitur officio in Sancto Severino ». Une 
lettre de Jean Goch, Bibl. S. Genev., 1149, f, 15V-16, raconte qu'il a donné 
l’habit à Gilbert Fournier et rapporte en même temps sa mort, survenue le 
19 juin, vers l'an 1504, d'après le Liber de origine, f. 34v, en l’an 1502, 
d’après le Nécrologe de Saint-Séverin déjà cité, f. x3v. S'il donnait l’habit, 
il était prieur. La même lettre donne à Martin de Zwolle le titre de sous- 
prieur. Le 5 mars 1509, Jean Goch, prieur de Saint-Séverin, accepta au nom 
de l’abbaye les nouveaux statuts approuvés par le légat Georges d'Amboise. 
Cfr F. Boxnarp, Histoire de l'Abbaye royale et de l’ordre des chanoines régu- 
liers de Saint-Victor, t. IL, p. 3. Paris, s. a., (1907). 

(1) Peu de temps après la mort de Mombaer, soit au début de l’an 1502, 
Martin de Zwolle écrivait à son prieur, aux Pays-Bas, une lettre découragée. 
La maladie qui le tient et les difficultés de la réforme lui font désirer son 
retour au pays. Bibl. S. Genev., 1149, f. 91-92v. Il reçut du prieur-supérieur 
de Windesheim l'autorisation de rentrer dans son couvent d’origine. Même 
ms. f. 40v-41. Jean Goch exprimait lui aussi le désir de retourner au pays. 
Ibid., f. 16. 

(2) Acte cité plus haut. 

(3) Op. cit., p. 4, n. 2. 

(4) Cfr M. Goper, op. cit., 1. c. A cette date le chroniqueur avait quitté le 
collège de Montaigu pour Saint-Séverin. 

(5) Liber de origine…., f. 32. 

(6) A. RENAUDET, Jean Standonck, p. 55, 73. 

(7) Liber de origine …, f. 26v. À. RENAUDET, Op. cit., p. 45. 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 3° 


470 MÉLANGES. 


de la misère des débuts et l’on devra conclure qu'il était l’un des trois 
premiers rejetons de la réforme. Ici encore le récit des travaux 
et des épreuves de ces trois novices trahit un témoin oculaire. « Ils 
avaient un rude maître qui les dressait aux exercices de piété, leur 
apprenait à vaincre la paresse par des travaux manuels, parfois en 
transportant des pierres ou de la terre, parfois en renversant de vieilles 
murailles » (1). Et le reste, où il raconte l’irrégularité des repas, les 
difficultés qu s'élèvent entre les réformateurs et l'abbé. Quel était ce 
maître des novices en 1497 ? Renier Koetken, de qui le chroniqueur 
rapporte un propos en ces termes suggestifs : & il avait accoutumé de 
nous dire » (2). Ces mots se trouvent à l'endroit qui traite des emplois 
-de sous-prieur et de maître des novices confiés à Renier Koetken à 
Saint-Séverin en 1496-1497. Il en avait donc reçu sa formation reli- 
gieuse, et nous sommes fondés à croire qu’il était des jeunes clercs 
recrutés en 1497. 

De ces trois jeunes religieux, l’un nous est déjà connu, Patrice 
Ferri, mort en 1505, de qui mention a été faite, et qu'il faut exclure. 
Sur les deux autres, les renseignements directs font défaut. Il sera 
nécessaire d'employer ici un détour pour arriver à déterminer l’auteur 
de notre chronique. 

Rassemblons les données éparses dans ce manuscrit et voyons à qui 
elles s'appliquent, parmi les nouveaux chanoines de Saint-Séverin que 
les documents nous permettent de connaître. 

Plusieurs ont pensé, on l'a vu, que notre chroniqueur était un 
« allemand », c'est-a-dire un Windesémien. Ce qui les y a induits c'est, 
peut-on croire, qu’il a tout l'air, à le lire, de n'être pas français. Voici 
quelques indices qui ne laissent pas d'être significatifs. On a pu voir 
‘qu’il échappe quelquefois à notre acteur de s'exprimer à la première 

_personne. Jamais 11 n’en use quand il parle de la France. « In his 
gallicanis regivnibus », dit-il (3). 11 cite, avec une nuance de mépris, 
leur Pragmatique Sanction (4). Les frères, dit-il ailleurs, étaient mai- 
grement nourris, à la manière des français, « more gallorum » (5). 
L'église de Saint-Séverin était « horrible à voir, comme beaucoup 
d'autres églises en France » (6). Voilà qui indique assez clairement que 

(1) Liber de origine, f. 26v : « Erat eis magister satis strenuus deputatus, 
qui cos exercitabat devotis exercitiis, labore manuum torporem refugere 
edocebat, aliquando in lapidibus et terra deportandis, quandoque in antiquis 
maceriis effringendis ». 

(2) Liber de origine, f 32: « Dicere nobis solitus erat...» Ce passage est 
tiré de la notice biographique de Renier Koetken. Immédiatement après, 
notre chronique raconte le voyage dudit Renier à Windesheim en août- 
septembre 1497. 

(3) Liber de origine, f. 1. 

(4) F. 24 : « Et in eorum pragmatica sanctione habetur ». 

(5) F. 20v : « Erant iidem fratres frugaliter tractati pro more gallorum ». 

(6) F,24v : « Horrori siquidem videntibus erat ecclesia Sancti Severini, 
sicut multac aliae ecclesiae in Francia ». 


LE CHRONIQUEUR DE SAINT-SÉVERIN. 471 


le chroniqueur de Suint-Séverin n’est pas français. Il à soin de fsire 
remarquer comment le personnel du monastère réformé a été recruté 
de tou'es mains; « les uns venaient, nous dit-il, de Normandie, d’autres 
de Bretagne, d’autres de Teutonie, d'autres de France » (1). 

On peut mettre en fait que, dans cette énumération, le chroniqueur 
n'a pas oublié sa patrie. Excluons la Normandie. Il s'exprime à deux 
reprises avec trop peu de bienveillance sur ceux qui auraient été ses 
compatriotes, et avec trop de curiosite sur leurs coutumes (2). Restent 
la Teutonie, c'est-à-dire les Pays-Bas bourguignons, d'où venaient 
lusieurs des jeunes religieux de Chäteau-Landon, et la Grande-Bre- 
tagne. L'étude de la chronique ne permet pas de décider en faveur de 
l'une ou l’autre de ces origines. 

Ce qui nous aidera sans doute encore à reconnaître l’auteur, ce sera 
de déterminer les maisons où il a fait séjour. La différence notable 
qui se remarque entre les notices des monastères et certaines expres- 
sions permettent d'établir qu’il à assisté aux premiers débuts de la 
réforme de Saint-Séverin, comme il a été dit, de Cysoing, et qu'il a 
résidé à Melun. De chacune de ces maisons et du prieuré de Beaure- 
paire, qui dépendait de Cysoing, la chronique raconte l'histoire 
complète depuis la fondation et décrit en détail la situation et les 
propriétés. À propos de Cysoing, notre chroniqueur se prévaut de ce 
que lui ont dit les anciens du monastére (3), il énumèére avec précision 
certains usages que Renier Koetken y fit abolir, qu'il n'aurait pu con, 
naître que très imparfaitement, s’il n'en avait été le témoin ; car ils 
furent en vigueur trop peu de temps pour que la mémoire s'en conservât 
dans un monastère que la réforme allait renouveler (4). Les péripéties 
tragiques et burlesques de la réforme de Melun, les intrigues, les 
escalades, les poursuites dans les combles, tout cela doit être sinon 
d’un témoin, tout au moins d’un habitant bien au courant de la disposi- 
tion des lieux (5). 

Il en est autrement des pages consacrées à Livry. Point de notice 
historique. À peine, sur la tin, quelques mots pour en décrire le site (6). 


(1) F. 23 : « Adduxit (Deus) filios.. de longinquo, quosdam de Normannia, 
quosdam de Britannia, quosdam de Teutonia, quosdam de Francia ». 

(2) F. 57v : « Populus cautus secundum naturam regionis qui non facile 
admittit extraneos, quia sibi mutuo favent, et mel in ore gestantes retro 
pungere solcnt, et haec quia curtissime de reformatione... » Le chroniqueur 
se répète peu après, f. 59. Il avait été lui-même employé aux réformes {les 
prieurés normands; cfr f. 59v : « ut a curato huius loci mihi narratum est ». 

(3) F. 37v : « Audivi ab eis ». 

(4) F. 39. 

(5) F. 47 ss. Il est question d’une salle dont les fenêtres donnent sur la rue, 
d’une porte qui ne s'ouvre que de l'intérieur, d'une autre qui ne s'ouvre que 
de l'extérieur, d’une fausse fenétre que l’on enfonce. Plus loin, de stalles 
nouvelles montées dans le chœur, etc. 


(6) F. 44. 


472 MÉLANGES. 


Pour appuyer son récit, dont il reconnaît les lacunes, notre chroniqueur 
est réduit à rapporter des témoignages (1). Tout donne l'impression 
qu'il n’y a fait, au plus, que de rapides haltes. À Saint-Séverin, au 
contraire, à Cysoing, à Melun, il a eu le loisir de consulter les archives 
et de s'y documenter. Ces déplacements ne doivent pas étonner. Au 
début de la réfurme ils étaient fréquents. la chronique en rapporte 
maints exemples. 

A propos de Cysoing encore, remarquons un petit texte où le chroni- 
queur dit que le compagnon du sous-prieur Renier, en cette abbaye, 
était un nouveau profès (2). Nous en conclurons légitimement que le 
chroniqueur, compagnon du vieux sous-prieur, avait prononcé les 
vœux peu avant la mi-juin 14%, date de leur départ de Chäteau- 
Landon pour Cysoing. 

Signalons aussi les goûts littéraires et les soucis d’érudition de notre 
rédacteur. Ces notices historiques dont nous venons de parler en 
donnent 14 preuve. L'auteur s'est documenté dans les archives, aux- 
quelles il se réfère parfois. Îl cite Platon, Aristote, Horace (3). Voici 
des vers, attribués à ua & quidam » qui pourrait bien étre lui-même, 
car il est soucieux de ne pus se fuire valoir (4). 

l'erminons ce relevé par une dernière remarque. En certains pas- 
sages, il apparaît bien que notre chroniqueur avait part au gouver- 
nement religieux. À la suite de l'exhortation déjà relevée à l'adresse 
de l'abbé de Cysoing on lit des conseils à ceux qui entreprennent des 


(1) F. 32: «Ipse, sicut audivi»s. — F. 43 : « Audivi ab ipso abbate ». — 
F. 44 : « Plurima alia contigisse non ambigo relatione non indigna quae me 
fugciunt ». 

(2) Liber de origine, f. 38v. — Il a été fait allusion à la mission dont notre 
chroniqueur fut chargé dans les prieurés normands, On n’y revient pas ici 
parce que de cette entreprise, qui ne dura guère, il ne reste aucun document 
utile à notre enquîte. 

(3) F. 52v : « Plato divinus ». — F. 32v, Aristote et Horace. Notre chroni- 
queur a pu trouver ces textes dans quelque autre ouvrage, ce sont des 
imaximes assez rebattues. Le fait qu'il les leur emprunte plutôt qu’à des 
auteurs chrétiens ne laisse pas d’avoir son intérèt. Il cite des textes de 
la Pragmatique Sanction, f. 24. Il renvoie à ses sources, f, 6v : « Repperi [in] 
de Viribus illustribus domus Sancti Victoris », et il s'appuie sur les Statuts 
de Saint-Victor conservés à Saint-Séverin. Ailleurs, f. 35, il écrit : « De isto 
sancto Humberto nulla in Cysonio habetur memoria ». Il conclut l’histoire 
de cette abbaye d'un ton de triomphe, car il y a donné des preuves à son 
avis décisives de l'antiquité des chanoines réguliers, f, 35. On connait la 
controverse à ce sujet entre les Chanoincs et les Ermites Augustins ; Mom- 
bacr y était intervenu avec son Venatorium sanctorum ordinis canonicorum 
regularium resté inédit. 

(4) F. 53v et s. Quoiqu'il lui arrive de se trahir par des allusions à la 
premiè-e personne, dont on a relevé plusieurs exemples, la règle du chroni- 
queur cst de ne pas se mettre en scène. Ainsi, à propos des prieurés nol- 
mands où il avait été envoyé, il dit : « aliqui fratres.., alii duo … » F. 58. 


LE CHRONIQUEUR DE SAINT SÉVERIN. 473 


réformes (1). Pour s'adresser de ce ton à un abbé, il fallait avoir soi. 
même quelque titre et un rang officiels. 

Notre enquête aboutit aux conclusions suivantes : le chroniqueur, 
venu de Montaigu à Saint Séverin, en l’année 1497, n'est pas français 
mais ou bien bourguignon, ou bien anglais, ou irlandais. [l a dû 
habiter, outre Château-Landon, l’abbaye de Cysoing où il fut le com- 
pasnon de Renier Koetken, et le prieuré de Melun. Son œuvre 
témoigne de quelque goût littéraire et d'érudition, enfin certains pas- 
sages trabissent, ce semble, un supérieur. 

Les documents déjà cités nous livrent les noms de plusieurs des 
jeuaes religieux de Château-Landon. Une lettre d’un novice de Livry 
éoumère les noms d’Anüré. Pierre de la Terremolle, Patrice Ferri, 
Barthélemy Dugourt, Jean Vermelle (2). Le document qui les nomme 
les exclut également. Cette lettre, non datée, est postérieure de fort 
peu au 21 novembre 1499 ou 1500. C'est à ce jour, en effet, que les 
jeunes novices destinés à Livry y furent conduits par Mombasr (3). Or, 
notre chroniqueur, nous l'avons vu, se trouvait à Cysoing depuis le 
mois de juin 1499 et y demeura après le départ de Renier Koctken, qui 
rejoignit Mombaer à Livry vers l’Assomption 1500 (4). D’autres raisons 
encore les font écarter ; Patrice Ferri et Jean Vermelle, parce que la 
chronique raconte leur décès; Pierre de la l'erremolle était entré à 
Saint-Séverin avant la réforme et paraît avoir quitté l’abbaye (5); 
André est mort avant le chapitre de 1522, trop tôt pour écrire cette 
apostrophe au nouvel abbé deCysoing dont il a été question plus haut (6). 


(x) F. 4r. 

(2) Bibl. S. Genev., 1140, f. 107 : « Fratrem Andraeam, fratrem Petrum, 
fratrem Patritium, fratrem Bartholomaeum et Joannem secundum nominis 
interpretationem in quo est gratia (Vermelle) Cameracenses scilicet omnes 
ibidem habitantes ». Cette liste ne donne que les prénoms; d’autres docu- 
ments, spécialement les notices nécrologiques, y ajoutent les noms ou 
surnoms. Le jeune auteur de la lettre se trompe sur la patrie de plusieurs de 
ceux qu’il appelle « cameracenses »; Jean Vermelle était douaisien, du 
diocèse d'Arras, Barthélemy Dugourt de Paris. Cfr Liber de origine, f. 49V; 
Nécrologe de Saint-Séverin, Arch. de Seine-et-Marne, H 60, f, 9v et 4v. 

(3) Liber de origine, f. 42v. Notre chroniqueur, à son ordinaire, n'indique 
pas l’année, mais cette véture eut lieu en la fête de la Présentation qui 
suivit de peu l’élévation de Mombaer à la dignité d’abbé de Livry, soit en 
1499 ou 1500. Ce n’est pas ici le lieu de discuter la date précise, cette appro- 
ximation suffisant à notre sujet. 

(4) Liber de origine, f. 39v et 33. Bibl. S. Genev., 1150. f. 6. 

(5) Bibl. S. Genev., 1149, f. 67v-68, lettre de Philippe Hodoart, péniten- 
cier de Sens, qui le protégzait. Une autre lettre dit à son sujet : e Petrus con- 
frater vester vult ire retro .. » Bibl. S. Genev., 1140, f. g8v. Le Nécrologe de 
Saint-Séverin ne cite pas son nom, ni les Actes des chapitres généraux. 

(6) Les Actes de cette année contiennent l’annonce nécrologique de deux 
André. Bibl. S. Genev., 1841, f. 50. 


474 MÉLANGES. 


Barthélémy Dugourt est cité dans le nécrologe de Saint Séverin avec le 
titre de « presbyter parisicnsis » (1). 

Tous ceux-là écartés, il reste un nom, celui de Guillaume Gregory, 
que citent divers documents. C’est sur lui que convergent tous les 
indices relevés au cours de cette étude. 

Le nécrologe de Saint-Séverin note qu’il était né outre- Manche 
« scotus natione » (2). Plusieurs de ses lettres sont conservées. Dans 
l'une d'elles il prie Mombaer, son correspondant, de saluer « ses frères 
du collège de Montaigu, Maître Client et les autres » (3). Ces expres- 
sions montrent non seulement qu'il était en relations avec ce collège, 
mais qu'il avait fait partie de la communauté des pauvres clercs 
appelés ici ses frères. 

Qu'il ait été des premiers novices reçus à Saint-Sévérin, en 1497, 
aucun témoignage explicite ne le prouve. Mais voici qui l'établit. Le 
20 mai 1499, Philippe Hodoart, pénitencier de l’archevêché de Sens, 
dont dépendait Saint Séverin, envoie des dimissoires pour permettre à 
plusieurs clercs de l’abbaye de recevoir les ordres aux Quatre-Temps 
de Pentecôte, le samedi suivant, 25 mai. Il ajoute : « le frère Guillaume 
Gregory recevra les ordres mineurs en même temps que la tonsure » (4). 

Il était donc profès à cette date. Les constitutions de Windesheim, 
scrupuleusement observées à Saint-Séverin, interdisaient de promou- 
voir les novices aux ordres, fût-ce aux ordres mineurs (5). Profès en 
avril ou mai 1499, cela suppose la vêture au jour correspondant de 
l’année 1498. Celle-ci était précédée de plusieurs mois, voire d’une 
année de cléricature. Jean Busch raconte qu'il resta dix-huit mois dans 


(1) Arch. de Seine-et-Marne, H 60, f. 4v. 

(2) Ms. cité, f. 1x3v : « Item fratris nostri Gulielmi Gregorii... » En marge : 
« Hic fuit Scotus natione, et post nostrae domus reformationem fuit secundus 
prior domus nostrae sancti Salvatoris Meldunensis ». Gregorii traduit, ce 
semble, le nom anglais assez répandu de Gregory. 

(3) Bibl. S. Genev., 1140, f. 95v-96 : « Poteritis me commendare fratribus 
meis.. in Collegio Montis Acuti, Magistro Clienti et aliis ». 

(4) Bibl. S. Genev., 1149, f. 68 : « Frater Gulielmus Gregorii una cum 
tonsura minorces ordines accipiat ». Cette lettre cst datée simplement : « die 
lunae, ex Senonis ». Il s'agit du lundi de la Pentecôte, et la lettre vise les 
ordinations du samedi suivant, la présentation des ordinands devant se faire 
« Veneris proxima », ct Hodoart annonçant son déplacement « in proximo 
Sacramenti festo ». L'an est 1499, non pas 1500, puisque à cette date Jcan 
Standonck était en exil tandis que la lettre le suppose à Paris, et Guillaume 
Gregory était à Cysoing. Cfr A. RENAUDET, Jean Standonck, p. 62 ss. et plus 
bas, page suivant”. 

(5) « Novitii ante professionem suam non debent ad ordines aliquos nec ad 
minores quidem promoveri ». Dans les statuts de Windesheim, pars III, 
cap. [. Bibl. royale, Bruxelles, ms. 11224, f. 47 v.; dans ceux de la Congré- 
gation réformée de France, ce chapitre est le premier du livre II, Bibl. 
S, Gencev., 2963, f. 35 v. 


. LE CHRONIQUEUR DE SAINT-SÉVERIN, 479 


cette situation (1), — cela nous reporte à l’année 1497. On peut croire 
qu'au début de la réforme, après la désagréable expérience des deux 
premiers clercs qui les avaient quittés, les supérieurs de Saint-Séverin 
ne s'étaient point hâtés de donner l’habit à leurs nouvelles recrues. 

Autre indice. Guillaume Gregory fut le compagnon de Renier Koetken 
” dans la réforme de Cysoing, à partir de juin 1499. Rendant compte de 
sa mission à Jean Mombaer, le sous-prieur décrivait l’activité de son 
compagnon. « Il y a ici dix jeunes religieux, écrivait-il; notre frère 
Guillaume Gregory est mis à leur tête... Tandis que nous le détestions 
à cause de sa conduite, ils le véoérent. On l’a commis au soin du 
vestiaire et du réfectoire » etc. (2) 

De Cysoing, Guillaume écrivait lui-même des lettres dont plusieurs 
ont été conservées. L'une contient des notes sur la fondation de 
Cysoing (3), une autre se termine par une épître en vers (4). Les actes 
du chapitre général en rapportant sa mort feraient l'éloge de sa science 
et de son érudition (5). Ces traits conviennent à l’auteur du Liber de 
origine... de qui on à noté les exercices littéraires et les essais 
historiques. 

Cet auteur paraît aussi, à de certaines remarques, à de certaines 
réflexions, avoir occupé des charges de supérieur. À deux reprises, en 
1599 et 1510, Guillaume Gregory est désigné par le chapitre général 
pour visiter canoniquement l’abbaye de Livry. Le même chapitre de 
l’année 1510 l'appelle à faire partie du « chapitre privé » ou conseil 
du supérieur général (6). Entin il occupa la charge de prieur du couvent 
de Melun (7). | 

Notre Guillaume Gregory avait un cousin de même prénom et de 
même nom, son condisciple au collège de Montaigu, qui devint carme. 
Une lettre datée d'Albi fait part de son élévation à la charge de sous- 
prieur. Il y est fait allnsion à un certain Thomas Stewart, « leur com- 


(x) JEAN Buscu, Liber de reformatione monasteriorum, L. I, cap. II. 
Er. K. GRUBE, p. 395. Halle, 1887. 

(2) A. RENAUDET, Jean Standonck, p. 55. Bibl. S. Genev., 1149, f. 26 v. : 
« Decem iuvenes inter quos frater noster Gulielmus Gregorii caput est. Et 
sicut nos detestabamur eum propter mores, sic illi eum vencerantur, et consti- 
tuerunt eum vestiarium et refectorarium ». Le vieux sous-prieur était d’un 
zèle assez amer. 

(3) Bibl. S. Gencv., 1140, f. 95 v. 96. 

(4) Ibid. f. 98. 

(s) Bibl. S. Genev., 1841, f. 94 : « Vir sanctitate et scientia literarum 
insignis ». 

(6) Ibid., f. xx v. et 14. 

(7) On a lu plus haut le texte du Nécrologe de Saint-Séverin. Il est con- 
firmé par les actes déjà cités aussi des Chapitres généraux, bibl. S, Genev., 


1841, f. 94. 


476 MÉLANGES. 


patriote (1). Ce nom est assez anglais pour servir de confirmation à ce 
qui a été dit plus haut de la nationalité de Guillaume. 

Nous n'avons pas d’autres détails sur la vie et l’activité du chroni- 
queur de Saint Séverin. Il mourut prieur de Melun en juin 1530 (2). 

Si l’on songe que seul de tous les jeunes religieux de Saint-Séverin, 
Guillaume Gregory réunit en sa personne les données diverses que la 
chronique fournit sur son auteur, — qu’il n’était pas français, que venu 
du collège de Montaigu à Saint-Séverin en 1497, il était à Cysoing en 
1499, qu'il fut ensuite au prieuré de Melun, et le reste, on sera fondé à 
croire qu’en célébrant son activité littéraire le chapitre général visait 
non pas tant ses distiques que l’importante chronique où la réforme 


était racontée. PIERRE DEBONGNIE, C. SS. R. 


(1) Bibl. S. Genev., 1149, f. 114 V.-115. 

(2) Cette date s'obtient par la combinaison des Actes des Chapitres 
généraux, — c’est au printemps de 1531 que sa mort est annoncée, — et du 
Nécrologe de Saint-Séverin qui en fait mémoire au mois de juin. Mss. cités 
plus haut. 


COMPTES RENDUS. 


Don MARIANO ALOCER MARTINEZ. Archivo General de Simancas. Guio 
del investigador. Valladolid, 1923. 


Sous la forme d'un élégant volume, d'un peu plus de 200 pages, 
illustré d'une douzaine de photographies, vient de sortir des presses 
de la Maison sociale catholique de Valladolid, un guide des archives 
de Simancas. L'auteur, le nouveau conservateur en chef de ce dépôt, 
D. Mariano Alocer, explique dans la préface que son travail n'est ni 
ua inventaire systématique, ni un exposé historique. Ce qu'il a voulu 
faire, c'est donner au chercheur un guide pour ses premières investi- 
gations, un moyen de se renseigner sur la question de savoir si le 
dépôt de Simancas contient des documents relatifs au sujet qui l’oc- 
cupe, et éventuellement dans quelle collection se trouvent ces docu- 
ments. | 

Dans quelle mesure ce but a-t-il été atteint ? 

Le lecteur étranger — et c’est bien à lui que le Guio semble destiné 
particulièrement — est bien perplexe devant cette question. Seul un 
archiviste de Simancas ou un client habituel du dépôt, qui a pu par 
expérience personnelle acquérir une connaissance assez étendue de 
l'origine, de la composition, de l’état de classement des diverses col- 
lections, serait à même de donner à la question posée ci-dessus une 
réponse autorisée. Tout autre se confinera dans une neutralité bien- 
veillante. Il le fera d'autant plus facilement que le directeur de 
l'Archivo Historico Nacional de Madrid, D. Joaquim Gonzalez, écrit 
dans l’avant-propos très élogieux, qui se trouve en tête du volume, 
que le guide de D. Mariano est une photographie tidèle et réelle de 
cet incomparable dépôt d'archives, le plus ancien et le plus homogène 
de tous les dépôts espagnols. 

Le Guio comprend deux parties. Le tableau sommaire des viagt-huit 
sections dans lesquelles se trouve repartie la masse énorme des 
registres et liasses conservées à Simancas et une table onomastique 
et systématique, destinée à faciliter les recherches. Cette dernière 
partie est, aux yeux de l’auteur, d'importance capitale, car, dit:il, elle 
permet de retrouver instantanément les sections et leurs subdivisions. 

Les 28 sections sout les suivantes : 1) Patronat royal, 2) Patronat 
ecclésiastique, 3) Maisons royales et personnes royales, 4) Chambre de 
Castille, 5) Conseil royal de Castille, 6) Secrétairerie d'Etat, 7) Secré- 
tairerie de Grâce et de Justice, 8) Secrétairerie de Guerre et de Marine, 
9) Secrétairerie de Guerre, 10) Sccrétairerie de Marine, 11) Ancien 
conseil des finances, 12) Contadorie de la croix, 13) Contadorie ma- 
jeure, 14) Contadorie des soldes militaires, 15) Contadorie des mer- 


478 COMPTES RENDUS. 


cèdes, 16) Contadories générales, 17) Direction générale des revenus, 
18) Direction générale du trésor, 19) Expedientes, 20) Enregistrement, 
21) Secrétairerie des finances, 22) Superintendance des tinances, 23) 
Grand tribunal des comptes, 24) Secrétairerie provinciale, 25) Rap- 
ports d'Italie, 26-28) Appeundices. 

Les 25 premières sections semblent bien correspondre chacune à un 
fonds d'archives, c'est-à-dire à l’ensemble des documents reçus ou créés 
par une administration distincte. Il eut été souhaitable pourtant que 
la chose fut indiquée plus explicitement. Si elle est toute évidente 
pour la secrétairerie d’État, ou le Conseil royal de Castille, on désire: 
rait savoir pourquoi les secrétaireries provinciales de Naples, de 
Sicile, de Milan, de Flandre,et de Portugal ne constituent pas autant 
de fonds distincts. On se demanile aussi de quelle institution émanent 
les Rapoaorts d'Italie. 

Aussi regrettable nous paraît l'absence de toute indication histo- 
rique sur les diverses institutions dont les archives défilent sous nos 
yeux. Qu'est-ce exactement que le Patronat royal ? Quelles étaient les 
attributions des diverses contadories ? Comment le lecteur p'ut-il 
savoir, que la secrétairerie de Flandre est en réalité la secrétairerie 
du Conseil suprême de Flandre et de Bourgogne, établie à Maiürid par 
Philippe 11 ? Comment saura-t-il que dans les archives de cette secré- 
tairerie, il ne trouvera d'indications que sur les questions de politique 
intérieure, nominations, affaires religieuses, économiques — tout ce 
que les documents de l’époque appellent negocivs de particulures —, 
tandis que ce sont les papiers de la Secrétairerie d'Etat qui l’initieront 
à la politique secrète des rois d'Espagne, non seulement dans la Pénin- 
sule, mais aussi dans les provinces comme les Pays Bas. Dans l’un et 
dans l’autre de ces deux fonds, on trouve une correspondance du roi 
avec les gouverneurs des provinces, mais n’eût-il pas été intéressant 
de rappeler que la correspondance, contresignée par le secrétaire 
d'Etat, était la correspondance secrète, écrite en espagnol signée 
Jo el Rey tandis qu'à la secrétairerie de Flandre, le roi signait Philippe 
ou Charles et qu'on y faisait usage du français ? Une brève notice 
historique indiquant l’origine, les attributions et l'évolution de l'insti- 
tution qui à donné naissance au fonds d'archives, nous paraît aussi 
indispensable à un guide qu'à un inventaire. 

Le Guio ne se borne pas à énumerer les collections, il prétend aussi 
éclairer le lecteur sur les différentes séries de documents qui consti- 
tuent chacune d'elles. 

Ces indications re pouvaient être que fort sommaires ; il semble 
assez probable d'ailleurs que l'auteur ne renseigne que les séries les 
plus importantes. On regrettera l'absence de tout renseignement sur 
l'importance numérique de chaque série. Ce qui sera par contre par- 
ticuliérement bien accueilli, c'est l’'énumération de tous les inventaires 
manuscrits exécutés par les archivistes de Simancas pour chacune des 
collections contiées à leur garde, 


C. R. BORLAND : CATAL. OF WESTERN MEDIAEVAL MANUSCRIPTS. 479 


L'examen du travail de D. Alocer, considéré dans son ensemble, 
suggère les deux observations suivantes : 1) Le dépôt de Simancas est 
décidément un dépôt tout particulier, auquel aucun de nos dépôts 
_ belges ne saurait être comparé. Il ne comprend, en effet, que des docu- 
ments l'intérêt général, qui doivent leur existence à des institutions 
politiques, à des rouages de l'administration centrale. Dans nos dépôts 
belges, à Bruxelles aussi bien qu'ailleurs, se trouvent de multiples 
collections d'intérêt particulier ou local, archives d'institutions reli- 
gieuses, greffes scabinaux, protocoles de notaires, ete. À Simancas, il 
p'y a que des papiers d'Etat ; 2) Ce dépôt n'est réellement important 
que pour l'époque moderne. 

Pour les trois cents ans qui vont de l’avènement de Charles-Quint 
à la destitution de Charles IV et de Ferdinand VII, les documents de 
Simancas sont une mine inépuisable de renseignements pour l’histoire 
politique et militaire de la monarchie espagnole, de l’ensemble die ses 
possessions italiennes, belges et américaines et de tous les pays qui 
ont eu maille à partir avec les rois catholiques, c'est-à-dire l'Europe 
entière. Il serait oiseux de répéter, après tant d'autres, que c’est là en 
rarticulier que nous, Belges, devons chercher les matériaux permettant 
de retracer nos annales des xvi° et xvire siècles. On peut donc dire 
que tout ce qui contribue à faire mieux connaître l'antique dépôt de 
Simancas, à en faciliter l’accès, à accélérer le travail de nos compa- 
triotes qui s’y rendraient, contribue par le fait même au progrès des 
études historiques belges. De ce chef l'instrument de travail de D. Alo- 
cer, tout imparfait quil soit, sera le bienvenu chez nous. 


JoskPrH LEFÈVRE. 


CATHERINE R. BorLanp, M. À. À descriptive catalogue of the Western 
mediaeval Manuscripts in Edinburgh University Library. Édim- 
bourg, University press, 1916. In-8, xxx-399 p. 


Les événements des dernières années n’ont pas permis de donner à 
ce beau catalogue toute l'attention que méritent le fonds qu'il décrit 
et le soin minutieux dont a été entourée son élaboration. L'auteur, 
bénéficiaire d’un Carnegie Research Fellowship, a pris comme modèles 
les catalogues de Montagu Rhodes James, si hautement appréciés de 
tous ceux qui ont travaillé dans les bibliothèques de Cambridge : c’est 
dire qu'elle était à bonne école. D’autres noms, comme celui de 
M. Liodsay, bien connus de tous les fervents de la philologie latine 
médiévale, se rencontrent dans la liste de ceux qui ont aidé l’auteur 
de leurs conseils et de leurs informations. Tout cela, de prime abor“, 
pous donne l'asurance que l'université d'Édimbourg avait placé en 
bonnes mains la confection de son catalogue. 

L'examen du volume confirme cette appréciation. La description 
matérielle des manuscrits, la collation, l'étude minutieuse du contenu, 


480 | COMPTES RENDUS. 


l’heureuse disposition des divers caractères typographiques, le relevé 
des indices de provenance et des détails de paléographie ou d’orne- 
mentation, — car le fonds est riche en volumes à miniatures et lettrines 
« tornées au pincel », — tout a été poussé avec un soin extrême. : 
L'impression du volume, digne en tous points de ce que nous sommes 
habitués à voir sortir de l’University Press, est rehaussée par une 
abondante illustration hors texte, qui comprend 24 reproductions. 

Le fonis latin de l'University Library est de contenu moins étendu 
que choisi et de formation récente. S'il ne se présente pas à nos yeux 
nimbé dans l'auréole du passé, comm’ ces vieux fonds d'abbayes qui 
ont traversé dix ou douze siècles sans sortir de leur Libruria, il éveille 
un intérêt de saveur spéciale par la seule diversité des provenances 
dont l’auteur du catalogue a habilement relevé tous les vestiges : nous 
avons là sous la forme d'un commentaire vécu tout un chapitre des 
Wanderings of manuscripts, dont récemment M' Rhodes James donnait 
un si intéressant croquis. Singulière destinée de ces témoins du passé 
dont quelques-uns, par un caprice du hasard, échappent à la destruction 
et après moult pérégripatious depuis l'Italie (Sienne), la Thuringe 
(Erfurt), les îles de l'Atlantique, les Pays-Bas (Louvain) ou la France, 
finissent par être abrités dans un dépôt public et arrachent peut-être à 
l'oubli des auteurs ou des œuvres disparus dans leur pays d'origine ! 

Si la grande partie — les deux tiers au moins — des acquisitions est 
récente, postérieure à 1825 et surtout à 1846, il faut rappeler cependant 
ce trait curieux de la première formation du fonds dans les deux 
premiers siécles de son existence : des 31 manuscrits entrés avant 
1767, un bon nombre proviennent de dons, ou des cotisations en nature 
qu'exigeait Le réglement de 1636 ; aux termes d’un article, les habitants 
de la ville qui n'avaient pas passé par le Town's College ne pouvaient 
béaéticier de s1 bibliothèque qu'après lui avoir procuré un volume 
manuscrit ou imprimé. 

Les achats, le legs de [a collection Laing en 1873, — plus de la 
moitié de l’ensemble, — et les autres modes d'acquisition, ont eu 
comme résultat de mettre sur pied une collection imposante et variée 
de 20 manuscrits latins. La partie ecclésiastique ou religieuse y 
représente l'apport le plus considérable, caractéristique habituelle des 
vieux fonds médiévaux : liturgie et dévotion privée, 43 pièces; 
théologie, 48; droit civil et canonique, 27; médecine, 17; histoire, 17; 
littérature, philosophie, livres scolaires, 5 ; il faut y joindre quelques 
fragments et une douzaine de manuscrits grecs. L’épithète de 
médiéval, com ne 1e fait remarquer l’auteur, doit s'entendre au sens 
large, un certain nombre de pièces datant seulement du xvi® siècle ; 
peu de manuscrits sont antérieurs au x111° siècle. 

La collection est surtout remarquable par le beau groupe de ses 
livres liturgiques ; signalons un remarquable psautier celtique d'origine 
présumée écossaise, et s'il en est réellement aiosi, un des plus anciens 
du genre, deux bréviaires de l'usage de Sarum, quelques imposants 


C. R. BORLAND : CATAL. OF WESTERN MEDIAEVAL MANUSCRIPTS. 48l 


livres de chœur, le magnifique livre anglais d'Horae dit St Katherine 
Book of Hours, et quelques fragments, de date plus ancienne. 

Du point de vue historique, quelques numéros sont précieux : des 
missives de Richard II et d'Henri IV, une chronique écossaise, des 
fragments en vers sur Le règne de Philippe-Auguste. Pour l'histoire de 
la culture et de l'instruction en Ecosse, l’auteur apporte par l’ensemble 
de son catalogue une contribution intéressante ; l'on ne peut que la 
louer d’avoir relevé avec un soin jaloux, ou mieux con amore, tout ce 
qui pouvait das les manuscrits décrits intéresser l'Écosse de loin ou 
de près ; c’est aussi un des aspects instructifs de son introduction. 

Les amateurs de la littérature chrétienne et de l’histoire des doctrines 
et des croyances verront avec intcrêt la mention d'un nouveau 
manuscrit d'Hermas s'ajouter à la liste des témoins médiévaux du 
Pasteur ; inconnu à Lightfoot, à von Gebhardt et à Harnack, il se 
rattache, semblet-il, à la versio vulgalu et non à la palatine, pour 
autant que les courts éncipit et desinit permettent une appréciation. 
Cette fois Le texte du Pasteur, du x1v° siècle, ne se présente pas dans 
ua manuscrit biblique, mais dans un volume qui contient aussi le 
De Trinitate de Richard de Saint-Victor. Ce qui en augmente pour nous 
l'intérêt est sa provenance même : il à appartenu jadis aux Augustins 
de Saint-Martin de Louvain. D’autres pièces qui mériteraient attention 
sont quelques apocryphes bibliques, que l'auteur a très sagement 
groupés dans sa table alphabétique, comme quelques lettres du Christ, 
un fragment du Liber Adae traduit en anglais (n. 218, 7, p. 310), etc., 
un sermon sur la conception de la Vierge, une pièce sur les neuf glaives 
de douleurs de la Vierge, un certain nombre d'ouvrages ascétiques 
néerlandais, etc. Plusieurs de ces pièces ne sont pas inédites. 
Habituellement, au cours de sa description, l’auteur n'indique pas si 
l'œuvre a déjà été publiée. Les recherches souvent considérables 
qu'eùt exigées ca travail auraient pu se combiner avec celles que 
demandait l'identification de beaucoup de pièces dont nous allons 
parler. Parmi les inédits, mentionnons entre autres les nombreux 
traites du Chartreux Jean de Indagine, écrivain fort fécond du milieu 
du xv° siècle (n. 71, 119, 153, etc.). 

L'identilication des anonymes et des pseuilépigraphes dans la partie 
théologique n’a pas tuujours été poussée aussi loin que le faisait espérer 
le soin minutieux qui à accompagné la description. Il faut reconnaitre 
d’ailleurs que c’est là une des tâches les plus ardues dans la confection 
des catalogues et sans une longue accoutumance à cette littérature mé- 
diévale, disons même, sans une pointe d’audace, il n’est pas possible de 
s'aventurer dans ce fouillis avec l'espoir d’en éclairer tous les recoins. 
Signalons rapidement quelques-unes des principales omissions : Île 
Compendium theologicae verilaus (n. 73, 74, 112; p. 23 et 125-126, 
178-179) a diverses attributions dans les manuscrits mêmes, qu’on ne 
retrouve pas à la table alphabétique. L'anonymat du n. 72 (p. 123) 
n'est pas résolu. Le Liber de Sacramentis, mentionné au n. 76, 2 (p. 128), 


482 COMPTES RENDUS. 


est en réalité Le livre IV du commentaire de S. Bonaventure sur les 
Sentences. A Thomas de Cantimpré revient le Bonum universale de 
apibus qui eut tant de célébrité au moyen âge (n. 78, 3; p. 131). Le 
De arrha animae faussement attribué par le scribe à S. Augustin 
(0. 78, 7; p. 131) est de Hugues de Saint-Victor ; un autre exemplaire, 
mais incomplet, s'eu trouve avec nom d'auteur au n. 89, 4 (p. 144). 
L'auteur de la Légende dorée (n. 89, 6; p. 144), Jacques de Voragine, 
devrait être mentionné ailleurs encore qu'à la table finale. L’Armandus 
cité en tête du De dectaratione dificilium... nominum est Armand de 
Bellovisu ou de Beauvoir. Le frauciscain Fr. Mayron (n. 112,3; p. 178) 
mérite que son œuvre soit mise sous son vrai nom, etc. D'autres pièces 
(u. 112, 113 etc.) reviennent à Denys le Chartreux ; un De doctrina 
cordis pourrait appartenir au domipicain Gérard de Liége, ete. La 
table alphabétique n'est pas toujours complète, ni toujours tidèle à la 
conception méthodique qui doit présider à sa coufection. Nous en 
avons déjà signalé quelques lacunes miuimes. Denys le Petit, traduc- 
teur du De conditione hominis de Grégoire de Nysse (n. 10, 2, p. 158), 
est absent de la table, tandis que nous y voyons figurer Robert Grosse- 
teste pour sa traduction du Testament des XII Patriarches (n. 67; 
p. 117). Albert le Grand n'est pas mentionné pour le Compendium 
theologicae veriluus qui porte sou nom (n. 33; p. 124), ni Vincent de 
Beauvais pour un extrait de son Speculum historiale \n. 112, 4; p. 178). 
L'Hisloria scolastica üe Pierre Comestor, traduite en français par 
Guiart des Moulins, aurait dù être signalée au nom de sun auteur aussi 
bien qu'à celui de son traducteur (0. 18; p. 24). 

Les anonymes sont tous groupés sous une seule rubrique : Anony- 
mous. Cela n’est pas à condamner; mais pourquoi ue pas avoir suivi 
dans Îcur classement l’ordre alphabétique ? L'auteur les à rangés 
d'après le numéro d'ordre des manuscrits, autrement dit, d’après les 
pages de sou catalogue, ce qui oblige à tout lire et complique les 
recherches. Une autre remarque tombe sur le libellé des éncipit : autre 
question qui doit être résolue par une conception méthodique ferme- 
ment appliquée. Or, trop souvent nous avons ailaire à un éncipil 
amorple ou imprécis, comme uu texte biblique, qui ne permet pour 
le sermon ou le traité qu’il introduit, aucune possibilité d’identitica- 
tion : tel est le cas, entre autres, du Cordiale (n. 113, 19, p. 182); ou 
bien nous n'avons que l’incipit d'une préface, comme pour les Quatluor 
libri Sententiarum abbreviati (n. 112, 5; p. 178), ce qui ne nous dit 
pas si nous avons sous les yeux l’abrégé de Bandinus, de Gandulphe 
ou quelque autre abréviateur. Et s’il est permis d’énoncer une 
remarque genérale ou de formuler un désir, en prenant congé de ce 
beau volume, fruit d'un consciencieux travail, pourquoi ne pas nous 
donner la table des tncipit à la fin de tout catalogue de ce genre ? Ce 
serait rendre un service immense à tous ceux qui ont à manier les 
manuscrits mediévaux. Eu mème temps que l’identitication des pièces, 
J'énorme travail d'un relevé général des incipit, dont on a parlé à 


DIETLEF NIELSEN : DER DREÏEINIGE GOTT. 483 


diverses reprises et tout récemment encore au Congrès international 
d'Histoire de Bruxelles, en serait considérablement facilité ; ce 
serait un premier acheminement vers sa réalisation, d'ordre essen- 
tiellement pratique et sous sa forme la plus accessible et la moins 


dispendieuse. J. DE GHELLINCK, S. J. 


Dierier NieLsEN. Der dreteinige Gott in religionshistorischer Beleuch- 
tung. T. 1 : Die drei güttlichen Personen. Copenhague, Gylden- 
dalske Boghandel, 1922. In-8, x-472 p. avec grav. 


Jusqu'ici M. Nielsen s'était adonné à des travaux spéciaux sur Île 
panthéon de l'Arabie du Sud. C’est en partie le résultat de ces études 
qu'il veut mettre à profit dans le présent ouvrage, qui est une œuvre 
de vulgarisation. L'auteur y évite l'emploi des caractères sémitiques, 
traduit toutes ses citations de textes anciens, vise et réussit à donner 
un exposé accessible à tous, et y joint une abondante illustration. 

Des l'épigraphe de son livre, M. Nielsen nous avertit qu'il est indé- 
pendant de tout système dogmatique. Ce n’est pas toujours une recom- 
maodation en matière d'histoire des religions. | 

Après bien d’autres, l’auteur entreprend d'expliquer la différence, 
qu’il juge radicale, entre le christianisme des évangiles synoptiques, 
d'une part, et celui de S. Paul et de S. Jean, de l’autre. On a souvent 
eu recours à l’idée d'emprunts faits par le christianisme primitif à des 
religions sémitiques autres que le judaïsme, et à bon droit, pense 
M. Nielsen. Mais l'on s’est grandement fourvoyé en voulant voir dans 
la religion babylonienne la source première des éléments empruntés. 
La religion babylonienne est compliquée, très différeuciée, secondaire. 
L'origine de la religion des Sémites doit se chercher ailleurs et plus 
haut (car l’auteur trouve qu'il existe entre les diverses religions des 
peuples séraitiques assez d'éléments communs pour qu’on puisse les 
traiter comme un fond unique, comme un tout). Comment atteindre 
l'état primitif de cette religion ? Le reconstituer par conjecture est 
hasardeux. Nous avons mieux. Nos sources nous font connaître une 
forme de religion sémitique fruste, sans emprunt babylonien et con- 
tenant les divers thèmes communs aux autres : c’est la religion de 
l'Arabie du Sud. Elle représente le stade primitif de la religion des 
Sémites de l’histoire, les seuls dont l’auteur s'occupe. Retracer l’évo- 
lution complète de cette forme religieuse en la conduisant jusqu’au 
moment où ce courant se fondit avec celui qui était issu de Jésus de 
Nazareth, tel est le but que l’auteur se propose. Selon une loi univer- 
selle, les stades de ce développement religieux seront solidaires de 
ceux du développement de la civilisation générale, en l'occurrence, 
successivement le passage de la vie nomade à la vie agricole et l’inva- 
sion de la cuiture hellénique. À raison du caractère conservateur des 
religions, on peut s'attendre à retrouver à chacun des stades les thèmeg 


4g1 - COMPTES RENDUS. 


essentiels de la religion primitive nomade, mais transposés dans le 
ton de la période nouvelle. 

Telle est la méthode (Introduction, p. 1-35) que l’auteur va suivre 
dans l’étude des conceptions des Sémites sur la divinité. Celles ci se 
raméperaient essentiellement à la croyance en une seule triade divine. 
Ce premier volume est consacré aux membres de cette triade considérées 
comme personnes. Un second en traitera comme principes naturels. 

Avaat cela et dans une première partie du présent volume, l’auteur 
montre ce que donne l'application de sa méthode à l'histoire de 
certains rites, la communion et le baptème, et de certaines fêtes, 
Pâques et Noël, faisant tout dériver du monde sémitique ancien. 

Retenons seulement son idée sur les origines de l'Eucharistie. A part 
l'identification pure et simple du dieu avec un animal, donc à part le 
totémisme (p. 138), l’auteur admet la théorie de R. Smith sur le sacritice 
chez les Sémites : la communion, forme primitive du sacritice, le sacri- 
fice expiatoire, forme postérieure. Le principal mérite de ce système, 
pense M. Nielsen, c’est d'avoir montré l'importance pour ces peuples 
de l'idée de la parenté physique des fidèles avec le dieu et de son 
renouvellement par le repas sacrificiel. R. Smith n'avait pas fait 
d'application directe de sa théorie à la cène chrétienne. M. Nielsen va 
résolument de l'avant. Selon la dogmatique chrétienne, dit-il, la cène 
est sans doute un sacrifice expiatoire, mais dans la pratique, et c’est ce 
qui importe pour l'histoire, elle est une communion. Or, si la conception 
du repas prédomine, c’est qu’elle est une survivance tenace de l’ancien 
sacrifice arabe, c'est un cflet du caractère conservateur des religions. 
L'auteur en donne une preuve : chez les Sémites anciens, le sang de la 
victime était réservé au dieu lui-même; de même, dans l'Eglise catho- 
lique, le prêtre seul, représentant de Dieu, peut absorber le sang 
consacré (p. OÙ). 

Dans la seconde partie, l’auteur aborde les conceptions de la divinité : 
la théologie des peuples semitiques se ramèue, dit-il, à la croyance en 
une famille divine unique, un dieu père, une déesse mère, un dieu fils. 
C'est sous cette forme que tous ces peuples se sont représenté les 
divinités astrales auxquelles s’adressait leur culte, la lune, le soleil, 
la planète Vénus. De cette famille divine, le clan est issu par voie de 
génération naturelle, chacun de ses membres étant tils du dieu père et 
de la déesse mère et frère du dieu fils, comme le prouvent de nombreux 
noms propres personnels des Sémites. À quelques différences près entre 
les Sémites du Sud et ceux du Nord, ditférences qui tiennent au passage 
de la vie nomade du clan à la vie agricole de la nation, la conception 
d'une telle trinité se retrouve identique chez tous ces peuples. A 
l'intérieur de chacun d'entre eux, les multiples noms de dieux ne sont 
que des dénominations locales ou qualitatives différentes de l’un ou 
l'autre des membres de la triade divine. Ainsi, à Babylone, Marduk, 
Ninib, Nabu, Nergal, lamuz, Saru, Bel, Ah, ne sont que des noms 
divers du dieu fils. 


DIETLEF NIELSEN : DER DREIEINIGE GOTT. 485 


Cette simplification une fois introduite dans le panthéon sémitique, 
l'auteur, dans trois chapitres consacrés respectivement au Pére, au 
Fils et à la Mère, s'attache à retracer l’évolution de l’idée de chacune 
de ces personnes divines depuis la plus haute antiquité jusqu’à la 
naissance du christianisme. Dans cette description, il reprend svuvent 
à son compte, Sans rien y ajouter de bien neuf, les thèses de plusieurs 
autres historiens des religions sur les origines du christianisme. 

Le dieu père, primitivement uni au clan par parenté physique, a été 
dans la suite conçu comme créateur du monde et comme père adoptif 
des justes. Mais l’antique conception de la paternité physique ne dis- 
parut pas complètement, et elle reprit, pour finir, un nouveau relief 
dans l’idée de la régénération mystique du fidèle. C’est cette dernière 
conception qu'on retrouve tant dans le christianisme que dans les 
religions à mystères et qui donne la clef de rites sacramentels comme 
le baptème et l’eucharistie. 

À noter ces rapprochements inattendus : chez les Sémites du Nord, 
le dieu père était représenté sous la forme d’un vieillard à barbe 
blanche, portant un bâton, la déesse mère comme une jeune femme et 
le dieu tils comme un petit eufant. D'où, conclut sans nésiter l'auteur, 
toujours en vertu du caractère conservateur des religions, notre 
manière de représenter la Sainte Famille. Et il insère dans son texte 
la reproduction d'une Sainte Famille de Raphaël, où l’on voit S. Joseph 
portant une barbe blanche et tenant un bàton, à côté de la Vierge et de 
l'enfant Jésus (p.211). De même, le dieu père, à Babylone, était repré- 
senté avec les insignes royaux. D'où, au moyen âge, l'usage de dessiner 
parfois Dieu le Père avec la tiare du pape : le pape est l’ancien de la 
communauté, comme autretois le dieu pére était l’ancien céleste du 
clan arabe. Suit une miniature du moyen âge représentant Dieu le Père 
en pape (p. 213). | 

Le dieu fils est, chez les Sémites du Nord, roi céleste, seigueur, fils 
premier-né de Dieu, médiateur eutre Dicu et les hommes. Le roi est 
une incarnation du dieu fils, mais l'incarnation par excellence se fera 
dans un roi-messie de l'avenir qui établira le règne spirituel. Ce dieu 
est aussi un dieu mourant pour nos fautes, ressuscitant, et, dans les 
rites d'union, nous donnant part à sa vie nouvelle et nous assurant par 
là de l’immortulité. Et tout cela était déjà tixé vers 300 av. J. C.! 

L'idée primitive de la déesse de la triade divine est celle d'une mère 
des hommes, bienveillante et secourable, leur avocate auprès du Père, 
Cette déesse est aussi La mère restée vierge du messie. En dépit d’une 
autre ligne d'evolution qui en a fait la déesse de Famour impur, l’an- 
cienne conception s'est maintenue et à repris une vigueur nouvelle 
dans le christianisme sous la forme du culte de la Vierge. 

Il reste surtout uu dernier point à éclaircir pour que la trinité 
chrétivnae se trouve parfaitemeut expliqué : d'où vient le Saint-Esprit À 
Daos un dernier chapitre, l'auteur parvient encore à la rattacher au 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 31 


486 COMPTES RENDUS. 


grand courant sémitique. Une des lignes d'évolution de la déesse mère 
y aboutit : à l’époque hellénistique, les conceptions religieuses se 
spiritualisent, l'élément féminin et maternel se trauspose en entités 
comme ia Sagesse, le Logos, l'Esprit. L’Esprit-Saint est au fond la 
mère du Messie. Ainsi, au baptême de Jésus, la colombe symbolise 
l'Esprit. Or, chez les Sémites du Nord, la colombe sert à représenter 
la déesse-mère. C’est que l’Esprit-Saint est conçu, somme toute, comme 
la mère du messie. Ce qui le prouve au mieux est 14 parole que Jésus 
entend : « Tu es mon fils bien-aimé... » Cette parole ne peut être 
prononcée que par la personne même qui se rend visible dans la scène. 
Celle-ci est non le Père mais l'Esprit. Jésus est donc fils de l'Esprit : 
l'Esprit est sa mère (p. 392). 

Et c’est ainsi que le panarabisme a tout expliqué ! 

Si nous avons si longuement rapporté toutes ces fantaisies, ce n’est 
nullement dans l'intention de jeter le discrédit sur l’histoire des reli- 
gions. C'est uniquement pour montrer une fois de plus d’une façon 
saisissante à quels excès elle aboutit, lorsqu'elle est conduite sans 


discernement ui science véritable. EF CHLGdIRE 


M. W. Hay Canman. The Last Journey of Jesus to Jerusalem. 
Oxford, University press, 1923. In-8, 159 p. 4 s. 6 d. 


Ce travail contient beaucoup plus que son titre ne semble l'indiquer. 
C'est en réalité un commentaire abrégé de l’évangile de saint Marc, 
une esquisse d'une vie de Jésus d’après ce même évangile et les narra- 
tions parallèles, ainsi qu’une contribution à la solution du problème 
central des synoptiques : la conscience messianique de Jésus et la 
valeur salutaire de sa passion. 

M. Cadman se défend d'accepter les au ioiouses conclusions des 
travaux de Wrede et de Schweitzer. Il insiste par exemple sur l'histo- 
ricité du secret messianique, et il critique vivement l'opinion de 
Schweitzer, d'après laquelle le départ précipité pour Jérusalem aurait 
résulté de la fausse position de Jésus à l’égard des foules de Galilée, 
auxquelles il avait fixé le moment de sa parousie pour le temps de la 
moisson et auxquelles la suite des événements avait réservé la plus 
froide désillusion. Néanmoins M. Cadman incline fortement vers les 
positions du protestantisme libéral et de l’exégèse indépendante. 

D'après l’auteur, Jésus considéra comme l'objet de sa mission d’an- 
noncer l’avénemeut imminent du royaume messianique, et de prêcher 
la pénitence comme la condition d'accès à la société du Messie. Non 
 p int que Jésus rattacha l'épiphanie du royaume à la pénitence du 
peuple comme à une condition préalable exigée par la providence de 
Jahweh, mas persuadé à la fois de l'avenir prochain du règne de Dieu 
et des dispositions requises pour en profiter, il consacra toute sa belle 


- M. W. HEALY CADMAN : LAST JOURNEY OF JESUS TO JERUSALEM. 487 


vie à faire entrer le plus grand nombre de croyants dans le royaume 
de Dieu. 

De ce royaume Jésus se crut le Messie eschatologique : le Fils de 
l’homme prophétisé par Daniel et décrit par les apocalypses d'Hénoch 
et d'Esdras. 

Cette conception d’un royaume à la fois spirituel et eschalologique 
heurta également le légalisme des Pharisiens, férus de l'observance 
minutieuse des prescriptions rabbiniques, le libertinage des Sadducéens, 
réprouvés ct menacés dans leurs agissements malhonnêtes, la suscepti- 
bilité des Romains, soucieux avant tout de maintenir la paix en 
Palestine et d’étouffer tout mouvement, même apparemment insurrec- 
tionnel. 

Ces différents états d'âme déterminérent l'opposition à Jésus, l’al- 
liance des Pharisiens et des Hérodiens, la crise de Galilée, la retraite 
de Jésus et de son petit groupe en Pérée, le dernier voyage vers 
Jérusalem. 

Dés cet instant Jésus Eu la vision très nette du drame, qui allait 
brutalement mettre fia à sa mission : il considéra le conflit avec ses 
ennemis comme inévitable, il pressentit qu'il allait éclater dans la ville 
sainte, le conduisant infailliblement à la mort. Aussi n’eut-il plus 
qu'une seule et grande préoccupation : intensifier la prédication de la 
pénitence, augmenter le nombre des croyants avant l’arrivée de la 
catastrophe finale, inculquer le côté spirituel de son royaume, prévenir 
auprès du peuple toute fausse conception de sa mission. C'est à tout 
prix que Jésus voulut écarter ce dernier et imminent danger, attendu 
qu'il l'aurait livré sans défense à ses ennemis et qu'il aurait détourné 
l'attention du peuple du caractère eminemment spirituel et religieux du 
royaume pour le jeter dans une aveuture de nationalisme exaspéré. 

Pour ces motifs Jésus se présenta uniquement comme un prophète, 
et il imposa à Pierre et au petit groupe dez douze, qui avaient surpris 
son vrai titre, le secret le plus strict au sujet de sa dignité. 

Mais comme toutes ces précautions menaçaient.de devenir inefficaces, 
Jésus résolut de hâter l'heure du dénouement fatal. Il avança son 
voyage vers Jérusalem, et par sa prédication nette et claire il accentua 
de propos délibéré les divergences qui le mettaient aux prises avec ses 
adversaires les plus résolus. Par malheur, au moment même où le 
peuple l'écoutait avec le plus d’avidité, Judas, pour se mettre à l’abri 
de l’orage qui déjà grondait, livra le secret messianique et fournit ainsi 
aux grands prêtres le chef d'accusation qu'ils avaient depuis longtemps 
recherché pour dénoncer Jésus. | 

La trabiison de Judas contraria le grand désir du Maître : celui de 
mourir, non point comme l'agent d'un messianisme séditieux, mais 
comme le martyr d'un messianisme tout spirituel. Néanmoins, malgré 
cette cruelle déception, Jésus conserva la foi en sa mission, à sou 
triomphe messianique, et cette fui prépara aux apôtres une nouvelle 
désillusion. Mais ceux-ci comme leur Maitre résistèrent à la crise d'âme 


488 COMPTES RENDUS. 


provoquée par l'effondrement de leurs plus chères ambitions, en donnant 
un sens nouveau et théologique aux plus navrantes de leurs déceptions. 

Comme on le voit, ces conclusions de M. Cadman sont très radicales. 
On accorde encore à Jésus une conscience de Messie, mais ce messia- 
nisme est eschatologique et il porte à faux. En outre on veut croire que 
Jésus à prévu sa mort, et on ajoute même qu’il a accepté cette perspec- 
tive non seulement avec résignation mais avec une grandeur d'âme 
sublime. Mais cette acceptation de la mort, si elle est restée celle d’un 
martyr, prêt à se sacrilier pour le triomphe de ses convictions, et 
escomptant l'intervention divine en raison de son grand dévouement, 
n’a plus aucun rapport avec la disposition d'âme que la foi chrétienne a 
toujours attribuée à Jésus : à savoir l’obéissance aux ordres du Père, le 
désir de réaliser les prophéties, en particulier celles du « Serviteur de 
Jahwebh », l'intention formelle d’immoler sa vie en sacritice et d'expier 
par cette satistaction les péchés de l'humanité. 

Le travail de M. Cadman est très bien présenté, comme d'ailleurs 
toutes les publications de l'Oxford University Press. L'exposé est clair 
et dégagé d’une érudition, qui dans d'autres ouvrages écrase quelquefois 
le lecteur sous le poids d’une abondance surfaite, Pour toutes ces 
qualités on regrettera plus vivement que l’auteur ait subi à ce point 
l'emprise de la critique indépendante, et que sous l'égide traditionnelle 
d'Oxford « Dominus illuminatio mea » il nous ait donné une reconstruc. 


tion aussi inexacte de la vie de Jésus. J. CoPPENS 


F, J. Foaxes Jackson et Kirsopp LAkE. The Beginnings of Christia- 
nity. Part. |. The Acts of the Apastlles. T. II. Prolegomena II : 
Criticism. Londres, Macmillan, 4922. In-8, x1v-539 p. Prix : 24 Sh. 


L'ambitieuse entreprise scientitique que dirigent MM. F. J. Foakes 
Jackson et Kirsopp Lake ne requiert pas une nouvelle présentation 
aux lecteurs de la RHE. A l'occasion du premier volume, nous en 
avons fait connaître le plan et les tendances (1922, t. XVIIT, p. 79-91). 
A notre sens, ce premier volume n'était pas seulement, dans l’inten- 
tion de ses auteurs, un vaste portique à l'étude des Actes. Il était 
surtout un programme général, le manifeste par lequel la nouvelle 
école déclarait renoncer à l'esprit conservateur et à la prudente 
méthode des grands maitres de Cambridge. Tel aussi il à été compris 
de l'opinion théologique anglaise. Sauf le Doyen Inge, chaperon mys- 
tique du modernisme anglican, et deux ou trois autres partisans de 
moindre envergure, les recenseurs se sont montrés plus que réserves, 
tranchement sévères pour une christologie qui ruiuait son propre 
objet en « dissolvant » la personnalité du Christ. En 1921, la con- 
férence des « Modern Churchmen », réunie à Cambridge, prit pour 
tlème de ses uébats [a personne de Jésus dans le dessein calculé 


F. J, F, JACKSON ET K, LAKE : ACTS OF THE APOSTLES. 489 


d'appuyer les positions de MM. F. Jackson et K. Lake. Cette inter. 
vention bruyante déchaîna une polémique de presse et aboutit à des 
dénonciations devant [a convocation des archevêques et évêques 
d'Angleterre. Ces vénérables « Pères dans la foi » répandirent de 
droite et de gauche une profusion d‘encouragements et de bénédic- 
tions, mais ils se gardèrent bien de prendre parti sur ua point de 
doctrine aussi grave. C’eût été compromettre la « Comprehensiveness » 
de l'Eglise établie. 

Cependant les deux critiques mis en cause ont ressenti le coup de 
toutes ces attaques et, aux premières pages du second volume que nous 
présentons, ils reprochent aux censeurs de s'être mépris sur leurs 
intentions. Tout leur propos, paraît-il, était de faire saillir les points 
de l'histoire et de la pensée primitives qui réclamaient encore un 
examen approfondi. A telles enseignes que, leur travail sur les Actes 
achevé, ils reprendront l'étude de la vie de Jésus, de son enseigne- 
ment personnel ct de l’enseignement de ses disciples sur Lui. Nous 
accueillerons avec gratitude et curiosité cette reconstitution historique 
des origines chrétiennes ; mais ce sera miracle si MM. F. Jackson et 
K. Lake réussissent à ne point se dédire, quant à l'essentiel, et à 
nous donner un exposé qui préserve, je ne dis pas le dogme tradi- 
tionnel, mais ce dernier rudiment de foi sans lequel on ne saurait 
- encore revendiquer le nom de chrétien. Aussi bien, M. Lake a déjà 
tenté cette synthèse dans : « Landmarks » et nous avons dit autrefois 
de quel esprit radical il se montre animé au cours de cet ouvrage 
destiné pourtant à un très large public. Même, en ce présent volume 
qui s'ouvre sur une précaution oratoire, il est fait état, à bien des 
reprises, des résultats acquis dans le premier, de ceux-là mêmes qui 
ont été les plus contestés (cfr par ex. p. 187 141). Voilà qui ébranle 
no‘re espérance d’avoir un jour à rétracter les critiques d'antan. 

La pensée, opulente et généreuse, qui a, sans lésiner, réservé un 
volume entier au milieu politique et intellectuel des Actes des 
Apôtres, inspire encore la seconde partie des Prolégomènes. Mais, 
cette fois, le livre de Luc est abordé de plein pied, et si le monde 
juif ou païen est de nouveau et à tout pas soumis à l’interrogatoire, 
c'est en vue de découvrir les diverses influences littéraires qui ont pu 
s'exercer sur l’auteur à Théophile et imposer des règles à sa com- 
position. Pour recourir au terme reçu, l'ouvrage est consacré à la 
« haute critique » des Actes et, par la force des choses, la méthode 
qe l'on y pratique est fort différente de celle qui distinguait le pre- 
mier volume. Au lieu des larges tableaux historiqueset des vues panora- 
miques, en perspective, sur les hauts courants de pensée, nous avons 
ici de minutieuses analyses, des dissections documentaires, des scolies 
philologiques. L'ouvrage est d’une densité extrême. Toutes les mines 
d'érudition que la curiosité moderne a ouvertes y sont exploitées par 
des savants, spécialistes éprouvés, mais plus encore lettrés délicats 
qui savent, quand ils ne sont pas victimes d’un préjugé d'école, goûter 


490 COMPTES RENDUS. 


en bumanistes une belle œuvre humaine. Et comme la critique des 
Actes, si elle chemine en dehors du sentier traditionnel, n’est qu’ap- 
proximative et toute en conjectures, un livre d'introduction se doit 
surtout de rapporter les opinions diverses, de les contrôler, de tenter 
de nouvelles hypothèses. Besagne difficile et pleine d’embûches. Mais 
les Scholars qui ont écrit cet ouvrage s’y révèlent aussi comme de 
parfaits gentlemen par leur courtoisie sereine dans la discussion, par 
leur respect fidèle et sympathique dans l'exposé des conceptions 
d'autrui. Leurs essais nous apparaissent comme autant de points de 
vue personnels proposés dans un vaste échange d’idées, des suggestions 
ou des réparties dans une conversation, aux voix innombrables, qui 
grouperait, par dessus l’espace, l'élite des exégètes et des historiens 
du christianisme. Les lire, c'est pénétrer en la docte compagnie et, 
encore qu’il faille une certaine initiation pour suivre dialogue si 
serré, il y aura pour tous plaisir et profit à en recueillir ne fût-ce que 
des fragments ou un écho lointain. En un mot, une controverse de 
haute culture où se prodiguent l'intelligence et l’érudition, non un 
enseignement, sùr de ses postulats, net en ses conclusions, tel est le 
caractère de ce livre. On le quitte, l'esprit peu affermi, mais singu- 
lièrement élargi. 

Vu la nature des sujets traités et le recours presque exclusif à la 
critique interne, une légère hésitation, une pointe de scepticisme ne 
saurait nous étonner, ni même nous déplaire dans ces pages. Le 
malaise naît plutôt d’une tendance opposée. Sous cette aisance et ce 
bon ton se dissimule une dureté rigide. Et si le funeste effet s’en mani- 
feste surtout dans l’ordre religieux, c'est qu'il a d’abord sévi dans le 
domaine scientitique. Du volume précédent un recenseur a dit : Dieu 
en est absent. Ce grave reproche est plus mérité encore de celui-ci. 
Sans doute, il y a les circonstances attéouantes ; la matière dont on y 
disserte, philologique, littéraire, est peu évocatrice de doctrine et de 
piété, il faut ea convenir. Néanmoins, le livre des Actes raconte une 
histoire toute pénétrée de divin. Le premier épanouissement que prit 
en notre terre le germe de vie éternelle semé par le Fils de Dieu n'a 
pas eu d'autre révélateur que ce mince rouleau de papyrus. Et pour 
nous, il est micux qu'un document du passé. Res nostra agitur. Le 
sort de la meilleure portion de notre âme qu'illumine la foi, se jouait 
avec les évéaements qu'il rapporte. Or ce livre est scruté, analysé par 
des chrétiens avec une indifférence, un parti pris presque hostile dont 
un helléniste bien né se défendrait devant le texte d’'Hérodote ou 
de Thucydide. D'où vient pareille froideur ? Ces hommes, si leurs 
croyances positives ont cédé sous l’action d'une philosophie dissol- 
vante, ont au moins conservé ce qu'ils appellent le sentiment religieux. 
Ils ne sont dépourvus ni de tendresse sensible ni d’émotivité spiri- 
tuelle. Mais tous ils sont fils de la louve critique ; ils ont grandi sur 
son sein desséché, sous son regard sévère. & Amourcux de la séche- 
resse », ils croiraient trahir la science si à ses théorèmes ils mélaient 


F,J. F. JACKSON ET K. LAKE : ACTS OF THE APOSTLES. 491 


les émotions du Cœur. Et puis dans les écoles, par l'abus d'une 
méthode trop strictement littéraire, leur intelligence a en partie perdu 
le sens du réel et du concret. Elle ne saisit plus dans la lumière 
- vivaaote ni l’aspect des choses, ni le mouvement des êtres. Rien 
d'étrange qu’en face du prodige de l’âge apostolique, elle demeure 
insensible à la présence opérante de Dieu. 

C'est bien, en effet, un excès d'analyse qui a frappé d'engourdisse- 
ment la curiosité des critiques contemporains. Timides, ils n’osent plus 
s'avancer jusqu’à revconstituer les événements du passé. Toute leur 
recherche, toute leur subtilité se dispersent et s'épuisent dans l'examen 
et la description des documents. Mais le positivisme agnostique — 
chez la plupart, plus empirique que doctrinal — qui d’instinct les porte 
à douter du fait à jamais aboli, les rejette avec une passion accrue sur 
l’œuvre littéraire, d'existence palpable, qui nous le relate. Là, en 
vérité, sur ces écritures inertes, se dépense un travail de géants. Une 
technique compliquée, mais incertaine dans le maniement de ses meil- 
leurs outils, a été créée pour démêler les fibres intimes des anciens 
‘ textes, pour arracher à leur anatomie le secret de leur genèse et la 
pensée des écrivains. Le plus constant des résultats, qu'elle à accou- 
tumé de procurer est de réduire les documents à l'état de matériel 
informe : des moellons au lieu d’ua édifice. Il suffit du premier venu 
entre les constructeurs ingénieux pour refaire, de ces débris, un 
nouveau livre et, de ce livre, extraire une histoire encore insoupçonnée. 
À diviser et combiner ainsi plusieurs générations se sont déjà sacritiées, 
non sans avoir formulé cependant un nombre de postulats qui ont 
recueilli l'adhésion de la presque totalité des critiques. 

Il existe, de fait, un système artificiel qui a peu à peu substitué ses 
entités théoriques aux formes réelles et génuines des documents. Il 
s'exprime d'ordinaire par signes algébriques. Telle l'hypothèsedes deux 
sources — Q. et Mc. — pour les synoptiques. Assemblage d'observations 
justes et d'interprétations, de conjectures sensées et de fantaisies, il 
est la donnée nécessaire sur laquelle raisonne, — et doit raisonner — 
tout jeune savant en peine de faire entendre sa voix parmi le chœur 
des maitres. A Dieu ne plaise que nous déniions toute valeur à la 
science critique du dernier siècle. Probate singula tel est, à son égard, 
le précepte que nous avons reçu. Mais nous dénonçons l'exclusivisme 
désastreux de sa méthode qui l’a enfermée dans un cercle étroit et 
imbrisable et la condamne, comme le monstre Catoblépas, à se manger 
rs pieds, inconscieute et frénctique. Effrités par une trituration 
incessante, les textes, en effet, ne se prêtent plus à une synthèse 
historique durable. Leur poussière s'effondre et retombe dans son état 
amorphe entre les doigts de l’ouvrier qui tente de la dresser en une 
tigure nouvelle. Combien plus est-il impossible de retrouver, sous cet 
amas inconsistant, la roche dure et stable des faits dont pourtant vou- 
laient témoigner les anciens auteurs. Encore, cela même ne paraît 
plus désirable ni digae d'efforts. L'esprit est enlisé dans un irréalisme 


492 COMPTES RENDUS. 


qui paralyse tout son élan vers le vrai et vers l'être historiques. 

Hypercritique, c'est le nom de cette ataxie mentale qui agite, mais 
immobilise l'intelligence, et c'est l'étiqnette — nous en devions l’expli- 
cation — qu'il nous fant accrocher à plusieurs dissertations et à pres” 
que toutes les conclusions de l’ouvrage que nous recensons. Volontiers 
nous étendrions à leurs auteurs la sentence sévère que portait jadis 
sir William Ramsay — un vrai maître, celui-là, dont l'exemple et la 
leçon ne seront jamais trop médités des jeunes — sur le Docteur 
Moffatt et son Introduction : « jamais il n’atteint au point de vue 
historique ; jamais il ne montre la moindre compréhension des lois 
selon lesquelles s'engendrent les grands événements. » (The First Chr'is- 
lian Century, p. 9.) 

Mais il est temps de donner l’analyse rapide d'un livre dont nous 
nous sommes attardés à décrire la méthode et l'inspiration. Ï. La com- 
position el le but des Artes. 1. Les traditions historiographiques des 
Grecs et des Juifs, par H.J. Cadbury et les Éditeurs. 2. L'emploi de la 
langue grecque dans les Actes par J. de Zwaan. 3. L'emploi des 
Septante dans les Actes, par W. K. L. Clarke. 4. L'emploi de Marc 
dans l'Evangile selon S. Luc, par F. C. Burkitt. 5. Le témoignage 
interne des Actes, par les Éditeurs. — 11. L'identité de l'éditeur de Luc 
et des Actes. — 1. La tradition, par H. J. Cadbury. 2. Plaidoyer pour la 
par tradition, par C. W. Emmet. 3. Plaidoyer contre la tradition, 
par H. Windisch. 4. Points secondaires, par H_ J. Cadbury et les édi- 
teurs. IIT. L'histoire de la critique. Appendices. 

Au premier regard, les sujets, surtout de la première partie, parais- 
sent assez disparates et peu liés entre eux. Il n’en est rien. Eu dépit 
de la multiplicité des auteurs, de quelques répétitions et de légères 
inconsistances, l’ensemble est d'un dessin vigoureux et bien composé. 
Chaque essai nous fait avancer par un voie droite vers les conclusions 
générales qui terminent le volume. De toute évidence, une pensée 
personnelle à présidé à l’œuvre, fixé la tâche de chaque ouvrier, 
organisé tout le matériel. L'esquisse que voici se propose surtout de 
mettre en relief cette ordonnance intime. 

Deux questions se posent à l'esprit du critique. L'une concernant la 
composition : quelles sources ont été utilisées, et selon quel plan ont 
elles été fondues ou juxtaposées ? L'autre relative à l'authenticité : À 
quel homme attribuer le Livre dans son état actuel ? (Dans cette recen- 
sion comme dans l’ouvrage, « Luc »s’entend de l’auteur, par hypothèse 
inconnu, à qui nous devons la rédaction détinitive des Actes). Les 
solutions proposées dans ces Prolégoménes s'écartent ou se rap- 
prochent, à l’occasion, des hypothèses les plus récentes sur les mêmes 
problèmes. Mais, de toute façon, elles en dépendent ; bien plus, elles 
en émauent comme une pousse nouvelle ou une excroissance et l’attache 
est parfois si étroite qu'elles ne sont plus que corrections ou simples 
compléments. Nous n'avons pas à donner un aperçu sur la critique 
contemporaine des Actes ; qu'il suflise de citer deux noms : Harnack 


F. J.F. JACKSON ET K, LAKE : ACTS OF THE APOSTLES. 493 


et Norden qui représentent le sic el non; l’un, homme du métier, 
revenu par de longs détours aux positions traditionnelles, l’autre, 
philologue incomparable, mais étranger aux études bibliques, qui a 
saisi au vol et relancé une conjecture, à peine ébauchée, sur une 
refonte tardive d’un récit datant de l’âze apostolique. 

Les Actes sont une histoire juive écrite en grec. La pensée de 
l’auteur, entée de deux civilisations, fut sollicitée dans son travail de 
composition par les modes distincts d'écrire l'histoire qui étaient 
reçus chez le Sémite et chez l'Hellène. M. Cadbury et les Editeurs ont 
donc consacré leur premier essai, point de départ de leur enquête, à 
un exposé des deux traditions historiograpbiques. Pour le Grec, 
l'histoire est toujours demeurée plus ou moins une branche de la 
rhétorique. L'écrivaia ne négligeait certes pas de s'informer des 
événements, mais la stricte exactitude n’était pas l’objet de ses plus 
chers soins ; il voulait surtout charmer et distraire son lecteur, ou 
bien — tels les meilleurs : Thucydide, Polybe — l’instruire et le pré- 
parer à la vie politique. À cet effet, il portait toute son application à 
parfaire la forme, il rédigeait à nouveau les sources dans son style 
personnel, il composait de son fonds les harangues qu'il prétait à ses 
héros, enfin il disposuit l’ensemble de sa narration selon les règles 
conventionnelles en honneur parmi les lettrés depuis Gorgias et les 
Sophistes. 

Tout autre la méthode de l'historien hébreu. Lui non plus, il est 
vrai, ne raconte pas pour la satisfaction austère ou plaisante de 
raconter. Il est toujours didactique, toujours apologiste. Souvent très 
artiste par instinct, il ne recourt à aucune rhétorique définie ; aussi 
est-il peu soucieux du beau style. Il accepte ses sources telles qu'il les 
rencontre et, sans aucune retouche, mais avec une liberté illimitée, il 
les taille, morcelle, distribue et recoud selon les besoins de son plan. 

Chez l'uistorien hellénistique Josèphe. les deux courants littéraires 
confluent et mélent leurs eaux. En est-il de même chez Luc ? Une 
exploration très minutieuse de son œuvre mettrait seule en état de 
répondre avec netteté à cette question. Mais il y faudrait un guide et 
comme un premier relevé des goûts intellectuels de l'écrivain. Nous 
ne sommes dépourvus ni de l’un ni de l’autre. « Le fondement de toute 
sagesse en cette matière est de considérer l'usage que fait Luc des 
Septante, de l'Evangile de Marc, de la langue grecque en général. » 
(p. 29). 

À M. J. de Zwaan est échue la tâche de traiter du grec des Actes. 
I! le fait excellemment, et son article vaut d’être rangé parmi les 
études les plus personnelles et les plus nuancées qui soient sur la 
langue du Nouveau Testament. Luc écrit la Koinè populaire, mais 
avec une touche d’atticisme qui l'élève dans une sphère très à part des 
autres hagiographes. Tout porte à croire que cette Koinè fut sa langue 
maternelle ou tout au moins une langue qu'il parla depuis l’enfance. Il 
en à la maîtrise. Cependant son style n’est pas homogène ni partout 


494 COMPTES RENDUS. 


de facture identique. D'où vient l'élément perturbateur ? L'infiltration 
latine est insignifiante. Mais il y a Îles sémitismes, et leur apparition 
soulève un problème délicat sur lequel, malgré d’étonnants progrès, la 
philologie sacrée ne fait encore que balbutier. M. de Zwaan projette 
sur les points obscurs des clartés nouvelles et des distinctions déci- 
sives. Grec de traduction ou grec qui sémitise ? Les deux peut-être. 
L'hypothèse brillante de Torrey, qui a cru reconnaître sous le grec 
de I, 16-XV,:%5 un original araméen d'une seule tenue, est discutée 
point par point et sa probabilité n’est admise que pour deux frag- 
ments, considérables d'ailleurs, I, 1 b-V, 6 ; IX, 31-XI, 18. On réserve 
le jugement sur les chapitres XII et XV. Ce qui reste serait donc plus 
ou moins du grec qui sémitise. Mais qu'est-ce à dire ? Un hébreu qui 
parle grec trébuchera fatalement et retombera dans les tournures de 
sa langue nationale. Mais Luc est gentil, hellène d'éducation. Il ne 
peut sémitiser par penchant de nature, mais tout au plus par influence 
ou par artifice. M. de Zwaan propose une nouvelle catégorie : la Prose 
sicrée. Ni spéciale à Luc, ni inventée par Luc, elle a sa source dans 
Ja phraséologie des Septante, elle s'étend sur la littérature juive écrite 
en grec, (Deutérocanoniques, Apocryphes), sur la jeune littérature 
chrétienne. Luc l’a employée par contagion et par volonté réfléchie. 
Son sens chrétien de la divine originalité de la foi et son sens esthé- 
tique de la convenance entre le sujet et le style lui ont inspiré un 
maniement de cette prose qui atteint à de surprenants effets et à de 
grandes beautés. L'éducation littéraire de Luc dans les écoles fut, sans 
doute, assez sommaire; mais son tempérament d'artiste impression- 
pable a fait de lui une façon de lettré, le plus achevé, peut-être, de ce 
tvpe qu'on peut appeler le syncrétiste cultivé. 

L'étude de M. W. K. Lowther Clarke sur l'usage des Septante dans 
les Actes confirme les suggestions du précédent essayiste. Luc est si 
imprégné de la Bible grecque que le vocabulaire, les phrases, les textes 
de celle-ci fleurissent sous sa plume comme par une éclosion spontanée. 
Un nous assure que, pour la syntaxe et la diction, les vrais parallèles 
des deux discours à Théophile se rencontrent dans les Deutérocano- 
niques et les deuxième et troisième Livres des Machabées. Voilà bien 
toujours la prose sucrée, et voila encore qui réconcilie la teinte 
sémitique du style de Luc, intelligence réceptive, avec son hellénisme 
natif. Mais je ne sais quel démon hypercritique a fait culbuter 
M. L. Clarke, vers la fin de sa course, dans la plus ridicule des sup- 
positions. Cet estimable philologue nous insinue que la rencontre du 
diacre Philippe avec l’euruque éthiopien et ce qui s'ensuivit pourraient 
bien n'être qu'un conte pieux brodé sur la trame de quatre textes 
prophétiques. (Sophonie II, 4, 11-12, III, 10, 4). Cette fantaisie mal 
venue gâte un article par ailleurs ponderé et très nourri d'exactes 
observations. 

Qu'un scrutin eût été ouvert parmi les biblistes pour désigner qui 
traiterait de l'usage de Marc dans le troisième Evangile, tous d’une 


F. J. F. JACKSON ET K, LAKE : ACTS OF THE APOSTLES. 495 


voix unanime auraient nommé M. le Docteur F.C. Burkitt. Les Editeurs 
ont entendu cette acclamation implicite, et à l'invitation qu'ils ont 
adressée à l’éminent pro‘esseur de Cambridge, nous devons un petit 
chef d'œuvre de bon sens et de bon goût, la perle du volume. La science 
de M. Burkitt a cette perfection que couronne la brièveté. Il y met de 
la coquetterie ; quinze pages lui ont suffi pour enclore plus de fines 
remarques, plus de jugements personnels, plus d'humaine sagesse que 
n'en contient le reste de ce robuste tome. Nous nous garderons de 
résumer ce morceau de vivante critique ; quelques citations auront 
plus de vertu pour en faire savourer la leçon. « Dans quelle mesure 
pourra-t-on supposer que les sources de Luc réapparaissent intactes, au 
moins quant à l'essentiel, dans son propre récit ? En d'autres termes, 
dans quelle mesure pouvons-nous reconstruire Marc à l’aide de Luc ? 
La réponse doit être : nous ne le pouvons que fort peu. Luc est une 
œuvre historique nouvelle, la trame de Marc y est souvent abandonnée, 
ses extraits sont ingénieusement insérés dans le plan de Luc grâce à 
des altérations et à des omissions, en sorte qu'il serait impossible de 
reconnaître leur cadre original si, de fäft, celui-ci n’avait pas survécu ». 
(p. 107) Cette assertion est démontrée par une analyse comparée des 
récits de la dernière visite à Jérusalem. Et voici les observations 
qu'elle suggère à M. Burkitt. 1) « Luc nous dit ce qu'il veut nous 
dire à sa façon lucide et charmante ; mais on ne tirera guère de lui que 
ce qu'il lui a plu de dire. Ce sont les écrivains naïfs, maladroits, 
stupides, qui laissent échapper ce qu'ils tentent de supprimer, et Luc 
n’est ni maladroit ni stupide, et certainement il n’est pas naïf.» (p. 110). 
2) Cette portion de son livre «est une belle histoire, parfaitement 
composée. Luc prend les faits et les paroles qu'il trouve dans sa source, 
et il les redit en son style incomparable. L’impression d'ensemble, 
morale, littéraire, est bien à peu près là même que dans Marc. C'est 
la même pièce qui est mise en scène, ce n’est pas un drame nouveau. » 
(p. 111 et 112) « Un résultat très net est de démontrer la difficulté, 
sinon l'impossibilité de pénétrer « derrière la tapisserie » de Luc par 
un simple examen de ce qu'il a voulu nous dire. Dans l'Evangile, 
nous pouvons en partie contrôler les dires de l’auteur, car nous 
possédons une de ses sources. Dans les Actes, nous sommes presque 
entièrement à la merci de ce qu’il lui a plu de nous raconter. » 
(p. 118 et 120) Intelligence et honnêteté .… Art consommé … simplicité, 
qui est le sommet de l’art .… une peinture, une esquisse admirable … 
Nous voici loin du rhapsode que les Chorizontes soupçonnent en tout 
auteur biblique. Luc est un véritable historien, maître respectueux de 
sa documentation. Luc est un grand et profond écrivain. 
La langue, les Septante, Marc, étaient les trois témoins externes 
dont nous attendions une premiére information sur les procédés de 
composition propres à l’auteur des Actes. Ils ont été habilement inter- 
rogés, et les lumières que leurs dépositions ont apportées sont con- 
densées par les Editeurs dans les formules suivantes : « Luc était 


: 496 COMPTES RENDUS. 


imprégaé à fond de l’Ancien Testament grec. Il était capable d'écrire 
le grec comme un Grec... mais il ne le faisait pas toujours, soit 
peut-être sous l'ivfluence d'originaux araméens, soit par imitation des 
Septante. En tout cas il est clair qu'au moins dans l'Evangile, il se 
tenait plus près que Joséphe de la tradition littéraire des Juifs. Il ne 
copie pas ses sources, il est vrai, avec la même fidélité verbale que le 
Chroniqueur, mais il les paraphrase et les polit beaucoup moins que 
ne le demandait la coutume lelléaique. Surtout, dans l'Évangile, il 
n'invente pas les discours. Luc respecte les paroles de Jésus plus que 
le récit des faits qu’il trouve dans ses documents » (p. 121). 

Ce sommaire se ressent de la façon dont a ét posée la question dès 
le début. Et elle a été assez mal posée. L'opposition nette que l'on a 
dressée entre historiographie grecque et historiographie juive est trop 
artificielle. Ni les Hébreux n'étaient toujours des copistes ni les Grecs 
toujours des rhéteurs. Aussi bien Luc, Hellène fort intelligent mais de 
moyenne culture, échappe à ces catégories tranchées. En lisant 
M. Burkitt, un mot revient sans cesse à la pensée pour peindre en 
raccourci l'écrivain dont il devise, c’est celui de notre xvrr° siècle : un 
honnête homme. Luc encore païen avait, comme l'on dit, l’usage du 
monde. Tant de traits en ses Livres le laissent deviner ! Chrétien, on le 
sent dominé, pénétré jusqu'aux moelles par un esprit de foi intense, 
paisible, définitif. Cette double éducation, implantée dans une âme bien 
pée, fait de lui un ètre singulier en lequel brûle une douce flamme de 
vie. Il L’a rien de l'intellectuel rompu aux exercices d'école et les règles 
de rhétorique, fussent-elles sûres, nous seraient d’un faible secours 
pour comprendre son œuvre. Tout, ou presque, chez cet écrivain sacré, 
est en fonction du coefficient personnel. M. M. F. Jackson et K. Lake 
en conviendraient peut-être, ils en conviennent même, mais, par upe 
contradiction pratique, ils ne renoncent pas au jeu mécanique, rituel 
de leur critique. Tout a beau les dissuader, ils entendent regarder 
« derrière la tapisserie » et nous nous trouvons engagés avec eux dans 
une longue enquête sur les sources des Actes, qui forme le cœur de tout 
le volume. 

L'emploi de sources écrites se trahit, dans une composition histo- 
rique, à des troubles très légers que seul peut percevoir un œil exercé. 
Ce sont — les principaux — de subtiles incompatibilités de style, des 
gaucheries de traduction, des incohérences entre récits, surtout des 
sutures et des doublets. Et voici en gros les résultats auxquels conduit 
l'application de ces critères au Livre des Actes. 

Daos les chapitres I-V, deux documents ont été combinés, qui ra- 
content, à leur point de vue différent, la même histoire. Le premier 
(A) comprend IT, 1-IV, 3% ; le second (B) I-IT et V, 17-42. On ne sait 
trop auquel assigner le passage qui est de reste. Tous les deux ont été 
traduits de l’araméen, ct ils continuent le double fil des traditions que 
Luc à ingénieusement enlacées aux dernières pages de son Evangile, 
l'une galiléenne (A), l’autre hiérosolymitaine (B), ainsi nommées, uu 


F. J. F. JACKSON ET K. LAKE : ACTS OF THE APOSTLES. 497 


lieu où elles placent de préférence les apparitions du Seigneur ressus- 
cité. Harnack, tempéré de Torrey, est le garant de cette analyse. 

Le récit de la mort de Saint-Étienne (VI-VIIL, 3) est composite pro- 
bablement. VI, 811; VII, 54584 forme doublet avec VI, 12-VII, 53 ; 
VII, 5860-60. (Le discours serait une libre composition de Luc). Le 
premier thème fait lyncher le saint Diacre par la foule, le second le 
fait exécuter par le Sanhédrin. — Dans VIII, 4-25, la Samarie est 
évangélisée par Philippe, puis par Pierre. Dans VIII, 26-40 ; IX, 32-X, 
48, une tournée apostolique qui aboutit à Césarée est entreprise par 
Philippe, puis par Pierre. Encore deux sources, selon les vraisem- 
blances. On ne se commet pas toutefois à en fixer les limites. 

Plus grave est le partage tracé dans la section qui va de XI, 19 au 
début de XVI. Harnack est ici abandonné pour l’amour de Schwartz. On 
distingue une source antiochienne comprenant XI, 19-30; XII, 25-XIV, 
28, et une source hiérosolymitaine qui couvre le chapitre XV. L'une 
et l’autre relatent la même histoire, mais selon les tendances fort 
divergentes des deux Eglises, en sorte que la visite à l’occasion de la 
famine (XI) serait à identitier à la visite pour la conférence de Jérusa- 
lem (XV). La conséquence est tirée plus outre encore. Dans le récit 
actuel, chacune de ces visites est suivie d’un voyage apostolique de 
Saint Paul. Mais ces deux voyages ne sont aussi qu’un doublet litté- 
raire, ou plus exactement, il s’agit d'une seule et même campagne de 
propagande poussée jusqu’en Achaïe. Luc a brouillé ses notes ou ses 
souvenirs et raconté la première partie en XI1I et XIV, et la seconde 
en XVI comme deux expéditions distinctes. Cette théorie est stupé- 
tiante. Un lecteur non prévenu se demandera si, après l’avoir conçue, 
Schwartz et ses répétitceurs ont relu le texte des Actes. Tout se passe 
en effet, dans cette conjecture, comme si, au lieu de raisonner sur le 
texte, on eût cherché une issue hors des fragiles inductions dont 
s'étayent, à chaque nouvelle publication, les tentatives de conciliation 
entre les Actes et l’épître aux Galates. Critique trop livresque et donc 
vouée aux pires causes d'erreur. 

La seconde partie du Livre des Actes se distingue de la première 
par une plus grande unité de sujet, de composition, de style. Le seul 
phénomène — mais d’une extrême importance, — qui dévoile l'emploi 
de documents est la présence de trois passages rédigés à la première 
personne du pluriel, les « fragments-nous ». Sur ce point, la critique 
des Éditeurs est rigoureusement négative. Avec une netteté et une 
vigueur triomphantes, Harnack a établi que les « fragments-nous » et le 
récit impersonnel qui les lie furent écrits par un seul et même per. 
sonnage et, de cette constatation, il à déduit que l'écrivain était un 
compagnon de S. Paul, le médecin Luc. Cet argument, M. Cadbury, 
auquel les Editeurs passent ici la plume, tente de l’énerver. Il recon- 
paîit comme un fait la similitude absolue du style; il nie la con- 
séquence, mais avec cette sorte de raisons que nos pères, bons 
dialecticiens, appelaient « cavillaliones ». C’en est assez toutefois 


498 COMPTES RENDUS. 


pour permettre à MM. F. Jackson et K. Lake de prononcer que de la 
preuve philologique (la cognée dont ils ont fait si beau massacre de 
textes dans les chap. I-XV) nous ne pouvons attendre une conclusion. 
J1 appartiendra à une comparaison entre les Actes et les épitres de 
décider si l’auteur à Théophile a pu être un compagnon de l’Apôtre. 

Après un aperçu — fort radical — sur les résultats historiques de 
la critique des sources qu’ils viennent d'appliquer aux Actes, les 
Editeurs traitent du plan et du dessein de ce livre. Ils distinguent 
dans les intentions de Luc un double but : l’un, principal, qui est 
d’instruire, l’autre, moindre mais de première visée encore, qui est 
apologétique. Luc serait, en effet, le premier des apologistes et ses 
deux livres — qui n’en font qu'un, — une défense de la « vaie » 
nouvelle, adressée à un représentant du gouvernement impérial : 
Théophile. Ni l'interprétation de xpariote comme un titre officiel, ni 
la traduction neuve de nepi Gv xarryfôns Ayo Th acpaheav, — « ce 
qu'il y a de certain touchant les choses dont tu as été informé » — ne 
seraient à elles seules convaincantes. Mais une assise beaucoup plus 
solide est fournie à cette théorie par une admirable analyse de l'Evan- 
gile et des Actes qui fait saillir la discrète mais persistante argumen- 
tation de l'hagiographe. Le christianisme est la vraie religion d'Israël, 
prédite par les prophètes ; il est donc une religion légale, puisque 
Israël est une « race » introduite dans l'empire. Les pages que 
MM. F. Jackson et K. Lake ont écrites sur ce thème sont les plus 
pénétrantes de leur longue dissertation, les plus dignes de la grande 
histoire littéraire. Notons qu'ils y quittent l'analyse documentaire 
pour revenir à la contemplation des faits et de la vie antique. Ceci 
explique cela. Par contre, le paragraphe qui suit, et où sont réduites 
en système les vues théologiques de Luc, nous rappelle, par le parti 
pris d'opposer comme irréductibles les courants divers de la doctrine 
primitive, la pire manière du précédent volume des Prolégomènes. 
Nous renvoyons au jugement qui en a été donné dans cette revue. 

Au cours de cette longue enquête où le Livre des Actes a été ouvert 
et sondé en tous sens pour nous livrer le secret de sa composition, 
nous avons recueilli assez de lueurs sur [a personnalité de l'écrivain 
pour qu’au terme nous entendions savoir quel fut son nom et quel fut 
son temps. Aussi bien, auteurs et lecteurs avancent sous l'impression 
que les problèmes agités n’auront qu'une solution provisoire, tandis 
que cette grave question sera demeurée en suspens. 

La seconde partie de l'ouvrage est donc consacrée à un essai de 
décision sur l’authenticité des Actes. L'ancienne tradition, unanime, 
a prononcé un nom, celui de Luc, le médecin chéri, l'ami, le com- 
pagnon de saint Paul. Mais que vaut ce témoignage ? Quelle est sa 
provenance, transmission génuine ou simple inférence sur les textes ? 
De plus, cette donnée traditionnelle se soutient-elle, confrontée avec 
les idées, les préoccupations, les connaissances que révèle le Livre ? 
Ou, en d'autres termes, et pour restreindre le champ de la recherche, 


F. J. F. JACKSON ET K. LAKE : ACTS OF THE APOSTLES. 499 


l'image que les Actes nous tracent de saint Paul ressemblet-elle à 
l'homme que nous connaissons si bien par ses propres Épîtres? Si non, 
il faudra convenir que l’auteur n'était pas de l'entourage de l’Apôtre. 
Une brève exposition nous suffira pour indiquer comment ces deux 
points — valeur de la tradition en elle-même, son épreuve par l'his- 
tricité de l’œuvre — sont abordés, résolus ou laissés irrésolus par les 
collaborateurs de MM. F. Jackson et K. Lake. Leurs dissertations 
nous paraissent, en effet, moins neuves que les précédentes. 

M. H. J. Cadbury groupe — texte et traduction — dans une sorte 
de corpus qui sera très utile, toutes les allusions à l’activité littéraire 
de saint Luc qui se rencontrent chez les premiers Pères. Puis il pèse, 
soupèse ces témoignages et, au bout du compte, il les trouve légers. 
Car, à son sens, il n’est pas prouvé qu'ils reposent sur une tradition 
externe. Plutôt sont-ils les plus anciens vestiges de la critique interne, 
des conjectures, émises d’abord pour expliquer certaines caractéris- 
tiques des récits et qui, très tôt, s’imposèrent comme des certitudes. 
A ce propos, M. H. J. Cadbury parle de tictions, d’allégories, de 
combinaisons fantastiques. Nous ne songeons pas à lui rétorquer ces 
vocables, mais ils nous sont une invitation à donner l'avertissement 
que voici. Le Docteur Cadbury jouit d’une érudition philologique 
vraiment peu commune, encore que de-ci de-là elle soit de seconde 
main. Sou jugement est, hélas! d’une solidité moins rare. De ses 
quatre ou cinq contributions à ce volume, il n’est aucune qui ne fasse 
subir aux faits, aux textes, voire aux simples mots, d'étranges gauchis- 
sements ou de formelles déviations. Ce jeune critique est en passe de 
devenir une autorité ; on saura que ses assertions exigent un contrôle 
rigoureux avant d’être acceptées. 

La tradition éconduite sur ses titres personnels, seul le témoignage 
direct du Livre peut la réhabiliter. A-t-il pu, a-t-il dû être écrit par un 
contemporain des événements qu’il relate ? Le pour et le contre se 
réclament d'éminents défenseurs, et si près de se balancer sont les 
probabilités en faveur de l’une et de l’autre thèse que les Éditeurs ont 
cru équitable de laisser entendre deux plaidoyers indépendants. A la 
fin, eux-mêmes donneront leur verdict. Il sera clair alors que cet 
apparent libéralisme ne vient pas seulement d’une indécision de leur 
esprit. C’est qu'aujourd'hui même, en effet, le sentiment des biblistes 
anglais n'accepterait pas sans de bauts cris une adhésion trop ouverte 
à là thèse radicale. Et celle-ci est si faible, en vérité, que la traiter 
sur le pied d'égalité est la plus habile façon de la défendre. 

M. C. W. Emmet, lucide, pondéré, reprend donc, en la resserrant, 
en la précisant, l'argumentation vingt fois faite en faveur d’un accord 
essentiel entre les Actes et les épitres pauliniennes. Tous en recon- 
naitraient la force probante si, comme il le dit lui-mème, les livres 
soumis à l'examen n’appartenaient pas au canon des écritures. Nous 
regrettons sculement qu’il ait fait trop grande la place, — et jusqu'à 
en faire dépendre la valeur de sa démonstration — à trois opinions 


5OÛ COMPTES RENDUS. 

dont les deux premières sont contestables, et la troisième, à notre 
sens, inacceptable. Ce sont les hypothèses de la Galatie du Sud, de la 
date haute de l’épitre aux Galates, de l'identité de la visite de Gal. II 
avec celle de Act. XI. 

M. Windisch, qui plaide la cause adverse, avoue dès son préambule 
que [a position traditionnelle est solidement appuyée ; mais de trop 
nombreuses raisons de fait lui paraissent militer contre elle pour qu'il 
s’y rallie. Ces raisons, il les expose et les fait valoir dans une disser- 
tation longue, touffue, inégale ; mais l'information en est si copieuse, 
certaines vues sur les détails si heureuses, que tous tireront bénéfice de 
sa lecture. L'argument principal n'est pas nouveau ; il date de 
Tubingue. Les Actes sont en contradiction flagrante avec les épîtres sur 
des événements capitaux — tel le concile de Jérusalem raconté dans 
Act. XV et Gal. II — et plus encore, sur la personnalité de l'Apôtre 
dont ils laissent.le portrait en ébauche et méconnaissable. « Si Paul 
avait pu se conduire comme les Actes le racontent au ch. XXIII, 1-9, 
et ensuite écrire ses violentes invectives contre le pharisaisme 
(Phil. ILX, 2), il eùt été un hypocrite. » (p. 383). La conclusion est 
nette : « Les Actes n'ont pas été écrits par Luc, le contemporain des 
apôtres et le compagnon de Paul, parce que l’auteur ne se fait plus 
une idée juste ni des événements qui ont précédé ou accompagné les 
missions de Paul, ni de ce que Päul a accompli lui-même, ni des prin- 
cipes fondamentaux de la théologie paulinienne. » (p. 348). 

Après une rentrée de M. Cadbury qui dénie toute signification à la 
présence des termes médicaux et discute les relations littéraires entre 
Luc et Josèphe, les Éditeurs, embarrassés, consentent enfin à nous 
livrer leur pensée personnelle. « Il y à dix ans, les deux Editeurs de ce 
volume croyaient raisonnablement certain que les Actes avaient été 
écrits par Luc, le compagnon de Paul. Lentement, toutefois, ils sont 
arrivés à sentir le poids de l'argument qui se tire de la comparaison 
avec les épitres pauliniennes, et à présent, ils inclinent vers l’opinion 
que Luc, le compagnon de Paul, écrivit les « fragments-nous » et pro- 
bablement les récits qui y adhèrent, mais que l'agencement de ce 
document avec le reste des Actes et La composition de l'Évangile furent 
l’œuvre d’un écrivain postérieur qui probablement vivait sous les 
Flaviens. S'ils étaient obligés de choisir une date plus précise, ils 
désigneraient les cinq dernières années du premier siècle … Mais la 
vérité de cette vue ne peut-être démontrée, ni d’ailleurs la vérité 
d'aucune d’autre » (p. 358-359). 

Qu'un effort aussi soutenu, parfois aussi systématique que celui 
poursuivi dans cet ouvrage pour mettre en pleine valeur la thèse 
radicale sur l’origine des Actes, aboutisse à une conclusion si 
timide, si prompte à dénoncer sa propre débilité, voilà qui témoigne, 
certes, du sérieux et de la sincérité dont sont animés, sous leurs 
préjugés d'école, les deux professeurs d’'Harvard, mais voilà surtout 
qui tranquillisera sur le sort de l'affirmation traditionelle. L’authenti, 


A. M. JACQUIN, 0. P. : PORTRAITS CHRÉTIENS. 501 


cité de l'Évangile et des Actes, à vrai dire, est à peine un problème, et 
elle n’est un problème insoluble que pour ceux qui se plaisent à le 
vouloir tel. Luc, le médecin chéri, souriant et distingué, tient d’une 
main ferme le double rouleau de son œuvre historique. Ce n’est pas la 
tempête critique qui le lui arrachera. 

Une troisième partie donne un aperçu sur les évolutions de la 
critique des Actes en Allemagne et en Angleterre. Travail fort utile 
par où on fera bien de commencer la lecture de l’ouvrage. On s'y fami- 
liarise, en effet, avec tant et tant de noms, aux dures syllabes, semés 
dans les notes, dont la plupart, grâce à Dieu, sont sans notoriété dans 
notre Occident latin. 

Trois appendices. Le premier est consacré à ce qu'on nomme deux 
analogies littéraires. 11 s’agit de saint François d’Assise et d’une 
certaine Margaret Catchpole. 

M. G. G. Coulton (toujours à contrôler, lui aussi, qu’on le demande 
au Père Thurston !) ne serait pas fâché de nous faire prendre l'Evangile 
et les Actes pour une préfigure de la Legenda Major de S. Bonaventure. 
C'est-à-dire, comme il l'entend, pour de l’histoire officielle, cachottière 
et peu sûre. Mais il cite un oracle fameux de Reuan : « Nous avons la 
preuve que, sauf les circonstances miraculeuses, le caractère réel de 
François d'Assise répond exactement au portrait qui est resté de lui. 
François d'Assise a toujours été une des raisons les plus fortes, qui 
m'ont fait croire que Jésus fut à peu près tel que les évangélistes 
synoptiques nous le dépeignent. » 

Quant à Margaret Catchpole, il nous paraît qu'introduire dans un 
débat si haut les aventures de cette fille de ferme, voleuse et sans 
mœurs, puis, sur le tard, matrone vertueuse, est une distraction sinon 
une inconvenance. 

M. F. C. Burkitt — « Vestigia Christi » — groupe les traits 
biographiques fuurais sur le Seigneur par le troisième Évangile. Et 
entin, pour clore le volume, M. Cadbury nous livre une poignée de 
scolies philologiques sur la préface de l'Évangile qui est apparemment 
le prologue des deux Livres de saint Luc. G. Ausouro, O. S. B. 


A. M. Jacquin, O. P. Portraits chrétiens. L'Église primitive. Paris, 
Éditions de la Revue des Jeunes, 1923. In-46, 187 p. Fr. 7. 


Les notices qui composent ce volume ont paru la plupart dans la 
Revue des Jeunes. Elles ont été écrites non seulement pour fournir des 
modèles authentiques à notre piété, mais aussi pour «évoquer quelques 
épisodes de l'Eglise » au cours des quatre premiers siècles de son 
bistoire. Elles 5ous présentent les figures d'évêques et martyrs, 
S. Ignace d'Antioche, S. Polycarpe de Smyrne, $S. Cyprien de Carthage, 
de docteurs ct défenseurs de l'Église, tels S. Irénée, S. Athanase, 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 32 


502 COMPTES RENDUS. 


S. Justin, Origène et entin du père du monachisme, S. Antoine, ermite. 
Le choix, on le voit, est des plus heureux. Il nous assure déjà que 
l’auteur est un homme avisé, au courant de l’histoire ecclésiastique, 
pour avoir su choisir une série de figures aussi propres à synthétiser 
quelque aspect de la vie primitive de l'Eglise. 

Il le montre encore mieux par sa façon de peindre ses modèles. La 
maitrise est admirable avec laquelle il sait dessiner la figure de ses 
héros, sans ctalage d'érudition, tout en étant pénétré d’érudition. Il 
faut posséder sa matière pour pouvoir la présenter sous une forme 
apparemment aussi simple, aussi claire et en même temps de façon 
aussi magistrale et avec autant de compétence. Les lecteurs qui en ont 
goûté la primeur dans la Revue des Jeunes y auront trouvé une occasion 
rare d'apprendre à connaître les héros de ses études, mais aussi à saisir 
et à comprendre maints aspects de l’histoire de l'Eglise primitive. Et 
les professionuels en la matière trouveront autant de charme à les 
parcourir, tant ils seront intéressés par la manière de l’auteur et même 
ils en retireront quelque protit, en apprenant à orienter leur esprit 
vers l’un ou l’autre point de vue intéressant. 

L'auteur arrive à ce résultat par des moyeus sans prétention. Une 
courte formule introduit l’exposé, elle résume et synthétise le caractère 
et l’œuvre de l’évêque ou du docteur. On nous raconte sa vie, s'arrêtant 
aux épisodes les plus marquants et les plus révélateurs, mêlant à cet 
exposé quelques citations de choix qui nous montrent combien l’auteur 
est au courant des œuvres de ses modèles. On nous renseigne sur 
celles-ci, sans prétendre s’y arrêter, car elles ne sont là et n'inter- 
viennent aucunement à titre littéraire, mais bien pour compléter le 
portrait du caractère et de l’œuvre du héros. L’exposé se termine 
brusquement, +ans qu'on s'arrête à quelques considérations, qui seraient 
du reste superflues, car l’auteur s'est arrangé de telle façon que les 
faits parlent suttisamment d'eux-mêmes. 

Bref, un beau et bon livre, modèle de vulgarisation, si toutefois on 
me permet ce mot pour rappeler les premiers destinataires, mais de 


vulgarisation vraiment scientifique. J. FLAMION 


E. G. Suzer. From Auguslus lo Augustine, Essays and Studies 
dealing with the contact und conflict of classic Paganism and 
Christianity. Cambridge, University Press, 1923, [n-8, 1x-535 p. 
128. 


Cet ouvrage reproduit uue série d'études parues de 1916 à 1922 dans 
le Biblical Beview de New-York. C'est ce qu'il ne faut pas oublier, 
quand on le lit. Nous n'avons pas en effet à demander à l’auteur ce 
qu'il u'a poiut voulu nos douner, uoë histoire suivie du conflit qui 
s'est élevé pendant les quatre premiers siècles entre le christianisme 
paissaut et Le paganisme decadent, sujet qui garde toujours son actualité 


F. G. SIHLER : FROM AUGUSTUS TO AUGUSTINE. 503 


historique en dépit des ouvrages volumineux qui ont prétendu l’épuiser. 
M. Sibler a voulu faire moins et j'ajouterai même, qu’il a voulu faire 
mieux. Îl a entendu nous donner une série d’études séparées et indé- 
peudauntes dans un certain sens, en choisissant dans le courant de 
l’évolution historique un certain nombre de types représentatifs de 
l'une et de l'autre partie des combattants en présence. Il les étudie 
successivement, en se plaçant à un point de vue nettement défini, 
c'est à-dire au point de vue de leur attitude vis-à-vis du fait religieux et 
plus précisément du fait religieux tel qu'il se pose en ce moment de 
l'histoire, où deux types de religion sont ea présence, le paganisme, 
sous ses formes variées, et le christianisme. 

M. Sihler nous parle des philosophes du commencement de l'empire, 
de Pausanias de Chéronée, de Clément d'Alexandrie, de Tertullien, 
d’Arnobe, de Julien, d’Augustin, pour ne nommer que les principaux ou 
ceux qui ont retenu le plus vivement son attention, pour nous donner 
leurs idées et leurs systèmes sans prétendre rattacher l’une à l'autre les 
figures qui passent devant nous, pas plus qu’il n'entend les faire servir 
de fondement à une généralisation hâtive ou imprudente. Il tient à le 
souligoer pour l’un d’entre eux : il ne parle, dit-il, que pour lui-même. 
Et en effet, c'est pour lui-mème qu'il est étudié. Müis il n’en est pas 
moins vrai que par le choix assez heureux que M. Sihler a fait de ses 
sujets et par l'unité de méthode et de point de vue auquel il se place, si 
l'on excepte çà et là une lacune peut-être regrettable, nous retirons de 
son ouvrage plus que des résultats fragmentaires déjà précieux par 
eux-mêmes ; nous en gardons au moins quelques suggestions utiles qui 
nous permettent de mieux comprendre l'évolution de l’ensemble. 

L'auteur connaît la littérature de son sujet. Mais il n'écrit nullement, 
il tient à le souligner, pour répéter ce que d’autres ont dit avant lui. 
Il ne se contente nullement d'érudition, mais il va aux textes. Il 
s'efforce de nous peindre ses héros littéraires en s'adressant à eux- 
mêmes et en les faisant parler; le choix de ses citations montre qu'il 
connait leurs œuvres, pour les avoir maniées dans sa longue carrière 
de professeur de langue et de littérature latines à l’université de New- 
York. Ce travail est le fruit de lectures nombreuses et bien faites. Ces 
études sont avant tout des études littéraires. On nous fait connaître des 
idées et des systèmes, tout en ayant soin de les replacer dans le milieu 
même où ils sont nés. 

Les opinions et les jugements de l’auteur ont leur originalité. Nous 
avons ici la pensée d’un professionnel de la littérature classique, à 
laquelle il a gardé un amour et un culte assez vifs. Nous sortous quelque 
peu du monde des historiens de l'Eglise primitive. M. Sibler le remarque 
à quelque endroit de son iivre : les amateurs du classicisme ne sont 
pas toujours des connaisseurs avertis du tait religieux, tel qu'il se 
posuit daus le monde romain et les professeurs de théologie ne le sont 
pas mieux de la littérature latine. Il me parait qu'il a su éviter cet 
écucil de ne voir qu'un côté des choses et qu'il est bien au courant de 


\ 


501 COMPTES RENDUS. 


l’un et l’autre aspect du problème, pour autant que l'on se tient à 
l’ensemble. Il ne sera pas sans intérêt et sans protit pour les historiens 
ecclésiastiques de lire les pages intéressantes consacrées à l'Eglise 
primitive par le professeur de litterature latine. 

Ils rendront certainement hommage à la manière de l’auteur qui a 
l'art de retenir l'attention de ses lecteurs et de les intéresser. C’est qu'à 
vrai dire il sympathise avec son sujet; son livre doit avoir été écrit de 
coaviction et de cœur. Il a gardé de son contact avec les classiques et 
1a littérature de l'empire une connaissance profonde, mais aussi un 
goût trés vif de ses œuvres. 

Inutile de relever le soin avec lequel l'ouvrage à été édité. Il fait 


honneur à l'éditeur. J. FLAMION. 


W. Sannay ET C. H. Turner. Novum Testamentum Sancti [renaeï 
Episcopi Lugdunensis, being the New Testament Quotations in 
the Old-Latin version of the "E4:yyos … edited from the mss with 
Introduction, Apparatus, Notes and Appendices by the late 
W. Sanday and C. H. Turner, assisted by many other scholars 
and especially by A. Souter (Old Latin Biblical Texts, n° VID). 
Oxford, Clarendon Press, 1923. In-4. cLxxxviu-311 p., 48 Sh. 


Avec toutes les qualités d’uù excellent outil forgé par des maitres, 
ce beau volume de la Clurendon Press présente une caractéristique que 
ne prévoyait sans doute pas son premier éditeur : celle de poser de 
nouveaux problèmes à côté de ceux qu'il était appelé à résoudre. Cette 
appréciation, qui ne fait que répéter sous une autre forme une phrase 
de l'introduction, est pour une part notable le résultat des circonstances 
dont est sorti le volume. Ces circonstances ont largement contribué à 
augmenter la grande valeur de ses diverses parties : groupement des 
plus beaux noms que connaisse depuis quarante ans en Angleterre 
l’ancienne littérature chrétienne (Sanday, Hort, Turner, Souter, Armi- 
tage Robinson, Conybeare, etc.), élaboration lente qui couvre près de 
deux quarts de siècle et permet le recul pour juger et discuter le travail 
accompli, collaboration multiple de spécialistes représentée par deux 
générations des meilleurs travailleurs, tout cela garantit au contenu 
du volume une richesse et une valeur dont l’importance s'impose tout 
de suite à l’attention : pareil labeur ne se fait pas deux fois en un 
siècle ! Mais la rançon de ces avantages ne se fait pas attendre non 
plus : comme d’autres l’ont déjà dit, «c’est une maison divisée contre 
elle-même ». Les présupposés, les résultats et les conclusions de ces 
diverses études superposées durant un espace de quarante ans, — en 
1884 le projet était conçu par Sanday et en 1893 les premières feuilles 
sortaieut de presse, — sont de nature à désorienter parfois le lecteur 
et pour expliquer telle omission, telle addition ou correction, tel 


W. SANDAY ET C. H, TURNER : NOVUM TESTAMENTUM S. IRENAEI. 505 


manquement à l’unité des détails de méthode ou de technique, il finit 
par se rejeter sur là date même de la composition première et l'apport 
successif des collaborations diverses (1). 

Nous ne le regretterons pas trop; car, si l’on ne trouve pas la solu- 
tion de tous les problèmes abordés, la richesse des matériaux accumulés 
et la pénétration des études qui leur sont consacrécs, fournissent au 
travailleur un point de départ extraordinairement sûr pour des investi- 
gations ultérieures, et, dans la diversité des solutions, — s'il n’en 
préfère pas une nouvelle, — lui donneat le moyen de se diriger par la 
seule force des « evidences ». 

L'établissement critique du texte latin des citations néotestamen- 
taires d'Irénée, — nous nous contenterons de cette expression un peu 
incolore pour ne pas préjugrr de la question qui va suivre, — est ce 
qu’on pouvait attendre des éminents scholars appliqués à cette tâche, 
encore qu'on puisse incidemment contester la préférence accordée à 
telle leçon. Outre l'annotation critique qui relève dans la marge les 
variantes des manuscrits d’Irénée, une deuxième série de notes fournit 
au bas des pages les leçons des autres textes latins anciens de la Bible. 
Cette partie, consacrée à l’éditioa proprement dite, est renforcée de 
deux appendices, dus l’un et l’autre à M. C. Turner ; le premier (p. 204- 
225) contient un certain nombre de citations et tout un groupe d’allusions 
au Nouveau Testament qui n'avaient pas trouvé place daos le relevé 
primitif des textes des Evangiles et des Actes ; le second (p. 229-252) 
fournit les notes et les corrections complémentaires relatives à ces 
mêmes livres. 

La partie d'histoire littéraire, c'est-à-dire l'introduction et quelques 
appendices, sur l'âge de la traduction latine d’Irénée et sur la nature 
de son texte biblique latin, devra être lue et étudiée d'un bout à l’autre 
par qui voudra s'occuper désormais de la question. Mais quand nous 
parlons de chapitre, qu'on se garde bien de croire qu’il s'agisse d'une 
section de l’ouvrage qui présente la matière avec ordre et unité. En 
réalité, il faudra consulter quatre chapitres de l'introduction (p. xxv- 
CLXxIX), quelques appendices (p. 253 et 289), et ua certain nombre de 
pages, celles-ci des plus importantes, de la préface (p. xv, etc., xx, etc.); 
c'est à peu près la moitié de tout le volume. Plus d'ua lecteur prendra 
plaisir ici à suivre les oppositions de pensée et leur énoncé discret, au 
cours d’un débat latent, auquel préside la courtoisie la plus exquise. 

(1) C’est ainsi, que les chapitres d’Irénée sont citées habituellement d’après 
MassuET, malgré la supériorité reconnue en ce point à Harvey (cfr. p. 229, 
253 et x1v, n. 2). L'exclusion de quelques témoins de l’ancienne Bible latine 
dans l’annotation du bas des pages a-t-elle pour motif le désir d'éviter 
l'encombrement, ou l'attention moindre donnée à quelques-uns de ces 
témoins il y a trente-cinq ans ? La part grandissante de la collaboration de 
M.C Turner supplée évidemment, — la nature seule de quelques appendices 
en fait foi, — à quelques lacunes constatées, au cours de l’exécution de 
l'œuvre, dans les parties rédigées en premier lieu. 


506 COMPTES RENDUS. 


Sanday, fasciné par la science de Hort, ne parvient pas d'abord à 
maintenir sa première conviction en contradiction avec celle du maître 
de Cambridge ; mais celui-ci n’a pas traité la question ex professo et 
s’est contenté d’une ébauche publiée en édition posthume (p. XXXvI- 
Lv1), plus tard, Sanday revient à son opiaion première (p. LVII-LXII1). 
Le volume nous fait constater ensuite une divergence non moins consi- 
dérable, mais appuyée sur une documentation tout autrement étendue 
et approfondie, entre deux éminents « scholars » qui se sont spécialisés 
dans la latinité de la basse époque : c'est aux noms de Turner et de 
Souter que sont associées les deux thèses contradictoires concernant la 
date de la traduction latine d’Irénée. Des compléments sur la version 
arménienne, utiles pour la comparaison, sont dus à M. Conybeare et 
Armitage Robinson. | 

Le distingué professeur d'Aberdeean recule jusqu'en 370-420 l’origine 
de la traduction latine d’Irénée; il appuie son appréciation sur des 
recherches lexicographiques extraordinairement fouillées et sur une 
étude comparative des anciens textes bibliques latins, qui dénotent, 
avec un énorme travail, une connaissance remarquable de la basse 
latinité. Moins résolu que Souter, le savant professeur d'Oxford fournit 
dans sa préface et dans diverses pages de sa collaboration, quelques re- 
marques caractéristiques, tirées entre autres du vocabulaire archaïque 
de quelques textes, pour conclure à une date plus ancienne ; de même 
le « postscriptum » (p. cLxx etc.), dû également à sa plume, réduit à 
sa juste valeur l’argument tiré des coïncidences qui rapprochent la 
Vulgate, la version latine d'Irénée et la traduction arménienne de 
la Bible. 

En face du gigantesque labeur que suppose ce volume, il serait 
téméraire de se contenter des étroites limites d’un compte-rendu pour 
prendre position; mais il sera permis d'énoncer quelques remarques. 
La place du volume dans la série des Old lutin Biblical Terts nous dit 
tout de suite que la traduction latine, beaucoup plus que la reconstitu- 
tion du texte grec de la Bible d'Irénée, a préoccupé les savants 
éditeurs; les notes ne nous renseignent que pour les parties conservées 
en grec ; c'était leur droit. D'aucuns le regretteront. Disons toutetvis 
que l'étude de cette Bible grecque d'Irénée se trouve grandement 
facilitée par la fidélité servile du traducteur qui a suivi l'original de 
fort prés, et les spécialistes en critique textuelle biblique tireront 
parti de l'énorme richesse d'iaformation contenue dans ces pages, 
encore qu’il faille apporter peut-être la restriction que l’on verra dans 
un instant. 

Si l’on admet que les textes de Tertullien ne suffisent pas pour 
établir l'antériorité de la traduction latine d'Irénée, les particularités 
lexicographiques, exposées avec une incontestable maitrise, ont-elles 
la valeur voulue pour faire abaisser jusqu'au 1v°-ve siècle l'âge de cette 
traduction ? Déjà nous avons tait valoir ailleurs quelques considérations 
à ce sujet (Pour l'histoire du mot « Sacramentum », p. 280-284). Ajou- 


THEODOR RUTHER : DIE LEHRE VON DER ERBSUNDE. 507 


tons-y que la longue survivance d’un mot, dans la pénurie des auteurs 
et des œuvres, comme on le constate aux premiers âges chrétiens, 
n'aurait rien que de bien naturel, et la constatation tardive de sa 
fréquence n’entraîne pas l’origine récente de toutes les œuvres qui 
l'emploient. Les vicissitules de l'histoire de synonymes souvent 
employés posent parfois des cas bien embarrassants : c’est ainsi que la 
fréqueace de myslerium et de signum, lypus, constamment employés 
(plus de 60 fois) dans la traduction latine d’Irénée à l'exclusion presque 
complète de sacramentum (pas 6 fois dans son texte et jamais dans sa 
Bible), ferait croire à unc date et à une provenance voisines de celles 
des textes dits « européanisés ». Mais quelle garantie nous donne cet 
indice quand nous voyons un écrivain du milieu du 1v° siècle, au 
centre de la Gaule, comme Hilaire, revenir à un usage de Sacramentum 
qui dépasse en ampleur et en audace, — il l’emploie près de 550 fois, 
bien plus, semble-t-il, que mysterium, — tout ce qu'avait osé le génic 
créateur de Tertullien et de ses compatriotes d'Afrique ? 

La question du texte biblique latin utilisé par le traducteur d’Irénée 
entraîne, si elle est posée dans les termes des savants éditeurs et 
résolue dans le sens de Souter, l'apparition relativement tardive de la 
traduction. Mais cela suppose, et l'on ne nous dit pas pourquoi, que le 
traducteur avait devant lui une version latine de la Bible. Pourquoi 
ne pouvait-il pas traduire directement du grec ses textes bibliques au 
même titre que l'original d’Irénée ? Le contenu des notes comparatives, 
si richement alignécs au bas des pages, ne suggérerait-il pas cette expli- 
cation à qui veut se rendre compte des divergences continuelles entre 
le traducteur d’Irénée et tous les groupes anciens de versions. 

En résumé, pour la date de la traduction, adhuc sub iudice lis est. 
Ce qui ne l’est certes pas, c’est la maîtrise des auteurs qui ont livré 
au public savant un instrument de travail des plus précieux : elle 
facilite les nouv.lles recherches autant qu'elle les appelle, et en assure 


la fécondité. J. DE GHELLINCK, S. J. 


Tueonor RuTHER. Die Lehre von der Erbsunde bes Clemens von 
Alexandrien. (Freiburger theologishe Studien, herausgegeben von 
D' G. Hoberg, Fasc. 28.) Fribourg, Herder, 1922. In-8, xvi- 
145 p. 3 Fr. suisses. 


L'auteur a été heureusement inspiré dans le choix de son sujet. Il est 
toujours intéressant d'entendre parler de cct écrivain original qu'est 
Clément d'Alexandrie ; il l’est surtout de connaître ses idées sur un 
point de thévlogie qui permet de rendre compte de sa mentalité, de ses 
tendances parce qu’il n’est point un trait quelconque de son système, 
mais bien une pièce de quelque importance où viendront nécessaire- 
ment se croiser les diverses influences qu'il a subies. 


508 COMPTES RENDUS. 


Le plan de l'ouvrage est bien conçu. L'introduction nous rappelle le 
rôle que joua Clément, son activité littéraire, son influence sur ses 
contemporains et ses successeurs, le caractère de son œuvre, pour ne 
pas parler d'un résumé vraiment trop succinct de l'histoire de la 
doctrine du péché originel chez les prédécesseurs du docteur alexan- 
drin. M. Rüther se propose d'étudier plus spécialement ce point dans 
un ouvrage qu'il prépare ; on ne peut que souhaiter lui voir donner 
à bref délai ce complément nécessaire à son étude sur Clément 
d'Alexandrie. 

L'auteur étudie successivement le péché, la chute d'Adam, la con- 
dition de l'humanité avant la Rédemption dans les œuvres du docteur 
alexandrin. Serrant son sujet de plus près, il a un long chapitre sur 
les rapports qui existent d’après celui-ci entre cette condition et la 
faute primitive, ce qui constitue à vrai dire l'objet principal de son 
travail. Il le complète en exposant les idées de l'écrivain ecclésiastique 
sur l'œuvre rédemptrice du Logos et sur un point important de sa 
théologie sacramentaire, le baptême et sa nécessité. 

Chaque chapitre est suivi d’un résumé où l’on peut se rendre compte 
des résultats acquis par l’examen consciencieux des textes et où l'on 
donne la critique peut-on dire des sources de la théologie de Clément, 
en s'efforçant de déterminer, autant que faire se peut, les doctrines et 
les tendances qui ont influencé sa pensée. 

L'examen, institué par M. Rüther, est bien fait. On ne pourra lui 
reprocher d’avoir sollicité les textes un faveur d'une théorie préconçue. 
Il a étudié le docteur alexandrin de façon objective. Son interprétation 
est toujours fidèle : elle se plie à la manière et aux idées de l'écrivain. 
Sans doute, parfois les résumés ajoutent quelque chose à ce que l'exposé 
nous à fait découvrir, accentue l’un ou fl'autre trait qui n'est pas aussi 
net dans l'original. Mais ce ne sont là que des questions de nuances et 
l’on peut dire qu’en général M. Rüther s’est acquitté de la tâche qu'il 
s'était imposée de retrouver une théologie du péché originel dans 
Clement d'Alexandrie. 

On ne peut songer à lui reprocher d'aboutir ea somme à un procès- 
verbal de carence, ou peu s’en faut. La responsabilité de telle décou- 
verte n’est pas à mettre à son compte, mais, comme il l'a fuit voir, aux 
circonstances dans lesquelles le docteur alexandrin s'est trouvé et aux 
influences extradogmatiques qu'il a bénévolement subies. Je regrette 
pour ma part que M. Rüther ait traité ces questions d’influences de 
manière trop générale et ne se soit pas attaché à les iéterminer de 
facon plus nette et précise. Je pense qu'il avait le moyen de faire une 
étude intéressante, s'il avait voulu traiter ce point tout à fait à fond. 
La théorie du péché originel, à lire son livre, permet de les étudier, 
autant et même mieux que beaucoup d’autres questions théologiques 
soulevées par Clément. En tout cas l'ouvrage de M. Rüther eût gagné 
en intérêt et en valeur, tuut en reconnaissant qu'il a rendu un réel 
service à l’uistoire des dogmes, en le composant tel qu'il se présente, 


F. RAMORINO : TERTULLIANO. 509 


avec un réel souci d’exactitude et d’information, avec une excellente : 
manière de comprendre et de réaliser son ambition de retrouver la 
pensée de Clément sur le péché, avec la loyauté et la franchise observée 
vis à vis des questions difficiles qu’un pareil sujet pouvait présenter et 


enfin avec les résultats obtenus. J. FLAMION. 


F. Ramorino. Tertulliano. (11 Pensiero Cristiano.) Milan, Società 
editrice « Vita e Pensiero », 1923. In-12, 316 p. 


Dans une collection qui s'annonce comme embrassant « les plus 
belles pages de la littérature chrétienne de toutes les époques », Ter- 
tullien avait sa place marquée. Il reste, en effet, malgré une fin 
lamentable, un des plus éloquents défenseurs du christianisme au 
temps des grandes persécutions, et nul écrivain n’a contribué plus que 
lui au progrès de la science théologique et à la fixation de sa termino- 
logie latine. Ce n’est pas sans raison qu’on l'a qualitié le principal 
fondateur de la théologie en Occident. S. Jérôme en faisait grand cas, 
tout en relevant vivement, à l'occasion, ses erreurs : il le cite souvent 
avec éloge, il l'utilise peut-être plus souvent encore, et il nous apprend 
que S. Cyprien ne passait pas un jour sans lire quelques pages de celui 
qu'il appelait « le maître » par excellence. On sait que Bossuet tenait 
également le graad africain en haute estime, et nul doute qu’il n'ait 
dû à un commerce assidu avec lui une part de l’énergique originalité 
de sa pensée et de son style. 

Conformément au plan adopté par la direction d’Il Pensiero crisliano, 
ce volume comprend deux parties bien distinctes : d’abord, une sorte 
de large introduction historique et critique ; puis, un choix d'extraits 
dont l’ensemble doit représenter aussi parfaitement que possible les 
doctrines et le rôle de l’auteur auquel le livre est consacré. 

La première partie est l’œuvre de M. Felice Ramorino. Elle débute 
par un aperçu clair et synthétique du «temps où vécut Tertullien ». 
Nous y voyons comment, depuis la mort d'Antonin le Pieux, en 161, 
jusqu'à l'avènement de Philippe l’Arabe, en 241, au milieu des agita- 
tions et des convulsions de l'empire romain et à côté des pâles élucu- 
brations d’une littérature profane en décadence, les idées chrétiennes 
faisaient leur chemin. Suit une esquisse biographique de Tertullien, 
esquisse nécessairement assez maigre, assez vague ; car on ne possède 
sur ce sujet d’autres éléments qu'une page du De Viris illustribus de 
S. Jérôme et quelques in lications ou allusions recueillies çà et là dans 
128 écrits de l’auteur. En revanche, «sa mentalité et son caractère » 
entier, âpre, entêté, enclin à l'exagération, ressortent avec un haut 
relief de tous ses ouvrages et de la conduite générale ile sa vie ; et les 
conclusions qui, à ce point de vue, se dégagent des faits sont judicieuse- 
meut souligaées dans un troisième chapitre de l’introductivn. Après 


510 COMPTES RENDUS, 


cela, les deux derniers traitent, l’un, « du contenu et des dates des 
œuvres de Tertullien », l'autre, « du souvenir » qu'ont gardé de lui les 
siècles postérieurs. L'analyse de ses diverses productions est nette et 
concise. Quant à l’arrangement chronologiqu:, je n’étonnerai personne 
en disant qu’il comporte des détails qui ne sont que plus ou moins 
probables ; M. Ramorino en convient loyalement. Mais l'opinion 
suivant laquelle Tertullien aurait cu, de son vivant même, Miau- 
tius Felix comme premier imitateur, sera, je le crains, difficilement 
admise par ceux qui ont lu la dissertation de M. Waltzing en tête de sa 
belle édition de l’Octavius. Il est vrai que les témoignages historiques 
font complètement défaut. On en est donc réduit aux arguments 
internes. La ressemblance, l’étroite parenté même de l'Octavius avec 
de nombreux passages de Tertullien est indéniable; mais y at-il 
dépendance directe ou seul::ment source commune ? et dans l'hypothèse 
de la. dépendance, de quel côté est l'imitation et où l'original? Trois 
solutions sont possibles, et toutes les trois ont leurs partisans. 

La seconde partie du volume, la plus considérable, est formée 
d'extraits fidèlement traduits, avec insertion d'explications historiques 
ou doctrinales très opportunes et de résumés analytiques, qui, en 
reliant les diverses citations, éclairent la suite des idées et la force des 
raisonnements. Nous y trouvons des fragments de tous les écrits, ou 
peu s'en faut, et de toutes les époques. Toutefois, on le devine, les 
œuvres capitales, telles que l’Apologeticum, le De praescriplione haere- 
licorum, les traités Adversus Praream et Adversus Marcionem, ont été 
mises plus largement à contribution. En somme, le lecteur trouvera 
ou reconnaitra ici Tertullien sous les multiples aspects de sa riche 
nature, avec de grandes, d'éclatantes qualités, et de déplorables défail- 
lances : il y a l’apologiste, l'habile et intrépide avocat du christianisme, 
qui, avec une rare maitrise, en appelle à la raison et au droit contre 
les païens persécuteurs ; il y a l’ardent polémiste, qui défend contre 
les innombrables sectes gnostiques l’unité de Dieu, les mystères de la 
Trinité, de l’Incarnation et de la Rédemption, le principe de la liberté 
humaine et l’action de la grâce ; il y a le théologien, qui inculqu® le 
respect de la « regula fidei », de la « lex fidei », et à qui nous devons, 
concernant Dieu et le Christ, des formules consacrées, comme : (res 
personae et una substantiu, tres unum sunt, una persona et duae substan- 
line ; il y a l’austère moraliste, qui exalte le devoir et les avantages 
de la priére et de la mortification, de la chasteté, de la modestie jusque 
dans les vêtements ; il y a le penseur, l'écrivain génial, créateur de 
mots qui ont traversé les siècles : sanguis marlyrum semen christiano- 
rum, anima naluraliter christiana, etc., mais dont la puissante et 
pittoresque originalité est nécessairement voilée un peu dans une 
traduction ; il y à aussi l'esprit trop confiant en lui-même, aventureux, 
qui n'a pas su se préserver d’un certain subordinatianisme, ni des 
rêveries millénaristes, ni d’autres opinions trés singulières ; il y a 
encore, hélas ! l'homme au tempérament outrancier cet opiniâtre, qui 


P. VITTON : I CONCETTI GIURIDICI NELLE OPERE DI TERTULLIANO. 511 


condamne les secondes noces, qui ne permet pas aux chrétiens de fuir 
ou de se racheter peniant la persécution, qui leur interdit absolument 
de servir dans les armées et d'assister aux spectacles, et qui enfin, 
oublieux de son glorieux passé, sombre, par le montanisme, dans le 
schisme et l’hérésie déclarés. | 

Le Tertulliano de M. Ramorino, en nous présentant une image rela- 
tivement très complète de cette grande tigure, justifie bien son titre. 


J. FORGET. 


P. Vrrron. Î concetti giuridici nelle opere di Tertulliano. Rome, 
Tipografia dei Lincei, 1924. In-8, 80 p. 


L'avocat Vitton, magistrat distingué, qui durant ses heures de loisir 
a trouvé le temps d'écrire ces pages, n’a pas craint d'aborder un pro- 
blème déjà étudié et par des juristes et par des historiens. En par- 
courant les œuvres du grand controversiste afin de mieux connaître sa 
formation juridique par l'usage qu'il fait des formules de droit, il 
s'était aperçu que la question n'avait pas été traitée à fond. En effet, 
pour l’examiner d’une manière définitive, il fallait être en même temps 
très versé dans la science du droit romain et familiarisé avec la litté- 
rature -patristique. Vitton s'inspire des étules faites par Ferrini et 
Carusi sur Arnobe et Lactance ; toutefois au lieu de grouper les cita- 
tions d’après les différentes œuvres dont elles sont extraites, la quantité 
de matériaux recueillis chez Tertullien lui a conseillé de les grouper 
suivant la nature de leur contenu. C'est pourquoi l’auteur dispose les 
citations d’après les divisions ordinaires du droit : « ad personas, vel 
ad res, vel ad actiones ». Ces citations sont précédées d’un autre choix 
d'extraits où Tertullien fait allusion à la lec naturalis, à la lex divina 
à la lex Dei aeternals, à la valeur de la coutume praeler ou contra legem, 
à l'abrogation de la loi, à la reconnaissance du culte divin. 

En ce qui concerne les personnes, les passages qui se rapportent au 
status servilutis et au status familine sont nombreux et importants ; au 
contraire rares et de peu d'importance ceux qui ont rapport au droit 
des choses et en reflètent les principes, si l’on excepte la prescription, 
qui à plusieurs reprises est invoquée par Tertullien. Et à ce propos 
l'auteur aborde la question de savoir, si Tertullien, dans sa polémique 
avec les hérétiques, a eu en vue d'utiliser le motif juridique de la pres: 
criplio longae pos:essionts, dont l'efficacité pour annuler le droit d'autrui 
se trouve sanctionnée pour la première fois par le rescrit de Sévère et 
de Caracalla de l’année 119. Il répond négativement et justifie pleine- 
ment son avis (p. 41 et sv.). Un nombre assez notable de citations se 
rapportent chez Tertullien aux actiones et à la procédure civile, parce 
que dans la polémique avec ses adversaires il se considère comme cité 
devant le tribunal et comme si la controverse devait se résoudre par 
jugement. Importants également les textes qui concernent le droit 


512 COMPTES RENDUS, 


pénal appliqué à la persécution contre les chrétiens. Un dernier groupe 
de textes, assez restreint, a trait aux usages militaires et à la profes- 
sion de jurisconsulte. 

L'auteur conclut : « Tertullien nus apparaît fidèle à la tradition 
classique... la connaissance profonde et pratique du droit romain 
contribue à assurer à ses œuvres une tonalité et un coloris spécial. 
tandis que le grand nombre d'appels à des prescriptions juridiques 
montre que Tertullien ne s’aventure pas comme Minutius et Lactance 
sur un terrain qui n’est pas le sien, mais qu’il s'y meut avec la maîtrise 
de celui qui coanait la valeur exacte des institutions du droit et leur 
répondant pratique dans la vie sociale ». L'auteur relève que Tertullien 
tombe parfois dans des contradictions, dans des inexactitudes, surtout 
lorsqu'il se laisse entraîner par sa fougue de polémiste. 

Ea terminant V. note que Tertullien ne doit pas être identifié avec 
le jurisconsulte de même nom dont on possède quelques textes dans le 
Corpus Juris. On peut affirmer que T'ertullien ne contribua en aucune 
façon au développement du droit qui, précisément à cette époque, subis- 
sait la plus grande transformation et se préparait à devenir le droit 
universel. Tertullien, par contre. a cherché et trouvé abondamment 
dans le droit des arguments pour renforcer ses thèses théologiques et 
morales. 

On ne pouvait mieux conclure. La lecture de ce travail cencis et 
clair ne manque pas d'attrait et donne pleine satisfaction malgré son 


apparente aridité. P. PascHini. 


F. Loors. Paulus von Samosata. Eine Untersuchung zur altkirch- 
lichen Literatur- und Dogmengeschichte. (Texte und Untersu- 
chungen hrsg. von A. von Harnack und C. Schmidt, t. XLIV, 
fasc. 5). Leipzig, Hinrichs, 1924. In-8, xx-346 p. Fr. 49,45 suisses. 


Paul de Samosate es! à l’ordre du jour. Après les études récentes de 
N. Bonwetscb, de H. J. Lawlor, du R. P. Galtier, après l'ouvrage que 
j'ai moi-même consacré à ce personnage, voici un livre de F. Loofs, 
qui parait appelé à un retentissement considérable dans tous les cer- 
cles où l’on s'intéresse à l'histoire des origines chrétiennes. C’est un 
livre riche de science et d’hypothèéses, plein de faits et de conjectures, 
et dans lequel se mêlent étrangement la vérité et la fiction. 

Le premier problème qui se pos» à l'historien de Paul de Samosate 
est celui des sources. L'enquête de Loots est poussée très avant et ren- 
ferme un bon nombre d'excellentes remarques. Mais pourquoi vouloir 
à tout prix transformer le Samosatéen en une espèce de saint, alors 
que les témoignages les plus authentiques en font un homme plus 
préoccupé de ses propres intérêts que de ceux de Dieu ? Pourquoi, en 
particulier, changer en vertueuses diaconesses pleines de charité pour 


F. LOOFS : PAULUS VON SAMOSATA. 513 


les pauvres et les vieillards, les ouws'oarto que la synodale de 268 
reproche à Paul d'entretenir auprès de lui ? et ne savons-nous pas que 
" les virgines subintroductae étaient à ce moment même combattues en 
Afrique par saint Cyprien ? Particulièrement intéressante, au point 
de vue historique, est la question des rapports de Paul avec Zénobie 
et avec l'empire palmyrénien. 

Si intéressante que puisse être l'histoire extérieure du samosaténisme, 
ce n’est pourtant pas par là que l’ouvrage de Loofs mérite surtout de 
nous arrêter. Son importance vient surtout de la représentation abso. 
lument nouvelle qu’il apporte de la doctrine de Paul. Les pages con- 
sacrées par Loofs à faire connaitre les fragments conservés des docu- 
ments originaux, en rappelant les circonstances exactes de leur 
publication, et en s'efforçant d’en fournir ua texte amélioré (p. 67-94) ; 
celles aussi dans lesquelles l’auteur essaie de reconstituer l’ordre de 
la synodale et des Actes, de remettre à leur place les membra disiecta 
que nous possédons, de prouver par la double critique interne et 
externe l'authenticité de nos morceaux (p. 110-183), sont parmi les 
plus remarquables et les plus solides de son ouvrage. Il est cependant 
permis de noter de graves lacunes dans son information. M. Loofs ne 
connaît pas les fragments syriaques de la lettre synodale que renferme 
le 3° livre du Contra Grammaticum de Sévère d’Antioche, et que l’obli- 
geance de M. Lebon m'a permis d'utiliser. Il ne connaît pas davantage 
les fragments arméniens des Actes qui sont cités dans la Widerlegung 
der auf der Synode zu Chalcedon festgesetsten Lehre de Timothée Aelure, 
bien que cet important ouvrage ait été édité à Leipzig, en 1908. Nous 
connaissons si mal les documents originaux que la moindre découverte 
n'est pas sans importance. 

Aux fragments authentiques s'ajoutent les données des écrivains 
théologiques et des hérésiologues. Les documents homéousieas de 
398-399, l'Antirrheticus de saint Grégoire de Nysse, le 2e livre Adversus 
Apollinarem du pseudo-Athanase, l’Oratio 1V8 cont'a Arianos du pseudo- 
Athanase, quelques fragments des chaînes grecques, — Loofs aurait 
pu signaler d’après les chiînes de Cramer des morceaux qui lui ont 
échappé, — apportent sur Paul et sur sa doctrine d'intéressantes pré- 
cisions. Parmi les sources hérésiologiques, je ne vois pas que Loofs ait 
utilisé Marouta de Maipherkat, dont la notice est, selon Harnack, une 
des plus précises et des mieux renseirnées qui soient. Avec raison, 
Loofs rejette comme inauthentiques le faux symbole de 268, la lettre 
de Denys d'Alexandrie, avec les questions et réponses qui l’accom 
pagnent (p. 105-108), et les fragments des Discours à Sabinus (p. 283- 
293). | | 
Mais quelle est donc la doctrine du Samosatéen ? Les dernières 
lignes de l’ouvrage nous feront uu moins connaitre les co.clusions 
générales de Loofs : « Paul de Samosate s’est résolument opposé au flot 
uéoplatonicien auquel Origène avait frayé le chemin, et qui, en sub- 
merseant les anciennes traditions, s’est largement répandu daus 


514 * ... COMPTES RENDUS. 


l'Église. C’est là son titre d'honneur. Mais il a été lui-même englouti 
par ce flot, comme l'ont été après lui Marcel (d'Ancyre), l’'homoousia- 
nisme des vieux-nicéens, la théologie antiochienne, et le pauvre reste 
de l’antiquité que l'Occident avait su encore garder au concile de 
Chalcédoine... Paul de Samosate, pour autant que nous pouvons juger 
le caractère de sa personsalité, nous apparaît comme un des theolo- 
giens les plus intéressants de la période anténicéenne, parce qu'il 
appartient à une tradition qui plonge ses racines en un temps antérieur 
au déluge hellénistique (p. 322). » 

Lorsqu'on précise le sens de ces formules oratoires, on s'aperçoit 
‘sans peine que, pour Loofs, Paul de Samosate est le représentant 
d’une tradition qui trouve son point de départ dans la pensée chré- 
tienne antérieure aux Apologistes ; qui se poursuit chez Théophile 
d’Antioche, chez saint Irénée, chez Tertullien, et qui, après Paul, 
est encore représentée par Marcel d’Ancyre et par Eustathe d'An- 
tioche, c'est-à-dire par les défenseurs les plus ardents du symbole 
de Nicée. Et les adversaires du Samosatéen ne sont autres que les 
métaphysiciens de l’école d'Origène, les ancêtres doctrinaux de Lucien 
d'Antioche, d’Arius, des Eusébiens. L'éucouatos de Paul de Samosate, 
condamné ou tout au moins rejeté par le concile de 268, devait prendre 
à Nicée une éclatante revanche ; mais par un étrange renversement 
des choses, la victoire des Néonicéens après 360 était destinée à rendre 
_ vaine cette revanche et à canoniser officiellement une doctrine issue 
de l’origénisme. 

Il est à peine besoin de dire que ces paradoxes, avant d’être résumés 
dans les quelques pages d’une brillante conclusion, ont été l’objet 
d'une patiente et minutieuse étude de la part de Loofs. La doctrine 
trinitaire (p. 203-236), la christologie (p. 236-257) ont été examinées 
dans leurs moindres détails, et surtout la pensée de Paul de Samosate 
a été constamment éclairée par une comparaison avec celle de Tertul- 
lien, d'Eustathe d’Antioche et de Marcel d’Ancyre. 

Est il permis de dire que cette comparaison a quelque chose d'in- 
quiétant ? Car si la doctrine de Tertullien est connue par l’Adversus 
Praxean, qui, tout en étant un ouvrage de controverse, renferme 
cependant de nombreuses pages d'exposition positive, nous n'avons 
d’Eustathe et de Marcel que des fragments, transmis un peu au hasard 
des circonstances, et difficiles à interpréter en dehors de leur contexte. 
Eclairer la doctrine de Paul de Samosate par celle d’Eustathe et de 
_ Marcel risque d’être une entreprise hasardeuse. Alors même que cer- 
taines formules se reproduisaient chez les uns et chez les autres, il 
faudrait être sûr de leur véritable signification ; et ne pas donner aux 
mots de Paul un sens qui risque de n'être pas le leur. 

Il ne faut pas davantage regarder Eustathe et Marcel comme les 
seuls représentants légitimes de la tradition, à l'époque du concile de 
Nicée. L'un et l’autre ont sans doute été parmi les plus ardents défen- 
seurs de l'éxoovoros ; l’un et l'autre ont été combattus sans merci par 


F. LOOFS : PAULUS VON SAMOSATA. 515 


Eusébe et par les théologiens qui, comme lui, pouvaient se recom- 
mauder du souvenir et de l'enseignement d'Origène. On peut ajouter 
que de bonne heure le nom de Paul de Samosate a été rapproché de 
celui de Marcel dans les écrits des théologiens et dans les condam- 
pations des conciles. Mais les justifications que Marcel eut à produire 
par sa défense, à Rome même, où son orthodoxie avait fini par 
devenir suspecte, et jusqu'au sourire d'Athanase qui paraissait aban- 
donner ainsi son vieux compagnon de luttes, suffiraient à prouver 
qu'il y avait dans l’enseignement de l'évêque d’Ancyre bien des for- 
mules difficiles à expliquer au sens de l’orthodoxie. 

On admettra volontiers que c’est donner de la doctrine de Paul une 
représentation trop simpliste que de la ramener d’une part à la néga- 
tion de la Trinité ; d'autre part à la négation de la divinité de Jésus- 
Christ (psilanthropisme). Le Samosatéen gardait sans doute les noms 
des trois personses divines dans l’administration du baptême ; il les 
conservait également dans son enseignement théologique ; mais pour 
sauvegarder l'unité divine, il supprimait la personnalité du Verbe et 
de l'Esprit. Lorsqu'il parlait du Christ, il le représentait comme un 
homme ouvaçgleis Tñ dopiax ; mais la ouvaqetæ, bien loin d’être une 
évoats cbot0ns n'était envisagée que sous la forme d'une évotxnots xar” 
évépryecay ; si bien que, malgré les affirmations réitérées de Paul, il 
devenait difficile de voir en quoi le Christ différait de Moïse et des 
prophètes. 

Les évêques réunis contre Paul ne purent pas tout de suite le prendre 
en défaut. L'évêque d’Antioche était un habile dialecticien ; et les pro- 
blèmes compliqués dont il s'agissait restent toujours difficiles à 
exprimer. Toutefois lorsque Malchion eût réussi à voir clair dans 
cette pensée fuyante, le concile n’hésita pas à déposer Paul et à le 
renvoyer à la communion d’Artémon. Il y a là autre chose que de 
l'ironie. Artémon qui avait enseigné à Rome, qui vraisemblablement 
y vivait encore, était considéré en Occident comme un hérétique. Si 
la doctrine de Paul avait été dans la ligne de la tradition occidentale, 
il aurait été difficile, même aux origénistes qui le jugeaient, de le con- 
damner précisément sous le prétexte qu’il renouvelait uae erreur 
dont on aurait trouvé trace à Rome. M. Loofs ne tient pas compte de 
ce fait. Il ne tient pas compte davantage des lettres de communion 
demandées à Rome pour Domnus, de celles accordées par Rome au 
successeur de Domaus. Ce sont des faits, il est vrai ; ce ne sont pas des 
textes. Mais les faits éclaircissent quelquefois les textes mieux que les 
analyses les plus subtiles ; et des ressemblances verbales signalées 
entre des fragments épars ne suffisent pas, semble-t:il, à marquer avec 
certitude la filiation d’une doctrine. 

L'ouvrage de Loofs sur Paul de Samosate rendra certainement ser- 
vice aux historiens de l’ancienne Église et aux historiens du dogme 
chrétien. Il abonde en fines analyses, en rapprochements ingénieux ; 
il est riche d’études critiques sur les documents, originaux ou apo- 


516 COMPTES RENDUS. - 


cryphes, qui se rapportent au samosaténisme ; et plusieurs de ces 
études peuvent être regardées comme des modèles. 

Mais la thèse fondamentale du livre, celle qui vise à réhabiliter 
Paul de Samosate, en en faisant le représentant autorisé d’une ancienne 
tradition antiochienne, est profondément décevante ; et toute la science 
de Loofs ne réussit pas à imposer ce paradoxe : on peut étre frappé de 
certains rapprochements textuels, de certaines comparaisons conduites 
avec talent ; mais on ne tarde pas à s'arrêter devant d'insurmontables 
difficultés. Même à Antioche le Samosatéen apparaît comme sur héré- 
tique sans ancêtres. Le concile de 268 ne s'est pas trompé en condam- 
nant sa &« méchançceté négatrice de Dieu ». Coste BaRDY: 


P. Barirro. Le Siège apostolique (359-451). Paris, Gabalda, 1924. 
In-19, vu-624 p. F. 15. 


« Avec ce volume s'achève l’histoire des origines du catholicisme » 
que M. Batiffol avait entrepris d'écrire. En 1909, il publia l’Église 
naissante el le Catholicisme, dont nous n’avons pas besoin de rappeler 
le retentissant succés. En 1914, parut la Paix Conslantinienne qui 
racontait la première prise de contact du catholicisme avec deux puis- 
sances redoutables, d’une part l'empire chrétien et d'autre part 
l'arianisme. Le volume se terminait par l’histoire du Concile de Rimini 
qui semblait consacrer la victoire de l’une et de l’autre. 

Elle fut de courte durée, du moins en Occident. M. Batiffol nous 
raconte la double réaction qui se dessina dés le lendemain de Rimini, 
réaction nicéenne et réaction contre l’intrusion du pouvoir civil dans 
les affaires ecclésiastiques. Il définit très justement le rôle que 
S. Ambroise joua dans cette dernière. On savait tout ce qu’il avait fait 
pour combattre l’arianisme ; on connaissait sa liberté vis-à-vis du 
pouvoir impérial, mais on n'avait pas encore mis en lumière, comme 
l’auteur le fait, la portée exacte de cette attitude de l’évêque de Milan 
vis-à-vis du pouvoir civil, parce qu'on ne l'avait pas replacée dans son 
cadre véritable. 

Nous ne pouvons songer à reprendre par le détail tout l'exposé de 
M. Batiffol. C’est un exposé quelque peu touffu en certains parties de 
son livre, car il enteud être complet. Qu'il nous suilise de décrire sa 
méthode, ses procédés, ses conclusions principales. Il divise la période 
qui s'étend du concile de Rimini au concile de Chalcédoine en quatre 
étapes, si l'on me permet d'employer ce mot, quatre étapes qui sont 
nettement caractérisées par quelque événement important : Damase et 
Ambroise, le concile de Constantinople de 381, le concile d'Ephèse, 
S. Léon et le concile de Chalcédoine. Pour chacune de ces subdivisions, 
il étudie successivement l'Orient et l'Occident, au point de vue de 
l’organisation ecclésiastique. Il lui arrive tantôt de rencontrer l’un ou 


P. BATIFFOL : LE SIÈGE APOSTOLIQUE 517 


l'autre fait particulièrement remarquable, où se joue à un certain 
moment la destinée de l'Eglise catholique ; tantôt, et cela spécialement 
pour l'Occident, il se trouve mis en présence de l'activité normale de 
l'Eglise, des relations régulières entre les évêques et Rome, telles 
qu'elles apparaissent dans les actes d'administration que le pouvoir 
pontifical exerce au gré des circonstances et des difficultés locales qui 
se présentent. 

Pour ces derniers faits, notre auteur est bien informé. Sa critique 
ne se trouve nullement en dessous de sa tâche. Il sait interpréter les 
documents, qu'il ne craint pas de présenter au lecteur, comme il sait 
mettre chaque fait à sa place et le replacer dans son cadre normal, 
Certains de ces exposés retiennent malgré tout l'attention, tant l’auteur 
a su mettre le sens de l’histoire dans sa manière. On revit les faits au 
fur et à mesure de leur succession devant nos yeux. 

Quand il s’agit de l’un ou l’autre épisode plus éclatant de l’histoire 
de l'Eglise, tels les conciles de Constantinople, d'Ephèse, de Chalcé- 
doine, sa méthode reste la même, quoique l'exposé se hausse à la 
mesure de l'importance des événements. On s'attache à reproduire 
scrupuleusement les événements, on nous donne les documents, inter- 
prétés avec grande perspicacité et modération, pour nous faire décou- 
vrir le sens et la portée des faits que l’on a retracés consciencieusement,. 
Nous avons la sensation d'avoir affaire à un maître en la matière. Le 
tout sans discussion ; il n’est fait allusion qu’incidemment, en manière 
de conclusion, à l’une ou l’autre opinion qui s’est manifestée en sens 
contraire. Et en effet, nul besoin de s’en occuper spécialement ; la meil- 
leure critique est l’exposé des faits tel que l’auteur nous le présente. 

Les conclusions sont appuyées sur cet exposé. Il nous fait comprendre 
parfaitement la différence des situations entre l'Occident fidèle à Rome 
et l'Orient, plus versatile, soumis à des influences contradictoires, dont 
la tidélité est précaire et plus instable. Je crois devoir souligner ce 
point qui ressort avec une lumineuse évidence de l'exposé de M. Batiffol 
que l'Orient est d'autant plus instable dans son acceptation du princi- 
patus romain qu'il s'attache mieux au pouvoir impérial, lui demandant 
secours et appui de façon régulière, alors que l'appel à Rome, pour 
se traduire de fait en des manifestations éclatantes, reste un dernier 
recours, qui est tenté quand les autres remèdes ont été essayés en 
vain. Ce qui donne de l'autorité à l'exposé de M. Batiffol, c’est qu'il ne 
nous fait pas comprendre seulement l’histoire d’un siècle, mais tout 
aussi bien celle des siècles qui suivirent. A le lire, on s'étonne moins 
de ce qui est survenu par la suite, car, comme il le fait ressortir dans 
ses conclusions, il suffit à l'esprit byzantin de prévaloir dans l'Eglise 
d'Orient, pour que le prestige de Rome décline et Justinien continue 
ce que d’autres avaient préparé avant lui, en attendant que des hommes 
de moindre valeur enregistrent les résultats de son action et de celle 
de ses devanciers. 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 33 


518 : COMPTES RENDUS. 


D'autre part, M. Batiffol montre bien comment le siège romain 
entend faire dominer le respect de la tradition, en maintenant l’orga- 
nisation ecclésiastique telle que l'usage, la coutume l'ont faite, non en 
vertu d'un traditionalisme de pure convention, mais d’une doctrine de 
droit qui donne la primauté à Pierre et à ses successeurs, tout en 
reconnaissant les prérogatives des métropolitains et des évêques. 
L'auteur a pleinement raison d'insister sur ce point que c'est se 
méprendre étrangement que de vouloir définir cette organisation, en 
l’appelant une monarchie, que l’on prétendrait représenter comme auto- 
ritaire et destructive de tout droit étranger au sien. Il établit nettement 
qu'il n’en est pas ainsi et il nous montre le pontife romain aussi 
soucieux de défendre et de maintenir l'autorité des évêques que la 
sienne propre, le tout en faisant un appel constant aux titres de l'Eglise 
romaine qui sont consignés daos l'Evangile et la coutume ecclésiastique. 

Nous aurions commis un oubli regrettable, si nous n’avions signalé 
la maîtrise de l’auteur dans le portrait qu'il nous fait de l’homme et 
son œuvre, quand il nous parle de S. Ambroise et particulièrement de 
S. Léon. Nous y avons retrouvé la manière de son Catholicisme de 
Saint Augustin (1919), livre écrit avec tant d'amour et de science et 
qui nous paraît tenir spécialement au cœur de l'écrivain, si nous en 
croyons quelque souvenir qu’il lui accorde dans sa préface. 

M. Batiffol nous dit à cet endroit même, « qu’il dédierait ses études » 
avec une confiance accrue aux théologiens anglais qu'il (lui) fut donné 
de rencontrer en novembre dernier à Malines. «.. L'unité de l'Église, 
telle qu'Augustin l’a contempiée, était, dit-il, la vision qui s’ouvrait 
au-delà de nos discussions de textes. Le cardinal qui présidait ces 
entretiens n'’était-il pas lui-même pénétré de la foi d’Augustin en l’unité 
qui importe, non pas seule, mais par dessus tout f » 

Puissions-nous voir les études de M. Batitfol connues et appréciées, 
comme elles le devraient être, par les historiens de l’Église et par 
les théologiens catholiques. Ils sont assurés d’y trouver une infor- 
mation sûre, des renseignements pris aux sources, une interprétation 
perspicace et pénétrante aussi bien que juste et modérée, un exposé 
consciencieux et une manière de comprendre et de présenter les faits 
digne d’un historien de marque. Toutes ces qualités, nous les avions 
déjà soulignées en parlant des premiers volumes de l'œuvre de 
M. Batiffol ; elles se retrouvent dans ce dernier, malgré les difticultés 
que l’entreprise devait rencontrer en certaines étapes de l’histoire de 


l'Eglise qui va de Rimini à Chalcédoine. J. FLAMION 


UusEerto Moricca, San Girolamo, (11 Pensiero Cristiano.) Milan, 
Società editrice « Vita e Pensiero », 4923. 2 vol. in-12, 220 et 290 p. 


La collection Il Pensiero cristiano à pour objectif de vulgariser en 
Italie des chefs-u’æuvre littéraires qui vont à glorifier le christianisme, 


UMBERTO MORICCA : SAN GIROLAMO. 519 


parce qu'ils se sont inspirés de ses doctrines. Elle ne pouvait mieux 
débuter que par cette publication, dars laquelle nous aimons à voir 
comme un écho du XV: centenaire de saint Jérôme. 

Ce sont deux beaux volumes qu’on nous présente sous letitre transcrit 
ci-dessus. Une parcie notable du premier est consacrée par M. Umberto 
Moricca à retracer à grands traits la vie si pleine de l'illustre docteur 
scripturaire. Rédigée en un style clair et simple, l’esquisse biographique 
est d'une lecture aussi agréable qu’instructive. On y suit sans peine et 
avec intérêt Jérôme dans les étapes successives de son existence : 
d'abord, étudiant laborieux et avide de savoir, dans son lieu natal et à 
Rome ; puis, voyageant en Gaule et trouvant là aussi occasion de 
s'instruire ; séjournant à Aquilce et s’y liant avec un groupe de jeunes 
gens distingués dont les noms reviendront souvent sous sa plume; 
passant une première fois en Orient pour se faire anachorète au désert 
de Chalcis ; de retour à Rome et y commençant, avec les encourage- 
ments et l'appui du pape Damase, la série de ses études bibliques ; 
regagnant entin la Palestine et construisant à Bethléem un monastère 
où il compte se fixer. C'est ici, en effet, qu’il vivra le reste de sa longue 
carrière, sédentaire et retiré, mais jamais oisif ni jamais tranquille, 
jamais à l'abri des préoccupations et des agitations du dehors. Car à ses 
grands travaux d’exégèse et de traduction viennent s'ajouter sans cesse 
une vaste correspondance, des écrits de circonstance pour combattre 
toutes les erreurs qui lui sont dénoncées, et des polémiques retentis- 
santes où le rude athlète, frappant d’estoc et de taille, distribue des 
coups redoutables, dont quelques-uns malheureusement dépassent la 
mesure ou s’égarent sur des persunnes dignes de meilleurs procédés, 

M. Moricca, étant donné son but, n’avait pas à entrer dans l’examen 
de détails chronologiques, géographiques ou autres, qui sont discutables 
et discutés entre érudits. Il à pu se borner çà et là à enregistrer les 
opiaions qui lui paraissaient les plus plausibles. C’est ainsi qu’il place 
‘la naissance de Jérôme entre 340 et 350, qu'il lui attribue, cumme 
«très probable », la traduction, après les Évangiles, des autres livres 
du Nouveau Testament, qu'il lui attribue également, ainsi qu’à son 
compagnon le prêtre Vincent, la résoiution bien arrêtée « de ne point 
exercer les fonctions Sacerdotales ». Mais on se demandera sur quoi il 
se fonde pour assigner à la mort d'Eustochium la date précise du 28 sep- 
tembre 418. Quant à Jérôme, aftirmer sans plus qu’ «il s’éteignit le 
30 septembre 420 », c’est sans doute un peu trop catégorique. N’avons- 
nous pas vu naguère son dernier historien, le P. Cavallera, opiner, à 
la suite du bollandiste Stilting, pour l'annee 419 ? Je signalerai une 
autre atiirmation non seulement risquée ou exagérée, mais certaine- 
ment inexacte dans sa forme absolue ; c’est celle aux termes de laquelle 
«tous les critiques sont d'accord aujourd’hui pour identifier Stridon 
avec la petite cité de Grahovo, située à proximité de Glamoc eu 
Bosnie ». Cette thèse, grâce aux habiles plaidoyers de Mgr Bulic, a pu 
paraître un moment en passe de rallier tous les suffrages; mais ua 


520 COMPTES RENDUS. 


" examen attentif en a découvert la fragilité. L'inscription récemment 
découverte, qui en est le fondement essentiel et dont l'authenticité 
même a rencontré des sceptiques, se prête à plusieurs lectures très 
différentes ; ensuite Grahovo est trop éloignée d’Aquilée et d’Hæmona 
(actuellement Lubiana ou Laybach), avec lesquelles Jérôme et sa sœur 
eurent beaucoup plus de relations qu'avec aucun centre de la région de 
Grahovo ; Salone (Spalato), ville principale de cette dernière région, 
n'est nommée que deux fois, et incidemment, dans tous les écrits de saint 
Jérôme. Ajouterai-je que M. Moricea a peut-être eu tort d’accuser Rufin 
d’insincérité dans sa réconciliation avec son ancien ami devenu son 
adversaire ? Du moins lui reconnaît:-il franchement le mérite de s'être tu 
le premier après une triste recrudescence de la «déplorable polémique ». 

Dans leur ensemble imposant, grâce à l’érudition variée de leur 
auteur et à un esprit curieux de toutes les formes de vérité, les œuvres 
de saint Jérôme, quels que soient la dénomination spécifique et l’objet 
direct de chacune d'elles, représentent plusieurs spécialités ou direc- 
tions scientifiques très diverses ; dans les lettres, comme dans les 
traités de controverse et dans les commentaires bibliques, l’histoire, 
la morale, l’exégèse sacrée, la polémique, ont leur part et se coudoient 
ou s’entremélent. Se fondant sur ce fait, M. Moricca, dans sa seconde 
partie, nous donne successivement des échantillons de ces différents 
genres. De Jérôme historien il reproduit les détails sur le schisme 
d'Antioche et sur la prise de Rome, ainsi que les Vies de Paul l’ermite 
et de Malcus, et les oraisons funèbres ou « Epitaphia » de Paula et de 
Népotien. 11 aurait pu faire remarquer que ces deux derniers groupes 
pe sont historiques que dans un sens un peu large. Il nous montre 
ensuite le moraliste exaltant la virginité, exposant con amore la beauté 
et les avantages de la vie religieuse, insistant avec une rare force de 
persuasion sur les devoirs des clercs, des vierges, des veuves. De 
l'exégète, il rapporte les vues intéressantes et parfois originales sur 
l'utilité de nouvelles versions de l’Ecriture et sur les diverses manières 
de la traduire et de la commenter. Enfin, du polémiste, il cite des pages 
très vivantes et souvent très vives, dont quelques-unes tirées de la 
correspondance avec saint Augustin, et d’autres dirigées contre Helvi- 
dius, contre l'origénisme, contre les pélagiens. 

Au total, en réunissant, en agençant ces fragments et en y ajoutant 
quelques notes explicatives, M. Moricca a fait acte d'éclectisme intelli - 


gent et pratique. J. FoRGET. 


Jou. B. AuruausER. Christentum und Buddhismus im Ringen um 
Fernasien. (Bücherei der Kultur und Geschichte hrsg. v, S. Haus- 
MANN. asc. 25.) Bonn et Leipzig, K. Schroeder, 1922. In-8, 
x11-402 p. Fr. 3, 


Cet ouvrage du D' Auf hauser porte un titre quelque peu trompeur. 
En réalité, il ne nous décrit pas les luttes que se livrent christianisme 


JOH. B. AUFHAUSER : CHRISTENTUM UND BUDDHISMUS. 21 


et bouddhisme en Orient ; il nous donne plutôt une histoire des missions 
chrétiennes dans les pays asiatiques où le bouddhisme est religion 
prépondérante. 

A la naissance du christianisme, le bouddhisme, déjà vieux de cinq 
siècles, occupait en Extrême Orient de fortes positions : dans l’Inde et 
à Ceylan, à Siam et dans l'Indochioe, en Chine et au Japon, il comptait 
des millions d’adeptes et une armée bien disciplinée de zélés propagan” 
distes ; en outre, dans plusieurs contrées de ces pays, il était reconnu 
comme religion d'État. Ce succès rapide et remarquable, le bouddhisme 
le devait sans doute en grande partie à l'appui de quelques rois, dont 
le plus célèbre Asoka (269-232 av. J.-C.), à en croire la legende, ne 
construisit pas moins de 84.000 temples ; mais il le devait aussi à la 
simplicité et à l'extrême souplesse de sa doctrine, qui s’adressait d’une 
manière égale à tous les hommes et qui s’adaptait, suivant les circon- 
stances de lieu et de temps, aux religions qu’il voulait supplanter. 

Il n’est pas facile, voire même possible de reconstituer l’histoire des 
premières missions chrétiennes dans les pays bouddhistes d'Asie. Les 
récits, légendaires en grande partie, qui nous en ont été conservés, 
permettent simplement de croire qu'il y a eu, dès les premiers siècles 
de notre ère, quelques expéditions de prédicateurs isolés, dont les 
efforts n’ont guère eu de résultat durable. 

Ce sont des missionnaires nestoriens qui ont réussi les premiers à 
y établir des chrétientés organisées. Dés le 1v° siècle, ils avaient 
penétré dans l'Inde et, comme le prouvent des inscriptions découvertes 
au siécle dernier, ils poussèrent leurs conquêtes jusqu'en Chine, au 
vii* siècle. À partir de cette époque, leur propagande fut facilitée par : 
les relations commerciales et politiques qui s’établirent entre les pays 
orientaux et occidentaux d'Asie. Au x111° siècle, plusieurs de leurs 
communautés subsistaient encore quand les franciscains et les domini- 
cains arrivèrent en Chine et dans les pays limitrophes de l'Océan 
pacifique. On connaît la tentative de ces moines intrépides qui ont été 
sur le point de conquérir au christianisme l'immense empire de Chine. 
Leurs efforts héroïques, au début si pleins de promesses, n’ont échoué 
que devant le fanatisme de l’Islam. 

Le xvi° siècle marque dans l'histoire des missions d'Asie orientale 
une nouvelle période. La découverte des voies maritimes vers l'Orient 
et l'enthousiasme religieux provoqué par la réforme catholique avaient 
fait naître dans les ordres religieux le désir de conquérir les païens 
au Christ. Tous rivalisaient de zèle dans la fondation des missions : 
franciscains, dominicains, jésuites, pour ne nommer que les principaux, 
eurent bientôt organisé des expéditions dans différents pays de l'Asie. 
Le succès fut vraiment remarquable : en quelques années, le christia- 
nisme y avait gagné des centaines de milliers d’adeptes. Malheureuse- 
ment les regrettables controverses, provoquées dès la fin du xvi° siècle 
sur les méthodes d’évangélisation, arrétèrent tout progrès et amenèrent 
même le déclin des missions catholiques. 


022 COMPTES RENDUS. 


A la tin du xvunie siècle, l'idée d'organiser des missions gagvoa aussi 
les milieux protestants, en même temps qu’elle redevint plus vivante 
dans le clergé catholique. Aux xix°-xx° siècles, on put ainsi assister à 
un bel effort de christianisation des pays bouddhistes d'Asie, auquel 
prirent part tous les pays de l’Europe occidentale et les Etats-Unis 
d'Amérique. En se basant sur les relations les plus véridiques, 
M. Aufhauser nous fait connaître les progrès successifs et la puissance 
numérique actuelle des différentes confessions chrétiennes. 

Dans des appendices, l'ouvrage de M. Aufhauser contient 1) des 
statistiques sur la diffusion du christianisme dans les pays bouddhistes 
d'Asie (p. 310-320) et sur la pénétration du bouddhisme dans les pays 
chrétiens d'Europe (p. 337-349) ; 2) des tables chrono'ogiques résumant 
les principaux événements exposés dans le récit (p. 321-337) ; 3) un 
parallèle des « prétendues ressemblances entre la vie de Bouddha et 
celle de Jésus » (p. 349-366). 

L'ouvrage du D' Aufhauser constitue une contribution importante à 
l’histoire des missions chrétiennes. Sans doute, il n'a pas la prétention 
d'apprendre au lecteur des faits inconnus ou d'apporter à certains 
problèmes discutés de solutions nouvelles ; mais il résume d’une façon 
claire et agréable de nombreuses monographies et se distingue par une 
critique prudente et modérée. A. DE MEYER. 


ALr Tagari. The Book of Religion and Empire. Arabic text edited 
by A. Mingana, D. D. Manchester, University press, 1993. In-8, 
444 p. 5 sb. 


Le nom de Tabari éveille tout naturellement chez les historiens le 
souvenir du grand annaliste Mohammed Ben Djerir at-Tabari, qui 
vivait au 1x° siècle et à qui nous devons le premier essai d'histoire 
complète des Arabes. Ce n'est pas de lui qu'il s'agit dans le titre 
transcrit ci-dessus. Le Livre de la religion et de l'empire est d’Ali 
Abu Hasan at-Tabari, un peu plus ancien (de trente ans environ) que 
son célèbre homonyme. Il intéresse directement l’histoire des idées, 
beaucoup plus que l’histoire des faits. Il n’est pas autre chose, en effet, 
qu'une apologie des doctrines du Coran, ainsi que des entreprises 
conquérantes et des pratiques gouvernementales qui s'en inspirent. 
Grâce à la situation de l'auteur, admis dans la familiarité et à la table 
du calife El-Motawakkel, et au caractère presque officiel de son œuvre, 
ces pages nous permettent de porter un jugement d'ensemble sur les 
relations et sur l’état de la polémique religieuse entre chrétiens et 
musulmans vers 850. Elles attestent en particulier, de la part des 
derniers, uue étrange évolution, puisqu'ils ne craignent pas de se mettre 
en contradiction flagrante avec les déclarations de Mahomet en reven- 
diquant pour lui l'honneur d'une longue suite de miracles. Elles 
reflètent aussi le profond changement survenu naguère à la cour de 


GABRIEL HANOTAUX : HISTOIRE DE LA NATION FRANÇAISE. 523 


Bagdad, où l'esprit largement tolérant de plusieurs princes avait fait 
place, chez El-Mottawakkel, à un prosélytisme ardent et persécuteur. 

La RHE a déjà eu l’occasion (1923, t. XIX, p. 406) de parler plus au 
long du but et du contenu de cet ouvrage. M. Mingana, qui en avait 
donné une bonne traduction anglaise, nous présente aujourd’hui le 
texte arabe, soigneusement imprimé d’après l’unique manuscrit que 
nous connaissions. En applaudissant à cette publication, les spécialistes 
regretteront peut-être que le savant éditeur n'ait pas reproduit ici les 
notes marginales très utiles qui, dans l'édition anglaise, renvoient aux 
nombreux endroits cités du Coran et de l'Evangile. La teneur du 
manuscrit arabe nous oblige d’ailleurs à rectitier un détail de notre 
précédent compte rendu : il n’est pas certain que la copie utilisée par 
M. Mingana ait été faite sur l’autographe de l’auteur ; car nous y 
rencontrons, ce semble, à la dernière page, la mention de deux copistes 
successifs, dont le premier seulement aurait eu l’exemplaire original 


sous les yeux. J. FORGET. 


GABRIEL HanorTaux. Histoire de la Nation Française. T. XII. His- 
loire des Lettres. Premier volume : Des Origines à Ronsard, par 
Joseph Bédier, Alfred Jeanrovy et François Picavet. — 
T. XIII. Histoire des Lettres. Deuxième volume : De Ronsard à 
nos jours, par Fortunat Strowski. Paris, Société de l'Histoire 
Nationale et Librairie Plon. 1n-4, 590 et 614 p. 


Qu'y a-t-il dans cette Histoire des Lettres françaises qui soit de nature 
à intéresser spécialement le public savant dont les lectures et les 
recherches s’orientent à l'ordinaire du côté de l’histoire ecclésiastique ? 
Evidemment toutes les pages qui s’y trouvent consacrées aux auteurs 
ayant écrit en langue française pour ou contre l’Église. Mais il rencon- 
trera ici un exposé d'un genre particulier qui ne manquera pas de 
retenir son attention. C’est la partie qui, dans le premier volume, a 
pour objet de faire connaître la littérature française en langue latine et 
dont la rédaction a été confiée à François Picavet. Le directeur de la 
publication, M. Gabriel Hanotaux, avait dit dans son Introduction 
générale : « La civilisation française est née parmi les ruines; elle n’est 
rien autre chose que la tradition méditerranéenne en marche. » Il a 
pensé, comme le note ensuite son collaborateur, que « pour reprendre 
le fil de ce passé, qui se prolonge jusqu'à nous, pour toucher du doigt, 
en quelque sorte, la survivance latine dans la pensée française, il est 
indispensable de connaître la littérature française écrite en latin, car 
l'âme française s'est exprimée d'abord pendant de longs siècles dans la 
langue de Rome ». 

De là son travail (174 pages) qui suit le développement de la littéra- 
ture latine sur le sol de la Gaule jusqu'au x vin siècle. Naturellement, 
il prend soin de montrer en quoi elle vivifie et nourrit, pour ainsi dire, 


724 | COMITES RENDUS. 


la pensée française. Peut être cependant ne l’indiquet-il pas encore 
suffisamment. Il convient d'ajouter toutefois qu'à vouloir pousser les 
choses plus loin dans ce sens, il risquait de devoir écrire un traité deux 
ou trois fois plus étendu. Le service qu'il a rendu à l’histoire littéraire 
est néanmoins très précieux, surtout en ce moment où l’érudition est 
en train de mettre de plus en plus au jour cette vérité : que les origines 
des lettres françaises sont décidément latines. 

Il va sans dire que le reste du grand ouvrage dont nous avons à 
parler n’est pas non avenu pour les lecteurs de la Revue d'histoire 
ecclésiastique. I1s savent en quelle sérieuse compagnie l’on marche 
lorsqu'on est guidé à travers le moyen âge et l'époque moderne par des 
maîtres qui se nomment Bédier, Jeanroy et Strowski. Le premier a 
assumé la tâche d'analyser les Chansons de geste. Faut-il rappeler la 
compétence qu'il s’est acquise dans ce domaine d'’étu les et redire à 
quel point il l’a renouvelé en déterminant la part de l'élément religieux 
dans la constitution des éponées médiévales ? Quant à M. Jeanroy, il 
note, entre autres, avec son sens critique habituel le rôle du sentiment 
chrétien dans la vie littéraire de la France avant la Renaissance. 
L'intérêt de la partie moderne sera certes signalé à suffisance pour nos 
lecteurs, du moment que nous leur aurons aussi rappelé que M. Strowski 
compte parmi les historiens des lettres les plus écoutés à cause de ses 
travaux sur Montaigne, François de Sales, Pascal et Fénelon. Toute- 
fois certaines de ses appréciations pourraient leur paraître trop indul- 
gentes. Ils voudraient assurément que l’on juge avec plus de sévérité 
certains écrivains français, par exemple Voltaire et Michelet. 


GEORGES DOUTREPONT. 


James MackinNon. Constitutional history of Scotland, from early 
times to the Reformation. Londres, Longmans et Green, 1924. 
In-8, vi-351 p. 16 5. 


Aucune histoire constitutionnelle d'ancien régime ne peut laisser 
indifférent l'histoire ecclésiastique ; les relativns intimes entre l'Eglise 
et l'État à cette époque ne sont pas le seul motif de signaler aux 
lecteurs de cette revue l'ouvrage de M. Mackionun ; professeur 
d'histoire ecclésiastique à l'université d'Edimbourg, il accorde dans ces 
pages à l'Église d'Écosse une attention constante et intelligente. De 
nombreuses études antérieures l'ont initié non seulement à l’histoire 
des iles britanniques mais à celle du continent. Et ce n’est pas le 
moindre mérite de son travail que ces comparaisons continuelles avec 
les institutions des autres pays de l'Europe. Il en résulte que l'auditoire 
auquel il s'adresse s'étend bien au delà des fronticres de l'Écosse. 

Comme de juste, l'histoire du droit publie, non seulement constitu- 
tionnel mais administratif, occupe ici la première place. Les institu- 
tions médiévales, — car l’auteur s'arrête à l'avènement de la réforme 


JAMES MACKINNON : CONSTITUTIDNNAL HISTORY OF SCOTLAND. 925 


protestante, — sont communes à l'Écosse et à l'Angleterre. Mais les 
circonstances de leur évolution au delà des monts Cheviot leur don- 
pent un aspect tout particulier qui mérite d'arrêter l'attention. On a 
répété que la féodalité avait été importée tout d’une pièce dans les îles 
britanniques par le Conquérant ; M. M. montre les germes du système 
en Écosse bien avant 1066 ; les curieux détails qu’il a recueillis au sujet 
de la tenure féodale intéresseront par comparaison ou par contraste 
avec la condition des personnes et des terres sur le continent. Il en va 
de même de l'origine et de l’évolution des communes. Plus remarquable 
est l’histoire du Parlement. Grâce à l’influence française, la représen- 
tation nationale diffère totalement de l’organisation anglaise : elle 
s'appelle les Tres communitlates ou les Tres status. Et, détail piquant, 
elle ne ressemble dans ses destinées ni à l'anglaise ni à la française : 
à l’époque même où le Parlement anglais s'incline devant l'absolutisme 
des Tudors, où les Etats Généraux acceptent leur déchéance, le parle- 
mentarisme écossais mène contre l’absolutisme des Stuarts la lutte 
victorieuse que l’on sait. Rongé pourtant par l'absentéisme, il se 
ramasse dans une institution originale elle aussi, car elle ne dérive pas 
des comillees anglais. Les Lords of the articles forment une sorte de 
députation permanente qui finit par absorber toute l’activité législative 
des États et qui subira souvent l'influence de la couronne. 

Aux historiens de l'Église et aux canonistes s'adressent les chapitres 
que l’auteur consacre ec professo à l'Eglise d'Ecosse, l’un pendant le 
début lPautre à la fin au moyen-àge. On y voit la communauté chrétienne 
organisée d’abord par S. Columba, puis rangée sous l’autorité d’évêques 
et divisée en diocèses et en parvisses. Ici encore les comparaisons avec 
le continent abondent ; et les mêmes questions se posent : élection des 
titulaires par le clergé ou désignation par le souverain ; influence pré- 
domivante des pouvoirs locaux ou nomination par le S. Siège ; et par- 
tout, les conséquences dela féodalité, qui ouvriront la porte à l'ingérence 
de L'État et aux violences des réformés. 

On est frappé de l'union étroite entre l'Église écossaise et les aspira- 
tions nationales. Dès les débuts de l'influence romaine, son organisation 
plus compacte coagule les divers groupes ethniques de {a future patrie 
mieux que ne l'avait réalisé l’église celtique. Au xri° siècle, les évêques 
mènent contre les prétentions des archevêques d’York et de Cantorbéry 
la même guerre pour l'indépendance que sur les champs de bataille les 
rois héroïques de la lignée de Bruce. Après des hésitations dues à la 
situation politique, Rome tinit par reconnaître la totale autonomie des 
écossais vis-à-vis de leurs voisins du Sud; ils ne reléveront que du seul 
siége apostolique, avec lequel leurs relations resteront intimes jusqu’au 
début du xvi* siècle. 

Dans sa constitution interne, l'Église écossaise connut d’abord le 
régime de la dépendance directe des évêchés vis-à-vis de Rome ; un 
concile provincial légiférait, sans grande originalité d’ailleurs, la plu- 
part des canons étant pris à l'Église d'Angleterre. Puis la difficulté des 


526 COMPTES RENDUS. 


arpels en cour de Rome et d’autres motifs amenèrent l'érection du 
siège archiépiscopal de S. Andrews en 1472. Mais déjà les abus 
ordinaires à cette époque, commendes, provisions, indignité de beaucoup 
de titulaires, intrusion du pouvoir royal, annonçaient la tempête qui 
balayerait toute l’ancienne organisation ecclésiastique. La guerre 
civile de 1559 changerait la face de l'Église en Ecosse. 

Toutes ces graves questions sont exposées rar l’auteur avec beaucoup 
d'érudition et de sérénité. Pour la période qui précède le x11° siècle 
les sources ne se présentaient qu’en petit nombre ; M. M. procè le par 
analogie avec les institutions galloises, anglo saxonnes et irlandaises, 
qui nous sont mieux connues; il affirme alors avec une prudente discré- 
tion qui rassure. Dans la seconde partie, il se meut plus hardiment ; 
une vaste connaissance des travaux modernes jointe au dépouillement 
consciencieux des actes législatifs donne à son exposé l'aspect d’une 
construction solide. Les amateurs de droit constitutionnel préféreraient 
çà et là voir disparaître un décor trop abondant de faits d’histoire- 
bataille. Pour les étrangers peu familiarisés avec l’histoire d'Ecosse, 
il eut fallu joindre à l'excellent index, qui permet de connaître rapide- 
ment toutes les institutions, un tableau chronologique des rois cités. 
Quel dommage que M. M. n’ait pas cru devoir couronner cet intéressant 
ouvrage par une conclusion montrant en raccourci l'évolution des 
institutions maîtresses de l’Eglise et de l’Etat ! 

| ; L. WILLAERT, S. J. 


ALoys Scuuste. Die Kaiser- und Künigskrônungen zu Aachen. 813- 
1531. (Rheinische Neujahrsblätter. Fasc. 3). Bonn-Leipzig, 
Schrôüder, 1924. 102 p. 


La présente brochure est née d’une conférence faite le 12 sep. 
tembre 1922 à l’occasion de la réunion à Aix-la-Chapelle des sociétés 
historiques allemandes ; elle fait uae part assez large à ce qui peut 
intéresser le grand public ; c'est ainsi qu'on y trouve une description 
pittoresque, brillante, anecdotique de deux des plus célèbres couronne- 
ments du commencement et de la tin de la période envisagée, celui 
d'Otton I et de celui de Charles Quint. Mais on y trouve bien d’autres 
choses encore qui sont de nature à intéresser tous les historiens, 
tellement M. Schulte a su rattacher son sujet un peu spécial à l’histoire 
générale des institutions politiques allemandes. — Pourquoi le choix 
d'Aix comme lieu de couronnement ? Avant tout, cela va sans dire, à 
cause du souvenir de Charlemagne. M. Schulte ajoute — mais ce n’est 
qu'une hypothèse — qu'Otton le Grand, en posant le précédent qui fut 
décisif, voulait consacrer par une cérémonie solenaelle le rattachement 
tout récent de la Lorraine au royaume germanique. — Le choix d'Aix 
préjugeait de la victoire de Cologne sur Mayence dans la compétition 
engagée entre les deux archevèques sur le privilège de sacrer le roi. 
Cologne devait l'emporter, comme ayant Aix dans son ressort. — 
D'intéressants détails sout donnés sur le soin pris d'établir et de 


À. SCHULTE : DJE KAISER- UND KÜNIGSKKRÜNUNGEN ZU AACHEN. 527 


protéger une voie de communication rapide et directe entre Francfort, 
lieu ordinaire de l'élection, et Aix par Sinzig. — Une question plus 
grave pour les gens du moyen âge que pour nous est celle des insignes 
royaux. M. Schulte reconnaît lui-même que l’histoire n'en est pas tout- 
à-fait débrouillée. Quelques points se dégagent bien. Les insignes du 
couronnement impérial sont en général les mêmes que ceux du couron- 
nement royal. La manière dont ils ont été gardés varie de façon caracté- 
ristique avec les changements dans la constitution politique de l’Empire. 
Au début, au temps de la monarchie quasi-héréditaire, le souverain en 
est constamment le détenteur ; il les emporte dans ses voyages ou les 
dépose à son gré dans quelque château impérial. sous la garde de 
ministériaux d’Empire, avec le souci de les transmettre après Jui à 
l'héritier qu'il a tâché de faire consacrer de son vivant et de s'associer. 
Avec le triomphe du principe électif et de la politique « territoriale », 
s'établit la coutume que le souverain garde les insignes chez lui, dans 
son territoire, et parfois en dehors de l'Empire (ainsi Sigismond en 
Hongrie). Mais l'opinion s'en choque. Et le même Sigismond, à la 
requête des bourgeois de Nuremberg, les leur confie pour toujours. Et 
dorénavant Nuremberg, la ville de la première diète de chaque règne, 
devenue, à côté de Francfort, ville de l'élection, et d'Aix, ville du 
sacre, l’une des trois grandes cités impériales, est le lieu de dépôt des 
insignes ; elle les garde jalousement, ne s’en dessaisit que le moins 
possible, pour les cérémonies indispensables, sous la surveillance d’une 
commission de bourgeois (cfr les curieux incidents qui se produisirent 
au sacre de Charles Quint) ; elle en bat monnaie, en quelque sorte; en 
fait au cours de ses foires, dont ce n’est pas la moindre attraction, des 
ostensions solennelles, accompagnées d'indulgences (beaucoup de ces 
joyaux n'étaient-ils pas en même temps regardés comme précieuses 
reliques ?). Nuremberg les garda jusqu'en 17%; ils furent ensuite 
transférés secrètement à Prague, et enfin, en 180%, à Vienne. 
« L'histoire de tous ces déplacements, dit M. Schulte, est une image 
de l’histoire d'Allemagne. » — Un point curieux et peu connu sur 
lequel un des mérites de M. Schulte est d'attirer l’attention, c'est que 
malgré l'importance ou peut-être à cause de l'importance attachée à 
la possession des insignes (où l’on voyait une condition de légitimité), 
il en a existé plusieurs jeux, qui se faisaient une espèce de concurrence ; 
à côté de ceux dont nous venons de résumer l’histoire, Richard en 
avait donné à Aix la Chapelle, pour y être conservés ; ils ont servi à 
quelques-uns de ses successeurs. — Le privilège d’Aix, fondé sur la 
coutume, sanctionné par la Bullo d'Or, perdit d’ailleurs de son impor- 
tance à la fin du moyen âge, à mesure que l'élection prit plus de relief 
que le sacre. — Signalons aussi de curieux détails sur l'entrée du 
souverain, par le sacre, dans la cléricature, et sur certaines parties 
de la cérémonie : investitures aux princes de l'Empire, concessions de 
chevalerie, dont M. Schulte souligne l'importance morale. 


E. JoRDAN. 


528 COMPTES RENDUS. 


G. pe VaLous, Le domaine de l’abbaye de Cluny aux X° et XI° siècles. 
Paris, Champion, 1923. In-8, 190 p. 145 Fr. 


Cet ouvrage, paru dans les Annales de l'Académie de Mäcon (3° série, 
t. XXIT), est basé sur les sources d'archives : leur choix en est judi- 
cieux; l'exposé se recommande par la clarté dans les divisions, les 
exemples, qui illustrent les notions théoriques du domaine, sont nom- 
breux et probants. 

Dans l'introduction, l’auteur retrace à grands traits la situatioa du 
monachisme en France avant la fondation de Cluny, la position géogra- 
phique du monastère clunisien, l’histoire de l'abbaye sous le gouverne- 
ment des cinq premiers abbés : Bernon, Odon, Aymard, Maieul, Odilon ; 
en rappelant l'influence de Cluny en France. Belgique, Italie et Alle- 
magne, de Valous s'efforce de faire ressortir le trait caractéristique de 
ce mouvement de réforme : imposer le principe de centralisation ; il 
parle également de la dépendance immédiate de Cluny à la papauté. 
Signalons à ce sujet une étude complète de cette question due à Leton- 
pelier formant le XXII° volume de la collection des Archives de la 
France monastique (L'abbaye exempte de Cluny et le Saint-Siège. Ligugé, 
1923). 

Eau son premier chapitre, l’auteur examine les divers facteurs qui 
contribuent à la formation du domaine; il étudie ensuite la nature de 
ce domaine, le régime et l’organisation de la propriété (ch. IT), il 
analyse les divers modes d'exploitation (ch.1IT); au quatrième chapitre, 
il s'occupe de la condition des personnes sur les terres de l'abbaye et 
de leurs rapports avec les moines. En appendice, l’auteur a donné une 
liste des localités où l’abbaye de Cluny fut jrossessionnée de 910 à 1019 
et le détail des biens du monastère par localité. 

Cette étude est une contribution importante à l'histoire économique 
de Cluay ; l’histoire de la propriété et de la géographie régionale de la 


France y trouveront protit. J. LAVALLEYE. 


G. G. CouLron, M. A. Five centuries of religion. Volume I. St-Ber- 
nard, his predecessors and successors, 1000-1200 A. D. Cambridge, 
University press, 1923. 30 Sh. 


Le volume, richement illustré, de M. G. G. Coulton est le premier 
d'une série qui doit nous exposer le développement de la vie religieuse, 
c'est à-dire monastique, pendant les cinq siècles qui précédent la 
réforme ; en fait, nous y trouvons souvent une esquisse de la vie reli- 
gieuse en général plutôt que celle de la vie monastique proprement 
dite. Nous n’y perdons rien, car l'ouvrage se recommande tout de 
suite au lecteur par une accumulation de détails et de faits qui dénote 
une connaissance extraordinaire du milieu médiéval, et par une abon- 
dance d’appréciations et de réflexions, dont la variété, l’a propos ou 


G. G. COULTON, M. À. : FIVE CENTURIES OF RELIGION. 029 


l'imprévu accuse la spontanéité peu commune d’un auteur qui a étudié 
de longue main son sujet dans ses recoins les moins-explorés jusqu'ici. 

C’est là le côté attrayant du livre : information trés ample, dirigée 
par un siocère désir d’objectivité, alimentée par un long commerce de 
vingt années et plus avec les documents médiévaux, entremélée à 
chaque page à peu près de jugements originaux, que plus d’une fois 
sans doute on peüt discuter, mais où il y a toujours à s’instruire. C’est 
aussi le côté faivle de l’œuvre : car cette exubérante abondance de 
citations et d’appréciations occasionnellement proférées déborde sans 
cesse du cadre prescrit ; la matière propre à chaque partie, — les x1° 
et x11° siècles, nous dit-on, pour ce volume, — ne se dégage pas nette- 
ment, malgré les nombreux appels que fait l’auteur aux volumes qui 
vont suivre ; il est des appréciations, celles défavorables surtout, qui 
descendent jusqu’en plein xvn: siècle ; le synthèse n'est pas faite, au 
moins ne se détache-t-elle pas avec clarté de tous ces éléments dis- 
persés et incomplets, malgré leur abondance. On le regrette d'autant 
plus que la pensée de l’auteur, habituellement très nuancée et origi- 
nale, mérite considération même quand elle appelle des réserves. 

Il vaudra donc mieux attendre les deux volumes suivants pour 
porter un jugement d'ensemble sur l’œuvre de M. Coulton et apprécier 
sa manière de voir. Contentons-nous actuellement de quelques parti- 
cularités du premier volume. En trente chapitres, nous trouvons la 
signification du monachisme, la religion du moine, le maître des 
ténèbres, l'enfer et le purgatoire, la sauvegarde fournie par la coule, 
la messe, la messe et les monastères, la Mère de Dieu, l'Evangile de 
Marie, les femmes et la foi ; cela nous mène, après 200 pages environ, 
au chapitre XIII consacré à S. Benoît de Nursie (p. 19%); puis, 
viennent sa règle, les oblats, les miracles de $S. Benoît, le besoin de 
réforme, l'opinion des contemporains et, au chapitre XVIII, S. Ber- 
nard (p. 283), Clairvaux, l'idéal cistercien, Cisterciens et Clunisiens, 
use fondation cistercienne, Césaire de Heisterbach, l’âme d’un novice, 
le novice et son maître des novices, les Cisterciens en 1250, « commer- 
cialisme » et décadence, la femme, les Cisterciens anglais ; pour finir 
(p. 480), l’épilogue qu’il serait difficile de considérer comme le résumé, 
sous forme de conclusion, des idées de l’auteur énoncées dans le 
volume. Puis, une série d'appendices, qui couvrent plus de 200 pages 
(p. 439-558), bourrés de faits, de citations, d’anecdotes, et groupés en 
uue cinquantaine de titres et de sous-titres, sont consacrés soit aux : 
principales matières du volume, soit à des détails secondaires. Après 
ceux sur l’histoire monastique, sur les moines et le salut personnel, 
sur l’incrédulité au moyen âge, sur la démonologie et les tribunaux, 
sur les médiévalistes américains, sur l'Ovidius moralitatus, sur la sor- 
cellerie, sur les bains, etc., en viennent d’autres sur l’enfer médiéval, 
sur le culte de l’eucharistie et de la messe, sur la dévotion à la Vierge 
et les légendes mariales, sur le puritanisme médiéval, etc., auxquels 
sont dévolus les développements les plus considérables. Un index 


530 COMPTES RENDUS. 


alphabétique d’une vingtaine de pages, fort précieux, mais pas pare 
faitement complet, termine le volume. 

Ce coup d’œil rapide sur le contenu de cet important ouvrage nous 
fait voir que M. C. à mis ensemble tout ce qui pouvait de loin ou de 
près se rapporter à son but. Il est des pages entières, même en dehors 
des appendices, qui sont des chapitres de folklore, très instructifs pour 
qui veut pénétrer dans la mentalité populaire médiévale. Tout cela 
contribue ou peut contribuer à situer le moine, son abbaye et son 
activité ; cela n’explique qu'imparfaitement l'essor de la vie monas- 
tique au moyen âge et risque de fausser la conception même de son 
essence, car trop souvent ces détails arrêtent le lecteur à la surface 
des choses. Mais malgré cela, même à ceux qui ne partageront pas 
chacune de ses idées, l’auteur a rendu certes un réel service en pré- 
sentant sous une forme ordonnée une richesse d’information immense. 
Il à mis sur fiches les renseignements les plus nombreux, puisés aux 
sources les plus variées, et concernant les côtés les plus inexplorés de 
ce domaine. Ce n’est pas non plus une sèche nomenclature, ni un 
alignement monotone. Derrière chaque détail, derrière chacune même 
de ces « drôleries » glanées un peu partout, l’on sent l'observateur 
religieux, tantôt philosophe, tantôt dilettante ou sceptique, souvent 
sympathique, d'autres fois sévère avec excès, mais à l'esprit toujours 
en éveil, qui juge, qui rétliéchit et qui compare ; il le fait parfois avec 
une audace un peu sereine, comme lorsqu'il traduit par les expressions 
de poètes du xx° siècle les visées médiévales, ou qu'il associe sans 
sourciller les noms les plus disparates, Bernard, Benoît, Bonaventure 
et Albert le Grand d'une part, et d'autre part Chaucer, Chamfort, 
Michelet, Verhaeren, R. Ibnu 1 Farid ou le général Booth. 

L'auteur a voulu être objectif et impartial ; issu de cette vallée du 

Norfolkshire qui comptait jusque quinze cloîtres dans un rayon de 
quarante kilomètres, dés son enfance, il s’est senti pris d'intérêt pour 
ces vieilles institutions monastiques. Cet intérêt l'a soutenu pendant 
des années de laborieuses recherches. Et pourtant, malgré ce labeur 
immense, malgré cette connaissance incontestable de la littérature 
médiévale, malgré ce commerce quotidien avec les auteurs et les 
idées de l’époque, en toute franchise nous devons dire à l’auteur, car 
il aime la sincérité, qu'il ne pouvait pénétrer dans la réalité même 
‘des choses en ne s'attachant qu’à un seul de ses côtés. Souvent, il part 
en guerre contre des appréciations trop bienveillantes, à son gré, de 
littérateurs, de publicistes ou d'historiens ; il n'a pas tort chaque fois, 
mais habituellement [a réaction dépasse ce que permet l'objectivité. 

C'est que l'abondance même et la variété des sources d'information 
fait se poser un point d'interrogation : jusqu'où peut-on se fier au 
genre de témoins invoqués ? Je ne parle pas d’un certain nombre 
d'exemples cités de seconde ou de troisième main : qu'ils viennent de 
Martène ou de Dresdner, de J. B. Thiers, de Saint-Simon, de Pusey, 
ou de Chamfort, etc., il y avait lieu de les véritier et de les situer. 


G. G. COULTON, M. A. : FIVE CENTURIES OF RELIGION. 531 


Mais, qu'il s'agisse de ceux qu'il a trouvés ailleurs ou de ceux qu'il 
doit à ses connaissances persounelles, — et nous nous plaisons à 
répéter que celles-ci sont extraordinairement étendues, — il y avait 
une question de méthode à résoudre d’abord, pour donner à chaque 
témoignage sa valeur et sa portée réelles. Chacune de ces singularités, 
de ces croyances, de ces superstitions, de ces écarts de conduite, etc., 
est dûment établie, il n’y a pas lieu de le discuter ici; mais ce qui 
devient inexact et anti-historique, c'est le tableau exclusif qu'on me. 
trace quand on les dissocie de tout le reste de la vie, des idées et des : 
institutions chrétiennes du moment, comme si toute la religion s'était 
reduite alors à ces niaiseries, comme si les parties éclairées de la 
hiérarchie séculière ou régulière ne connaissaient rien de plus sub- 
stantiel, comme si la science religieuse de ces âges s'était bornée à 
ces racontars de folklore. 11 y a plus : le témoin qu'on interroge doit 
être traité avec dextérité, si la nature même de son caractère ou le 
genre de sa déposition l’expose à être partial, exagéré ou unilatéral. 
Or, chez certains auteurs qu’on invoque, comme Giraud le Cambrien 
et les réformateurs en général, la modération dans la plainte n’est pas 
le défaut dominant ; chez d'autres, comme chez les prédicateurs popu- 
laires du moyen âge, — M. C. se sert avec une connaissance très 
étendue de cette littérature, qui donne grand intérêt à son livre ; à 
Pelbart toutefois, il aurait pu ajouter Bernardin de Bustis, — il est 
dangereux de prendre au pied de la lettre chacune de leurs afir- 
mations, Car l’etficacité de leur action sur les foules est souvent en 
raison inverse de leur pondération. Entin, d’autres groupes de témoi- 
gnages, comme celui des actes législatifs des synodes ou des chapitres 
généraux, ne donnent qu'une face de la situation : l’histoire fait fausse 
route si elle n’examine intelligemment chacune des données qui s’en 
dégagent. L'ouvrage de M. C., malgré la vive lumière, souvent 
nouvelle, qu'il projette sur une foule de points, n’a pas tenu compte, 
nous le regrettons, de la nécessité de ce dosage. Par endroits même, 
surtout s'il s'agit de comparaisons avec l'esprit moderne, une note 
sceptique, d’un radicalisme qui rend songeur, risque de fausser les 
perspectives sur [a vie chrétienne du moyen âge, sur la religion 
médiévale modelée par les moines, sur la foi, l’incrédulité ou le paga- 
nisme de ces siècles. Dans les chapitres du début, d'ordre plus général, 
et dans les appendices, il y aurait pas mal de détails à relcver, comme 
l’exégèse de l’épiître aux Hébreux, l'interprétation de S. Augustin sur 
la présence réelle, le note « féodale » trop exclusive de certaines 
dévotions et croyances, l'explication d’usages liturgiques associés à 
l'élévation, la Vierge au manteau, etc. ; ce compte rendu s’en allon- 
gerait démesurément. Disons seulement en général que les longues 
pages sur la messe et sur la mariologie, les hosties saignantes et les 
Juifs, les condamnés à mort, les caractéristiques de la foi médiévale, 
etc., contiennent, à côté de renseignements exacts, beaucoup de vues 
discutables dont l’ensemble ne donne qu’une représentation incomplète 


532 | COMPTES RENDUS. 

et unilatérale de la réalité. On s'étonne que M. C., si désireux d'objec- 
tivité, tout son livre en témoigne, ait pu s’en contenter. Il connaît 
trop bien ces siècles médiévaux pour ne pas doser exactement dans 
ses prochains volumes, à côté du mauvais, le part du très bon, du bon 
et du médiocre. L'histoire n’enregistre souvent que les actes et les 
idées de ceux qui sortent du niveau moyen par en haut ou par en 
bas : M. C. s’est trop borné à n’épingler que ces derniers. Il a cru être 
sincère, nous n'en doutons pas ; mais le tableau qu'il esquisse aurait 
dû être plus scientifiquement conçu. Il est peu élogieux, pas toujours 
sans motif, pour quelques médiévistes américains ; nous croyons 
cependant que plus d’un chapitre du Mediaeval Mind d'O. Taylor a 
mieux saisi la vérité historique que les Five Centuries of religion. 


J. DE GHELLINCK, S. J. 


C. C. ScuerEr. Die Strassburger Bischôfe im Investiturstreit. Ein 
Beitrag zur elsässischen Kirchengeschichte. Bonn, Johannes 
Tinner, 1923. In-8, xv-192 p. 


Le travail de M. Schérer sur les évêques de Strasbourg pendant la 
querelle des investitures procède d’une excellente intention et il est 
probable que l’histoire religieuse des x1°-xr1° siècles serait beaucoup 
mieux fixée dans ses traits essentiels si chaque diocèse avait été l’objet 
d’une monographie où seraient condensés tout à la fois les incidents 
auxquels la querelle des investitures a donné lieu et les efforts tentés 
en faveur de la réforme soit par les évêques, soit par les abbayes. Sans 
doute cette conception n'est pas celle de M. Schérer qui, à tort selon 
nous, à enfermé son sujet dans un cadre plus étroit et s’est contenté, 
comme l'indique le titre de son livre, de dégager quel à été le rôle des 
évêques de Strasbourg dans le grand conflit qui, à la fin du x1° siècle 
et au début du x1i°, a mis aux prises la papauté avec les rois de 
Germanie. Il a été ainsi amené à ne parler qu'incidemment de la 
réforme monastique, pourtant si importante en Alsace, et à laisser de 
côté tout le mouvement d'idées qui se concentre dans certaines abbayes; 
ce n’est pas sans quelque stupéfaction qu'on le voit mentionner seule- 
ment pour mémoire l'apparition, à la fin du pontificat de Grégoire VII, 
du Liber ad Gebehardum où Manegold de Lautenbach développe une 
conception du pouvoir royal et de ses rapports avec les sujets tellement 
neuve qu'elle semble un anachronisme. Aussi bien, si consciencieuses 
que soient [es monographies des évêques strasbourgeois contemporains 
de la querelle des investitures, on peut leur reprocher de n'être que 
des monographies qui ne réussissent pas à rendre compte de ce qu'on 
pourrait appeler l’activité interne du diocèse. Il est souhaitable que, si 
la tentative de M. Schérer est reprise pour d’autres églises, elle Le soit 
sur up plan beaucoup plus large. 


C. C. SCHERER : DIE STRASSBURGER BISCHÔFE 1M INVESTITURSTR. 533 


Dans son introduction, M.Schérer annonce qu'il se propose delémêler 
les diverses formes de l’activité des prélats dont il veut écrire l’uistoire, 
d'analyser leurs intentions, de définir les motifs qui Les ont fait agir. 
Il a bien tenu sa promesse et généralement bien dégagé la physivnomie 
des différents évêques qui se sont succédé sur le sicge de Surasbourg de 
1065 à 1123. On ne peut pas dire toutefvis qu’il ait renouvelé le sujet 
et il faut couvenir qu'après les minutieux travaux consacrés en Alle- 
magne à la querelle des investitures, il lui était difticile d'être original. 
De fait, bien souvent, il est obligé de se contenter d’une référence à la 
Kircrengeschichte Deutschlands de Hauck ou aux Jahrbücher des deut- 
schen Reichs unter Heinrich IV. und Heinrich V. de Meyer von Knonau ou 
encore à la Kontiliengeschichle de Hefele qui visiblement lui ont beau- 
coup servi. Or, entre ces trois érudits l’accord est loin d'exister sur 
tous les points : pour les événements ‘le 1074-1075 par exemple, la 
chronologie de Hefele diffère totalement de celle de Hauck et de Meyer 
von Kaonau et l’on eût aimé à connaître les raisons pour lesquelles 
M. Schérer a préféré l’une à l’autre. Sa critique reste parfvis super- 
ficielle et cela devient grave quand il s'agit non plus des historiens 
molernes, mais des sources originales : on est surpris de le voir adopter 
sans réserve les indications que lui fournit le polémiste Bonizon de 
Sutri, même lorsqu'elles ne sont contirmées par aucun autre chroni- 
queur , sans doute igaore-t-il le tres curieux memoire où M. Bock a si 
lumineusement montré le peu de foi qu'il fallait ajouter à ce panégyriste 
de Grégoire VII aussi aveugle que haineux ; de même il ne semble pas 
que M. Schérer ait tenu compte des remarques critiques, d’ailleurs 
contestables, mais qui ne sauraient être négligées, formulées par Meyer 
von Knooau dans un appendice du tome II des Jahrbucher sur la valeur 
des atfirmations de Lambert de Hersfeld. De même enfin, pour les 
sources proprement alsaciennes citées dans l’introductioa, tels que les 
Annales Marbacenses, le Chronicon Ebersheimense, les Annales Argenti- 
nenses breves, il n'eût pas été inutile de procéder à une enquête 
préalable qui eût déterminé quel crédit l'on pouvait attribuer à chacune 
d'elles. 

Si la critique est insuffisante, l'information retarde un peu. Nous 
reprochioos plus haut à M. Schérer de n'avoir consacré qu'un dévelop- 
pement bien sommaire au grand polémiste qu’a été Manegold de Lau- 
tenbach ; il a cru cependant devoir indiquer les travaux modernes que 
ce moine a inspirés, mais dans la note consacrée à la « Literatur über 
Manegold », on ne trouve mentionnés que les ouvrages généraux de 
Paulus, Grandidier et Baümker, alors que même pour la monographie 
de Manegold, qui seule préoccupe l'auteur et qui soulève plusieurs 
problèmes importants, il eùt puisé de précieux renseignements duns 
les articles de Koch et de Endres où cet discutée la question des deux 
Mauegvuld. 11 ne semble pas également que sur les ditférents papes 
qui out précélé Grégoire VII M. Scierer soit très au cuuruant : 


REVUB D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 34 


531 COMPTES RENDUS, 


l'ouvrage de Brucker sur L'Alsace et l'Église au temps du pape Léon I1X 
n'est pas cité, pas plus que celui de Martens sur Grégoire VII lui-même 
qui, s’il à un caracière géuéral, aurait cependant rendu plus de services 
à l’auteur que celui, manifestement périmé, de Gfrürer signalé dans 


la bibliographie. AUGUSTIN FLICHE. 


WOLFRAM VON DEN STEINEN. Das Kaisertum Friedrichs des Zweiten 
nach den Anschauungen seiner Slaatsbriefe. Berlin-Leipzig, Wal- 
ter de Gruyter. In-8, 11-144 p. 


Livre d'une lecture assez pénible; l'auteur a l'art de dire les choses 
les plus simples d'une manière abstraite et compliquée. IL faut pour le 
suivre un véritable effort que d’ailleurs on ne regrette pas d’avoir fait. 
— Il commence par quelques considérations sur les lettres du moyen 
âge considérées comme œuvres d'art et genre littéraire. Celles de 
Frédéric IT ont joui d’une grande célébrité — attestée par les nombreux 
manuscrits qui en restent — non pas tant pour le fonii que pour la 
forme ; elles ont été moins utilisées pour des besoins pratiques qu’ad- 
mirées comme des chefs-d'œuvre. M. von den Steinen paraît partager 
cette opinion. Elle est justifiée dans une assez large mesure, par la 
force et la vigueur de la pensée ; les lettres impériales, tout comme les 
lettres papales qui leur font pendant, n'en sont pas moins gâtées par 
de graves défauts ; l’amphigouri y abonde; ce n'est pas impunément 
gu'on veut mettre de la littérature et du beau style dans ce qui devrait 
avoir pour premières qualités le naturel et la simplicité. — M. von den 
Steinen se défend de vouloir trancher la question qui se pose tout de 
suite : dans quelle mesure les écrits qui portent le nom de l’empereur 
sont-ils son œuvre? Il est bien certain qu’il dirigeait sa politique ; 
inspirait-il sa chancellerie ? Nous croyons qu'on pourrait montrer dans 
quelques unes de ses lettres des expressions, des épanchements, des 
espèces de contidences, qui ont bien quelque chose de personnel. Et il 
est remarquable, — M. von den Steinen l'a bien dit, — que l’idée qu’on 
pourrait se faire de son caractere, d’après sa correspondance, est tout 
à fait contirmée par les autres sources. — Dans quelle mesure d'autre 
part, la chancellerie, dont le rôle a été à coup sûr prépondérant, 
attachait-elle elle-même une véritable importance aux belles phrases 
qu’elle alignait ? Faut-il y voir autre chose que de simples clichés ? C’est 
l'éternel problème de la valeur qu'il faut accorder aux préambules et 
aux considérants. S'il ne le trauche pas, M. von den Steinen le préjuge 
en quelque sorte. Car tout son livre suppose qu'on peut tirer des lettres 
impériales une doctrine d'État propre à Frédéric ou aux légistes qui 
l’entouraient. À cela nous ne contredisons pas. Mais on aurait voulu 
que M. von den Steinen le démontrât mieux. Des rapprochements 
l’auraient pe! mis. Or il n'en fait pas entre la chancellerie impériale et 
Les autres caancullerivs souveraines du temps. C’eût été cependant le 


W. VON DEN STEINEN : DAS KAISERT. FRIEDRICHS D ZWEITEN. 539 


moyen de faire apparaître l'originalité de la première, et par là même 
de justifier son sujet, qui est de ceux qui demandent à être traités par 
la méthode comparative. Et il ne parle que d’une façon brève, d’ailleurs 
intéressante, des sources, souvent reconnaissables, des manifestes impé- 
riaux (il montre cependant fort bien comment Frédéric à laïcisé en 
quelque sorte les idées qu’il emprunte : celle-ci, par exemple, que le 
pouvoir civil est issu du péché, en ce seas qu'il à été rendu nécessaire 
par le péché, par la chute d'Adam. Théorie qui avait servi à beaucoup 
de papes, d'écrivains ecclésiastiques, pour humilier en quelque sorte le 
pouvoir laïque et en montrer l'inférivrité. Frédéric la rappelle, mais 
comme chose toute naturelle et pour conclure simplement à la nécessité 
de ce pouvoir). — Il nous semble aussi que M. von den Steinen, très 
préoccupé à ramener à un système logique et bien lié les déclarations 
de Frédéric, oublie à certains moments ce qu'il rappelle en d’autres 
endroits : les écrits de l’empereur ne sont pas des exposés purement 
didactiques ; ils avaient un objet pratique immédiat; ils s’inspiraient 
des circonstances. D'où de l’un à l’autre de véritables divergences, qui 
s'expliquent par les différences de temps et de lieu. Naturellement 
M. von den Steinen utilise surtout les lettres de la deuxième partie du 
règne, plus nombreuses et plus riches en doctrine, celles de la période 
de lutte latente ou ouverte avec le Saint Siège. Mais il cite aussi, et à 
peu près sur le même plan, des textes de la période d'entente; c'est un 
peu imprudent. S'il rappelle exactement, impartialement, tous les 
textes importants, il atténue par d’ingénieux commentaires ou il semble 
ne pas voir certaines contradictions. — Contradiction par exemple 
entre la prétention à la monarchie universelle, que Frédéric n'a pas 
abdiquée (c’est un des mérites de M. von den Steinen de l'avoir bien 
montré), et sa manière de traiter les autres rois en égaux, en associés, 
en frères, quand il veut les gagner. — Contradiction, de même, sur 
l'origine du pouvoir impérial, Frédéric a paru tour à tour invoquer la 
théorie germanique ou la théorie romaine de l'Empire ; le droit romain 
et le droit chrétien, assez mal fondus ensemble. — Contradiction encore 
ou au moins différences dans les méthodes et l’esprit du gouvernement 
de Frédéric, selon qu'il s’agit de l’un ou de l’autre des pays très divers 
sur lesquels il règne. S'il est vrai que ces contrastes se marquent moins 
dans les lettres, ils sont très marqués dans les faits. Et il me paraît 
exagéré d'écrire, p. 66 : « Entre l’activité politique et l’activité théo- 
rique [de Frédéric] il n’y a que cette diftérence toute naturelle, que 
dans la pratique l’empereur allait plus lentement et d'une façon peut- 
être moins perceptible. » (Il reste exact, et c'est eucore une des 
remarques importantes de M. von den Steinen, que Fredéric, quant à 
la nature et à l'origine de son droit, distinguait peu entre l'Italie 
impériale et la Sicile; plusieurs de ses lettres, et surtout le préambule 
des constitutions de Melfi, montrent à quel point, dans sa pensée, était 
ac.evée cette fusion qu'il avait juré de ne pas accomplir, et que 
redoutait le Saint-Siège). — Contradiction entin, d'ordre moral, entrg 


536 COMVTES RENDUS. 


la très haute idée qu'il affecte de professcr des devoirs de souverain, ct 
son mépris pour l'opinion, dont il prétend bien n'être pas justiciable. — 
Nous ne pouvons considérer que comme un paradoxe l’idée, exprimée 
p. 98, que la lutte du Saint-Siège contre Frédéric IT aurait été avanta- 
geuse pour l'Eglise en ce sens que les critiques de l’empereur l'auraient 
obligée à se contrôler; la décadence et la corruption auraient commencé 
avec la victoire. Les faits montrent au contraire que la guerre même 


était démoralisante. E. JoRDAN 


# 


GEORGINE TANGL. Das Register Innocenz’ III über die Reichsfrage in 
Auswahl übersetzt und erläutert. (Die Geschichtschreiber der deut- 
schen Vorzeit, T. XCV.) Leipzig, Dyk, 1923. In-12, xxxvr-256 p. 


M. Tangl, l'éminent érudit décédé récemment, avait formé le projet 
de cette traduction allemande du célèbre registre d’Innocent IIT super 
negotio Romani Imperii. À peu près rien ne s'en est retrouvé dans ses 
papiers. L’exécution en à été confiée à sa fille. On se demaade à qui 
s'adresse une œuvre de ce genre. [1 semble évident que les érudits de 
profession voudront toujours recourir au texte même, et qu'il serait 
très dangereux de les en dispenser; et que le grand public prefèrera 
toujours une mis: en œuvre aux documents présentés tels quels. En 
tous cas il est clair que la traduction de Me Tangl ne sera guère 
consultée que des lecteurs allemands. Ce qui peut intéresser les savants 
de tous pays, ce sont l'introduction et les notes dont elle accompagne 
ce document capital. Elles sont volontairement très sobres, mais 
judicieuses et bien informées. Mais souvent M'e langl s'abstient de 
motiver son opinion, parfois même de l’exprimer ; elle mentionne sans 
cooclure qu'il y a une controverse. Aïnsi, en ce qui concerne le registre 
lui-même, le possédons-nous en entier ? Elle adopte l'avis du P. Peitz, 
que le manuscrit que nous en avons est un registre original (et non une 
copie) formé au jour le jour ; les pièces y sont à peu près dans l'ordre 
chrouologique ; les exceptions (en particulier pour certaines lettres 
reçues par la cour de Rome) s’expliquent par des raisons particulières, 
parfois intéressantes (par exemple si la célèbre promesse de Neuss, 
faite par Otton 1V le8 juin 1201, est enregistrée au milieu de documents 
de novembre 1202, cela tient sans doute à ce que ce prince Lésita 
longtemps avant de fuire le pas irréparable en envovant à la curie un 
document si grave). Les jugements portés sur Innocent II sont équi- 
tables et modérés ; c'est un mérite réel, s'agissant d'un homme auquel 
les historiens allemands (y compris Mie l'angl, cfr p. XX1IX) ne par- 
donnent pas d'avoir « contribué à hâter la dissolution de l’Empire 
mé ijéval ». En ce qui concerne les revendications territeriales d'Inno- 
ceut ILE, on peut se demander si M'e Tangl n'est pas un peu prompte à 
les déclarer tout à fait mal fondées (sauf pour le Patrimoine et les 
alltux mat 1ildiques). Il faut tenir compte d'une théorie que le pape 


P. A KUHN : GRUNDRISS DER KUNSTGESCHICHTE. 537 


professait au moins implicitement (“xactement comme le faisait l'Em- 
pire) : on ne prescrit pas contre le Saint-Siège. Et il faudrait aussi 
connaître ce sur quoi on ne pourra faire que des hypothèses : qu’avaient 
été au juste les négociations entre Célestin IIT et Henri VI, les offres 
de ce dernier ; dans quelle mesure peut-on les déduire de son testament ? 


E. JoRDAN. 


D: P. A. Kuux. Grundriss der Kunstgeschichte. Einsiedeln, Benziger 
el Cie, [1924]. In-12, vrir-360 p., 695 fig. Prix : 12,50 frs suisses. 


Le R. P. Kuhn n’est pas un inconnu dans l'histoire de l’art. Son 
Allgemeine Kunstgeschichte occupe une place en vue parmi les grands 
ouvrages analogues écrits en allemand : Lübke, Sprioger, Bürger. Il 
s'en distiogue par deux caractères priacipaux : par la division que 
l'auteur adopte et par l'importance qu'il attache aux caractères 
esthétiques des styles et des œuvres d'art. Taodis que les autres 
historiens de l’art prennent comme base de leur division les périolies 
chronologiques et traitent des divers arts dans les limites de chacune 
de ces périodes, le P. Kuhn trouve dans les trois grands arts tigurés 
les divisions fondamentales de son ouvrage. De cette manière celui-ci 
comprend en quelque sorte trois histoires différentes, consacrées 
respectivement à l'architecture, à la sculpture et à la peinture. Mais, 
à côté des ouvrages étendus, dont il n'existe en langue française qu’un 
seul équivalent : l'Histoire de l’art d'André Michel, il en faut d’autres 
plus sommaires. Leur rédaction présente des difficultés spéciales et 
n'est pas, comme certains paraissent le croire, à la portée du premier 
venu. Le P. Kubhn était parfaitement préparé pour la composition d’un 
de ces manuels courts et substantiels dans lesquels chaque style, 
chaque artiste et chaque œuvre marquante reçoit le relief qui lui 
revient. 

Les deux caractères fondamentaux qui caractérisent l’Allgemeine 
Kunstgeschichte se trouvent dans le Grundriss ; Le manuel comprend 
trois parties principales, consacrées respectivement à l'architecture, 
à la sculpture et à la peinture. Cette division présente ses avantages, 
elle a aussi ses inconvénients. Pour obvier à ceux-ci rien n'empéchera 
le lecteur de parcourir successivement dans les trois parties ce qui 
concerne la période qui l’intéresse. Le manuel est trés complet : on y 
trouvera des notions sommaires sur les arts de tous les temps et de 
tous les pays : depuis l’«rigine des arts de l'Egypte et de l'Orient 
jusqu’à l'époque tout à fait contemporaine. L'art des pays de langue 
allemande — auxquels l’auteur s'adresse avant tout — est forcément 
l'objet d'une attention spéciale, mais pour le reste le P. Kuhn s'efforce 
de mettre en relief l’œuvre des pays qui ont exercés aux diverses 
époques une influence prépondérante. Il ne néglige pas l’art des autres 
contrées et à l'occasion la Scandinavie, l'Angleterre, l'Espagne et le 


\L98 ® COMPTES RENDUS. 


Portugal sont mectiourées dans quelque paragraphe sommaire. A la 
fin des chapitres un texte en petits caractères est réservé aux artistes 
et aux œuvres principales et fournit une très riche information. Les 
appréciations esthétiques sont intéressantes et paraissent généralement 
justes. Pour ce qui concerne l’art contemporain l'auteur regrette un 
subjectivisme souvent excessif, et il réclame une part de tradition 
qu'il propose de chercher dans le style baroque. Il n’y a pas lieu de 
discuter ici cette opinion. Elle s’explique par la nationalité de l'auteur, 
bien placé pour apprécier l'architecture baroque de l'Italie, de 
l'Allemagne du sud et de l'Autriche et pour en être impressioné. Le 
chapitre consacré au style baroque est du reste l’un des meilleurs de 
l'ouvrage. Les clichés, de petites dimensions, mais bien choisis et 
nombreux, sont en général excellents. Le manuel l'emporte par sa 
richesse d'information sur les manuels similaires en langue française. 
Il ne fait pas double emploi avec le Lehrbuch du P. Kleinschmidt qui 
traite plus longuement du mobilier et de l'iconographie et qui s'occupe 
exclusivement de l'art chrétien. 

Terminons par quelques observations de détail qui ne sont pas toutes 
des réserves : l’auteur cherche l'origine de la basilique chrétienne dans 
la basilique privée; peut-être donne-t-il trop peu l'impression que 
l'église Sainte-Sophie n’est pas le type normal de l'église byzantine; 
la déca lence de l'art byzantin se prolonge d’après lui du x1° siècle à 
1453 ; le rôle des écoles romanes de la France dans la création de 
l’église voûtée et du portail historié est à peu près passé sous silence ; 
pour ce qui concerne l'essence du style gothique le P. Kuhn semble 
exagérer l'importance de l’arc brisé et amoindrir celle de la voûte à 
pervures ; il classe les cathédrales de Chartres, de Reims et d'Amicos 
parmi les édifices de style rayonnant; S. Ouen parmi ceux de style 
flamboyant ; il insiste beaucoup sur le caractère sensément germanique 
du style gothique, et croit trouver un sens supérieur de logique dans le 
gothique allemand. À certains eudroits le rôle des Pays-Bas mériterait 
à notre avis d'être souligné davantage. R. MAERE. 


R. Hawanx. Deutsche und franzôsische Kunst im Mittelalter. 1. Süd- 
franzüsische Protorenaissunce und ihre Ausbreitung in Deutsch- 
land. 1. Die Baugeschichte der Klosterkirche zu Lelinin und die 
normannische Invasion. Marbourg-sur-Lahn, Kunstgeschichtliches 
Seminar, 1922-1923. 2 vol. In-4, 1v-140 p. et 246 fig. ; 1v-180 p. 
et 309 fig. | 


L'étude de la sculpture monumentale du moyen âge est à l'ordre 
du jour en Allemagne depuis Vôüge. Elle l’est aussi dans les autres 
pays. E. Mâle en parle longuement dans son ouvrage sur l'art reli- 
gieux du xn° siècle (RHE, t. XIX, 1923, p. 422), et Kingsley Porter 


R. HAMANN : DEUTSCHE U. FRANZÜSISCHE KUNST IM MITTELALTER. 939 


avance à son sujet des théories fo’t hardies, dans d'importants 
ouvrages sur l’art roman (RHE, 1922, t. XVII, p. 453 sv. ; 1924, t. XX, 
p. 322). 

Les études de M. Hamann seront pour la même matière une contri- 
bution de grande valeur, quoique ce soit principalement d'architecture 
qu'il y s'agit. L'auteur a déposé avec raison tout faux amour-propre 
nationaliste et il reconnaît carrément l'influence que le Midi de la 
France et la Normandie ont exercée au x11° et au x111° siécles sur 
l'art monumental de l'Italie, de l'Allemagne du sud et de l'Autriche- 
Hongrie. 

Le premier des deux problèmes qu’il examinc est celui de l'influence 
en Allemagne de l'art provençal. Il existe une parenté notoire entre 
l'art roman de la Provence et celui de la Lombardie, comme aussi 
entre le roman lombard et celui de l'Allemagne. Parmi les éléments 
qui se retrouvent dans les trois régions, citons les colonnes dégagées 
devant les façades, les colonnes sur dos de lion, les frises historiécs, 
les feuilles d’acanthe et les rinceaux classiques Mais, tandis que tout 
cela est appliqué dans les monuments de Provence : à Saint-Gilles, à 
Saint-Trophime d'Arles, à Saint-Gabriel — il faudrait citer aussi cer- 
tains éléments de l'architecture saintongeaise et poitevine — avec un 
goût pur et un sens profond de logique ct d'unité, on le retrouve en 
Allemagne et plus encorc en Italie, mêlé à des éléments plus anciens : 
frises d'arcatures sur bandes lombardes, entrelacs, et souvent appliqué 
sans souplesse, comme par à coups et au hasard des rencontres. Que 
faut il en déduire, sinon que la « proto:enaissance » provençale, im- 
prégnée de pureté classique, et tout l'art du miili, se sont épandus au 
dehors. Par la Lombardie et la Suisse elles ont atteint l'Allemagne 
du sud, l’Autriche et la Hongrie. C’est la conclusion générale de 
l'auteur après une pérégrination, longue mais parfois rapide, à la 
recherche des monuments qu’il étudie. 

Son analyse débute par le portail de l’église villageoise de Grossen- 
linden (Hesse), presqu’inédit et auquel il attache une assez grande 
importance. Vient ensuite Saint-Jacques de Ratisbonne, dont le por- 
tail bien connu parait être en rapport avec les façades poitevines. En 
allant plus au sud on retrouve un art apparenté à Bâle et à Coire, 
puis, au delà des Alpes, dans de nombreux monuments de l'Italie du 
nord : à Milao, à Pavie, à Come, à Plaisance, à Vérone, à Parme, etc. ; 
partout des éléments repris à l’art français, en particulier à celui de 
là Provence. Borgo San Donniao marque en Italie l'apogée de l’in- 
fluence provençale, car l’auteur ne s'arrête même pas à l’bypothèse, 
défendue par M. Porter, de l’antériorité des monuments italiens. 
L'influence provençale se retrouve en Allemagne, à Ratiskonne, à 
Gelnhausen, à Worms, plutôt durant le premier quart du x111° siècle 
qu'à l'extrême tin du x11°. Mais à Worms et ailleurs d’autres influences, 
normandes notamment, se manifestent également ; elles s’observent 
aussi à Bamberg, où l'auteur s'évertue à faire le départ entre les 


510 COMPIES RENDUS. 


divers ateliers qui travaillérent à la cathédrale, puis à Freiberg (Saxe), 
où l'influence provençale n’est pas éteinte durant le second quart du 
x11* siècle. Elle poursuit sa route vers l’est : en Moravie, en Autriche 
et en Hongrie, et s’y manifeste vers le milieu du xrrI° siècle. 

Parallèlement à ces influences romanes venues du midi, s’en mani- 
festent d'autres qui ont la Normandie pour point de départ. Ici encore 
il s’agit d’une architecture, formée dès 1150 dans son pays d'origine, 
mais qui n’est connue en Allemagne que depuis le début du xn1° siècle 
et ne s'éteint qu'après 1250. La route suivie est assez problématique. 
Gall avait cru que l'influence normande s'était manifestée d'abord dans 
l’école rhépo-westphalienne, mais en réalité d'après M. Hamann cette 
école peut trouver en elle-même sa raison d'être, et il est possible que 
la voie de mer, qui a transmis à la Westphalie les voûtes plantagenet, 
ait aussi servi l'architecture romane de Normandie et lui ait permis 
de contourner la Rhénanie puis, de pénétrer par le Danemark dans la 
marche de Brandebourg et plus au sud et à l’est, et d'y entrer en 
contact avec l'influence du midi. L'architecture normande est une 
architecture en retard, dérivée de la construction en bois. De là son 
moindre succès dans les contrées de haute culture, comme la Rhénanie, 
et sa vogue dans les contrées moins avancées et plus revêches au 
progrès gothique. 

L'église cistercienne de Lehnin manifeste à un haut degré les 
influences diverses qui agissent durant la première moitié du xin siècle 
dans la marche de Brandebourg : elle traduit en briques divers élc- 
ments de l'architecture normande et semble être un point de départ 
pour l'architecture de la briqu du nord de l'Allemagne. L'influence 
norinande se retrouve aussi à Salzwedel et dans d'autres localités de 
la Marche. M. Hamanu la poursuit après cela dans certaines parties 
de la cathédrale de Worms, dans le palais et l’église Sainte-Marie de 
Gclnhausen, dans diverses églises de Ratisbonne, dans le beau chœur 
oriental de Bamberg. Il la retrouve ensuite une seconde fois à Lehnin 
et dans d’autres édifices du Brandebourg, notamment à l’église des 
Franciscains à Berlin. De Bamberg elle passe aussi en Saxe : à Frei- 
berg, à Wechselbourg, à Hildesheim, mais s’y mélange à un art 
autochtone et provincial. Comme le courant provençal, vers le milieu 
du xu° siècle Les influences normandes se manifestent plus à l’est, 
dans des contrées sans traditions artistiques, où un art plus moderne 
est peu connu, et où les vieux motifs d'importation sont moins con- 
trariés dans leur développement. Ils s’y retrouvent parfois avec des 
caractéristiques très pures : à Tischnowitz, à Trebitsch, à Vienne et 
jusqu'en Hongrie : à Lebeny et à Jak. Toutes ces œuvres éparses sont 
dues peut-être à une brigade d'ouvriers du bâtiment, munis de croquis 
ou d’un album de dessin, et travaillant, d'après des principes qui leur 
sont familiers, dans des localités, parfois trés distantes les unes des 
autres, où on les appelle. Les monuments suggèrent l’hypotlièse que 
ces ouvriers étaient en concurrence avec des ateliers, qui travaillaient 


HERMANN STADLER : ALBERTUS MAGNUS. 041 


différemment (d’après les principes de l’école rhéfñio westphalientce, du 
gothique bourguignon, etc.) et qui parvenaient souvent à les évincer 
et à les refouler. 

Le mystère de l'existence et de l'activité de ces ateliers divers 
recevra de l'ouvrage de M. Hamaun un premier rayon de lumière. 
Sans doute cet ouvrage propose des rapprochements et soulève des 
hypothèses qui appelleut plus d'une réserve. Cela saute aux yeux à 
la simple inspection des clichés nombreux et intéressants, juxtaposés 
parfois d’une manière fort inattendue. Mais la voie tracée paraît être 
une voie féconde et peut servir de point de départ aux recherches 


plus spéciales. R. MAERE. 


HERMANN STADLER. Albertus Magnus, De Animalibus libri XX VI. 
Nach der Cülner Urschrift, (Beiträge zur Geschichte der Philo- 
sophie des Mittelalters. Texte und Untersuchungen, T. XV u. 
XVI.) Munster-en-W., Aschendorff, 1916 et 1921. In-8, xxvi-892 et 
xxt-893-1664 p. 


Il ne s’agit pas, sous ce titre, d'un inédit. Cet ouvrage du grand 
philosophe médiéval fut imprimé plus d'une fois, à Rome en 1478, à 
Mantoue en 1479, et quatre fois à Venise, de 1490 à 1519. Cependant une 
nouvelle édition était très désirable, les anciennes étant devenues 
tres rares, et les plus récentes étant très fautives. L'édition de Jammy, 
O0. P., Lyon, 161, est intérieure à l’incunable de Mantoue, qui ne 
reproduit le texte que d’après des manuscrits de troisième valeur. 
L'édition de Borgnet (Paris, Vives, 1891), laisse encore à désirer 
davantage, l'éditeur ne s'étaut pas borné à réimprimer l'œuvre de 
Jammy, mais ayant procédé sans le moindre sens critique et introduit 
des changements n’ayant pour base que l'arbitraire. 

L'édition critique que nous présente M. Stadler, est donc sûrement 
la bienvenue. Parlons d’abord de l’œuvre elle-même, ensuite de la pré- 
sente publication. 

J. L'ouvragr se compose de XX VI Livres. Il comprend d’abord trois 
œuvres d’Aristote, suivant l'arrangement d’Avicenna, qui les a réunies 
en un seul tout : 1. est +3 ox isrocix (les X premiers livres, dont le 
dixième, au dire des critiques, n’a pas Aristote pour auteur). 2. [let 
Cow u9!0e1 (Livres XI-XIV). 8. Loi Enemy ysviceoxs (Livres X V-XIX). 
Albert le Grand prit comme base la traduction arabo-latine de Michel 
Scot (+ c. 1235). Les Livres XX et XXI constituent des dissertations 
philosophiques, qui, de l'avis de Staller, ont pour auteur Albert iui- 
même. Les Livres XXII à XX VI renterment l'énumération alphabétique 
et la description d'espèces animales, pour lesquelles Albert a utilisé 
priucipalement le Liber de naturis rerum, demeuré à l'état de MS, de 
Thomas de Cantimpre. 

Suivant sa méthode habituelle, Albert a paraphrasé le texte aristoté- 


542 | COMPTES RENDUS. 


licien. Son but était de faire comprendre aux Latins l'exposé des 
sciences naturelles fourni par le Stagyrite. Ici, comme ailleurs, il 
ajoute l’appoint de ses scrupuleuses observations ; son œuvre semble 
bien marquer le point de départ de l'école expérimentale en Occident. 
Par ailleurs, on ne sera guère surpris que dans un ouvrage de ce genre, 
surtout dans les parties physiognomiques, il ait été fait place à bien 
des considérations subjectives et arbitraires. 

2. De longs et minitieux travaux préparatoires ont permis à M. Stad- 
ler de réaliser avec succés la tâche qu'il avait entreprise. Le De anima- 
libus est conservé dans une quarantaine de manuscrits. L'analyse de 
ces sources amena l'éditeur à fourair la preuve que le codex W 258 a, 
aux Archives de la ville de Cologne, est l’œuvre originale du Maitre, 
voire même l'autographe. Deux autres mss (Bâle, F 119; Dijon, 
n. 202.), se trouvent dans une parenté étroite avec l’autographe et 
paraissent dépendre d’une très bonne copie de l'original. Ils sont venus 
à point pour reconstituer le texte de deux pages qui font défaut dans 
l'autographe. Outre ces trois codices, huit autres mss ont retenu 
l'attention de l'éditeur, et ont été groupés, à la suite de l’autographe, 
en trois classes : notamment en copics de première, de seconde et de 
troisième valeur. Dans ces dernières, le texte est mauvais, rempli de 
fautes et de lacunes. Nous supposons que seules des raisons très plau- 
sioles ont décidé l'éditeur à renoncer à l'examen des autres éléments 
de la tradition du texte. 

À la suite de M. Jessen, l'éditeur d'un autre écrit d'Albert le Grand, 
De vegetalibus (Berlin, 1867), M. Stadler a divisé chaque livre du texte, 
conventionnellement, en paragraphes comprenant 2 lignes et dont les 
numéros se suivent dans la marge du volume. C'est à ces chiffres que 
renvoient les Tables. Grâce à un système de traits verticaux, le lecteur 
est à même de distinguer dans le texte, ce qui constitue une addition 
personnelle d'Albert, et ce qui est l'œuvre originale des auteurs qu'il 
commente. Le premier des deux étages de notes au bas des pages, ren- 
ferme l'indication des sources, le second, l’apparat critique. Aux 
tables qui font habituellement suite à ce genre de publications : table 
des auteurs cites par Albert, table des noms propres, table de choses et 
de vocables que l'on rencontre ass:z rarement ailleurs, l'éditeur en a 
ajouté deux autres, dont les philologues pourront faire leur profit : 
tables des noms germaniques et des noms arabes. 

Jerminons ce trop bref compte-rendu en signalant une question 
spéciale et controversée : celle de [a date de composition de cet 
ouvrage. M. Stauler n'a pu que l'efileurer (p. VIT). Depuis lors le 
P. Pelster a consacré à ce problème quelques pages nouvelles, dans la 
Zeitschrift für katholische Theologie, t. XLVII(23), p. 475 et suiv. 
D'après les considérations du KR. P., la composition du De Animalibus 
est à répartir sur les années 1258 à 1270. 

Philologues, naturalistes, philosophes, surtout les historiens des 
sciences naturelles et de la philosophie, aimeront à prendre contact 


C. BOECKL : DIE EUCHARISTIELEHRE DER DEUTSCHEN MYSTIKER. 543 


avec cv monumental écrit d'Albert le Grand. Au point de vue historique, 
le grand intérêt que présentent ces XX VI Livres se rattache à des 
questions touchant le programme, la méthode et l’évolution de l’en- 
seigaement sur les matières qui y sont traitées. Ces matières rentrent 
de nos jours plutôt dans le calre des leçons professées à la Faculté des 
sciences et de médecine ; Le philosophe cependant ne peut s’en désinté- 
resser totalement. La méthode expérimentale y est nettement affirmée 
et appliquée. La doctrine «st amenée du point de départ aristotélicien, 
par intermédiaire de Galien et d’Avicenna, au terme des patientes 
recherches et de la force d'observation qui ont caractérisé un des plus 
grands penseurs du x111° siècle. R-M. MARTIN, 0. P. 


D' C. BoecxL. Die Eucharistielehre der deutschen Mystiker des Mit- 
telalters. (Diss.) Munich, Schrüdi, 1923. In-8, xxiv-139 p. 


Cette dissertation doctorale a pour objet l’exposé des doctrines sur 
le sacrement d’eucharistie, que l’on trouve dans les œuvres des prinei- 
paux mystiques allemands, et embrasse la période qui va du xn° au 
xiv* siècle. C’est la période du moyen âge où la vie mystique, en 
Allemagne, fut la plus intense et a donné ses plus beaux fruits. 

Une courte préface nous indique l’origine de ce travail. 11 fut élaboré 
au cours des exercices du Séminaire de dogmatique à l’université, 
dirigé par le professeur M. Grabmann. En quatorze pages d’une impres- 
sion très serrée, l’auteur donne ensuite la bibliographie du sujet. C'est 
une liste imposante d'ouvrages thévlogiques, mystiques, historiques et 
critiques. La question se pose dans quelle mesure les 252 auteurs dont 
les travaux composent cette bibliothèque ont été utilisés dans la disser- 
tation. M. Boeckl ne nous r.nseigne pas sur ce point Il laisse au 
lecteur d’en juger en se rapportant aux nombreuses notes et citations 
qui couvrent la marge inférieure des pages. Cette liste d'auteurs aurait 
pu étre allongée encore. A la suite de la citation de Güttler, il aurait 
êté opportun de faire mention de son contradicteur, le P. Reg. Schultes, 
O. P. Reue und Busssakrament, Paderborn 1906. S'il y avait lieu de 
signaler les articles de van Poppel et Reypens, y avait-il des raisons 
de taire les recherches de van Mierlo, S. J.? 

M. Bockl à divisé son travail en cinq chapitres. Dans les quatre 
premiers, les auteurs étudiés sont rangés suivant les ordres religieux 
dont ils étaient membres. I. Mystiques bénédictins. 1I. Mystiques fran- 
ciscains. 111. Mystiques cisterciens. IV. Mystiques dominicains. Un 
cioquième chapitre est consacré à deux mystiques des Pays-Bas : 
Jean Ruysbroek et Thomas a Kempen, et intitulé : Bei den Mystikern 
in den deutschen (sic) Niederlanden. L'on remarquera que les instituts 
religieux ne sont pas ci‘és d’après l’ordre chronologique, ni d’après 
l'importance des écoles mystiques qu'ils ont constituées. J'ignore à quel 


5 14 COMPTES RENDUS. 


titre Jean Ruysbroek est présenté comme mystique allemand. L'æuvre 
mystique de Thomas Hemerken n'appartient pas au xiv° siècle, 
Thomas étant mort en 1471, la même année que Denys le Chartreux. 

Dans ces cinq chapitres, dont le dernier déborde les cadres préalable- 
ment fixés, aucune pièce importante, ni aucun document intéressant 
à consulter n’ont été négligés. L'auteur a poussé ses investigations 
jusque sur des terrains demeurés inexplorés. Il a examiné Les écrits des 
professionnels en théologie, la doctrine des prédicateurs, les effusions 
des poètes ; il a interrogé les représentants de la mystique pratique, 
p. ex., S. Elisabeth de Hongrie, aussi bien que les docteurs de la 
mystique spéculative. Les principales questions traitées sont les 
suivantes : la transsubstantiation, la présence réelle, l'identité du corps 
du Carist sous les espèces eucharistiques avec le corps né de la Vierge 
et mort sur la croix, les dispositions favorables pour communier, les 
effets de l'union eucharistique. M. B. expose dans les grandes lignes la 
doctrine des auteurs sur ces questions ; il la ramène à ses sources 
immédiates, et montre ses lirns de dépendance avec les maîtres en 
théologie de l’époque. Il a soin également de mettre en relief les points 
et les aspects de doctrine qui distinguent l'un mystique de l’autre. Il 
tient compte aussi bien des lacunes que des points fermement acquis 
que présente la recherche critique ; et cela principalement à propos de 
maître Eckhart. 

Ce travail constitue une excellente monographie du genre. Il se 
recommande par beaucoup de qualités, dont, mise à part la richesse du 
fond, la mesure dans l'exposition n’est pas la moindre. Le but envisagé 
par l’auteur n’est pas simplement doctrinal, mais aussi apologétique : 
il a voulu faire face à une thèse protestante, suivant laquelle la média- 
tion de l'Église catholique et des sacrements aurait été, de l'avis des 
mystiques, sans valeur pour le développement de leur vie intérieure. 


H à parfaitement réussi. R. M. Marin, O0. P. 


G. MozuarT. La collation des bénéfices ecclésiastiques sous les papes 
d'Avignon (1505-1378). (Université de Strasbourg. Bibliothèque 
de l'Institut de droit canonique. T. L.) Paris, E. de Boccard, 
1922. In-8, 353 p. 


C'est peut-être dans l'histoire du régime bénéficial que l’on aperçoit 
le plus clairement les progrès réalisés par le mouvement centralisa- 
teur, à partir du xi° siécle, dans Le gouvernement de l'Église. Le Saint- 
Siège revendique en cffet une part toujours croissante dans la collativn 
des bénéfices et, après une lutte persévérante contre les collateurs 
ordinaires et les électeurs, parvient à faire triompher ses idées. C'est 
ce que nous ont montré, pour la période antérieure au x1v° siècle, 
E. Roland (Les chanoines et les élections épiscopules du XI° au XIV° siècle. 


G. MOLLAT : LA COLLATION DES BÉNÉFICES ECCLÉSIASTIQUES. 545 


Aurillac, 1909) et E. Baier (Päpstliche Provisionen für niedere Pfrunden 
bis zum Jahre 1304. Munster, 1911), et, pour les années du grand 
schisme, E. Güller, dans la belle introduction que l’on trouve en tête 
du premier volume du nouveau Repertorium germanicum inauguré, en 
1916, par l'institut historique prussien de Rome (cfr RHE, 1921, 
t. XVII, p. 612616). L'étude de M. Mollat, qui nous fait bien présumer 
de la nouvelle bibliothèque de l'institut de droit canonique de Stras- 
bourg, complète ces travaux en traitant de la collation des bénétices 
pendant la période intermédiaire : celle des papes d'Avignon. Quant au 
cadre géographique, il embrasse tous les pays de la chrétienté, sauf que 
l'auteur a négligé l’histoire des provinces apostoliques de Scandinavie 
(p. 217, note 1). 

Le travail de M. Mollat comprend trois parties. La première 
(p. 21-147) est consacrée à la collation des bénéfices mineurs. C'est à ces 
bénétices en effet que la papauté s'en prit en premier lieu. M. M. 
indique les moyens dont elle se servit pour attirer à soi leur collation, 
les explique, recherche leur origine et fait connaître l’usage qu’en 
tirent les papes d'Avignon. Il donne ensuite un exposé très clair et très 
détaillé du mécanisme des provisions apostoliques, dans lequel il 
examine toutes les questions concernant les suppliques, les examens 
de capacité que devaient subir les ecclésiastiques pourvus de bénéfices 
eo cour de Rome, l'expédition, la délivrance et l'exécution des bulles, 
enfin le contentieux bénéficial. 

Üne seconde partie (p. 149-226) traite de la collation des bénéfices 
majeurs : des évéchés et des abbayes. D’après le droit des décrétales, 
ces dignités étaient électives : les moines avaient le droit de choisir 
leur abbé ; les titulaires des évêchés étaient désignés d'abord par le 
clergé et le peuple du diocèse ; à partir du xui° siècle, uniquement par 
les chapitres cathédraux. Ici encore M. M. nous montre comment, 
aprés une lutte qui commença au xn° siècle et s’accentua au siècle 
Suivant, la papauté parvint au x1v° siécle à supprimer presque complè- 
tement les droits des chapitres cathédraux et monacaux : elle donna 
aux réserves tant générales que spéciales une extension de plus en plus 
considérable ; elle prit occasion, pour nommer directement les titulaires 
des charges devenues vacantes, des appels provoqués par des abus qui 
vicièrent trop souvent les élections, des translations d’évêques d'un 
siège à un autre, des nominations d’abbés aux évêchés, des démissions 
et dépositions, et même des postulations présentées par des chapitres 
qui désiraient écarter certains candidats; parfois aussi, mais rarement, 
elle invoqua le droit de la dévolution; entin il faut mentionner les 
provisions sous forme de commendes. Quant aux motifs qui décidérent 
les papes d'Avignon à frapper de réserves les bénéfices majeurs et à 
s'eo adjuger la collation, M. M. inuique, d’abord, les raisons qu'il 
appelle théologiques er qui sont alléguées par les bulles, c'est-à-dire la 
primauté du siège apostolique et la nécessité de remédier aux maux 
multiples engendrés par le régime électif. Mais il y en avait d'autres, 


546 CoMPpTES RENDUS. 


d'ordre pratique. Et d'abord, la main-mise du Saint-Siège sur les béné- 
fices majeurs lui fournit l’occasion de réclamer le serment de tidélité 
aux évêques et aux abbés et de renforcer par là même sou autorité 
vis-à-vis du pouvoir civil. De plus, elle lui procurait des sources de 
reveaus considérables par les taxes appelées services communs et 
menus services, par le droit de dépouille, et par les vacants. Enfin elle 
lui assurait de grands avantages dans les négociations diplomatiques. 

Dans la troisième partie, M. M. détaille l'accueil fait en Europe aux 
provisions apostoliques. Celles-ci lésaient trop d'intérêts pour ne pas 
susciter de l'opposition. Le mécontentement fut général; mais les 
résistances variérent en intensité et en efficacité suivant les pays. En 
Angleterre, les nominations aux évêchés ne donnèrent pas lieu à de 
grandes difficultés. Malgré les plaintes des chapitres cathédraux, les 
évêques nommés par le pape étaient reçus ; mais ils ne pouvaient entrer 
en possession de leur mense qu'après avoir reconnu qu’ils détenaient 
du souverain leurs droits sur le temporel. Par contre, l'application du 
droit de régale et la collation de certains bénéfices mineurs, que la 
pratique des siècles précédents reconnaissait au roi, engendrèrent de 
graves conflits lorsque les papes d’Avigaon s'efforcéèrent de mettre en 
échec le pouvoir royal. La lutte, dont M. Mollat donne toutes les 
péripéties, se termina par la convention de Bruges que Grégoire XI 
ratitia le 1°" septembre 1375. L'opposition à la papauté, qui avait été 
si vive dans le parlement, ne disparut pas cependant ; elle pénétra à la 
longue dans les masses populaires et inclina les esprits à écouter 
les violentes attaques de Wyclyff contre la constitution de l'Eglise 
romaine. — Dans l'empire, les résistances opposées à la collation 
directe des bénéfices mineurs par le Saint-Siège furent plus violentes 
et plus efficaces que partout ailleurs, et le conflit qui éclata entre l'Eglise 
et Louis de Bavière fourait l’occasion aux chapitres cathédraux et aux 
métropolitains d'iofliger à la Papauté une série d'échecs éclatants à 
propos des provisions aux bénéfices majeurs. La situation ne s’améliora 
pas sensiblement sous Charles IV, qui manquait d'autorité. Les papes 
u’eurent souvent d'autre ressource, pour sauver le principe de leur 
droit souverain, que de casser les élections, et puis d'élever à lépis- 
copat ou à l’abbatiat justement les personnes que les chapitres avaient 
élus. — En Dalmatie, en Croatie et en Épire, de même qu’en Pologne 
et en Lithuanie, les métropolitains et les chapitres se liguèrent pour 
combattre le régime des réserves. — En france Guillaume Durant, 
évêque de Mende, dénonçait déjà aux Pères du concile de Vienne (1311. 
1312) les abus inhérents aux réserves apostoliques et, après la promul- 
gation de la constitution Ex debito (1316), il entama une campagne de 
détractions qui tendait à brouiller le pape avec la France. Ces faits 
montreut que vers cette époque l'épiscopat était hostile à la papauté. 
Jean XXII brisa les résistances et Guillaume Durant fut réduit au 
silence. Les chanoipes, au contraire, persistèrent à passer outre aux 
réserves et à pratiquer l'élection ; mais, à l'encontre de ce qui eut lieu 


G. MOLLAT : LA COLLATION DES BÉNÉFICES ECCLÉSIASTIQUES. 547 


en Allemagne, aucun de leurs élus ne réussit à se maintenir en posses- 
sion des sièges épiscopaux avant le pontificat d'Innocent VI. A partir 
de cette date, les papes confirmèrent assez souvent les élus des cha- 
pitres. Bon gré, mal gré, les électeurs capitulaires durent, finalement 
plier devant les exigences du Saint-Siège. Les collateurs ordinaires des 
bénéfices mineurs furent moins souples ; il luttérent avec opiniâtreté 
contre les provisions apestoliques ; les évêques, en empêchant les 
clercs pourvus de bénéfices par le Saint-Siège de prendre possession ; 
les chapitres, soit en votant des statuts qui leur permettaient d’éluder 
les nominations de Rome, soit en recourant au parlement de Paris. De 
même qu'en Angleterre, le droit de régale, que les légistes cherchèrent 
à étendre, amena des froissements entre Paris et Avignon, particulière- 
ment sous Clément VI et. Philippe VI. Enfin en Italie, en Castille, en 
Aragon et en Portugal, les papes d'Avignon disposèrent quasi souve- 
rainement des bénéfices. Ils ne rencontrèrent une résistance invincible 
que dans le royaume de Trinacrie et l’île Majorque. 

En définitive, les résistances opposées, de 1305 à 1378, aux provisions 
apostoliques manquérent d'efficacité. Partout, même dans l’Empire, la 
victoire finale resta au Saint-Siège. Un changement profond s’est ainsi 
opéré dans le mode de gouvernement de l'Eglise romaine, au cours du 
xiv* siècle. Tout plie, pour ainsi dire, devant la volonté des papes 
d'Avignon, tant la centralisation de l'Eglise est avancée. Mais le grand 
schisme va survenir bientôt, il annihilera la puissante organisation 
créée savamment et patiemment au xiv°siécle, et les intérêts de l'Eglise 
seront compromis pour longtemps. | 

Daos ce travail, M. Mollat s'occupe d’une période da passé de l'Eglise 
qu'il connaît admirablement Les sources utilisées sont de toute pre- 
mière valeur : elles proviennent presque exclusivement des Archives 
Vaticanes. En outre, le savant professeur de l'université de Strasbourg 
ne se contente pas de narrer les manifestations multiples de la politique 
benéficiale des papes d'Avignon et d'en citer les exemples les plus 
typiques et les plus variés; mais à l’aide «les recueils conciliaires et du 
corpus juris canonici, il entre à fond dans le système de gouvernement 
ecclésiastique si amèrement critiqué par les chroniqueurs et les auteurs 
de la fin du x1v° et du début du xv° siècle : il expose longuement la 
base juridique de l'intervention des papes dans la collation des bénéfices 
et déroule devant les yeux du lecteur tout le rouage administratif de la 
curie d'Avignon. Le travail de M. Mollat révèle à la fois un historien 
compétent et un canoniste averti. J'’ajouterai qu'il sera le guide le plus 
sûr dans l'étude et l'interprétation des documents, suppliques et lettres 
de [a période dite d'Avignon. Je suis persuadé que nul ne contredira 
ce sentiment parmi tous ceux qui ont eu l’occasion ou la charge de 
parcourir ces longues séries de registres des Archives Vaticanes où sont 
consignées, dans leur style verbeux et dans un formulaire de prime 
abord un peu déconcertant, les « grâces » les plus diverses dont la 
papauté inonde la catholicité. Sans doute, on pourra, dans des études 


D48 COMPTES RENDUS. 


spéciales, compléter ou même rectifier quelques assertions et conclu- 
sions de M. Mollat touchant certains points. Ainsi, lorsque dans la 
premiére partie on lira le S 4 du chapitre II, on se souviendra de l’inté- 
ressant article que M. Nélis vient de publier dans le Bulletin de l'institut 
historique belge de Rome (1922, fasc. 2, p. 129-141) sur l’Application en 
Belgique de la règle de chancellerie apostolique « de idiomale beneficia- 
lorum » qui fut édictée, le 11 juillet 1373, par. Grégoire XI. Mais dans 
l’ensemble, le tableau que M. Mollat nous a donné du régime bénéficial 
sous les papes d'Avignon résistera à tout contrôle. F. Baix. 


GEorGes LizeranD. Le dossier de l'affaire des Templiers édité et tra- 
duit. (Les classiques de l’histoire de France au moyen âge 
publiés sous la direction de Louis Halphen.) Paris, Champion, 
1923. In-12, xxiv-229 p. F. 12,50. 


Nul n’était plus qualifié que M. Georges Lizerand pour publier les 
documents relatifs à l'affaire des Templiers qui forment le secoad 
fascicule de la Collection des classiques de l'histvire de France au moyen 
dge. Auteur d'une thèse très remarquee sur Clément V et Philippe IV le 
Bel, il avait été tout naturellement conduit à examiner et à critiquer 
les textes qu'il publie aujourd’hui et qui forment comme l'illustration 
de son volume. 

Conformément au plan de la collection, le livre débute par une 
introduction où est résumée tout d'abord l’histoire du procès. Dans ce 
résumé M. Lizerand a condensé les faits essentiels qu'il expose plus au 
loug dans sa thèse, mais cette analyse, si succincte qu'elle soit, ne 
manque pas de vigueur et elle met fort bien en lumière certaines idées 
essentielles; la responsabilité de Philippe le Bel et de ses agents y 
éclate à chaque page, leurs procédés peu loyaux ressortent avec beau- 
coup de netteté et l’on voit fort bien comment ils ont exploité la 
faiblesse du pape, écœuré au fond de son âme d’un procès dont il ne 
soupçonnait que trop les motifs intéressés. « Inlassablement, écrit 
M. Lizerand dans sa conclusion, le roi et ses agents avaient assiégé le 
pape pour obtenir de lui la destitution du Temple. L'Eglise n'était 
presque pour rien dans ua procès qu’elle désapprouvait et, s’il n'eût tenu 
qu'à elle, jamais l'inquisition n'aurait eu à s'occuper des Templiers. 
Mais Clément V n’est pas pour cela dégagé de toute responsabilité. Car 
les calomnies, les irrégularités, les violences, les froides cruautés, 
l'inhumanité anonyme et administrative des gens du roi n'auraient pas 
prévalu si le pape n’avait pas témoigné de tant de faiblesse et s’il n'avait 
pas supporté, avec une résignation anormale, leurs empiétements. » 

Dans les chapitres suivants, M. Lizerund analyse les diflérentes 
espèces de documents. Les premiers émanent de la chancellerie du roi 
de [france : ils consistent en un réquisitoire, suivi d'instructions aux 
baillis, sSénéchaux et commissaires en vue de l'arrestation des Tem- 
pliers et de la séquestration de leurs biens. Puis ce sont des inventaires, 


£. I. PEARCE : THOMAS DE COBHA\M 5.19 


les procès-verbaux des interrogatoires, les lettres échangées entre le roi 
de France, le pape et les princes étrangers, les consultations juridiques 
demandées à la Faculté de théologie de Paris; les pamphlets. Une 
troisième catégorie est constituée par les différents textes relatifs aux 
Éta's Généraux de Tours et aux négociations de Poitiers en 13US ; une 
quatrième a trait aux divers procès qu'ont dirigés soit les évêques, soit 
les commissaires pontiticaux à partir de 1308. M. Lizerand iudique où 
se trouvent ces divers documents et signale, en les critiquant sommai- 
rement, les travaux dont ils ont été l’objet. Il expose enfin les raisons 
qui ont présidé à la sélection qu'il a dàù faire dans la présente édition. 
Son choix est d’ailleurs très heureux : il n’a retenu que les textes qui 
peuvent servir à fixer la physionomie du procès : tel le mémoire de 
Jacques de Molay sur le projet de réunion des deux ordres du Temple 
et de l'Hôpital qui peut servir d'introduction ; telle la proclamation 
royale relative à l'arrestation; telles les principales dépositions ; tels 
enfin les pamphlets de Pierre Dubois et les discours de Guillaume de 
Plasians. 

Tous ces textes avaient été déjà publiés; beaucoup avaient été 
traduits, mais ni les éditions ni les traductions antérieures ne peuvent 
se comparer à celle-ci. M. Lizerand a revu lui-même sur les manuscrits 
tous les documents qu’il a retenus à l'exception d’un seul ct, bien 
qu'avec une modestie très déplacée il refuse à sa traduction le mérite 
de l’élégance, ses lecteurs lui sauront le plus grand gré d’avoir si bien 
rendu l'esprit et la forme des si curieux témoignages d’un des plus 


4 LL :° : 
grands procès de l'histoire. AUGUSTIN FLICHE, 


E. H. Pearce. Thomas de Cobham, Bishop of Worcester (1317-1327), 
Some Studies drawn from his Register with an account of his life. 
Londres, SPCK., 1923. xn1-274 p. 


Pour apprécier en deux mots ce volume, on pourrait dire que s'il 
donne moins que ne promet son titre, il donne beaucoup plus que ce 
qu'annonce son sous-titre : c’est une reconstitution des plus intérese 
santes, parce que des plus réelles, de l’administration d’un évêque 
anglais du x1v° siècle. A l’aide des pièces ofticielles que contient 
réunies depuis six cents ans l’ancien feygisler épiscopal, elle est taite 
sur place, dans les mêmes domaines épiscopaux qu'il y a six siècles, au 
manoir d'Hartlebury, séjour préféré de Cobham, par un de ses 
successeurs anglicans au siège de Worcester. Cette circonstance en 
dira long à l’archéologue et à l'historien ; au penseur, qui aime à 
ruminer le passé, elle fournira matière à reflexion du plus haut intérût 
psychologique et religieux. La nature même des sources auxquelles 
puisait l'auteur et le cadre qu'il s'est fixé expliquent les qualités et les 
lacunes de cette étude : elle se borne aux actes viliciels mentionnés 
dans le registre et les présente au lecteur avec les circonstances dont 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 35 


550 COMPTES RENDUS. 


ce dossier a conservé la trace. Ce n'est donc pas une biographie 
complète de Cobham, ni le tableau intégral de sa gestion épiscopale. 
Nous 0’y trouvons pas non plus la plénitude des moyens d’information 
qui auraient pu nous éclairer sur ces sujets. Tout n'est pas également 
original : le chapitre sur la visite des monastères utilise d’autres 
travaux. Mais, même réduit à ces proportions, l'ouvrage du Rev. 
E. H. Pearce nous fait réellement entrer dans la vie et dans l’activité 
quotidienne d’un grand évêque d'Angleterre au x1v° siècle. C'est tout 
un coin du monde médiéval qui se révèle à nous, avec ses préoccu- 
pations, ses mœurs, ses coutumes fiscales, ses usages politico-religieux, 
son attitude vis-à-vis du roi ou du Pape, en matière d'élection, de 
dispense, de jouissance des bénétices, de visite canonique, de nomi- 
nation aux églises rurales, de séjour aux universités, etc. etc.; tout 
cela non pas énoncé dans une formule genérale, comme dans un manuel 
d'institutions, mais présenté aans ses contours les plus concrets et 
centré autour de la personne d’un évêque instruit et consciencieux, que 
ses hautes qualités de droiture et de loyauté avaient fait nommer le 
« bon clerc ». Que, dès sa nomination, l'évêque doive recourir à la 
grande maison financière des Bardi de Florence, et que dix ans plus 
tard, pour se rendre à la cour de Londres, il doive emprunter les 
équipages d’une abbaye cistercienne, qu’il fasse une ordination de 
72 prêtres à Tewkesbury ou de 108 sous-diacres à Ombersley, qu'il 
rappelle à l’ordre un clerc de Gloucester ou un prieur de Lanthony, 
qu’il lègue ses livres à Oxford, comme Richard de Bury, qu'il signe 
des pièces otlicielles d'approbation, de dispense, de légitimation, etc., 
nou3 suivons Cobham pas à pas dans la plupart de ses actes, de ses 
projets, de ses voyages, de ses jugements, de ses nominations. Malgré 
le classement des documents sous quelques rubriques appropriées, ce 
qui expose à des répétitions, la plupart des chapitres, surtout ceux sur 
les ordinations, sur les paroisses et les bénétices, sont évocateurs pour 
qui veut voir de près le mécanisme de la vie médiévale ; ils pourraient 
fournir un commentaire historique du droit ecclésiastique aux derniers 


siècles du moyen âge. J. DE GHELLINCE, S. J 
e. 9 L 1 e 


Conctlium Tridentinum. Diariorum, aclorum, epistolarum, tracta- 
tuum nova collectio. Ed. SocIETAS GOERRESIANA. T. VIE. Acto- 
rum pars V compleclens acla ad praeparandum concilium el 
sessiones annt 1562 a prima (XVII) ad sextam (XXII). Ed. 
ST. Euses. Fribourg-en-Br., Herder, 1919. In-4, xiv-1024 p. — 
T. X. Epistolarum pars 1, complectens epistolas a die 5 Marti 
1545 ad concilii translatiunem, 11 Marti 1547, scriplas. Kd. 
G. BuscuBELz. Fribourg-en-Br., Herder, 4916. In-4, Lxxvi-996 p. 


Peu de choses vicillissent aussi vite et sont aussi vite démodées que 
les travaux historiques et l'auteur de la plus humble monographie se 


CONCILIUM TRIDENTINUM. T. VIII. ACTORUM PARS V. 551 


croirait mal informé s'il ne citait des ouvrages dont le millésime 
d'éditios est, à peu de chose près, le même que celui qui orne la cou 
verture de son œuvre propre. Une revue, qui a l'ambition de tenir ses 
lecteurs au courant de tout ce qui se publie d'’essentiel en matière 
d'histoire ecclésiastique, semble donc bien malvenue de présenter, en 
1924, une recension qui concerne des volumes parus respectivement en 
1916 et en 1919. S'il s'agissait d'un ouvrage quelconque, de composition 
facile et d'intérêt passager, mieux voudrait, après un tel laps de temps, 
le passer sous silence et n’en plus parler. Par bonheur, les deux volumes 
dont il va être question dans les lignes qui suivent, sont de ceux qui 
peuvent patiemment attendre : les éloges qu’on leur décerne, tamisés 
par le temps qui ramène toutes choses à leur juste proportion, n’en 
acquièrent que plus de poids et que plus de valeur. 

Le Concilium Tridentinum, publié par la Goerresgesellschaft, avec la 
collaboration savante et avertie de plusieurs maîtres de la critique 
historique, est en effet une œuvre capitale, dont s’enorgueillit à juste 
titre la science catholique en Allemagne. Projet grandiose assurément 
que celui d'éditer la somme innombrable des documents relatifs au 
concile de Trente, mais projet dont la réalisation suppose une énergie 
et une patience admirables. Quatre séries se partagent les sources à 
publier : 1. les Diaria ou journaux (t. I-IIT) ; 2. les Acta au sens propre 
(t. IV-IX) ; 3. les Epistolae, c'est-à-dire les correspondances échangées 
à l’occasion du concile (t. X-XI) ; 4. les Tr'actatus lridentini, mémoires 
composés par nombre de théologiens et de canonistes sur des questions 
discutées dans les délibérations du concile (t. XII). 

C'est en 1894 que les collaborateurs du Tridentinum se mirent à 
l'œuvre. En 1901, parut le tome I°', donnant la première partie des 
Diaria ; en 1904, ce fut au tour du tome IV où l'on trouve consignée la 
première partie des Acta. Ces deux volumes ont fait l’objet, dans cette 
revue même (1905, t. VI, p. 857-883), d’un compte-rendu pénétrant dû 
à la plume experte du regretté M. Cauchie : toutes les questions 
générales qui concernent l’entreprise de la Goerresgesellschaft, l'utilité 
de l’œuvre, son but, ses méthodes ont été étudiées dans cette recension 
et nous n’avons donc plus à y revenir. 

En 1911, deux nouveaux tomes parurent coup sur coup : le V°, dû 
comme le IVe à Mgr Ehses et comprenant la suite des Acta du concile, 
le Il°, continuant la publication des Diaria commencée au tome [°° et 
portant, comme celui-ci, la signature de M. S. Merkle. Il n’est sans 
doute pas inutile de rappeler brièvement ici que le tome II reproduit 
les cinquième, sixième et septième journaux du fameux secrétaire du 
concile, Massarelli, journaux intitulés respectivement De conclavi post 
obitum Pauli III, De Pontificatu Lulir II, À Marcello Il usque ad Pium IV. 
Ce volume donne ensuite l'Epilogus des Actes du concile dû à la plume 
de Laurentius Pratanus, les écrits conciliaires de Jérôme Séripaudus, 
les diaria cuerimoniala de Ludovicus Firmanus, l’histoire, écrite par 
Oaupurius Panvimus, de l'élection de Pie IV, le De obitu Pauli IV el 


Do? COMPTES RENDUS. 


conclavi cum electione Pii IV d’Antonius Gui lus, la narration faite par 
Pedro Gonçalez de Mendoza concernant Lo sucedido en el concilio Tri- 
dentino, entin des fragments se rapportant au concile et écrits par 
Nicolaus Psalmaeus. A propos de ce Nicolas Psaume ainsi que de 
Laurent Del Pré (Pratanus), qu'on veuille bien se reporter à l’intéres- 
sante notice publiée ici-mêm> par M. Merkle (1904, t. V, p. 787 svv). 
Quant au tome V du Tridentinum, il contient les Actes du concile du 
8 février 1546 au 11 mars 1547 et se rapporte donc à la période de 
l'assemblée où eurent lieu, sous Paul III, les sessions IV, V, VI, VII, 
VIII : c’est à cette dernière réunion que fut décidé, comme on sait, le 
transfert du concile à Bologne. 

Arrivons-en maintenant aux deux volumes qui doivent faire l'objet 
spécial de cette recension, le VIII° et le X°. Et, puisque nous en 
sommes à parler des Actes de l'assemblée, ouvrons d’abord ce magni- 
fique tome VIII où se trouve éditée, par les soins de Mgr Ehses, la 
cinquième et avant-dernière partie des Acla du concile œcuménique. 


* 
* % 


Le tome V du Concilium Tridentinum nous menait, ainsi que nous 
venons de le rappeler, jusqu’au transfert à Bologne ; le tome VIII ren. 
ferme les documents compris entre le 8 septembre 1559 et le 17 sep- 
tembre 1502. On le voit dés l’abord : deux volumes, le VIe et le VIIe, 
— troisième et quatrième de la série, — manquent à {a suite chrono- 
logique des Acta. C’est qu'en effet MM. Merkle et Postina, empêchés 
par d’urgents devoirs, ne se trouvaient pas en mesure de iivrer leurs 
manuscrits à l'impression alors que Mgr Ehses avait terminé son 
propre travail. — Franchissons donc une douzaine d'années et, laissant 
le concile dans les embarras de Bologne sous Paul LIT (1547-1549), dans 
ceux de Trente sous Jules III, Marcel IT et Paul IV (1550-1559), étudions 
l’œuvre de Pie IV. 

Le volume de Mgr Ehses comprend deux parties bien distinctes : 
l'auteur a réuni cans la première (p. 1-286) un nombre important de 
pièces qui se rapportant à l’histoire préliminaire, — Acta ante conci- 
lium, — de la dernière période de l’assemblée ; la seconde partie, de 
loin la plus importante, renferme les actes conciliaires de la XVIIe à 
la XXII° session. 

A peine installé sur le trône de Pierre, Pie IV se mit en devoir de 
reprendre le concile suspendu par Jules 111 en 1552, La chose n'allait 
pas sans de grosses ditiicultés. Et d'abord, sous quelle forme devait 
se présenter la bulle d’indiction ? Etait-ce un nouveau concile qu’on 
allait convoquer, était-ce, au contraire, l’ancienne assemblée dont on 
aurait à parfaire l’œuvre ? Ce n’était pas là pure question de mots : 
présenter les sessions à venir comme Îa suite des sessions passées 
revenait à atlirmer le caractère irrévocable des décisions prises jadis 
en matière dogmatique, au sujet notamment de l’euchanristie et de la 
justification. On comprend dès lors que les pro:estants aient insisté 


CONCILIUM TRIDENTINUM. T. VIII. ACTORUM PARS V. 553 


avec force pour obteair la convocation d'un nouveau concile : l’em- 
pereur Ferdinand Ie" appuyait leurs prétenti ns et la cour de France 
partageait le même avis. Philippe Il, de son côté, prônait résolument 
la reprise du concile interrompu. Il va sans dire que Pie 1V était en 
parfaite commuaion d’ilées sur ce points avec le roi catholique, mais, 
comme il convenait de ne riea brusquer, la bulle d'indiction du 
29 novembre 1560 présenta la chose en termes choisis et gazés, — qui 
d'ailleurs ne contentèrent pleinement personne. La détermination de 
la ville où siègerait le concile, sans être la source d'aussi graves 
embarras, n'avait cependant pas laissé de faire difficulté. L'empereur 
commença par ne pas vouloir entendre parler de Trente et fit plusieurs 
suggestions qui portaient sur différentes autres villes ; après de longs 
pourparlers, tout le monde parvint pourtant à tomber accord. 

Convoquer le coucile n'était rien et le plus difficile restait à faire. 
Il faut avoir lu les multiples et pressantes convocations adressées par 
Pie IV aux évêques et aux princes protestants pour se faire quelque 
idée de la peine prise par le Pontife atin d'assurer le succès de l’entre- 
prise. Bien plus : il envoie en Allemagne les nonces Delfino et Com- 
mendone. Mais c’est pcine perdue, car les princes protestants repoussent 
avec dédain les offres papales et quant aux évêques, « io per me non 
credo, — nous déclare Commendone (p. 189), — che alcuno de loro 
pensi di venir al concilio, et gli principi heretici fanno ogn’ opera, 
perche non vengano. per debilitar, quanto possono, et minuir l’autorità 
d’esso concilio ». A propos de Commendone, signalons en passant ses 
rapports sugzestifs concernant les nouveaux évêchés des Pays-Bas, 
ses considérations sur l’université de Louvain, ses enquêtes au sujet 
du péril baianiste. 

Le concile tint sa première, — ou XVIIe, — session le 18 janvier 
1562. Si les évêques allemands n'avaient pas répondu à l’appel du pape, 
l'assemblée était cependant beaucoup plus nombreuse que jadis. Cent 
vingt Pères, possédant voix délibérative, étaient présents. Comme on 
attendait encore un certain nombre de prélats et de délégués, les 
présidents du concile préférèrent retarder l'examen des questions dog- 
matiques et l’on commença par discuter certaines matiéres moins 
importantes. C’est ainsi que dans la congrégation générale du 27 jan- 
vier, l’on se préoccupa de l’Index librorum prohibendorum. La conclu- 
sion du débat eut lieu lors de la seconde session (26 février) où fut 
porté le décret sur la confection de l’Index. 

Après cela, on commença la discussion des projets sur la réforme de 
l'Église. Le 11 mars, on présenta douze articles dont le premier con- 
cernait l'obligation de la résidence pour les évêques et pour tous ceux 
qui ont charge d’âmes. Le débat fut extrêmement vif : les Espagnols 
ipsistaient pour qu’on déclarât la résidence obligatoire iure divino, les 
Italiens tenaient pour la plupart un avis opposé. Comme la querelle 
menaçait de s’éterniser, on remit le problème à une date ultérieure et 
l'on décida qu'il serait examiné avec les questions qui se rapportent à 
l’ordre. 


551 COMPTES RENDUS. | 


Les eleemcnysarum quaestores fournirent la matière d’un autre débat. 
Si tous étaient d'accord pour mettre fin aux abus d’une institution qui 
n'avait pas toujours été sans reproche, certains allaient plus loin et 
exigcaiient la suppression de l'institution elle-même : c’est à ces derniers 
que le concile donna raison, dans les décrets de réforme portés à la 
XXI: session. Dans l'intervalle, l'assemblée avait commencé l’examen 
de plusieurs questions dogmatiques et notamment de la communion 
sous les deux espèces et de la communion des purvuli (même session). 

Dans la session suivante, tenue le 17 septembre, on définit l’impor- 
tante doctrine de sacrificio missae. Un problème bien épineux se greffait 
sur cette matière, celui de la concession du calice aux simples fi iéles. 
L'empereur et le duc de Bavière, qui la réclamaient avec instance, 
n'eurent cependant pas gain de cause et les Pères, après de fort longucs 
discussions, estimérent préférable de laisser la solution de la difficulté 
à la discrétion du souverain pontife. 

Aprés avoir esquissé le contenu du volume publié par Mgr Ehses, il 
nous faudrait caractériser ici ses procédés d'édition. Nous pourrions 
cependant nous dispenser d’en reparler, puisque la chose a déjà été 
faite dans cette revue, lorsqu'on y a présenté les premiers tomes de 
la collection. Disons seulement qu'aujourd'hui comme alors le texte 
des Acta repose sur les papiers authentiques du secrétaire du concile, 
Massarclli, ou de son remplaçant officiel. La tâche de Myr Ehses était 
d'autant plus ingrate que nombre de pièces avaient déjà été éditées. 
Mais il est vrai de dire que cette édition n’avait pas toujours été 
heureuse et que, partant, il était utile de la reprendre ; en outre, 
l’infatigable chercheur qu'est Mgr Ehses est parvenu à découvrir une 
série considérables de pièces encore inédites : sigoalons notamment 
tout un lot de lettres de convocation au concile ainsi que nombre de 
votes originaux émis par les Pères. Un Index nominum et rerum termine 
le volume : clair et complet, il rend les recherches aussi aisées que 


possible. | 


* 
*% * 


Le X° volume du Tr'dentlinum, que nous avons à présenter main- 
tenant aux lecteurs de la RHE, est l'œuvre de M. Buschbell, prof sseur 
au Gymnase de Cri feld : ce volume, premier des deux que la collection 
consacrera à la publication des Epistolae avant trait au concile, com- 
prend la correspondance échangée depuis le 5 mars 1545 jusqu'au 
transfert de l'assemblée à Bologne (11 mars 1517). La somme de ren- 
seignements renfermés dans ce millier de pages est remarquable : on 
y trouve, en effet, plus de deux mille cinq cents lettres, — exactement 
deux mille cinq cent quatre ! Mais, comme il convenait de ne pas être 
trop long, tout en étant complet, le tiers sculement de ces lettres cst 
reproduit én-ertenso ; pour les autres, l'éditeur s'est contenté d’en 
transcrire en note les passages les plus saillants. 

Puisque l'honneur lui revenait d'ouvrir une nouvelle série du Triden- 


CONCILIUM TRIDENTINUM. T, VIII. ACTORUM PARS V. DDY 


tüinum, M. Buschbell a compris qu’il se devait de donner quelqun 
explications à ses lecteurs : une introduction de soixante-seize pages 
in- 4 est là, en effet, qui nous fournit tous les renseignements dési- 
rables. — Le même problème qui s'était posé au sujet de la publication 
des Acta se reposait à propos de l'édition des Epistolae : fallait-il 
publier à nouveau les lettres déjà parues, avec plus ou moins d'exacti” 
tude, dans différentes collections isolées ou pouvait-on se contenter de 
renvoyer le chercheur à ces publications ? M. Buschbell a cru nécessaire 
de tout rééditer et nul ne songera à lui donner tort : une œuvre comme 
le Concilium Tridentinum est assez grandiose pour qu’on puisse et qu'on 
doive la considérer comme indépendante des publications partielles 
qu'elle à l'intention de reviser et de parfaire. 

Ces préliminaires posés, le savant éditeur nous met au courant des 
dépôts d'archives utilisés par lui dans l'élaboration de son travail. 
Voici d'abord les cinquante-quatre volumes des Carte Cerviniane, con’ 
servés aux archives de l'État à Florence et célèbres par leur riche 
information : Cervini, le futur Marcel IT, fut en effet l’un des plus 
actifs présidents de l’assemblée œcuménique. Viennent ensuite les 
(arte Farnesiane des archives de Naples, dont la mise en valeur doit 
beaucoup, comme on sait, au bel inventaire qu’en publiérent en 1911 
le chanoine Cauchié et M. Van der Essen. Puis voici les archives et la 
bibliothèque du Vatican, les collections de Lucques, Mantoue, Modène, 
Parme, Sienne, la bibliothèque de la ville de Trente, le Statthalterei- 
Archiv d’'Inosbruck. 

Dans le troisième chapitre de son introduction, M. Buschbell nous 
indique les principes qui l'ont guidé dans son édition des Epistolae. La 
correspondance relative au concile de Trente, nous l'avons déjà iasinué 
plus haut, était loin d'être ignorée avant le travail du collaborateur de 
la Goerresgeselischatt. Pallavicini, Jos. de Leva, Aug. von Druffel et 
son successeur Charles Bfandi, d'autres encore avaient mis à contri- 
bution dans une large mesure la collection Cervini et publié de nom- 
breux documents. il restait cependant beaucoup à faire et M. Buschbell 
l’a compris : il s’est donc mis en quête partout où il avait chance de 
rencontrer un renseignement utile et s’est efforcé de réunir toutes les 
lettres relatives au concile : celles des légats, des nonces, du vice-chan- 
celier et autres oficiers de la curie romaine, celles aussi de tous les 
évêques et de tous les théologiens qui prirent par aux délibérations de 
l'assemblée, celles entin des simples particuliers, bref toute la corres- 
Pondance dirigée vers Trente ou en provenant, écrite de Rome ou y 
envoyée et dont on pouvait tirer quelque chose pour l’histoire du 
concile. | 

Sa documentation achevée, l'éditeur a éprouvé la nécessité de 
classer les renseignements recucillis. Avant lui, Druffel avait distingué 
les lettres en officielles et en privées. M. Buschbell ne s'est pas rallié 
pleinement à cette distinction et il a fait les deux séries que voici : 
1) lettres officielles ou semi-officielles ; 2) lettres privées. Le résultat 


556 COMPTES RENDUS. 


de ce clangement a été de ranger parmi les lettres semi-officielles 
maintes correspondances écrites er muneris officio et que l’on avait 
considérées jusqu'ici comme étant d'ordre strictement personnel. Sur 
près d'un millier de pages que compte le volume, huit cent quarante 
sont consacrées à la première catégorie de lettres (officielles et semi- . 
officielles). Un appendice, de cent cinquante pages environ, nous donne 
le texte des lettres de caractère privé. Mais qu'on ne se laisse pas 
tromper par les apparences : ces correspondances personnelles ne sont 
pas moins importantes que les lettres officielles : souvent même, elles 
le sont davantage, car seules elles nous permettent de jeter uo regard 
dans les coulisses où se dérobent les grands secrets. 

L'introduction de M. Buschbell se termine par un tableau compre- 
nant quarante pages de texte serré. L'éditeur y a rangé toutes les 
lettres utilisées par lui avec mention de leur emploi soit dans les 
Diaria de Massarelli soit dans l’ouvrage de Pallavicini. On comprend 
sans peine l'utilité de pareil conspectus : grâce à lui, il suffit d’un 
simple coup d'œil pour découvrir si une lettre que l’on viendrait à 
trouver par la suite est déjà connue ou non et, dans l'afiirmative, les 
endroits où l’on peut en chercher le texte. 

Comme le volume de Mgr Ebses, celui de M. Buschbell se termine 
par ua /ndezx nominum el rerum dressé avec beaucoup de soin et de 


clarté. 


« 
d * 


Achevons ici cette longue recension. Mais ne quittons pas les 
auteurs des volumes que nous avons examinés, sans leur dire la recon- 
paissance dont le monde des historiens leur est redevable pour leur 
travail. Immenses sont les recherches nécessaires pour mener à bonne 
tin une entreprise de cette envergure, immenses et fastidieuses : pour 
les apprécier à leur juste valeur, il faut considérer non seulement ce 
qui en est comme le résultat brut et tangible, mais encore, — et sur- 
tout peut-être, — le labeur caché que ce résultat suppose et fait 
deviner. Le mérite des auteurs est d'autant plus grand que leur entre- 
prise a dû s’accomplir à une époque féconde en contretemps et en 
traverses de toute espèce. Mgr Ehses nous raconte comment la rup- 
ture des relations diplomat'ques entre l’Autriche et l'Italie le forca 
à quitter, en toute hâte et sans qu'il püt regarder en arricre, les 
archives de Rome où tant d'heures de sa vie s'étaient passées. Nous 
l'en plaignons sincèrement, mais heureusement il lui fut donné de 
pouvoir continuer en Allemagne son œuvre commencée. 

Le programme tracé par la Goerresgesellschaft à ses collaborateurs 
est done actuellement réalisé pour moitié. L'historien qui voudra 
s'occuper désormais d'un point quelconque concernant la Réforme 
catholique, celui qui étudiera les problèmes complexes du dogme et de 
la discipline de l’Église devra de toute nécessité accorder une atten- 
tion spéciale à l'édition goerrésienne du Concilium Tridentinum. 


CAM. TIHON : LA PRINCIPAUTÉ ET LE DIOCÉSE LE LIÉGE. 507 


Texte critique, notes abondantes et caoisies, tables minutieusement 
établies : rien ne manque à cette œuvre pour en faire un merveilleux 
instrument de travail. Il n'est pas vrai, comme certains l'ont cru, un 
peu naïvement, que tout soit dit sur le xvi° siècle et que ce soit 
perdre son temps que de regarder à la loupe un tableau sur lequel 
tant d'historiens se sont déjà penchés. Les découvertes que l’on fait 
tous les jours dans ce domaine le prouvent de façon irréfutable. Mais, 
de grâce, qu'on veuille bien se rappeler, à propos du Concilium Triden- 
dinum, qu'il y a matière à trouvailles ailleurs que dans les dépôts 
d’archi'es. Le mot suggestif de Brunetière reste tou'ours vrai : « le 
véritable iné lit, c'est l'imprimé, — l’imprimé qu’on ne lit point ». 

La maison Herder a droit, elle aussi, à nos félicitations. Certes, 
nous savons qu’elle n'en est plus à son coup d'essai; il reste cependant 
que, dans les circonstances difficiles où se débattent aujourd'hui les 
entreprises de librairie, c’est merveille que d’avoir pu procurer une 
édition comme celle-ci, digne de l’ouvrage, digne aussi des volumes 
précédemment parus. R. MICHEL. 


Cam. Tinon. La principauté et le diocèse de Liége sous Robert de 
Berghes (1557-1584). (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie 
et Lettres de l’université de Liége. Fasc. 31.) Liége-Paris, 14923. 
In-8, 330 p. Fr. 25. 


Dans la collection des travaux, édités par la Faculté de Philosophie 
et Lettres de l’université de Liége, vient de paraître une étude remar- 
quable de M. Camille Tihon, membre de l'Institut Historique belge à 
Rome et archiviste aux Archives générales du Royaume à Bruxelles. 

Cette étude concerue l’épiscopat de Georges de Berghes, prince- 
évêque de Liége au x vi siècle 

L'auteur a divisé son travail en deux parties. La première est con- 
sacrée à l'histoire générale et contient la suite chronologique des évé- 
pements qui se sont passés sous le règne du prince-évêque. La seconde 
comprend une suite de chapitres étudiant les différents aspects de 
l'histoire liégcoise pendant cette période. 

Cette division, classique dans des ouvrages de ce genre, permet de 
mener avec plus de méthode et de clarté l'exposé des questions par- 
ticuliérement importantes. 

Le chapitre I" de la partie générale s'intitule La situation dans la 
principauté de Liège à l'avènement de Robert de Berghes. L'auteur y 
caractérise le rôle joué dans la politique de la principauté par les 
États du pays : le chapitre de Saint-Lambert ct le Tiers y occupent 
une place prépondérante et, dans ce dernier corps, ce sont les députés 
de la cité — soumis eux-mêmes aux assemblées des trente-deux bons 
métiers — qui inspirent les décisions de tous les représentants des 
bonnes villes. Le gouvernement épiscopal devait se heurter souvent 
à ces forces hostiles, Il rencontrait également des difficultés dans la 


558 COMPTES RENDUS. 


situation économique et financière, qui était peu brillante à cetteépoque. 

Un deuxième chapitre retrace la vie de Robert de Berghes avant 
son élévation à l’épiscopat. Contrairement à l'affirmation de la plupart 
de ses biographes, le futur évêque n'était que le second fils du marquis 
Antoine de Berghes et naquit en 1530. Charles Quint, auquel sa famille 
était très attachée, lui octroya la coadjutorie de Liége avec droit de 
succession. Ce système permettait à l’empereur d'empêcher l'élection 
de l'évêque par les chanoines de Saint-Lambert et de mettre à la tête 
de la cité mosane un partisan convaincu de sa politique. 

L'épiscopat de Robert de Berghes, étudié dans le chap. III, montre 
le prélat aux prises avec les diiicultés intérieures et extérieures. Il 
tit de sérieux efforts pour les surmonter ; mais bientôt la maladie et 
l'épuisement le renldirent incapable d’administrer la principauté. Ses 
dernières années se passèrent en négociations laborieuses avec le 
chapitre cathédral pour le choix de son successeur. Le gouvernement 
des Pays-Bas n'eut aucune part dans ces débats. 

Si le règne de Robert de Berghes fut court et peu brillant, il marque 
cependant, à bien des points de vue, une étape dans l’histoire du pays 
de Liège. 

C’est à l'examen de ces différents aspects qu'est consacrée la seconde 
partie du travail. 

Un chapitre étudie les rapports du gouvernement épiscopal avec les 
Pays-Bas. Le problème avait été soulevé jadis par M. Lonchay. Celui- 
ci s'était occupé presque exclusivement du règne d'Erard de la Marck 
«t de Gérard de Groesbeek, n’accordant guère d'importance aux épis- 
copats intermédiaires. M. Tihon montre que l’un d'eux, celui de 
Robert de Berghes, marque un tournant décisif dans la politique exté- 
rieure de la principauté. L'alliance avec les Pays-Bas, conclue en 
1518, perd successivement tous ses partisans : le Tiers-Etat, qui ne s'y 
était résigné qu'à contre cœur et que les exactions des soldats espagnols 
avaient fortement indisposé ; le chapitre cathédral, qui gardait ran- 
cune à l'empereur pour son ingérence dans l'élection de Robert ; entin 
l’évêque lui-même qui lésé par l’érection des nouveaux évéchés cherche 
à embra:ser le parti de la France. Il en résulte qu'à la fin du règne de 
R. de Bergles, l'alliance n'existe plus et que la proclamation de la 
neutralité, en 1577, ne fut que la consécration officielle d’un état de 
choses réalisé depuis longtemps. 

Un autre chapitre, très fouillé, est celui consacré à l’hérésie. Ropre 
pant la question à son point de départ, l’auteur montre comment les 
Liégeois, alliant le respect de la religion au culte jaloux de leurs 
libertés, réussirent à soustraire la connaissance et la répression des 
crimes À'hérésie aux tribunaux de l’inquisition et même de l’officialité, 
pour les soumettre à la compétence exclusive des juges laïcs. Sous 
l'influence du Tiers-Etat, les peines exceptionnelles, comme le bûcher 
et la confiscation des biens, furent rayées de la législation. 

Il ressort également de ce caapitre qu'à Liéze, l'hérésie sans marquer 


CAM. TIHON : LA PRINCIPAUTÉ ET LE DIOCÈSE DE LIÉGE. 599 


des tendances nettement définies, se rattache au calvinisme méridional, 
plutôt qu'aux doctrines de Luther et de Zwingle. 

Un des événements saillants du règne de R. de Berghes fut la créa- 
tion des nouveaux évêchés. Cette mesure entrainait une mutilation 
considérable du diocèse de Liége. Aussi l’évêque et le chapitre firent- 
ils une opposition tenace aux bulles pontificaks. Sans atteindre son 
but, cette opposition retarda l'exécution du projet et empêcha le 
démembrement de plusieurs parties du diocèse. L'auteur étudie lon- 
guement le rôle joué dans ces négociations par Laevinus Torrentius et 
écarte le soupçon de trahison à la cause liégeoise qu'on avait fait 
peser sur lui. 

Deux cartes sont jointes à cette partie du mémoire : l’une donne le 


tracé du diocèse avant 1559, l’autre montre les amputations faites 
depuis lors. A les comparer, on n’a pas de peine à s'expliquer l'opposi- 
tion des Liégeois à la politique religieuse de Philippe II. 

Enfin, dans un dernier chapitre on trouve une ébauche de l'état 
moral, religieux, intellectuel, artistique, économique et social de la 
principauté au milieu du xvi° siéale. Sans prétendre donner un tableau 
complet de la civilisation liégeoise à cette époque, l'A. est parvenu à 
grouper une gérie de faits et d'observations qui font mieux connaître 
les transformations profondes qui s’opèrent dans tous les domaines 
durant cette période. Un choix de documents inéilits, trouvés dans les 
archives de Liége, de Bruxelles et de Rome est joint en annexe à 
cette étude. | 

Comme on a pu s'en convaincre ce travail fourmille de constatations 
neuves, systématisées avec beaucoup de méthoïile et solidement assises 
sur une richesse de documentation peu ordinaire. À côté de la littéra- 
ture imprimée, déjà très vaste pour l'histoire de la principauté épis- 
copale, l'A. a exploré de fon 1 en comble la riche collection des Papiers 
de l'Etat de l’Audience, conservée aux Archives générales du Royaume 
à Bruxelles et celle, non moins étoffée, des archives de l’État à Liége. 
De nombreuses notes, prises au cours de séjours successifs à Rome, ont 
cté également mises à protit. 

Poussée avec minutie, cette enquête a permis de rectitier quelques 
opinions erronées, émises antérieurement, et de formuler des conclu- 
sions nouvelles dont la force nous semble péremptoire. Les chapitres 
consacrés à l’aérésie, à la création des nouveaux évêchés, à l’état moral 
et religieux de la principauté mosane montrent ce que peuvent donner 
les textes, lorsqu'on sait les découvrir cet les exploiter avec sagacité. 

On regret'era sans doute que le style, par trop dur et trop embrou- 
aillé de certains chapitres, en rende la iccture si laborieuse et empêche 
de mesurer « primo intuitu » toute la richesse d’information qu'ils 
récèlent. 

Néanmoins, ce livre restera un ouvrage capital pour l'étude de 
l'histoire liégeoise pendant la seconde moitié du xvi* siècle. 


PL. LEFÈVRE, O. Praem. 


560 COMPTES RENDUS. 


HENR1 Bussox. Les sources et le développement du rationalisme dans 
la littérature française de la Renaissance(1533-1601). (Bibliothèque 
de la société d'histoire ecclésiastique de la France.) Paris, Letouzey 
et Ané, 1922. In-8, xvi1-688 p. 


Le xvi* siècle est à la mode. Les études abondent qui tendent à 
faire mieux connaître l'éclat, l'originalité et la fécondité de la litté- 
rature française à cette époque. Mais, comme le remarque M. Busson, 
l'on n’a guère encore poussé aussi loin qu’il le faudrait « l'étude des 
idées de la période La plus féconde de l’h stoire » de son pays. On 
serait même en droit de prétendre, ajoute-t-il, que « la philosophie de 
la Renaissance est assez peu connue malgré les travaux déjà nombreux, 
et quelques-uns considérables, qui ont été consacrés à la préréforme, 
à la Réforme, au stoicisme, au platonisme ». Si l’on devait en chercher 
une preuve, on la trouverait précisément dans les proportions qu'il a 
données à son livre, — un livre ayant pour objet l'examen de la plus 
hardie et de la plus importante des écoles philosophiques du temps, 
le Rationalisme, et qui atteint un développement de près de 700 pages. 
M. Bussou déclare pourtant qu'il est loin d'avoir épuisé la matière, 
car, dans la deuxième partie spécialement, il a laissé de côté, à 
dessein, la littérature latine ; néanmoins, ainsi qu'il le note, il espère 
que « ce qu’on pourra ajouter à son travail ne fera que vérifier ses 
conclusions et remplir des cadres désormais définitifs ». 

« L'objet de ce livre est donc grand », comme il le dit. Tout esprit 
qui veut saisir la nature de la pensée française dans le domaine des 
lettres au xvi° siécle est obligé de s’en enquérir. Il en va de même 
pour tout esprit qui désire s'expliquer la qualité de l’apologétique 
d'écrivains de l’âge suivant tels que Pascal et Bossuet. Mais en pré- 
sentant de la sorte au public le résultat de ses longues et diligentes 
recherches, M. Busson ne cède pas à une poussée de sotte fatuité. 11 
fait plutôt acte de modestie en tenant parcil propos, car il entend par 
là solliciter de ses lecteurs éventuels une aimable bienveillance dont 
il croit avoir besoin en raison des difficultés de la tâche qu'il a 
assumée. Nous nous garderons bien de dire que cette bienveillance lui 
est néressaire : un simple coup d'œil jeté sur son vaste et intelligent 
labeur suflirait à arrêter toute critique. On a déjà, rien que dans sa 
bibliographie qui ne comprend pas moins de trente pages (sources 
manuscrites et imprimées, études diverses) toutes les garanties 
requises Sur le sérieux et la nature de l'enquête qu'il a dirigée à 
travers un monde extraordinairement varié d’idé.s et d'auteurs. Il a 
poussé $vs investigations dacs les sens les plus différents et, ce qu'il 
en a retiré, il l’a exposé d'après un plan ferme et simple, dans une 


langue d'une teneur française très soignée. G£orGEs DOUTREPONT 


H. BOURGEOIS ET L. ANDRÉ : SOURCES DE L'HISTOIRE DE FRANCE. 561 


E. BourGeoïs ET L. AnbRÉ. Les sources de l'histoire de France. 
XVIIe siècle (4610-1715). T. IV. Journaux et Pamphlets. Paris, 
A. Picard, 1924. In-8, 388 p. Fr. 15. 


Il s'en faut de beaucoup que l'opinion publique n'ait pu s'exprimer 
librement en France, au xvri° siècle. Les actes de la monarchie absolue 
ont été, au contraire, ou attaqués ou louangés dans une foule d’écrits 
d'étendue fort diverse et dans la presse de l’époque. Le gouvernement, 
conscient du danger que lui faisaient courir les libelles et les pamphlets 
qui circulaient dans le pays, s’efforça de réagir, en lançant dans le 
public des ouvrages que rédigeaient des gens payés pour soutenir les 
prétentions royales. Il essaya bien de museler les parleurs qui le 
génaient et d’édicter contre eux et leurs imprimeurs des peines sévères. 
Les lois qui tendirent à supprimer la liberté de penser ou d'écrire 
restèrent pratiquement sans effet. Leur nombre même constitue une 
preuve évidente de leur inefficacité. 

La consultation de la presse du xvn: siècle ne doit pas être négligée. 
Si les journalistes sont des porte-voix systématiques du gouvernement, 
ils signalent des faits, des dates ou des documents que l’on chercherait 
vainement ailleurs. Les feuilles imprimées à l'étranger par des Fran- 
çais, exilés en raison de leurs opinions personnelles, contiennent des 
informations précieuses, abondantes et indépendantes; mais elles 
pèchent par un excès regrettable qui consiste à critiquer en tout et 
pour tout les actes gouvernementaux, sans discernement et sans 
impartialité. 

L'utilisation des pamphlets présente plus de difficultés. Il faut laisser 
de côté ceux qui dénigrent par esprit de système et à plaisir tel ou tel 
personnage. Ceux qui combattent des idées ou en défendent de nouvelles 
méritent l'attention de l'historien qui n'aura plus que la tâche difficile 
assurément, mais souverainement utile de dégager la vérité. A la 
vérité, la façon dont sont composés les pamphlets engendre des incon- 
véaients très grands. Ils sont en majorité anonymes. Leurs auteurs 
emploient mille subterfuges pour égarer les recherches policières. Tel 
qui annonce son opuscule comme la traduction d’une brochure étran- 
gère en est le véritable auteur. Tel autre met sur le frontispice de son 
œuvre le nom d’un imprimeur qui n’a jamais existé que dans son 
imagination ou celui d’une ville chimérique, comme celle de Ville- 
franche. On juge par là quels services rendra le nouvel ouvrage de 
MM. Bourgeois et André, surtout si l'on considère que, sauf pour la 
Fronde, la classitication des pamphlets n'a point encore été tentée de 


façon scientitique (1). G. MoLLAT. 


(x) Les pamphlets sont rangés, autant que possible, dans l’ordre chronolo- 
gique et sous des rubriques spéciales. Ils intéressent en particulier les 
Jésuites, le protestantisme, les rapports du roi et du pape, le jansénisme, le 
quiétisme, les affaires religieuses du temps. 


562 COMPTES RENDUS. 


C. Looten. Shakspeare et la Religion. Paris, Perrin et Cie, 1924, 
311 p. Fr. 8. 


Le critique d’art breton François Rio /La religion de Shakspeare), 
le théologien catholique allemand Johannes Raich /Shakspeares Stelluny 
sur katholischen Religion), l'oratorien anglais Bowden /The religion of 
Shakspeare) se sont efforcés de prouver que l’illustre dramaturge était 
catholique. Par contre, le protestant anglais Carter /Shakspeare and 
Holy Scripture — Shakspeare Purilan und recusant) a voulu faire de 
Shakspeare un tenant convaincu du puritanisme naissant. Eatin 
d’autres tels que les anglais Dowden /Shakspeare, his mind and art) et 
Sidney Lee [The impersonal aspect of Shakspeare's Art) se sont ingéniés 
à rendre l’auteur de Hamlet étranger à toute religion positive. Le 
danois Brandes {William Shakspeare) est même allé jusqu’à prétendre 
que le poète était indifférent si pas hostile au christianisme. 

Personne ne peut nier que le problème mérite une solution « tant 
pour l’histoire du sentiment religieux en géaéral que pour la connais- 
sance particulière du génie de Shakspeare ». 

l'ous ceux qui jusqu'à présent ont eflleuré ou étudié la question 
ont conclu soit incomplètement soit hâtivement, et c’est à bon droit 
que le savant professeur insiste sur la méthode défectueuse appliquée 
par les critiques à l'étude du problème : tous confondent la religion 
dans l'œuvre de Shakspeare et la religion de Shakspeare. 

Il y a certainement lieu de distinguer ces deux aspects de la question 
et de les étudier successivement. L'auteur l’a fait avec une maitrise 
incontestable ; il se montre tout à la fois bon théologien (ce que la 
plupart de ses devanciers ne sont guère), bon historien (ce que le 
critique littéraire est rarement) et critique très avisé que l'imagi- 
nation romantique n'’emporte pas. 

Quelle est la place occupée par la religion catholique romaine 
dans le théâtre de Shakspeare ? Une place prépondérante. Voilà ce 
qui ressort à l'évidence de l'examen attentit des 37 pièces du poète. 

Bien autrement ardue et délicate est la tâche du critique lorsqu'il 
s'efforce de découvrir l'opinion personnelle de Shakspeare en face du 
problème religieux. 

Si l’on admet la chronologie des œuvres Shakspeariennes comme 
définitive ou peu s'en faut, le chanoine Looten peut établir avec 
infiniment de raison plusieurs périodes ou mieux plusieurs états d'âme : 
la jeunesse du poète « s'écoule dans un milieu catholique. Son esprit, 
son cœur, son imagination s'emplissent alors de doctrines romaines. 
I s'assimile [a connaissance des dogmes et de la morale, des 
sacrements et des rites, du catéchisme et de la Bible, du gouver- 
nement et de l'administration de l'Eglise. » Malgré la persécution 
sanglante dont l'Eglise est l'objet, il lui reste tidèle, et, au milieu 
du formidable débordement d'injures dont le « Papisme » est couvert, 
seul ou presque seul, il reste digne et « garde la mesure ». 


E. 6. SELWYN : THÉ FIRST BOOK OF THE IRENICUM. 563 


Puis au début du xvri* siècle, vient une période d’incrédulité et de 
pessimisme. Le poète semble s'être imprégné de Montaigne et avoir, 
comme Pascal, subi les atteintes de l’agnosticisme. C'est alors qu'il 
écrit Hamlet, ce drame poignant où règne en maitre le doute. 

Enfin, dans la « Tempest » cette crise d'âme aboutit à « ua spiritua- 
lisme de noble tenue » qui sait respecter la foi de sa jeunesse. 

L'examen extrêmement prudent des drames sur lesquels l'histoire 
si troublée des règnes d’Elisabeth et de Jacques I°" jette une vive 
lumière a permis au Chanoine Looten de formuler pareilles conclusions. 

A-til complètement raison ? Je ne sais. Une chose est certaine, 
c'est que la seconde partie de sa belle et substantielle étude repose sur 
des hypothèses ctayées par des faits dûment observés et contrôlés. 
L'auteur à été aussi objectif qu’il est permis de l'être en matière aussi 
délicate et controversée, et tout homme qui à étudié conscien- 
cieus>ment l’histoire religieuse des règnes d'Elisabeth et de Jacques I°<" 
se sent invinciblement porté à ratifier les jugements portés par l'érudit 
français. Nous le félicitons tout particulièrement de l'analyse si 
pénétrante et si vraie du caractère de Hamlet. Une bibliographie 
abon:lante (83 ouvrages ou articles différents) clôt cette remarquable 


étude. L. ANTHEUNIS. 


E. G. Sezwyn. The first Book of the Irenicum of John Forbes of 
Corse, translated and edited. Cambridge, University press, 1923. 
Io-8, x-254 p. Prix : 12 5. 6 d. 


Le grand tourment de l’ünité dont souffre l’Église d'Angleterre 
depuis ses origines a pris, ensuite de la guerre, une nouvelle recrurdes- 
cence. Cette Église, qui périt faute de pouvoir se définir, semble con- 
centrer tout son instinct de conservation sur le désir de se renoncer 
et de se quitter elle-même, comme si une conscience vague lui mur- 
murait que cette être consistant et stable qu'elle n’a pu se créer, elle 
le trouverait, en dehors d'elle, dans l’une ou l'autre des communions 
dont elle s’est séparée. Réunion, tous au delà de la Manche, clercs et 
laïcs, en parlent et tous bientôt en écriront. Ce cri de sauve qui peut 
a fait germer une production littéraire aussi impossible à dénombrer 
que les élus de l’Apocalypse. Elle embrasse tous les genres, depuis les 
appels épiscopaux à l'univers, jusqu'aux entrefilets de journaux. Ces 
écritures sont ou des exhortations, ou des apologies, ou des contro- 
verses. D'une encre encore trop fraîche, elles ne relèvent pas de 
l'histoire ecclésiastique ; il leur faut prendre de l’âge ct toutes assuré: 
ment a en prendront pas. Mais parfois, on ressuscite des ouvrages que 
le même tourment proluisit aux temps passés, et dont Ja leçon paraît 
encore digne du siècle présent. Ainsi M. E. G. Selwyn, théologien an. 
glican estimé, vient de traduire du latin le premier livre de l’Irenicum de 


564 COMPTES RENDÜS. 


John Forbes de Corse (1593-1648). Une excellente introduction replace 
le livre et l’auteur dans leur milieu historique, et de longs excursus 
mettent la doctrine au point des préoccupations contemporaines. 
Forbes appartenait à ce groupe des « Aberdeen Doctors» qui soutinrent 
de leurs écrits la première restauration de l’épiscopat dans la presby- 
térienne Ecosse (1610-1637). L'Irenicum — qui, comme on le voit, tend 
le rameau d'olivier non aux catholiques romains, mais aux presby- 
tériens — fut composé pour la défense des Articles de Perth (1618) 
par lesquels Jacques Ie" imposait aux calvinistes écossais plusieurs pra- 
tiques cérémonielles contraires à leur sentiment. L’une d'elle, et la plus 
contestée — la génuflexion à la réception de l'Eucbaristie — fait l’objet 
du premier livre de l’Irenicum. Forbes en disserte en vrai théologien, 
de très haut et par les principes. Mais le débat est trop étranger à 
notre dogmatique et à notre piété pour qu'il puisse retenir notre 
intérêt. S'il faut en croire M. Selwyn, il serait d’une actualité brûlante 
pour les anglicans, car la révision du Prayer Book remet en question 
tout le cérémonial eucharistique et l’on sait de quelles intiltrations 
papistes est menacée la liturgie fort chiche de l'Établissement. Pour 
nous, il nous reste le plaisir d'admirer la maîtrise dialectique du grand 
docteur d'Aberdeen et sa connaissance surprenante des théologiens 
scolastiques du moyen âge. Il cite maintes fois Pierre Lombard, Scot, 
Durand ; mais S. Thomas d'Aquin est l'autorité qu’il révère par excel- 
_ lence. Que les temps de John Forbes sont donc lointaios ! La théologie 
anglicane s’est depuis donné d’autres maîtres, moins lucides, moins 
profonds, et la réunion n’en est pas, hélas ! devenue plus aisée. 


G. AuBouRs6, O0. S. B. 


ANDRÉ Micuec. Histoire de l'art depuis les premiers temps chrétiens 
jusqu'à nos jours. T. VI : L'art en Europe au XVIIe siècle. 
2° partie. Paris, A. Colin, 1922. In-8, 440 p., planches et fig. 
F. 50. 


L'époque de Louis XIV, à laquelle ce volume est consacré, ne saurait 
compter parmi celles où a prédominé l’art religieux qui doit intéresser 
plus spécialement les lecteurs de cette revue, De fait c’est autour du 
château de Versailles que convergent la plupart des excellents chapitres 
où, sous une forme élégante mise au service d'une érudition très 
avertie, MM. Henry Lemonnier, André Michel, Léon Deshairs et 
Mie Maillard ont fait revivre l’œuvre de Mansart, de Lebrun et de 
leurs auxiliaires, fixant ainsi d'une manière que l’on peut considérer 
comme définitive les caractères distinctifs de l'architecture, de la 
peinture, de la sculpture, de la tapisserie, du mobilier et de l'orfèvrerie 
pendant le grand siècle. Leur exposé est complété par deux chapitres, 
également très remarquables, qui ont trait l’un à l'Angleterre, l’autre 


ANDRÉ MICHEL : HISTOIRE LE L'ART. D) 


à la Suisse et que l’on doit à MM. Paul Biver, Henry Marcel, — et 
Conrad de Maudach, de sorte que l’on trouvera dans le volume une 
analyse des différentes manifestations de l’activité artistique pendant 
la seconde moitié du xvu° siècle, non seulement en France, mais dans 
toute l’Europe occidentale. Aucune d'elles n’a été négligée ; aussi bien, 
si secondaire qu'il ait été, l’art religieux prête à d’amples développe. 
ments dont certains ne manquent pas de nouveauté ni d'originalité. 

M. Henry Lemonuier à fort bien mis en lumière les deux tendances 
entre lesquelles se partage l'architecture religieuse. Tantôt on répare, 
on restaure, on construit même certaines églises dans le style gothique : 
c'est le cas de la cathédrale de Blois, reconstruite, après 1671, dans 
une sorte de style flamboyant, de l'église de Saint-Maixent, ou encore, 
dans le midi, de la cathédrale d'Avignon, dont le chœur a été rebâti 
sur les données anciennes. Tantôt, au contraire, on reste tidèle à la 
tradition de la Renaissance : tel Gittard à qui l’oa doit, entre 1670 et 
1675, le chœur, le transept et une partie de la nef de Saint Sulpice. 
Dans l’ensemble, c’est le style jésuite italien qui a les préférences des 
architectes ; le plus bel exemple que l’on en puisse citer est l’église 
Notre-Dame, à Bordeaux, chapelle des Dominicains jusqu'à la Révolu- 
tion, commencée en 1684 par Pierre Michel, sieur du Plessy, et 
terminée en 1707. 

Dans la peinture, le portrait et le paysage tiennent à coup sùr la 
place primordiale, tandis que le genre religieux est relégué à l'arrière 
plan ; on doit pourtant citer les très nombreux tableaux d'église dus à 
Pierre Migoard, d'innombrables Vierges d'abord, puis d’autres saintes 
telles que sainte Catherine, sainte Cécile et sainte ‘Thérèse qui 
« prennent ua accent de mysticisme voluptueux », plus rarement de 
grandes compositions empruntées à la vie du Christ, Mignard ayant 
surtout vu dans la peinture religieuse une occasion d'exercer son talent 
de portraitiste féminin. 

Rares sont aussi les manifestations de sculpture proprement reli- 
gieuse. Pourtant Girardon a été reçu à l’Académie royale gràce à un 
médaillon ovale de la Vierge de Douleur dont on peut admirer la 
« manière facile et gracieuse » et l’on voit à Sauint-Nizier de Lyon la 
Vierge portant son enfant de Coysevox, qui n’a d'ailleurs rien de pieux. 
La sculpture funéraire, que l’on peut rattacher à la sculpture religieuse, 
a produit davantage et nous ne saurions assez recommander la lecture 
des pages tout à fait décisives que M. André Michel a consacrées aux 
œuvres de Gilles Guérin et des frères Auguier, plus encore au mausolée 
du cardinal de Richelieu par Girardon et aux tombeaux dessinés par 
Le Brun qui marquent une véritable révolution dans l’art funéraire. 


AUGUSTIN FLICHE. 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 30 


566 COMPTES RENDUS. 


P, DE LA Gorce. Histoire religieuse de la Révolution française. T. V. 
Paris, Plon-Nourrit, 4923. In-8, 416 p. Fr. 412. 


Bien qu'il ait entrepris son œuvre au seuil de la vieillesse, qu'il l'ait 
poursuivie à travers les angoisses de la guerre, qu'il l’ait achevée au 
milieu de cruels deuils de famille, M. de la Gorce est parvenu à main- 
tenir à tous les volumes de son Histoire religieuse de la Révolution fran- 
çaise uve constante perfection de forme, une constante élévation de 
peasée, une constante sùreté de critique, une constante impartialité 
dans les jugements. Les qualités qu'il y a prodiguées assurent à son 
entreprise uue valeur inaltérable. On pourra peut-être la compléter à 
l'avenir par quelques points de détail, mais l’ensemble en restera revêtu 
d'autorité ; elle sera pour les hommes d'étude, — et même pour le 
grand public —, la source d'une connaissance claire non moins 
qu'exacte de la part immense occupée par les questions religieuses dans 
le grand mouvement révolutionnaire français. | 

C'est pour la cinquième fois que nous avons à appeler sur l’impor- 
tant travail de l’éminent académicien l'attention des lecteurs de cette 
revue pour lesquels il possède une importance spéciale. Je ne dois 
donc pas m'étendre davantage sur ses mérites, je ne pourrais que me 
répéter. Ma tâche se bornera à exposer en quelques lignes le sujet du 
tome V destiné à achever peut-être Le plus important ouvrage d'histoire 
religieuse élaboré pendant ce premier quart de siècle. 

L'auteur y reprend son récit au moment où Bonaparte, rentré 
d'Égypte, prépare le 18 brumaire ; il montre les effets rapides de cette 
révolution sur la situation des catholiques malgré l’inconsistance de 
la volonté du premier consul dans les questions religieuses et les 
louches manœuvres de Fouché. Puis, revenant un peu en arrière, il 
expose Les tentatives faites sous le Directoire pour arriver à un accord 
avec Rome, l'échec des négociations à la suite des exigences et des 
iotransigeauces françaises, Les premières avances de Bonaparte au Pape 
pendant la campagne d'Italie de 1796 1797, le traité de Tolentino et la 
perte de tout espoir d'entente après le coup d'Etat du 18 fructidor ; 
les premières, mais encore bien vagues bases du concordat posées par 
Bonaparte à la suite de la bataille de Marengo, les dispositions réci- 
proques des deux parties, l'envoi à Paris de Mgr Spina, les hési- 
tations du premier consul, l’action de l'abbé Bernier, l'insutlisance 
du délegué pontifical, La succession des divers projets de concordat, les 
manœuvres malfaisantes de Talleyrand, la mission de Cacault dans la 
Ville éternelle, les hésitations, les soucis et les lenteurs romaines, 
cause d'irritation pour Bonaparte, l’ultimatum de ‘Talleyrand, la con- 
sternation du Saint-Siège, le depart de Consalvi pour Paris. 

S'ariéiant uu moment dans son recit, l'historien consacre ua chapitre 
à dessiner un tableau de r'état intérieur de la France au point de vue 
religieux, de l'état des croyances, de l’opiuion de ceux qui sont ou 
jnuifférents ou hostiles à la pacification, de l'action administrative 


P. DE LA GORCE : HIST. RELIGIEUSE DE LA RÉVOLUTION FRANC. 967 


envers les fidèles et les prêtres, de la situation de l’église constitution- 
nelle. 

Ce tableau constitue une des parties les plus originales du tome V. 
Il rappelle par sa perfection ceux que l'historien a consacrés à décrire, 
dans une autre œuvre, la civilisation en France sous Île second empire. 

Continuant sa narration, M. de la Gorce expose ensuite les péripéties 
des négociations franco-romaines depuis le moment où le cardinal 
secrétaire d’État franchit le seuil des Tuileries jusqu'au moment où, 
après de pénibles incidents, le concordat est entin signé le 15 juillet 1801. 

Le récit ne s'arrête pas à cette date : le concoriat signé, il fallait le 
mettre à exécution. À Rome des objections que le pape se décide enfin 
à repousser le 15 août s'élèvent encore ; puis il s’agit d'obtenir que les 
évêques français, en possession de sièyes épiscopaux avant la révolu 
tion, consentent à déposer la mitre et la crosse. 

Les pourparlers à ce sujet sont pénibles, ils sont ardus, ils sont 
longs ; M. de la Gorce les retrace dans un des chapitres les plus inté- 
ressants et les plus neufs qu'il ait écrits ; il l’intitule L'Église de l'exil. 
Il y retrace la vie en terre étrangère du clergé fugitif, sa misère, ses 
souffrances, ses illusions, son patriotisme, son relèvement moral, ses 
préoccupations politiques en face de ses préoccupations religieuses, ses 
anxiétés pendant les négociations du concordat, ses doutes sur la 
nécessité d'obéir à l'appel pontifical, sa soumission enfin sauf pour 
quelques rares réfractaires. | 

Pénibles, ardus et longs aussi sont les pourparlers avec le premier 
consul pour l'application en France du Concordat. Il y a lutte entre 
les exigences impatientes de Bonaparte et les hésitations scrupuleuses 
de la Cour romaine. C’est surtout l'introduction de membres du clergn 
constitutionnel dans le nouveau corps épiscopal français et la rétrac- 
tation exigée d'eux par le Saint Siège qui met aux prises les autorités 
spirituelles et temporelles. Les difiicultés sont grandes, la diplomatie 
de Bonaparte n'est pas toujours ni juste ni loyale, le personnel politique 
de la France est à persuader ou à vaincre pour le faire entrer dans la 
voie de la pacitication religieuse. Ces difficultés sont enfia surmontées 
et Le 18 avril 1802 voit à Notre Dame le rétablissement ofliciel du culte 
catholique. | 

Dans les derniers paragraphes de son livre, M. P. de la Gorce 
apprécie avec une grande hauteur de vue les hommes qui ont élaboré 
le Concordat et la portée de ce grand acte. Il termine son œuvre par 
un délicat non moins qu'éloquent hommage au peuple fidèle, aux con- 
fesseurs et aux martyrs qui ont travaillé, qui ont souftert et qui ont 
versé leur sang pour maintenir en France les croyances catholiques et 
lui rendre la liberté de son culte séculaire. À. De RIDOER. 


008 COMPTES RENDUS. 


Dr Perer Guizvay. The life and times of John Carroll, Archbishop 
of Baltimore (1735-1815). New-York, The Encyclopedia Press, 
4922. In-8, xv-864 p. Doll. 5. 


Le 1° mai 1906, ua siècle après la pose de la première pierre de la 
cathédrale de Baltimore, le cardinal Gibbons, résumant en quelque 
sorte les progrès du catholicisme aux États-Unis, rappelait que l'Église 
en ce pays comptait à cette date 14 provinces ecclésiastiques, 92 dio- 
cèses, deux vicariats et une préfecture apostoliques avec plus de 
onze mille prêtres et dix millions de tidèles. En voyant ce magnitique 
développement on a peine à se figurer que son origine remonte 
seulement à la dernière moitié du xvin® siècle. Ce sont ces débuts 
que nous retrace le D' Peter Guilday, professeur d'histoire ecclésias- 
tique, dans un important ouvrage consacré à la vie et à l’époque de 
John Carroll, premier évêque et archevêque de Baltimore. 

Une des premières causes de la révolte des colonies anglaises 
d'Amérique fut l’article IV de l’Acte de Québec, qui, sans révoquer 
toutes les lois portées contre eux, substituait pour les catholiques du 
Canada au serment autipapiste une formule d’allégeance parfaitement 
acceptable et leur accordait certains droits sans les obliger à aucune 
apostasie. Jusqu’alors en effet les protestants d'Amérique s'étaient 
montrés animés d’un esprit étroitement sectaire contre les catholiques ; 
mais bientôt, sans renoncer à tous leurs préjugés, ils se montrerent 
plus tolérants lorsqu'ils virent que ceux-ci, malgré leurs justes griefs, 
n'hésitaient pas à se ranger à leurs côtés dans la lutte pour l’indépen- 
dance. 

Sur une population de 2.205.000 habitants 20.000 seulement étaient 
catholiques et comme tels soumis à toutes les lois édictées contre eux 
en Angleterre. Ils vivaient isolés les uns des autres ne recevant pour 
la plupart que raremement la visite du prêtre, et il arriva trop souvent 
que des familles ainsi dépourvues de tout secours religieux se laissérent 
gagner par l'indifférence qui les conduisit à l'hérésie. Ed outre ils 
dépendaient du vicaire apostolique de Londres avec lequel les relations 
toujours ditliciles étaient devenues impossibles par suite de la guerre 
avec l'Angleterre. Presque toutes les missions étaient dirigées par les 
Jésuites, et l'évêque Chalonner établit pour son vicaire général en ces 
pays le P. John Lewis, leur dernier supérieur. 

John Carroll était l'apôtre auquel Dieu réservait la glorieuse 
mission de fonder cette Eglise des Etats-Unis qui étonne le vieux 
munie par sa merveilleuse expausion. 11 naquit le 8 janvier 17% à 
Upper Mualborough, dans le Maryland, d'une famille irlandaise. 
Pendant la domination de l'Angleterre, les enfants catholiques ne 
pouvaient que diflicilement recevoir une éducation conforme à leurs 
croyances. Auxsi ses parents, Sans teuir compte des rigueurs de la 
législation, n'hésitérent pas quand il eut atteint l’âge de 13 ans, à 
l'euvoyer en France, au collège de Saint-Omer. Ses études littéraires 
terminées, il eutra au noviciat des Jésuites établi pour la province 


P. GUILDAY : THE LIFE AND TIMES OF JOUN CARROLI.. 009 


d'Angleterre à Watten, dans l'ancien diocèse d'Arras. En 1755, il alla 
faire sa philosophie à Liége, d’où il revint à Saint Omer pour y 
enseigner les humanités. Il se trouvait en cette ville lorsque la 
Compagaie de Jésus fut bannie de France par un arrêt du parlement 
(1764). Le Père Carroll vint alors à Bruges et y fut ordonné prêtre, 
probablement en 1769. Ayant fait ses grands vœux, il reçut mission 
d'accompagner le fils d’ua grand seigneur catholique anglais, 
Lord Stourton, dans un voyage à travers les divers pays de l’Europe. 
Il se trouvait à Rome pendant que se négociait l'affaire de la sup- 
pression de la Compagnie de Jésus, et, personnage inconnu, put suivre 
de près les intrigues nouées pour amener ce résultat. Le P. Carroll 
était rentré à Bruges quand le décret de suppression fut officiellement 
communiqué aux religieux de cette résidence. Ap'ès un court séjour 
en Angleterre, il se décida à revenir cn Amérique (1774). 

Lors de la révolte des colonies anglaises, le P. Carroll et son frère 
n'hésitèrent pas à se ranger du côté des rebelles et prirent bientôt 
une grande influence. De là les rapports d'amitié qui se créèrent 
entre eux et Benjamin Franklin et Washington et qui devaient être 
si avantageux pour l'Eglise en ces pays. Dès 1779, dans presque tous 
les états de la nouvelle République, les catholiques jouissaient de 
la liberté et des mêmes droits que les autres citoyens; et les cir- 
constances étaient telles qu’une nouvelle organisation de l'Eglise en 
ce pays était devenu nécessaire. Au cours des années 1783-81 elle 
fut l’objet de conférences qui se tinrent à Paris entre Franklin, le 
nonce apostolique, le ministre des affaires étrangères et plusieurs 
évêques. Brusquement elles furent interrompues par la désignation 
par le Saint-Siège de John Carroll comme chef des missions dans tout 
le territoire de la nouvelle République. L'Eglise de ces pays 
devenait autonome sous l'autorité de la Congrégation de la Propa- 
gande “qui, en même temps qu’elle nommait John Carroll préfet 
apostolique, l’avertissait de sa prochaine élévation à l’épiscopat et 
lui demandait un rapport détaillé sur l’état des catholiques soumis 
à sa juridiction. Les délégués du clergé, ayant pris connaïssance 
des lettres de Rome, se déclarérent heureux d’être soustraits à la 
juridiction de prélats étrangers, mais en même temps aftirmérent 
que, dans les circonstances actuelles, la nomination d'un évêque 
n'était pas opportune. Peut être redoutaient-ils, dans une affaire de 
telle importance, l'ingérence du gouvernement français qui, ils le 
swaient, ne se désintéressait pas de la situation des catholiques en 
ces régions. Après avoir hésité, après avoir pris conseil, John Carroll 
accepta sa nomination par une lettre du 5 février 17% dans laquelle 
il donnait au Cardinal préfet de la Propagande un aperçu des dis- 
positions des nouveaux Etats-Unis de l'Amérique du Nord dont les 
habitants, très fisrs de leur iadépendance nouvellement conquise, 
admettraient difficilement une autorité étrangère entre leur pays et 
le Souverain Pontife, a 


570 COMPTES RENDUS. 


La position du nouveau préfet apostolique était bien difficile. Son 
autorité ne s’étendait que sur un petit nombre de catholiques dispersés 
sur un immense territoire aux frontières incertaines du côté de 
l'Occident. Avant tout il devait faire reconnaître son autorité trop 
souvent méconnue par un clergé composé d’ecclésiastiques venus de 
tous pays. Parmi les trop rarcs prêtres sur lesquels John Carroll 
pouvaient s'appuyer, vingt-quatre avaient appartenu comme lui-même 
à la Compagoie de Jésus et tous partageaient son désir de la voir 
se rétablir. Le préfet apostolique devait en outre fixer des règles 
pour l'administration des paroïsses : car trop souvent les fidèles sur 
ce point refusaient de lui obéir, ne craignant pas, avec la compli- 
cité de quelques ecclésiastiques, d'aller jusqu’au schisme. 

En mars 1738, MM. John Carroll, Molyneux et Ashton, au nom 
des prêtres de ces régions, adressèrent au pape Pie VI une pétition 
demandant la création d’un siége épiscopal soumis directement au 
Saint-Siège, et dont le titulaire serait élu par le clergé. Le cardinal 
Antonelli, le 12 juin suivant, fit savoir que la demande avait été 
accueillie favorablement par le Souverain Pontife et que, pour cette 
premiére fois, l'évêque serait élu par tous les prêtres ayant charge 
d'âmes. En conséquence Baltimore devint ville épiscopale et John 
Carroll fut élu à cette nouvelle dignité. L'élection fut confirmée Île 
14 septembre 1788. M. John Caroll décida de se faire consacrer en 
Angleterre, et la cérémonie s’accomplit à Ludworth dans la chapelle 
de la famille Welt le 15 août 1790. Il était de retour en Amérique le 
7 décembre suivant. Un des premiers soins du nouvel évèque fut de 
réunir un synode afin de rétablir la discipline dans cette partie de 
l'Église trop longtemps abandonnée. Il se tint en novembre 1791 ; 
vingt-deux prêtres y prirent part. Là furent promulgués les règlements 
pour l'administration des sicrements, l'éducation des enfants, 
l'entretien du clergé, en un mot toutes les règles pour une vie chré- 
tienne bien ordonnée. L’évêque demanda enfin aux prêtres présents 
leur avis sur la division du diocèse ou la nomination d'un coadjuteur. 
Rome se prononça pour cette dernière solution atin d'éviter tous les 
joconvénients résultant d’une longue vacance épiscopale. 

Le recrutement du clergé pour son diocèse fut à juste titre une des 
principales préoccupations de Mgr Carroll. Jusqu'alors en effet la 
plupart des prêtres de ce pays étaient des étrangers que drs motifs bien 
divers y avaient amenés. Il était donc urgent de créer uo séminaire 
pour les Américains. Le nonce de Paris se montrait favorable à ce 
projet et des relations ne tardérent pas à s'établir pour ce motif entre 
M. Emery et l'évéque de Baltimore où, le 10 juillet 1791, arrivérent 
quatre sulpiciens et cinq séminaristes. Le 10 octobre suivant, le sémi- 
naire était prêt pour recevoir les étudiants. D'autres sulpiciens ne 
tardèrent pas à venir et s’employérent utilement au ministère 
paroissial. Sous l’épiscopat de Mgr Carroll trente prêtres seulement 
sortirent de ce séminaire qui par la suite devait être d'une si grande 


P. GUILDAY : THE LIFE AND TIMES OF JOIN CARROLL. 571 


utilité pour l'Église des États-Unis. Presque en même temps se fuu- 
daient des maisons d'éducation pour lesenfants des familles catholiques, 
et c’est à Mgr Carroll et à Élisabeth Seton qu'on est redevable de la 
fondation des Filles de la Charité, la plus ancienne des congrégations 
de femmes qui prirent naissance aux États-Unis. 

Quelques ordres religieux tentèrent de s'établir en ces régions : mais 
seuls les Dominicains et les Augustins purent s’y maintenir et s'y 
développer. Quant à la Compagnie de Jésus on pourrait dire qu’elle ne 
cessa jamais d'y exister. Les religieux qui s’y trouvaient au moment 
de sa suppression, ne cessèrent d'espérer son rétablissement et leur 
confiance fut récompensée. Les quelques pages qui leur sont consacrées 
sont parmi les plus intéressantes du travail du D° Guilday. 

Comme nous l'avons dit, Rome se montrait favorable à la nomination 
d'un évêque-coadjuteur, et sur l'avis de Mgr Carroll, elle nommait à 
cette digpité le P. Laurence Graessli qui lui aussi avait appartenu à la 
Compagnie de Jésus : maïs il mourut en octobre 1793 et la nouvelle 
de sa mort ne parvint à la Propagande qu'en juillet 1791. Le nom 
du P. Neale fut alors envoyé à Rome. Ses bulles de nomination comme 
évêque de Cortyna et coadjuteur de Baltimore sont d'avril 1795, mais 
ne parvinrent en Amérique qu'au cours de l'année 1800 ; et il reçut 
la consécration le 7 décembre. 

De plus en plus apparaissait la nécessité de diviser l'immense diocèse 
de Baltimore. La Congrégation de la Propagande pensa alors à ériger 
le siège de Baltimore en archevêché avec quatre ou cinq suffragants. 
Elle interrogea à ce sujet Mgr Carroll, lui demandant d'indiquer les 
futurs siéges épiscopaux et de désigner les prêtres qui pourraient 
être appelés à gouverner les nouveaux diocèses. Ainsi Boston aurait 
pour évêque un prêtre français Jean Cheverus; New-York le 
P. Richard Concanen, des Frères Prêécheurs ; Philadelphie le 
P. Michel Egao, franciscain ; et Bardstown Joseph Flaget, sulpicien. 
Par ses lettres du 8 avril 1808, Pie VII érigea Baltimore en métro- 
pole, et ainsi fut créée la première province ecclésiastique des 
États-Unis d'Amérique. Le D' G. donne un aperçu de toute l’histoire 
de ces nouveaux diocèses jusqu'a la mort de Mgr Carroll. Viennent 
ensuite quelques chapitres où l'auteur montre ce que fut l'Eglise de 
Baltimore de 1808 à 1815, l'attitude du clergé séculier en Amérique 
à la fin du xvini* et au commencement du xix° siècle, les exigences 
des fidèles daos l'administration des paroisses, la création des œuvres 
d'instruction et de charité. Le lecteur est bien un peu surpris de 
retrouver ainsi à la fin du volume ces pages qui complètent ce qui 
avait été indiqué sommairement dans la première partie : mais il 
ne saurait s’en plaindre; car elles font mieux comprendre les 
difficultés de toute nature dont eut à triompher Mgr Carroll. 
Pendant tout son épiscopat et surtout pendant les dernieres années 
de sa vie, alors que par suite des guerres les rapports avec Rome 
étaient devenus impossibles, il fut véritablement le chef écouté et 


12 COMPTES RENDUS. 


respecté de l'Église catholique dans les Etats-Unis d'Amérique. 
Lorsque, âgé de 81 ans, le 8 décembre 1815, il fut appelé par Dieu 
à recevoir la récompense de ses travaux, on pouvait déjà prévoir 
le merveilleux développement qu'allait prendre l'Église dont il fut le 


véritable fondateur. D. B. HEURTERIZE. 


Orro PruELr, S. J. Die Anfäünge der deutschen Provinz der neu- 
erstandenen Gesellschaft Jesu und ihr Wirken in der Schweiz 
(1805-1837). Fribourg-en-Brisgau, Herder, 1922. In-8, 522 p. 


Après une période de tâtonnements qui dura environ vingt ans, la 
province allemande de la Compagnie de Jésus fut reconstituée d'abord 
en 1821, comme vice-province, puis définitivement en 1836, sous son 
ancien titre (« oberdeutsche Provinz »). Le R. P. Pfulf a été chargé 
par ses supérieurs d’en retracer l'histoire. Il y distingue trois périodes : 
1) le séjour en Suisse, depuis l’arrivée des Pères de la Foi en 185%, 
jusqu'à l'expulsion des Jésuites en 1847 ; 2) l'établissement ea Alle- 
magne, depuis 1849 jusqu’au décret d'expulsion de 1872; 3) les 
Jésuites allemands en exil, de 1872 à 1914. 

Le présent volume est consacré aux origines et à la première période. 
On sait qu'après la suppression de la Compagnie en 1773, plusieurs 
anciens Jésuites s'efforcérent, surtout en Russie, de conserver ct de 
contivuer l'esprit et les traditions de leur ordre. Le P. Pfülf, dans une 
courte introduction, nous retrace les tentatives réalisées dans ce but en 
Suisse et dans le nord de l'Italie. Nous y rencontrons successivement 
les Pères du Cœur de Jésus (1793-1799), dirigés par de Tournely, et les 
Pères de la Foi (1799-1807), dirigés par Paccanari. C'est à la Congré- 
gation des Péres de la Foi qu’anpartenaient les premiers membres de 
la missio helvetica, premier noyau de la future province allemande de 
la Compagnie. À la demande du magistrat de la ville, ils établirent en 
1805, à Sion (Valais), un établissement d'instruction. A peine installés, 
il leur fallut compter avec les Francais qui, sous les ordres du général 
Berthier, s'emparèrent du Valais en 1807. favorablement accueillis 
par Berthier, ils purent continuer à enseigner et à prêcher. Apres Île 
rétablissement ofliciel de la Compagaie par Pie VIT (1814), ils fondéreut 
encore en Suisse les collèges le Brigue, de Solothurn et de F:ibourg. 
Ils purent aussi vers cette époque, pousser en Allemagne quelques 
pointes avancées, sous la forme de très petites communautés, ignorées 
des autorités civiles. 

On lira avec intérèt le récit de leur premier établissement, publlique- 
ment reconnu, dans un état allemand. En 1835 le duc régnant de 
Anbhalt-Kothen se convertit au catholicisme. Il demanda et obtint du 
général de la Compagnie, qu'un Père Jésuite fût attaché à sa personne. 
Ea même temps que le confesseur du duc, une petite communauté 
enseignante s'étab'it en plein pays protestant. Par contre en Baviére, 


CH. TH. GÉROLD : UNE PAGE DE L'HISTOIRE DE L'ALSACE. 519 : 


malgré la protection et les sympathies du roi Louis I*", les négociations 
entamées en 1830 se poursuivirent sans succès pendant plus de quinze 
ans. 

Un des plus importants chapitres a pour objet le récit des menées, 
pleines de ruse et de violences, dirigées par les radicaux suisses contre 
le maintien des Jésuites dans leur pays. Une majorité calviniste into- 
lérante voulut imposer aux sept cantons catholiques l'expulsion des 
religieux. On sait comment les cantons catholiques refusèrent d’obéir 
à ces injonctions et comment ces discussions aboutirent à la courte 
guerre, dite du Sonderbund (1847), guerre désastreuse pour les cantons 
catholiques et pour les religieux qu'ils protégeuient. Le triste sort des 
Jésuites expulsés et traqués, de leurs élèves dispersés, de leurs collèges 
fermés et confisqués, estexposé en des pages sobres et bien documentées. 

L'auteur n’a pas voulu faire la critique ni même la revue des ouvrages 
déjà publiés sur ces événements; il cite d’ailleurs peu de bibliographie. 
Il utilise surtout les riches archives de son ordre : notamment les 
Lilterae annuue, dont la rédaction fut reprise par chaque maison à 
partir de 1819, les Historiae et les Diaria, encore inédits, relatifs à 
plusieurs collèges, l'Historia pr'ovinciae Germaniae superioris, également 
inédite, qui va de 1821 à 1858, enfin les correspondances échangées 
entre le P. Général et les PP. Provinciaux. On le comprendra aisément : 
ces archives sont particulièrement riches en détails concernant la vie 
interne des collèges et le ministère des religieux. Les historiens locaux 
de la Suisse, ainsi que les historiens de la pédagogie, y trouveront aussi 
de quoi se documenter. 

L'ouvrage du R. P. Pfülf prendra un raog honorable dans la série 
déjà nombreuse des monographies consacrées à l'histoire des différentes 


provinces de la Compagnie de Jésus. F. CLAEYS-BoUUAERT 


Cu. Tu. Géron. La Faculté de théologie et le séminaire protestant 
de Strasbourg (1805-1872). Une page de l’histoire de l'Alsace. 
(Études d'histoire et de philosophie religieuses publiées par la 
Faculté de théologie protestante de l’université de Strasbourg. 
Fase. 7.) Strasbourg ct Paris, Istra, 4925. In-8, vu-336 p. Fr. 15. 


Après avoir éouméré les différentes catégories de sources, imprimées 
et manuscrites, auxquelles il a puisé les renseignements qu'il nous 
donne dars ce gros ouvrage, M. Gérold ajoute : « Elève du séminaire 
et de la faculté dans les années 1855 à 1860, j'ai eu pour maîtres, au 
séminaire, les professeurs Matter et Hasselman, Stahl et Kreiss, 
Bartholmess et Waddington, Baum et Cunitz, et, à la faculté, à côté 
du ‘loyen Brucu, les professeurs Fritz et Jung, Reuss et Schmidt. J'ai 
également connu ceux qui sont venus plus tard. Colani et Lichtenber- 
Be, Weber et Sabatier, et j'ai suivi avec intérêt l’activité qu'ils ont 
déployée dans notre école de théologie. » (p. vi) Ces quelques lignes 


574 COMPTES RENDUS. 


montrent assez l'importance d’un livre sur la faculté et le séminaire 
protestant de Strasbourg, qui, en quelques années, ont compté dans 
leur personnel enseignant des personnages si réputés. 

La Révolution française avait supprimé l'ancienne Université de 
Strasbourg. À sa rlace, le décret du 30 floréal an XI créa une Académie 
destinée à former les ministres de la Confession d'Augsbourg. Mais, en 
1819, un arrêté royal organisait à Strasbourg une faculté de théolugie 
par l'érection en chaires de faculté de trois chaires établies au grand 
séminaire protestant. Entio, après la gu»rre de 1870, une wniversité 
était de nouveau installée à Strasbourg par les Allemands. L'ancienne 
faculté de théologie disparaissait. 

Jusqu'en 1820, les professeurs de Strasbourg sont presque tous des 
membres de l’ancienne uaiversité. Bientôt des hommes plus jeunes 
viennent occuper les chaires devenues vacantes. Ils y apportent un 
esprit progressif avec des habitudes scientifiques nouvelles. Mais la 
période la plus brillante dans l’histoire de 14 faculté est incontestable- 
ment la dernière, à partir de 1864 environ. Timothée Colani, le fonda- 
teur de la Revue de théologie et de philosophie chrétiennes, tient la 
première place à côté d'Edouard Reuss. L'eascignement de l’histoire 
ecclésiastique est entre les mains du célèbre historien des Albigeois, 
Charles Schmidt. André Lichtenberger et Auguste Sabatier ne jouissent 
pas encore alors du prestige qu'ils connaîtront plus tard. Sabatier n'a 
d’ailleurs été nommé à Strasbourg qu’en 1868. 

Pour obtenir le grade de licencié en théologie, Auguste Sabatier 
avait, en 1866, composé une dissertation sur Les sources de la vie de 
Jésus, dont plusieurs assertions devaient sonner faux aux oreilles 
orthodoxes. La faculté de Strasbourg eut presque toujours, en particu” 
lier auprès des membres du Consistoire supérieur, une réputation de 
hardiesse dans les matières doctrinales. Les détails réuais par M. Gérold 
sur ce sujet à divers endroits de son livre sont parmi les plus instruc- 
tifs. Il Jui a fallu, le déclare-til lui-même, des efforts particulière- 
ment méritoires d'impartialité pour ces chapitres douloureux qui 
relatent les attaques dirigées par l'orthodoxie parisienne contre l’en- 


scignement du séminaire et de la faculté. E. ve MoREAuù, S. J 
e L Éd ° 


J. Scawrz et N. NiEuwLAND. Documents pour servir à l'histoire de 
l'invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxem- 
bourg. Quatrième partie, Le combat de Dinant. Bruxelles et Paris, 
Van Oest, 1921-1922. 2 vol. in-8, 208 et 340 p. 


Nous avons rendu compte des trois premiers volumes de cette 
importante collection de documents (RHE, 1921,t. XVII, p. 154-159). 
Les 4° et 5° volumes se distinguent par les mêmes qualités que leurs 
devanciers. Les méthodes de travail, les procédés de reproduction et 


J. SCHMITZ ET.N. NIEUWLAND : HIST, DE L'INVASION ALLEMANDE. 575 


d'exposition n’ont pas varié. Le lecteur nous permettra de nous référer 
à la vue d'ensemble que nous en avons déjà donnée. 

Le 4° volume, intitulé : La conquéte de la Meuse, suit la marche de la 
IIIe armée allemande (général von Hausen), dans les localites du Sud 
de la province de Namur, à l'exception de Dinant. Il comprend 74 rap- 
ports (n. 318-391), qui ont pour auteurs drs curés, des magistrats, des 
bourgmestres et quelques particuliers. Certaines relations sont parti- 
culièrement émouvantes, tant par le caractère tragique des événements, 
que par le souci de précision et d’objectivité des narrateurs ; aucun 
accent de passion ne vient troubler le calme imposant des dépositions. 
Nous tenons à signaler spécialement les rapports rédigés par l'abbé 
Servais, curé de Dorinne, et par l'abbé Grégoire, curé d’Yvoir. Le 
passage de la IIl° armée fut marqué par les étapes sanglantes de 
Waulsort, d’'Hermeton, d’'Evrehailles, de Spontin, de Houx et de 
Sorinnes. À Hastière fut tué M. Ponthière, professeur à l’université 
de Louvain, aux côtés de sn beau-frère, M. le curé Schlôgel. On 
compte, en dehors de Dinant, douze grandes fusillades collectives qui 
ont amené la mort de 61 civils ; 86 autres civils sont tombés isolément. 

Le 5° volume, qui a pour titre : Le sac de Dinant, a fait l'ohjet d’uve 
enquête et d'une étude menées avec un soin tout particulier. 

Les combats pour la possession de Dinant comprennent deux phases. 
La premiére fut marquée par une tentative des Allemands de forcer le 
passage de la Meuse par une attaque brusquée (15 août 1914). La 
citadelle fut ficilement prise, ainsi que la partie de la ville située sur 
la rive droite du fleuve ; mais bientôt les canons français, postés sur la 
rive gauche, contraignirent l’envahisseur à la retraite. Pendant cette 
journée les habitants se tinrent terrés dans leurs caves. Les Allemands, 
qui n'eurent pas le loisir de les molester, ne songérent naturellement 
pas à recourir à la fable des francs tireurs. Le 23 août, von Hausen 
revint à la charge. Il lança sur Dinant plusieurs unités du XIT° corps, 
notamment la 32° division (von der Planitz) et la 46° brigade (von 
Watzdorff). Pendant que ces troupes se butaient à la vigoureuse résis- 
tance es Français, elles se livrèrent à l’intérieur de la ville aux plus 
épouvantables cruautés. | 

Rien de plus lamentable que l'histoire de ces massacres. D'une part, 
de paisibles habitants, arrachés de leurs demeures, arrêtés dans Îles 
rues, poursuivis et traqués jusque dans les cachettes les plus reculées, 
puis parqués comme du bétail et, après une brève et mortelle attente, 
conduits les uns au supplice, les autres ea exil, sans même que la 
détermination de leur sort soit précédée d'un simulacre de jugement. 
D'autre part, des hordes de soldats surexcités, suggestionnés et déchaï- 
nés ; mais, à de rares exceptions près, encore disciplinés et obéissant 
à une atroce et mystérieuse consigne. Dans l'exécution de cette con- 
signe, nul ordre, nulle méthode. Une fatalité aveugle et capricieuse 
semble présider au massacre. Nous ne pouvons songer à résumer 
toutes les scènes d'horreur. Rappelons seulement quelques chiffres. À 


011) COMPTES RENDUS. 


Leffe, sur les ordres d’un commandant nommé Wilke, sont fusillés 
d’abord 13 hommes, puis 71, puis 43. Au mur de la maison Tschotfen 
sont alignés 150 hommes; 123 tombent mortellement frappés. Le 
colonel comte Kielmansegg préside à cette hécatombe. Le long du 
mur Bourdon, sur 90 personnes prises comme otages, 76 sont mas- 
sacrées. Parmi elles il y a 38 femmes, ainsi que 7 enfants de moins de 
deux ans. Le Livre blanc ne souffle mot de ces faits. Dans l’aqueduc de 
Neffe, où se sont réfugiées 55 personnes, les soldats, commandés par le 
major von Zeschau, lancent des grenades à main. On retire 23 tués et 
12 blessés Au total, daus la journée du dimanche 23 août, 677 Dinan- 
tais tombent victimes. 

Ces faits sont minutieusement relatés dans 115 rapports (n. 392 à 
006) ; la plupart de ces relations émanent de femmes et de jeunes gens. 
Les hommes ont disparu ; daus beaucoup de cas, seuls les veuves et les 
orphelins peuvent encore témoigner. Tous ces récits impressionnent 
par la précision des détails, par la sim,licité du ton, par l'expression 
contenue de la douleur. On y chercherait en vain des explosions de 
colère ou de ressentiment. Ces malheureux ont imposé le silence à 
leurs sentiments, pour s’efforcer de faire une œuvre toute de conscience 
et de vérité. Il convient de signaler aussi d'intéressants rapports, au bas 
desquels nous lisons les noms autorisés de l'abbé Schilz, curé-doyen de 
Dinant, de M. Tschoffen, procureur du roi, de l'abbé Fries, curé de 
Netle, du R. P. Borrelly, prieur des Prémontrés de Lette. L’accumula- 
tion des détails, jointe à la note personnelle de chaque déposant, peut 
nuire quelque peu à l'unité du tableau d'ensemble; mais il s'en dégage, 
à une lecture attentive, une puissante impression de sincérité, d'exac- 
titude et de cohésion. | 

Au cours de tout l'ouvrage, mais surtout dans les introductions, les 
auteurs rencontrent les allégations du Livre blanc. On connait le 
système adopté par les rédacteurs de ce document allemand officiel, 
système basé tout entier sur le postulat d'un soulèvement en masse 
de la population belge. Méthodiquement, localité par localité, les 
auteurs examinent cette accusation et en montrent l'inanité. La 
démonstration est spécialement décisive pour le drame de Dinant, 
auquel le Livre blanc consacre plus du tiers de ses pages. Se faisant 
accusateurs à leur tour, les auteurs recherchent quels mobiles peuvent 
avoir inspiré des agissements aussi barbares. Ils les attribuent avant 
tout à l'application d'un principe, qu'ils ont découvert, sous des formes 
diverses, dans plusieurs ouvrages militaires allemands, tant ofliciels 
que privés : Quand lu guerre nationale a éclaté, le terrorisme devient un 
principe militaire nécessare. Dans des livres récents, plusieurs généraux 
allemands continuent à détendre ce point de vue et à accuser la popu- 
lation belge. MM. Schmitz et Nicuwland, en établissant détinitivement 
les responsabilités et les culpabilités, ont rendu un service signalé à 


la vérité historique et à leur patrie. F. CLAEYS BOUUAERT. 


CHRONIQUE (4). 


Allemagne. — Il serait difficile d’exagérer les services que l'archéologie 
biblique est appelée à rendre à l’exégèse. Pour comprendre la Bible, il faut 
connaître les pays et les peuples dont elle parle, il faut connaître surtout 
l’histoire de la formation et de la civilisation du peuple d’Israël, de ses lois, 
de ses mœurs, de son culte, de ses rapports avec les peuples d’alentour. Les 
découvertes archéologiques de ces dernières années, en Égypte et dans toute 
l’Asie antérieure, faisaient beaucoup désirer, chez les catholiques surtout, un 
manuel d'orientation à l’usage des étudiants en théologie et de tous ceux 
qu'intéressent vivement les antiquités bibliques. Le Dr KaLT vient de le leur 
fournir dans les Herders theologische Grundrisse : Biblische Archäologie. 
Fribourg, Herder, 1924. In-12, xu1-158 p. Fr. s. 3,20. Il traite en quatre sec- 
tions de la Palestine et de ses habitants, de la vie privée, politique et reli- 
gieuse du peuple d'Israël, et s'applique surtout à faire ressortir l’évolution 
des institutions et la conduite de la Providence dans l’histoire d'Israël. Un 
index bibliographique assez développé pourra guider le lecteur désireux de 
poursuivre et de compléter ses études, Nous y voyons figurer les travaux de 
Vigouroux et de Van Hoonacker, mais nulle part nous n'avons trouvé la 
moindre mention de la Revue biblique qui fait pourtant la part si large aux 
recherches archéologiques. 


E. Nestle a publié lui-même trois éditions de son ÆEïnführung in das 
Griechische Neue Testament (1897, 1899, 1909). Chaque fois, le précieux 
ouvrage s’enrichissait de communications nouvelles ; il devenait ainsi une 
véritable mine de renseignements, presque indispensable aux spécialistes qui 
continueront, s'ils le peuvent, à le consulter avec grand profit. Mais il 
manquait des qualités pédagogiques nécessaires à un livre d'étudiant. Il 
n'insistait pas assez sur l'essentiel et s’étendait trop sur les détails. À propre- 
ment parler, il n’introduisait pas dans l'histoire du texte du Nouveau Testa- 
ment et n’initiait pas méthodiquement à sa critique. À la mort de l’auteur, 
en 1913, la préparation de la 4e édition fut confiée à R. Knopf qui fut enlevé 
. lui-même en 1920 sans avoir mis la main à la tâche. Cette 4e édition vient de 
paraître par les soins de M. von DoBscHuETz (Eberhard Nestle's Einführung 
in das Griechische Neue Testament. Goettingue, Vandenhoeck et Ruprecht, 
1923. 160 p. et 20 planches. Mk. 5,40). C’est un livre nouveau, transformé, 
raccourci, clair et pratique. On a conservé de Nestle ce qui pouvait convenir; 
on a tenu compte des publications faites depuis 1909 ; pour l'étranger toutelois 
on s'arrête À 1914. On a multiplié les specimina codicum qui sont maintenant 
au nombre de 20. La disposition typographique adoptéc a permis de condenser 


(1) Le Comité de Rédaction sera reconnaissant aux Suciétés savantes, aux 
Auteurs et aux Libraires qui voudront bien lui adresser (rue de Namur, 40, 
LOUVAIN) les nouvelles, les articles et les ouvrages qui peuvent être annoncés 
utilement soit dans la CHRONIQUE, soit dans la BIBLIOGRAPHIE de la REVUE 
D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE. 


578 CHRONIQUE. 


énormément de choses en peu de pages. L'introduction de Nestic est devenue 
un véritable manuel semblable à ceux de Kenyon, de Jacquier et de Vogels. 
On y traite de l’histoire du texte manuscrit et imprimé, de la critique du 
texte, de ses matériaux, manuscrits du texte original et des versions, citations 
des écrivains ecclésiastiques, de sa méthode, critique externe et interne, 
critique conjecturale. Les indications bibliographiques sont très abondantes, 
et chaque assertion est appuyée par de nombreux exemples. Il aurait valu 
mieux ne prendre ceux-ci que parmi les cas indiscutables, ce qui n’a pas 
toujours été fait. C’est ainsi que comme preuve d’ajoutes rédactionnelles 
faites au texte des évangiles avant sa fixation, on cite, avec hésitation, il 
est vrai, la finale deutérocanonique de Marc, le chapitre XXI de Jean, les 
versets 9-10 du chapitre XX VIII de Matthieu et le verset 12 du chapitre XXIV 
de Luc (p. 10). L'influence exercée par Marcion et Tatien sur le texte du 
Nouveau Testament nous paraît aussi beaucoup mieux étudiée dans le récent 
manuel de Vogels, mais il est incontestable que l'ouvrage de von Dobschütz 
est riche, suggestif, bien agencé. L'Allemagne possède maintenant deux bons 
traités d'introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament. 


Depuis que Volkmar la porta à l'ordre du jour en 1857, la question du 
paulinisme de l’évangile selon S. Marc fut bien souvent discutée et bien 
diversément résolue, On pourrait presque lui appliquer les formules qu’un 
esprit frondeur trouva, il y a un quart de siècle, pour caractériser les diffé- 
rentes étapes de la controverse sur l'extension du déluge, et mettre en tête 
des quelques chapitres de son histoire des titres sensationnels : Rien que du 
paulinisme, du paulinisme mitigé, pas de paulinisme du tout, un peu plus ou 
un peu moins de paulinisme.. 

Volkmar, Hoïsten et Schulze ne voyaient guère que du paulinisme dans 
l'œuvre de S. Marc, paulinisme doctrinal et paulinisme de partisan. Le 
second évangile n’était à leurs yeux qu’une apologie de l’Apôtre des Gentils, 
» de son enscignement et de son activité. Et les critiques qui ont le plus vive- 
ment dénoncé ces exagérations, comme H. Holtzmann, J. Weiss et Jülicher, 
défendent eux-mêmes l'existence d’un paulinisme plus restreint. Il y a place 
ici pour toute la gamme des nuances selon que l’on étend l'influence pauli- 
nienne au fond de l’évangile de Marc et à sa façon de présenter l’histoire du 
Christ, ou qu'on la limite à quelques enscignements spéciaux, à la forme 
littéraire de quelques péricopes, au choix de quelques termes caractéristiques. 
Mais on peut dire que malgré la réaction énergique de Schweitzer et de 
Wernle, la thèse du paulinisme de Marc a conquis droit de cité dans la 
science néo-testamentaire. Elle est admise à des degrés divers, avec des 
fluctuations et des hésitations, par Pfleiderer, Hadorn, Soltau, Brückner, 
Schmiedel, von Soden, Harnack, etc., pour ne pas parler des auteurs catho- 
liques dont nous dirons un mot tantôt. MarTIN WERNER a cru le moment 
venu de la soumettre à un nouvel examen méthodique, minutieux, complet 
(Der Eïinfluss paulinischer Theologie im Markusevangelium. Beihefte zur Zeit- 
schrift f. d. neut. Wissenschaft. I. Gicssen, Tôpelmann, 1923. In-8, vit-216 p. 
Fr. 8. 8,40). Et il se fait que sans le vouloir, car il était déjà composé à cette 
date, son livre est une bonne réplique au Markusevangelium de Drews, publié 
en 1y21 et dont le radicalisme ne le cède en rien à celui de Volkmar. 
Sans prétendre aucunement faire une histoire dogmatique du christianisme 
primitif, Werner met en parallèle Paul et Marc et les compare soigneuse- 
ment pour tous les points où la comparaison est possible, Ses conclusions ne 


ALLEMAGNE. 579 


laisseront pas de surprendre, mais elles sont fermes et nettes : Il ne peut être 
question d’une influence quelconque de la théologie de Paul sur l’évangile de 
Marc. Les deux écrivains se rencontrent, sans doute, mais dans l'expression 
d'idées appartenant au fond commun du christianisme primitif. Les concep- 
tions spécifiquement pauliniennes ne se retrouvent pas dans Marc où apparais- 
sent au contraire parfois des points de vue opposés, contradictoires. On pense 
bien que nous sommes loin de souscrire à cette dernière assertion que l’auteur 
reprend d’ailleurs à Wernie et qu'il serait dans l’impossibilité de prouver. 
Werner exagère considérablement et fausse l'opposition entre Marc et Paul. 
Voici un exemple emprunté à la christologie (p. 46-51) : Pour Marc, Jésus ne 
serait qu’un homme, sans aucune préexistence en Dieu, déclaré au baptême 
Fils de Dieu, c'est-à-dire Messie, tandis qu'aux yeux de Paul, Jésus est le 
Fils de Dieu descendu du ciel et remonté dans sa gloire. Dans Marc, un 
homme devient Messie; dans Paul, le Messie devient homme. Dans Marc, la 
messianité vient s'insérer dans unc existence humaine ; chez Paul, l'existence 
humaine n’est qu’un épisode dans la vie d’un être céleste. Pour Marc, la 
merveille qui se réalise en Jésus, c’est sa divinisation; pour Paul, si l’on peut 
ainsi dire, c’est son humanisation. Les deux christologies sont fondamentale- 
ment différentes. 

Cette étude sérieusement faite, souvent menée avec beaucoup de tact et de 
critique, aurait gagné beaucoup à s'inspirer aussi des travaux de langue 
française, mais elle les ignore complètement. Le paulinisme de Goguel n'est 
pas mentionné, pas plus que celui de Loisy, presque aussi radical que celui de 
Volkmar et de Holsten. Il n'est tenu aucun compte des travaux catholiques 
sur la matière, pas même de la belle étude de Mangenot publiée dabord dans 
la Revue du clergé français en 1909 et reproduite en annexe aux Évangiles 
synoptiques en 1911. La critique catholique ne s’effraie aucunement d'un 
certain paulinisme de Marc, qu’elle trouve vraisemblable à priori et parfaite- 
ment compatible avec l’historicité du second évangile et la tradition ecclé- 
siastique touchant son auteur : « Dès lors que l’on admet (et il y a de bonnes 
raisons de l’admettre) l’identité de Marc, le disciple de Pierre, avec le mis- 
sionnaire Jean Marc, parent de Barnabé et compagnon de Paul, il n’y a 
aucune difficulté à reconnaître, si de sérieux arguments y obligent, que ce 
personnage, disciple successif de Pierre et de Paul, en rédigeant son évangile 
d'après les souvenirs de Pierre, ait donné à la catéchèse du prince des 
apôtres une forme paulinienne, Il avait entendu les deux apôtres exposer le 
méme enseignement de Jésus, sa vie et sa prédication ; il avait constaté 
l'identité du fond, et sans fausser la catéchèse de Pierre, il a pu très légitime- 
ment exprimer quelques points de cette catéchèse et même les sentences de 
Jésus qu’elle reproduisait, dans la forme spéciale et caractéristique que 
S. Paul leur donnait dans sa propre prédication, dont lui-même avait été 
l'auditeur et peut-être le répétiteur comme catéchiste associé aux missions de 
l'apôtre des gentils. Réduit donc à de justes limites, le paulinisme de Marc 
est vraisemblable et n’est pas de nature à diminuer la fraîcheur ct l'autorité 
de la tradition primitive dont il est l'écho et qu'il a consignée par écrit... 
Je ne vois aucun inconvénient à reconnaître, le cas échéant, que le second 
évangéliste a exprimé la pensée authentique de Jésus et la tradition primitive 
des apôtres en des termes, que ni Jésus, ni les premiers apôtres n’ont pas 
réellement employés, mais que Paul, nourri et pénétré de la tradition des 
Douze, a mis en usage pour rendre très exactement l'enseignement de Jésus 


580 CHRONIQUE. 


et des apôtres. Je reconnaîtrais alors un fond primitif sous une forme posté- 
rieure qui ne l'aurait ni altéré ni modifié. Quant à l'influence paulinienne sur 
certains enseignements de Marc, il faut, me semble-t-il, si on l’admet, la 
déclarer très éloignée et très indirecte... Pour moi, toutes choses bien consi- 
dérées, je réduirais au minimum le paulinisme de Marc, et je le reconnaitrais 
dans l'emploi de certains termes, qui scraient démontrés être spécifiquement 
pauliniens, plutôt que dans le choix des doctrines. » (MANGENOT, Les évan- 


giles synoptiques, p. 363, 389, 390.) 


Comme pendant aux « Apocryphes et Pscudépigraphes de l’Ancien 
. Testament » de Kautzsch, E. HENNECKE publiait en 1904, à l’usige du grand 
public, un recueil analogue contenant, en traduction allemande, la littérature 
apocryphe du Nouveau Testament. Le volume débutait par une introduction 
sur les apocryphes en général, et les traductions, faites avec soin par des 
spécialistes sur les meilleurs textes originaux, étaient en outre précédées 
d'une introduction particulière, généralement brève, mais donnant une 
orientation suffisante sur l'importance, l’origine, le contenu et la transmission 
de chaque document. La collection de textes était suivie d’un volume de 
commentaires sous Île titre de Handbuch zu den Neutestamentlichen Apokry- 
phen, qui contenait une étude détaillée de toutes les questions très complexes 
qui se posent, une revue aussi complète que possible de la littérature récente 
et l'explication des textes les plus difficiles ou les plus importants. L'ouvrage 
de Hennecke, comme celui de Kautzsch, est devenu l’auxiliaire indispensable 
. de tous ceux qui s'occupent d’études bibliques. Le premier volume, le 
recueil de textes vient d'être réédité (Neutestamentliche Apokryphen. In 
Verbindung mit Fachgelehrten in deutscher Uebersetç;ung und mit Einleitungen 
herausgegeben von Edgar Hennecke. Tubingue, Mohr, 1924. In-8, xn-32-668 p. 
Fr. s. 15), mais c'est presque un nouveau livre qui laisse subsister en partie 
la valeur et l'utilité de l’ancien. 

La liste des 17 collaborateurs de M. Hennecke contient beaucoup de noms 
connus et qui inspirent confiance, comme ceux de W. Bauer, de Geficken, de 
Gressmann, de Krüger, de Lietzmann, de A. Meyer, de Weinel. etc. Plusieurs 
des anciens ont été enlevés par la mort depuis 1904, P. Drews, Flemming, 
R. Knopf, Preuschen, Raabe, Schimmelpfeng, mais leurs traductions ont 
parfois été reprises en grande partie dans la nouvelle édition. C’est ainsi 
que Krüger a repris la version de Knopf pour la lettre aux Laodicéens et la 
lettre de Clément de Rome aux Corinthiens, Bauer a utilisé celle de Raabe 
pour les Actes de Thomas, et Duensing celle de Flemming pour l’Ascension 
d’Isaïe. Le premier volume seul étant réédité, sans le commentaire, il a fallu 
lui incorporer l'apparat scientifique considérablement accru depuis 1904; 
dans des cas particuliers on a dû tenir compte de manuscrits nouveaux, 
proposer de nouvelles leçons, tenter de nouvelles reconstitutions. Pour ne 
pas accroitre démesurément le volume qui dépasse déjà de plus de cent pages 
l'édition précédente, on a écourté certains apocryphes, surtout les Actes 
d'apôtres; par contre bien des pièces nouvelles que l'éditeur estime plus 
importantes y sont insérées. Voici les principales acquisitions : un chapitre 
sur les évangiles remaniés, évangile de Marcion et Diatessaron de Tatien, un 
autre sur les traditions ou légendes relatives À l'aspect extérieur de Jésus, 
sur les noms des personnages anonymes de l'Évangile, sur les parents de 
Jésus; les traditions et légendes relatives aux apôtres, un extrait de la 
Lettre des apôtres et des extraits des apocryphes clémentins ; le livre 


ALLEMAGNE. 581 


d'Elkesai, les prophéties de Montan, des prophéties snostiques, les odes de 
Salomon ; les sentences des presbytres d’Irénée, la deuxième partie des 
Constitutions apostoliques, la tradition apostolique d'Hippolyte, le plus 
ancien symbole baptismal, des hymnes, des prières et des fragments litur- 
giques, la lettre à D:ognète, les Sentences de Sextus. 

Comme dans la première édition, chaque livre ou extrait est précédé d'une 
courte introduction. Les documents sont répartis en cinq classes : Évangiles, 
renseignements extra bibliques sur Jésus ; traditions et légendes concernant 
les apôtres; apocalypses et pièces apparentées ; voix de l'Eglise ; sentences. 
L'introduction générale traite de la parenté littéraire de cette littérature 
apocryphe avec le Nouveau Testament. du milieu religieux hellénique et juif, 
des témoignages relatifs à la formation du Nouveau Testament, de la décou- 
verte des textes. L'éditeur qui a rédigé cette introduction s'est aussi réservé 
une part considérable dans l’élaboration de l’ouvrage lui-même. On lui doit 
beaucoup dans la seconde et la quatrième partie. Waitz s'est surtout occupé 
des évangiles des Nazaréens, des Ebionites, des Hébreux ; Meyer, des évan- 
giles de l’enfance ; Bauer, de Marcion, de Tatien et des Actes de Thomas; 
Weinel, des Apocalypses ; Gressmann, des odes de Salomon; Geffcuen, des 
oracies sibyllins ; Krüger, de la lettre aux Laodiciens, de la lettre de Clément 
aux Corinthiens, des lettres d’Ignace et de Polycarpe. Lietémann n'apporte 
qu'une contribution sur le plus ancien symbole baptismal. 

Nous croyons, par cette revue rapide, avoir suffisamment fait connaître le 
contenu de cet imposant recueil. Ce n’est pas ici le licu d’analyser les 
opinions particulières ou de faire une critique de détails. C’est en réalité un 
tableau complet de l’ancienne littérature chrétienne en dehors du Nouveau 
Testament, que l’on nous otfre ici, si l’on fait abstraction, bien entendu, des 
traités gnostiques, des actes des martyrs, des ouvrages des apologistes et des 
écrivains de la grande Église. L'auteur a eu pour but, nous dit-il, de répandre 
la lumière, par la publication et la traduction des sources les plus impor- 
tantes, sur une époque de lutte ardente et de fermentatton intense au sein du 
christianisme. Mais pourquoi donner à cet assemblage de pièces disparates 
qui n'ont d'autre lien entre elles, on le reconnait, que leur relation avec le 
fondateur de la religion nouvelle, le titre d'apocryphes du Nouveau Testa- 
ment ? Le reproche a déjà été formulé à propos de la première édition : 
«nous rencontrons, disait Baumstark (Revue biblique, 1906, p. 625) des monu- 
ments littéraires de l’antiquité chrétienne qui au grand jamais ne devraient 
figurer comme apocryphes du Nouveau Testament, parce qu'aucun témoi- 
gnage ne nous dit qu’ils aient fait quelque temps concurrence aux écrits du 
N. T. comme une Œcrmyzuorcs 7 agen, soit dans une communauté hérétique, 
soit dans une localité particulière de la catholicité. Je veux parler des 
lettres d’Ignace et de Polycarpe aussi bien que des oracles de la Sibylle 
chrétienne. Ïl est même permis de douter que la Didascalic doive être au 
même titre que la Didaché placée parmi les apocrypbhes ». À plus forte raison 
faudrait-il en dire autant des Sentences de Sextus! Hennuecke reconnaît 
d’ailleurs le bien fondé de cette objection formulée aussi par Dicterich (Archiv 
f. Religionswissenschaft. 1906, t. VIIL, p. 478); il admet qu’il serait préférable 
de partager la matière en deux volumes dont l’un ne contiendrait que ce que 
l’on est convenu d’appeler apocryphes dans le sens ecclésiastique ancien. Il 
n'y a renoncé que pour des raisons pratiques. 


RBVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XXe 37 


DN2 CHRONIQUE. 


Un autre grief a été formulé contre la délimitation chronologique adoptée 
pour les apocryphes. On s’est arrêté comme terminus ad quem au milieu du 
tie siècle Bien des fois des apocryphes postérieurs ont conservé un très 
ancien noyau, et ceux qui sont vraiment nouveaux se présentent avec de tout 
autres caractères. Baumstark (/. c., p. 624) trouvait cependant qu’Harnack 
avait touché plus juste en se décidant dans son histoire de l’ancienne littéra- 
ture chrétienne pour l’époque d’Eusèbe. Mais ce sont là des remarques 
d'ordre iormel qui n’empêchent pas ce manuel d’être la collection la plus 
complète, la plus facile et la plus utile des apocryphes du Nouveau Testa- 
ment. É. Togac. 


— Voici que reparait, en une quatrième édition, revue et augmentée, 
l'Enchiridion fontium histuriae ecclesiasticae antiquae du R. P. C. Kircu 
(Fribourg-e.-B , Herder, 1923. in-8, xxx11-644 p.). Comme les travaux ana- 
logues et si connus de Dencinger-Bannwart-Umberg et de Rouët de Journel, 
ce recueil est donc très estimé et très acheté. Il faut applaudir au succès de 
cette trilogie, car 1l est un signe indubitable du caractère de plus en plus 
positif et vraiment scientifique des études ecclésiastiques. Nous n'avons pas 
manqué de paver à l'Enchiridion du P. Kirch un juste tribut d'éloges en en 
présentant la première édition. Fvuut en conservant son type primitif, il s'est 
beaucoup amélioré. Grâce à une disposition typographique plus heureuse, à 
des translormations et compléments, la 2c-3e édition était déja notablement 
supérieure à la première; la présente s’est encore enrichie d’accroissements, 
qui se chitfrent par une cinquantaine de paragraphes nouveaux, insérés aux 
endroits voulus par l'ordre chronvlogique. L'impression est nette et soignée; 
le volume a heureusement dépouiilé le caractère trop massif de sa première 
édition ; il est devenu très aisément maniable et une table alphabétique très 
détaillée du contenu y rend les recherches faciles et rapides. La tâche que 
s'est assignée et le but qu’a poursuivi le P. Kirch l'astreignaient à choisir et 
à reproduire, au moins en extraits, les sources les plus importantes du récit 
de la vie externe et interne de l'Eglise à l’époque ancienne de son existence. 
On peut athrmer que l’entreprise a été heureusement réalisée et que les 
étudiants lui doivent un utile instrument de travail. Toutefois, il est inévitable 
que les recenseurs lui signalent certaines omissions qu'ils considèrent comme 
des lacunes, Ainsi, certains passages des œuvres polémiques de S. Athanase 
et de saint Hilaire n’auraient-ils pas rendu service pour caractériser la 
situation et la vie de l’Église au temps de la crise arienne ? Pour nous, 
comme nous le disions naguère, nous regrettons que les sources de l’histoire 
des Églises vrientales ne soient pour ainsi dire pas alléguées; la vie chrétienne 
y a cependant fleuri et les littératures syriaque et arménienne, par exemple, 
ont fourni de bonnes pièces aux diverses parties de l’histoire ecclésiastique. 
Les textes sont reproduits, comme le dit l'auteur, d’après les meilleures 
éditions ; signalons cependant, par exemple, pour saint Cyrille de Jérusalem 
l'édition de Rcischl et Rupp et, puur Marius Mercator, l'édition de Baluze, 
qui l'emportent, du point de vue critique, sur Migne et Garnier. On 
comprend que ce recueil de textes ne puisse pas s'arrêter à fournir une 
biblivgraphic abondante ; toutelois, celle qui est donnée touchant des points 
controversés ne devrait pas étre unilatérale. Si, au sujet des lettres discutées 
du pape Libère, on croit utile de citer dom Chapman, il ne taudrait pas 
laisser ignorer complètement les travaux de Feder, de Wilmart et de 
Duchesne. Quoi qu’il en soit de ces critiques, nous nous plaisons à rendre 


ALLEMAGNE. 089 


hommage, une fois de plus, à l'excellent recueil du P. Kirch et à souhaiter le 
voir occuper la place qui lui revient dans toutes les bibliothèques ecclésias- 
tiques. Il incitera À l’étude vraiment scientifique et sérieuse et aidera 
singulièrement tous ceux qui voudront l'utiliser et le mettre à profit. 


Au Handbuch zum Neuen Testament, publié par H. Lictzmann, on a 
voulu ajouter un volume complémentaire (Ergänzungs-Band), consacré aux 
Pères apostoliques (Die apostolischen Väter). L'idée vaut ce qu'elle vaut, du 
point de vue de l’histoire littéraire; en fait, elle a au moins l'avantage d’avoir 
provoqué la composition de travaux très fouillés et très riches en rensei- 
gnements de toute nature sur ces anciens documents chrétiens. Une méthode 
identique a été employée par tous les collaborateurs, qui appartiennent 
d’ailleurs à la même école. Les textes sont rendus en une version allemande 
généralement très soignée ; le commentaire, très abondant quoique extré- 
mement condensé, recourt, pour l’interprétation, à toutes les ressources que 
fournissent les progrès de la philologie, de l’histoire littéraire, de l’épigraphie, 
de la papyrologie, de l’histoire des religions, etc., etc. Il en résulte une 
accumulation et presque un entassement extraordinaire de données, et une 
brièveté intentionnelle d'exposition, qui ne vont pas sans déconcerter quelque 
peu le lecteur. Des paragraphes spéciaux, distingués par les caractères 
d'impression, sont consacrés à développer davantage certains points qui 
appellent une explication plus ample; il ne serait pas inutile de relcver dans 
une table les titres de tous ces excursus. Ce que nous venons de dire donne 
encore la physionomie générale du fascicule [V de ce volume complémentaire; 
l’auteur en est M. DiseLius, et le sujet Der Hirt des Hermas (Tubingue, 
Mohr, 1923. In-8, p. 415-644). Ses qualités lui méritent les éloges décernés aux 
précédents. Cela ne veut pas dire que tous les détails du commentaire nous 
paraissent également établis et acceptables, mais il n’est guère possible d’en 
faire ici une critique minuticuse; l'ensemble donne certainement une forte 
impression de richesse et de solidité. Nous préférons noter les principales posi- 
tons adoptées par M. Dibelius dans la critique et l’histoire littéraire du Pas- 
teur. Le texte de base est celui de l'édition de Funk, mais il a été corrigé en 
plus de soixante-dix endroits d’après une meilleure collation du manuscrit G de 
l’Athos ; il y a aussi des corrections conjecturales qui sont, dans la traduction, 
marquées d’un point d'interrogation. Toutes les prétendues données d’auto- 
biographie sont rejetées comme pure fiction ; Hermas et sa famille sont les 
types des défauts de la chrétienté en ce temps et par les fautes qu'ils avouent 
et par les avertissements qu'ils reçoivent ; cela pourrait peut-être ébranler 
l'opinion qui ravale tellement la condition sociale et chrétienne de l’auteur, 
pour en faire un homme du commun, de ces petites gens dont il cherche à 
christianiser la vie intérieure. M. Dibelius soutient l’unité d'auteur, mais 1l 
abandonne l'unité littéraire : l'ouvrage est composé de pièces primitivement 
distinctes, réunies par des liaisons artificielles. Les fréquentes discordances 
dans les idées énoncées doivent s'expliquer par la diversité d'origine des 
traditions reprises par Hermas. L'avancement de la date de composition du 
Pasteur jusqu'à la deuxième ou la troisième décade du deuxième siècle ne 
nous paraît pas absolument justifié ; nous croyons aussi que l'explication de 
Vis. 11, 4, 3 accorde trop peu d'importance à la fonction attribuée à saint 
Clément de Rome. Nous nous abstenons d'autres critiques de détails, et 
nous aimons à redire que ce travail a une grande valeur ct rendra des 
services sérieux aux chercheurs. 


RUE | CHRONIQUE. 


Le Dr H. DoErGens s’est fait une spécialité de l'étude de l’histoire de 
l'apologétique chrét'enne. Le sujet est certes très intéressant et ne manque 
pas d’importance, vu les efforts de certains philologues et théologiens 
modernes pour démontrer que le christianisme est la synthèse et l'abou- 
tissement des religions antiques et de leurs fondements philosophiques. La 
meilleure manière de se faire un jugement objectif et vrai touchant cette 
thèse évolutionniste est de la confronter avec les faits et, pour cela, de 
reconnaitre l'attitude prise et gardée par l’antiquité chrétienne vis-à-vis des 
religions paiennes. L’étonuante érudition d’'Eusèbe de Césarée indique ses 
écrits apologétiques comme sources de choix pour de telles recherches. Déjà 
auparavant, le Dr Doergens leur a demandé ce que le père de l’histoire 
ecclésiastique connaissait de la religion phénicienne ; dans une nouvelle 
enquête, il y puise de quoi déterminer ce que le même auteur connaissait de 
la religion grecque (Eusebius von Cäsarea als Darsteller der griechischen 
Religion. Paderborn, Schôningh, 1922. In-8, x11-133 p ). Comme le précédent, 
le travail a paru dans les Forschungen zur christlichen Literatur- und Dogmen- 
geschichte de A. EHRHARD et J. P. KirscH (t. XIV, fasc. 3). Eusèbe n’a pas 
vu, dans la religion grecque, une construction jouissant d’une parfaite unité 
et homogénéité ; il y a distingué la religion populaire primitive, avec son 
culte astral et la religion naturelle des cercles philosophiques ; entre les 
deux, et réagissant sur chacune d'elles, s’insère la religion officielle, l’accom- 
plissement des rites traditionnels, avec les pratiques magiques, les sacrifices, 
les oracles, etc. L'autcur examine tour à tour, avec un soin minutieux, tout 
ce qu’'Eusèbe connaît de ces trois éléments de la religion grecque ; il étudie 
et détermine les sources d'Eusèbe et la manière dont elles sont mises à 
profit. On ne peut que le féliciter du soin et ue la conscience avec lesquels il 
mène son analyse, qui témoigne, chez lui également, d’une érudition étendue 
et solide. L'évêque de Césarée ne sort pas grandi de cette enquête : Doergens 
juge qu’il ne fut pas un connaisseur de la religion grecque et de sa genèse 
historique, parce que ses matériaux furent insuffisants, repris de deuxième 
et de troisième main, proposés sans critique et souffrant de défauts et 
d'erreurs multiples. Extraire, recueillir, combiner, tels sont les procédés 
habituels, qui laissent au résultat final un caractère assez superficiel. Chez 
Eusèbe, l’apologiste est donc encore au niveau de l'historien, dont la docu. 
mentation l’emporte sur la synthèse et la construction. La présente étude 
est une contribution de valeur à l’histoire de l’apologétique chrétienne. 

J. LEBon. 


— Das Land der Bibel (vol. IV, fasc. 3/4) contient une étude de Pauz 
Mikeey sur les textes d'Eusèbe relatifs aux églises constantiniennes de Terre 
Sainte, où tous les passages en cause sont traduits et expliqués (Die Konstan- 
tin-Kirchen im bheiligen Lande. Eusebius-Texte. Leipzig, Hinrichs, 1923. 
In-8, 56 p.). É. Togac. 


— Aut. XLI de la Bibliothek der Kirchenväter, le Dr PH. HARUSER donne 
la traduction des vingt-quatre Catéchèses attribuées à saint Cyrille de 
Jérusalem : Des heiligen Cyrillus, Bischofs von Jerusalem, Katechesen, aus 
dem Griechischen übersetzt und mit einer Éinleitung verschen (Kempten et 
Munich, Kôsel et Pustet, 1922. In-8, vri-391 p.). À plus d’un point de vue, ces 
anciens monuments de la prédication chrétienne présentent un vif intérêt, ct 
Jon se réjouira de les voir otirir au public dans une traduction qui les rend 


ALLEMAGNE. 5Ko 


fidèlement et leur garde leur caractère de simplicité familière. Le traducteur 
a suivi le texte de la Patrologie grecque ; il connaissait cependant des éditions 
plus critiques et il aurait pu, non sans utilité, écarter ou distinguer les gloses 
qui se sont glissées en certains endroits. L’annotation est très sobre ; elle se 
ontente généralement d'identifier les citations bibliques; cependant, elle 
ciadique parfois des passages parallèles, ou encore des rapprochements entre 
les idées énoncées par saint Cyrille et les doctrines de certains auteurs 
anciens ; les catéchèses mystagogiques ont donné lieu à des remarques et 
explications tirées de l’archéologie et de l’histoire de la liturgie. L'introduction 
est assez sommaire et suscitera sûrement des réserves quant à divers points. 
Sans doute, la doctrine trinitaire de l’évêque de Jérusalem est orthodoxe, 
mais il paraîtra un peu risqué de l’opposer à Acace de Césarée simplement 
comme un partisan de l’homoousie nicéenne à un arien; la réalité historique 
est plus complexe et appelait des distinctions. De même, le témoignage 
élogieux rendu par les évêques, en 382, à la régularité de l'élection de 
saint Cyrille semble montrer qu’on avait cru avoir des raisons d’en douter et 
pose, cn réalité, un problème. L'auteur a raison d'admettre l'authenticité de 
toutes les catéchèses, et d’en fixer la composition à 348 : c'est encore, à 
l'heure acuelle, la position la plus sûre. La répartition des sermons en 
groupes de cinq est assez tentante, mais la perte d'une catéchèse, dans 
laquelle l’évêque de Jérusalem aurait parlé de la descente du Christ aux 
enfers, tout en étant possible, demeure une hypothèse qu'on ne pourra 
peut-être jamais vérifier, car rien n’assure que toutes les prédications de cette 
année ont été recueillies. Aux anciennes versions des catéchèses il faudra 
ajouter une version arabe que, nous l’espérons, on fera connaître pro- 
chainement. J. LeBon. 


— Quel est le but qu'a poursuivi: S. Augustin en écrivant ses Confessions ? 
A:t-il voulu donner une simple autobiographie ? Ou bien se proposait-il de 
faire, par humilité. un aveu public de ses fautes ? Ou bien encore s’efforçait-il 
de répondre aux bienfaits de son Créateur et Rédempteur en chantant ses 
louanges ? Jusqu'à présent ces trois explications ont été tour à tour soutenues 
par les historiens. Elles paraissent cependant insuffisantes, comme le montr: 
M. WoxprT dans son article Augustins Konfessionen (publié dans la Zeitschrift 
für die neutest. Wissenschaft und die Kunde der älteren Kirche, 1923, t. XXII, 
p. 161-205). De l'avis de cet auteur, dans ses Confessions, S. Augustin voulait 
simplement réluter les attaques dirigées contre sa personne par les Dona- 
tistes. Il n'avait donc pas l'intention d'écrire une autobiographie mais bien 
une apologie. Cette nouvelle explication, donnée par M. W., est très sugges. 
tive; elle s'appuie d’ailleurs sur une connaissance étendue de la polémique 
donatiste et de la situation religieuse de l'Eglise d'Afrique à cette époque; en 
outre, elle rend parfaitement compte de toutes les parties des Confessions, en 
particulier des livres XI-XIIL, où S. Augustin propose une explication allé- 
gorique des premiers chapitres de la Genèse. À. D. M. 


— Dansl’excellente collection liturgique : Ecclesia orans, éditée par Dom Il- 
defons Herwegen, abbé bénédictin de Maria Laach, et dont onze volumes 
déjà ont paru, Dom Mizeer, de l’abbaye de Beuron, vient de donner unc 
nouvelle édition de son introduction aux Psaumes qui forme désormais un 
volume séparé : Die Psalmen. Eïinführung in deren Geschichte, Geist und 
liturgische Verwendung. Fribourg, Herder, 1924. In-12, VI1-242 p. Fr. s. 4,50, 


785 CHRONIQUE. 


Comme son titre l'indique, cet ouvrage comprend trois parties : le livre des 
psaumes, l’étude des psaumes, la prière des psaumes. Si nous le signalons ici, 
c'est À cause du chapitre consacré à l’histoire du texte (p. 10-20), où sont 
racontées brièvement les vicissitudes du psautier latin. É. Togac. 


— La collection Kôsel comprend à l’heure actuelle une centaine de petits 
volumes consacrés à toutes les branches du savoir. Parmi les derniers parus, 
l'Einführung in das mittelalterliche Schrifttum du Dr A. BAuckNER (Kempten, 
J. Kôsel et Fr. Pustet, [1923]. In-12, x-174 p., 24 fig.) mérite une mention 
spéciale. On y trouve exposé. sans prétentions scientifiques, mais dans une 
forme claire, d’intéressantes notions sur les sciences auxiliaires de l’histoire. 
L'auteur consacre d’abord un chanitre aux sources historiques en général. 
Il donne ensuite une idée nette et succincte de la paléographie latine, de la 
diplomatique et de la chronologie du moyen âge. Il fait connaître Îcs diverses 
catégories de documents, les règles d'interprétation et de publication, sur: 
tout pour les textes allemands, et donne quelques conseils pour la préserva- 
tion des documents. La bibliographie publiée en appendice fait connaître les 
ouvrages fondamentaux de langue allemande sur les diverses matières 
exposées. R. MAERE. 


— Dans un travail qui lui a coûté beaucoup de recherches, Irische Früh. 
missionäre in Südbayern, publié dans la Wisser schañftliche Festgabe jum 
zwôlfhundertjärigen Jubiläum des heiligen Korbinian (Munich, 1924, p. 43-60), 
le P. Romuazp BaAUERREISs, O. S. B., bibliothécaire de Saint-Boniface de 
Munich, s’est appliqué à recueillir tous les renseignements épars, et dont 
certains étaicnt restés inaperçus, sur les traces du passage et des établisse- 
ments des missionnaires irlandais dans la Bavière méridionale. L'auteur 
incline à voir un de ces insulaires en S. Corbinien, premier évêque de 
Freising (+ 730), pour le douzième centenaire de qui ce volume de mélanges 
a été publié. L. Gouaaup. 


— Îl est impossible de comprendre comment S. Thomas d'Aquin ait pu 
remuer un si vaste monde d'idées et contribuer si puissamment à la diffusion 
de la vérité, à moins de pénétrer dans le secret de sa vie intérieure et 
d'analyser sa psychologie. S'inspirant de cette idée, Mgr GRABMANN s'est 
essayé à peindre le portrait moral du grand docteur, et l’expose dans un 
superbe petit livre : Das Seelenleben des H. Thomas von Aquin (Der katho- 
lische Gedanke T. VII. Munich, Theatiner Verlag, 1924. In-8, 118 p.) Il 
considère comme les traits fondamentaux de la physionomie du saint : la 
sagesse, la charité, la paix ; 1l explique et justifie cette manière de voir par 
des extraits des actes du procès de canonisation et des emprunts aux différen- 
tes œuvres de saint Thomas. C’est la dévotion au Christ, profonde et amou- 
reuse, qui assura au Docteur Angélique ces qualités supérieures dans une 
exceptionclle mesure. D'une main heureuse, le Dr Grabmann feuillette non 
seulement les grands ouvrages de S. Thomas, mais aussi ses opuscules, et 
nous les montre enflammés de la dévotion au Sauveur. Nous sommes tout à 
fait d'accord avec l’auteur : son exposé ne présente pas les caractères ni 
l'allure du panégyrique, mais constitue une étude pleinement objective. 
appuyée sur l'examen des sources, écrite avec clarté et con amore, 


ALLEMAGNE, 587 


Dans sa brochure, Augustinische und thomistische Erkenntnislehre (Pa- 
derborn, F. Schôningh, 1921. In-8, 71 p.), le Dr HESsEN s’est appliqué à 
projeter un rayon de lumière sur la question fort discutée ces derniers temps : 
L'interprétation de S. Augustin par S. Thomas d’Aquin présente-t elle les 
caractères d’une entière objectivité ? Il a ramené le débat et limité la discus- 
sion aux termes du problème de la connaissance. S. Thomas, en cette 
matière, a-t-il rendu fidèlement la pensée augustinienne ? A:-t-il réussi dans 
ses efforts pour faire harmoniser la théorie du Docteur d'Hippone avec les 
doctrines aristotéliciennes ? L'auteur examine cette question et dans ses 
préliminaires historiques et dans les interprétations qu'elle a reçues à diffé- 
rentes époques postérieures. Se rattachant aux vues exprimées jadis par le 
Dr von Hertling dans son étude, Augustinus Citate bei Thomas von Aquin, 
M. Hesse résoud cette question par la négative. Il subsiste un abîme entre 
la théorie augustinienne et la théorie aristotélicienne. Puisque le problème, 
au dire de l’auteur lui-même, se rattache intimement à d’autres doctrines, 
très nettes et très fermes, dans les deux écoles, nous estimons qu'une solu- 
tion définitive de la présente qu°stion ne peut être fournie qu'après une 
étude comparée de l’ensemble du corps doctrinal augustinien et du système 
aristotélico-thomiste, Au point de vue historique même le sujet est -très 
attrayant. Pour ne citer qu’un nom, Robert Kilwardby, O. P. (+ 1279), un 
spécialiste en la doctrine de S. Augustin, a donné dans son commentaire du 
Livre des sentences, demeuré inédit, maints essais de rapprochements entre 
l'Augustinisme et la doctrine péripatéticienne. 


Dans l’histoire du thomisme, l'étude de saint Thomas ne se présente pas 
seulement sous la forme de volumineux et profonds commentaires, mais aussi 
sous la forme de travaux d’un caractère spécial : abrégés, concordances, 
tables. C’est le sujet traité récemment par le Dr GRABMANN, en trois chapitres, 
groupés sous ce titre : Hilfsmittel des Thomasstudiums aus alter Zeit (dans 
Divus Thomas. 1923, 3° sér., t. I. Extrait. Fribourg-en-Suisse, Imprimerie 
S. Paul. In-8, 67 p.). L'auteur a distingué les divers genres de ces abrégés ; il 
s'est arrété plus spécialement aux abrégés latins et grecs de la sonime théo- 
logique ; il a déterminé leur valeur pour l'étude de la pensée thomiste. Les 
concordances sent plus importantes que les abrégés pour la pénétration de 
la doctrine et la question du développement de la pensée de saint Thomas. 
Le Dr G. donne d’abord un aperçu de l'état actuel des recherches en ce 
domaine jusqu’au point où elles ont été conduites par le P. Mandonnet ; il 
complète ensuite les résultats obtenus déjà, en signalant trois nouveaux types 
de concordances inconnus jusqu'à ce jour. La description de ces divers 
travaux est suivie de considérations sur la nécessité de ce genre de 
littérature, empruntées au P. Mandonnet, à Capréolus et à Seraphinus Cap- 
poni a Porrecta. L'étude approfondie de l’œuvre très étendue de l’Angélique 
Docteur a fait naître le besoin de tables ou d’index des principales matières 
traitées par S. Thomas. M. G. a pu découvrir des specimens de tables plus 
anciennes que celles déjà connues de Hervé de la Queuc et de Pierre de 
Bergame. Il en cite le dépôt et signale leurs traits caractéristiques. Tous ces 
travaux : abrégés, concordances, tables, témoignent de l’ardeur consacrée à 
l'étude des œuvres de S. Thomas au cours des xive-xve siècles. Ils demeurent 
aujourd’hui encore d'excellents instruments de travail. Les pages du Dr G. 
se recommandent surtout par la littérature manuscrite qu'elles mettent au 


5SS CHRONIQUE. 


jour. Cette littérature donne un nouvel appui et plus d’ampleur aux conclu- 
sions déjà établies. Dans un appendice. Mgr Grabmann, maintient, avec un 
renfort de preuves, que la concordance : Pertransibunt plurimi..…. est bien 
l'œuvre de Benoît d’Assignano. À l'encontre du P. Mandonnet et de Mgr 
Grabmann, le P. Pelster, S. I., avait récemment prétendu (Gregorianum, 
1923, t. IV, p. 72-105) qu’elle était l'œuvre de saint Thomas. 

R.-M. MarTIN, O. P. 


— Die Kunst des Ostens in Einzeldarstellungen est une collection, dirigée 
par M. W. Con, qui donne un aperçu synthétique sur les arts de l'Orient. 
Elle comprendra dix volumes consacrés à l'Égypte, la Perse, l'Inde, l'Ex- 
tréme-Orient, à l’art de l’Islam et des Maures. Le huitième volume, composé 
par M. H. GLück est consacré à l’art chrétien (Die christliche Kunst des 
Ostens, Berlin, Br. Cassirer, 1923. In-8, x11-67 p., 13 fig. et 132 pl.). L'art 
chrétien de l'Orient, entendu dans son sens le plus large, est une matière 
vaste et disparate, dont il est difficile de retracer l’évolution historique en 
une synthèse suivie. Plutôt que de le taire, l’auteur en expose, en quelques 
chapitres séparés, la raison d’être fondamentale. Il fait de la philosophie de 
l’art. Il veut retrouver partout une manière de concevoir, un principe, qui 
imprime à l’art son caractère. Ce principe qui. en Orient, est à la base de la 
religion, de la philosophie et de l’art, c'est l’idée de l'illimité, de l’abstrait, 
de l’impersonnel, alors que le génie occidental est individualiste, cherche 
un but, une limite. Dans certaines contrées et à certaines époques ces prin- 
cipes, ct les civilisations qui en sont issues, se rencontrent, se heurtent ou 
s’amalgament. Voilà la théorie que M. Giück dégage dans ses considérations 
sur l’art de l'antiquité chrétienne, sur l’art de Bvzance, de l’ Arménie, de 
Venise, de la Sicile, etc. — Moins abstraites que ces aperçus, mais plus 
authentiquement orientales, sont les riches illustrations dont il orne son 
volume. Choisies avec goût parmi les œuvres de tous les pays orientaux, et 
reproduites à la perfection, elles donnent une excellente idée de l’art des 
diverses époques et des diverses contrées de l’Orient ; citons parmi les con- 
trées : la Chine, l'Arménie, l'Égypte, la Russie, l'Ukraine, l'Italie byzantine. 
L'auteur étend son choix de l'antiquité chrétienne au xvitie siècle. Il repro- 
duit des monuments d’architecture, des sculptures, des mosaïques, des 
peintures, mais surtout des chefs-d'œuvre peu connus d’art industriel. 
Feuilleter ces planches sera une révélation pour le profane et parfois pour 
le savant peu spécialisé dans l’art oriental, 


M. J. FRIEDLAENDER, dont la compétence en la matière est universelle- 
ment appréciée, vient de publier le premier volume d’un ouvrage fonda- 
mental et de longuc halcine sur les primitifs flamands : Die altniederländische 
Malerei. T. I. Die Van Eyck; Petrus Christus (Berlin, Cassirer. 168 p., 
LXxI pl). Il décrit pour les maîtres qu'il étudie toutes les œuvres peintes ou 
dessinécs, mais ne les reproduit pas toutes. Les œuvres signées passent en 
tête ; les œuvres disparues sont mentionnées après celles qui sont conser- 
vécs. Le texte comprend aussi une dissertation sur les artistes. Celle qui 
concerne les Van Evck examine à fond la question de la personnalité des 
deux frères. L'auteur propose de rayer de la liste des grands peintres Île 
nom d'Hubert Van Eyck, connu seulement par l'inscription dü tableau de 
l'Agneau, mais ignoré par tous les autres témoignages anciens. Dans un 


ALLEMAGNE. 589 


compte rendu de l’ouvrage paru dans le Burlington Magazine (1924, t. XLIV, 
p. 304-308), M. M. Conway prend avec décision, contre M. Friedländer, le 
parti de Hubert. R. M. 


— L'université de Fribourg-en-Br. a été fondée en 1460, grâce à l'initiative 
de l’archiduc Albert VI d'Autriche et de son épouse la princesse Mathilde 
grâce aussi au concours de l'autorité communale. Dans son article Gründung 
und Gründer der Universität Freiburg-i.-Br. (Zeitschrift der Gesellschaft für 
Beforderung der Geschichts-, Altertums- und Volkskunde von Freiburg, 
t. XXXVII, p. 19-62) P. ALBERT expose, d’après les sources, les origines de 
cette université et les droits que revendiquait l’autorité communale dans son 
administration. 


Dans son article Das Wittenberger Franziskanerkloster und die Refor- 
mation (Franziskanische Studien, t. X, p. 279-307), F. DoELLE montre que 
tous les franciscains, étudiants à la faculté de théologie de l’université de 
Wittemberg, à l'époque de Luther, se sont détachés de l'Église pour adhérer 
à la Réforme. P. Voix. 


— Dans une élégante brochure, intitulée : Charakterbilder katholischer 
Reformatoren des XVI. Jahrhunderts. Ignatius von Loyola ; Teresa de Jesus ; 
Filippo Neri; Carlo Borromeo (Mit einem Gedenkwort zum 70. Geburtstag 
des Verfassers. Fribourg-en-Br., Herder, 1924. In-8, 163 p. avec 5 grav., 
Fr. 21), M. L v. PAsToR montre, en quelques pages dépourvues de tout 
apparat scientifique, ce que la réforme catholique du xvie siècle doit à 
l'initiative et à l’activité autant qu'à la sainteté d’Ignace de Loyola, de 
Thérèse d’Avila, de Philippe de Néri et Charles Borromée. Si le fondateur 
de la Compagnie de Jésus, la réformatrice du Carmel, l’apôtre de Rome, 
l'archevêque de Milan ont, à des titres biens divers, contribué au renouveau 
catholique, une note cependant leur est commune : la sainte obstination à 
vaincre les difficultés que la faiblesse humaine semble devoir susciter à 
toutes les grandes entreprises et à toutes les missions providentielles. Ce 
dernier point, M. von Pastor s’est plu à le mettre en relief, voulant faire 
ainsi de ces quatre petites monographies autant de leçons de caractère et 
d'énergie. 

La notice du Dr Schermann cest d’un grand intérêt pour qui veut connaître 
rapidement la carrière particulièrement féconde du célèbre historien des 
papes. V. SEMPELS. 


— H. Jorpan, Das baverische Konkordat und die Protestanten im Jahre 1818 
(dans Beiträge zur bayer. Kirchengeschichte, 1924, t. XXX, p. 1-29) cherche à 
compléter l'ouvrage de K. À. Geiger (Das bayer. Konkordat von 1. Juni 18178, 
Ratisbonne, 1918), qui n’accorde que peu d’attention à l’attitud: des protes- 
tants. Il a utilisé plusieurs sources inédites, dont de larges extraits sont 
reproduits dans le texte. P. Vox. 


— Le 26 mars dernier a eu lieu, à Berlin-Dahlem, en grande cérémonie, la 
réouverture du Geheïm Staatsarchiy de Prusse. À cette occasion, le directeur 
général des archives de l’État, le Dr P. KEuR, l’érudit bien connu, a retracé 
J'aistoire des archives prussiennes durant un siècle : Ein Jahrhundert preus- 


590 CHRONIQUE. 


sischer Archivenverwaltung (dans les Preussische Jahrbücher, 1924, t. CXCIV, 
P. 159-178). Il a fallu la forte organisation de l'État prussien, après 1815, et 
notamment la vive impulsion des ministres Hardenberg et von Altenstein, 
pour donner au régime des archives publiques un caractère à la fois admini- 
stratif et scientifique qu’elles n’avaient pas auparavant. Néanmoins, entre les 
deux tendances (administration et science), ce fut toujours la première qui 
l'emporta, sous les huit directeurs successifs d'archives générales : K. G. 
v. Raumer, G. Tzschoppe, W. v. Raumer, K. v. Lancizolle, M. Duncker, 
Droysen, v. Sybel et K. Koser (+ 1914). Sous la direction de M. Kehr, le 
caractère scientifique préside à l'organisation des archives de l’État en 
Allemagne ; l'auteur reproche d’ailleurs à l’ancienne organisation un certain 
flottement dans Îcs principes doctrinaux et quelques méprises regrettables. 


Le Dr H. PRAESENT fournit de précieux renseignements sur la production 
livresque de l'Allemagne et des pays d'expression allemande en 1922 et 1933 
Die deutsche wissens hafiliche Literatur der beiden letzten Jahre (dans Litera- 
risches Zentralblatt für Deutschland. 1924, t. LXXV, p. 81-84). Malgré des 
conditions financières fort critiques, cette production a encore été énorme : 
en 1922, on comptait 50.182 publications, dont 26.773 nouveautés; en 1923, 
26.647, dont 21.940 nouveautés. Depuis la stabilisation de la monnaie, en 
novembre dernier, l’afflux d’imprimés s’est de nouveau accru. Au point de 
vue du fond, on remarque surtout des brochures sur les inventions récentes 
(T. S. F.), des livres sur l'occultisme, le spiritisme, les affaires de Russie et 
d'Orient; d’autre part, si les publications touchant la guerre mondiale sont 
en déclin, les éditions de luxe relatives à l’histoire de l’art ont la faveur du 
public ; quant à l'histoire religieuse, notons cette constatation : « dass die 
wissenschaftliche katholische Literatur sich konstanter als die protestantische 
entwickelt hat. » 


Le Dr Ap. JuERGENSs donne de précieux renseignements sur l’activité 
des bibliothèques allemandes pendant et surtout depuis la guerre, dans le 
numéro du 15 juin du Litera-isches Zentralblatt fur Deutschland : Auslandlite- 
ratur auf deutschen Bibliotheken. Le conflit européen a eu sur l'Allemagne 
intellectuelle de profondes répercussions : le personnel des bibliothèques a 
été réduit, les budgets ont été diminués, mais surtout le pays s'est vu isolé et 
les échanges internationaux ont été arrêtés, Ainsi, À titre d'exemple, la 
bibliothèque impériale de Berlin possédait, en 1920, environ 200 périodiques 
scientifiques contre 2600 en 1914. La situation était donc critique en ce 
moment pour la documentation ; mais depuis lors elle s’est très sensiblement 
améliorée grâce à l’affiliation, cn 1920, des Académies, des Universités et des 
Instituts à l’organisme bien connu, signalé souvent par la RHE (t. XVII, 
p.451,t. XVIII, p. 584, ctc ), la Notgemeinschaft der deutschen Wissenschaft, 

‘que dirige M. Schmidt-Ott, ancien ministre de Prusse. Fort de l’appui finan- 
cier de ce puissant groupement, on s'est mis à combler les lacunes en fait de 
périodiques étrangers depuis 1914, les échanges internationaux ont été 
renoués dans la mesure du possible (surtout avec les pays d'expression 
anglo-saxonne) et les revues ont été judicieusement réparties, suivant leur 
genre de spécialités, entre diverses bibliothèques universitaïres. Ainsi la 
bibliothèque de Munich concentre les périodiques touchant le droit, la poli- 
tique et la théologie catholique ; celles de Tubingue et de Giessen les revues 
des missions et théologie protestantes; à Breslau on trouve la littérature 


LS 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 591 


slave, à Kiel, la scandinave, à Gœættingue, celle de l'Angleterre, à Leipzig et 
Hambourg celle d'Amérique, à Heidelberg celle de l'Égypte, à Bonn, les 
périodiques d’expression française ct néerlandaise, etc. Malgré ces cfforts 
louables, il reste beaucoup à faire et le temps perdu n'est pas encore regagné. 
H. Nes. 


Angleterre-Écosse-Irlande. — M. H. Hazc, directeur de la R. hist. 
Soc. de Londres a fait paraître en 1920 le premier volume d’un répertoire 
des archives britanniques : Repertory of British Archives Part I : England. 
Londres. Ce volume contient un aperçu général des archives conservées 
dans les dépôts centraux de Londres, et dans les dépôts des différents comtés 
d'Angleterre. Le premier chapitre traite des documents diplomatiques, 
administratifs et judiciaires des dépôts centraux; le deuxième, des archives 
locales des comtés, des villes, des églises, des corporations, des sociétés, etc. 
Dans un troisième et dernier chapitre l’auteur fait connaître les ditférents 
dépôts de l'Angleterre, en y ajoutant pour chacun d’eux quelques renseigne- 
ments utiles. Des appendices et des index complètent heureusement le volume. 

L'auteur, en composant ce répertoire, a eu comme unique objectif de 
faciliter les recherches des étudiants en histoire, en leur fournissant un guide 
méthodique, facile et pratique, pour les dépôts d’archives du Royaume-Uni. 
Espérons, — car pour nous aussi ce premier volume ne manque pas d'’in- 
térêt, — que les tomes consacrés aux autres parties du Royaume, ne tardcront 
pas à voir le jour ; incontestablement un grand nombre d'archives anglaises 
peuvent intéresser nos historiens qui, jusqu’à ce jour, ont trop négligé 
d'étudier les relativns politiques, économiques et religieuses de notre pays 
avec la Grande-Bretagne. Regrettons aussi l’absence, en Belgique, d’un 
répertoire complet de la matière du précédent, avec les mêmes qualités de 
clarté et de méthode. A. COSEMANs. 


— The apocry-phal New Testament de M. R. James (Oxtord, Clarendon 
Press, 1924. In-8, xxxt-584 p. 10 s.) n'est pas le premier recueil de ce genre 
en langue anglaise. En 1820, William Hone publiait un Apocryphal New 
Testament qui eut une longue et vaste célébrité. C'était pourtant, au juge- 
ment de James, un livre de peu de valeur, peu original et déroutant. Il 
semblait considérer les apocryphes comme la continuation du Nouveau 
Testament, et rangeait parmi eux toute la littérature des Pères apostoliques. 
M. James prend le mot apocryphe dans un sens plus restreint, à peu près 
comme synonyme de faux ou pseudépigraphe. On sait que les savants catho- 
liques appelient apocryphes les livres qui soit par leur teneur, soit par leur 
titre se donnent comme l’œuvre d'un auteur biblique ou qui ont été tenus 
pour inspirés par quelques anciens auteurs ecclésiastiques. Ce nom a pu leur 
être attribué en raison du niystère qui entourait leur origine et leur doctrine. 
Les protestants les appellent pseudépigraphes ou faussement intitulés, même 
quand ils ne portent aucune indication d'auteur. M, James a exclu de sa 
collection beaucup d'œuvres qui figurent dans le recueil de Hennecke. Il 
n'insère ni les Pères apostoliques, ni les apocryphes gnostiques, ni les œuvres 
traitant de la constitution de l'Église ou de sa liturgie, ni la littérature 
clémentine, ni les traditions rabbiniques ou musulmanes relatives à Jésus. Il 
agit ainsi pour diverses raisons : certains de ces ouvrages ne peuvent figurer 
$ous l’ancienne dénumination ecclésiastique d’apocryphes ; d’autres, comme 


592 CHRONIQUE. 


la Didaché, sont très connus et très répaadus ; d’autres exigcraient le travail 
d'un spécialiste ; d'autres ne pouvaient décemment être reproduits. Enfin, un 
recueil d’apocryphes ne formera jamais un corpus absolument complet. Le 
sens du mot a passé par trop de fluctuations, ct les limites chronologiques et 
littéraires resteront toujours très indécises. 

Tel qu'ilest, l’Apocryphal New Testament de James forme un ensemble 
considérable et imposant où se pressent en rangs serrés Evangiles et Actes» 
Epiîtres et Apocalypses, tout ce qu’on entend par cette dénomination vague, 
littérature apocryphe du Nouveau Testament. Au moyen de traductions des 
textes les plus importants, de résumés ou d’extraits de ceux qui le sont moins, 
l’auteur en donne une vue vraiment compréhensive, Il met aussi le lecteur 
au courant des recherches et des acquisitions considérables des trente der- 
nières années. M. James ne s'exagère nullement la valeur des apocryphes, ni 
au point de vue religieux, ni au point de vue historique, ni au point de vue 
littéraire. S'il en publie la version anglaise, c’est pour que d’autres que les 
savants puissent se rendre compte de leur importance toute relative. Ils sont 
d’ailleurs intéressants à d’autres titres. Ils nous transportent au milieu d’une 
époque de grande effervescence religieuse, et nous mettent en contact avec 
les inventions, les espoirs et les craintes de ceux qui les ont écrits, avec les 
préoccupations et les soucis de ceux qui les ont lus. Nous voyons ce que les 
uns et les autres admiraient surtout dans cette vie, ce qu'ils attendaient dans 
l’autre. Enfin, ils ont exercé une influence considérable, dépassant de loin 
leur valeur intrinsèque, sur la littérature et l’art chrétiens du moyen âge, 
auxquels ils ont fourni des thèmes nombreux. Et à ce titre aussi ils méritent 
d'être lus et connus É. ToBac. 


— Dans un opuscule de 27 pages publié par la S. P. C.K., Texts illustrating 
ancient Ruler-worship (Londres, 1924. Prix : 6 d.) qui est le n° 35 de la collec- 
tion Texts for students, le P.C. LaTrey, S. J., M. A., reproduit les passages 
des auteurs grecs et latins, paiïens et chrétiens, depuis l’Iliade jusqu'à Pline et 
Tertullien, où il est fait mention du culte rendu aux rois ou aux empereurs. 


Le British Museum a acquis, l'an dernier, un papyrus qui contient un 
fragment de la Didaché (ch. X-XII) en copte (Ms. 09271). L'écriture peut 
remonter au début du ve siècle. Le Rev. G. HorxER a publié le texte original 
avec unc traduction anglaise dans le Journal of theological studies (1924, 
XXV, p. 225-231). L. Gouaaup. O. S. B. 


— Donnons une brève mention à l'ouvrage de P. CARRINGTON : Christian 
Apologetics of the second Century in their Relation to modern thought 
(Londres, S. P. C. K., 1g21. In-8, 154 p.). L'auteur présente lui-même modes- 
tement son volume comme ne prétendant aucunement être un livre érudit, 
mais comme étant seulement le résultat d'une formation théologique élé- 
mentaire jointe à une lecture bienveillante de la littérature de la période en 
question, On y trouve, considérée de très haut et décrite à larges traits, la 
position du christianisme primitif en face de la religion juive, de la philosophie 
et des cultes du monde païen et du pouvoir politique; on y trouve encore 
l'analyse rapide des principales œuvres de l’apologétique chrétienne ; on y 
trouve surtout, et c'est ce qui fait l'originalité du travail et lui confère un 
réel intérêt, les réflexions qu'inspire à l’auteur la comparaison entre la 
situation dans laquelle les anciens apologistes ont trouvé l'humanité de leur 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-tRLANDE. | 593 


temps et celle dans laquelle le christianisme rencontre nos contemporains. 
C'est l'œuvre d’une âme confiante, sincèrement religieuse, que l'on écoute 
aussi avec sympathie, tout en lui souhaitant, pour pouvoir partager ses 
espérances, les précisions de la foi vraiment lumineuse et parfaite. 

: J. Leon. 


— En dépit des recherches entreprises sur Bachiarius et sa Confession de 
foi : Fides Bachiarii (PL, t. XX, 1019-1036), ce personnage reste énigmatique. 
Le P. M. H. Mac INERNY, O. P., qui vient de s'attaquer à nouveau à la 
question, a raison de dire qu’elle a quelque chose de fascinant. Plusieurs 
hypothèses séduisantes se présentent les unes après les autres, mais toutes 
viennent se heurter à quelque obstacle infranchissable, et aucune ne conduit 
à une solution certaine. Dans une étude très fouillée, St Mochta and Bachia- 
rius, d'abord publiée dans l’Zrish ecclesiastical Record et dont un tirage-à-part 
vient d’être mis dans le commerce (Dublin, Browne et Nolan, 1923. 62 p. 
Prix : 25. 6 d.), le P. Mac Inerny n’a pas de peine à montrer que l'identifica- 
tion de l’auteur de la Fides Bachiarii avec l’irlandais S. Mochta, considérée 
comme certaine, ou à peu près, par plusieurs chercheurs, dont Bale, au 
xvice siècle, et au xix° siècle, Moran, Greith, Bellesheim et d’autres, est 
inadmissible. Tout bien considéré, ce qui lui semble le plus vraisemblable, 
c'est de présenter Bachiarius comme un moine espagnol du début du 
ve siècle, versé dans la Sainte Écriture, adversaire résolu du priscillianisme, 
et qui aurait voulu cacher sa personnalité sous le pseudonyme de Peregrinus. 
Mais, à cause de ses mérites, Bachiarius aurait été tiré de la retraite pour 
étre sacré évêque de Séville. Il est vrai que les listes épiscopales ne le men- 
tionnent point, du moins à cette époque; mais le P. Mac Inerny est persuadé 
que les anciennes listes de Séville, dont s’est servi Gams, ont été soumises À 
de telles manipulations qu’il est impossible de s'y fier. 


Le ms. cottonien (Othon B. VI) qui contenait le texte grec de la Genèse 
en oncialc du ve siècle, illustré de 250 peintures, périt dans l'incendie de 
1731. Dans The Cotton Genesis and Peiresc (Times Literary Supplement du 
7 août 1924, p. 489), le Dr M. KR. JaMEs raconte un épisode inconnu de l’his- 
toire de ce manuscrit, d’après la correspondance de l’érudit Peiresc, d’Aix- 
en-Provence, à qui le manuscrit fut prêté par Camden en 1618. 


Les fragments de poteries découverts dans un € barrow » à Asthall 
(Oxlordshire) seraient, suivant M. E. Taurzow Leeps, l'indice de la sépul- 
ture d’une personne de haut rang incinérée æu vitre siècle. Dans son article, 
The Anglo-Saxon cremation burial of the seventh Century in Asthall Barrow 
(Antiquaries Journal, 1924, IV, p. 113-126), M. E. T. Leeds ne dissimule pas 
sa surprise de trouver cette méthode de sépulture en usage parmi les Anglo- 
Saxons du vie siècle, déjà en grande partie chrétiens. Mais, à supposer 
même que la personne incinérée à Asthall fût chrétienne, ce ne serait pas 
là un cas isolé. On a signalé la persistance de l’incinération chez divers 
peuples chrétiens, au haut moyen âge, notamment en Grande-Bretagne et 
en Bretagne armoricaine (Voir L. Marsizze, La crémation chez les Bre’ons 
Chrétiens dans le Bulletin de la société poly mathique du Morbihan, 1912, p.435.) 


MM. ©. M. Dacros, M. A., et H. J. Braunnozrz, M. A., viennent de 
traduire en anglais huit leçons sur les origines de l’art chrétien données par 


504 CHRONIQUÉ. 


le Professeur STRzYaowski à l’université d'Upsal au printemps de 1919 : 
Origin of Christian art. New facts and principles of research (Oxford, Cla- 
rendon Press, 1923. xvi1-267 pages, avec 74 illustrations). Cette traduction 
contient, en outre, un chapitre inédit (p. 220-252) sur l’art hiberno-saxon au 
temps de Bède. 


M. K. Sisau publie d’après le ms. cottonien Othon C. I du British 
Muscum (fol. 143 v°-146 ro), la version anglo-saxonne d’une lettre de S. Bo- 
niface (Wynfrith) à Eadburge, en 716/717, sur une vision de l’autre monde 
(cfr MGH., Epist. merov. et karol. aevi, I, p. 252-257) : An Old English transla- 
tion of a letter from Wynfrith to Eadburga (Modern language Review, 1923, 
t. XVII, p. 253-272). 


On a découvert dernièrement à Cantorbéry une croix de plomb portant 
une inscription relative à la mort de la sœur de l'abbé Wulfric. On sait 
maintenant que cette personne morte en 1063, dont on ignorait le nom, 
s’appclait Wulfmaeg. Le moine Goscelin en parle dans son Historia transla- 
tionis sancii Augustini, IT, 4 (Micne, PL, CLV, 33). C'est l’objet le plus 
ancien qui ait été découvert au cours des dernières fouilles. Le plus ancien 
après celui-ci est la plaque du cercueil de l'abbé Scotland (1087) (cfr GoscELin, 
Historia, II, 6, co'. 34). Cette croix a été reproduite dans le Times du 
12 avril 1924. 


The early Correspondence of John of Salisbury, tel est le titre de l'étude 
approfondie que M. REeainaLp L. PooE a consacrée à 35 lettres de la cor- 
respondance de Jean de Salisbury, du temps qu'il était secrétaire de Théo- 
bald, arche vêé que de Cantorbéry (+ 1161) (Proceedings of the British Academy, 
t. XI, et tirage-à-part de 27 pages. Londres, Oxford University Press, 1924. 
Prix :15s.6d). Les recherches de M. Poole mettent en lumière plusieurs 
points encore mal connus de la biographie de Jean de Salisbury Jusqu'ici, 
les historiens ne paraissent pas avoir soupçonné que ce personnage séjourna 
à Rome en 1156-1157 et en 1158-1159. Notons qu’à propos de ces voyages, 
l’auteur de ces recherches établit (p. 5-6) qu’il fallait, au xr1e siècle, 49 jours 
environ pour faire le voyage de Cantorbéry à Rome, viâ Mont-Cenis ou 
Mont-Saint-Bernard, mais que, dans un cas d'extrême urgence, un courrier 
pouvait couvrir la même distance à cheval en 29 jours. 


Le 10 septembre 1224, les premiers Frères Mineurs, arrivés d’Itahe 
quelques jours auparavant, se fixaient à Cantorbéry. Après avoir été les 
hôtes des moines de Christchurch, les frères recevaicnt bientôt un lopin de 
terre d'Alexandre de Gloucester, maître de l’hospice des prêtres, qui leur 
bâtit ensuite une chapelle sur ce même terrain. Leurs autres bienfaiteurs de 
la première heure se nomment Simon Langton, frère du célèbre Étienne, et 
Lora, la recluse de Hackington, fille du seigneur de Brecknock. En 1267, 
l’Alderman Joseph Digge leur donna plusieurs acres de terre dans l'ile de 
Binnewith, située dans la Stour, rivière qui traverse la ville de Cantorbér. 
C'est là que fut construite la « friary », dont on voit encore les restes au- 
jourd’hui. L'ouvrage du Dr CHarLes CoTron, The Gray Friars of Canter- 
bury", 1224-1538 (Manchester, University Press, 1924, Xvr112 pages), com- 
mémorera dignement l'événement du 10 septembre 1224. On y trouve 
plusieurs plans et vues du couvent à différentes époques et, en appendice, 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 595 


les noms des gardiens et même la liste des frères aussi complète que la 
pénurie de documents a permis de l’établir. Cette monographie renferme 
enfin une description de la « friary » dans son état actucl. 


M. G. Mac N. RusHFORTH, M. ÀA., F.S. À., a lu sur l’abaque du pilier 
nord de l’arche du chancel de la petite église de Clapton, dans lc comté de 
Gloucester, l’inscription suivante, qui ne doit pas remonter plus haut que le 
xue siècle : « Quiter devote l’[atejr ave geneb[us] ip{se) dixerit, en merces 
t{unc] bi mlille] dies.» L'auteur commente ces lignes dans An Indulgence 
inscription in Clapton Church (The Antiquaries Journal, 1923, t. IIL, p. 338- 
342, avec une figure). 


Signalons, sur Robert Grosseteste [£vëque de Lincoln] et la médecine, une . 
érudite communication faite au troisième Congrès de l'histoire de l'art de 
guérir (Londres, 17-22 juillet 1922) par le Dr ERNEST WICKERSHEIMER 
(Anvers, Impr. De Vlijt, 1923. 4 pages). 


On devait déjà à M. CARLETON BrowN un excellent instrument de tra- 
vail pour l’étude de la littérature religieuse et didactique de l’époque de 
l'anglais moyen, À Register of Middle English religious and didactic Verse, 
ouvrage qui se divise en deux parties, la première, parue en 1916, donnant 
la liste des manuscrits, la seconde, parue en 1920, renfermant les incipit des 
textes et diverses tables. L’admirable édition des poésies religieuses anglaises 
du xive siècle que le même auteur vient de donner au public d’après les 
manuscrits : Religious Lyrics of the rgth Century (Oxford, Clarendon Press, 
1924. XX11-358 pages) rendra de grands services, non seulement aux spécia- 
listes de l’ancienne littérature anglaise, mais aux chercheurs qui s'occupent 
des institutions religieuses du moyen âge, des vieilles dévotions, comme 
aussi de l'influence exercée par la liturgie sur les œuvres dévotes et sur la 
piété privée. M. C. Brown prépare deux autres recueils similaires, l’un pour 
le xrrie siècle, l’autre pour le xve. 


On trouvera dans le Journal of the British archæological Association 
(1922, XXVIIL, p. 169-174) quelques pages de Miss Rose GRAHAM, M. À., 
F.S. A. sur The Cluniac order and its English province. L'étude de Cluny est 
la spécialité de cet auteur (voir RHE, 1924, t. XX, p. 313). 


F. P. BarNaRpD publia en 1902 un Companion to English History, volume 
formé d'une série d’études sur la vie anglaise médiévale. Une nouvelle édition 
de cet ouvrage vient d'être donnée par M. H. W. C. Davis sous le titre de 
Mediaeyal England (Oxford, Clarendon Press, 1924. x11-632 pages), qui est 
une mise au point et méme une refonte partielle de l'ouvrage original. C'est 
ainsi que le ch. I, sur l'architecture religieuse, dù à M. E. A. GREENING 
LamBorn, le ch. X, sur les moines, les religieux mendiants et le clergé 
séculier, de Miss Rose GRAHAM, A. G. LITTLE ct GEOFFREY BASKERVILLE, 
et le ch. XIII, sur les monnaics, de M. G. C. BRooKE, ont été écrits de novo, 
Ce livre, parfaitement imprimé et illustré, est muni d’un glossaire et d’un 
excellent index des sujets traités. 


Dresser seulement la bibliographie de l’histoire du lieu de pèlerinage 
connu sous le nom de Purgatoire de S. Patrice serait un travail qui deman- 
derait de diligentes recherches ct beaucoup de paticnce. En effet, les récits 


596 CHRONIQUE. 


de voyage au Purgatoire datant du moyen âge et des siècles qui ont suivi sont 
très nombreux (voir RHE, 1905, t. V, p. 321), et les travaux modernes sur le 
pèlerinage du Lough Derg le sont encore davantage. Ces dernières années en 
ont vu paraître plusieurs. Citons : x° St Patrick's Purgatory, a mediaeva] 
pilgrimage in Ireland par ST Jonn D. Seymour, B. D. (Dundalk, 1918). 
2° The story of St Patrick’s Purgatorr (Londres, 1919). Enfin, l'an dernier” 
M. G. WATERHOUSE a édité une version allemande du pèlerinage au Lough 
Derg datant de la fin du xrv*e siècle, d'après le ms. A. 7, 19 (fol. 1 r°-2 ro)de 
la bibliothèque de Trinity College de Dublin. Ce texte est une paraphrase de 
la plus ancienne relation latine, celle de Henry de Saltrey (An early German 
account of St Patrick's Purgatory, dans Modern language Review, 1923, 
t. XVIII, p. 317-322). L. Goucaupn. 


— Le Trinity College de Dublin possède un important manuscrit provenant 
de Saint-Albans et se rapportant tout entier, soit à l’abbaye même, soit à son 
patron et au saint clerc qui baptisa celui-ci. Ce clerc prend le nom d’Amphi- 
balus, peut-être à la suite d’une erreur de Geoffroy de Monmouth (1100-1150), 
qui semble avoir mal compris un texte de Gildas (496-570). Le manuscrit 
contient notamment une vie de saint Alban et de saint Amphibalus en vers 
français, œuvre de Matthieu Paris (mort vers 1250). Le célèbre écrivain, 
auteur des Chronica majora et de l’Historia minor, est aussi le traducteur de 
plusieurs vies de saints. D’après certains érudits modernes il aurait écrit de 
sa main une bonne partie du texte du manuscrit de Dublin et exécuté, ou du 
moins dirigé l'exécution de nombreuses enluminures dont il est orné. 

Ces enluminures, d’un dessin animé et plein de caractère, mais d’un 
coloris un peu criard, sont l’objet principal d'une belle publication que la 
Clarendon Press consacre au manuscrit (W. R. L. Lowe et E. F. Jacos, 
Illustrations to the Life of St Alban with a Description by M. R. James. 
Oxford, 1924. In-4, 40 p. et 57 planches). En cffet le texte même de la vie de 
saint Alban a déjà fait l’objet d'une bonne publication, mais l'illustration est 
un document important pour la miniature anglaise du milieu du xzrte siècle 
et en particulier pour l’atelier de Saint-Albans. Les planches reproduisent du 
texte en quantité suffisante pour donner une idée de l'écriture employée alors 
dans le scriptorium de l’abbaye. Il donne en même temps quelques éléments 
utiles pour la reconstitution de la bibliothèque de Saint-Albans à la fin du 
xuie siècle. Les planches reproduisent d’abord trente-six miniatures de la vie 
des deux saints, dix autres se rapportent au voyage des saints Germain et 
Loup en Grande-Bretagne (ve siècle), huit à l’invention des reliques et la 
fondation de l’abbaye (virie siècle) par Offa, roi de Mercie. Deux planches 
reproduisent, d’après un manuscrit de la Bibliothèque d'Este, un hymne à 
saint Alban, avec notation musicale par John Dunstable, célèbre musicien 
anglais du xve siècle, 

Signalons pour leur intérêt iconographique les planches relatives à la 
construction de l’abbatiale de Saint-Aibans, et la croix du saint d’une forme 
très particulière : elle est surmontée d'un disque sur lequel apparaît un 
crucifix. Il existe ailleurs des illustrations, miniatures ou sculptures. de la vie 
de saint Alban (fin du xie-xve sièclc), mais aucune série n’a l'ampleur de 
celle de Dublin. 

L'introduction, sommaire mais substantielle, est accompagnée d’une 
courte description des planches. La reproduction de celles-ci est irrépro- 
Chable, R. M, 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDLE. 507 


— Communication de M. Heozey Hore-NicHoLson dans le Times Literary 
supplement (3 juillet 1924, p. 419-420) sur l’hyÿmnologie et l’icunographie de 
S. Alban de Verulam, à propos de la récente reproduction des miniatures de 
la Vie de Saint Auban (Trinity College, Dublin. Ms. E, I. 40) par l'Oxford 
University Press. L. G. 


— Les origines de la Réforme anglicane ont fait depuis un demi-siècle 
l’ubjet de nombreuses études. Celles-ci ont pu tirer grand profit de précieuses 
.- publications critiques des sources officielles telles que les grandes collections 
iititulées : Calendar of State papers, Letters and papers domestic and foreign, 
Visitations of religious houses in the diocese of Lincoln etc. La voie a été 
aplanie pour les monographies nouvelles qui elles-mêmes vont permettre de 
reviser le jugement d'ensemble assez tendancieux que l'on se formait naguère 
au sujet de la vie religieuse de l'Angleterre à la veille de la Réforme. Les 
diverses publications du cardinal Gasquet et du protesseur Pollard sont une 
vue infiniment plus proche de la vérité que bien des travaux antérieurs, i 

Avec un souci remarquable d’impartalité, le pasteur R.S. ARROWSMITH, 
(M. A., Rector of Seale, Surrey) s’est cfforcé à l'aide des moyens de fortune 
que lui laissait l'éloignement des grandes bibliothèques, d'apporter sa pierre 
à la reconstitution historique de l’Angleterre religieuse de Wiclef au temps 
d'Henri VIIL L'auteur a fourragé dans les publications de sources et a 
recueilli tout un butin de fiches dont il publie le contenu dans le volume paru 
dans la collection Studies in Church History sous le titre : The Prelude to the 
Réformation. À study of english Church life from the age of Wycliffe to the 
breach with Rome. (Londres. SPCK., 1923. x11-226 p.) Ce titre promet sensible- 
ment plus que les deux cents pages de l’ouvrage ne donnent et l’on chercherait 
vainement une vue d’ensemble sur la vie chrétienne en Angleterre à cette 
époque. L'auteur corrige lui-même, dans son texte, les promesses du titre. Il 
se borne à communiquer, sans d’ailleurs les synthétiser, les notes prises au 
cours de ses lectures. Son but est de donner « some account of English. 
Church life … My treatment of the period lays no claim to being in any way 
adequate or exhaustive » (P. V.) Entre autres, il s'interdit, de propos délibéré, 
de signaler les côtés favorables de la vie religieuse anglaise, pour ne pas faire 
double emploi avee es travaux publiés avant le sien. Soit. Mais alors on 
préfèrerait un titre réel déterminant davantage l’objet très limité du livre, 
« Quelques notes sur des tares dont souffrait l'Église en Angleterre à la 
veille de la Réforme », annoncerait plus exactement le contenu du livre qui, 
au dire de l’auteur lui-même, «is simply a sketch of certain aspects of Church 
hfe, and in no sense a formal history. » (P. V.) L'ordre des chapitres cest assez 
logique : I. L’évêque à la fin du moyen âge. Il. Le clergé des cathédrales et 
des collégiales. III. Quelques types du clergé paroissial. IV. La tension 
croissante des relations avec Rome. V. Les pouvoirs et les privilèges de 
l'Église, VI. Colet et le nouveau mouvement de rélorme pédagogique. 
VI. Quelques couvents anglais vus à la lumière des pièces concernant la 
visite qui s’y fit après la peste noire. VIIL Conclusions, Nous craignons qu'il 
ne faille aiticuler la même remarque pour ces divers chapitres que pour tout 
le volume sur le rapport de la disproportion qui existe entre les promesses 
des titres et le contenu réel des exposés auxquels ils président. Ainsi le 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, àX 38 


598 CHRONIQUE. 


huitième chapitre ne peut être dit la conclusion du livre que parce qu'il 
vient, en fait, le dernier. Il serait difficile d'y voir une conclusion logique de 
l'exposé ou plutôt des notes communiquées dans les sept premiers chapitres. 
Pour ce qui est des abus eux-mêmes touchés dans le livre, il faut féliciter 
l’auteur d’avoir eu soin, la plupart du temps, de donner ses preuves à l’appui 
et de s'être garé de son mieux du grand écueil que serait la généralisation 
hâtive et sans induction complète ou suffisante de cas particuliers. Des per- 
sonnages exceptionnels donnés comme types représentatifs d’une classe ou 
d’une profession ne sont que d’odieux trompe-l'œil. P. M. Pretre. 


— ‘Très important pour l’histoire des missions est l’article que vient de 
publier M. JAMES SournHwoop dans le Bulletin of the School! of Oriental 
Studies de Londres (1924, IL, p, 231-240) intitulé Thomas Stephens, S. J.,the 
first Englishman in India. La carrière de ce zélé jésuite est mal connue. En 
dehors de ses écrits philologiques, conservés dans la collection Marsden, qui 
a été transféréc du King’s College à la School of Oriental Studies, on pos- 
sède seulement deux lettres de lui. La plus importante de ces lettres a été 
publiée en 1904 dans l’ouvrage de Hakluyt, Principal navisations, voyages, etc. 
(t. VI, p. 377-385). Elle est datée du 10 novembre 1579 et adressée au père 
du missionnaire. Parti de Rome dans les premiers mois de l’année 1579, le 
P. Thomas Stephens s’embarqua à Lisbonne pour Goa, le 4 avril de la même 
année. La seconde lettre, écrite en latin à son frère Richard, est conservée 
à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Le P. Stephens mourut en 1619 après 
quarante années de travaux apostoliques dans la province de Goa. On le 
donne comme le premier Anglais qui ait vécu et soit mort dans l’Inde. 


Ajoutons que le R. P. C. WesseLs, S. J., du Collège de S. Willibrord 
à Katwijk sur le Rhin, vient de publier un bon livre en anglais sur les pre” 
miers voyagcs et missions de Jésuites européens dans l’Asie centrale de 
1603 à 1721 : Early Jesuit travellers in Central Asia (La Haye, Martinus 
Nijhoff, 1924, Xv1-344 pages. Prix : 12 flor.). 


L'histoire assez compliquée des reliques du protomartyr de Grande- 
Bretagne depuis la réforme a été esquissée par MARGARET ŸEo : Some post- 
dissolution relics of St-Alban (The Tablet, 5 juillet 1924, p. 6-8). 


Le second volume, consacré au comté d’York (North Riding) de l’admi- 
rable collection The Victoria history of the counties of England, éditée par 
M. WiLLiaAM PAGE, F. S. A., contient la description topographique du North 
Riuing (voir RHE, 1924, t. XX. p. 140). Le volume était terminé depuis 1914, 
mais il n’a pu être publié que l'an dernier (Lonires, 1923. xxt1-560 pages). On 
y trouvera, comme dans les précédents, une mine de renseignements variés 
sur les établissements et monuments ecclésiastiques du passé. Chaque cha- 
pitre est l'œuvre d'un spécialiste. Les illustrations sont abondantes et 
soignées, 


Le troisième volume (Kaile-Ryves) des Alumni Cantabrigenses, de J. et 
J. A. VENN (Cambridge, University Press, 1924. 504 pages. Prix : 150 sh.) 
contient des notices biographiques importantes, par exemple celles de 
Newton, de Pepys, de Prior (voir RHE, 1923, t. XIX, p 614). 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IiRLANDE: 590 


On trouvera dans le Journal of the British Archæological Association 
(t. XXVIIT, 1922) des renseignements sur les fouilles ou découvertes d’anti- 
quités ecclésiastiques faites récemment à l’abbaye de Kenilworth (War- 
wickshire) (p. 136-138), à l’abbaye de Cockersand (Lancashire) (p. 230-233), 
à l’abbaye de Byland {Yorks) (p. 131 et 254), à l'abbaye de Leicester (p. 255- 
256), À l’abbaye de Chertsey (Surrey) (p. 270-272), à l'ile d’Iona, en Ecosse 


(p. 277). 


Le Rev. Jon R. FLETCHER donne des éclaircissement sur l’acquisition 
faite par un antiquaire de Norwich nommé Stevenson de quantité de vitraux 
provenant de plusieurs églises de Rouen, Saint-Jean, Saint-Nicolas, Saint- 
Cande-le Vieux, les Chartreux et Saint-Herbland, fermées en 1791. Ces 
vitraux furent exposés à Londres en 1802 et ensuite dispersés en Angleterre 
(An exlubition of French painted glass in Londun about À. D. 1802. dans Notes 
“and Queries, 1924, t. CXLVI, p. 243-244). 


The Church of the Holy Sepulchre par M. H. T. F. DuckworTx (Lon- 
dres, [1922]. 296 p.) est une histoire illustrée de l’église du Saint-Sépulcre à 
Jérusalem, depuis les origines jusqu'à l’année 1850. 


On songe, en Irlande, à faire de 1932 une année digne de mémoire, 
Cette année sera celle du quinzième centenaire de l’arrivée dans l’île de 
S. Patrice, apôtre du pays. Comment commémorer dignement ce grand fait 
historique ? Le Professeur EoiN Mac NEILL, ministre de Instruction publique 
de l’État libre d'Irlande, propose d’inaugurer à cette occasion une vaste 
collection de textes historiques à laquelle on pourrait donner le nom de 
Monumenta Hiberniae et dont la publication se continuerait ensuite pendant 
un grand nonrbre d'années. Il conviendrait que le premier volume contint, 
en l'honneur du héros du centenaire, le texte de sa Confessio et celui de son 
Epistola ad Coroticum regem. Ce grand projet, qui nécessiterait de très 
grosses ressources financières et le concours d’un grand nombre d'hommes 
compétents, a été exposé par le Professeur Mac Neill dans la revue trimes- 
trielle de Dublin Studies (1924, t. XIII, p. 177-188) dans un article intitulé 
The fifieenth Centenary of St Patrick, a suggested form of Commemoration. 

La direction de ce périodique ayant demandé à quelques spécialistes de 
faire part au public de leur sentiment touchant le projet lancé par le Ministre 
de l’Instruction publique, cinq commentaires ont été imprimés à la suite de 
l’article. Le projet paraît « formidable » au Prof. PAUL WaLsH. Sa réalisa- 
tion entraînera de très lourdes dépenses. Comment se procurer les fonds 
nécessaires ? Depuis la guerre, les travaux de recherches historiques ou phi- 
lologiques sont pour ainsi dire impossibles. Il insiste ensuite sur la néces- 
sité de confier la direction et l'exécution des travaux à des gens d’une 
science et d'une expérience éprouvées afin que ne se renouvellent pas les 
mécomptes auxquels donna lieu la publication des Laws of Ireland par la 
Brehon Law Commission. Le mème philologue signale enfin l'intérèt parti- 
culier que présentent pour l'histoire d'Irlande certains textes encore inédits, 
principalement les généalogies des Saints d'Irlande, dont il demande l’in- 
scription au programme des Afonumenta Hiberniae. 

Le Dr Daniez A. BiNcHy insiste sur la nécessité de coordonner les efforts 
des travailleurs, et il estime qu’il serait bon de commencer par élucider cer-: 


600 CHRONIQUE. 


taines questions préliminaires, avant d'entreprendre les publications de 
textes. 11 indique notamment les suivantes : 1° Etude des œuvres des gram- 
mairiens irlandais du moyen âge, dont plusieurs sont encore inédites ; — 
20 Relations des soi-disant Schottenkloster de l'Ailemagne du sud et de 
l'Autriche avec l'Irlande ; — 30 Etude particulière des monastères irlandais 
de Ratisbonne avant la mainmise des Ecossais sur ces cloîtres, en 1518 ; — 
4° Recherches sur la paléographie et la philologie latino-irlandaises du 
moyen âge, spécialement en vue de la différenciation des écritures scotique 
et anglo-saxonne. 

Le R. P. BRENDAN JENNIXGs, O. F. M., rappelle l’intérét qu'il y aurait à 
réunir tous les renseignements épars sur les très nombreux couvents de 
Franciscains irlandais sur le Conunent, à Rome, Louvain, Paris, Prague, 
Vielun (Pologne), Boulay (Lorraine), Capranica, qui furent autant de foyers 
d'influence irlandaise à l'étranger. La publication des documents conservés 
au couvent de; Franciscains de Merchants Quay, à Dublin, serait particu- 
lièrement utile à ceux qui entreprendraient cette étude. 

Un quatrième commentateur déciare qu'il serait bon de commencer par 
dresser le catalogue, aussi complet que possible, des manuscrits irlandais du 
moyen âge, écrits en latin, cn grec ou en gaéiique, ct conservés dans de 
nombreuses bibliothèques de l’Europe, et il indique plusieurs travaux biblio- 
graphiques déjà exécutés en Irlande, dont plusieurs seraient d’excellents 
mouèles, 

Suivant le Prof. Thomas F. O’RauiLLy, il faudrait que ce projet magni- 
fique, mais d'une exécution difhcile, reçût l’appui financier du gouvernement 
du Free State, lequel, jusqu'à présent, dit-il, a fait preuve de la plus regret- 
table indirtérence et n’a aucunement encouragé les études supérieures de 
philologie celtique, que le gouvernement anglais, au contraire, subvention- 
nait autrelois. 


Sur la méthode historique du Dr Coulton et sur quelques points de son 
récent ouvrage, Five centuries of Religion, t. Î (1000-1200) (Cambridge, 1923), 
qui appellent paruculiérement la discussion, une polémique s’est engagee 
dans la revue History. Le Protesseur PoWwICKE ayant souligné quelques 
fâcheuses dispositions de tempérament ou erreurs de méthode préjudiciables 
aux recherches du Dr Coulton (7'he historical method of M" Coulton, dans 
History, 1924, VILL, p. 256-268), celui-ci lui a répondu dans les pages intitu- 
lées Z'he ways of History (1924, 1XK, p. 1-13), ce qui a provoqué une réplique 
du Prof. Powicke : Some observations in conclusion (p. 13-17). Un historien et 
spécialement un médiéviste suivra avec intérét et profit cette polémique qui 
touche à plusieurs points importants de la méthode historique. 


Des cours de vacances ayant pour objet l'histoire du moyen âge ont été 
organisés, cette année, par l’université d'Oxford et ont eu lieu dans cette 
vüule du 28 juillet au 23 août. Nous relevons les sujets suivants de cours 
relatifs à nos études : How Mediaeyal Chronicles n'ere made [(REGINALD LANE 
PooLe); Charlemagne; Gregory VII (W. H. Carzess Davis); Frederick 
Barbarvussa ; The Emperor Henry VI (AUSTIN LANE POLE); Church and 
State in the Aliddle Ages (A. L. SMITH); W'aat is meant by the say-ing that the 
Bible is the text-book vf the Middle Ages ? (F. M. PowickE); The Age of 
Dante {CESARE FOLIGNO) ; Monasticism and Labour : mainly a study of rural 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IR LANDE. 601 


life in mediaeval England and of monastic relations to it (G. G. CouLTon); 
Franciscan Studies (A. G. Lirrce); Wycliffe and Reform Movements (K N. 
BELL). 


L'Historical Association indique dans son dix-septième rapport annuel 
(rer juillet 1922-30 juin 1923), les sujets suivants ayant trait à l'étude ou à 
l'enseignement de l'histoire ecclésiastique qui ont fait l’objet de lectures dans 
les diverses branches de l'Association, dans le cours de l’année dernière. A 
Cantorbéry, The abbots of St Albans par M. WaLroRD D. GREEN, M. A.; The 
recantations of Archbishop Cranmer (Rev. Dr Masox); John Colet par le même 
à la branche Cheltenham-Gloucester, Westminster Abbey (Chan. BaARKNESs, 
D. Sc.. F. R. S.); à Chester, Religious toleration in the sixteeth Century 
(Prof. A. J. GRANT); à Craydon, Lollardy and the Reformation (M. H. F. 
BinG); à Derby, The growth of religious toleration (Rev. H. S. GooDkicH, 
M. A.); à Durham, À mediaeval bishop and his household (M. HAMILTON 
THompson, M. A., F.S.A.); The Pilgrim Way to Compostella (Dr.H. THo- 
MAS); Hexham and its Abbey (M. Jon Gti8son, F. $S. A.); à la branche 
d'Essex, À parish clerk’s register (Miss VAUGHAN) ; à Exeter, St Anthony of 
Padua (M. A. G. FeRRERO HowELL) ; à Hertford, Pope Adrian and Arnold of 
Brescia (Mrs TREVELYAN et M. F. S. Marvin, M. A, H. M.I.); à la branche 
du Lancashire, Some aspects of mediaeval libraries (Prof. F. M. Powicke) ; à 
Lecds, The Reformation as Rome sees ist (Rev. E. RockLirr, S. J.); à Lon- 
dres (Nord), Charlemagne and the dawn of the Middle Ages (Miss E. M. BURKE, 
L. L. A.); à Manchester, Les croisades, l'urs causes et conséquences (Prof. 
E. DÉPREz. de l'université de Rennes); à la branche de Norfolk, Confessors 
of the old Religion (Mrs Ivo Hood); à Oxford, The Church and Monasterr of 
St Peter's Westminster (Rev. H. F. WEesTLAKE, M V. O., F.S. À.); à Shef- 
field, St Francis and the Assisi country (Miss WHITEHEAD); à la branche du 
Staffordshire (Nord), Some religious movements in France in the eighteenth and 
n'neteenth Centuries (M. À. T. DANtEL); à York, The mediaeval documents of 
the Vicars-Choral of York Minster (Rev. F. HaARRISON. F. S. A (Scot.). 

Nous devons signaler aussi la brochure no 57, The English parish Church 
par M. SaMUEL GARDNER, que vient de publier l'Historical Association. Cet 
opuscule de 24 pages renferme onze honnes planches. Ïl se vend 1 s. 1 d., au 
siège de l’Association (22, Russell Square, Londres, W. C. 1). : 


Parmi les lectures faites pendant la dernière session (1923-1924) de la 
St Thomas historical Society, laquelle s'appelle maintenant Lingard Society, 
(voir RHE, 1923,t XIX, p. 617), il faut noter les suivantes : The Council of 
Mertor par F. W. Sxerwoop (8 octobre); Two St Bartholomew Myths, par 
Maurice WiLkiNson, M. A. (12 novembre), publiée dans la Dublin Review 
sous le titre de The problem of St Bartholomew’s massacre ; The civil constitu- 
tion of the clergy in the French Revolution, par J. J. Dwyer (14 décembre) ; 
The conversion of the Norsemen, par le Rev. H. HARRINGTON (14 janvier); The 
history of Elizabeth in our Schoo!s, par le Rev. J. H. PoceEn, S. J. (10 mars); 
The Lateran Canons and Ireland, par l'abbé Suiru, D. D., C. KR. L. (1x4 avril); 
Archbishop Ullathorne, par l’Abbé Bureer, Litt. D., O.S. B. (12 mai). 


Le Guile to the Manuscripts preserved in the Public Record Office dont 
M. M.S. Gruserpi, F.S. A., conservateur au Record Office, vient de donner 
le rer volume (Londres, 1923. XxX1V-411 p. Prix : 12 s. 6 d.), est une refonte de 


6C2 CHRONIQUE. 


la dernière édition du Guide to the principal classes of documents preserved in 
the Public Record Office de M. S. KR. ScaraiLL-Birp (1908). Ce volume com- 
prend les records légaux, judiciaires et administratifs qui se rapportent à la 
chancellerie, à l’échiquier, au King’s Bench et à d'autres cours et adminis- 
trations d’État. 


M. H. S. CRAWFORD a dressé un très utile catalogue deccriptif des 
châsses et r«liquaires irlandais, ainsi que des crosses et des écrins de livres 
et de clochettes, nombreux, comme on sait, en Irlande. Ce Descriptive «ata- 
logue of Irish shrines and reliquaries (Journal of the Royal Society of Anti- 
quaries of Ireland, 1923, t. LIII, p. 74-93, 151-176) est accompagné dc très 
nombreuses illustrations. 


Dans le Journal of theological studies (1924, t. XXV, p. 178-183). le 
Rme Dom F. CaBRoL a donné une bibliographie de feu Dom Paul Cagin, 
O. S. B., comprenant 23 numéros (voir RHE, 1924, t. XX, p. 166). 


Le 8 juillet s'est tenue, sous la présidence du Professeur A. F. Pollard, 
au siège de l’{nstitute of historical Research de Londres, la troisième con-- 
férence historique anglo-américaine, destinée à promouvoir la coopération, 
dans le domaine historique, de l'Angleterre et de l'Amérique, M. C. W. 
ALVORD, ex-professeur de l’Université de Minesota, a parlé en faveur de la 
coopération scientifique spécialement au point de vue de l’échange des pério- 
diques historiques publiés en langue anglaise centre les divers centres 
d'études, universités, sociétés historiques et autres corps savants. 


Les Professeurs A. F. PoczaRrD et R. W. SETON-Warsox et M. HUBERT 
HaLc représenteront l’université de Londres à la conférence anglo-améri- 
caine de professeurs d'histoire qui se réunira en décembre 1924 à Richmond 
(Virginie). 


Nomination. — A la fin de juillet, le Dr A. HamiILTON THompson, lecteur 
d'histoire à l’université de Lecds, a été nommé professeur d'histoire du 
moyen âge à la même université. 


Décès. — Le 9 février 1924, le doyen de Carlisle, HASTINGS RASHDALL, 
âgé de 65 ans, dont le magnum opus est l'ouvrage en trois volumes bien 
connu : Universities of Europe in the Middle Ages (Lnndres, 1895). 

En mars, le Rev. GeorGE Lewis, auteur de nombreuses traductions des 
Pères, du De spiritu sancto de S. Basile (1888), du De consideratione de S. Ber- 
‘nard (1908) et de plusieurs œuvres de S. Jérôme (1893). 

Le g mars. le Dr E. C.S. Ginson, évêque anglican de Gloucester. Né à 
Fawley (Hampshire) le 22 jan ‘ier 1848, il avait écrit : Northumbrian Saints 
or chapters from the early history of the English Church (1884); The Old 
Testament in the New (1907). Il a donné, en 1895, une traduction anglaise de 
Cassien. 

Le 2; mars, à l'âge de 91 ans, à Winterton, le chanoine JosePH-THoMaAs 
FowLer. Il exerça d'abord la méde:ine, et n'entra dans les ordres anglicans 
qu'en 1861. Il fut pendant quarante-cinq ans lecteur d’hébreu à l'université 
de Durham ct pendant quarante-scpt ans vice-principal du Bishop Hatfield’s 
Hall de la même ville. En 1867, il devint Fellow de la Society of Antiquaries, 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 603 


dont il fut le secrétaire régional de 1873 à 1917. Cet érudit, qui s'intéressait 
à tout ce qui concernait l’histoire ecclésiastique et l'archéologie religieuses 
aimait à répéter le mot du vénérable Bède : « Rien ne m'est plus agréable 
que d'apprendre, d'enseigner ou d'écrire » Il a publié : Memorials of the 
Abbey of St Mary of Fountains, cdited by J. R. Walbran, continued by 
J. T. F. (1863-1918); The Coucher Bok of Selby (Yorkshire archaeological 
and topographical association. Record series, X, XIII, 1831); The life of 
St Cuthbert in English Verse (Surtees Society, LXXX VII, 1891) ; une édition 
de la Vita Columbae d'Adamnan (xre édit : 1894; 2e édit. : 1920); Durham 
Cathedral (1898); Extracts from the Account Rolls of the abbey of Durham 
(1898 etc.): Rites of Durham (1903). En 1910, il a publié ses mémoires sous 
le titre de Senilia : recollectiors of University life in Durham, 1858-1977. 

Le 28 mars, à Monte-Carlo, le Dr WaLTer DE (RAY BircH, LL., D., 
érudit qui appartint pendant trente-huit ans au département des manuscrits 
de British Museum. Il était né le rer janvier 1842. L'étude des chartes et des 
sceaux devint de bonne heure sa spécialité. Il dirigea pendant 22 ans le 
Journal of the British archaeological Association. Relevons, parmi ses nom- 
breuses publications, les suivantes : Fasti monastici aevi saxonici (1872) ;: 
Early drawings and illuminations, en collaboration avec Henry Jenner (1879); 
Cartularium Sixonicum, a collection of charters relating to Anglo-Saxon 
history, 4 vol. (1885-1899): Catalogue of seals in the Dep. of Mss. of the 
British Museum (1887, etc.); Ân ancient Ms. of the 8tk or otk cent. formerly 
belonging to St Mary's Abbey or Nunnaminster, Winchester (Hampshire 
Record Society, 1889) ; Domesdiay Book, a popular account of the Exchequer 
Manuscript so called (1887, 2° édit., 1908) ; Liber Vitae : Register and martyro- 
log)" of New Minster and Hyde Abbey, Winchester (1892); Ordinale conventus 
Vallis Caulium (1900). 

Au début d'avril, le Rev. W. F. SLATER, ancien professeur de littérature 
biblique au Didsbury College de Manchester. Il était né à Uitoxeter en 
1831. Il laisse : The religious opportunities of the heathen before Christ (1866) ; 
Methodism in the light of the early Church (1885); The Faïth and life of the 
early. Church (1892). 

Le 12 avril, ARTHUR LiIoNEL SMITH, M. A., L. L. D., maître de Balliol 
College, à Oxford, âgé de 73 ans, auteur de Church ani state in the Middle 
Ages (1905) et de F. W, Maitlan 1 (198). | 

Le 14 mai, le Rev. GEORGE MARGOLIOUTH, âgé de 70 ans, qui a publié le 
catalogue des manuscrits hébraïques et samaritains du British Museum 
(1899-19+2). 

Le 26 mai, Sir SamueL Die, né le 26 mars 1844 à Ballymena, Co Antrim 
(Irlande), Fellow de Corpus Christi College (Oxford) en 1869. maître de la 
Grammar School de Manchester en 1877, professeur de grec à la Queen's 
University de Belfast, de 1890 au 1°r janvier 1924, auteur de Roman Society 
in the last century of the Western Empire (1898), Roman Society from Nero to 
Marcus Aurelius (1904). 

Le 8 juin, le Rev. VINCENT HENRY STANTON, D. D, professeur émérite 
de théologie à Cambridge, âgé de 78 ans. Quand le Dr Swecte résigna ses 
fonctions en 1916, le Dr Stanton lui succéda comme Regius Professor of 
Divinity à Cambridge, chaire qu’il occupa jusqu’en 1923 (voir RHE, 1923, 
t. XIX, p. 115). La théologie spéculative et l’histoire des livres du Nouvea'- 
Testament l’intéressèrent également. Il laisse : The Jewish and the Christian 


CO CHRONIQUE. 


Messiah (1887), The place of authority in matters of religious belief (x89x) ct 
The Gospels as historical documents, en 3 volumes (1903, 1909, 1920). 

Le 19 juin, Sir 4. W. Wan, l'historien bien connu, maître de Peterhouse 
à Cambridge. Il était né à Hampstead le 2 décembre 1837. En 1866, il fut 
nommé professeur de langue et de littérature anglaise ainsi que d'histoire 
ancienne et moderne à Owens College (Manchester). Il fut président de plu- 
sieurs sociétés savantes, (British Academy, Royal historical Society, English 
Goethe Society). {1 exerça les fonctions de vice-chancelier de l’Université de 
Cambridge en 1901-1902. Les syvndics des presses de l'université de Cam- 
bridge le choisirent comme éditeur en chef de la Cambriige Modern History, 
et il fut co-éditeur, avec M. A. R. Waller, de la Cambridge History of 
English Literature, ainsi que de la Cambridge History of British foreign 
policy, ouvrage dont il écrivit l'introduction. 

En juin, le Rev. L. A. T. Poocer. ancien archidiacre de Down (Église 
d'Irlande). Né le 29 janvier 1858, auteur de St Patrick in Co. Down (1904), 
réponse aux théories du Professeur Zimmer sur S. Patrice. 

L. Goucaup, O.S. B. 


Autriche. — Les Historische Blätter, publiés chez Rikola à Vienne, ont 
cessé de paraître. 


Belgique. — Le KR. P. I. BEaurays vient de résumer en une intéressante 
brochure les leçons qu’il donna au cercle Saint-Capistran, au cours de 
l’année 1922-1923, sur les origines chrétiennes (Aux premiers jours de l'Église. 
Bruxelles, La lecture au foyer, 1924. In-8, 105 p., 6 hors-texte. Fr. 7,50). Ce 
petit livre sera suivi d’un travail similaire sur l’apostolat de S. Paul et sur 
l'activité littéraire de S. Jean. Il utilise et synthétise les renseignements 
fournis par le Nouveau Testament et les replace avec un art parfait dans 
leur milieu historique. C’est un tableau attachant, plein de vie et de couleur, 
de la communauté chrétienne de Jérusalem à ses débuts. Ce n’est q'’après 
lecture que l’on constate combien les titres des six chapitres : A la veille de 
la catastrophe, Conducteurs d’aveugles, Le petit troupeau du bon Pasteur, 
La doctrine des apôtres et la fraction du pain, Vous serez haïs à cause de 
moi, Le royaume d'Israël, résument exactement le sujet et en montrent le 
développement progressif. Il s’agit en réalité de retracer le mouvement des 
idées et des faits chez les Juifs à l’époque du Messie, d’y juxtaposer le tableau 
de la petite communauté judéo-chrétienne de Jérusalem avec ses attaches 
nombreuses au ju jaisme et ses quelques traits distinctifs, de décrire enfin la 
situation interne et externe du petit troupeau, ses premiers succès d’apos- 
tolat, les premières difficultés qui surgissent dans son sein. Ces pages, où nous 
pourrions relever quelques exagérations et quelques références inexactes, 
rayonneront bien au delà du cercle Saint-Capistran. É. Touac. 


— L'ouvrage sur Clovis de GobErrRoID KURTH a conservé, après plus de 
vingt ans, toute sa valeur. Basé sur une critique rigoureuse et pénétrante des 
sources et inspiré par une conception philosophique de l'histoire des plus 
élevées, il retrace de l'influence civiisatrice de l'Église un tableau dont'les 
nombreuses études récentes n’ont guère pu modifier les grandes lignes. En 
publiant de cet ouvrage une troisième édition (Bruxelles, 1923. 2 vol. in-12, 


BELGIQUE. 6 


XXvVHI-384 et 361 p. Fr. 12) la librairie A. Dewit a bien fait de reproduire 
simplement le texte de la deuxième, parue en 1901. A. D. M. 


— Dom URSMER BERLIÈRE a publié récemment quelques articles sur des 
questions spéciales d'histoire monastique qu'il est utile de signaler dans 
cette chronique. Il a donné dans la Revue belge de philologie et d'histoire 
(1923, t. IT, p. 237-266 ct 461-484) une étude très fouillée sur « Honorius III 
et les monastères bénédictins (1216-1227) », travail basé en grande partie sur 
les textes publiés par Pressutti /Regesta Honorii papae III) et Potthast. Après 
avoir réuni dans une plaquette une quantité énorme de renscignements et 
d’exemples sur la question des « Monastéres doubles aux XII° et XIIIe siècles » 
(x923, 32 p.}, voici que le savant bénédictin fait paraître une étude sur « Le 
recrulement dans les monastères bénédictins aux XIIIe et XIVe siècles. » 
(1924. 66 p.) Le recrutement défectueux fut une des causes qui influèrent sur 
la crise par laquelle passa l'Ordre de S. Benoît aux xirie et xive siècles. 
L'auteur examine les divers modes de recrutement : l’oblation des enfants 
souvent infirmes ou de familles nombreuses dont les parents veulent se 
débarasser, l’exclusivisme de la noblesse qui veut imposer sa volonté parmi 
les communautés, l'admission de bâtards, de gens qui considèrent le 
monastère comme un « honnête placement », de ceux qui s’y introduisent 
munis de lettres d’expectative, les vocations forcées, enfin l’admission de 
religicux des ordres mendiants, le passage d’un ordre à l’autre étant presque 
toujours déterminé par des mobiles humains. Pour chacune de ses affir- 
mations, le R. P. fournit un nombre considérable d'exemples pris dans les 
divers pays où l'ordre s'était installé. 

Souhaitons que dom Berlière continue à publier régulièrement des études 
aussi substantielles et aussi intéressantes sur des questions spéciales pour 
lesquelles, d’ailleurs, il possède une documentation extrêmement riche. 

J. LAVALLEY. 


— Les deux articles du R. P. J. van M1ErLo, jun., S. J., l’un : Hadewyck 
en de ketterin Blommardinne (Tijdschrift voor Nederlandsche taal en letter- 
kunle. Levde, 1921, t. XL, p. 45-64) l’autre : Was Hadewyck de gelukzalige ? 
(Dietsche Warande en Belfort, 1924, t. XXIV, p. 52-67 ct 106-115) tendent à 
démontrer 1) que la poétesse Hadewyck n’est pas l’hérésiarque Blommardine 
combattue par Ruysbroeck ; 2) que cette même personne serait née à Anvers 
de famille noble vers 1185. qu'elle aurait écrit aux environs de 1250 et aurait 
été magistra beghinarum de Nivelles. Les articles sont de valeur inégale : le 
second est purement hypothétique, tandis que le premier est de structure 
plus solide. Néanmoins nous ne pouvons nous rallier aux idées du P,. van 
Mierlo touchant la non-identité de Hadewyck-Blommardine. Sa thèse n’est 
défendable que pour autant que le témoignage de Pomerius mérite du crédit ; 
or, l'autorité de celui-ci n’a jamais été examinée sérieusement sur ce point 
et elle nous paraît entièrement ébranlée pour des raisons que nous n’avons 
pas à exposer ici. Les arguments classiques en faveur de l'identification des 
deux personnages sont écartés trop lestement. Pour ce qui est de l’objection 
sérieuse tirée de la vénération de Jan van Lecuw pour une hérétique, elle 
repose sur la supposition, erroné: à nos yeux, que Blommardinne aurait 
versé dans l’erreur et aurait été contredite par Ruysbroeck. Où voit-on, dans 
les écrits de celui-ci, qu’il ait combattu les doctrines prêtées à Blommar- 
dinne ? L'opinion du P. van Mierlo s'appuie sur une interprétation manifeste- 


606 : CHRONIQUE. 


ment inadmissible. Et si le témoignage de Pomerius est sujet à caution, sur 
quoi se fonde-t-on pour affirmer que les religieux de Groenendael ont con- 
sidéré au xive siècle Blommardinne comme une hérétique ? Tout le problème 
est donc à reprendre à nouveaux frais et sur des bases moins chancelantes. 


Les Analecta ord. Praedicatorum, 1923, t. XVI, p. 46-48; 279-304, ren- 
ferment le T'ractatus pro reformatione ou Lettre de Jean Uyt den Hove, O. P., 
à Charles le Téméraire (12 oct. 1471), éditée par le R. P.R Marrin, O. P, 
de Louvain; c’est la suite à l’étude publiée par 12 même auteur en 1914 dans 
les Analectes pour servir à l'hist. eccl. de Belgique (p. 33-55) consacrée au 
fondateur et vicaire général de la congrégation de Hollinde qui réforma si 
heureusement et à si bonne heure les dom'nicains de Belgique, de Hollande 
et du Nord de la France. Le Tractatus témoigne une fois de plus de l’œuvre 
réformatrice monastiq'ie entreprise avec le concours des ducs de Bourgogne; 
il permet aussi de juger comment un homme éminent comme Uuten Hove 
entend l'appliquer dans son ordre. Le factum du vicaire général, conçu d’une 
manière un peu scolastique, développe trois points : 1) de l'état religieux; 
2) de l’observance et du relâchement; 3) de la réforme et de la manière de 
réformer ; il invoque souvent l’autorité de S. Thomas d'Aquin et de Raymond 
de Capouc et répond aux objections. Somme toute, texte très important, 
soigneusement édité, qui révèle dans nos provinces du xve siècle une vitalité 
religicuse remarquable. H. N. 


— Le KR. P. J.-B. GozrsrTouweRrs, S. J., vient de publier, d’après un druble 
registre conservé au Haus-, Hof und Staatsarchiv de Vienne, Les primariae 
preces de Maximilien Ier aux Pays-Bas (1486 et années suivantes) (Bull. de la 
Commission royale d'histoire, 1924, t. LXXX VIII, p. 13-91. Bruxelles, Hayez). 
On sait que Ic droit des Primariae preces (expectative, Anwartschaft), 
reconnu sous l'ancien régime à l’empereur, comme d’ailleurs aussi au pape, 
à des évêques, à des abbayes et à des chapitres, permettait à ceux-ci de 
désigner les futurs titulaires à des bénéfices non encore vacants. D'après la 
liste dressée ici par lc R. P. Goctstouwers, Maximilien Ier a conféré, en vertu 
de ce droit, près de 300 bénéfhices aux Pays-Bas Lorsqu'on pense que ces 
bénéfices étaient des plus importants, lorsqu'on pense aussi que plusieurs 
des bénéficiers étaicnt des étrangers, on comprend facilement les protesta- 


tions que l'usage abusif de ce droit a provoquées dans la chrétienté. 
A. D. M. 


— Dans l'étude intitulée : Lrs actions du chef de séduction devant les juridic- 
tions ecclésiastiques du Brabant (XVII®et XVIIIe siècles). (Bulletin de la Com- 
mission royale des Anciennes lois et ordonnances de Belgique. Vol. XI, fasc. 7. 
Extrait. Bruxelles, Goemaere, 1924. In-8, 104 p.), M. J. Simon étudie les 
actions auxquelles donnait lieu devant les juges d'Église, dans notre pays ct 
spécialement en Brabant, un commerce charnel entre personnes non engagées 
dans les liens du mariage. A quelles réparations la femme avait-elle droit, à 
quelles conditions pouvait-elle les réclamer, que fallait-il prouver et quels 
modes de preuves étaient admis dans ces affaires, autant de questions sou- 
levées dans ce travail et qui sont examinées d’après les sources mêmes. Un 
bref aperçu sur l’organisation des cours synodales et le fonctionnement des 
juridictions ecclésiastiques brabançonnes introduit très heureusement le 
problème soulevé. On sait en effet que l'édit perpétuel, connu généralement 


BELGIQUE. 607 


sous le nom de Bulle d'Or, avait accordé aux sujets du duc de Brabant le 
privilège de n'être justiciables que des seuls juges brabançons. Le travail de 
M. Simon, tant par le choix du sujet que par la façon dont il est traité mérite 
toute l'attention de ceux qu'’intéresse l’histoire de notre droit et de nos 
institutions. _. P. GiLzLer. 


— L'Annuaire de l'Académie royale de Belgique de 1924 contient, par une 
heureuse rencontre, la notice biographique de plusieurs érudits dont les 
publications intéressent au plus haut titre l’histoire religieuse de notre pays. 
Citons d’abord les deux notices de M. H. PIRENKE, sur Godefroid Kurth ct 
Paul Fredericq (p. 192-261 ; 311-374); l’auteur peint d’une touche fort délicate 
la physionomie morale de ces deux savants si distants d’esprit et de ton, mais 
tous deux âmes religieuses dont les œuvres respirent leurs fortes convictions. 
La notice du P. DELeHAYe sur le P. Ch. de Smedt (p. 93-117) contient des 
pages émues ct instructives sur le rétablissement de l’œuvre des bollandistes 
grâce en partie à Mgr de Ram et au ministre de Theux, ainsi que sur les 
efforts personnels de rajeunissement du P. de Smedt. La carrière scientifique 
de St. Bormans, éditeur de nombreux textes d'intérêt ecclésiastique, est bien 
décrite et appréciée par M. J. CuveLier (p. 263-309). Les notices sur J. La- 
meere et P. Errera sont à lire aussi. H. Neuis. 


— À la réunion de la Société des études philologiques et historiques, 
tenue le 5 mai ‘dernier, les trois communications suivantes ont été faites : 
1) R. P. E. DE Moreau, S. J., Le transfert de la résidence des évêques de Ton- 
gres à Maestricht. Cette intéressante étude est publiée plus haut ; 2) M. Cu. 
TERLINDEN, Les archives de Nieupor't, expose comment les archives de cette 
ville (remontant au xrit siècle) ont pu être sauvées, sinon entièrement, tout 
au moins en majeure partie, grâce au zèle de M. le secrétaire Dobbelaere. 
A la fin de novembre 1914, les archives furent expédiécs successivement à 
Coxyde, à Furnes, dans un faubourg d’Abbeville, de nouveau à Furnes et 
finalement à Nieuport (hôtel de ville); 3. L. Gansxor, La r'aleur historique de 
da Vita Karoli par Eginhard. L'auteur défend d’une manière très serrée la 
valeur de cet écrit contre la critique un peu trop négative de L. Halphen. 
Sans doute, Eginhard doit être soigneusement contrôlé, mais M. Ganshof 
montre pour quelques points précis et importants la valeur très réelle de 
l'œuvre du biographe de Charlemagne. 


Parallèlement à la publication un peu lente de ses annales, la Société 
archéologique de Namur édite, depuis le mois de mai dernier, une chronique 
trimestrielle, sous le titre : Namurcum (Namur, Cercle arch. R. des Bouchers). 
L'idée est excellente et sa réalisation ne laisse rien à désirer. En de courts 
articles, illustrés et signés de noms connus {C. Roland, F. Courtoy, F. Rous- 
seau, J: Destréc), on donnc des renseignements précis sur l’archéologie et 
l’histoire de l’ancien comté de Namur. Namurcum ferait aussi œuvre utile en 
faisant connaître les collections de certains châteaux, presbytères et hôpitaux. 
Jusqu'ici deux numéros (chacun de 16 pages) ont paru. H. N. 


— À partir d'octobre prochain paraîtra, sous le titre de Byzantion, une 
nouvelle revue internationale des études byantines. Elle comprendra par an 
deux fascicules de 200 à 300 p. chacun, et donnera des articles de fond, des 
comptes rendus et des bulletins (Rédaction ; 12, rue royale à Bruxelles.) 


608 CHRONIQUE, 


Bulgarie. — L'ouvrage d'IvAN SNIEGARON : Istoriia na Okhridskata 
arkhiepiskopiia [Histoire du patriarcat d'Ochrida]. T. I. (Sophia, 1924. 
347 + 19 p.), comblera une vraie lacune dans l’histoire religieuse des Bal- 
kans. Il traite, en effet, du passé d'une église célèbre dans le monde slave, 
qui a été pendant plusieurs siècles le siège de l’ancien patriarcat bulgare. 
Cet ouvrage, sérieusement documenté, constitue une contribution de grande 
importance. 

Nomination. — L'écrivain russe MicHEL E. Posnov, a été nommé pro- 
fesseur d'histoire ecclésiastiqué à l’université de Sophia. A. PALMIERI 


Espagne. — Dans l'édition du Cartulaire de l'abbaÿ-e de Saint-Savin (p. 198 
et xvi. Cauterets, 1920) M. A. Meillou avait fait des réserves quant à l'interpré- 
tation des mots Syracusanensis civitas, souvent mentionnés dans le cartulaire 
et notamment dans une bulle d'Alexandre III, de 1168. Tous les auteurs, en 
cffet, les traduisaient par Syracuse, en Sicile, et soutenaicnt conséquemment 
que l’abbaye de Saint-Savin possédait la plupart de ses biens aux environs 
de cette ville. M. P. GaziNpo RoMEo (Posesiones de San Sabino de Lavedan 
en Zaragoza. Madrid, 1923. {n-8, 24 p.) a établi, par l'examen minutieux de 
documents contemporains, que la ville désignée n’est autre que Saragosse, 


L’Anuari de la societat catalana de filosofia. T. I (1923) (Barcelone, 
Inst. d’estudis catalans. In-4, 337 p.) contient plusieurs études remarquables 
dont quelques-unes se rapportent à l’histoire de l’enseigement et de la 
philosophie. On les trouvera mentionnées dans notre bibliographie. Signa- 
lons ici, comme intéressant plus directement cette revue : A. GOTTRON, Die 
Mainzer « Lullistenschule » im 18. Jh. (p. 229-242). Lull a été, peut-on dire, 
incompris pendant plusieurs siècles. Alors qu’il avait surtout voulu introduire 
une nouvelle méthode d’apologétique et ériger des écolcs de missionnaires, 
il a été très longtemps considéré comme le fondateur d'une philosophie 
nouvelle, et on l'a traité, tour à tour, de scolastique, d’alchimiste, de r:tio- 
naliste. Dès la seconde moitié du xive siècle, des chaires furent fondées, dans 
différentes universités d'Espagne, pour enscigner la philosophie et la théo- 
logie lullistes. Or, la question se pose si la ville de Mayence n’a pas possédé, 
au xvilie siècle, un institut lulliste, dont le fondateur et le plus illustre 
maître aurait été Ivo Salzinger, l’auteur d'une remarquable édition des 
œuvres de Lull. En effet, sur l'affirmation de Schunk, dans sa grande his- 
toire de Mayence (1790), plusieurs admirateurs de Lull ont admis l'existence 
de cette école. M. Gottron la nie et explique comment Schunk s’est trompé. 
De plus, il prouve que Salzinger, lui aussi, s'est encore mépris sur la signi- 
fication du lullisme. 


Le fasc. 64 (juillet-août 1924) de l’Archivo-Ibero-Americano est consacré 
tout entier à la bio-bibliographic du célèbre exégète et auteur spirituel, le 
P. Diego de Estella (1524-1578). Il contient une analyse détaillée de ses 
œuvres, dont il décrit, en outre, les différentes éditions. A D.M. 


États-Unis d'Amérique. — Les cinq volumes intitulés : Catholic builders 
of the Nation : a symposism on the catholic contribution to the civilization of the 
United States (Boston, 1924) et publiés sous la direction du Dr CoNSTANTIN 
E. Mc Guire, de l'/ustitut of Economics à Washington, constituent une véri” 


ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. 609 


table encyclopédie de la culture catholique aux États-Unis. Toutes les initia- 
tives et œuvres catholiques, entreprises scientifiques, scolaires, politiques, 
sociales, évangélisatrices, y sont exposées par les meilleurs écrivains. 
L'historien de l'Église y trouvera, pour le passé des États-Unis, une foule 
de renseignements fort utiles. 


Le petit volume de MARTHA EDITTE ALMEBDINGEN : The catholic Church 
in Russia to-day (New-York, Kenedy, 1924), donne quelques renseignements 
utiles sur la situation du catholicisme dans la Russie bolchéviste. Il s'appuie 
surtout sur des expériences personnelles de l’auteur ; aussi n’a-t-il pas la 
valeur documentaire de celui de FRANCIS Mc CuLLAGH : The Bolshevik per- 
secution of christianity (Londres, 1924). 


Je crois qu'il n’y a de meilleurs recueils pour connaître l’état d’âme ct 
les tendances doctrinales de l’anglicanisme americain (Église épiscopalienne 
protestante) que la livraison de juin de l'American Church Monthly. Elle con- 
uent les Papers ani addresses : Priests’ Convention, tenue à Philadelphie, les 
29 et 30 avril 1924. Signalons surtout les articles de G. C. STEWART et du 
Rev. J. G. H. Barry, le premier sur la réunion et les Églises protestantes, 
le second sur la situation de l’Église anglicane vis-à-vis de l'Église catholique 
et des Églises orientales. Mentionnons aussi l’article du Rev. F. S. Pen- 
GOLD sur la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. 


Les Grecs d'Amérique ne savent à quelle autorité ecclésiastique ils 
doivent se rattacher. D'après les uns, leur chef suprème est le patriarche de 
Constantinople ; d'après les autres, le métropolite d'Athènes. La brochure 
de MicHez GaLanos : "Lo EéxxAnatagrTexñr Cnraua Toù EAAmmoucd Tic 
Apeperñs. (Chicago, 1924), contient sur cette controverse des données inté- 
ressantes. 


L'American catholic historical association vient d'achever les Tables 
détaillées des 31 volumes, parus de 1886 à 1920, dans la série des publica- 
tions de l’Amer. cath. hist. society. On sait que ces volumes conticnnent 
entre autres de précieuses chroniques sur l’histoire de l'Église aux États- 
Unis et de nombreux travaux du Dr Th. Middieton, O. S. A., sur les origines 
du catholicisme dans les diocèses de Lansingburgh, de New-York et de 
New-Jersey. On peut dire que cet Zndex constitue un dictionnaire de l’his- 
toire du catholicisme en Amérique. 


Grâce à l’impulsion efficace que lui donne le Dr P. GuiLpay, l'American 
catholic historical association a décidé de constituer des comités pour dresser 
la bibliographie générale de l’histoire ecclésiastique et pour composer un 
inventaire des archives de l’histoire de l’Église catholique aux États-Unis. 
Elle prépare, en outre, deux manuels de la littérature historique catholique 
et des Réponses aux objections faites au nom de l’histoire aux les croyances 
catholiques. 


Les catholiques américains ont conçu le projet grandiose de publier une 
encyclopédie universelle (Universal Knowlegde) en 15 volumes et une série 
de manuels d'histoire et d’autres sciences. Le succès vraiment remarquable 
qu'a obtenu la Catholic Encyclopaedia (70.000 exemplaires en ont été vendus), 


610 CHRONIQUE. 


permet de former les meilleures espérances pour la nouvelle entreprise. Le 
comité de direction est composé du KRt. Rev. Thomas Shahan, recteur de 
l’université de Washington, de Condé Benoist Pallen, de Edward A. Pace, 
de James Joseph Walsh et de John Wynn, S. J. À. PALMIERI. 


— Washington offre, comme centre de recherches histo-iques, de grands 
avantages, surtout par la présence de la magnifique bibliothèque du Congrès, 
où, pour la période qui va de 1775 à nos jours, il y a une collection d’im- 
primés remarquable, et où, dans la section des manuscrits, se trouvent Îles 
documents concernant le « continental congress » et les archives des divers 
présidents, depuisWashington jusque Taft. On y conserve aussi une quantité 
considérable de copies faites dans les divers dépôts de Grande-Bretagne. 

Il n’est dès lors pas étonnant qu'on ait songé, depuis longtemps, à y établir 
un centre de recherches historiques, où viendraient travailler des étudiants 
en histoire, qui seraient dirigés dans leurs recherches par des spécialistes, 
pris parmi les professeurs jouissant de leur année de congé (on sait qu'aux 
États-Unis les professeurs d'université ont un congé de douze mois tous les 
sept ans). Depuis 1921, l’idée a été réalisée et il existe maintenant, dans la 
capitale fédérale, un « University center for Research » qui peut être com- 
paré à l’e Institute for historical Research » de Londres. Le « Center » 
comprend cinq sections ou départements, dont un pour l’histoire. Ce dernier 
se trouve sous la direction d'un comité dont font partie MM. Jameson, de la 
Carnegie Institution, président; Gaillard Hunt, Klein, Leland, Moore, Rice, 
Zook et le colonel Spaulding. Ce comité fournit des informations concernant 
les matériaux que l’on peut trouver à Washington, facilite leur accès, et pour 
les étudiants préparant une dissertation, s'occupe de donner des conseils 
concernant l’utilisation de ces documents et leur mise en œuvre. 

Ce service d’information, absolument gratuit, se met aussi à la disposition 
des étudiants étrangers qui voudraient laire des recherches dans les archives 
de Washington. L. VAN DER ESSEN. 


— La Catholic historical review, 1924, fasc. 1, p. 3-17, publie le compte 
rendu des communications qui ont été présentées à la dernière-réunion de 
l'American catholic historical association (26-29 déc. 1923). Plusieurs de ces 
études intéressent l'histoire générale de l'Église : H. FisHer, La croyance 
à la perennité de l'empire romain, pendant les Ve-VIe sièles ; ]. KBATING CART- 
WRIGHT, La valeur des investitures ; A. KAUFMANN, La personnalité d'E. Renan ; 
M. G. Rurp, Grotius et sa place dans l’histoire de la paix internationale ; 
J. RAGER, La défense du gouvernement démocratique par le card. Bellarmin ; 
J. KNIPFING, La tolérance religieuse durant le règne de Constantin le Grand; 
R. QUINLAN, L'influence de l'idéal chrétien sur la première législation médié- 
vale ; J. GRAHAM, S. Charles Borromée et l'éducation du clergé. Ces communi- 
cations seront publiées dans la Cath. hist. review. 


Décès. — Le Dr GaiLLzarp HuNT, né à New-Orléans en 1862, président 
de l'American catholic historical association, auteur de plusieurs ouvrages sur 
l'histoire politique des États-Unis, décédé le 20 mars 1924. 

Le Dr Maurice Francis EGAN, né à Brooklyn, N. Y., en 1852, professeur 
de littérature anglaise à l’université catholique de Washington, auteur d'une 
vie de S. François d’Assise et directeur de l'Zlustratel weekly catholic review, 
décédé le 15 janvier 1924. 


FRANCE. 611 


M. Ro8ErT HaALLowBD GaARDINER, né à Ft. Tejon, Calif., en 1855, mort le 
15 juin 1924. Membre de l'Église épiscopalienne et grand admirateur de 
l'Église catholique, il a été un apôtre fervent de la réunion des Églises. 
Depuis 1910, il fut secrétaire de la World Conference et publia plusieurs 
brochures et articles sur l’union. M. Ralph W. Brown (P. O. Box 226, Boston, 
Mass., U. S. A.), à pris sa succession comme secrétaire de la World Con- 
ference. A. P. 


France. — Les fascicules XVII et XVIII du Dictionnaire d'Histoire et de 
Géographie ecclésiastiques (Arabie-Arezzo. Paris, Letouzey, 1924. Tome III, 
col. 1185-1670) contiennent la fin d'un très long article consacré à l'Arabie par 
M. AIGRAIN qui n’est point pourtant spécialiste en la matière. — L'article 
Aragon était difhcile à traiter, parce que l’histoire des origines de ce royaume 
reste enveloppée d’obscurité. Le chapitre qui a trait à la politique religieuse 
des rois aragonais appelle l'attention. M. LAMBERT montre que l’on ne sait 
encore rien de définitit sur l’origine du tribut payé par les rois au Saint- 
Siège. Il arrête son récit à l’année 1291, comme si le paiement n'avait pas 
souffert des difficultés aux âges suivants et n'avait pas sa propre histoire. 
L'auteur aurait dû caractériser de façon plus fouillée la politique suivie par 
l’Aragon à l'égard des papes. Il a quelque peu négligé ce qui concerne les 
époques postérieures au xir1e siècle. Et pourtant les récentes publications de 
M. H. Finke et certaines autres permettent de saisir sur le vif l’action diplo- 
matique des rois d'Aragon cherchant avec duplicité et un art souverain à 
s'agrandir aux dépens du royaume de Majorque, de Louis d'Anjou et de 
Pise, et finalement avec Alphonse V réussissant à s'établir à Naples. D'autre 
part, le Saint-Siège s’ingénie à contrecarrer de toutes manières les projets 
d’agrandissements territoriaux de l’Aragon, avec non moins d'adresse. 
Somme toute, l’état de guerre existe entre les deux pouvoirs sur le terrain 
diplomatique, mais il ne parvient jamais jusqu'aux mesures irréparables. 
Toutefois il est suffisant pour éclairer une question que traite trop succincte- 
ment M. Lambert, je veux dire celle des nominations épiscopales (col. 1369- 
1370). Ce n'est pas par désir unique d’enrichir leurs compatriotes que les 
papes du xIve siècle nommèrent des français aux évêchés aragonais, c'est 
plutôt pour des motifs politiques, afin de ne pas donner aux rois des auxi- 
liaires dévoués et de leur créer des embarras. C’est du moins ce qui semble 
ressortir de la lecture des documents contemporains. M. Lambert voudra 
bien me pardonner si je lui signale un autre oubli. Comment n'a-t-il pas 
exposé le régime bénéficial qu'institua en Aragon le concordat passé avec 
Martin V en 1418 ? Le reste de l’article, j'ai hâte de le dire, mérite des 
éloges. Il rendra des services signalés à ceux qu’intéresse l’histoire com- 
pliquée de la péninsule ibérique. — La question de l’Arcane (col. 1497-1513) 
a déjà fait couler beaucoup d'encre. M. VACANDARD l’examinec à nouveau, 
après avoir longuement exposé les rites des mystères d'Eleusis, d’Isis et de 
Mithra. Voici sa théorie. L'arcane chrétienne existait sûrement au re siècle, 
Elle est attestée par Origène et par Tertullien, en termes qui ne permettent 
pas le doute. Son origine remoate très probablement à la seconde moitié du 
ne siècle. Les plus anciennes traces qui existent seraient fournies par saint 
Justin, c’est-à-dire aux environs de l’an 150. Au 1vt siècle, l’arcane est en 
honneur, Athanase, Cyrille de Jérusalem, les Constitutions apostoliques, Jean 
Chrysostome, Basile, Épiphane, Ambroise, Innocent Ier, Augustin la men- 


« - 


612 CHRONIQUE. 


tionnent. La décadence commence avec le pontificat d'Innocent Ier. L'arcane 
n'existe plus qu’à l’état de souvenir à l’époque de saint Grégoire le Grand. 
Au reste, il ne faut pas en exagérer l’importance. Saint Athanase, saint 
Basile, Eusèbe, Cyrille d'Alexandrie et ‘I héodoret dévoilèrent les doctrines 
chrétiennes maintes fois, sans tenir compte de la discipline sévère qui leur 
était contemporaine. Si l’arcane exista, en quoi consista-t-elle réellement ? 
Si elle a des ressemblances avec les mystères paiens, ces ressemblances 
sont cxclusivement extérieures. Les mêmes gestes ou les mêmes mots 
figurent des choses essentiellement différentes. L’'initiation paienne donnait 
à celui qui la recevait l’assurance de son propre salut. Elle ne l’obligcait 
aucunement à un changement de vie. Elle n’opérait en lui nulle conversion. 
Elle agissait donc comme une formule magique. L'initiation chrétienne, au 
contraire, purifait par l'apport de la grâce qui aidait à travailler à la sanc- 
tification de l’âme. L’embarras de M. Vacandard se découvre quand il s’agit 
de préciser les points de doctrine et de la liturgie que l’on cachait aux caté- 
chumènes et aux paiens. Là-dessus, il ne se prononce pas. Toutefois, il 
prend plutôt position contre Mgr Batitlol pour lequel l'arcane n’aurait été 
qu'une règle catéchétique ou une méthode pédagogique, et penche pour 
l'opinion de Funk qui faisait « justement remarquer que l’enseignement 
donné aux catéchumènes ne comprenait ni la formule du baptéme ni la 
notion de l’eucharistie », — M. L. LEGRAND a traité avec compétence la 
question Archives ecclésiastiques avant et après la Grande Révolution. Son 
étude très documentée constitue un excellent instrument de travail, mais 
elle ne concerne que la France. On ne nous promet qu’une étude sur les 
Archives du Vatican. Des autres existant en pays étrangers nulle mention. 
Il y a là une lacune regrettable à laquelle il conviendrait de remédier. — 
Parmi les personnages de premier ou de second plan que mentionne le 
Dictionnaire, il convient de citer les espagnols. M. LAMBERT ne s’est pas 
contenté de consulter les ouvrages imprimés qui en traitaient. Il s’est encore 
servi de documents d'archives dont l'importance n’échappera pas aux éru- 
dits. Les articles Aragon (Hernando de), Aragon (Juan II de), Aragon V 
Anjou (Juan de), Aranda (Pedro Pablo), Arce (Ramon José de) sont des 
modèles du genre. — M. AUDOLLENT a exprimé l'avis qu’Arcadius, martyr 
de Maurétanie, n’a pas dû souffrir un supplice aussi etfrayant que celui que 
nous dépeint sa Passion. Il admet qu’il mourut peut-être le 12 janvier 305. — 
M. BRÉHIER a le talent de faire revivre ses personnages. Arcadius, le pre- 
mier empereur d'Orient, nous est dépeint en quelques mots. « De petite taille, 
maigre, chétuf, le teint basahé, il avait dans toute sa personne, dans sa 
parole, dans ses yeux qu’il fermait d’une manière maladive, une complète 
expression d’indolence ». Et c’est pourtant sous un prince si faible de volonté 
que s’accomplit un événement d'une importance capitale : le partage de 
l'Empire | G. MoLLAT. 


— La publication du Dictionnaire de théologie (Paris, Letouzey et Ané) 
avance rapidement, grâce à la vigourcuse impulsion que lui donne son 
nouveau directeur, M. E. AMANN. Pendant quelques mois ont paru successi- 
vement neut fascicules (LVI-LXIV, Znjiuëles (salut des)-Jeüne) dans lesquels 
nous relevons les articles les plus importants relatifs à l'histoire de l'Église. 
Louchant Île problème du salut des Jnfidèles (t. VII, c. 1726-1930), le 
R. P. HARENT, S. J., énumère les opinions hétérodoxes et cherche à déter- 
painer la vraie solution au moyen de la tradition patristique et scolastique. 


FRANCE, 613 


Au point de vue historique, il emprunte beaucoup d'éléments de son exposé 
à l'ouvrage que M. Caperan a fait paraître sur cette question en 1912. — Sur 
les papes qui ont porté le nom d’{nnocent, nous trouvons une série d'excel- 
lents articles (c. 1940-2016), dûs à la plume de MM, AMaANN, MoLLaAT et 
Paquier. — Les origines et l’organisation de l'Inquisition (c. 2016-2068) sont 
exposées d'une façon remarquable par M. E. Vacanparp. — L'étude sur 
S. Irénée (c. 2394-2536) de M. G. BAREILLE analyse longuement les écrits de 
ce Père en vue d’en fixer la doctrine. Elle suit pas à pas toutes les discussions 
anciennes et modernes qui se sont élevées à ce sujet. — Le même auteur 
résume très bien ce que nous savons au sujet de S. /sidore de Péluse (t. VILL 
c. 84 98) et de S. Isidore de Séville (c. 98-111). — Sur l’état religieux actuel de 
l'Italie (c. 115-187) le R. P. ORTOLAN donne de nombreuses statistiques qui 
peuvent intéresser l'histoire contemporaine de ce pays. Plus important pour 
l'historien semble être le répertoire qu’il dresse (c. 187-242) des publications 
des auteurs catholiques italiens sur les sciences sacrées. Quoique pour plu- 
sicurs périodes il ne donne guère plus de renseignements que le Nomenclator 
du P. Hurter, pour d’autres cependant il dépasse notablement celui-ci. — Le 
très long article de M. J. CARREYRE sur le Jansénisme (c. 318-529) contient 
avant tout une analyse détaillée (c. 330-447) de l'Augustinus de Jansénius ; il 
cxpose aussi les premières luttes jansénistes jusqu’à la paix de Clément IX, 
l’histoire des controverses postérieures devant être traitée sous le nom de 
Quesnel. C’est une étude fort consciencieuse qui rendra surtout service aux 
théologiens. — Plusieurs personnages célèbres ont porté le nom de Jean. Ils 
ont chacun leur notice spéciale, proportionnée à leur rôle et à leur influence. 
Sur S, Jean, l’apôtre et l’évangéliste, (c. 537-593) M. L. VENARD donne une 
bellc dissertation comprenant l'examen critique de tous les problèmes qui se 
posent touchant l’évangile, les épitres et l'apocalypse que la tradition attribue 
à cet apôtre. — Les biographies des nombreux papes qui ont pris le nom de 
Jean (c. 593-644) sont encore dressécs par MM. AManx et MoLLar. -- L'article 
de M. Barpy sur S. Jean Chrysostome (c. 660-690) et celui de M. Juute sur 
S. Jean Damascène [c. 693-751) sont fort remarquables et attireront sans 
aucun doute l’attention des historiens. Faits l’un et l'autre par des spécia- 
listes, ils exposent d’une façon claire et méthodique la doctrine de ces deux 
grands Docteurs de l'Église. — Enfin, sous le nom de S. Jean de la Croix 
(c. 767-787), le R.P. PascaL Du ST-SACREMENT développe la doctrine mystique 
de ce célèbre écrivain et dresse la liste des différentes éditions de ses œuvres. 
— M. J. ForGer, dans son article sur S. Jérôme ic. 894-983), retrace la vie de 
ce saint et sa grande activité littéraire. Il insiste particulièrement sur l’ensei- 
gnement du grand Docteur relatif à des dogmes importants, tels l'inspiration, 
l’inerrance et l'interprétation de la Bible, l’origine de l'épiscopat, la primauté 
romaine, etc. M. Forget n’a pas seulement consulté les nombreux ouvrages 
qui ont été publiés sur ce sujet; il connaît en outre, et à fond, tout ce que 
S. Jérôme lui-même nous a laissé. Son étude fouillée sera sans aucun doute 
très remarquée et si elle n’apporte pas de solutions neuves à des questions 
vieilles et depuis longtemps äâprement agitées, du moins donnera-t-cile des 
textes discutés une interprétation müûrement réfléchie et délicatement 
nuancéc. — Touchant les Jésuites (c. 1012-1108), lcs RR. PP. LE BAcHELET, 
DE Bic et Bouvier font connaître la place qu’occupent les théologiens de la 
Compaznie dans l'histoire de la théologie dogmatique, morale et ascétique. 


RLVUB D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 39 


(514 CHRONIQUE. 


Leur exposé est forcément très sommaire ; mais il suffit à mettre en lumière 
et à caractériser l'effort immense accompli dans ce domaine par leurs con- 
frères — Plus d’un fascicule est consacré à l’histoire de Jésus-Christ et aux 
problèmes de théologie que pose sa personne et son œuvre (c. 1108-1411). On 
y trouvera non srulement un exposé positif de ces problèmes, mais aussi les 
différentes solutions qui ont été proposées au cours des siècles, À commencer 
par S. Paul jusqu'aux critiques modernes, A. D. M. 


— Appelé à donner les exercices de la retraite d’ordination aux sémi- 
naires de Valence et de Grenoble, M. BiarD a étudié les vertus théologales 
dont l'importance apparaît si grande dans les écrits et la pensée de l’apôtre 
S. Paul, et il a eu l'excellente idée de réunir ses conférences en volume (Les 
vertus théologales d'aprés les Épitres de S. Paul. Paris, Gabalda, 1924. In-12, 
237 p. Fr. 7). Voici les titres de ces dix entretiens : L’acte de foi selon S. Paul, 
l'esprit de foi dans la vic intellectuelle, la foi et la vie morale, la mort 
éternelle et la vie éternelle, le jugement et la résurrection, la vertu d’espé- 
rance, la charité, la charité reine des vertus, les charismes, l'Eucharistie, 

En S. Paul, le rythme ternaire de l'âme, — foi, espérance, amour, — dans 
son union avec Dicu, ou plutôt dans sa poursuite de l’union avec le Père, par 
le Fils, dans l'Esprit, s'accuse avec plus de force et de constance que partout 
ailleurs chez les écrivains du Nouveau Testament. La raison en est sans 
doute dans le fait que S. Paul, plus qu'aucun autre, se met tout entier dans 
ses leçons et ses exhortations. Il parle, il écrit avec toute son âme. Aucune 
page de ses épitres ne peut se détacher de son expérience religieuse. De 
toute son âme il a cru, c’est-à-dire qu’il s’est donné et abandonné à celui à 
qui il venait de demander : Qui êtes-vous, Seigaeur ? De toute son âme, il a 
ancré toutes ses espérances de salut au Christ ressuscité. De toute son âme, 
il l’a aimé, d'un amour actif et prèt à se dépenser et se dévouer sans trêve et 
sans mesure, Que la foi soit, autant qu’on voudra, un acte d’abandon au 
Rédempteur, le contenu intellectuel de cet acte de confiance est toujours 
assez riche pour que l’acte d'intelligence nullement aveugle que la théologie 
requiert dans sa déhinition de la foi soit toujours facile à discerner. Quant aux 
descriptions de l'espérance et de la charité, elles abondent ; elles groupent 
autour d'elles, comme des qualités qui leur sont propres, la plupart des 
vertus chrétiennes; elles semblent se composer parlois de ces vertus et les 
ramener à unc unité plus haute, elles sont le fruit de l’esprit. La foi elle-même 
implique uéjà la conversion, l'humilité, l’obéissance. 

Toutes ces belles choses ne sont pas exposées d’une façon aride et métho- 
dique, ce n’est pas une étude minutieusc, patiente et complète des textes, 
mais elles constituent l'aliment substantiel des instructions et des confé- 
rences, elles s'accompagnent de conseils et de leçons aux jeunes clercs en 
retraite. Lin raison de leur densité et de leurs aperçus nouveaux, elles se 
recommandent à l’étude et aux méditations du clergé ct des fidèles instruits. 


Tout en nous attachant d’abord à la vérité dont l'Apocalypse sait 
nourrir notre âme, dit Mgr Joserx BLaxc, évèque de Dibon, il est avan- 
tagcux d’y puiser aussi les émotions que sa poésie nous réserve. Et à l’effet 
de mettre cn é idence les qualiiés poétiques des visions de S. Jean, Mgr a 
voulu les traduire en vers français {Les visions de saint Jean. Paris, P. Téqui, 
1924. [n-12, 371 p. Fr. 10). Si par la versification, dit-il encore, nous n'avons 


réussi qu’à enluminer le texte de saint Jean, nous avons tout de même imité, 
LI 


FRANCE: 615 


dans la mesure de nos moyens, les miniaturistes, quelquefois maladroits mais 
toujours pieux, qui décoraient les marges des Saints Livres. Nous sommes 
convaincu que Mgr Blanc n'a jamais été maladroit ; nous n'avons cependant 
pas vérifié la fidélité de sa traduction, et nous n'avons pas qualité pour nous 
prononcer sur les mérites de sa versification, Nous sommes allé tout droit au 
copieux commentaire qui encadre chaque vision de l’Apocalypse. Celles-ci 
sont étudiées dans les dix chapitres de la seconde partie, où l'on traite 
successivement de la vision du Fils de l'Homme, des Lettres aux sept 
églises, de la vision de la cour divine, des sept sceaux, des scpt trompettes, 
de la femme et le Dragon, de la première vision triomphale, des sept coupes, 
du triomphe du Christ et de l'Église. La première partie, intitulée : Le cadre 
de l'Apocalypse, recherche les rapports entre l’apôtre S. Jean et le livre 
mystérieux et examine la lettre d'envoi de l’Apocalypse. 

L'Apocalypse est l’œuvre de l’apôtre S. Jean. Les différences qui la 
séparent du 1Ve évangile ne prouvent pas que S. Jean ayant écrit celui-ci n’a 
pu écrire celle-là. Il existe d’ailleurs entre les deux livres des ressemblances 
frappantes quant au plan, à la doctrine, au vocabulaire et au style et quant à 
la physionomic de Jésus. La théorie qui fait de l’auteur de l'Apocalypse un 
simple rédacteur de documents se heurte à l'unité du livre et à l'opinion 
traditionnelle. Ces visions de l’Apocalypse ont eu lieu à Patmos ; elles furent 
écrites sous l'inspiration divine au temps de la persécution de Domitien et 
racontent des phénomènes réels de vie mystique dont la composition littéraire 
n'est que l'exposé. L’Apocalyse n’enseigne pas l'imminence de la Parousie ; 
celle suppose au contraire un temps considérable avant la dernière venue du 
Christ. Elle contient le développement prophétique de certains événements 
qui servent d'expression aux lois de l’histoire humaine. Si elle renterme de 
profonds mystères, elle brille aussi de grandes clartés et constater l'obscurité 
des premiers ne nous prive pas des Jouissances qu’apportent les secondes. 
Personne n’approche ;lus de la vérité, dit S. Léon, que celui qui comprend 
que, dans les choses divines, même cn faisant de grands progrès, il reste 
toujours à chercher davantage. 

Ces conclusions très sages sont développées au cours du commentaire dans 
un style clair, alerte et précis. Elles se rapprochent beaucoup de celles du 
P. Allo dont l’auteur a lu les articles dans la Revue biblique, mais dont il ne 
parait pas connaître le grand ouvrage sur l'Apocalypse. Mgr Blanc cest 
d’ailleurs bien documenté. Il a consulté des théologiens comme S, Thomas, 
Franzelin et Billot, des commentateurs déjà anciens comme Bossuet et 
Maldonat, les meilleurs cxégètes français contemporains comme Vigouroux, 
Fillion, Fouard, Le Camus, Lagrange, Vincent, Dhorme, Batitfol, Jacquier, 
Lepin, Lebreton, Prat, etc., les travaux de Van Hoonacker et de Swete, le 
dictionnaire de Hastings et celui de Vigouroux, la Revue biblique, etc. Il cite 
très souvent le P. Calmes, mais ne l'aime pas beaucoup et n’est presque 
jamais d'accord avec lui. Bref, un livre intéressant et très sensé et l’auteur 
est trop modeste quand il avoue le sentiment de son insuthsance après avoir 
essayé non pas d’expliquer l’Apocalyse, mais seulement de l’étudier.… 

É. ToBac. 

— L. Marion, Histoire de l'Éyrlise. 8e édit. revue par V. Lacomue. Paris, 
Roger et Chernovic, 1923. 4 vol. in-8, xxx11-609, 670, 623 et 666 p. — L'His- 
toire de l'Église du regretté x. Marion se recommandait par trop de qualités 
pour lui faire s1bir une refonte complète, Aussi M. Lacombe s'est-il coue 


L 
e 


- 


616 CHRONIQUE. 


tenté de remettre l'ouvrage à iour. Comme principales modifications qui 
y ont été introduites signalons : la division de la matière en quatre volumes 
au lieu de trois ; l'addition de nombreuses références bibliographiques, d'une 
table chronologique des rois et empereurs et d’une liste alphabétique des 
papes. Nombreuses sont en outre les corrections de détails. 

L'heureuse combinaison de l’ordre chronologique et logique, l’abondance 
et la plénitude des matières, la sûreté doctrinale, la clarté et la simplicité 
du style rangent le livre de M. Marion parmi les meilleurs manuels destinés 
à l’enseignement de l'histoire ecclésiastique dans les séminaires. Nous ne 
ferons pas un grief à l’auteur de s’en tenir de préférence aux conclusions 
traditionnelles, mais, sans se mettre à la remorque des certains démolisseurs, 
il aurait pu mettre mieux à profit les ouvrages des grands historiens 
modernes. 

M. Lacombe ferait également œuvre utile en modifiant quelque peu, dans 
une prochaine édition, les notes du bas des pages. Beaucoup de détails y 
contenus seraient avantageusement insérés dans le texte. Ensuite, les ren- 
seignements bibliographiques qu’elles renferment gagneraient à être plus 
sobres ct plus judicieux ; un manuel ne s'adresse pas à des spécialistes ct 
doit, dès lors, se borner à signaler les meilleurs ouvrages et surtout les meil- 
leurcs monographies. 

Sans aucun doute, l'Histoire de l'Église de M. Marion, revue par V. La- 
combe, trouvera dans les séminaires et chez les membres du clergé, ua 
accueil aussi bienveillant que les éditions antérieures. V. SEMPELS. 


— La librairie V. Lecoffre réimprime le Manuel d'Histoire ecclésiastique 
du R. P. P. ALBERS, S. J., adapté sur la deuxième édition par le KR. P. 
R. HEoDpE, O. P. (Paris, 1923 (10° mille). 2 vol. in-12, 640 et 624 p. Fr. 16). 
La Reyue a rendu compte en son temps de cet ouvrage. (Cfr RHE, t. VIII 
(1907), p. 314-315 ; t. IX (1908), p. 560-562 ; t. X (1909), p. 212). Il est regret- 
table qu’on n'ait pas, à l’occasion de ce nouveau tirage, expurgé les volumes 
des traductions inélé;;antes ou incorrectes qui les déparent. On y lit encore 
(t. I, p. 313) « lc siège et la prise de Constantinople (717-718) par l’empereur » 
Léon III. L'A. avait écrit : « De belegering van Constantinopel in 717-718 en 
de overwinning des Keizers ». (Handboek der Algemeene Kerkgeschiedenis, 
2e édit., t. I, p. 317. Nimègue, Malmberg, 1908). L'adaptation française 
ne tire pas profit des améliorations apportées dans le texte et la bibliographie 
des éditions néerlandaises subséquentes. Dans la deuxième édition, le P. A. 
écrivait qu’à la suite du concile de Pise, les papes gardèrent leurs obfdiences : 
« Bencdictus, in Spanje, Schotland, Corsica, Sardiniëé, enz., Gregorius in 
Italië, Duitschland, Noorwegen, Zweden, enz. » (t. Il, p. 175); la quatrième, 
en 1917, s'exprime de façon plus précise : « telden tot hun obedienties : … 
Gregorius : een klein stuk in Italiëé, een gedeelte van Duitschland, Noorwegen, 
Zweden, enz. » (t. II, p. 175). La traduction inchangée et chaque fois infidèle 
attribue à « Benoit XILI : l'Espagne, l’Ecosse, la Sardaigne, etc.; Gré- 
goire XII, l'Italie, l'Allemagne, la Suède, la Norvège, etc. » (t. II, p. 23). Pas 
davantage les fautes d'impression n’ont été corrigées ; on retrouve Geiséric 
(t. I, p. 171), Pie VI (1785-1799) au lieu de 1773 (t. Il, p. 430), Bruyère pour 
Brugère (t. If, p. 558), et combien d’autres! Le Manuel eût gagné à leur 
correction. Il méritait ce soin. P. DEBoNGNIE, C. SS.R. 


— L'ouvrage de M. l’abhé G. BruNHES : Cluistianisme et catholicisme 
(Paris, Beauchesne, 1924. xx1x-430 p. Fr. 12) contient une partie historique 


FRANCE. 617 


se rapportant à l'institution de l'Eglise par le Christ, aux o:igines de l'épis- 
copat et de la papauté. L'auteur n’a pas. évidemment, la prétention de jeter 
unc lumière nouvelle sur ces ques‘ions tant débattues. Poursuivant un but 
franchement apologétique, il se contente de résumer quelques travaux fran- 
çais, notamment ceux de Mgr Batiffol. La documentation nous paraît trop 
sobre, même pour un ouvrage de haute vulgarisation. Par contre, l'exposé 
est clair et fort méthodique. A. D. M. 


— Si nous signalons la publication des conférences du R. P. HÉBERT, parues 
avec le titre : Sous le joug des Césars (Paris, Téqui, 1924. In-16, xvi-289 p. 
F.7), ce n’est pas évidemment en vue de les recommander aux historiens de 
profession qui trouveraient bien peu à y glaner ; c’est plutôt pour relever le 
fait de l'intérêt que le grand public commence à prendre à l’histoire de 
l'Église. Nous avons ici une série de conférences sur l’histoire de l'Église du 
lie et du re siècle. adressées à un cercle d’étudiantes. Le plan est bien 
conçu ; l’auteur divise habilement sa matière et ne laisse aucun point impor- 
tant de côté. Il a tenu à consulter un certain nombre de bons auteurs; on le 
voit s’attarder même à expliquer l’une ou l’autre question de pure érudition. 
Toutefois, je me permettrai de faire une double remarque : le ton partois 
badin, qu’il a employé sans doute pour voiler l’aridité du sujet à l’auditoire 
un peu spécial qui l’entourait, nuit à la valeur de l’ouvrage et risque de 
choaucr ; d'autre part, je me demande si des non-professionnels retien1ent 
beaucoup d’un exposé aussi soucieux de détails et qui s'efforce d’être un 
résumé aussi consciencieux de manuels autorisés et s’il ne vaudrait pas mieux 
leur présenter une synthèse micux condensée qui n’entendrait leur proposer 
que les lignes maîtresses du développement historique dans un langage 
adapté à leurs connaissances. J. FLamion. 


— L'antique Hadrumète des Phéniciens, qui eut des évêques dès le 
11e siècle, prit le nom de Sousse après sa restauration par Bélisaire (523) et 
compte aujourd’hui 25.000 habitants. 

Son antique chrétienté a laissé des catacombes, les plus vastes de l’Afrique, 
où l’on compte à présent plus de quinze mille tombes. Si elles sont moins 
riches que celles de Rome, notamment par l'absence de peinture à sujets 
bibliques, on ÿ trouve pourtant quelques vieux emblèmes chrétiens : ancre, 
colombe, un Bon Pasteur gravé sur marbre, et, avec leurs nombreuses 
galeries demeurées intactes, clles l’emportent sur les catacombes romaines 
par le bon état de conservation. 

La découverte des catacombes d'Hadrumète est due à Mgr LEynaAuUD, 
aujou-d'hui archevêque d'Alger, et à ses collaborateurs : le docteur Carton ct 
le 4me régiment des tirailleurs algériens. Les fouilles méthodiques se sont 
poursuivies avec intervalles de 1903 à 1917 et ont abouti au déblaicment de 
quatre cimetières souterrains, dont trois chrétiens et un paien. 

Mgr Leynaud publia en 1909 une première étude d'ensemble sur ses 
découvertes mais, dans une seconde édition (Les catacombes africaines. Sousse- 
Hadrumète. Alger, J. Carboncl, 1922. In-8, xxxvi-502 p., 109 fig., 197 fac- 
similés d'inscriptions), il décrit aussi l’importante catacombe de Sévère, 
déblayée à partir de 1910, il mentionne une cinquième catacombe d’'Hadru- 
mète et termine son ouvrage par un chapitre de conclusions dogmatiques. 

La description de chaque catacombe débute par l'historique et le journal 


CIS CHRONIQUE. 


des fouilles; les tombeaux et galeries, les inscriptions, les emblèmes, les 
Jampes nombreuses utilisées pour l'éclairage des galeries, les autres objets 
trouvés sont ensuite passés en revue. Le texte est appuyé par une abondante 
illustration, qui met sous les yeux du lecteur le plan des galeries, l’épigraphie 
des inscriptions, les principaux objets et emblèmes. 

Des indices certains permettent d'attribuer beaucoup de tombes au 
tie siècle, mais d’autres tombes ou galeries doivent remonter plus haut 
encore : au 11 ou même à la fin du rer siècle. 

Le tracé des galeries rappelle celui des catacombes romaines. Beaucoup 
de loculi sont fermés par des dalles en terre cuite; les inscriptions, géné- 
ralement très courtes, sont souvent tracées au fusain, ou gravées à la pointe 
dans la chaux. Les mosaïques tombales avec inscriptions sont nombreuses. 
La plus importante est celle d'Hermès avec l’Ichtus enroulé sur l'ancre 
cruciforme (p. 311). R. M. 


— Le manuel du R. P. GALTIER, S. J., De Poenitentia. Tractatus dogmatico- 
historicus (Paris, Beauchesne, 1923. In-8, viri-480 p.) n’expose pas seulement 
les doctrines théologiques relatives au sacrement de pénitence ; il étudie 
aussi les origines et le dévelopnement de la discipline pénitentielle durant 
les premiers siècles de l’Église. Dans cette partie historique, les conclusions 
ne sont généralement pas nouvelles ; elles reposent cependant sur de nom- 
breux témoignages, empruntés aux premiers écrivains ecclésiastiques Notons 
simplement que, d’après le KR. P., la pénitence publique était celle qu’accom- 
plissaient les fidèles à titre de pénitents officicis « in ordine poenitentium». 
Le KR. P. donne aussi un résumé parfait de l'étude de N. Paulus sur l'évolution 
de la doctrine indulgenticlle. AM. TEETAERT, O. M. C. 


— Les Notes bibliographiques sur la contemplation infuse, publiées par le 
R. P. P. ScHeuER, S. J., dans la Revue d’ascétique et de mystique (1923-1924. 
In-8, 47 p.), complètent notablement la liste d'auteurs mystiques que le 
P. Poulain avait dressée dans son livre sur les Gräces d’oraison. Alors que 
celle-ci ne comprend que 161 numéros, les Notes du P. Scheuer en donnent 
710 et énumèrent les principaux écrivains allant du xr1e au xxe siècle. On y 
trouve non seulement les ouvrages orthodoxes mais aussi ceux qui ont été 
condamnés. On regrettera, cependant, que le P. Scheucr n’ait pas repris Îles 
indications bibliographiques signalées dans le livre du P. Poulain, et qu'il se 
soit contenté de renvoyer simplement à celui-ci. D'autre part, malgré Îles 
lacunes qu’elles peuvent présenter, ses Notes rendront un réel service aux 
historiens de la théologie mystique. A. D. M. 


— En 1897 Mgr N. Marin, qui devint ensuite cardinal et mourut en juillet 
1923, donnait une série de conférences sur L’esthétique du Stabat. Elles vien- 
nent d’être traduites cn français et publiées avec notes par M. J. C. Brocus- 
SOLLE (Paris, P. Téqui, 1923. In 8, xx11-181 p.). Il s'agit d’un pieux 
commentaire sur l'un des plus beaux cantiques à la Vierge. Toute recherche 
d'érudition en est absente ct il ne faut mème pas y chercher des renseigne- 
ments iconographiques, comme on serait tenté de le faire en voyant les 
vignettes dont le traducteur a illustré l’ouvrage. M. Broussolle se réserve de 
traiter dans un volume à part de l’iconographie du Stabat, 


FRANCE, 619 


M. Az. MASSERON consacre à Saint Yves, le saint populaire de Bretagne, 
un fascicule (le quinz'ème) de la gentille collection L'art et les saints (Paris, 
H. Laurens, s. d. In-8, 64 p. et fig.). Le procès de canonisation, qui eut lieu en 
1330, vingt sept ans après la mort du saint, fournit plus d’un renseignement, 
qui contribue à rendre sympathique le patron des avocats, à la fois juge 
intègre, défenseur des pauvres et des causes justes, prêtre charitable et 
mortifié. Sodoma et Jordaens l’ont glorifié par de vraies œuvres d’art, mais 
le souvenir d'Yves Haclori de Ker-Martin est surtout vivace dans les églises 
et les calvaires bretons : placé entre le riche et le pauvre, il y est l’un des 
thèmes favoris de la sculpture régionale, 


M. l'abbé V. LeroQuaIs annonce la publication (chez l’auteur, à Paris) 
d’un important ouvrage sur Les Sacramentaires et les Missels manuscrits des 
bibliothèques publiques de France (Impression Protat à Macon, phototypie 
Barry frères; prix de la souscription : 300 frs). Il paraîtra (en 1924) quatre , - 
tomes in-40 ; Ics premiers contiendront la description technique et la biblio- 
graphie de 914 manuscrits, distribués en trois séries chronologiques (viie- 
XIIe X1IIe-XIVE; xve-xviie siècles). Le tome IV donnera 125 planches de 
miniatures reprises à des missels et des sacramentaires, depuis le missel de 
Bobbio (vire siècle) jusqu’à celui de Pierre Ponard (1647). 


Le bréviaire de la collection Mayer van den Bergh à Anvers, beau manus- 
crit enluminé de l’école Ganto-brugeoise, est apparenté à l’Hortulus animae 
de Vienne. Dans ses décors d’architecture, qui n'apparaissent pas avant 1508, 
il semble être antérieur au bréviaire Grimani, qui était achevé en 1520. 
(Ep. MicHeL, dans Gazette des Beaux Arts, 1924, 5me pér., t. IX, p. 193-204, 
pl. etfig.) 


La géographie monumentale de la France aux époques romane et gothique 
(Paris, H. Champion, 1923. In-4, 45 p., vi pi.) n'est que la réimpression d’un 
article de M. J. A. Bruraizs paru dans le Moyen Age (2° sér., t. XXV, 
1923). On y trouvera des remarques justes ct suggestives sur la formation 
et l'aire de diffusion des grandes écoles d'architecture en France. Mais 
l’au‘eur n'entre guère dans le détail : ni des caractéristiques des écoles, ni de 
leurs limites géographiques précises, ni de leur durée. Il oppose les écoles du 
midi à celles du nord et n’examine aucune des questions controversées sur 
l'existence de telle ou telle école en particulier. 


La maison Albert Morancé, Librairie centrale d’art et d'architecture, 
avait entrepris, depuis plusieurs années avant la guerre, la publication d’une 
série d'ouvrages à grandes et belles planches se rapportant à l'architecture. 
Mais plusieurs de ces ouvrages demeurent inachevés. Celui qui concerne 
L'art roman en Italie, commencé par M. Camizze MARTIN en 1912, en était 
resté au milieu de la seconde série de 8v planches. [l vient de recevoir un 
complément, achevant la série et l'ouvrage. Les planches, se rapportant toutes 
à l'Italie du Nord, étaient choisies déjà pa” le premier éditeur. M. C. ENLART, 
qui lui succède, s’est chargé de les commenter en quelques pages d'analyse 
claire et érudite {Paris, 1924. In-fol., 20 p., LxxX pl.). 


Une Exposition de l’art ancien au pays de Liége a été ouverte à Paris du 
20 mai au 30 juin. Parmi les œuvres d'art très variées qui s’y trouvaient 
réunies Jes plus remarquables étaient les orfèvreries et dinanderies reli- 


(20 CHRONIQUE. 


gieuses et les meubles du xvirie siècle. Le catalogue (Liége, Bénard. In-8, 
z05p ct fig.) c\mprend une description succincte des objets exposés. L’intro- 
duction générale par M. M. LAURENT (p. 19-41) donne un aperçu complet et 
suggestif sur le passé artistique du pays de Liége. Parmi les avant-propos 
pour les diverses sections, signalons les pages érudites (45-51) consacrées par 
MM. J. de Borchgrave d'Altena et J. Coenen à l’art religieux. 

L'Envoi de Namur à l'exposition d'art ancien liégeois à Paris a été com- 
menté dans une note intéressante de M. F. CourToy, dans Namurcum (1924, 
p. 17-25). R. MAERE. 


— La brochure de M. l'abbé Henri THÉOLES, intitulée : Le Vitrail d’Apt et 
le retour de la Papauté d'Avignon à Rome (Avignon, D. Seguin, 1924. In-8, 
52 p.) offre un trécl intérêt au point de vue de l’histoire générale. Elle 
démontre, par un testament du 18 juin 1317, que le culte de sainte Anne 
était en honneur à Apt bien avant cette date. D'autre part, elle € ablit l’exis- 
tence d’un voyage du pape Urbain V dans cette ville au mois d'octobre 1365, 
d’après un registre des délibérations de la commune. Il est très vraisem- 
blable que le pontife offrit lui-même le vitrail mutilé qui subsiste encore der-- 
rière le maître-autel de la basilique Sainte-Anne. En tout cas, l’œuvre même 
témoigne d’allusions très claires au prochain départ pour Rome. G. M. 


— Jcan de Mont-Corvin, O. F. M. (1247-1328), a été un des missionnaires 
les plus intrépides et les plus courageux des xirie-xive siècles. Après avoir 
traversé la Chine, en préchant l'Évangile, il devint le premier évéque de 
Khaubalig (Peking}. Son activité vraiment remarquable a été longtemps 
oubliée. Ce fut Wadding qui, le premier, la fit connaître. Le R. P. À. VAN 
DEN WYyNGAERT, O.F. M., vient de lui consacrer une plaquette (Jean de 
Mont-Corvin, O. F. M., premier évêque de Khaubalig [Peking]. Lille, Descléc, 
De Brouwer et Cie, 1924. In-8, 57 p.) où il expose la carrière si agitée du 
grand missionnaire. C’est un récit agréable et attachant qui s'appuie sur une 
solide documentation. À. D. M. 


— Dom L. GiILLET, de l'abbaye bénédictine de Farnborough, a donné une 
étude sur « Le génie du rite byzantin » dans les Questions liturgiques et parois- 
siales (juin 1924, p. 81-90) qui mérite de retenir l'attention. Il examine les 
divers apports qui influèrent sur la formation de ce génie : il y voit un 
élément oriental, imaginatif, poétique, symboliste et tendant vers le mystère ; 
la contribution néo-romaine se caractérise par son formalisme, son hiérar- 
chisme et son cérémonialisme. A ce propos, l’A. signale que l'esprit liturgique 
byzantin a exercé sur la culture russe médiévale une influence prépon- 
dérante, il donne des indications précieuses de bibliographie, des directives 
intéressantes pour les historiens qui voudraient étudier ce point de vue 
délaissé. Le facteur hellénistique du génie liturgique de Byzance est un 
élément spéculatif, 


Mr HERBELIN, en retraçant l’histoire des Francs de Beaucourt, a voulu 
apporter une contribution à l'histoire des institutions. (Les Francs de Beau- 
court — 11722 à 1589 — ou les seigneuries de Delle [Alsace] et de Blamont 
[Bourgngne| à Beaucourt. Belfort, 1923, 58 p.). Il expose comment ct de qui 
ces affranchis reçurent leurs privilèges, dont il détermine la nature. Cette 
plaquette n'offre guère beaucoup d'intérêt : les idées et les faits sont donnés 
sans ordre et l’esprit critique y parait souvent absent, J: LAVALLEYE. 


FRANCE. 621 


— Le livre de M. Josepn FaAuREY, La Monarchie française et le Protestan- 
tisme français (Paris, E. De Boccard, 1923. In-8, IX-176 p.) donne sans apparat 
critique une bonne vue d'ensemble sur l’histoire du protestantisme en France, 
depuis le commencement jusqu’à l’édit de 1787, à la veille de la Révolution 
Française. Récit du « grand duc) engagé au début du xvie siècle entre la 
monarchie française et le protestantisme français », cette synthèse tient plus 
de la philosophie de l'histoire et de la haute vulgarisation que du travail 
critique. P. M. Prerre. 


— Nous signalons l'ouvrage de l'abbé RoussEL « Le monastère de l'Annon- 
ciade céleste de Langres » 1623-1923 (Saint-Dizier, Brulliard, 1923. In-8, 128 p.), 
paru à l'occasion du troisième centenaire de la fondation du couvent. Cette 
brochure se recommande autant par l’aisance du style que par la sûreté de la 
documentation ; l’auteur a puisé ses renseignements aux sources d'archives. 
Il retrace par le menu l’origine du couvent ct ses vicissitudes jusqu’à nos 
jours en y ajoutant un chapitre sur le genre de vie qu’on y mène. La seconde 
partie du travail est consacrée à la biographie de diverses moniales qui se 
sont signalées soit par des vertus remarquables, soit par des qualités spéciales 
d'administration. En résumé, une contribution importante à l’histoire des 
Annonciades. J. LAVALLEYE. 


— Dans l'ouvrage intitulé : La querelle janséniste (Paris, P. Téqui, 1924. 
In-8, x11-382 p. Fr. 8), M. l'abbé L. BouRNET n’a pas l'intention de donner, 
d’après les sources, une histoire des controverses jansénistes Professeur au 
séminaire de Versailles, il veut simplement faire connaître à ses auditeurs, 
en s’appuyant sur les meilleurs travaux, les luttes passionnées dont l’abbaye 
de Port-Royal a été le principal théâtre. Pour l’exposé des doctrines et des 
événements ainsi que pour lappréciation des hommes et des choses, 
M. Bournet dép:nd donc des historiens modernes auxquels même il em- 
prunte volontiers leurs propres expressions. Cette méthode explique que les 
événements du xviie siècle sont beaucoup plus longuement exposés (p. 1-300) 
que ceux du xvuic (p. 301-364). Elle justifie Aussi, d’une certaine façon, le 
silence presque absolu relatif aux querelles provoquées par le jansénisme 
aux Pays-Bas espagnols. D’autre part, elle a quelquefois entraîné l’auteur 
à des interprétations de valeur assez inégale : ainsi, si le portrait de Saint- 
Cyran est dépeint surtout d'après l'ouvrage de M. Laferrière, c'est-à-dire 
d'après le P. Rapin, celui des solitaires s'inspire du Port-Royal de Sainte- 
Beuve, c'est-à-dire des relations jansénistes. 

On aurait évidemment tort de vouloir faire un reproche à M. Bournet de 
n'avoir pas cherché par lui-même soit à combler les lacunes qui existent, 
touchant l’histoire du janséisme, dans les travaux modernes, soit à corriger, 
d’après les sources, les récits tendancieux de certains auteurs. Comme tous 
ceux qui font œuvre synthétique, il ne cherche qu'à bien résumer le résultat 
des autres. Or, cette tâche, il l’a bien remplie. Son ouvrage donne, au moins 
pour ce qui concerne les luttes jansénistes en France pendant le xviie siècle, 
un exposé clair et méthodique. 


Le t. IV (2e partie) de l'Histoire partiale, Histoire vraie de M. JEAN 
GuiRAUD (12e édit. revue. Paris, Beauchesne, 1923. In-8, 407 p.) est consacré 
à l’histoire de la Compagnie de Jésus sous l’ancien régime, ou plutôt à la 
réfutation des principales accusations dont les jésuites des xvie-xvirie siècles 
ont été l’objet. Ces accusations concernent les constitutions et la politique de 


622 CHRONIQUE. 


la Compagnie, la doctrine de ses théologiens sur le régicide et sur la morale, 
ses confesseurs de rois, enfin les motifs de sa suppression au xvirie siècle. 
Pour détruire ces objections, M. Guiraud estime qu'il faut montrer leur 
faiblesse en démasquant leur origine et en leur opposant un exposé impartial 
des événements, Nous croyons qu’aux yeux de lecteurs non prévenus, il 
réussira à détruire plusicurs d’entre elles. Peut-être trouvera-t-on que, pour 
certaines justifications, les preuves sont empruntées trop exclusivement à 
des écrivains de la Compagnie. 

Cette nouvelle édition comporte, en appendice, une explication du bref 
Dominus ac Redemptor, que M. Guiraud oppose aux accusations de I. de Ré- 
calde (pseud.). A. D. M. 


— Les Pères Jésuites de France se proposent de rééditer les œuvres des 
grands écrivains ascétiques qui illustrèrent leur ordre au xvite siècle, trop 
souvent trahis par leur premier éditeur. Voici La vie et la doctrine spirituelle 
du Père Louis Lallemant, publiée à nouveau par le R. P. ALoys PoTTIER, S. J., 
d’après l’édition du P. Champion de 1694. (Paris, Téqui, 1924. In-12, 550 p. 
Fr. 12). En l'absence de tout manuscrit, le R. P. s'est borné à reproduire, en 
le corrigeant çà et là, le texte de l'édition princeps. Dans l'introduction, 
l'éditeur cherche à établir le degré d'authenticité du texte. Retrouve-t-on 
dans les notes des Pères Rigoleuc et Surin l'écho fidèle des conférences de 
leur maître de troisième an? Sans doute, sa doctrine si ferme n’y est pas 
défizurée, mais son style, ses expressions ? Le P. A. P. croit pouvoir répondre 
par l’affirmative, en comparant les tournures de phrases, la noblesse naturelle 
du P. Lallement, la familiarité du P. Rigoleuc, etc. Arguments qui ne man- 
quent pas de valeur, mais n’emportent pas la conviction. Quant à l’ordre 
adopté, l'éditeur ne pouvait guère s’écarter de l’usage reçu, sans dérouter 
plutôt qu’aider son lecteur. Pour compenser l'inconvénient de cette disposi- 
tion peu logique et compliquée, le P. A. P. a multiplié les renvois aux pas- 
sages parailèles. Malheureusement plusieurs de ces références sont incor- 
rectes. Ainsi p 222, les chiffres :. VI, $ IT, IV, 55, doivent se lire : VI, S. VI, 
IV,S5; pp. 232, on renvoic à IV,1IV,8; ce chapitre IV ne compte que sept 
articles; etc. Les corrections apportées au texte primitif sont en général 
heureuses : p. 119, l'éditeur a pu rétablir toute une ligne omise. On regret- 
tera pourtant de ne pas trouver chaque fois en note le mot corrigé dans le 
texte. L'éditeur y aurait gagné sans doute, de ne pas écrire prince, p. 224, au 
lieu de maïtre, en correction au mot nature, et le lecteur de contrôler sans 
peine. La correction de la en sa, p. 382, ne s’imposait pas, ce semble, ni 
d'autres semblables. De légères taches de ce genre n'empècheront pas 
d'apprécier ce travail Le P. A. P. l'a enrichi de nombreuses et savantes 
notes doctrinales et biographiques, d’un plan logique, d'éclaircissements, de 
tables, qui rendront plus maniable le livre et plus facilement intelligible la 
doctrine d’un maître justement célèbre. 


Pour faire suite aux études littéraires du P. G. Longhaye, le KR. P. A. 
Brou, S. J, entreprend la publication d’un ouvrage important, Le dix- 
huitième siècle littéraire, dont le premier volume, Avant l'Encyclopédie, 
vient de paraître (Paris, Téqui, 1923. In-8, xv1-460 p. Fr. 7,50). La méthode 
rappelle plutôt Brunetière ou Lanson que le maitre jésuite, de qui l’A. se 
proclame le disciple. Sans néeliger la critique proprement littéraire, le P. B. 
fait un tableau rapide, mais clair et plein de vie, du mouvement religieux, 


FRANCE. 623 


scientifique et politique de ce siècle si funeste à la fois et si intéressant. Vue 
d'ensemble où il est tenu compte, lc lecteur est prévenu à la première ligne, 
de la vérité chrétienne. Les renseignements biographiques, les analyses 
littéraires, les références dont ce livre est bourré le rendront précieux aux 
professeurs et aux étudiants d’histoire ecclésiastique. 


Les lecteurs de cette Revue ont pu se rendre compte de l'intérêt renouvelé 
qui s'attache à la vie et aux révélations d’Anne-Catherine Emmerich (Cfr 
RHE, 1924, t. XX, p. 131 et 314). La vie de la stigmatisée de Dülmen, par le 
P. K.E. SCHMOoEGER, C. SS. R., traduite par E. De CazALËs, vient d’être 
réimprimée : Vie d’Anne-Catherine Emmerich (Paris, Téqui, 1923. 3 vol. in-12. 
XVI-544, XVI-495 ct 591 p. Fr. 24}. M G. DiIRHEIMER publie un ouvrage 
dont le titre indique l’objet : Anne Catherine Emmerich, la visionnaire stigma- 
tisée de Dülmen et Clément Brentano son secrétaire. Étude sur l'authenticité des 
visions d’'A.-C. Emmerich (Paris, Téqui, 1923. In-12, Xvi-240 p.). Après avoir 
raconté la vie de Clément Brentano, poète romantique devenu catholique 
militant, et décrit les tribulations et les charismes d’A.-C. Emmerich, l’auteur 
passe à l’étude de leur collaboration. Il conclut que, d’une façon générale, et 
sans nier l'influence de diverses causes involontaires d’erreur (l'A. en dénom- 
bre huit, p 198), les visions sont d'origine surnaturelle et nous ont été fidèle- 
ment transmises par le « Pèlerin », secrétaire consciencieux. Sur ce dernier 
point, on ne peut que lui donner raison. Attendons pour nous prononcer sur 
le premier l'ouvrage où M. D. se propose d'étudier en elles-mêmes les révé- 
lations. Le présent travail se recommande par son allure méthodique, une 
enquête étendus, un raisonnement serré. On regrettera l’imprécision des 
références, l’absence d’une bibliographie complète et, dans la table des 
matières, d’unc pagination suffisante. 


La vie que vient d'écrire M. DE LavaL : Une âme de lumière. Le baron 
Francois d’Yvoire (Préface d'HENRI BoRDEAUX. Paris, Téqui, s. d. (1923). In- 
12, LXI1-382 p. Fr. 7) présente plus d'un intérêt. On y trouvera le récit d’une 
vie chrétienne et dévouée aux nobles causes, des notes et des documents sur 
certains personnages marquants, tels Mgr Dupanloup, le Comte de Paris, sur 
des événements d'importance, comme le 4 septembre, le ralliement. L'évêque 
d'Orléans avait reçu le baron d’Y voire sous sa direction et l’avait engagé dans 
diverses entreprises, par exemple, la rédaction de « la Défense », la candi- 
dature à la députation en 1869. La correspondance du gentilhomme savoyard 
et ses souvenirs ne contiennent aucune nouveauté sensationnelle. Ils 
éclairent certains côtés de l’histoire de France au xixe siècle. 


Les spécialistes liront avec intérêt la curieuse et véritable histcire d’Une 
possédée contemporaine (1834-10r4), Hélène Poïrier de Coullons (Loiret), d'après 
les notes journalières de trois prètres orléanais transcrites par le Chanome 
CHAMPAULT, l'un d'eux (Paris, Téqui, 1924. In-12, 543 p Fr. 10). Les 
témoignages allégués, entre autres ceux de Mgr Bougaud et de Mgr Dupan- 
loup, la précision et la concordance des notcs prises par plusieurs témoins 
convainquent de la réalité des phénomènes mystiques et diaboliques qui 
s’entrecroisent dans cette vie. On sera sans doute moins enclin à partager la 
foi entière de l’auteur, à recevoir certaines interprétations, par exemple, à 
propos des prophéties de la voyante (p. 323). Bornons-nous à remarquer 
qu’un mal de tête soulagé par une parcelle de la vraie croix (p. 382), le fait 


624 CHRONIQUE. 


que l’extatique reconnaît dans le voile de Véronique la Sainte Face dont elle 
a eu la vision (p. 97) ne prouvent pas que la relique soit authentique ou le 
tableau miraculeux ni même fidèle. P. DEBONGNEE, C. SS. K. 


— L'étude de M. Grosjean sur La Rédemption d'après Franz Leenhardt 
(Paris, Fischbacher, 1923. In-8, 157 p. F. 10) contient beaucoup de pensées 
profondes et d’aperçus suggestifs, à côté de beaucoup d’autres dont il serait 
bien difficile d'expliquer le sens précis. Elle expose dans le langage religieux 
propre au protestantisme. la conception de Fr. Leenhardt et en fait la 
critique. La première partie traite de la philosophie de la nature de Fr. L., 
. de sa théorie de l’évolution et de l’activité créatrice, de l'apparition de l'être 
personnel et de l’éclosion de la liberté, de la nature du péché et de la possi- 
bilité de la rédemption, de la préparation à la venue du Rédempteur, de la 
personne du Christ et de son œuvre, des conditions subjectives du salut. La 
pensée de Leenhardt sur l'activité créatrice s'apparente, sans en dépendre, 
à celle de Bergson. Sa conception de la rédemption dérive en droite ligne de 
l'éthique de Richard Rothe. Mais tandis que celui-ci admettait la nécessité 
de la chute et de la rédemption, Lecnhardt maintient la contingence du 
péché et voit dans la rédemption l'acte par excellence de l'amour divin. 
M. Grosjean lui-même suit de près les théories de Leenhardt, sauf pour le 
caractère Juridique de l’expiation, conservé chez celui-ci sous l'influence de 
S. Paul, abandonné par l’autre pour se rapprocher davantage ainsi, pense-t-on, 
de la formule évangélique du pardon. É. ToBac. 


— MoGr SopHRonios EUSTRATIADES, métropolite de Léontopolis, a fait 
paraître un Kar3cyc: r@y iv 5 is0X om Baroned'ou anoreuévey 
#00 !xwY. Paris, Champion, 1924. 277 p. Ce catalogue, divisé en trois parties, 
contient la description de 786, 465 et 285 mss. (L'affirmation de Sp. Lambros 
fixant le nombre des mss de Vatopédi à 1235, est donc inexacte) Plusicurs 
de ces mss, inutile de le dire, renferment des œuvres inédites. La RHE 


donnera, si possible, des renseignements complémentaires sur ce catalogue. 
A. P. 


— L'éditeur A. Dragon, d’Aix-en-Province, annonce pour le mois d'octobre 
prochain la publication d'un magnifique ouvrage en deux volumes in-4, qui 
contiendra plus de 400 illustrations phototypiques dans le texte et hors texte 
et qui sera consacré au Palais des l’apes et aux Monuments d'Avignon au 
XIVe siècle. La rédaction de l'ouvrage a été confiée à un savant de renom, 
M. L. H. LaBANDE. On y trouvera un historique de la construction du monu- 
ment et des modifications qu’il subit au cours des âges. 


Une Revue d'histoire des missions a été créée à Paris. Didactique, cri- 
tique et documentaire, elle contiendra une chronique mensuclile des missions 
et des articles concernant l'histoire des missions dans le monde entier. 


La société d'histoire moderne annonce qu'elle publiera un répertoire 
des travaux consacrés à l’nistoire moderne de la France et parus de 1867 à 
1899, dès qu'elle aura reçu un nombre suffisant de souscriptions. On souscrit 
chez M. Léon Cohen, 1bis, rue Lalo, à Paris. 


Académie des inscriptions et belles lettres. — Le 4 avril, M. CH. DE LA 
RonciÈRE explique que la carte de la bibliothèque nationale classée comme 


FRANCE. 625 


carte portugaise du xvie siècle et représentant le monde connu à l’époque 
où elle fut tracée, comprend l'Afrique jusqu’au cap de Bonne-Espérance, 
découvert en 1488. et ne contient rien des découvertes de Christophe Colomb 
commencées en 1492. Cette carte n’est pas portugaise ; elle a été dressée 
sous la direction de Christophe Colomb et faite par un cartographe génois. 
Elle reflète les idées de Christophe Colomb, à la veille de la découverte de 
l'Amérique. 

Le 11 avril, M. THéopore REINACH communique que les fouilles entrc- 
prises dans la vallée du Cédron par M. Naham Houszh et la Jewish Palestine 
Exploration Society, continuent activement. Deux tombeaux sont déblayés; 
l’un dit d’Absalon et l’autre de Josaphat. Ce dernier est un palais funéraire 
comprenant huit grandes pièces taillées dans le roc. — M. RENÉ Dussaup 
indique que M. Viel, qui dirige la mission archéologique à Jérusalem, a 
dégagé sur le site Ophel, l'enceinte méridionale de la cité de David, une 
tombe des anciens rois de Juda, et sur le site de Geza de nombreuses tombes 
de l’âge de bronze et de fer. 

Le 30 mai, M. Épouarp Cu fait une communication sur les lois Hittites. 
Dans les ruines du palais des rois du Hatti, on a trouvé, en 1906, plus de 
10.000 tablettes d'argile couvertes d'écriture cunéiforme, dont quelques-unes 
contiennent un recueil de lois. Ces lois ont été édictées pour un peuple 
d'agriculteurs et de guerriers établi dès le troisième millénaire dans la 
boucle de l’Halys, et qui, peu à peu, a soumis à sa domination la majeure 
partie de l'Asie Mineure, la Syrie et le nord de la Mésopotamie. 

M. Hrozny, professeur à l’Université de Prague, a traduit en français les 
lois hittites ; bien que cette traduction soit sujette à révision, en raison des 
difficultés qui présente la lecture, elle donne néanmoins une idée suffisante de 
la composition du recueil, du caractère et de l’objet de ces lois. Le recueil 
contient 200 articles environ ; il est divisé en deux parties, d'époques diffé- 
rentes, dont la plus ancienne a été remaniée. On a adapté la loi aux rapports 
des habitants du Hatti avec ceux des pays annexés. On constate ainsi que la 
formation du recueil est antérieure à l'annexion de la Syrie dans la première 
moitié du xive siècle, 

Les lois attiques ont surtout un caractère pénal ; elles tendent à protéger 
l'agriculture et à réprimer les délits susceptibles de troubler gravement 
l’ordre public. 

Le 13 juin, M. MiroT parle des recherches faites jadis par Dom Bévy dans 
les archives de la cour des comptes, détruites depuis 1737, relativement aux 
chevaliers servants et à la gendarmerie. — M. A. BLANCHET signale la 
découverte, faite en 1918, dans la forêt de Corgebus, d'un autel gaulois, 
élcvé sur les bords d’un ruisseau, aujourd’hui souterrain. — M, l’abbé 
CHaBor met en valeur les découvertes faites au cours des fouilles du sanc- 
tuaire de Tanit, à Carthage. Trois autels ont été mis à jour. Quatre urnes 
funéraires y étaient placées, mais on n’a pu analyser les cendres ; ce qui. 
nous empêche de savoir si les Carthaginoiïis immolaient réellement des 
enfants. Trois inscriptions phénicéennes répètent la même menace : € La 
divinité châtiera quiconque touchera à ces pierres ». 


Académie des Sciences morales et politiques. — Le 24 mai, M. HEBRARD 
D& VILLENEUVE fait une communication sur les associations diocésaines. Il 
résume les longues négociations et les difficultés auxquelles a donné lieu 
l'organisation de la gérance des intérêts du culte catholique sous le régime 


626 CHRONIQUE. 


de la séparation. Il montre comment Pie XI, en autorisant ces associations, 
a réalisé les vues exprimées par Pie X, en 1906, dans l’encyclique « Gravis- 
simo ». L'accord sur ce point entre l'Église et l'État n’a exigé d'aucun des 
deux partis le sacrifice de ses droits essentiels ; l'Église ne vise plus à être 
une puissance politique, mais à rester une grande force sociale. 

Le 7 juin, M. Lévy-BruHL donne lecture, au nom de l’auteur, M. Léon 
Roth, professeur à l’université de Manchester, d’une notice sur un corres- 
pondance inédite de Descartes et de Huyghens. Cette correspondance, qui 
a passé de Hollande en Angleterre il y a un siècle, avait été acquise en 1833 
par un avocat du nom de Buxton. 


Société nationale des antiquaires de France. — Le 14 mai, M. PHILIPPE 
LAUER parle du psautier carolingien du président Bouhier, il montre l'origine 
à St-Gall au vue siècle et le passage au 1xe à Auxerre où il reçut l'addition 
des laudes carolines et de l’obit de Bernegaudus, auteur d’un commentaire 
sur l’Apocalypse. 

__ Le 28 mai, M. ADRIEN BLANCHET parle des découvertes faites par M. le 
chanoine Pinier au cours des travaux exécutés sur l'emplacement des anciens 
cloîtres de Saint-Martin d'Angers. Ce dernier a trouvé des débris d’archi- 
tecture de l’époque carolingienne, des colonnes avec chapiteaux de la pre- 
mière époque romane ct, enfin, des tablettes de cire du commencement du 
xie siècle. — M. Juzes FORMIGÉ dépeint les voûtes provençales du xirie siècle 
et montre qu'elles furent copiées sur les voûtes romaines dont l'emploi a 
continué jusqu’au xvie siècle. On retrouve ces voûtes en Syrie. 

Le 4 juin, M. DE MÉLY signale au musée chrétien du Louvre la présence 
d'une petite tuile identique à celle qui a été découverte à Périgueux. Elle 
provient des fouilles faites à la cathédrale de Léez, en 1881. Elle est sur- 
montée d'une croix grecque, et a été également trouvée seule. On suppose 
que c'est un talisman religieux, se rapportant à la légende byzantine de 
Robert de Clari, une tuile chinoise, trouvée à Tokio, qui dans sa stylisation 
se rapproche de la tuile de Périgueux, proviendrait sans doute du méme 
mythe, transporté en Extréme-Orient par les voyageurs qui s’en allaient en 
Chine par la route d'Antioche. 

Le 18 juin, M. DE MÉLY indique que les carreaux du pavage de l'église 
Saint-Etienne de Caen furent peut-être peints à la main, à l'imitation de la 
fcéramique orientale, avec de la terre blanche à laquelle avait été mêlé un 
ondant plombifère. — M. P. DescHaAmprs croit pouvoir affirmer que les bas- 
reliefs d’un tympan de l’église Saint-Julien de Brioude, qui représentaient 
la scène de l'Ascension et dont il ne subsisde que quelques fragments, 
furent exécutés en plâtre, au xrie siècle. 


Le 57° congrès des sociétés savantes s’est tenu cette année à Dijon les 

22, 23 et 24 avril. Voici les principales communications qui ont été faites. 
L. Section de philologie et d'histoire. M. PH. LAUER a parlé du Scriptorium 
de Corbie. — M. J. LAURENT communique la découverte qu'il a faite de dix- 
huit feuillets de l’obituaire de l’abbaye bénédictine d'Ambronay en Bugey 
(xve siècle). — M. R. LEBÈGUE relève l'importance de la copie prise par 
Marguerite de Navarre, entre 1527 et 1538, du Mystère des actes des apôtres 
des Grébants. -- M. OURsEL établit qu’un manuscrit dijonnais du Speculum 
historiale de Vincent de Beauvais a pu étre un exemplaire dédicacé en 
l'honneur de saint Louis, car il s'y trouve une lettre inédite au roi de France 
“ét un prologue semblant inconnu, où l’auteur présente son œuvre comme 


FRANCE. 327 


divisée non en trois parties, mais en deux : le Speculum naturale et le Specue 
lum historiale. — M. OUuRsEL signale aussi un missel de Dijon, le no 110, 
qui aurait été exécuté en Avignon en 1394 et fut otfert à la collégiale de 
N. D. de Bcaune. — M. Oupor pe DainviLLe fait connaître une lettre 
inédite de Charlss-Emmanuel de Savoie, du 8 mars 1521, qui montre les 
rapports du duc avec les ligueurs. — M. H. Le CLerc lit une étude sur le 
protestantisme à Saint-Lô, de 1555 à 1730. — M. L. M. POUSSsEREAU retrace 
la biographie d’un simple serf du seigneur de la Perrière, qui devint évêque 
de Nevers et mourut évêque de Chalon, en 1461. — Un mémoire de M. LE- 
SORT établit l’authenticité de l’acte de fondation du prieuré de Sermaize en 
1094 que confirment deux chartes inédites de la mère d’'Hugues Ier, comte de 
Champagne, et de Philippe, évêque de Châlons, ainsi qu’une bulle pareille- 
ment inédite d’'Eugène 11 (29 avril 1148). — M. E. RoY montre l’origine et 
le développement de la légende du transfert à Jérusalem du cœur de Phi- 
lippe le Bon. — M. E. ANDRÉ a soulevé à nouveau la question du concile de 
Mâcon de 585 et de la controverse qu'y suscita l’âme des femmes, pour nier 
que celle-ci eut licu. — M. L. Trisror donne des détails intéressants sur 
Nicolas Psaulme, évêque de Verdun de 1548 à 1575. — M. LEx établit que 
l’épiscopat de Nicolas de Bar à Mâcon se place entre les années 1286 et 1315, 
ct non entre 1301 et 1330, conme l’a imprimé la Gallia Christiana ; ces 
données sont extraites d’un obit conservé dans la reliure d’un registre de 
catholicité de la paroisse de Plottes (Saône-et-Loire). 

Il. Section d'histoire moderne et contemporaine. — M. BAZEILLE raconte 
comment l'abbé Gaudin de Saint-Amand, principal écolâtre du collège de 
Rabodanges (Orne), conserva sa charge malgré son refus de prêter le ser- 
ment à la constitution civile du clergé, à cause de l’estime qu’il avait su 
conquérir parmi les habitants de la localité. — M. CHARLES PORÉE montre 
comment, en dépit de la supériorité numérique des curés des paroisses du 
bailliage d'Auxerre, le candidat du haut clergé l’emporta, lors des élections 
aux Etats Généraux en 1789; ce fut grâce à l’action de l’évéque Mgr de Cicé. 
— M. Soz parle d’un épisode relatif & l’application du concordat de 1801 
dans le Dijonnais. Un prêtre marié ayant reçu du cardinal Caprara l’auto- 
risation de contracter une union validement, l’évêque du lieu, ancien gal- 
lican et évêque constitutionnel, refusa de reconnaître la légitimité de l'acte. 
Il fallut que Caprara et Portalis intervinssent à nouveau. — M. Soc donne 
quelques renseignements sur la perception de la dime ecclésiastique en 
Quercy après la nuit du 4 août. Les querajnois s’y montrèrent récalcitrants. 

Il. Section d'archéologie. — M. CHaiLLAN décrit l'église Saint-Julien, 
élévée pendant la haute période romane à Miramas-le-Vieux par les moines 
de Montenajour. — M. PERRAULT-DAB80T appelle l'attention sur la forme 
particulière des clochers de la région de Beaune. La flèche de pierre cest 
entourée entièrement de cordons étagés. — M. J. SALvINr a cru trouver 
dans une croix géminée, accostée à un serpent qui enserre l’arbre du Para- 
dis, les symboles d'Adam et d'Éve. La sculpture date du vie ou du vrie siècle, 
Elle est enchâssée dans un mur de l’église de Pouillé. M. Prou montre au 
contraire qu’elle symbolise la rédemption, vis-à-vis de la faute originelle 
figurée par le serpent. — M. OURKSEL propose d’attribuer à l'abbé Étienne 
(979) le chevet de l’église abbatiale de S. Philbert de T'ournus. Le narthex 
aurait été achevé avant 1098 ; la nef pourrait être ditéc de 1008 à 1028 et les 
berceaux transversaux du xie siècle. — M. PRENTOUT passe en revue ct 
caractérise divers chapiteaux romans de l’abside de la Trinité de Çaen, 


628 CHRONIQUE. 


Unc expédition d’archéologues, ayant à sa tête le professeur G. D. DeY, 
de l’Université américaine de Beyrouth, aurait découvert quelques vestiges 
de l’existence de Sodome, Gomorrhe et autres villes dont la Bible mentionne 
la terrible destruction. 


M. l'Abbé GRÉBAULT, curé de Neufmarché, vient d’être chargé par le 
Pape de classer les manuscrits éthiopiens de la bibliothèque vaticane. 


M. FRANz CUMoNT (Débats, du 8 avril 1924) écrit qu’on croit à tort que 
le Lysanias nommé dans une inscription de Doura de l'an 31, serait le 
tétrarque d’Abilène mentionné dans l'Évangile de saint Luc. En effet, le 
nom de Lysanias est très fréquent à Doura, où on le trouve neuf fois cité 
dans une quarantaine d’inscriptions, sans compter qu’il existe dans d’autres 
textes encore inédits. Si le Lysanias de l'inscription de l'an 3x avait été un 
dignitaire aussi important, un titre honorifique eût suivi son nom. 


M. HENRI Gas a fait don à la bibliothèque nationale de textes des 
xXvile et xvirie siècles, de beaux Kecpsakes. 


M. Louis BRÉHIER a communiqué à la société des Amis de l'université 
de Paris, l’examen d'un manuscrit de Grégoire de Tours conservé à la 
bibliothèque de Clermont, dont les derniers feuillets ont trait à la recon- 
struction de la cathédrale. L'évêque Etienne II y apporta tous secs soins, 
l'architecte d'Aléaume et son frère Adam exécutèrent la statue de la Vierge 
à l'Enfant où furent insérées les reliques de la mère de Jésus. 


Les portes de l'église Saint-Picrre d'Avignon cachées jusqu'ici, ont été 
rendues à l’admiration de tous; elles datent du xvi siècle, et sont l’œuvre : 
d’Antoiae Volardi. L’imposte est ornée d'arabesques, de chimères et d’un 
mascaron ; les portes sont encadrées par deux cariatides ; sur un panneau 
on voit la scène de l’Annonciation et sur l’autre saint Michel terrassant le 
dragon et saint Jérôme. « G, MoLLat. 


— Les difhcultés des temps actuels sont fort dommageables pour les monu- 
cents historiques. M. John D. Rockefeller a été frappé par l’état de déla- 
brement dans lequel se trouvent quelques-uns des plus beaux monuments 
français, et il a fait don à la France d'un million de dollars, à affecter à des 
restaurations urgentes aux palais de Versailles et de Fontainebleau et à la 
cathédrale de Reims. Un comité franco-américain a été constitué et dès 
maintenant une tranche de 400.000 dollars a été mise à la disposition de 
l'administration des Beaux-Arts. Sur cette somme 1 million sera affecté à la 
cathédrale de Reims, 2 millions à Fontainebleau et 5 à Versailles. KR. M. 


— Depuis le rer juillet dernier, la Bibliothèque-musée de la guerre, à Paris, 
est transférée au Pavillon de la Reine, au château de Vincennes (Seine). 
H. N. 


— M. MarcEez HANOBLSMAN, professeur d'histoire à l'Université de Varsovie, 
a inauguré à l’Université de Paris une des six conférences faites par des 
savants polonais ; il a parlé de l'influence des idées françaises sur l'évolution 
de la pensée politique moderne en Pologne; dans un prochain cours il 
traitera de Benjamin Constant et du libéralisme polonais. 


FRANCE. | jX) 


Conseil Supérieur des Lettres. — Le 10 Mai, l'Académie Française a 
nommé les membres qui la représenteront au Conseil Supérieur des lettres, 
que vient de créer M. de Jouvenel, ministre de l'instruction publiques 
désormais qu'il s'agisse de pensions, de bourses de voyage, de décorations, 
et enfin de l’appui que le gouvernement accorde aux Ilcttres, vingt-cinq 
intellectuels prendront part aux délibérations. 


En 1920, la Faculté de théologie catholique de Strasbourg avait organisé 
un institut de Droit canonique à l'intention des étudiants désireux de se 
familiariser avec la discipline de l'Église et son histoire. Comme cet orga- 
nisme n'avait pas été prévu dans le concordat de 1902, d'où la Faculté était 
issue, il ne jouissait pas encore, au point de vue de l'Église, d'une existence 
juridique, et ne pouvait délivrer que des diplômes strictement universitaires. 
Il était souhaitable que le Saint-Siège daignât reconnaître à ces titres une 
valeur ecclésiastique. C'est maintenant chose faite. La Congrégation com- 
pétente vient de décider que les clercs qui auront fréquenté les cours de 
l'Institut et passé avec succès leurs examens, obtiendront la conversion de 
leurs diplômes universitaires en grades ecclésiastiques : baccalauréat, licence 
et doctorat en Droit canonique. Les conversations concernant l’Institut de 
Droit canonique ont fourni au Saint-Siège l’occasion d'examiner la situation 
canonique de la Faculté elle-même, devenue française, et de lui confirmer 
tous les privilèges dont elle avait été enrichie jusque-là. 


M. PauL FouRNIER a donné à l’Université de Strasbourg, dans la seconde 
quinzaine du mois de février, une série de quatre conférences sous les 
auspices de la Faculté de Théologie catholique. Une conférence publique a 
été consacrée à Grégoire VII et la rénovation des recueils du droit canonique. 
Dans trois autres leçons, il s'est occupé du rôle des Fausses Décrétales dans 
la réforme ecclésiastique du 1xe siècle, des principaux recueils de go0o à 1050 
(s’attachant surtout à préciser la manière dont on traitait les textes), enfn, 
d'Yves de Chartres et de la première manifestation d’une science du droit 
canonique. 

Dans ses nombreux travaux sur les collections canoniques du 1xe au 
xute siècle, M. Paul Fournier ne s’est pas contenté d’examiner minutieu. 
sement les textes. Il a dégagé de ses études des conclusions d’une haute 
importance pour l'histoire générale du moyen âge. Les collections lui servent 
à caractériser les mouvements de réforme, les tendances qui se manifestent 
dans l'Église. C'est À quoi il s’est aussi attaché dans ses conférences. 

Comment des clercs falsificateurs ou inventeurs de lettres pontificales ont 
composé au 1xe siècle les curieux recueils dits pseudo-isidoriens, pour réagir 
contre le désordre qui ruinait la hiérarchie et contre les abus du pouvoir 
séculier ; quelle conception on se faisait, particulièrement dans la région du 
Rhin, au xe siècle, de la restauration disciplinaire et morale ; quels principes 
ont mis en lumière les partisans de la grande Réforme entreprise par 
Grégoire VII au xie siècle, qui devait asseoir définitivement la puissance 
politique de la papauté, et comment ils ont préparé les voies à l'étude 
scientifique et à la codification du droit canonique : telles sont les questions 
que M. Paul Fournier a successivement cxaminées. Ces conférences ont 
présenté le plus grand intérèt pour ceux que préoccupent les origines des 
méthodes scientifiques et le développement des idées religieuses et morales. 


REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 4 
+ 


630 __ CHRONIQUE. 


L'éditeur Bloud et Gay annonce la prochaine publication d'un journal 
hebdomadaire (un an : 15 fr.) : La Vie Catholique, qui fera connaïtre chaque 
semaine le mouvement intellectuel, artistique, social, religieux et scientifique 
du catholicisme contemporain. 


Prix et concours. — L'académie des inscriptions et belles-lettres a 
décerné les prix suivants : 

Prix ProsT : M. PaAuL LESsPRAND, L'abbaye de saint-Louïs de Metz (600 fr..); 
M. CH. Armonn, Nécrologes de l’abbaye de saint-Michel (600 fr.). 

Prix DucHaLais : M. DiEUDONNÉ, Catalogue des monnaies capétiennes de 
la bibliothèque nationale. 

Prix BorDiN : M. EpmMonp BaraL, Les arts poétiques des XIIe et 
XIIIe siècles. Recherches et documents sur la technique littéraire du moyen 
âge. 

Prix GoBErT : M. CHARLES HIRSCHAUER, Les États provinciaux d'Artois, 
(9000 fr.). 

M. BRuN, La traduction du français dans les provinces du Midi de la 
France (1000 fr.). 

Prix Fouzp : M. Henri MARTIN, La miniature française du XIII au 
XVe siècle (3000 fr.); M. L. MAETERLINCK, L'énigme des primitifs français 
(2000 fr.). 

Prix Vorney : M. Jouon, Grammaire de l'hébreu biblique (1000 fr.). 

L'académie française a décerné sur la fondation Montyon des prix de 
500 fr. à MM. l'abbé Armonpn, La guerre de 1914-1910 dans la Meuse; L. 
Boucnon, Le P. Henry Auffroy ; abbé DARTIGUES, Le traité des études de 
l'abbé Claude Fleury ; P. TH. ORTOLAN, Les oblats de Marie-Immaculée ; P. 
M. J. Bouer DE JouRNET, Un collège de jésuites à Saint-Pétersbourg 1800- 
1816; Melle KR. ZELLER, Le bienheureux Henri Suso. 

Prix JuTEAu-DuviGnaux : M. l'abbé R. CL. FiLLioN, Vie de N. S. Jésus- 
Christ (1000 fr.); R. P. G. Sorrais, La plulosophie moderne depuis Bacon 
jusqu’à Leibniz (500 fr.). 

Fondation Dopo : M. le chanoine J. Vaupou, Histoire générale de la com- 
munauté des filles de Saint Paul de Chartres. 

L'académie des sciences morales et politiques a décerné le prix DRouYN 
pe Luuys à M. l’abbé ConsTANT, La légation du cardinal Morone près 
l'empereur et le Concile (3000 fr.) et le prix JosEPH SAiLLET à M. RENÉ 
HUBERT, Les sciences sociales dans l'encyclopédie (1500 fr.). 

CoNcOURS DES ANTIQUITÉS DE FRANCE : 1e médaille, M. DussErT, Les 
États du Dauphiné de la guerre de Cent ans aux guerres de religion (1457- 
1559) : 2e médaille, M. GANDILLON, Catalogue des actes des archevèques de 
Bourges antérieurs à 1200 : 3: médaille, M. J. Vrarp, Les grandes chroniques 
de France, tomes I-JHI : 3: mention, M. RENÉ Face, Les clochers, murs de 
France et petites églises rurales du Limousin ; 4° mention, M. l'abbé HERNET, 
Les graffites de Graufsenque ; 5° mention, M. Josernx NÈvE, Sermons choisis 
de Michel Menot, 1508-1518 ; 7e mention, M. le commandant GUENEDEY, La 
prison de Saint-Marc à Rouen. Étude historique et archéologique. 

Le sujet du concours annuel, organisé par la Faculté de Théologie catho- 
hque de l’universiié de rasbOUres était cette année : L'amour de Dieu 
d’après saint Bernard. Sept mémoires avaient été présentés. La Fac :lté n’en 
a retenu que deux entre lesquels elle a partagé le prix de mille francs. Les 
lauréats sont le KR. P. Pierre GuiLzovx, S. J., et M. l’abbé BÉNABENT, curé 
de Maurens, par Saint-Félix, Haute-Garonne. ” 


GRÉCE. | 631 


Nominations. — M. GEorGEs SALLES est nommé conservateur-adjoint 
du musée du Louvre. 
M. CHATELET, doyen de la faculté des sciences de Lille, est nommé rec- 
teur de l’Académie de Lille. 
M. GHEUTI, professeur à la faculté de droit de Toulouse, est nommé re:- 
teur de l'Académie de Clermont. 


Décès. — M. D'ESTOURNELLES DE CONSTANT, ancien élève de l’école des 
langues orientales et auteur d’un livre sur : Les congrégations religieuses 
chez les Arabes. G. MoLLAT. 


Grèce. — Le professeur D. M. Bazanos, dont il a été plusieurs fois question 
dans la chronique de cette revue, est un écrivain fécond qui sert, par ses 
publications, non seulement la science ecclésiastique, mais aussi les intérêts 
de la religion dans sa patrie. Ce double souci se marque encore clairement 
dans le petit volume que nous voulons signaler : ’Ioidwpes 5 [nacvorwrns 
(Athènes, Sideris, 1922. In-8, 184 p.). Née de la jouissance intellectuelle qu’à 
procurée à son auteur la lecture des lettres du célèbre ascète de Péluse, la 
présente étude se divise en trois parties consacrées respectivement à la vie, 
aux écrits et à la doctrine du saint moine. La dernière partie surtout a été 
développée (p. 55-169) ; elle ne sc contente pas d'exposer, selon une habitude 
très répandue et généralement suivie, les enseignements dogmatiques de 
l'auteur considéré ; elle recueille également et met en lumière ses 
enseignements moraux, spirituels et pratiques et, de la sorte, elle achève 
heureusement et éclaire davantage le portrait du personnage. Il est inté- 
ressant de constater par elle comment la retraite monastique n'empêchait 
pas saint Isidore d’avoir et d'exprimer des idées et des avis touchant les points 
les plus variés de la vie chrétienne dans le siècle. S'il parlait des différentes 
vertus, de l’épiscopat ct du sacerdoce, il savait aussi, par exemple, se 
prononcer sur le droit et les règles de la guerre, et sur les principes de 
l'éducation des enfants. Quant à la vie et aux œuvres de Pélusiote, nous ne 
dirons pas que M. Balanos ajoute des éléments nouveaux à ceux que donnent 
généralement les notices des histoires littéraires; mais il est bien informé 
et peu de publications occidentales lui échappent; de plus, il fait avec 
prudence et méthodiquement la critique des opinions proposées par les 
anciens. Quelques points devront sans doute être rectiñés lorsque l’on pourra 
utiliser certains témoignages encore inédits, par exemple, touchant la 
parenté doctrinale de saint Isidore avec saint Cyrille d'Alexandrie et la 
composition d’autres écrits que les lettres. Mais nous nous plaisons à 
reconnaître que l'étude de M. Balanos est sérieuse, qu’elle présente bien et 
complètement son personnage ct qu’elle augmente encore son méïite par 
une bibliographie et des tables qui contribuent à lui donner une présentation 
scientifique appréciable. ]. LEBoN. 


— Le prof. ADAMANTIOS DiAMANTOPOU LOS, directeur de l’Anaplasis a publié 
plusieurs ouvrages qui méritent d'être signalés dans la RHE : 1) Anonetpat 
RODs EJOT TOY ExxhrTuny 227% 76y l'E" ztwvx. Athènes. 1924. 75 p. Cet 
ouvrage s'appuie sur une connaissance approfondie des sources byzantines 
et latines ; il traite successivement de la légation grecque au concile de 
Constance (1414-1418), des négociations entamées en vue de l'union des 


L32 CHRONIQUE. 


Églises, d'abord avec Martin V, puis avec Eugène IV cet le concile de Bâle. 
2) 21G:orpo; Zupinouko:, xxi Ta arouvrucveumarx Tüs Ev Divwperrix 
Zuycdou. Jérusalem, 1923. 114 p. Après une notice biographique de Syropou- 
los, M. Diamantopoulos fait connaître les circonstances de composition des 
mémoires de cet écrivain et le sort que subit son manuscript. Cctte étude 
est très documentée ; mais nous sommes bien loin de croire, avec l'auteur, 
que le pamphlet de Syropoulos contre le concile de Florence surpasse en 
crédibilité les écrits de ses contemporains. Les preuves qu'Allatius a appor- 
tées contre la sincérité de Syropoulos, conservent à nos yeux leur pleine 
valeur. — 3) Yuyoicyix Ti: posais Érxvaorioews. Athènes, 1924. C'est 
une étude intéressante sur les conditions de l'Eglise russe, ct la genèse du 
Bolchévisme. 


Parmi les travaux d'histoire ecclésiastique, récemment parus en 
Grèce, mentionnons d’abord deux études de K. S. DyovounioTés : la 
première nous livre quelques documents touchant l’histoire de la métropole 
de Larisse, tirés de mss de la bibliothèque de l’université d'Athènes : 
*AyEz0n7 ot EyAUR/LO Kai Éy/paYX Th: urrporôrews Aauioons. Athènes, 
1924 ; la seconde contient un uaité sur les œuvres de Macaire l'Egyptien, 
écrit par Néophytos, 9 Kavocraluirrs. Le texte est édité d’après un ms. 
de la bibliothèque de l’université : Kpicu: TEpl TOY OUY/PXUHATUY TOU 
Maxaor'ou Toù Atyur-iou. Athènes, 1924. — Signalons ensuite la mono- 
graphie de MÉLÉTIiOoSs, métropolite de la Messénie, sur le monastère des 
quarante martyrs en Lacédemonie : ‘ iecx uom Toy ayiwv 40 paprüpor. 
Athènes, 1921. 112 P.; puis, un essai d'hagiographie chypriote par JBAN 
SykourTËs : Kurtxxñ ‘Atoyuaqix, dans les Kuneixxi ypovmx, Larnaka, 
1924, t. II, P. 47-59 ; enfin, ies recherches de G. A. Soririos, sur les églises 
byzantines de la ville de Cythère : Mesauwvxz Mimusix Kuÿcy, dans la 
Kumeaien Eremorsts, 1923, t. IL, p. 313-332. 


Nous sommes heureux d'annoncer la réapparition du Acs47Ttoy XPITTIa- 
VUAT SE Af4AONTY ARS Érasstes, fondé par Gcorges Lambakis, et interrompu 
après la mort de celui-ci. La première et seconde livraison de la seconde 
série, qui commence en 1924, contiennent une biographie de Lambakis par 
le métropolite CHRYSOSTOME ; une étude sur le monastère de Saint Mélétos, 
et plusieurs notes touchant les monuments religieux de l’époque byzantine. 


Le professeur AMILAKOI ALIVIZATOS prépare une édition complète des 
canons de l’Église grecque : Eu//cyn To iepwy xavévwy. L'ouvrage com- 
prendra 30 feuilles d'impression. (Prix : 60 drachmes.) 


L'archimandrite EUGÉNIios KosTARIDÈS fera paraitre sous peu un 
Xpuorexvmty Husccroyuy, qui contiendra des travaux d'histoire ecclé- 
siastique, d'apologétique et de polémique religieuse. A. PALMIERI. 


Italie. — La première édition du Manuale di archeologia cristiana de M. O. 
MaruccHI parut en 1905. C’est le résumé en un volume des Eléments d'archéo- 
logie chrétienne, ouvrage en trois volumes publié par le même auteur en 
1900-1902. (L. Éléments ; II. Les catacombes ; III. Les Basiliques). Les deux 
matuels sont très utiles à celui qui veut étudier ou enseigner l'archéologie 
romaine de l'antiquité chrétienne. 


ITALIE. 633 


Une troisième édition du Manuale a paru (Rome, Desclée, 1923. In-8, 
VIUI-411 p., nombreuses fig.), avec le concours de M. E. Fosi. Elle est au 
courant des découvertes et des publications récentes. Elle s’en tient pres- 
qu'exclusivement aux monuments romains. On yÿ trouvera réunis des ren- 
seignements précieux : notions sur les sources, sur l’épigraphie, extraits des 
itinéraires, listes, pour tout l'univers chrétien, des anciens cimetières et 
basiliques. R. M. 


— L'ouvrage de G. Mori, L'apologetica scientifica della religione cattolica 
(Turin, Soc. editr. intern., 1922. 343 p.) expose les problèmes historiques qui 
sont à la base de la foi catholique. Il donne, en outre, un aperçu sur l’évo- 
lution de l’apologétique, depuis le début du christianisme jusqu’à nos jours. 
Cette dernière partie est traitée d’une façon assez sommaire ; tout en donnant 
une idée exacte des principales méthodes d’apologétique, l'auteur n'insiste 
pas suffisamment sur les causes qui ont déterminé les différentes attitudes des 
apologistes. L'ouvrage d'A. Moxop (De Pascal à Chateaubriand) aurait été 
utilement consulté pour l’histoire de l’apologétique à l'époque moderne. 

A. D. M. 


— Le P. G. Domexict a publié (Civiltà Cattolica, 1924. t. I-IT) deux articles 
sur : Z! papa Formoso (891-896), dans lesquels il recueil.e et étudi® les notices 
biographiques se rapportant au début de la vie publique du malheureux 
pontife, à sa mission chez les Bulgares, à ses différends avec le pape Jean VIII. 
C’est un excellent résumé de ce que l’on connaît de ce personnage si diverse- 
ment jugé et qui, malgré sa sainteté, fut toutefois impliqué dans les plus 
tristes querelles. Nous avons été surpris de ne pas trouver de mention du 
travail de Myr Duchesne, Les premiers temps de l'état pontifical, où sont 
bien mises en lumière les circonstances pénibles dans lesquelles Formose 
eut à agir. P. PASCHINI. 


— En publiant une nouvelle édition des deux opuscules, attribués à 
S. Thomas, De regimine principum et De regimine Judaeorum (Turin. Ma- 
rietti, 1924. xVI-124 p. L. 12), M. J. MATHIS n'a pas eu l'intention de nous 
donner un texte plus critique, revisé et reconstitué à l'aide des mss. Il veut 
simplement vulgariser les idées du Docteur d'Aquin sur la politique et les 
mettre à la portée du grand public lettré. Dans ce but, il reprend le texte 
des éditions antérieures. À. D. M. 


— En 1921 un saint évêque de Pistoie du xrve siècle fut élevé aux honneurs 
de la béatification. Le P. J. TAurisANO lui consacre une biographie à la fois 
édifiante et basée sur l'étude des documents. (7! beato Andrea Franchi 
(1335-1401), vescovo di Pistoia. Rome, Collegio Angelico, 1922. In-8, viri- 
208 p. et fig.). Le bienheureux André Franchi vécut à une époque où la 
Toscane, éprouvée par les maladies contagicuses, vit se développer un grand 
mouvement de pénitence. Il fut aussi mélé dans une certaine mesure à des 
travaux artistiques. Sa biographie peut donc intéresser les historiens à 
plusieurs titres. R. M. 


— V. Paciricr, Un carme biografico di Sisto IV del 177 (Tivoli, 1924, 
XIV-71 p.). Îl s’agit d’un chant en hexamètres, en deux livres, sous le titre de 
Lubraciunculae Tiburtinae, qui est un panégyrique de Sixte IV, opposé à 
l'écrit pamphlétaire de Infessura. Il fut composé par un anonyme protono: 


634 CHRONIQUE. 


taire et achevé à Rome en 1477. Pacifici suppose que l’auteur peut être 
Angelo Mancini Lupi, évêque de Tivoli, qui mourut en 1485. Le chant qui 
compte 1807 vers méritait d'être imprimé, ne fût-ce que pour être confronté 
avec la biographie de Plattina, écrite également à la louange de Sixte IV, 
mais qui prend fin en 1475. P. PascHini. 


— Mar P. PascHint a publié, dans la collection Lateranum, t. IV, 1923. 
une belle étude sur ZI catechismo romano del Concilio di Trento. sue origini 
e sua prima diffusione, 56 p., dans laquelle il examine la façon dont, prat que- 
ment, fut réalisée la décision du Concile de Trente d'assurer un texte doc- 
trinal aux pasteurs et au peuple, afin de combattre la propagande du Pro- 
testantisme. Étude basée sur les travaux existants, peu nombreux, sur les 
précieux renseignements fournis par les publications de textes faites au 
cours des dernières années, et complétée par des recherches personnelles de 
l’auteur. C'est en avril 1546 que l'idée de la publication de ce catéchisme 
fut émise par les pères du Concile, et approuvée. En réalité cile ne sera 
reprise qu’en 1562; mais dès 1563, le travail de préparation est distribué 
entre différents membres du Concile. Ce volumineux travail est envoyé à la 
fin du Concile, à Rome, où il est confié à trois évêques ct un théologien, 
tous hommes de première valeur, pour le travail de revision, de refonte et 
pour reccvoir sa teneur définitive. C'est Giulio Poggiano di Suna qui est 
chargé de lui donner sa forme littéraire. En 1564 le catéchisme est prêt : 
texte latin à l'usage de ceux qui doivent enseigner au peuple ; on a renoncé 
au catéchisme unique pour le peuple. Mais ce n’est qu’en 1566, sous Pie V, 
que le cardinal Sirlet est chargé d'une dernière revision, préparatoire à 
l'impression ; elle se fit en deux éditions, in folio et in octavo, au mois de 
septembre de cette même année. Détail intéressant : trois dominicains col- 
laborent directement à la rédaction du catéchisme qui réfiète les doctrines 
thomistes; ceci ne présenta pas d’inconvénient, les discussions avec les 
Jésuites n’ayÿant-pas encore été soulevées. Les derniers chapitres nous donnent 
les faits plus saillants qui se rapportent à la rédaction du catéchisme en 
différentes langues ct à sa diffusion en Italic, Espagne, Allemayne, France, 
Pologne et en Orient. M. VAESs. 


— En 1922, le R. P. W. LamPEx, O. F. M., fit paraître un récit circon- 
stancié du martyre subi, à Alkmaer {en Hollande), par cinq frères mineurs, 
à la fin du xvre siècle (cfr RHE, 1923, t. XIX, p. 325). Dans l’Archivum fran- 
ciscanum historicum (t. XVI-XVII), le même auteur vient de publier une 
étude critique des sources qui permettent de reconstituer l'histoire de ces 
martyrs (De martyribus Alcmariensibus, P. Daniele ab Arendonck et sociis 
O. F. M. Quaracchi, 1924. 47 p.). Il y énumère notamment les différentes 
relations qui nous restent de témoins médiats (appelés testes oculares mediati !) 
et cherche à reconstituer la biographie des cinq frères. Pour quelques docu- 
ments, la critique d’originalité et d'autorité aurait dû être poussée plus 
loin. A. D. M. 


— Le beau volume de A. Novezzi, Pio XT (Achille Ratti) 1857-1922 (Milan, 
Pro Familia, 1923. 300 p.) donne une biographie du pape régnant jusqu'au 
moment de son élévation au pontificat. Écrit sous forme anccdotique, il se 
lit agréablement. Il nous retrace l’activité scientifique de Mgr Ratti comme 
bibliothécaire de l’'Ambrosienne, puis de la Vaticane, donnant la liste de ses 


ITALIE, 635 


publications ; il nous fait connaître également le zélé et studicux clerc, le 
prêtre s'adonnant à un multiple ministère à Milan, le nonce de Pologne, 
surmontant les difficultés d’un poste délicat, le cardinal de Milan. Pour ce 
qui concerne le conclave, Novelli ne peut nous apprendre que ce qui est du 
domaine public, le secret étant resté absolu sur les circonstances qui 
amenèrent l'élection du cardinal Ratti. Un dernisr chapitre, intitulé : Pic XI 
intime, nous parle du caractère et des qualités morales du pape. 


A VenxrTuri, L’Artee San Girolamo, Milan, Trèves, 1924. In-4, 300 p. 
avec 254 illustrations. C’est à l'invitation de Benoît XV que Venturi 
recucillit, à l’occasion du centenaire de S. Jérôme. les hommages que l’art de 
tous les temps et de tous les lieux rendit au saint Docteur de l'Église. Le 
présent volume groupe les reproductions des peintures et sculptures les plus 
remarquables se rapportant à S. Jérôme; à commencer par celles qui se 
trouvent dans la bible de Charles le Chauve jusqu’au Caravage et à Luca 
Giordano. La plus grande partie est consacréc à la reproduction d'œuvres 
d'artistes italiens des diverses écoles; seul un chapitre, le dernier, étudie 
l’art étranger, depuis un dessin à la plume du commencement du xve siècle, 
qui se trouve dans une bib'e illustrée de la Bibliothèque nationale de Paris, 
jusqu'à Rubens et Van Dyck. Un commentaire savant et agréable à lire 
permet d'apprécier toute la valeur de la publication; elle est le digne pendant 
du magnifique travail que Venturi consacra, il y a quelques années, à 
La Madonna. 


La collection Le chiese di Roma illustrate (cfr RHE, 1923, t. XIX, p. 632) 
continue à être appréciée. Aux deux premiers volumes viennent de s'ajouter 
12 t. III : B. Nocar4, SS. Ambrogio e Carlo al Corso (47 p.); le t. IV : 
S. ORTOLANI, S. Andrea della Valle, deux belles églises du xvire siècle 
étudiées au point de vue historique et artistique, Un vrai modèle du genre 
est le t. V de A. MuXoz, S. Pietro in Vaticano, 108 p. qui retrace, de façon 
magistrale l’histoire de la basilique du xvre siècle ; il en deviendra le guide 
indispensable. Le dernier volume, t. VI de S. ORTOLANI, S. Croce in Geru- 
salemme, donne l'impression que l'auteur se trouve mal à l'aise devant les 
problèmes des origines et de l’histoire médiévale de la basilique sessorienne ; 
il est vrai qu’ils sont loin d’être résolus. 


L'Institut d'éditions artistiques Alinari de Florence a édité une magni- 
fique publication intitulée : La chiesa di santa Barbzra al vecchio Cairo (1922. 
62 p. et 57 pl. hors texte). Le texte est dû à l'architecte A. PATRIcOLO, du 
comité de conservation des monuments de l’art arabe. L'église se trouve dans 
l’ancienne enceinte du castrum romanum. dans le vieux Caire et a été 
construite au xie siècle, elle appartient au type le plus authentique de la 
basilique latine. Le plan est identique à celui de l'église de S. Serge qui lui 
était voisine et qui date de la même époque. Au début du xrie siècle des 
ajoutes furent faites à l'édifice primitif. Plus tard, mais pas avant le 
xIve siècle, l’église subit des modifications à l'effet de la doter d’un transept 
régulier engloñant la nef centrale et les latérales, et afin d'ajouter des 
chapelles Au xvirre siècle, nouvelles restaurations ; un dernier remaniement 
en 1919. Dans une seconde partie, M. MonNNERET DE VILLARD étudie les 
sculptures en bois de l’église, et tout particulièrement une vielle porte ayant 


* 


(35 CHRONIQUE. 


d’une part des scèncs figurées, de l'autre des panneaux décoratifs. Magni. 

fique exemplaire du meilleur art copte, de la sculpture égypti nne des 

premiers siècles chrétiens. La porte est conservée à présent au Musée copte. 
P: P: 


— La RHE a signalé le livre de Taxi, Le chiese di Roma et la collection : 
Le chiese di Roma illustrate (t. XIX, 1923, p. 632). COSTANZA GRADARA vient 
de publier : Le chiese minori di Roma, Rome, Alfieri. 1923. 68 p. ct 28 
planches. Quinze églises, de moindre importance, sont décrites, mais à un 
point de vue un peu spécial, qui donne une réelle valeur au livre. Les détails 
historiques sont brièvement rappelés ; le guide a pour but de noter plus 
particulièrement tout ce qui a rapport à l’art du xvrie et du xvarie siècle, non 
seulement comme peintures, sculptures, mais également en fait d'objets 
d'orfèvrerics, d’étoffes, de sculptures en bois. 


Le remarquable essor artistique qui se manifesta en Italie au début du 
xvite siècle est l’objet de nombreuses études et recherches de la part des 
historiens et critiques d'art. Cette renaissance artistique — elle justifie ce 
nom — a eu ses historiens dans tous les pays. À Rome, ce sont Baglione en 
1641, Bellori en 1672, Passeri en 1673, qui ont écrit des biographies d'’artist:s 
contemporains, noté ct apprécié leurs œuvres. M. ConNsTANzA GRADARA 
Pescr a entrepris un travail ingrat, mais de grande utilité. Elle nous donne 
dans un livre intitulé Le vite de pittori, scultori e architetti di Giovanni 
Baglione. Indice degli oggetti, dei luoghi e dei nomi (Rome, Leo O:schki, 1924. 
408 p. L. 40), un relevé de tous les objets d'art que Caglione a notés ou 
décrits, de l'endroit où ils se trouvaient, de l’artiste qui en est l’auteur ; les 
citations sont faites d’après l'édition de 1649. 

Les mêmes considérations ont engagé L. ScHubT à publier le texte, jusqu’à 
présent inédit, d'une partie de l’œuvre de Giulio Mancini, Viaggio di Roma 
per vedere le pitture. Romische Forschungen de la Bibliotheca Hertziana,t. IV, 
1923. Les notes de Mancini sur la peinture sont connues, et les précieux 
renseignements qu’il donne ont déjà été utilisés à diverses reprises, mais de 
manière très fragmentaire et incomplète. Comme nous l’apprend l'auteur 
dans une exccllente préface, — qui traite des questions relatives à l’auteur, 
son œuvre, son utilisation, l'histoire et la critique des manuscrits — Mancini, 
né à Sienne en 1553, mort à Rome en 1630, médecin d’Urbain VIIL a écrit 
plusieurs traités sur la peinture ; ils sont de première valeur, car il est 
témoin autorisé des tendances, des discussions qui se manifestent, surtout à 
Rome, à cette époque si intéressante pour l’histoire de l'art, Schudt nous 
donne le texte complet du viaggio di Roma, écrit de 1620 à 1624. Texte 
important, parce qu'à l'encontre des guides parus jusqu'alors qui se placent 
avant tout à un point de vuc religieux, Mancini donne la description des 
églises au point de vue artistique; il cherche même à étre complet, et 
énumère nombre d'œuvres anciennes du haut moyen âge. C'est la première 
apparition d'un guide artistique des églises de Rome. L'idée ne sera reprise 
qu’en 1674, par l'abbé Titi dans son Studio di Pittura. De nombreuses 
annotations, deux annexes, — l'indication des manuscrits de Mancini; la 
bibliographie des guides de Rome publiés de 1541 à 1671; — complètent 
avantageusement ce beau travail. 

Très bien conçue cst la Biblioteca d'arte illustrata, dirigée par A. FERRI et 
Mario REeccui, dont le siège est à Rome, via S. Basilio Ile. Le but est de faire 
çonnaitre le Sei e settecento italiano, e straniero. Le texte, dont la rédaction 


ITALIE. 637 


est confiée à une compétence, est de quelques pages; vingt à trente repro- 
ductions permettent d'apprécier l'artiste, les tendances de l’école. Les 
représentants les plus autorisés de la peinture, de l'architecture, dans les 
principaux centres d’art en Italie, au début du XVIIe siècle, ont déjà été 
étudiés. 


M. J. A. F ORBaaw, depuis de longues années, se consacre à la recherche, 
dans différents dépôts d'archives de Rome, de tout ce qui a rapport à l’his'oire 
de l'art et plus particulièrement de ce qui concerne les artistes et savants 
néerlandais. S'il ne fournit pas le résultat de ses investigations d’une façon 
systématique, celles-ci présentent toutefois de l’intérêt à cause de la quantité 
de renseignements inédits qu’elles nous donnent. Il y a deux ans il a publié : 
Documenti sul Barocco in Roma (voir RHE, 1923, t. XIX, p. 472). Cet ensemble 
de documents a servi de base à un livre destiné au grand public : Rome 
onder Clemens VIII (Aldobrandini) 1592-1605 (La Haye, Nihoff, 1920. 239 p., 
une carte et 25 planches.) L’énumération des différents chapitres : la cour du 
pape, sa vie journalière ; le chêne du Tasse ; la physionomie de la rue; un 
touriste étranger à Rome sous Clément VIII; la légende de Béatrice Cenci; 
les voyages du pape; l'entourage de Rubens ; la découverte des catacombes ; 
montre, — bien que le texte ne corresponde pas toujours à l’entête, — la 
variété des sujets abordés et l'intérêt que présente ce livre, riche en ren- 
seignements de tout genre, Mais ces renseignements malheureusement sont 
éparpillés; aucun point n’est traité d’une manière complète mais suivant 
les hasards d’une documentation, exclusivement personnelle; l’anccdote 
devient de l’histoire et encombre le récit de digressions superflues. [nutile 
d'ajouter que toute note et référence est exclue. M. V. 


— La plaquette, ornée de no nbreuses gravures, de Mgr GiuLio BELVEDERI, 
Il lapidario dei caduti nel chiostro romanico della basilica di santo Stefano in 
Bologna (Bologne. 1924, 16 p.) fait connaitre le magnifique ensemble 
d'édifices religieux connu sous le nom de basilique de St-Etienne. Aux quatre 
églises des SS.-Vital et Agricola, de la Résurrection, du Calvaire, de 
S. Jean-Baptiste, vient s'ajouter au moyen âge le cloitre de St-Étienne, 
L'étage inférieur a été construit durant les dix premières années du xic siècle 
par l'abbé Martin ; et l'étage supérieur a été construit en un style plus léger 
avec de belles colonnes géminées, au début du xurie siècle, lorsqu’à Rome 
on construisait le cloître des Quatre Couronnés. C'est un joyau d’art qu’une 
restauration intelligente nous offre sous la forme qu'admira le Dante. 
Dans ce cloître, des inscriptions conserveront la mémoire des bolonais tom- 
bés pendant la dernière guzrre. 


Mar R. CasIMIRI qui, dans une petite revue intitulée Psalterium, a jadis 
publié d'importantes notices sur l’histoire de la musique sacrée, a commencé 
Ja publication d’une revue trimestrielle sous le modeste titre : Note d'archivio 
per la storia musicale. Edizioni Psalterium. Roma, Piazza San Giovanni in 
Laterano 4. [Prix de l'abonnement 30 lires.) Le pr:mier fascicule de 
112 pages contient d'importants articles, qui compensent par leur valeur la 
triste mystification dont Mgr Casimiri a été la victime de la part d’un collègue 
‘aloux. Le premier article, signé Casimiri, nous donne en effet la date précise 
de la naissance de Palestrini, donnée basée sur la photographie d’un 
document, d’abord introuvable, puis rendu public, et évidemment faux. Les 
Note musicali prenestine del secolo XVe, publiées par Casimiri, s'occupent de 


638 CHRONIQUE. 


Palestrina, de ses parents, de personnes qui furent en relations avec lui. 
Sur l'article : Firmin le Bel de Noyon, maestro in Roma di Giovanni Pier- 
luigi da Palestrina déja publié en brochure, voir RHE, 1923, t. XIX p. 633. 
Importante est la publication que commence Casimiri des Diarii Sistini, 
conservés à la Bibliothèque Vaticane et qui nous donnent les annotations 
que les chantres de la chapelle sixtine faisaient pour leur usage personncl. 
Le titre est le suivant : Liber punctorum capelle Smi Dni Nri Pape incipiens 
prima die januarii 1535. On trouve également dans la revue des reccnsions 
et de la bibliographie. Nos vœux les plus sincères à la revue naissante. 


. Let. XXXI de la Rômische Quartalschrift a paru à Fribourg en Br. en 
1923, ce qui nous engagerait À l'appeler plutôt Deutsche Quartalschrift. Le 
premier article, p. 1-20, de A. BAUMSTARK a pour objet l’histoire de l’art : 
Ein vorkonstantinischer Bildtyp des Myrophonenganges ? Jusqu'à présent on 
n'avait pas trouvé la représentation de la visite des saintes femmes au 
sépulcre le jour de Pâques, dans les peintures sépulcrales du christianisme 
primitif; clle ne nous est connue que par le sarcophage de S. Celse à Milan. 
L'auteur accepte l'opinion que la représentation du sarcophage et une 
figuration analogue sur une pyxide copte renontent à un type antérieur à 
Constantin. — Jon. BRINKTRINE (?. 20-28) se pose la question : Enthielt die 
alte rômische Liturgie eine Epiklese ? I] examine le célèbre passage du pape 
Gélase dans sa lettre à l’évêque Elpidius de Volterre et conclut que, dans la 
liturgie romaine de cette époque, il y avait sans doute une invocation au 
Saint-Esprit: mais celle-ci ne constituait pas, comme plus tard, une épiclèse 
au sens strict comportant la prière pour la transsubstantiation; ce n'était 
qu'une épiclèse au sens large, comme au plus ancien stade de son développe- 
ment, c'est-à-dire la prière pour la sanctification des dons. Dans la plus 
ancienne épiclèse en effet, on invoque le Saint-Esprit non pour transubstan- 
tier mais pour sanctifier le sacrifice. Ainsi cette prière correspond dans la 
liturgie de la bénédiction de l’eau baptismale qui s'inspire du vieux canon 
roinain à l’invocation : Descendat in hanc plenitudinem fontis virtus Spiritus 
sancti, qui a, avec la prière (préface) qui précède, un rapport d'épiclèse. — 
L'autobiographie de Célestin V (p. 29-40) est examinée par J. HoLLSTEINER, 
dans le texte publié par les 4A. SS. Afaii, t. 1V, p. 422-426. Le pape aurait 
d’après cette relation, écrit un résurné de sa biographie avant son élection. 
L'auteur ne peut admettre l’authenticité de cette autobiographie, mais estime 
qu'elle a été écrite entre la première (1295) et la seconde (1319) rédaction de 
l'opus metricum du cardinal Stefaneschi ; mais si la compilation n’est pas une 
autobiographie, elle est en tout cas une source contemporaine. L'auteur doit 
être recherché dans le cercle des Spirituels qui vivaient dans l'entourage de 
Célestin V et peut-Ctre parmi les célestins eux-mêmes. Le but de l'écrit fut 
certes de promouvoir la canonisation de Célestin. — CLEMENS SOMMER, Zur 
rômischen Baugeschichte unter dem Pontificate Papst Bonifaz VITT. (p. 41-54). 
Après avoir brièvement rappelé les constructions datant des pontificats de 
Nicolas IIT et d'Honorius IV, l'auteur aborde ce qu’il appelle le point 
culminant de la prérenaissance, c’est-à-dire l’art des xrrie-xrve siècles sous 
Bonitace VIII. Les registres de la Chambre apostolique nous parlent de 
travaux exécutés à la Civitas papalis (érigée après la destruction de Palestrina) 
au Sancta Sanctorum, dans les écoles de théologie, à la basilique du Latran à 
l'occasion du jubilé. Boniface s’intéressa moins à St-Pierre. On lui attribue 


ITALIE 639 


également des travaux à St-Nicolas in Carcere et à St-Martin aux Monts qui 
avaient été ses titres cardinalices. Plus certaine est au contraire son inter- 
vention aux travaux de Ste-Marie de la Minerve, que l’on avait commencé à 
construire sous Nicolas III On a peu de certitude sur la part que 
Boniface VIII aurait prise dans la reconstruction d'édifices profanes ; mais 
il est certain qu'il dût intervenir dans les dépenses que firent ses neveux pour 
le tombeau de Cecilia Metella et pour la Torre delle Milizie. — E. GôLLER, 
Deutsche Kirchenablässe unter Papst Sixtus IV (p. 55-70) fixe d’abord la façon 
dont on gagnait les indulgences au xve siècle et comment on en obtenait la 
concession; ce qui lui permet d'affirmer que « durant le xve siècle l’indulgence 
non seulement était de grande utilité au point de vue religieux, mais fut 
également un facteur de progrès de premier ordre » ; et l’on peut dire avec 
Schulte € que le plus grand nombre des grands édifices fut construit avec 
l’aide des contributions recueillies par le moyen des indulgences ». En se 
basant sur les documents du Vatican. Gôller donne la liste des indulgences 
concédées par Sixte IV à différentes villes et régions d'Allemagne. — 
Parmi les articles de moindre importance signalons celui: de P. KirscH, Der 
HT. Papst Kornelius im rômischen Festverzeichnis des 4. Jahrhunderts. 
Corneille mourut en exil à Centumcellae (353) ; lorsqu'il fut plus tard trans- 
porté à Rome et déposé dans le cimetière de Callixte, sa mémoire fut célébrée 
au jour anniversaire de la translation, le 14 septembre. Cette date était 
consacrée à la mémoire de S. Cyprien martyrisé en ce jour à Carthage. Telle 
est la raison pour laquelle les deux évêques sont commémorés ensemble. 
La question avait été au reste traitée, avec son habituelle compétence, par 
P. FRANCHI DE CAVALIERI dans les Note agiografñiche, fasc VI, (Studi e Testi, 
Fasc. 33. Rome, 1920) p. 179 ct svv. et surtout p. 192 svv. dont Kirsch n'avait 
pas connaissance. 


Nous avons signalé (RHE, t. XIX, p. 632) la nouvelle revue Roma. Celle-ci 
a amplement réalisé son programme. Outre les reproductions qui rappellent 
la Rome de jadis, nombre de notes et d’études présentent de l'intérêt pour 
l'histoire ecclésiastique, Citons le savoureux article de E. CHIORANDO sur 
La fabbrica delle leggende. si répandues à Rome; celui de HUELSEN, Acqua 
alle funi (p. 412-418) où précisément cest étudié le célèbre épisode se rappor- 
tant au transport de l’obélisque sous Sixte V, et accepté par tous comme 
vrai. Il se rattache à une légende d’origine byzantine. G. SILVESTRELLI, Lo 
stato feudale dell'1bbazia di S. Paolo (p. 221-232; 419-431) passe en revue les 
propriétés de l’abbaye depuis les débuts de sa puissance féodale jusqu’à la 
modeste situation d’aujourd’hui. Une liste nous donne le relevé de tous les 
bicns (monastères, églises, châteaux, fermes ct autres propriétés) que 
l’abbayÿc a possédés dans la région romaine. Cette liste est des plus instruc- 
tives et permet de comprendre les vicissitudes politiques et économiques 
qui contribuërent à la grandeur ou à la décadence des environs de Rome. 
Signalons également l'article de P. Pascuini, l cardinale d'Alençon e il suo 
sepolcro a S. Maria in Trasterere (p. 338-344), écrit à l’occasion du don fait 
par Pie XI à la ville d'Avignon de la reproduction de ce magnifique mausolée 
gothique. Philippe d'Alençon fut un des plus fidèles adhérents du pape 
Urbain VI, et il s'employa activement à faire cesser le grand schisme. Il 
appartenait à la maison royale des Valois, fut patriarche d'Aquilée ct mourut 
évêque d'Ostie. Son tombeau, sculpté dans les premières années du xve siècle, 
çst à présent séparé en deux parties qu’il serait bien désirable de voir réunies, 


640 CHRONIQUE. 


L'intéressante revue Archivio della Società Romana di Storia Patria, qui 
contient de si nombreuses contributions à l'histoire ecclésiastique, a publié, 
en 1922, pour les t. XXVI à XL (1903-1917) un volume de tables, de grande 
utilité et bien conçues. Le volume XLVI (1923) vient de paraître et contient 
des articles importants pour l'histoire ecclésiastique. R. Quazza, L'elezione 
di Urbano VIII nelle relazioni dei diplomatici mantovani, (p. 5-48), nous parle 
du conclave qui se tint en avril 1623, après la mort de Grégoire XV. Ce 
conclave se présentait dans des conditions difficiles ; c'était la première fois 
que devaient étre appliquées les règles imposées par le pape défunt sur le secret 
du vote, garant de la validité de l'élection. Les cardinaux Borghèse et Ludo- 
visi, en leur qualité de sculs neveux de papes défunts, comptaient avoir une 
action prépon iérante au conclave. Ce fut au contraire le cardinal Maurice 
de Savoie qui réussit à assurer le nombre de votes requis à la personne du 
cardinal Barberini, élu le 6 août. — L'étude de R. MorGuxex sur 1! cardinale 
Matteo Rosso Orsini (p. 271-372) est plus importante. Neveu de Nicolas III 
et de Matteo Rosso sénateur de Rome, fils de Gentile Orsini, il naquit 
vers 1230, étudia à Paris, peut-être à Bologne, fut créé cardinal diacre par 
Urbain IV, au mois de mai 1262, et ensuite, en 1264, recteur du patrimoine 
et légat en Tuscia. Appelé à être pendant de nombreuses années le chef du 
parti national italien en curie et par conséquent adversaire de la politique de 
Charles Ier d'Anjou. il acquit une grande influence sous le pontificat de son 
oncle Nicolas III ; il exerça aussi une plus grande action, qu’on ne l’a cru 
jusqu'à présent, durant le conclave qui élut Célestin V. Il fut ensuite l'un des 
plus infatigables collaborateurs de la politique de Boniface VIIL; ce fut lu; 
également qui réussit à faire élire pape le cardinal Boccasini, Benoît XI. Au 
conclave de Pérouse, 1304-1305, Matteo Rosso eut à lutter contre son neveu 
Napoléon Orsini qui réussit à faire élire par surprise Bertrand de Got, 
Clément V. Matteo Rosso, déjà vieux et infirme, refusa de signer l’acte de 
nomination, ct mourut peu après, le 4 septembre 1305 à Pérouse. Un homme 
qui revêtit avec tant de dignité et d'énergie un poste important durant Îles 
vicissitudes que traversa l'Église en ces temps et qui fut cardinal pendant 
43 années, méritait une biographie aussi bien étudiée et aussi objective ; il 
est à cspérer que des documents nouveaux permettront de combler les 
lacunes et de résoudre les difficultés qui subsistent encore. — Une courte 
étude de M. ANTONELLI, 1 registri del tesoriere del Patrimonio Pietro d'Artois 
(1326-1331) (p. 373-388), a surtout de l'importance au point de vue local, pour 
l’histoire de la citadelle de Montefiascone et des territoires qui se trouvent 
autour du lac de Bolsène et de Viterbe. Les registres notent les répercussions 
financières qu’eut en ces régions la descente en Italie de Louis de Bavière. 


Dans Iles Atti e Memorie della R. Ueputazione di Storia patria per le 
Romagne, 4c sér., t. IV-VI p. 187-212, a paru un article de FR. FiLiPPiNi, sur 
La vera interpretazione dei musaici del mausoleo di Galla Placidia in Ravenna, 
qui résume un long débat entre archéologues et historiens de l’art sur la 
signification à donner aux célèbres mosaïques. F. établit d’abord que le 
mausolée de G. Placida n’est autre que l’église de S. Croce que l’impératrice 
fit ériger à Ravenne. Or Agnello de Ravenne nous a laissé une inscription 
métrique qui se trouvait dans le sanctuaire et avait rapport aux représen- 
tations qui l’ornaient. Une de ces scènes, celle des quatre fleuves prenant leur 
source au paradis, a disparu ; dans la voûte de la coupole se trouve la croix 
scintillante avec la main qui bénit au milieu des étoiles et des symboles ailés 


ITALIE. : 641 


des évangélistes ; dans une lunette nous avons le Rédempteur au milieu des 
brebis, image de la Jérusalem céleste, dit l’auteur, où les brebis sont séparées 
des boucs. Dans la lunette qui lui fait face, nous avons au contraire la célèbre 
représentation du gril appuyé sur quatre pieds, sous lequel brûle un feu 
mystérieux, tandis qu’à gauche il y a une armoire ouverte avec les quatre 
livres des évangiles ; À droite un homme barbu, habillé d’un pallium blanc, 
portantsur les épaules une croix qu’il soutient de la main droite et tenant un 
livre ouvert dans la main gauche. On admettait généralement qu'il fallait y 
retrouver le martyre de S. Laurent. F. n’est pas de cet avis, et avec raison, 
parce que ces représentations n’auraient aucune raison d’être en cet endroit. 
On doit y voir le Christ qui condamne les réprouvés à l'enfer selon ce qui 
est dit dans l'inscription que nous avons citée : Te (Christe) vincente tuis 
pedibus calcata per aevum Germanae mortis crimina saeva tacent. La dé- 
monstration de F. n’est pas toujours convaincante ; d’autre part l'explica- 
tion qu’il donne de la fameuse scène semble vraisemblable, car elle attribue 
une unité de conceptivon à toute la décoration du monument. P. PASCHINI. 


— L'Institut historique belge a publié en 1922 (Bruxelles, Dewit) le second 
fascicule, en 1924 (Bruxelles, Imbrechts) le troisième fascicule du Bulletin de 
l'Institut historique belge de Rome. Le fasc. II contient plusieurs articles qui 
méritent d’être signalés. Celui de G. KuRTH, Liége et la cour de Rome au 
XIVe siècle, p 1-43, montre l'intérêt que présentent non seulement pour 
l’histoire locale, mais également pour l'histoire générale, les laborieux 
dépouillements d’actes pontificaux regardant la Belgique, entrepris par 
l’Institut historique belge. C’est en majeure partie à ces sources que M. Kurth 
a puisé ses renseignements. « À partir du milieu du xrie siècle, notce-t-il, la 
centralisation s’accentua dans le gouvernement de l'Église, le pape inaugura 
un système de gouvernement qui mettait dans ses mains la disposition de 
tous les bénéfices ecclésiastiques, il donna à l'usage des dispenses une exten- 
tion presqu'illimitée, enfin, il fit servir ces nouvelles pratiques au développe- 
ment d’une fiscalité qui lui fournissait ses principales ressources. Tel est 
l’aspect sous lequel se présentent à nous, particulièrement sous les papes 
d'Avignon, les relations du Saint-Siège avec le monde chrétien. Les étudier 
de près, dans un diocèse déterminé, dont l’état général puisse être considéré 
comme représentatif de tous les autres, c'est l’objet du présent travail ». On 
lira avec intérêt les pages qui permettent de suivre dans le diocèse de Liége 
le développement progressif des interventions pontificales, de connaître les 
mobiles qui les dictent, l’organisation fiscale qu’elles nécessitent, les abus qui 
en dérivent. M. Kurth en terminant ne craint pas de reprendre le jugement 
que portait Dom'Berlière sur cette méthode de gouvernement : « Oui, c’est 
à Avignon qu'on peut chercher les origines de la réforme protestante >. 

C. HirscHAUER : Les troubles d'Artois de 1573-1578, p. 45-60; L. VAN 
DER ESSEN : Les tribulations de l'Université de Louvain pendant le dernier 
quart du XVIe siècle, p. 61-86, font revivre deux épisodes caractéristiques des 
guerres de religion en Belgique, qui témoignent de la tenacité avec laquelle 
les populations des provinces méridionales restent attachées à leur foi, 
subordonnant aux intérêts de la religion leurs sentiments patrictiques. 
M. Hirschauer nous donne un exposé intéressant et objectif des événements 
dramatiques d'Artois en 1577 ct 1578, si importants pour l'avenir de la Bel- 
gique, et montre que si la restauration politique qui a son point de départ 


642 ._ CHRONIQUE. 


dans ces luttes, se fait au profit de la noblesse et de la haute bourgcoisie, 
c'est le sentiment religieux qui inspire avant tout les Malcontents, et leur 
fait trouver appui auprès de la masse du peuple. — M. Van der Essen fait 
revivre les annécs de misère que traversa l’Université de Louvain de 1578 à 
1585, pendant l'occupation de la ville par les garnisons espagnoles, période 
de malheurs qui faillit causer la ruine complète et définitive de l'Université. 
Les faits sont établis grâce à des sources non utilisées jusqu'à présent : le 
manuscrit qui portait le no gos5 dans la collection de la Bibliothèque de 
l’Université, soustrait à la cupidité des commissaires de la République fran- 
çaise en 1796, sauvé des flammes en 1914. Il contient le registre de lettres, 
expédiées par l’Université ou reçues par elle, de 1583 à 1602. La correspon- 
dance du capitaine italien Fabio Mattaloni, conservée aux archives farné- 
siennes de Naples, confirme en tous points les données du registre de Louvain. 

Il faut féliciter M. E. Dony de son intéressante étude sur François 
Duquesnoy (1594-1643), sa vie et ses œuvres p. 87-127. Il est étrange de con- 
stater combien la personnalité de cet artiste de valeur, et qui occupa un rôle 
de premier plan à Rome, est encore peu et mal connue. M. Dony aura con- 
tribué à la préciser et à la mettre en lumière. Il a réuni et groupé tout ce 
que l’on connaît de la vie et de l’activité de Duquesnoy, étudié son œuvre 
et en particulier, grâce aux renseignements puisés aux archives de l’église de 
Notre-Dame de Lorette, à Rome, il nous donne tout ce qui a rapport à la 
réalisation du chef-d'œuvre de Duquesnoy, la statue de sainte Suzanne, 
exécutée pour la confrérie des boulangers allemands et italiens. L'étude de 
M. Dony aurait gagné cn valeur s’il avait pris soin de fixer plus nettement la 
valeur objective de la source principale pour la vie de Duquesnoy : Passeri, 
et si, notant l'affirmation si nette de Bellori sur l’influence de Duquesnoy et 
la rapprochant de l'opinion admise de nos jours sur l’ascendant de l’école de 
sculpture flamande à Rome et en Italie à la fin du xvie siècle, il avait déter- 
miné la place occupée par Duquesnoy dans le vigoureux essor artistique qui 
se manifeste à Rome durant la première moitié du xvrie siècle. 

Signalons également les études de H. Nézis et de F. Baïx, dont la docu- 
mentation est fournie par les archives du Vatican. La première, d'un intérêt 
que l'on pourrait dire d'actualité : L'application en Belgique de la règle de 
chancellerie apostolique : de idiomate benefciatorum, aux XIV* et XVe siècles, 
P- 129-142, témoigne pour les années 1373 à 1500, du soin que les papes 
prirent d'exiger la connaissance de la langue des fidèles, pour la collation 
des bénéfices avec charge d’âmes. La seconde : Recherches sur les clercs de la 
Chambre apostolique sous le pontificat de Martin V (1417-1431) p. 143-160, est 
une utile contribution à l’histoire d’un des rouages les plus importants de la 
curie. 

Le fascicule III du Bulletin de l’Institut historique belge, nous donne une 
étude d’un grand intérêt de H. Nézits, De l'influence de la minuscule romaine 
sur l'écriture aux XIIe et X111Ie siècles, en Belgique, (p. 5 à 30). La minuscule 
caroline fut implantée à la curie romaine par des scribes de la chapelle 
impériale, amenés à Rome par le pape Clément IL, allemand d’origine. Ce 
fut le point de départ d’une révolution paléographique qui mit toutefois plus 
de 60 ans à se faire accepter. Cette minuscule, maniée par des employés 
choisis, revêtit petit à petit une telle perfection, que le désir de l’imiter na- 
quit dans beaucoup de monastères et de chancelleries ecclésiastiques et 
laiques. M. Nélis fait ressortir tout d’abord les caractères spéciaux de cette 


ITALIE. 643 


écriture, qui se recommandait par le mode harmonieux et élégant de liaison 
des lettres; par l'emploi constant de graphies particulièrement belles et 
caractéristiques ; par la forme spéciale des lettres; par l’usage sobre et 
raisonné d’abréviations identiques; par la régularité et l’ordonnance irré- 
prochable des documents. Etudiant ces mêmes caractères dans les documents 
des diverses chancelleries des Pays-Bas, M. Nélis établit que l’âge d’or de 
limitation, par l'influence directe, s'étend de 1200 à 1250, et donne unc liste 
provisoire des chancelleries seigneuriales, épiscopales, abbatiales où l’in- 
fluence de la caroline romaine se manifeste plus clairement. Il est à souhaiter 
que M. Nélis puisse poursuivre ce genre d’études pour lequel il montre des 
qualités remarquables de documentation, d'observation et de jugement. — Le 
texté de la conférence donnée par le R. P. CazLAEY à l’Institut, en x1921, 
sur : Albert et Isabelle, souverains de Belgique (1598-1621), est d’une lecture 
agréable et instructive. L'auteur met bien en lumière la figure de souverains 
des archiducs, ct retrace les œuvres capitales de leur règne : paix assurée, 
justice organisée, réveil et épanouissement du commerce et de l’industrie, 
restauration religieuse ét artistique. C’est un tableau complet de ce que 
furent pour la Belgique ces 23 années de bonheur, années tranquilles et 
fécondes qui justifient le souvenir reconnaissant des Belges pour les archi- 
ducs Albert et Isabelle. — M. A. PASTURE, qui nous avait déjà donné les 
précieux inventaires, au point de vue de l’histoire des Pays-Bas, du fonds 
Borghèse, de certains fragments des archives de la nonciature de Flandre, 
des Archives de la Visite ad Limina, parus dans les Bulletin de la Commission 
royale d'histoire en 1910, 1911 et 1920, publie l’{nventaire de la Biblinthèque 
Barberini à la Bibliothèque Vaticane, au point de vue de l'histoire des Pays- 
Bas (p. 43-157). On connaît l'importance de ce fonds, acquis par le Saint- 
Siège en 1830, ct qui contient, à côté d’une riche bibliothèque proprement 
dite, des papiers diplomatiques et principalement ceux des papes Grégoire XV 
et Urbain VIIL On connaît aussi l'importance des Pays-Bas à cette époque 
au point de vue diplomatique et religieux. Aussi l'inventaire de M. Pasture, 
conçu sur un plan assez large, nous fournit une abondante indication de 
documents, en copies ou en originaux, se rapportant en majeure partie à 
l’action politico-religieuse de la papauté durant la période si importante de la 
guerre de Trente ans. — Dom URSMER BERLIÈRE, dans les Mélanges, publie 
quelques documents intéressants sur les provisions abbatiales, de 1519 à 1604, 
(P. 159-166), et quelques lettres d'Emmanuel Schelstraete, de 1683 (p. 167-172). 


Depuis 1921, l'Institut néerlandais publie un volume annuel de Mélanges : 
Mededeelingen van het Nederlandsch Historisch Instituut te Rome. Trois 
volumes ont paru. (T. Ï et Il. La Haye, Algemeene Landsdrukkeri, 1921 et 
1922. In-8, 169 et 143 p.; T. III La Have, Nihoff, 1923, 248 p.). Ils contien- 
nent, outre les rapports annuels sur l’activité de l'institut. d’intéressantes 
contributions à l’histoire religieuse des Pays-Bas et À l’histoire de l'art. Les 
documents inédits ne manquent pas dans les dépôts d'archives de Rome. Le 
danger est de les présenter d’une manière trop sommaire ; les Mededeelingen 
ne se sont pas mis suffisamment en garde contre ce péril. Nous ne pouvons 
songer à relever le titre de ces différents articles. Ceux qui se rapportent à 
l’histoire de l'art présentent un intérèt plus spécial. Le professeur Blok, qui 
fut le grand promoteur de l’Institut, avait pressenti l'intérêt des recherches 
sur l’histoire de l’art nécrlandais en Italie, tout particulièrement pour les 
xvie et xviie siècles. Mais les résultats ont dépassé de loin l'attente. Ils sont 


644 CHRONIQUE. 


dûs en majeure partie au travail de M. HooGeEwEerrFr, actuellement directeur 
de l’Institut. — La série des Bescheiden in Italié omtrent Nederlandsche 
kunstenaars en geleerden s'est accrue en 1917 d’un troisième volume (La 
Haye, Nuyhoff. x1-541 p.), que la RHE n'a pas encore signalé. Le premier 
volume nous avait donné le résultat des recherches faites par M. Orbaan 
dans les différents fonds de la bibliothèque vaticane. Le troisième concerne 
les autres bibliothèques de Rome. M. Hoogewerff prépare, pour 1925, une 
publication d'un grand intérêt : la nomenclature des artistes néerlandais en 
Italie, de 1575 à 1725. Un premier volume aura pour objet Rome ; le second 
les autres centres artistiques d'Italie. L'institut néerlandais a fait paraître un 
premier volume des Romeinsche Bronnen voor den kerkelijkstaatkundigen toe- 
stand der Nederlanden in de XVIe eeuw. (Rijks’ Geschiedkundige Publicatiën. 
F. 52. La Haye, Nijhoff, 1922. In-8, x11-749 p.) Les 951 pièces ont été réunies 
par G. BRom et après sa mort, le travail a été repris par Mgr HENSEN. Les 
documents embrassent une période qui s'étend de 1521 à 1592 Un premier 
groupe contient des documents ecclésiastiques, concernant la vie religieuse 
au xvic siècle : origine de la réforme (1521-1559); création ct organisation 
des nouveaux évêchés (1550-1565); Contre-réforme (1560-1592). Le second 
groupe, des documents politiques : politique ecclésiastique contre la Réforme 
jusqu’à l’Union d’Utrecht (1565-1579) ; le congrès de paix à Cologne (1578. 
1580) ; contre l'Union. Ces brèves indications permettent d'apprécier l'intérêt 
du recueil, Mgr Hensen prépare la publication des lettres des nonces de 
Flandre, en tant qu’elles se rapportent à la Hollande, pour la période de 
1592 à 1625. | 


L'Institut historique de Tchéco-Slovaquie s'organise et comprend dans 
le cadre de ses activités, non seulement les recherches historiques, mais 
l’art, l'archéologie, l'antiquité, et les sciences qui peuvent bénéficier des 
avantages que présente un centre incomparable d'études comme Rome. Vient 
de paraître le t. I, première partie, des Acta Sacrae Congregationis de Propa- 
ganda Fide res gestas bohemicas illustrantia (1622-1623) (Prague, 1923. 475 p.). 
L'édition est faite par IGNace KoLLMANN. Le texte des correspondances, 
reçues et envoyées, est précédé d’un résumé en latin; les annotations sont 
nombreuses et judicicuses ; un bon travail, 


On annonce pour l'hiver prochain, l’organisation défiaitive de l’Institut 
scandinave, pour le Danemark, la Suède et la Norvège. M. VAESs. 


— La Bibliothèque Vaticane a non seulement retrouvé, mais sensiblement 
dépassé, pendant l’année scolaire 1922-23, son mouvement d’avant-guerre : 
on a compté 335 lecteurs inscrits contre 285 en 1913-4 (130 seulement en 
1915-60). Le total des entrées aux salles de travail a été de 6642, dont 4914 
pour les manuscrits ct 1728 pour la consultation des imprimés. Le service des 
photographies Iui-même, bien que beaucoup de travailleurs intellectuels 
soient encore empéchés de s’en servir, comme ils le désireraient, par les 
conditions économiques de l’après-gucrre, marque un progrès : les 290 
demandes, qui y ont été satisfaites, représentent un total de 11.594 pages ; il 
faudrait d'ailleurs, pour donner une idée exacte de son activité, ajouter qu'on 
y a exécuté une quantité presque égale de photographies sur des ducuments 
des Archives Vaticanes et environ 10.000 épreuves d'après les clichés Paul 
Liebaert. 


PAŸS-BAS. 61) 


Dans le but de doter l’Institut Pontifical Oriental d’une bib'iothèque 
spécialisée et d'accroître les fonds de manuscrits et imprimés orientaux de la 
Bibliothèque Vaticane, le Saint-Père a envoyé en mission deux membres de 
la Bibliothèque. Les principaux centres des Balkans et des pays limitrophes 
de la Russie ont été visités, ainsi que plusieurs places en Égypte, Sytie et 
Palestine. La Bibliothèque Vaticane a été enrichie à cette occasion d’un 
grand nombre d’imprimés relatifs à l’histoire et aux liturgies de ces régions, 
et, en outre, de 15 mss grecs, 43 arabes, 20 turcs, 3 coptes, 10 arméniens, 
17 Staroslaves et roumains en caractères cyrilliques. 

D'autres accroissements aux fonds manuscrits de la Bibliothèque ont eu 
lieu depuis l’entrée du fonds Chigi, ce sont : une quarantaine de mss latins 
de provenances diverses, 20 mss arabes, 5 arméniens, 1 éthiopien, 3 persans, 
1 turc et 2 indiens. E. TISSERANT. 


Palestine. — La nouvelle université juive, établie à Jérusalem, a com- 
mencé en 1923 un recueil de publications : Orientalia et judaica. Les études 
contenues dans le premier volume se rapportent presque toutes à l'Ancien 
Testament. 


Pays-Bas. — Des circonstances indépendantes de notre volonté nous ont 
empéché jusqu'ici de signaler l’ouvrage du Dr F. Pyper, intitulé De kloosters 
(La Haye, M. Nyhoff, 1916. In-8, vuri-379 p.). Nous sommes d’autant plus 
heureux de pouvoir le présenter enfin à nos lecteurs parce qu’il constitue 
une bonne synthèse de l’histoire constitutionnelle et sociale de la vie monas- 
tique. Dans une première partie (ch. I-XIV), le Dr Pyper fait connaître 
l’origine et la constitution des grands ordres religieux de l’Église romaine. 
Pour ce qui concerne l’origine du monachisme, remarquons que l’auteur 
rejette les hypothèses de certains religionnistes qui font sortir cette institu- 
tion d’usages orientaux; il la rattache plutôt directement à l’enseignement 
du Christ sur la perfection. La seconde partie de l'ouvrage (ch. XV-XK VIII) 
décrit l'initiation et la vie monastiques, ainsi que l'influence exercée par les 
ordres religieux sur la civilisation occidentale. Ici les différences caractéris- 
tiques qui existent entre les nombreuses institutions, ne sont ,pas suffisam- 
ment mises en lumière. 

Tout ce travail du Dr Pyper est bien documenté et s'appuie, en général, 
sur les sources. Sans doute pourrait-on y relever quelques erreurs d’inter- 
prétation (p. ex. À propos de la confession) et quelques appréciations sujettes 
à caution. D'une façon générale, cependant, il rendra grand service au public 
auquel il est destiné. ' 


Le mouvement, connu dans l’histoire du calvinisme sous le nom de 
Réveil, prit naissance à Genève, au commencement du xixe siècle, dans une 
communauté de Hernnhuter. [| avait pour but de réagir contre le rationa- 
lisme qui s'était infiltré au xvirie siècle dans l’enseignement de l'Église 
officielle et de provoquer une pratique plus intense de la religion. De Genève, 
il se répandit bientôt dans d’autres pays, en particulier en Hollande. Mais ici 
comme à Genève, ses partisans eurent à affronter des attaques violentes de 
la part de |’ Église officielle; quelques-uns d’entre eux eurent même à subir la 


REVUE D'HISTOIRE BCCLÉSIASTIQUE, XX: 4l 


646 CHRONIQUE. 


prison. Plusieurs prédicatcurs hollandais ont montré dans ces circonstances 
une attitude énergique et leur nom est resté célèbre. Citons, p. ex., De Cock, 
Scholte, etc. Malgré l’opposition qui leur fut faite, ils ont fini par se faire 
entendre et par constituer une Église séparée, aujourd’hui officiellement 
reconnue. L'histoire de cette Église séparée a été exposée en 1912, par 
J. C RuLLMANN, dans un livre bien documenté intitulé : Een nagel in de 
heilige plaats. En 1922, une tro'sième édition a été donnée de cet ouvrage où 
le titre énigmatique a été heureusement remplacé par le suivant : De afschei 
ding in de Nederlandsche hervormde Kerk der XIX*® eeuw (Amsterdam, 
W. Kirchner. In-8, 351 p.) A. D. M. 


— En 1905 Mgr Van Heukelum publiait une description de son église 
paroissiale de Jutfaas, à laquelle il avait consacré le meilleur de son zèle 
sacerdotal et de ses talents d'archéologue et d'artiste. Aujourd’hui MM. Th. 
M. P. Bexkers et C. N. J. MEYsING consacrent à la cathédrale de Haarlem 
un travail analogue. (De Kathedraal van Haarlem, anno Domini 1923. Nimègue, 
In-8, vurt-128 p., 86 fig.). On sait que cette magnifique église est peut-être le 
chef-d'œuvre architectural de l’art chrétien contemporain. La tradition et 
l'inspiration nouvelle s’y harmonisent en un juste équilibre, souvent rompu 
dans d’autres œuvres récentes d'artistes hollandais. Les auteurs s'adressent 
avant tout au grand public catholique. Ils montrent avec quel soin tous les 
éléments de la construction, du décor et du mobilier ont été projetés. Le 
programme iconographique, riche et profond, — à l'excès peut-être pour 
certains détails —. est exposé avec précision. R. M. 


— La Direction de l’Historisch tijdschrift va publier une série de docu- 
ments relatifs aux troubles religieux des Pays-Bas de 1566. Ces documents 
seront précédés d’une introduction et accompagnés si possible d’un plan de 
chaque ville datant du xvie siècle. La publication se fera par fascicules 
séparés, une ou deux fuis l'an, au total environ vingt feuilles d'impression, 
(Prix : flor. 0,25 la feuille par souscription.) 


Roumanie. — Sous le titre : Le prêtre Jean, son pays, explication de son 
nom (Académie Roumaine. Bulletin de la section historique. T. X, Extrait. 
Bucarest, Cultura Nationala, 1923. 40 p.), M. CoNsTANTIN MARINESCU fait 
paraître la communication qu’il a présentée au Congrès international des 
Sciences historiques tenu à Bruxelles en 1923, et dans laquelle il donne la 
solution d’un problème qui, à travers les siècles, a passionné tant d’esprits. 
Jusqu'à présent on avait admis que le mystérieux souverain chrétien fabu- 
leusement riche, appelé depuis le moyen âge du nom très curieux de Prêtre 
Jean, était quelque chef mongol ou chinois pratiquant le nestorianisme. 
Marinescu montre par les différentes sources du moyen âge que pour les 
Occidentaux eux-mêmes ce terme de Prêtre Jean devait avoir le sens d'une 
sorte de titre qu’on pouvait transmettre. Et, en effet, dit-il, c’est un titre 
désignant un rang politique et un rang religieux. Dans l'ancienne langue 
éthiopienne, le roi était désigné par les termes Zan ou Gau. D'autre part il 
n’est pas douteux que les souverains éthiopiens ont eu un rôle religicux en 
deaors de l'exercice de leur pouvoir politique. Disons en passant que 
Marinescu aurait pu démontrer plus péremptoirement cette dernière affir- 
mation. Les mots « Prêtre Jean >» peuvent dorc être traduits par « Prètre- 
Roi » ce qui correspond exactement à la qualité des souverains éthiopiens. 


SUISSE. 647 


Le rô:e qu'on a fait jouer au « Prêtre Jean » correspond également à celui 
que jouèrent les souverains éthiopiens, en guerre continuelle avec les musul- 
mans de Nubie et d'Égypte, et enclins à des alliances avec les croisés. Le 
Prêtre Jean est donc le roi régnant d’Éthiopie. 

Par l'intermédiaire des marchands d’Italie on avait eu connaissance de 
l'existence de ces souverains chrétiens, mais une fois la période des croi- 
sades commencée, l'Éthiopie resta fermée aux Occidentaux. Ceux-ci espérant 
toujours le secours de cet aide providentiel le localisèrent à cause de leur 
fausse conception du monde dans les Indes ou la Chine. Inutile de dire que 
toutes les tentatives qu'on fit de ce côté pour le retrouver n’aboutirent pas. 

A lire Marinescu on dirait que la recherche du Prître Jean fut l’unique but 
des voyages de Giovanni de Plano Carpini, d'Anselmo de Lombardio, de 
Ruysbroec. Dire que le Pape Innocent IV, de concert avec le roi Louis de 
France, voulait avant tout par ces ambassades nouer des relations sérieuses 
avec les Tartares, et par une action continue de missionnaires auprès de ces 
peuples affermir le rapprochement qui s’était opéré, serait plus proche de la 
vérité. J. CALBRECHT. 


— Le premier congrès international des Études byzantines s’est tenu à 
Bucarest, en avril dernier, sous la présidence du professeur N. Jorga. Les 
séances ont eu lieu du 14 au 19 avril ; les journées suivantes, jusqu’au 26, ont 
été consacrées à des excursions archéologiques dans le pays. Le congrès, 
auquel participaient quarante spécialistes roumains et étrangers, comptait 
deux sections, la première consacrée à l'histoire byzantine et la seconde à la 
philologie et l’archéologie byzantines. Des études sur divers points d'histoire 
ont été lues, à la première section, par MM. Ramsay, Ch. Diehl, N. Jorga, 
Collinet, Banesku, Murnu, et S. Kugeas. Les travaux de la seconde section 
ont surtout présenté un grand intérêt pour l’archéologie et l’histoire de l’art, 
L'architecture moldave, l’iconographie byzantine, surtout dans les églises 
de Bucovine, parfois couvertes de fresques à l'extérieur, l’histoire du costume, 
ont fait l’objet d'études souvent très neuves, présentées par MM. Henry, 
Perdrizet, L. Bréhier, Kondakof, etc. 

Une cxposition remarquable d’icones et d'objets d’art religieux avait été 
organisée par le ministère des Cultes. Les congressistes ont visité la Buco- 
vine, Jassy, la Valachie avec sa vieille capitale Curtea de Argès. Ils ont pu 
voir des monuments roumains de toutes les époques ct constater dans ce 
pays, dont l’art conserve sa physionomie propre, une survivance de l’art 
byzantin jusqu’au xvuie siècle (voir une relation par M. L. BRÉHRIER dans la 
Revue de l'art, 1924,t. XLVI, p. 63-66, et une autre par G. A. SoTERIoS 
dans T'heologia, 1924, t. IL, p. 184-190). 


Suisse. — Deux nouveaux fascicules viennent de s'ajouter au Dictionnaire 
historique et biographique de la Suisse ([Neuchatel, Attinger); ils terminent le 
second volume et vont de Decrue à Equey. A signaler, parmi les articles 
intéressant l’histoire ecclésiastique : Dime, Disséminés (Chrétiens), Domini- 
cains, Église et État, deux notices sur les grandes abbayes d'Einsiedeln et 
d'Engelberg auxquelles on peut joindre un article sur les moines de Saint-Gail 
ayant porté le nom d'Ekkehart. 


Nomination — M. ERNEST GAUGLER a été nommé professeur d'exégèse 
du Nouveau Testament, à la faculté de théologie chrétienne-catholique de 
l’université de Berne, en remplacement de M. Ed. Herzog décédé, 


618 CHRÔNIQUE. 


Décès. — M. ÉpouarD HERZoG, professeur à la faculté de théologie de 
Berne et évêque des Vieux-catholiques de Suisse, est mort le 26 mars. N€ à 
Schôngau (Lucerne), le xer août 184r, il fit ses études ecclésiastiques à 
Lucerne, puis aux universités de Fribourg-en-Brisgau, Munich et Tubingue. 
Ordonné prêtre en 1867, il devint immédiatement professeur au séminaire de 
Lucerne. Mais lorsque le mouvement schismatique, dont le concile du Vatican 
fut l’occasion, éclata en Allemagne, M. Herzog s’y rallia aussitôt et reçut la 
direction de la nouvelle paroisse vieille-catholique établie à Crefeld (Rhé- 
nanie). De là il passa à Oiten (Suisse) (1873), puis à Berne (1874). La même 
année il recevait une chaire à la faculté de théologie qui venait d’être fondée 
à l’université de Berne, en faveur des Vieux-catholiques. En 1876, il reçut la 
consécration épiscopale qui lui fut conférée par l’évêque allemand schisma- 
tique Reinkens. Jusqu’à sa mort, il demzura le chef des Vieux-catholiques 
suisses, Outre ses œuvres pastorales. on a de jui quelques travaux historiques: 
Abfassungszeit der Pastoraibriefe, 1872; Beiträge zur Vorgeschichte der 
Christlichen Katholischen Kirche in der Schweiz, 1896; Die kirchliche Sünden- 
vergebung nach der Lehre des hl. Augustin, 1902; Stiftsprobst Josef Durkard 
Leu und das Dogma des 1854. Ein Beitrag zur Vorgechichte des vatikanischen 
Konzils, 1904; Bruder Klaus, 1917. P. M. Jacquin, O. P. 


I. Table particulière de la Chronique. 


(NOTICES ET NOUVELLES.) 


1. Distribution des matières Antonelli, 640. 
par pays. Antoniades, B. 168. 
Anvweiler, E. J. 314. 
Allemagne, 123-135 ; 299-311 ; 577-591. Appuhn, Ch. 162 
Angleterre-Écosse-Irlande, 135-141 ; Sr 
311-318 ; 591-604. 
Autriche, 142 ; 604. 
Belgique, 142-146; 318-326; 604-607. 
Bulgarie, 608. 
Egypte, 146. 
Espagne, 146-149 ; 608. 
États-Unis d'Amérique, 149-150 ; 326- 
329 ; 608-611. 
France, 150-168 ; 329-337 ; 611-631. 
Grèce, 168-170 ; 337 ; 631-632. Banchereau, 334 
Hongrie, 338-341. | Bardv. G 145 Fi 
Italie, 170-177 ; 341-349 ; 632-645. po G 613 
Palestine, 177 ; 645. PÉNNRE L 
Pays-Bas, 177-178 ; 349-352 ; 645-646. 
Pays-Scandinaves, 178-179. 
Pologne, 179 ; 352-353. 
Roumanie, 353 ; 646-647. 
Suisse, 354-355 ; 647-648. 
Tchéco-Slovaquie, 179. 
Turquie, 179-180. 
Ukraine, 355. 
Yougo-Slavie, 355-356. 


Arata, À. 173. 
Arrowsmith, R. S. 597. 
Artner, E. 338. 

Atkins, G. Glensin 328. 
Audollent, 612. 
Babura, L. 338. 

Baix, Fr. 326, 642. 
Balanos, D. M. 631. 
Balanos, D. S. 160. 
Balanyi, G. 338. 


Barker, E. 141. 
Barnard, F. P. 595. 
Barry, J. G. H. 609. 
Bartoniek, E. 341. 
Baskerville, G. 595. 
Bastgen, H. 308. 
Batiffol, Mgr. 306. 
Bauckner, A. 586. 
Bauer, W. 134. 
Bauerreiss, R. 586. 
Baumstark, A. 134, 300, 638. 


2 Notices bibliographiques. Beaufays, L. 604. 


Adam, K. 300. Becker, E. 124. 

Aerts, L. 323. Becker, F. 308. 
Aigrain, 611. Beckerman, Ch. A. 328. 
Albers, P. 616. Beekmah, À. 350. 
Albert, P. 589. Bees, A. Nikos 125. 
Albrecht, O. 129. Bekkers, Th. M. P. 646. 
Aldasy, A. 338. Beltran de Heredia, 149. 
Alivizatos, A. 337. Belvederi, G. Mgr 637. 
Allen, P. S. 138. Bemmann, 133. 
Almedingen, M. E. 600. Benedetti, M. 171, 172. 
Amann, 613. Bergstraesser, L. 131. 
Anderson, A. ©. 136. Berlière, U. 605, 643. 


Androkhovich, A. 355. Bernareggi, A. 343. 


650 


Besckorrner, 133. 
Bessière, M. 135. 
Besson, É. 329-330. 
Best, R. I. 317. 
Bevan, E. x41. 
Biard, 614. 
Bierens-De Haan, D. 351. 
Binchy, D. À. 599. 
Blakeney, E. H. 125. 
Blanc, J. 614. 
Blanchet, À. 625, 626. 
Blok, P. 350. 
Bôlcskey, E. 339. 
Bôle, C. 339. 

Bord, J. 330-331. 
Bournet, L. 621. 
Bouvet, E. 137. 
Bouvier, 613. 

Bover, 149. 

Box, x41. 
Brackmann, À. 307. 
Branchereau, 164. 
Braun, J. 133. 
Braunholtz, H. J. 593. 
Bréhier, L. 333. 
Bresslau, H. 308. 
Bretholz, B. 306, 308. 
Brinktrine, J. 638. 
Brom, G. 351, 644. 
Brooke, G. C. 595. 
Brou, A. 622. 
Broussolle, J. C. 618. 
Brown, Carleton 595. 
Brun, KR. 308. 
Brunhes, G. 616. 
Brutails, J. A. 619. 
Buchberger, N. 307. 
Budge, E. A. Wallis 138. 
Busnelli, G. 343. 
Cabrol, F. 150, 602. 
Calder, W. M. 311. 
Callaey, F. 643. 
Camerliynck, 142. 
Cantarelli, L. 341. 
Capocci, V. 175. 
Carreyre, J. 613. 
.Carrington, 592. 
Casimiri, R. 637. 
Caspar, E. 132. 

Celi, G. 174. 

Chabot, 625. 


TABLES, 


Champault, 623. 
Charles, 322, 323. 
Chenu, 157. 
Chiochetti, P. 343. 
Chiorando, E. 639. 
Chossat, 145. 
Cieszynski, Nic. 352. 
Coenen, 145. 
Colombe, 162. 
Conway, 140. 
Cornell, H. 178, 179. 
Cotton, Ch. 594. 
Coulton, 600. 
Courtoy, F. 620. 
Crawford, H. $S. 602. 
Cuq, É. 625. 

Curtis, E. 314. 
Cuvelier, J. 607. 
Czerminski, M. 352. 
Da Isnella, D. x72. 
Daiton, ©. M. 593. 
Damien, x77. 
D'Angelo, 172. 
Daniëls, P. 145. 
Daucourt, E. 354. 
Davis, H. W. C. 595. 
De Backer, 145. 
Debevec, J. 356. 

de Blic, 613. 

De Caluwe, 320. 

de Cazalès, E. 623. 
Dechamps, P. 333. 
de Ghellinck, J. 145. 
de Grandmaison, L. 320. 
de Laisne, 164. 
Delany, S. P. 328. 

de la Roncière, Ch. 624. 
de Laval, 623. 
Delehaye, H. 607. 

de Luca, G. 342. 
Demartial, À. 334. 
de Mély, 164, 626. 
De Munnynck, M. 343. 
Deschamps, P. 626. 
De Seyn, E. 325. 

Des Forts, Ph: 160. 
Deshoulières, 334. 
Destrée, J. 144. 
Destrez, J. 157, 163. 
de Villeneuve, H. 625. 


Diamantopoulos, A. N. 169, 631. 


TABLE PARTICULIÈRE DE LA CHRONIQUE. 651 


Dibelius, M. 583. 
Dirheimer, G. 623. 
d’Isoz, C. 340. 
Dobschutz, M. v. 577. 
Doelle, F. 589. 
Doergens, H. 584 
Domenici, G. 633. 
Dony, F. 642. 
Draghiceanu, V. 353. 
Drexi, F. 309. 
Dublanchy, E. 154. 
Duckworth, H. T. F,. 599. 
Dumaine, H. 144. 
Dupont, Ét. 163. 
Durand, G. 160. 
Dyovouniotis, K. I. 160. 
Dyovouniotés, K. S. 632. 
Eeles, F. C. 315. 

Ehses, St. 346, 347. 
Engel-Janosi, F. 128. 
Enlart, C. 160, 161, 164, 619. 
Euringer, S. 300. 
Eustratiades, S. 624. 
Evans, J. 136. 

Fage, R. 334. 

Faurey, J. 521. 

Fawtier, R. 313. 
Fenaille, M. 333. 
Férotin, M. 152. 
Ferreira, Mgr 148, 149. 
Ferri, À. 636. 

Fest, À. 341. 


Fierens-Gevacrt, 144, 145, 161. 


Filippini, F. 640. 
Flaskamp, E. 125. 
Flechzig, 133. 
Fletcher, J. R. 590. 
Fliche, À. 145. 
Flower, KR. 136. 
Forget, J. 613. 
Formigé, J. 626. 
Fortescue, À. 315. 
Foschiani, E. 170. 
Fournier, P. 629. 
Fraknôi, G. 340. 
Friedlaender, J. 588. 
Frost, M. 137. 
Galanos, M. 600. 
Galdos, 140. 
Galtier, 154, 618. 
Gardner, À. 139. 


Gascon, 148. 

Gaspar, C. 145. 
Gasquet, Cal 314. 
Gatti, L. 347. 

Gavin, Fr. 149. 
Gemelli, 319. 
Geoffroy de Grandmaison, 162, 163. 
Gérasimchuk, B. 355. 
Geyser, J. 134. 

Gillet, L. 620. 

Gilson, J. P. 3x7. 
Giuseppi, M. S. 601. 
Glück, H. 588. 

Godu, G. 151. 

Güller, E. 346, 639. 
Güorlitz, 133. 
Goetstouwers, J.-B. 606. 
Gogucl, 155. 
Gordillo, 147. 
Gordinsky, Ya. 355. 
Gorris, G. 177. 
Gottron, A. 608. 
Goyena, P. 148. 
Grabmann, M. 300, 309, 343, 586, 587. 
Gradara, C. 636. 
Graham, Hugh 311. 
Graham, KR. 353, 595. 
Grill, J. 301-302. 
Grosjean, 624. 
Gruendlier, ©. 129. 
Grundy, G. B. 136. 
Guénin, 160. 
Guenther, KR. 323. 
Guilday, P. 150. 
Guiraud, J. 621. 
Gulyas, P. 340. 
Hacuser, Ph. 584. 
Hall, H. 591. 

Harent, 612. 
Harnack, Ad. 305. 
Harris, J. R. 126, 311. 
Haslinghuis, E. J. 350. 
Hausenstein, W. 351. 
Hearnshaw, F. J C. 139. 
Hébert, 617. 

Hedde, KR. 616. 
Heidet, L. 300, 301. 
Hennecke, F. 580. 
Hensen, Mgr 644. 
Herbelin, 620. 
Hessen, 587. 


652 


Heymann, 132. 
Hirschauer, C. 641. 
Hodgson, G. E. 3x3. 
Hodur, 170. 

Hocfer, F. À, 350 
Hofer, J. 120. 
Hofmeister, A. 308. 
Holisteiner, J. 638. 
Holmes, Ch. 140. 
Holub, J. 340. 
Homine, P. 355. 
Hood, P. 316. : 
Hoogewerff, 644. 
Horaath, D. 340. 
Hordynskyi, J. 355. 
Horner, G. 593. 
Hubbard, H. L. 137. 
Huelsen, 639. 
Huempfer, W. 314. 
Hughes, L. 311. 
Humbert, 154. 
Innenklopfer, A. 129. 
Jacob, E. F. 596. 
James, N.R. 139, 591, 593, 596. 
Jean, Ch. F. 154. 
Jemolo, A. C. 171, 344, 345. 
Jennings, Brendan 600. 
Jordan, H. 589. 
Jourdain, À. 325. 
Jovy, E. 158. 
Jülicher, À 125, 306. 
Jucrgens, Ad. 590. 
Jugic, M. 154, 613. 
Junker, 320. 

Kalt, 577. 
Karacsonvi, J. 339. 


Kchr, P.F. 128, 132, 172, 307, 589. 


Kinzig, J 129. 

Kirch, C. 582. 

Kirsch, J. P. 300, 346, 039. 
Kleintjes, 133. 

Knox, W.L 328. 
Koenisver, M. A. 299, 300. 
Kobhler, KR. 131. 
Kollmann, I. 644. 
Koppers, 319. 

‘Krammer, 308. 

Krüger, G. 125. 

Krüger, K. 306. 

Krusch, 132. 

Kurth, G. 604. 641. 


TA BLES e 


Lacombe, V, 615. 
Lacour-Gayct, 164. 
Laistner, L. W. 139, 311. 
Lake, Kirsopp 327. 
Lambert, 6x1, 612. 


Lamborn, E. À. Greening 595. 


Lambros, Sp. 169. 
Lameere, J. 143. 
Lampen, W. 634. 
Lanna, D. 343. 
Larfeld, W. 124. 
Lattey, C. 592. 
Lauer, Ph. 104, 626. 
Lawlor, H. J. 3x7. 
Le Bachelet, X. 154, 613. 
Lebacqz, 145. 
Leclercq, H. 150. 
Ledos, G. 332. 
Leeds, M. E. Thurlow 593. 
Lefèvre-Pontalis, E. 334. 
Legrand, L. 612. 
Lehmann, P. 139. 
Leicht, P. S. 344. 
Leisegang, 134. 
Lerche, ©. 133. 
Leroquais, V. 619. 
Leuze, O. 128. 
Lévy-Brubhl, 626. 
Lewis, L. S. 311. 
Leynaud, Mgr 617. 
Liese, W. 130. 
Lindsay, W. M. 139. 
Lisiecki, À. 352. 
Little, A. G. 595. 
Loewe, V. 133. 
Lopez Martinez, 148. 
Lowe,E. A. 317. 
Lowe, W.R. L. 59%. 
Lüers, G. 125. 


Lugano, P. 342, 343, 345, 346. 


Luyckx, B. 352. 

Mac Cabe, J. 315. 
Mac Cullagh, Fr. 600. 
Mac Guire, C. E. 608. 
Mac Inerny, M. H. 593. 
Mac Neil, Eoin 599. 
Mandonnet, 157. 
Mangin, Et. 154. 
Mannix, E. J. 328. 
Marckx, E. 123. 
Marcos, B. 149. 


TABLE PARTICULIÈRE DE LA CHRONIQUE. 


Marinescu, C. 646. Ortolan, 613. 

Marini, N. 618. Ortolani, S. 635. 
Marion, L. 615. Pacifici, V. 343, 344, 633. 
Marion, M. 159. Page, W. 140, 598. 
Martin, C. 610. Papamikhail, Gr. 169. 
Marucchi, O. 174, 632, 633. Paquay, 145. 

Masseron, A. 619. Paquier, 613. 

Mathis, J. 633. Pascal du St-Sacrement, 613. 
Mayeux, 164. Paschini, P. 634, 639. 
Meistermann, B. 156. Pasteris, E. 342. 
Melétios, 632. Pastor, L. v. 589. 
Meller, W. Clifford 137. Pasture, A. 643. 

Merkle, S. 300. Pataky, A. 338. 
Meszlénye, Z. 341. Patek, Fr. 339. 
Meysing, C. N. J. 646. Patricolo, A. 635. 
Michel, À. 154. Pelster, 171. 

Michel, Ed. 145, 619. Pelzer, Mgr À. 143. 
Michetti-Castello, À. 343. Penson, L. M. 130. 
Mikley, P. 584. Perels, E. 308. 

Miller, Dom 585. Perrault-Dabot, À. 160. 
Milne, H. J. M. 306. Pesarini, S. 175. 

Mirot, 625.) Philips, 303-305. 
Miskolczy, Et. 339. Phokylides, J. 146. 
Misserey, L. 158. Pigler, A. 340. 

Mitchell, 140. Pinard, 319. 
Molkenboer, 352. Pirenne, H. 607. 

Mollat, G. 613. Plummer, Ch. 317. 
Monaci, A. 175. | Poole, Reginald L. 594. 
Monahan, M. 328. Porter, A. Kingsley 332. 
Monneret de Villard, 635. Pottier, A. 622. 

Monod, Fr. 332. Poukens, 145. 
Montague, F. C. 130. Power, E. E. 139. 
Monti, G. 633. Powicke, F. M. 139, 600. 
Morghen, K. 640. Prado, 149. 

Müller, G. 133. Praesent, H. 590. 
Mueller, K. A. v. 123. Premoli, P. O. M. 344. 
Munecas, 149. Prévité-Orton, C. W.: 317. 
Munoz, A. 635. Prims, F1. 326. 
Naumann, 308. Prothero, G. W. 315. 
Neale, J. E. 139. Prutz, M. H. 306. 

Nélis, H. 642. Piper, F. 645. 
Neumann, À. 170. Quazza, KR. 640. 

Nève, J. 33r. | Queiroz Velloso, 148. 
Nicholson, Hedley Hope 597. Quoidbach, H. 320-322. 
Noetinger, M. 137. Ranke, 130. 

Nogara, B. 635. Rauer, M. 124. 
Nouaillac, 160. Recchi, M. 636. 

Novelli, À. 634. Regnier, L. 160. 
Oppermann, 350. Reid, H. M. B. 314. 

O’ Rahilly. Th. F. 600. Reinach, S. 163, 333. 


Orbaan, J. A. F. 637. Reinach, Th. 625. 


654 


Reinke-Blach, H. 308. 
Res, A. 356. 

Richen, L. 131. 

Riess, von 300, 301. 
Rivière, H. 161. 

Roche, Em. 178. 
Rodière, R. 160. 
Roersch, À. 326. 
Romeo, P. Galindo 608. 
Roussel, 621. 

Ruecker, À. 127. 
Rulilmann, J. C. 646. 
Rushforth, G. Mac N. 595. 
Salomon, R. 128. 
Sanchez Alonso, B. 146. 
Sander Pierron, 161. 
Saripolos, N. 169. 
Sassen, F. 352. 
Savitcky, P. 307. 
Scheuer, P. 618. 
Schmidt, W. 318. 
Schmitz-Kallenberg, L. 130. 
Schmoeger, K. E. 623. 
Schreiber, G. 123. 
Schrijvers, J. 355. 
Schudt, L. 636. 
Schuenemann, K. 306. 
Schulte, A. 133. 
Schultes, R. 343. 
Schwind, E. v. 132, 308. 
Scott, S. H. 141. 
Seckel, E. 124. 
Sengens, 145. 

Serena, À. 171. 

Seton, W. W. 136. 
Seymour, St. J. D. 312, 596. 
Seymour de Ricci, 163. 
Silvestrelli, G. 639. 
Simon, J. 606. 


TABLES. 


Stange, C. 131. 

Staub, [. 354. 

Stewart, G. C. 609. 
Sthamer, Ed. 305. 
Stratton, À. 130. 
Strecker, K. 132, 308. 
Sturm, À. 306. 

Sulzer, G. 123. 
Switalski, W. 134. 
Sybel, L. v. 306. 
Sykourtes, ]. 632. 
Synave, 157. 

Szabo, Gjuro 355-356. 
Székely, Êt. 338. 

Tafel, S. 139. 
Tamassia, N. 347. 
Taurisano, ]. 633. 
Temperley, H. W. V. 1309. 
Te Riele, W. 350. 
Théoles, H. 620. 
Théry, 158. 

Thieme, U. 308. 
Thomas, À. 163, 164. 
Thurston, H. 138, 314. 
Tillyard, H. J]. W. 136. 
Tomcsanyi, L. 340. 
Tonybee, M. KR. 313. 
Torres Lanzas, P. 147. 
Underhill, E. 138. 
Usenicnik, À. 356. 
Ussani, V. 347. 
Vacandard. E. 611, 643. 
Van Crombrugghe, 320. 
Van den Wijngaert, À. 620. 
Van der Essen, L. 641. 
Van der Hecren, 142. 
Van der Straeten, C. 145. 
Van Mierlo, J. 605. 
Van Stalle, L. 325. 


Sinopoli di Giunta, Mgr G. P. 170, 173. | Van Sul, K. 144. 


Sisam, K. 594. 
Slipyi, J. 179. 
Smith, G. B. 315. 
Smith, R. À. 135. 
Smolders, 145. 
Sniegaron, I. 608. 
Soil de Moriamé, E. J. 325. 
Sommer, C. 638. 
Soppa, W. 126. 
Sotirios, G. À. 632. 
Southwood, J. 598. 


van Veen, J. 350. 
van Wely, J. 352. 
Végh, J. 340. 
Venard, L. 613. 
Venn, J. À. 598. 
Venturi, À. 348, 635. 
Verhelst, Fr. 142. 
Verlant, E. 161. 
Veuillot, Fr. 162, 163. 
Vignaud, H. 158. 
Virolleau, Ch. 164. 


TABLE PARTICULIÈRE DE LA CHRONIQUE. 


Vising, J. 137. 

Viteau, J. 156. 

Vogels, H. J. 300. 
Volk, P. 128. 

Vollmer, M. H. 308. 
Voutiérides, Elias P. 337. 
Walker, T. H. 135. 
Walsh, P. 590. 
Waltzing, J. 326. 
Wasburn, E. Hopkins 326. 
Waterhouse, G. 596. 
Weinberger, W. 139. 
Weisbach, W. 351. 
Wentz, G. 128. 
Werner, M. 578. 
Wessels, C. 598. 
White, W. H. 130. 
Whitney, J. P. 139. 
Wickersheimer, E. 595. 
Williamson, G. C. 137. 
Wilmart, A. 153. 317. 
Wilmotte, M. 322. 
Wilson, H. A. 317. 
Wilson, J. M. 130. 
Woodlock, F. 328. 
Workman, H. B. 317. 
Wunderle, G. 319 
Wundt, M. 585. 

Yeo, N. 

Zarco Cuceva, J. 147. 


8. Collections. Encyclopédies 
et dictionnaires. Entreprises 
scientifiques. 


ALLEMAGNE. 


Liturgiegeschichtliche 
127. 

Liturgiegeschichtliche Quellen, 127. 

Forschungen z. brandeb. u. preuss. 
Geschichte, 128. 

Brieve Martin Luthers, 129. 

Katholische Romantik, 131. 

Der deutsche Staatsgedan'e, 131. 

Biblische Studien, 131. 

Dokumente der Religion, 132 

Monumenta Germaniae historica, 132, 
307, 594. 

Hessische Biographien, 134. 

Kirchliches Handlexicon, 307. 

Allgemeines Lexikon der bildenden 


Forschungen, 


655 


Künstler von der Antike bis zur 
Gegenwart, 308. 

Handbuch zum N. T. 583. 

Forschungen zur christlichen Litera- 
tur- und Dogmengeschichte, 584. 

Bibliothek der Kirchenväter, 584. 

Ecclesia orans, 585. 

Wissenschaftliche Festgabe zum zwôlf- 
hundertjärigen Jubiläum des heiligen 
Korbinian, 586. 

Kôsel, 586. 

Der katholische Gedanke, 586. 

Die Kunst des Ostens in Einzeldar- 
stellungen, 588. 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 


Essays and studies, 136, 

Texts for students, 592. 

The Victoria history of the counties of 
England, 598. 


BELGIQUE. 


Oeuvre nationale pour la reproduction 
des mss. à miniatures, 144. 

Spicilegium Sacrum Lovaniense, 145. 

Dictionnaire historique et géographi- 
que des communes belges, 325. 


ESPAGNE. 


Biblioteca colonial americana, 147. 
Biblioteca filoséfica. Los grandes filé- 
sofos espanoles, 149. 


ÉTATS-UNIS. AMÉRIQUE. 
Universal Knowledge, 609. 


FRANCE. 


Dictionnaire d'archéologie chrétienne 
et de liturgie, 150-153. 

Dictionnaire de théologie catholique, 
154, 612. 

La Picardie historique et monumen- 
tale, 160. 

Documents paléographiques, typogra- 
phiques, iconographiques, 164. 

Les grands pèlerinages de France, 165. 

Bibliothèque du xve siècle, 331. 

Les Saints, 332. 

L'art et les saints, 619. 

Dictionnaire d'histoire et de géogra- 
phie ecclésiastiques, 611. 


656 


ITALIE. 


Studi Sassaresi, 171. 

Italia Pontificia, 172. 

Monografie del collegio Alberoni, 173. 
I libri della fede, 342. 

Corpus nummorum italicorum, 348. 
Orientalia christiana, 349. 

Lateranum, 634. 

Le chiese di Roma illustrate, 635. 


PALESTINE. 


Orientalia et judaica, 645. 


POLOGNE 


Pisma Ojcéw Kosciola (Oeuvres des 
Pères de l'Eglise), 352. 


SUISSE. 
Dictionnaire historique et biographique 


de la Suisse, 354, 647. 


4. Musées, archives 
et bibliothèques. 


ALLEMAGNE. 


Landesbibliothek de Dresde, 134. 
Archives Schnorr von Carolsfeld, 134. 
Geheim Staatsarchiv, 589. 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 


John Rylands Library, 317. 


AUTRICHE. 


Barock museum de Vienne, 142 


BELGIQUE. 
Bibliothèque de l’Université de Lou- 
vain, 317. 
ÉTATS-UNIS. AMÉRIQUE. 
Musée métropolitain de New-York, 332. 
Bibliothèque du Congrès, à Washing- 


ton, 610. 
FRANCE. 


Musée du Louvre, 161. 
Musée Calvet à Avignon, 165 


TABLES. 


Exposition de l'art ancien au pays de 
Liége à Paris, 619. 

Bibliothèque-musée de la guerre, 628. 

Bibliothèque nationale, 628. 


HONGRIE. 


Bibliothèque Széchnémi de Budapest, 
341. 
ITALIE. 


Bibliothèque vaticane, 628, 644. 


JAPON. 


Bibliothèque de l’université de Tokio, 
317. 
5. Congrès. 
ALLEMAGNE. 


Congrès de la Gürresgesellschaft, 132. 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 


Congrès des anglo-catholiques, 140. 

Congrès irlandais de 1932, 599. 

Troisième conférence historique anglo- 
américaine, 601. 


ÉTATS-UNIS. AMÉRIQUE. 


Conférence anglo-américaine de pro- 
fesseurs d'histoire. à Richmond, 602. 
American catholical historical associa- 
tion (réunion des 26-29 déc. 1923), 


610. 
FRANCE. 


Congrès archéologique de France tenu 
à Limoges en 1921, 334. 
57e Congrès des sociétés savantes, à 
Dijon, 626. 
ESPAGNE. 


Congrès hispano-portugais, 148. 
PAYS-BAS. 
Semaine d'ethnologie religieuse de 
Tilbourg (compte-rendu), 318-320. 
POLOGNE. 


Ile Congrès de la Ligue des institutions 
théologiques tenu à Lublin en 1923, 


352: 


TABLE PARTICULIÈRE DE LA CHRONIQUE. 657 


ROUMANIE. 


ler Congrès international des études 
byzantines, 647. 


6. Sociétés savantes (1). 
ALLEMAGNE. 


Preuss. Ak. der Wiss. (Sitzungsberich- 
te), 124, 305, 307. 

Verein zur Pfilege der Liturgiewissen- 
schaft, 127. 

Säksische Kommission für Geschichte, 
133. 

Académie de Prusse, 134. 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 


Bibliographical Society (Transactions), 
139. 

Historical Association, 139, 601. 

Royal Commission on historical monu- 
ments, 140. | 

Royal Irish Academy (Proceedings), 
372. 

Henry Bradshaw Society, 317. 

British Academy (Proccedings), 594. 

British  archaeological Association 
(Journal), 595, 599. 

St. Thomas historical Society (lectures 
1923-1924), 601. 

Royal Society of antiquaries of Ireland, 
602. 


BELGIQUE. 


Société d'art et d'histoire du diocèse 
. de Liége (Bulletin), 320. 

Commission royale d'histoire (Bulle- 
tin), 606. : 

Commission royale des anciennes lois 
et ordonnances de Belgique (Bulle- 
tin), 606. 

Société des études philologiques et 
historiques (réunion), 607. 

Académie royale de Belgique (Annu- 
aire), 607. 


ESPAGNE. 


Real Academia de historia (Boletin), 
149. 
Societat catalana de filosofia (Anuari), 


608. 
ÉTATS-UNIS. AMÉRIQUE. 


American cath. hist. society, 609. 


FRANCE. 


Académie des inscriptions et belles- 
lettres, 163, 334, 624, 630. 

Académie des sciences morales et poli- 
tiques, 164, 334, 025, 630. 

Société nationale des antiquaires de 
France, 164, 335, 626. 

Société des amis de la bibliothèque de 
Lyon, 164. 

Société française d'archéologie, 168. 

Académie d'éducation et d’entr'aide 
sociales, 335. 

Société polymathique du Morbihan 
(Bulletin), 593. 

Société d'histoire moderne, 624. 

Académie française, 629, 630. 


HONGRIE. 


Società unghercse-italiana Mattia Cor- 
vino di scienze, lettere, arti e rela- 
‘zioni sociali, 341. 


ITALIE. 


Istituto storico italiano (Boll.), 175. 

Academie dei Lincei, 341. 

R. Deputazione di storia patria per le 
Romagne (Atti e Memorie), 640. 


ROUMANIE. 


Buletinu Comisiunii Monumentelor 
istorice, 353. 
Académie roumaine. Section histori- 


que (Bulletin), 646. 
UKRAINE. 


Société de Shchevchenko, 355. 


(1) Les Bulletins et les Mémoires des Sociétés savantes sont renseignés sous ce 
h° 6, et non sous les rubriques « Périodiques » ou « Collections » (n°® 8 et 3), 


658 


‘7. Universités et Instituts 
d'enseignement supérieur (1). 


ALLEMAGNE, 


Albertus-Magnus Akademie, 133. 
Université de Giessen, 134. 
ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 

Board of celtic studies (Bulletin), 136. 

Institute of historical research, 139, 
317. 

School of oriental studies (Londres) 
(Bulletin), 598. 

Université d'Oxford, 600. 


FRANCE. 


Institut catholique de Paris, 164. 

Institut français de Varsovie, 164. 

École d'archéologie de l’Afrique du 
Nord, 165. 

Institut de Droit canonique de la Fa- 
culté de théol. cath. de Strasbourg, 
629, 630. 

ITALIE. 

Institut historique belge à Rome, 641. 

Institut néerlandais à Rome, 643. 

Institut scandinave à Rome, 644. 

Institut historique tchéco-slovaque à 
Rome, 644. 

Institut pontifical oriental, 644. 


8. Périodiques. 


ALLEMAGNE. 


Neue kirchliche Zeitschrift, 124. 

Zeitschrift für Kirchengeschichte, 124. 

Byzantinisch-neugriechische Jahrbü- 
cher, 124, 125. 

Zeitschrift für Missionswissenschaft, 
125. 

Theologische Literaturzeitung, 125, 
306. 

Neues Archiv, 128. 

Benediktinische Monatschrift, 128. 

Zeitschrift für Bücherfreunde, 128. 

Hochland, 120. 

. Zeitschrift für systematische Theolo- 

gie, 131. 


TABLES. 


Jahresberichte der deutschen Ge- 
schichte, 133. 

Zeitschrift für die Geschichte des Ober- 
rheins, 134. 

Oriens christianus, 134. 

Litcrarisches Zentralblatt für Deutsch- 
land, 309, 590: 

Rômische Quartalschrift f. christl. Al- 
tertumskunde und für Kirchenge- 
schichte, 346, 638. 

Zeitschrift f. d. neutest. Wissenschaft, 
578, 585. 

Archiv für Religionswissenschaft, 58r. 

Das Land der Bibel, 584. 

Zeitschrift der Gesellschaft f. Befôrde- 
rung der Geschichts-, Altertums- 
und Voilkskunde von Freiburg, 589. 

Franziskanische Studien, 589. 

Beiträge zur bayer.Kirchengesch., 589. 

Preussische Jahrbücher, 590. 


ANGLETERRE-ÉCOSSE-IRLANDE. 


Bulletin of the John Ryland Library, 

126, 311, 313. 
English historical review, 136, 313. 
Laudate, 136. 
Theology, 137. 
Burlington magazine, 140, 589. 
Journal of theological studies, 306, 602. 
The Month, 314. 
Cambridge historical journal, 317. 
Irish ecclesiastical Record, 593. 
Times literary supplement, 593, 597. 
Antiquaries journal, 593, 595. 
Times, 594. 
Modern language review, 594, 596. 
The Tablet, 598. 
Notes and queries, 599. 
Studies, 599. 
History, 600. 

AUTRICHE. 

Oesterreichische Rundscbau, 128. 
Historische Blätter, 604. 


BELGIQUE. 


Ephemerides theologicae lovanienses, 
145, 314- | 


(1) Les collections proprement universilaireS sont rénseignées sous ce n° 7 et 
non pas sous la rubrique « Collections » (n° 3). | 


TABLE PARTICULIÈRE DE LA CHRONIQUE, 


La Terre wallonne, 326. 

Revue belge de philosophie et d'his- 
toire, 605. 

Dietsche Warande en Belfort, 605. 

Analecta ordinis Praedicatorum, 606. 

Questions liturgiques et paroissiales, 
620. 

Namurcum, 607, 620. 

Byzantion, 607. 


ESPAGNE. 


Revista franciscana, 149. 
Archivo-ibero-americano, 608. 


ÉTATS-UNIS. AMÉRIQUE. 


The american Church monthly, 141, 
328, 609. 
Harvard theological review, 327. 
The catholic his'orical review, 327, 
328, 610. 
FRANCE. 


Bulletin monumental, 168, 333 

Revue d'histoire franciscaine, 165, 336. 

La France franciscaine, 165. 

Revue d'histoire de la guerre mondiale, 
162. 

Revue de l'art ancien et moderne, 161, 
333: 

Gazette des beaux-arts, 161, 332, 619. 

Fiches du mois, 336. 

Revue du clergé français, 579. 

Revue biblique, 581. 

Revue d’ascétique et de mystique, 618. 

Moyen Age, 619. 

Revue d'histoire des missions, 624. 

Débats, 628. 

Revue de l'art, 647. 


GRÈCE. 


"ExxAnoraotixds Dapos, 146. 
’ExxAroïa, 170. 

"Avyaraois, 631. 

Kunpiaxz ypouxa, 632. 
Kurpzixn Erbeopnots, 632. 


HONGRIE. 


Magyar Kônyuszemie (revue bibliogr. 


hongroise), 340. 


ITALIE. 


Archivio veneto-tridentino, 171. 

Civiltà cattolica, 171, 172, 174, 633. 

Nuovo bolletino di archeologia cris- 
tiana, 174, 175, 348. 

L’Arte, 177. 

Rivista storica benedettina, 342, 343. 
Scuola cattolica, 342. 

Athenaeum, 343. 

Rivista storica italiana, 344. 

Studi medievali, 347. 

Didascaleion, 347. 

Rivista di archeologia cristiana, 348. 

La rivista fiumana, 349. 

Bessarione, 349. 

Gregorianum, 588. 

Archivum franciscanum historicum, 

634. 

Psalterium, 637. 

Roma, 639. 

Archivio della società romana di storia 

patria, 640. 


PAYS-BAS. 


Historisch Tijdschrift, 178, 646. 

De Beiaard, 351-352. 

Tijdschrift voor nederlandsche taal en 
letterkunde, 605. 


POLOGNE. 


Bogoslovia, 179. 
Polska odrodzona, 179. 
Roczniki (annuaires) katolickie, 352. 


ROUMANIE. 
Theologia, 647. 
SUISSE. 
Divus Thomas, 587. 
UKRAINE. 
Bohoslovia, 355. 
YOUGO-SLA VIE. 


Narodna Starina, 355-356. 
Dom in Sviet, 356. 


660 


9. Nominations. 


Voir payes 133, 141, 165-166, 170, 
309-310, 336-337, 353, G02, 608, 631, 
647. 


10. Notices nécrologiques. 


Allais, G. 167. 

Babelon, E. 168. 
Baring-Gould, S. 317. 
Basset, KR. 337. 

Bellet, Mgr 337. 

Birch, W. de Gray 603. 
Bloch, 168. 
Bouché-Leclercq, A. 166. 
Cagin, P. 166. 

Chabert, S. 337. 
Chaponnière, Fr. 354. 
Chevalier, U. 167. 
Conybeare, Fr. Cornvallis 318. 
Cramer, Fr. 310. 

Croiset, A. 166. 

de Boccard, KR. 354. 

de Fleury, 168. 
d'Estournelles de Constant, 63c. 
Dill, S. 603. 

Droz, E. 167. 

Edmonds, C. 141. 

Egan, M. F. 6r0. 
Ehrhardt, P. 135. 
Endres, À. 310. 
Eschbach, 167-168. 
Esser, G. 310. 
Fejerpataky, L. 341. 
Fowler, J.-Th. 602. 
Gamuririni, G. Fr. 177. 
Gardiner, R. Hallowed 611. 
Gibson, E. C.S. 602. 


TABLES. 


Gothein, E. 135. 
Grauert, v. 310. 
Griselle, E. 166. 
Grossi-Gondi, 177. 
Herzog. Éd. 648. 
Hoberg, G. 310. 

Hunt, Gaillard 610. 
Jenkinson, F. J]. H. x4r. 
Kanzier, Bon KR. 349. 
Kippenberg, O. 135. 
Lefèvre-Pontalis, E. 168. 
Léger, L. P. M. 167. 
Leitschuh,.F. F, 355. 
Lewis, G. 602. 
Margoliouth, G. 603. 
Marx, J. 310. 
Mathorez, J. 166. 
Mérimée, E. 337. 
Middleton, Th. C. 329. 
Morley, J. ar. 
Natorp, P. 310. 
Pingaud, L. 166. 
Pooler, L. A. T. 604. 
Preisigke, 310. 
Rashdall, Hastings 602, 
Ritter, M. 310. 

Saura Lehoz, P. 149. 
Schwartz, W. 310. 
Slater, W. F. 603. 
Smith, À. Lionel 603. 
Smith, J. Talbot 328 
Stanton, V. H. 603. 
Vernes, M. 167. 
Vollmer, Fr. 135. 
Wace, H. 318. 

Waltz, À. 166. 

Ward, A. W. 604. 
Zabughin, W. 177. 


Il. — Table générale des matières. 


1. — ARTICLES. 


R. DRAGUET. UN COMMENTAIRE GREC ARIEN SUR JOB . : ; 38-65 

A. FLICHE. LE PONTIFICAT DE VICTOR III (1086-1087) . . 331-412 
L. GOUGAUD, 0.S.B. LA PRIÈRE DITE DE CHARLEMAGNE ET LES PIÈCES 

APOCRYPHES APPARENTÉES . . : ; . 211-238 

I. La lettre du Christ à Abgar. | ; ; 5 212 


If. Lettre du dimanche . . : : ë ’ 213 
III. Lettres-amulettes tombées du ciel . ; ‘ 215 
IV. La mesure du corps du Christ . ; | . 216 
V. La mesure de la pluie du côté . : ; : 293 
VI. La prière de Charlemagne : 227 
J. LEBON. LA POSITION DE SAINT CYRILLE DE déRvS SA LEN DANS 
LES LUTTES PROVOQUÉES PAR L’ARIANISME 181-210; 357-386 
J. LEBRETON. LE DÉSACCORD DE LA FOI POPULAIRE ET DE LA THÉO- 
LOGIE SAVANTE DANS L'ÉGLISE CHRÉTIENNE DU 
IIS SIÈCLE (suiteetfin) . ï : 5-37 
P. RICHARD. LA MONARCHIE PONTIFICALE JUSQU'AU CONCILE DE 
TRENTE ; : : ‘ . 413-456 
I. Une nouvelle méthode historique Nu propos de 
la monarchie pontificale , : ; | 413 
II. Origines de la monarchie pontiicale. DS ; 419 
II, La monarchie pontificale et le népotisme. : 430 
IV. La coalition contre Rome. : ‘ ” ’ 442 
V. La papauté et le parti réformiste ; ’ ’ 443 


3. — MÉLANGES. 


P. Debongnie, C. SS. R. Le chroniqueur de Saint Séverin . : . 465-476 
E. de Moreau, S. J. Le transfert de la résidence des évèques de Tongres 
à Maestricht : : : ë . 457-464 
E. Tobaco. Faut-il admettre une vie el une lettre de s. Paul aux 
Corinthiens entre les deux épitres canoniques ? ; : . . 66-71 
E. Tobac. "oe de oafBaror…. .  _. . 239-243 


E. Tobao. Note sur la doctrine du Christ, Nonel Len. : | . 243-247 


8. COMPTES RENDUS. 


A. Adam. Guillaume de Saint-Thierry, sa vie et ses œuvres. (P. DEBONGNIE.) 264 
L. André, voir E. Bourgeois. 
J. B. Aufhauser. Christentum und Buddhismus im Ringen um Fern- 

asien. (A. DE MEYER.) . ; ‘ , : é ‘ À ‘ . 220 


RBVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, XX. 43 


662 TABLES. 


P. Batiffol. Le Siège apostolique (359-451). (J. FLAMION.) . 

J. Bédier, voir E. Hanotaux. 

À. Birkenmayer. Vermischte Untersuchungen zur Geschichte der mittel- 

alterlichen Philosophie. (R. M. MARTIN.) 

C. Boeckl. Die Eucharistielehre der deutschen Mystiker de Mittelalers. 
(R.-M. MARTIN.) ; ; 

A. Boinet. La cathédrale d'Amiens. (A. FLICHE.) . 

C. R. Borland. A descriptive catologue of the western mediaeval manus- 
cripts in Edinburgh University Library. (J. DE GHELLINCK.) . : . 

F. Bourgeois et L. André. Les sources de l'histoire de France. xviie 
siècle (1610-1715). T. IV. Journaux et Pamphlets. (G. MOLLAT.) 

J. Boutet. Saint Cyprien, on de Carthage et DE (210-258). L. 
(J. FLAMION.). : 

L. Brochard. Histoire de la paroisse et de l égise S Saint-Laurent à Paris. 
(J. LAVALLEYE.) ; 

G. Buschbell, voir Concilium Tridentinum. 

H. Busson. Le: sources et le développement du ralionalisme dans la litté- 
rature française de la Renaissance (1335-1601). (G. DOUTREPONT.). 

M. W. Healy Cadman. The last journey of Jesus lo Jerusalem. 
(J. COPPENS.). ; ë . 
Marc. Chossat, S. J. La Sôroie des Senences, « œuvre de Hugues de 

Mortagne, vers 1515. (E. DE MOREAU.) . 

Concilium Tridentinum. Diariorum, actorum, cpiétoharure: écciiun 
nova collectio. Ed. Societas Goerressiana. T. VIII. Actorum pars V, ed. 
St. Ehses. T. X. Epistolarum pars 1, ed. G. Buschbell. (R. MicueL.) 

G. G. Coulton. Five centuries of religion. T, 1 : St Bernard, his predeces- 
sors and successors, 1000-1200. (J. DE GELLINCK.) . ‘ 

P. A. Daniels. Eine lateinische Rechtfertigungsschrift des Meister Eck- 
hart. (R.-M. MARTIN.) ; s ; 

P. de Corswarem. De liluryische boeken der kollegiale kerk van Ton- 
geren vôér het concilie van Trente. (P. DE PUNIET.) . . 

P. de la Gorce. Hisioire religieuse de la Révolution nr T. v. 
(A. DE RIDDER.) . : . 

G. de Vallons. Le lomaine de l'abbaye de Cluny aux x°et xI° siècles. 
(J. LAVALLEYE.) 

ard. Vie de Gharlemagné. éditée et traduite par L. Halphen. 
(A. FLICHE.) . . > ‘ 

St. Ehses, voir Concilium Tridentinum. 

KR. Henri Fouqueray, S. J. Histoire de la Compagnie de Jésus en 
France. Tome 111 : Epoque de prourès (1605-1623). (A. PASTURE.). 

P. Fredericq. Corpus Docuinentorum sacralissimarum indulgentiarum 
neerlandicarum. (A. JANSSEN.) à 

À. Gazier. Histoire générale du ln (A. DE MEYER. ) 

Ch. Th. Gérold. La Faculté de théologie et le séminaire protestant de 
Strasboury (1803-1872.) (E. DE MOREAU.) ; | : . ‘ 

G. Ghedini. Lettere cristiane dai papiri greci del ii e 1v bio. (R. DRA: 
GUET.) : 

P. Guilday. The life and ue of join Carroll, ArchbEton of Bülifinoe 
(175-1815). (D. B. HEURTEBIZE.). 

L. Halphen. voir Éginhard, 


e e . e . + . 


516 


960 


265 


528 


269 


TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈRES. 


R. Hamann. Deutsche und franzôsische Kunst im Mittelalter. 1. Süd- 
franzôsische Protorenaissance und ihre Ausbreiluns in Deutschland. 
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G. H:idiagsfelder. Albert von Sachsen. Sein Doha ot sein Kom- 
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G. J. Hoogewerff. De ontwikkeling der italiaansche Renaissance. (R. 
MAERE.). ; ‘ | 

F. J. Foakes Jackson. an introduction: to the Hisiory of Chatiaoiy 
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F. J. F. Jackson et K. Lake. The Den nai of dan T. Le The 
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pauvres (1848-1905). (J. FORGET.) . ‘ È 

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G. Lizerand. Le dossier de l'affaire des Templiers, édilé et traduit. 
(A. FLICHE.) . ; e 

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C. Looten. Shakspeare et la Relision. (L. ANTHEUNIS.) e 

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2e partie. (A. FLICHE.) 

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C63 


d12 
302 
24 


17 
107 


664 . TABLES. 


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H. E. Pearce. Thomas de Cobham, Bishop of Worcester (1317- 1327). 
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Ch. Poulet. Guelfes et Gibelins, T. I-IL. (É. DE MOREA. ). } 

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H. Quentin. Mémoire sur l'établissement du texte de la Vulgate. 1r° partie : 
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D. L. Redonet. El trabajo manual en las reglas no {L. GoLDA- 
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Tb. Ruther. Die Lehre von der Erbsünde bei Clemens von Alexandrien. 
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Episcopi Lugdunensis. (J. DE GHELLINCK.) . ë 

GC. G. Scherer. Die Strassburyer Bischôfe im véstitnéstren. (A. FL. ICRE.). 

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J. Schmitz et N Nieuwland. Documents pour servir à l'histoire de 
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A. Schulte, Die Kaiser- und Kônisskrünungen zu Aachen. 8131531. (E. 
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E. G. Selwyn. The first Book of the etc of John Forbes of Corse. 
(G. AUBOURG . : ; - 

E. G. Sihler From August 16 dsnine (. FL Ion) . ; : 

The Spirit of Saint Jane Frances de Chantal as shown by her letters, Lrans- 
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H. Stadler. Albertus Magnus, De Animalibus libri XXVE. (R.-M. MARTIN.) 

W. von den Steinen. Das Kaisertum Friedrichs des Zweiten nach den 
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G. Tangl. Das Resisler Innocenz’ III. über die Reichsfraye. (E, JORDAS.) 

J. Thermes. Le bienheureux Robert Bellarmin. (1542-1621). (A. PASTURE.) 

C. Thion. La principauté et le diocèse de . sous Robert de Beryhes 
(1557-1584). (PL. LEFÈVRE.) | ’ ; ; ; 

L. Todesco. Corso di storia della Chiesa. Vol. 1 : J primi 300 anni. (A. DE 
MEYER.). : . i ; ; : ; ; Ë ; : 4 


114 


94 


349 


253 


TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈRES. 665 


C. H. Turner, voir W. Sanday. 


J. Vallery-Radot. La cathédrale de Bayeux. (A. FLICHE). : ; 92 
Bertrand van der Schelden. La Franc-maçonnerie belge sous le régime 
autrichien (1721-1794). (A. VAN HOVE.). : 289 
P. Vitton. [ concetti giuridici nelle opere de Tertulliano. (P. PASCHINI.) 511 
A. W. Wade-Evans. Life of Saint David. (L. GOUGAUD.). : ; . 89 
H. J. Warner. The Albigensian heresy. (E. DE MOREAU) : ‘ ; 101 


4. CHRONIQUE. 
(Voir pages 649-660 la Table particulière de la chronique.) 


5. TABLES. 

L. Table particulière de la chronique. : ; ; ; : ; : 649 
Il. Table générale des matières . ; ; ; 5 ‘ ; $ : 661 
(BIBLIOGRAPHIE.) 

(La Bibliographie, ayant une pagination spéciale, forme un volume à part de 

340* pages.) 
On y trouvera à la fin trois tables : 
[. TABLE ONOMASTIQUE . ‘ : . : ; ‘ : : : 301* 
Il. REVUES DÉPOUILLÉES. SIGLES ‘ > : : : ‘ : 332* 


111. TABLE GÉNÉRALE DE LA BIBLIOGRAPHIE nn: s ; . : 338* 


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